Planète Santé N°32

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Seniors à domicile : DES soins connectés # 32 – décembre 2018

Les apports de la chronobiologie ● Faire face aux gênes oculaires ● Déménagement et bien-être ● Parler de sexualité avec son ado ● Être parent et rester un couple ● Cancer du sein : nouvelles données ● Quiz : testez vos connaissances sur l’alimentation ● Rencontre avec Pat Burgener ● Quand les articulations craquent

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Michael Balavoine rédacteur en chef Planète Santé

Seniors : la technologie comme planche de salut ?

I

l fut une époque où décrire l’appartement idéal pour la personne âgée se résumait à quelques conseils. Enlever les tapis pouvant provoquer une chute, équiper la baignoire pour faciliter son accès, surélever le lit. Ou encore, plus récemment, se doter d’un bracelet électronique pour avertir ses proches en cas de chute. Dire que les choses ont changé ces dix dernières années est un euphémisme. On ne compte plus les objets connectés capables de contrôler en temps réel l’état de santé, les applications pour muscler le cerveau ou encore les piluliers intelligents. Bref, un ensemble de dispositifs « intelligents » est désormais disponible, au service de la personne âgée. En attendant les robots, dont on promet qu’ils amélioreront la gestion de la santé des seniors, voire seront un remède à la solitude. Mais attention aux fausses promesses : cette déferlante technologique ne réglera pas les problèmes existentiels des aînés. En revanche, ces nouveaux outils devraient permettre un bien meilleur suivi des personnes malades à domicile, en donnant la possibilité aux soignants de surveiller à distance, de façon continue,

les paramètres vitaux des patients à risque. En d’autres termes, ce que va amener cette miniaturisation de l’appareillage technologique, c’est le déplacement d’une partie des soins encore pratiqués à l’hôpital vers le domicile. L’arrivée de ces outils hors des établissements stationnaires va entraîner une révolution dans la manière de donner les soins. En permettant une meilleure collaboration des professionnels impliqués, elle améliorera la prise en charge des patients âgés, généralement touchés par plusieurs pathologies. Ce qui en retour facilitera leur maintien à domicile, et cela dans de bonnes conditions de confort. Reste à savoir si tous les seniors pourront profiter de la même manière de ces progrès. Seront-ils assez bon marché pour être largement accessibles ? Ou leurs bienfaits seront-ils réservés aux plus riches ? Le cadre légal d’accompagnement de ces transformations n’est pas encore complètement fixé. Espérons que les humains « augmentés » – ou accompagnés dans leur vieillesse – par la technologie ne seront pas seulement les plus aisés. Face au nouveau monde technologique, il importe plus que jamais que la société reste solidaire. ●


SOMMAIRE

planète santé # 32 – décembre 2018

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6 DOSSIER

L’innovation digitale frappe à la porte des seniors Dr Andreas Hottinger

Qualité de vie

12 « Cela prendra beaucoup de temps, mais on arrivera à venir à bout des tumeurs cérébrales »

30 Habitat et bien-être, des liens étroits

Recherche

16 La chronobiologie pour administrer le bon médicament au bon moment Science

18 Le haut potentiel, fantaisie ou réalité ? Parents

20 Comment parler de sexualité aux ados

Alimentation

32 Consommation de sel : faut-il revoir les recommandations ? Oncologie

34 Cancer du sein : éviter la chimiothérapie grâce aux tests génétiques Quiz

36 Que savez-vous sur l’alimentation ? JURIDIQUE

38 Les droits du patient mineur

EN BREF

22 La misophonie La pilule pour les hommes De la lumière bleue contre l’eczéma ●

Mindfulness

24 La méditation de pleine conscience pour soulager la maladie Pratique

26 Les yeux, un bien précieux

Famille

40 Parentalité et couple, les liaisons dangereuses

42 La sinusite Corps

46 Le mystère des « cracs » articulaires

ZOOM

28 Ostéoporose : le remède peut être pire que le mal

FICHE MALADIE

Pat Burgener

48 « Quand on fait les choses par passion, l’énergie jaillit naturellement »


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dossier

L’innovation digitale frappe à la porte des seniors L’avènement du digital a entraîné de rapides et profonds changements dans notre société. Au départ expérimentaux, les objets connectés font de plus en plus partie de notre quotidien. Un nouveau marché auprès des seniors commence même à se développer. Et avec lui, la promesse de simplifier les réseaux de soins et faciliter la vie des personnes prises en charge à domicile.

©iStock/nito100

TEXTE Aude Raimondi

planète santé – décembre 2018


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ans nos smartphones mais bientôt aussi dans nos frigos, nos fauteuils et même nos chaussures… le digital est partout ! La révolution numérique s’introduit dans notre vie quotidienne au travers d’objets connectés plus innovants les uns que les autres. Dans le monde des soins aussi, de grands bouleversements sont en marche. La technologie va contribuer à remodeler notre système de santé. « Il y a aujourd’hui un vrai fossé entre l’hôpital et le domicile du patient, constate le Pr Antoine Geissbuhler, médecin-chef du Service de cybersanté et télémédecine aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Mais grâce aux progrès technologiques, de plus en plus de soins pourront être mis en place à domicile ». Il faut dire qu’éviter une hospitalisation peut avoir un certain nombre d’effets bénéfiques. Financiers, notamment. Les coûts de seulement quelques jours d’hôpital correspondent à environ un mois de prise en charge à la maison. De plus, une personne fragile a tout intérêt à être soignée à son domicile où elle sera moins exposée aux infections nosocomiales. De manière générale, le souhait de pouvoir être suivi chez soi est partagé par une grande partie de la population, en particulier les seniors. Ceux-ci tiennent souvent à rester dans un lieu qui leur est familier. Pour répondre à ce besoin, le digital se profile donc comme une solution de premier plan. « Que ce soit la visiophonie, la domotique ou encore les capteurs intelligents, de nombreux


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dossier

outils permettent un suivi rapproché des patients, sans qu’ils aient besoin de se déplacer », ajoute le Pr Geissbuhler.

Une cellule d’innovations Directement concernés, les professionnels des soins à domicile s’attellent aussi à répondre à cette demande. L’institution genevoise de maintien à domicile (imad) a même fait de l’innovation digitale un de ses pôles de compétence. Une cellule spéciale travaille en permanence à repérer de nouveaux outils capables de faciliter la vie des personnes prises en charge à la maison. « Grâce au numérique, nous espérons encore mieux personnaliser les soins et simplifier l’échange d’informations entre les différents réseaux, explique Ludovic Barrès, responsable du service transformation numérique à imad. De cette manière, le parcours de soins pourra être facilité. »

Améliorer la communication Médecin de famille, pharmacien, intervenants à domicile, cellule familiale : tout un monde gravite autour de la personne aidée. Pour éviter qu’elle ne doive transmettre elle-même les informations à chacun (ce qui est parfois une source de stress), le digital permet de les rassembler et les communiquer au bon moment à la bonne personne. Une amélioration importante, puisque les interventions à domicile ne cessent de se complexifier. Le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques entraînent une évolution des prises en charge. Beaucoup de patients ont désormais besoin de plusieurs visites, pour différents types d’intervention chaque jour. « Les nouveaux moyens de communication, comme la télémédecine, la visioconférence, les robots sociaux ou encore les assistants vocaux, sont autant d’outils qui permettent à la fois

d’améliorer les prises en charge complexes mais aussi de lutter contre le sentiment d’isolement de certaines personnes », indique Ludovic Barrès.

Une mise sur le marché contrôlée De manière générale, les objets de santé connectés sont soumis à de strictes évaluations avant d’être commercialisés. Beaucoup de fabricants espèrent ainsi obtenir le label « objet de santé », qui garantit ses qualités dans le domaine

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alors développer un projet pour l’utiliser dans nos pratiques quotidiennes. » La sécurité des données est également une priorité. Beaucoup s’inquiètent à juste titre que leurs données de santé puissent être récupérées par des tiers, comme par exemple les assurances maladie. Avant d’utiliser un objet connecté, il est donc primordial de se renseigner pour savoir qui a accès à quelles informations. A imad, les spécialistes de l’innovation prennent en compte tous ces critères pour déployer ou non l’utilisation d’un nouvel outil. L’objectif central étant toujours de proposer aux personnes des objets qui favorisent l’autonomie à domicile sans mettre en péril les informations personnelles.

“Avant d’utiliser un objet connecté, il est primordial de se renseigner pour savoir qui a accès à quelles informations„

médical. S’il ne remplit pas toutes les conditions, il se verra alors attribuer le statut d’« objet de bien-être ». La cellule d’innovation de imad s’assure par ailleurs que ces nouveaux outils correspondent aux besoins des patients et apporte une vraie plus-value clinique ou de bien-être avant de les utiliser. « Nous faisons beaucoup de veilles de marché, confirme Ludovic Barrès. Chaque objet qui nous intéresse est soumis à une analyse pointue afin de déterminer s’il correspond à nos standards d’usage, d’éthique, de sécurité, etc. S’il nous paraît particulièrement convaincant, nous pouvons

Fracture numérique ? Une grande partie des personnes prises en charge par des institutions comme imad sont des seniors. Est-ce vraiment idéal de les encourager à utiliser de tels outils technologiques ? La fracture numérique n’est-elle pas trop importante ? « Au contraire, assure Sylvie Mihaylov, cheffe de projet innovation à imad. Beaucoup de personnes âgées ont un intérêt pour l’informatique, mais se sentent souvent


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gênées de ne pas en maîtriser l’utilisation et n’osent pas poser de questions. Pourtant, la plupart ont une vraie volonté de rester à la page. La technologie leur permet notamment de garder du lien avec leurs proches. » Tant que le digital répond à ce besoin, il ne serait donc pas si difficile à faire accepter aux patients plus âgés. Pour le Pr Christophe Büla, chef du Service de gériatrie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), l’interface est primordiale. Afin qu’un nouvel outil soit bien accepté, il doit avant tout être simple d’utilisation et intuitif. De plus, il

est important selon lui que sa fonction se limite à de l’assistance et ne remplace pas le contact humain. Au contraire, il devrait plutôt contribuer à le renforcer. « Si un robot capable de faire des lits permet de libérer du temps au personnel soignant pour s’occuper des patients, alors c’est selon moi une très belle plus-value. » A imad, on souligne également que pour qu’un objet trouve son public, il doit être le moins stigmatisant possible (c’est-àdire qu’il ne donne pas d’indication sur l’âge, la maladie ou le handicap de la personne). Un produit qui sert juste à rassurer les proches aura de fortes chances

d’être rejeté. « La chaussure connectée capable d’alerter en cas de chute (lire ci-dessous, ndlr) est un bon exemple d’objet à l’intérieur duquel l’innovation passe complètement inaperçue, illustre Sylvie Mihaylov. Il n’y a besoin d’aucun mode d’emploi pour l’utiliser, c’est ce qui fait son intérêt. » La recette imparable pour que de tels objets connaissent le succès auprès des seniors : répondre à un besoin concret et être simple d’utilisation. Nul doute qu’en respectant ces deux conditions, le digital n’a pas fini de s’introduire dans nos maisons. ●

Des objets connectés qui simplifient le quotidien En cours de développement ou déjà sur le marché, ces objets « facilitateurs de vie » ont pour objectif de contribuer au maintien à domicile. Grâce à la technologie digitale, leur rôle est d’apporter confort, sécurité et contacts sociaux.

Chaussures connectées Pour qu’un objet soit facilement adopté au quotidien, il faut avant tout qu’il s’intègre bien dans l’environnement sans être stigmatisant. C’est l’objectif de la chaussure e-vone® qui détecte les chutes et est capable de localiser son porteur à l’intérieur comme à l’extérieur. Lorsque la personne tombe, elle envoie un signal à un proche de confiance. Elle vibre ensuite pour informer que l’alerte a bien été donnée. Ce processus automatique évite que la personne n’hésite à contacter des secours pour « ne pas déranger ». Et comme la chaussure existe en plusieurs modèles, il est possible de choisir un look qui plaise à chaque individu. Encore plus discrète qu’une montre de secours classique, la chaussure connectée est un objet du quotidien qui passe complètement inaperçu.


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dossier

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Bandeau lumineux Les chutes à domicile sont un véritable problème de santé publique. Avec l’âge, tomber entraîne souvent de nombreuses conséquences sur l’état de santé général. La nuit est un moment particulièrement critique pour l’équilibre : entre le sommeil et le manque de lumière, on est plus facilement désorienté. Le chemin lumineux Etolya® est placé en bas du lit et dans la salle de bains. Contrairement à une veilleuse classique, il ne s’allume que lorsque la personne se lève, avant que ses pieds ne touchent le sol, et n’altère donc pas la qualité du sommeil. Mais surtout, il permet d’éclairer un chemin et de sécuriser le déplacement. Grâce à une fonction supplémentaire, il peut signaler aux proches quand la personne se lève ou les avertir si elle n’a pas regagné son lit.

Robot social

Oreiller connecté

Une chose est sûre, les robots ne remplaceront jamais la chaleur apportée par les contacts humains. Mais pour les personnes isolées ou dépendantes, ils peuvent offrir une variété d’activités et de services susceptibles d’améliorer le quotidien. Le robot Cutii® est par exemple équipé d’un système de reconnaissance vocal, qui permet de l’utiliser intuitivement, uniquement à l’aide de la voix. Il se déplace à volonté et peut appeler les proches grâce à la visioconférence. A l’avenir, ce type de robot pourrait également être utile pour des consultations de télémédecine et donc faciliter la prise en charge à domicile. Grâce à la vidéo, il offre notamment la possibilité de participer à des activités à distance. Au-delà de l’objectif social, ce robot a aussi une fonction d’alerte : il est par exemple capable de détecter si quelqu’un tombe, auquel cas il avertit les proches et permet de maintenir la communication avec la personne à terre.

Les nuisances sonores font partie des plus fréquents problèmes de voisinage. Il est vrai qu’avec une audition en baisse, on a parfois tendance à monter le son de la télévision un peu trop fort. L’oreiller connecté Hifinnov® se pose directement sur un fauteuil. Un système de transmission du son très innovant, qui utilise la conduction osseuse, permet de regarder la télévision ou d’écouter de la musique avec un volume adapté. Une fois la tête posée sur l’oreiller, il est possible de régler le volume comme on le souhaite, sans l’imposer à son entourage. Il est aussi compatible avec les appareils auditifs. Point important, ce type de dispositif est très discret car il s’intègre dans le mobilier existant.


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Robot assistant pour les tâches ménagères Lorsqu’on souffre de problèmes de mobilité ou d’importantes douleurs, se baisser devient parfois un geste pénible à effectuer. Dans certains cas, cela entraîne même un risque accru de chute. Des gestes quotidiens comme le ménage sont alors compliqués à effectuer soi-même. Si l’assistance d’autrui n’est pas envisageable, le robot laveur Braava® peut rendre ce service en jouant le rôle de serpillière. Il est relié à une application web qui permet par exemple de l’enclencher à distance ou de planifier le nettoyage un jour précis de la semaine. Grâce à un smartphone, il est également possible de surveiller l’activité du robot et voir quelle surface a été couverte.

Verre connecté Chez une personne âgée, le sentiment de soif a tendance à s’atténuer. Par conséquent, il est plus difficile de compenser les pertes hydriques, en particulier pendant une période de forte chaleur. Certains traitements médicamenteux peuvent aussi augmenter la quantité d’urine et entraîner une déshydratation. Passé un certain âge, il faut donc apprendre à boire sans avoir soif. Pour faciliter la tâche, des verres connectés comme Auxivia® sont dotés d’une partie lumineuse qui s’active lorsqu’il faut boire. A l’intérieur du verre, un senseur similaire à celui des smartphones détecte le mouvement et permet ainsi de connaître la quantité bue par la personne. Si ce n’est pas assez, le verre clignote doucement en bleu pour rappeler qu’il est temps de boire. Et ne vous avisez pas de jeter le contenu dans les plantes, le verre le saura !


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Interview

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Dr Andreas Hottinger

« Cela prendra beaucoup de temps, mais on arrivera à venir à bout des tumeurs cérébrales » Discipline médicale récente, la neuro-oncologie traite les patients souffrant d’une tumeur au cerveau ou de la moelle épinière. Directeur clinique de l’unité de neuro-oncologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Andreas Hottinger est à la pointe dans ce domaine. Son équipe a été très impliquée dans une étude internationale visant à traiter le glioblastome*, un cancer cérébral très agressif, à l’aide d’un champ électrique de faible intensité. Cette technique permet de prolonger la survie de certains patients. PROPOS RECUEILLIS PAR Elisabeth Gordon

Planète Santé : Vous êtes le seul neuro-

oncologue en Suisse à être à la fois neurologue et oncologue. Quel est l’intérêt de cette double formation ? Dr Andreas Hottinger : Elle a des avantages indéniables, car les patients que nous prenons en charge combinent des problèmes liés à leur tumeur cérébrale – qui relèvent de l’oncologie – et des problèmes neurologiques dus à la présence de lésions dans le cerveau. La neuro-oncologie est-elle une discipline récente ? Elle a été développée à la fin des années 1970 par l’Américain Jerome Posner, avec qui j’ai eu la chance de travailler au Memorial Sloan Kettering Cancer Center à New York. La neuro-oncologie est une discipline à cheval sur plusieurs domaines de la médecine, ce qui a un impact sur le traitement des patients.

En effet, les oncologues ne sont pas spécialisés pour prendre en charge les problèmes neurologiques de ces patients et les neurologues ne sont pas formés pour utiliser les médicaments anticancéreux. L’interdisciplinarité est l’une des caractéristiques principales de cette discipline, puisque nous travaillons de manière très étroite avec les neuroradiologues, les neurochirurgiens, les neuropathologues, les spécialistes de neurohabilitation et les services de soins palliatifs. C’est cela qui est passionnant. Les neuro-oncologues s’occupent donc des patients souffrant d’un cancer au cerveau ? Oui. Il faut préciser qu’il existe deux catégories de tumeurs cérébrales : d’une part, celles qui se développent dans le cerveau, dites « primaires », et d’autre part les métastases provenant de la dissémination

de tumeurs affectant d’autres organes. Mais nous ne faisons pas que nous occuper des patients atteints de tumeurs du système nerveux, car tous ceux qui sont atteints d’un cancer peuvent avoir des troubles neurologiques. Ceux-ci peuvent être dus à la tumeur elle-même, à des métastases (par exemple dans les vertèbres qui compriment la moelle épinière et entraînent des problèmes pour bouger les bras ou les jambes) ou aux effets secondaires des traitements oncologiques (qui, chez certaines personnes, peuvent notamment provoquer des épisodes de confusion). Si on prend en charge ces patients rapidement, on peut parfois prévenir ces complications, ce qui augmente leur autonomie et leur qualité de vie. Les traitements de certains cancers (mélanome ou poumon, notamment), ont connu de gros progrès au cours de


©Nicolas Schopfer


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ces dernières années. Est-ce le cas aussi des cancers du cerveau ? Il y a eu des avancées, mais elles sont plus modestes et ne touchent pas les mêmes domaines que les progrès réalisés dans les autres types de cancer. L’une d’elles concerne la prise en charge des patients. Contrairement à d’autres cancers, une tumeur au cerveau se manifeste généralement comme un coup de tonnerre : brusquement, on ne peut plus bouger un bras, on a des troubles de la sensibilité ou de la mémoire. Le parcours du patient ressemble donc souvent à des montagnes russes. Il commence souvent par un séjour aux urgences, suivi par une opération faite par les neurochirurgiens. En fonction du type de tumeur identifié, il peut ensuite avoir besoin d’un traitement de radiothérapie, de chimiothérapie ou des deux combinés. Au CHUV, nous travaillons étroitement tous ensemble dès le départ pour assurer une prise en charge optimale. Y a-t-il eu également des avancées dans le domaine du diagnostic ? Les techniques d’imagerie, notamment l’IRM, s’améliorent constamment. On peut ainsi de mieux en mieux localiser les anomalies et donc planifier de manière optimale l’intervention chirurgicale ou les traitements de radiothérapie. Ces progrès permettent aussi de suivre avec précision l’efficacité du traitement. Et en ce qui concerne les traitements ? Grâce à de nouvelles techniques, la neurochirurgie est de plus en plus précise. Il en va de même de la radiothérapie, lors de laquelle nous pouvons adapter les doses de rayonnement et ainsi diminuer les effets secondaires tout en maintenant une efficacité maximale. Dans certaines situations précises, notamment en cas de récidive, nous disposons aussi de nouveaux outils de radiothérapie, comme le gamma knife ou le cyberknife. Cet appareil permet de traiter des lésions du cerveau à l’aide de rayons envoyés avec une extrême précision sur la tumeur, sans endommager les tissus sains environnants et surtout sans intervention chirurgicale. Pour ce qui est de la chimiothérapie, un

Interview

gros progrès a été fait en 2005 dans le traitement du glioblastome avec l’arrivée du témozolomide. Ce médicament a fait l’objet d’essais cliniques coordonnés par mon prédécesseur au CHUV, le Pr Roger Stupp, qui est l’un des pionniers de la neuro-oncologie en Suisse.

Bio express 1 970 Naissance à Zurich. 1 995 Diplôme de la Faculté de médecine de l’Université de Lausanne (UNIL). 20 0 1 Doctorat en sciences et médecine de l’UNIL. 20 0 2 Formation post-graduée en neurologie à l’Hôpital de l’Ile de Berne. 20 0 5 Fellow en neuro-oncologie au Memorial Sloan Kettering Cancer Center à New York, Etats-Unis. 20 0 7 Chef de clinique au Département d’oncologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). 20 1 1 Médecin-associé aux Départements de neurosciences cliniques et d’oncologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), responsable de l’Unité de neuro-oncologie.

Une autre avancée importante dans la lutte contre le glioblastome est l’utilisation d’un champ électrique. Votre équipe a joué un rôle important dans l’affaire. En effet, notre équipe a été très impliquée dans une étude internationale à laquelle ont participé 750 patients de 64 hôpitaux. Comment un champ électrique peut-il agir contre le cancer ? On place sur le crâne rasé du patient quatre électrodes reliées par un câble

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à un dispositif muni d’une batterie qui génère un courant électrique de faible intensité. Avec la bonne intensité et la bonne fréquence, un champ électrique ne perturbe pas le fonctionnement normal des cellules, mais il empêche leur multiplication. Dans le cerveau, qui ne contient normalement que très peu de cellules qui se divisent, il bloque donc surtout les cellules cancéreuses. Il faut porter l’appareil dix-huit heures par jour pour en tirer des effets bénéfiques. C’est contraignant mais, étant donné la sévérité du glioblastome et son mauvais pronostic, plus de la moitié de nos patients acceptent le traitement. Cela dit, cette technique est une arme supplémentaire, elle ne se substitue pas aux traitements habituels. Est-ce que cela donne de bons résultats ? Si pour la plupart des patients le bénéfice est plutôt modeste, il est tout de même important pour certains d’entre eux. Grâce à ce traitement, on a réussi à doubler le nombre de personnes qui sont encore en vie après cinq ans. L’immunothérapie, qui consiste à aider le système immunitaire à lutter contre les cellules cancéreuses, pourrait-elle être utilisée dans le cas d’un cancer du cerveau ? Il y a eu plusieurs essais cliniques visant à traiter les tumeurs du cerveau par immunothérapie mais, à ce jour, tous ont échoué. Il y a encore beaucoup de recherches à faire pour comprendre le fonctionnement du système immunitaire au niveau du système cérébral. Toutefois, pour l’avenir, cela reste une piste importante. Globalement, pensez-vous que l’on pourra venir à bout des tumeurs cérébrales ? Oui, je le pense ! Cela risque de prendre beaucoup de temps, mais je reste absolument optimiste. Si on ne l’est pas, on n’est pas à sa place en neuro-oncologie. ● * Le glioblastome est le plus fréquent des cancers du cerveau. Heureusement, il est rare – moins de 5 personnes sur 100’000 sont diagnostiquées chaque année – mais il est très agressif.


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Collection

« J’ai envie de comprendre… » À destination des patients Par des journalistes scientifiques, en collaboration avec des médecins suisses romands

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RECHERCHE

La chronobiologie pour administrer le bon médicament au bon moment Notre cerveau renferme une horloge biologique qui rythme le fonctionnement de l’ensemble de notre organisme au cours d’une journée de 24 heures. En respectant ses cadences, on peut augmenter l’efficacité des médicaments tout en diminuant leurs effets indésirables.

©iStock/lzf

TEXTE Elisabeth Gordon

planète santé – décembre 2018


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ous sommes enclins à dormir la nuit et à veiller le jour, alors que les animaux nocturnes font l’inverse. C’est là le signe le plus flagrant que les comportements des êtres humains, comme ceux de la plupart des organismes vivants, sont calés sur un cycle de 24 heures. C’est ce que l’on nomme le rythme circadien (du latin circa, « proche de », et dien, « un jour »). Pratiquement toutes nos fonctions biologiques y sont soumises : de la température corporelle (minimale au petit matin et maximale en fin de journée) à la fréquence cardiaque, en passant par la sécrétion d’hormones, les capacités cognitives, l’humeur et bien d’autres. « Chacune de nos cellules possède sa propre horloge biologique », précise Christoph Scheiermann, chercheur au département de pathologie et immunologie de l’Université de Genève (UNIGE).

Une horloge flexible La découverte, dans les années 1970, du premier gène impliqué dans l’horloge biologique a valu à ses auteurs le prix Nobel de médecine en 2017. Depuis, une dizaine d’autres « gènes horloge » ont été identifiés. En étudiant les interactions entre le sommeil et le rythme circadien, l’équipe de Paul Franken, chercheur au Centre intégratif de génomique de l’Université de Lausanne (UNIL), a toutefois constaté que, contrairement à ce que l’on pensait, ces gènes n’imposent pas à l’horloge un rythme régulier et continu. « Notre horloge est flexible et elle réagit à notre comportement. Si nous dormons ou nous mangeons à un mauvais moment par rapport à notre cycle biologique, le cerveau et le foie s’adaptent ». Bousculer notre rythme biologique n’est toutefois pas sans conséquence pour notre santé. Paul Franken recommande donc « de respecter une certaine régularité dans nos horaires de repas et de sommeil ».

Pour éviter la cacophonie, le cerveau joue les chefs d’orchestre : il synchronise les différentes pendules cellulaires et leur impose le rythme circadien à l’aide de

français de l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif (France) ont ainsi constaté qu’un médicament contre le cancer digestif (le florouracile) est cinq fois moins toxique

“Chacune de nos cellules possède sa propre horloge biologique„

l’horloge interne. Située dans l’hypothalamus, celle-ci est constituée de deux noyaux dits suprachiasmatiques qui renferment chacun environ 10’000 neurones dont l’activité électrique oscille sur environ 24 heures. Par l’intermédiaire soit des nerfs, soit de différentes hormones circulant dans le sang, elle donne aux organes leur rythme, lequel est ajusté sur l’alternance lumière-obscurité. « Cet ajustement est lent, précise Paul Franken, chercheur au Centre intégratif de génomique de l’Université de Lausanne (UNIL). C’est ce qui explique le “jet lag” dont on souffre quand on change de fuseau horaire. » C’est aussi à cause du rythme circadien que les symptômes de multiples affections se manifestent plus fortement à certains moments de la journée ou de la nuit – « les douleurs liées à la polyarthrite articulaire sont par exemple plus fortes le matin », souligne Christoph Scheiermann. Chimiothérapie et opération cardiaque

Notre horloge interne influence aussi les traitements que nous prenons. En administrant un médicament au moment où l’organe visé y est le plus sensible, on peut augmenter son efficacité et diminuer ses effets indésirables. Dans ce domaine, l’étude des rythmes biologiques – la chronobiologie – a déjà permis quelques avancées. Des médecins

quand il est perfusé autour de 4h du matin plutôt qu’au milieu de l’aprèsmidi. Dans le même esprit, en étudiant l’horloge biologique des cellules cardiaques, des chercheurs de l’Université de Lille (France) ont conclu que ces cellules étaient plus résistantes l’après-midi que le matin à la privation d’oxygène (ischémie) provoquée parfois par les chirurgiens afin de mener à bien une opération du cœur. Il est donc préférable de pratiquer l’intervention l’après-midi, afin de diminuer le risque de complications post-chirurgicales. Christoph Scheiermann et ses collègues ont par ailleurs établi que les lymphocytes B et T – des cellules-clés du système immunitaire chargées de lutter contre les agents pathogènes – sont, eux aussi, « contrôlés par les oscillations circadiennes et qu’ils sont plus forts à certains moments de la journée ». En tenir compte pourrait donc « potentiellement rendre la vaccination plus efficace ». Si l’existence de l’horloge biologique est connue depuis longtemps, l’étude fine des mécanismes impliqués dans son fonctionnement « en est encore à ses débuts », constate le chercheur de l’UNIGE. Mais elle montre déjà que, dans l’administration des traitements, « il faut prendre le temps au sérieux ». ●


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SCIENCE

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Le haut potentiel, fantaisie ou réalité ? Une étude menée par une équipe de chercheurs de l’Université de Lyon montre les particularités des cerveaux des enfants à haut potentiel. TEXTE Élodie Lavigne

©iStock/Jolygon

Il a été scientifiquement démontré que le cerveau des personnes HP a des particularités propres.


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es capacités cognitives et langagières plus élevées que la moyenne, une réflexion rapide, des questionnements profonds sur le sens des choses, une hypersensibilité, une grande empathie, un sens aigu de la justice, une forte intuition, etc. Si on devait tirer un portrait rapide des enfants à haut potentiel (HP), voilà ce qu’on dirait. Au-delà des observations cliniques, nous avons aujourd’hui encore peu de données objectives sur le sujet. Les neurosciences ont toutefois montré que les enfants HP avaient vraisemblablement une activité cérébrale plus intense, un meilleur « câblage » et une meilleure qualité de transmission de l’information, par rapport aux enfants « standards ». Lorsque les parents suspectent une intelligence plus élevée que la moyenne chez leur progéniture, on peut recourir à des échelles et tests pour objectiver les choses et poser un diagnostic. On parle de haut potentiel lorsque les tests révèlent un quotient intellectuel (QI) supérieur à 130. Environ 2 à 3 % de la population serait concernée. Mais tous les enfants HP ne consultent pas. Il semblerait que ce soit davantage l’apanage de ceux qui vivent mal leur surdouance. Dans ce contexte, la démarche diagnostique s’avère d’autant plus essentielle que l’enfant se sent en inadéquation avec son environnement, voire en souffrance, à l’école, avec ses pairs ou au sein de sa famille.

Complexe ou laminaire ?

Ainsi, et malgré un même diagnostic, tous les enfants HP ne se ressemblent pas : « Il y a des différences de comportement, de capacités et de personnalité importantes », analyse le professeur Dominique Sappey-Marinier, chercheur en neurosciences à la Faculté de médecine de l’Université de Lyon, dans une étude sur le sujet. Des différences sont visibles aussi bien en clinique que dans les résultats des tests de QI, notamment dans les scores obtenus aux deux index principaux, à savoir la compréhension verbale et le raisonnement perceptif. A partir de ce constat, Fanny Nusbaum, docteure en psychologie et co-auteure de l’étude, a défini deux groupes d’individus HP : les complexes et les laminaires. Chez

les complexes, une différence importante apparaît entre l’index de compréhension verbale (souvent le plus élevé mais pas toujours) et l’index de raisonnement perceptif. Comment cela se traduit-il ? « Par une dyssynchronie, c’est-à-dire un déséquilibre entre la sphère cognitive et émotionnelle, indique le Pr SappeyMarinier. Alors que les laminaires ont une forte empathie et tirent un avantage de leurs fortes capacités intellectuelles, les complexes sont submergés par leur hypersensibilité. » Cette suractivité cérébrale propre à tous les enfants HP est moins bien canalisée chez les complexes. Ce déséquilibre pourrait être à l’origine des difficultés rencontrées : troubles de l’apprentissage, de l’attention, phobies scolaires, anxiété, etc. Les preuves grâce à l’imagerie

Les chercheurs ont voulu vérifier ces hypothèses cliniques en recourant à plusieurs techniques d’imagerie par résonance magnétique (IRM). L’IRM fonctionnelle a montré que les régions cérébrales qui s’activaient n’étaient en effet pas les mêmes chez tous les individus testés, comme l’explique le spécialiste : « Nous avons pu observer une suracti-

“Chez les HP, il y a des différences de comportement, de capacités et de personnalité importantes„ vité des régions pariétales, très impliquées dans les processus émotionnels et perceptifs, du cerveau des enfants HP complexes. A l’inverse, les zones impliquées dans le contrôle, l’inhibition et la rationalisation sont plus activées chez les laminaires ». Aussi, l’IRM de diffusion a montré une augmentation de la connectivité cérébrale, propre aux HP, mais

HP un jour, HP toujours ? D’après les observations cliniques, il semble qu’être HP est une particularité que l’on conserve toute sa vie. A l’âge de 25 ans environ, le cerveau se stabilise, mais une certaine plasticité cérébrale demeure. Non seulement la neurogenèse se poursuit, mais l’organisation du cerveau évolue également. Un événement traumatique, le développement d’une capacité particulière ou un enrichissement quelconque peuvent modifier le cours des choses, mais les bases du cerveau à haut potentiel demeurent coûte que coûte. « On suppose qu’avec le temps, les HP complexes vont réussir à mieux se contrôler, permettant ainsi de réduire leurs difficultés d’adaptation et d’apprentissage », estime le Pr Sappey-Marinier.

qui est répartie différemment entre les deux profils. Cette meilleure connectivité concerne davantage l’hémisphère gauche (responsable du langage et de l’auto-référence, soit l'analyse des événements par rapport à son système interne et ses propres références) chez les complexes et l’hémisphère droit (capacités visuo-spatiales, attentionnelles et ouverture, soit l'analyse des événements en fonction des références externes acquises par l'environnement) chez les laminaires. Pour le Pr Sappey-Marinier, ceci expliquerait pourquoi les laminaires sont davantage tournés vers l’extérieur, et à l’inverse pourquoi les complexes fonctionnent davantage en système interne et fermé : « Les complexes ont un monde interne très présent, d’une grande créativité, qui les empêche parfois d’être attentifs au monde extérieur, dont ils tiennent alors moins compte, ce qui perturbe les processus d’apprentissage ». Des résultats importants, d'une part parce qu'ils offrent une confirmation biologique des observations cliniques, et d'autre part parce qu’ils permettent enfin de mieux comprendre le fonctionnement de ces intelligences différentes. ●


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PARENTS

planète santé – décembre 2018

Comment parler de sexualité aux ados ? Période de changements et premiers émois, l’adolescence est une étape sensible. Si le dialogue autour de la sexualité s’avère nécessaire, il n’en reste pas moins complexe. Embarras, pudeur, écart générationnel… Comment instaurer une relation de confiance pour échanger sur ce sujet encore tabou ? ADAPTATION Aurélia Brégnac

«

Aborder la sexualité avec un adolescent reviendrait à lui donner le “feu vert” ou la permission de l’explorer ». Telle est en tout cas l’une des idées reçues ancrées chez certains parents. Les études scientifiques montrent pourtant le contraire. L’éducation sexuelle est associée à une découverte plus progressive et sécurisante de la sexualité. Mais la discussion, selon les professionnels de santé, ne devrait pas se limiter à la prévention des risques. En effet, les sujets du plaisir et des émotions participent aussi

Pour aller plus loin… « Sciences, sexes, identités » Ressources (sites web, vidéos…) proposées par des spécialistes pour s’informer et mieux dialoguer avec son enfant. www.unige.ch/ssi/ressources

à la transmission de valeurs et de limites. Autre question récurrente, celle de l’âge conseillé pour en parler. C’est autour de 11 ans qu’il faudrait, au plus tard, commencer à dialoguer, mais le plus tôt est

le mieux. L’astuce : profiter d’occasions du quotidien (lire l’encadré) pour partager régulièrement, de façon naturelle et informelle. L’importance des mots

Appelons un chat… un chat ! Employer les mots exacts est important, et ce, dès le plus jeune âge. Il est conseillé, par exemple, de dire « pénis » ou « vulve » plutôt que « zizi » ou « zézette ». Car ces euphémismes transmettent à l’enfant une notion de honte et de tabou autour de ses organes génitaux. Opter pour une terminologie anatomique correcte participerait à la construction d’une meilleure estime de soi. Puberté, contraception et pratiques

Premiers poils, règles ou éjaculations, mais aussi naissance du désir… Parler de la puberté permet de diminuer la pléthore d’interrogations et d’émotions qu’elle génère. Les questions relatives aux pratiques sexuelles restent en revanche plus difficiles à évoquer. Pourtant, outre les caresses et la pénétration, le sexe oral et anal – parfois pratiqués pour éviter les grossesses non désirées mais sans penser aux possibles maladies – sont aussi explorés par les ados. Il est donc essentiel de discuter ensemble des moyens préventifs contre les IST (comme le préservatif) et de la contraception (pilule, implant, etc.).

« Suis-je dans la norme ? »

« Ai-je le droit de ressentir ou faire cela ? », « Suis-je normal(e) ? ». Entre 10 et 17 ans, la notion de normalité plonge tout adolescent dans une profonde réflexion. Et ce d’autant plus s’il découvre qu’il est gay ou lesbienne, ou s’il ressent une autre identité de genre. La « différence » peut être vécue comme une honte, un fardeau, et l’expose au rejet et au harcèlement. Le dialogue, le respect et le soutien inconditionnel de la part de l’entourage sont nécessaires au bien-être de l’enfant. La masturbation, autre sujet délicat, est une pratique souvent stigmatisée. Elle est pourtant tout à fait courante et attendue, et n’est rien d’autre qu’une façon (sans risques) de découvrir sa sexualité. A l’inverse, l’abstinence sexuelle imposée n’est, sur le plan éducatif et émotionnel, pas conseillée. Il faudrait donc suggérer, au contraire, un apprentissage progressif, protégé, en accord avec soi-même et avec son partenaire. Un respect mutuel qui implique toujours la notion incontournable du consentement. Menaces virtuelles, mais bien réelles

Le consentement, c’est aussi ce dont il s’agit concernant l’utilisation d’Internet par les ados. L’avènement du mobile et des réseaux sociaux a fait émerger ces dernières années de nouvelles formes d’exploitation et de harcèlement sexuels. Parmi elles, les menaces de diffusion


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Et si on en parlait… A quelles occasions peut-on parler de sexualité ? • L’enfant se pose des questions sur son corps et sa puberté. Qu’est-ce que ça change ? Quels sont les enjeux biologiques et psychologiques ? • Il/elle assiste à un événement familial tel qu’une grossesse, une naissance, un « coming out ». Une occasion d’évoquer la reproduction, les relations, l’identité de genre. • Il/elle entend des mots courants mais qu’il ne connaît pas (« testicules », « clitoris », « orgasme », etc.) ou des insultes. Quel est leur sens ou leur portée ? • Il/elle voit une émission, une publicité dans les médias. Des infos, parfois des idées reçues, à évoquer, notamment l’idéalisation du corps.

©iStock/demaerre

• Il/elle voit un reportage au téléjournal qui relaye un viol ou tout autre crime sexuel. Il est question des notions cruciales de consentement et de respect.

d’images compromettantes (ou revenge porn) ou des abus sur des sites de rencontres. Des phénomènes qui aboutissent parfois à des situations dramatiques. A surveiller également, la pornographie, dont l’accès est aujourd’hui généralisé. Les enfants, qui y sont désormais confrontés très jeunes – en moyenne au sortir du primaire –, en retirent une perception erronée de la sexualité. Elle peut en outre générer complexes, stéréotypes

et pratiques violentes. Le dialogue et l’information garantissent la sécurité des enfants et facilitent la création d’un lien de confiance entre générations. ● Adapté de « Sexualité et adolescence : liaisons dangereuses ? », Dr Michal Yaron, Dre Cindy Soroken, Dre Françoise Narring, Service de pédiatrie générale, Département de l’enfant et de l’adolescent, HUG ; Dre Céline Brockmann et Dr Arnaud Merglen, Faculté de médecine, Université de Genève. In Revue Médicale Suisse 2018;14:843-8.

• Il/elle visionne des images pornographiques. Un « débriefing » autour de ce qu’a ressenti l’enfant est souvent utile. Aborder l’absence de relations affectives entre les acteurs, l’uniformité des organes génitaux (absence de poils, taille) qui n’est pas représentative de la diversité naturelle des corps, et le fait que le coït n’est qu’une des multiples facettes de la sexualité.


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EN BREF

©iStock/The7Dew

planète santé – décembre 2018

Au secours, j’ai horreur des bruits ! Pathologie mal connue, la misophonie rend les bruits du quotidien insupportables. De quoi affecter nettement la qualité de vie. ADAPTATION Aude Raimondi

Craquements de chips sous la dent, mastication de chewing-gum, déglutitions… Des petits sons désagréables dont on se passerait volontiers. Mais pour certaines personnes, ils sont carrément insupportables. Cette aversion pour les bruits du quotidien porte un nom : la misophonie. La haine du bruit est telle qu’elle pousse à adopter des stratégies d’évitement. Par exemple, changer de wagon si quelqu’un mange à côté ou même vivre en permanence avec des bouchons d’oreille pour ne plus entendre ses voisins. Les personnes concernées témoignent d’une grande souffrance. D’une part, parce que la misophonie provoque en eux des réactions de colère et de nervosité très vives. D’autre part, car à force d’éviter de s’exposer aux sons, on s’isole socialement. Le Dr Othman Sentissi, psychiatre au Département de santé mentale des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), est l’un des rares médecins en Suisse romande à bien connaître cette pathologie. Il

Adapté de « La misophonie ou la haine du bruit », CQFD (RTS), diffusé le 24/05/18.

constate que les patients mettent des années avant de consulter. « Ils ont souvent honte et se sentent coupables de leurs réactions disproportionnées. Ce sentiment de bizarrerie les retient d’en parler ». Le diagnostic est d’autant plus compliqué à établir que les origines du trouble sont encore quelque peu mystérieuses. Des découvertes récentes suggèrent qu’il s’agit d’une forme de synesthésie, comme les personnes qui associent une couleur à un chiffre ou des notes de musique à des formes. Dans le cas de la misophonie, les bruits s’associent à des émotions négatives. Il n’existe à ce jour aucun traitement médicamenteux qui permette de traiter ce trouble. Certaines thérapies comportementales peuvent néanmoins contribuer à améliorer la situation. « Nous essayons d’abord de travailler sur l’affirmation de soi, explique le Dr Othman Sentissi. Le fait de ne pas être compris est très difficile à vivre. Être reconnu pour cette difficulté est déjà un premier pas ». Ensuite, des méthodes d’auto-observation peuvent réduire le stress que ces sons engendrent. La méditation apprend quant à elle à se recentrer sur soi et faire abstraction des bruits environnants. Enfin, associer ses proches à la thérapie est un point important pour que chacun puisse comprendre et apprendre à vivre avec.


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La pilule pour les hommes, une utopie ? La pilule contraceptive pour les femmes existe depuis une soixantaine d’années déjà. Alors quid d’une version pour les hommes ? La contraception hormonale masculine a beau être étudiée depuis très longtemps, aucune pilule n’est encore disponible sur le marché. Plusieurs tests ont été interrompus pour cause d’effets secondaires importants (troubles de l’humeur, agressivité, prise de poids, etc.). De plus, la contraception masculine entraîne certains problèmes de délais : contrairement au cycle féminin qui dure 28 jours, la spermatogenèse (la production de spermatozoïdes) nécessite

72 jours. Un spermatozoïde qui commence à être fabriqué aujourd’hui ne sera donc prêt à être utilisé que 72 jours plus tard. Ainsi, pour que la pilule masculine soit vraiment efficace, un délai de minimum quatre à cinq mois est nécessaire. Et en cas d’arrêt de la contraception, le retour de la fertilité peut prendre entre deux mois et deux ans. Or, pour qu’une pilule suscite de l’intérêt, elle doit avant tout être efficace et rapidement réversible. Malgré les efforts de la recherche, il semble donc peu probable qu’un tel médicament soit bientôt disponible dans nos pharmacies. A.R.

Adapté de « La pilule contraceptive hormonale masculine, ça existe », CQFD (RTS), diffusé le 22/05/18.

La lumière bleue pour traiter la peau en douceur Il suffit parfois d’un simple contact avec un allergène et hop ! Votre peau rougit, vous démange et se couvre de petites croûtes. L’eczéma est une réaction inflammatoire de la peau fréquente, en particulier chez les enfants. La plupart du temps, un traitement à base de cortisone est très efficace. Celle-ci ne peut cependant pas être appliquée à long terme, car elle provoque beaucoup d’effets secondaires. Heureusement, les ondes lumineuses sont une réelle alternative. Ceux qui souffrent d’eczéma l’auront sans doute constaté : en été, il a tendance à s’estomper au contact du soleil. Depuis les années 70, les UV sont d’ailleurs utilisés pour traiter beaucoup de maladies inflammatoires. Mais des séances répétées augmentent le risque de développer un cancer de la peau. Des chercheurs des Hôpitaux

Universitaires de Genève se sont donc intéressés à la lumière bleue. Comme les UV, elle fait partie du spectre de la lumière du soleil. Son grand avantage : elle est beaucoup moins agressive pour la peau et peut donc être appliquée sur tout le corps sans risquer de provoquer des coups de soleil ou un bronzage excessif. En revanche, puisque c’est un traitement plus doux, il nécessite plus de temps d’irradiation (environ 15 minutes par séance). Une durée qui reste acceptable, d’autant que quelques séances pendant un mois seraient suffisantes pour obtenir de bons résultats sur des zones précises. Les chercheurs espèrent maintenant montrer l’efficacité de la lumière bleue sur le corps en entier. A.R.

Adapté de « La lumière bleue pour traiter en douceur certaines dermatites », CQFD (RTS), diffusé le 15/05/18.

CQFD (RTS La 1ère) sur Planetesante.ch Tous les matins de 10h à 11h sur la Première, l'équipe de CQFD aborde des sujets santé passionnants, décrypte et explique les découvertes, les maladies et les progrès scientifiques et médicaux. Pour vous offrir toujours plus d’informations, les sujets santé de l’émission sont également disponibles pour écoute sur Planetesante.ch/cqfd !

Retrouvez toutes ces émissions sur planetesante.ch/cqfd


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MINDFULNESS

planète santé – décembre 2018

La méditation de pleine conscience pour soulager la maladie Se recentrer sur l’instant présent sans porter de jugement, voilà le principe de la méditation de pleine conscience. Une pratique qui aide de nombreux patients à mieux vivre avec leur maladie, qu’elle soit physique ou psychique. ADAPTATION Anouk Pernet

E

n écrivant le célèbre Carpe diem, le poète Horace ne réalisait sans doute pas qu’il posait le principe de la méditation de pleine conscience. Fondée par le biologiste moléculaire Jon Kabat-Zinn en 1959, cette pratique s’inspire de la méditation bouddhiste et du yoga. Mais elle marque tout de même

une rupture, puisqu’elle est laïque et vise à venir en aide aux patients grâce à des programmes spécifiques. La définition de la méditation de pleine conscience est la suivante : diriger son attention sur le moment présent, sans porter de jugement. On peut également la définir comme étant le contraire du phénomène du « pilote automatique », qui correspond à ce qui nous arrive continuellement lorsque notre attention vagabonde entre les pensées sans que nous en soyons conscients. Elle permet de compenser la frénésie du quotidien et d’acquérir une liberté intérieure, en prenant de la distance vis-à-vis de nos réactions et de nos émotions. Améliorer la qualité de vie du patient

J’ai envie de comprendre… La méditation de pleine conscience (mindfulness), Adrien Zerbini, en coll. avec Guidi Bondolfi, Françoise Jermann et Béatrice Weber, Ed. Planète Santé, 2018.

Beaucoup d’hôpitaux universitaires proposent la méditation de pleine conscience (ou mindfulness) à leurs patients. Cette pratique n’a pas la prétention de guérir, mais de diminuer le stress, l’anxiété ou les symptômes dépressifs liés à la pathologie. Elle est préconisée pour accompagner des maladies physiques comme le cancer ou les maladies chroniques. Dans le domaine des troubles psychiques, le mindfulness est souvent indiqué, car il permet à celui qui la pratique de se mettre en position

de témoin de ses propres pensées, émotions et réactions. De nombreuses études montrent l’amélioration de la santé mentale des participants à différents programmes de pleine conscience. Cette efficacité concerne entre autres les addictions, les troubles du comportement alimentaire, l’insomnie ou encore le trouble de la personnalité borderline. A chaque maladie, physique ou mentale, correspond un programme de pleine conscience spécifique. Eviter les rechutes dépressives

Parmi ces programmes, la MBCT (thérapie cognitive basée sur la pleine conscience) s’est montrée particulièrement efficace contre la rechute dépressive. Au-delà de deux ou trois rechutes, la dépression peut être déclenchée en l’absence d’un stress majeur, une baisse légère et transitoire de l’humeur pouvant suffire. La plupart des individus essayent de comprendre d’où vient cet état et de résoudre le problème qui en est à l’origine. Ces tentatives conduisent à des ruminations dépressives qui accélèrent et facilitent la rechute. Pour enrayer ce cercle vicieux, la méditation de pleine conscience aide à reconnaître ces ruminations. Les participants sont invités à les observer avec curiosité, sans réagir, en


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Adapté de J’ai envie de comprendre… La méditation de pleine conscience (mindfulness), Adrien Zerbini, en coll. avec Guidi Bondolfi, Françoise Jermann et Béatrice Weber, Ed. Planète Santé, 2018.

Pratique : mode d’emploi La méditation de pleine conscience, ça s’apprend. Et comme tout apprentissage, cela demande du temps et de l’entraînement. Pour les personnes souffrant d’un problème clinique et qui souhaitent mieux gérer leurs souffrances à travers la pratique de la méditation, il est vivement recommandé de suivre un programme encadré par un instructeur. Les associations MBSR Suisse (mbsr-verband.ch) et l’Association pour le Développement de la Mindfulness (associationmindfulness.org) publient sur leurs sites un annuaire d’instructeurs ayant suivi un cursus solide. Généralement, il faut compter

environ 600 CHF pour un programme de huit semaines. Vous voulez vous initier seul(e) à la méditation ? Choisissez un endroit calme, asseyez-vous dans une position confortable et droite. Respirez normalement et portez votre attention sur votre respiration sans la modifier. Observez les sensations qui l’accompagnent. Votre attention sera détournée par une pensée ou une sensation indépendante de votre respiration. C’est normal. Constatez simplement cette distraction sans vous blâmer, ne cherchez pas à l’interpréter. Redirigez votre attention sur votre respiration. Commencez par pratiquer cet exercice 10 minutes par jour, augmentez ensuite à 15 minutes, puis 20. Observez votre expérience et soyez patient.

©iStock/fizkes

attendant qu’elles s’éloignent. Plusieurs études indépendantes ont montré l’efficacité de cette pratique : on estime que le risque de rechute diminue de 50 %, soit la même efficacité que celle des médicaments antidépresseurs. Sans être un remède miracle, la méditation de pleine conscience permet de mieux vivre avec sa maladie. Des recherches montrent même que cette pratique impacterait le fonctionnement et la taille du cerveau ! Des études neuroscientifiques qui n’en sont encore qu’à leurs balbutiements, mais qui pourraient bien encourager l’engouement général pour le mindfulness. ●


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PRATIQUE

Les yeux, un bien précieux L'œil est un organe fragile, sensible au vent, à la lumière, aux allergies ou aux infections. Il peut présenter quantité de symptômes, le plus souvent sans gravité, mais qui peuvent être gênants. À qui s'adresser en présence d’une sécheresse oculaire, de paupières collées au réveil ou suite aux éclaboussures d'un produit irritant ? Un passage dans une pharmacie suffit-il ou vaut-il mieux consulter un médecin et, si oui, un généraliste ou un ophtalmologue ? La Dre Yalda SadeghiRoulin, cheffe de clinique à l'Hôpital ophtalmique Jules-Gonin à Lausanne, passe en revue les différents problèmes oculaires, ce qu'il convient de faire et les signaux d'alarme indiquant qu'une consultation médicale est nécessaire. TEXTE Patricia Bernheim


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Orgelets

Accident au niveau de l'œil

La plupart des gens confondent orgelets et chalazions. Un orgelet est une infection située à la base des cils, généralement causée par une bactérie. Cela forme une petite boule centrée sur un cil qui peut contenir du pus et peut être douloureux. Un chalazion, plus fréquent qu'un orgelet, est une inflammation localisée de la paupière, causée par l’obstruction d'une petite glande (glande de Meibomius). En cas d’orgelet, le traitement est à base d’antibiotique. En cas de chalazion, il consiste d’abord à masser la paupière à l'aide de compresses chaudes de manière à vider la glande obstruée, par une action mécanique. Si l'inflammation persiste malgré les massages, une consultation chez un médecin généraliste ou un ophtalmologue est recommandée. Le médecin va prescrire une pommade à base d’antibiotique et des anti-inflammatoires, délivrés seulement sur prescription médicale. Parfois, une petite intervention (incision) est nécessaire.

La douleur ou une modification de la vision signalent qu'une consultation ophtalmique est nécessaire.

Yeux rouges De nombreux facteurs peuvent provoquer une irritation de l'œil et donc une rougeur : le soleil, de nombreuses heures passées devant un écran, une allergie, un problème avec les lentilles de contact ou une sécheresse oculaire par exemple. Le traitement consiste alors à reposer ses yeux (lunettes de soleil, moins d'écran, larmes artificielles). Si la rougeur oculaire persiste, si elle est accompagnée d'une sensibilité accrue à la lumière, d'une douleur ou d'une vision floue, une consultation ophtalmologique est nécessaire pour établir un diagnostic et prescrire un traitement adapté.

Conjonctivites Sécheresse oculaire Ce symptôme, très fréquent, se manifeste par des yeux qui piquent, brûlent ou larmoient. Le traitement initial consiste à bien hydrater l'œil avec une goutte de larmes artificielles 3 à 4 fois par jour, peu importe la marque. S'il y a un terrain allergique, il est préférable d'utiliser les versions monodoses.

Projection de produits irritants Dans ce cas, il faut tout d'abord rincer abondamment les yeux avec du sérum physiologique ou de l'eau, après avoir retiré ses lentilles de contact si on en porte. Une consultation chez un ophtalmologue est nécessaire en cas de changement de la vision ou de douleur. ©iStock/suteishi

Elles peuvent être d'origines diverses, par exemple infectieuse ou allergique (liée aux pollens). La première débute généralement sur un des deux yeux et se manifeste par un œil rouge et collé par des sécrétions au réveil. La seconde, plus fréquente au printemps, est bilatérale et s’accompagne de démangeaisons. Le traitement initial repose dans les deux cas sur des rinçages des yeux avec du sérum physiologique. Des larmes artificielles peuvent également s'avérer bénéfiques. En cas de conjonctivite infectieuse, il n'est pas nécessaire de consulter si l’évolution est favorable. En revanche, si la conjonctivite se péjore ou que la vision est altérée, une consultation chez un ophtalmologue est recommandée. Il faut savoir aussi que les conjonctivites d'origine infectieuse sont très contagieuses et nécessitent des mesures d'hygiène afin de ne pas contaminer ses proches. Les conjonctivites allergiques peuvent être traitées avec des gouttes anti-histaminiques (anti-allergiques).


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zoom

planète santé – décembre 2018

Ostéoporose : le remède peut être pire que le mal Un petit groupe de médecins lausannois s’est lancé dans un bras de fer contre l’industrie pharmaceutique. En cause : le médicament Prolia®, qui peut entraîner des effets secondaires dramatiques. ADAPTATION Aude Raimondi

Le Prolia® (ou denosumab) est un médicament de dernière génération, très efficace contre l’ostéoporose. En 2010, l’entreprise pharmaceutique AMGEN lance le médicament sur le marché. Mais dès l’été 2015, une équipe de médecins du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) sonne l’alerte : suite à l’arrêt du traitement, plusieurs patients souffrent de multiples fractures aux vertèbres.

du centre des maladies osseuses au CHUV. C’est ce qu’on appelle l’effet rebond : toutes ces cellules se réveillent au même moment et commencent à « grignoter » l’os. Un bras de fer contre l’industrie

En 2015, l’équipe du CHUV expose ses suspicions lors d’un congrès américain. « L’industrie a très mal pris les choses, témoigne le Pr Olivier Lamy. Une réunion a été organisée avec des représentants des fabricants américains et européens. J’avais l’impression d’être au tribunal, comme un accusé. Peut-être pour nous décourager d’en parler aussi facilement ». Il faudra attendre 2017 pour que les dangers liés à l’arrêt du Prolia® soient clairement indiqués dans les notices suisses. Cette décision de l’autorité suisse de surveillance des médicaments est encore aujourd’hui unique au monde. Surveiller l’arrêt du traitement

Des cellules mangeuses d’os

Ces très graves effets secondaires semblent être le résultat d’un mécanisme biologique déclenché à l’arrêt du médicament. La solidité des os humains dépend d’un équilibre naturel entre deux types de cellules : les ostéoblastes, qui régénèrent l’os, et les ostéoclastes, qui le digèrent. « Une fois que le médicament ne fait plus son effet, c’est toute la cascade de régénération des ostéoclastes qui se fait probablement de façon extraordinairement accélérée », soupçonne le Pr Olivier Lamy, médecin-chef

Les médecins tiennent toutefois à rassurer les patients qui sont actuellement traités avec le Prolia®, car cela reste un bon médicament contre l’ostéoporose. L’arrêt du traitement doit toutefois être surveillé de près. A cette étape, des prises de sang régulières sont nécessaires pour détecter les premiers signes biologiques d’un effet rebond. Dans ce cas, des médicaments très efficaces peuvent être prescrits pour couper l’effet et éviter les fractures. Il semble toutefois impératif que le processus soit suivi de très près par un spécialiste.

Adapté de l’émission « Ostéoporose : le remède peut être pire que le mal », 36.9° (RTS), diffusé le 24/01/2018.

L’émission 36,9° (RTS) sur Planetesante.ch L’émission grand public 36,9° aborde de nombreuses problématiques de santé en se plaçant du point de vue du patient. Elle s’intéresse particulièrement aux dimensions affectives, sociales et économiques de notre rapport à la santé. Pour vous offrir toujours plus d’informations, les émissions de 36,9° peuvent désormais être aussi visionnées sur Planetesante.ch/36.9 ! Retrouvez des témoignages et des experts dans le reportage que 36,9° a consacré à ce sujet.

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QUALITÉ DE VIE

planète santé – décembre 2018

Habitat et bien-être, des liens étroits A l’heure où la recherche de logement en Suisse romande ressemble à un parcours du combattant, on peut s’interroger sur l’impact des déménagements sur le bien-être au cours de la vie. Le Dr Bram Vanhoutte, sociologue à l’Université de Manchester, s’est intéressé à cette question. PROPOS RECUEILLIS PAR Élodie Lavigne

du niveau d’éducation, de l’activité professionnelle sur la qualité de vie, mais jamais de l’habitat. Or, le lieu où l’on vit est un des plus grands soucis que l’on peut avoir dans la vie. Aborder cette question sous cet angle me paraissait intéressant.

Dr Bram Vanhoutte Sociologue à l’Université de Manchester

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a recherche sur les trajectoires résidentielles au cours de la vie, publiée dans le journal Longitudinal and Lifecourse Studies, a reçu en juillet dernier le prix LIVES 2018. Le sociologue belge Bram Vanhoutte nous parle de ce sujet original depuis Manchester, où il vit désormais.

Planète Santé : Pourquoi vous êtes-vous intéressé à la relation entre le lieu de vie et le bien-être ? Dr Bram Vanhoutte : En tant que sociologue, je m’intéresse de manière générale à l’influence du parcours de vie sur le bien-être. Les études portent souvent sur l’impact des différences sociales,

Déménager est connu comme l’un des premiers facteurs de stress de l’existence. Qu’en est-il exactement ? Le déménagement est, il est vrai, une source de stress, mais de courte durée. Dans ma recherche, le déménagement est davantage envisagé comme un facteur d’influence sur le long terme. Ce sont surtout les raisons, positives ou négatives, qui l’ont motivé, qui comptent. En quoi votre recherche est-elle originale ? Il y a, c’est vrai, beaucoup d’attention des chercheurs sur le déménagement et l’achat de la première maison comme facteur d’influence sur la qualité de vie. Mais plutôt dans une vision à court terme. De mon côté, je me suis intéressé à la trajectoire de vie pour mieux comprendre les effets à plus long terme du type d’habitat. J’ai pris en compte la nature du logement (location, propriété, logement non-privé comme l’internat, par exemple, ou la vie à l’étranger). Car tout le monde n’achète pas une maison dans sa vie. Et parce que dans un monde

globalisé, on est nombreux à vivre dans plusieurs pays au cours de sa vie. Or, ces deux cas de figure ne sont souvent pas pris en considération dans les recherches qui se limitent à un cadre national. Quels autres facteurs avez-vous pris en compte ? L’essence de l’étude est de montrer comment trois différentes conceptions du temps peuvent être liées aux circonstances de vie. Je distingue la durée (temps passé dans un logement) ; la temporalité ou timing (période de vie dans laquelle les déménagements ont lieu) ; et l’ordre des transitions entre les différents types de logement (location, propriété, vie à l’étranger), en me basant sur la trajectoire de vie des cinquante premières années. Qu’en est-il du bien-être ? On distingue premièrement le bienêtre affectif, qui désigne le sentiment d’être heureux, dans une perspective à court terme. Deuxièmement, le bienêtre cognitif ou la « satisfaction ». Une forme de bien-être plus rationnelle et adaptative (balance entre le positif et le négatif). Enfin, il y a le bien-être « eudémonique » (capacité de se fixer des buts, autonomie). Qu’est-ce qui ressort de votre recherche ? Déménager souvent durant l’enfance semble avoir peu d’impact plus tard dans


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la vie. Une grande mobilité au début de l’âge adulte est par contre liée à un plus grand bien-être, sans doute parce qu’elle est le signe de transitions positives (augmentation des ressources financières, fait de se mettre en couple ou d’avoir des enfants). A contrario, les déménagements en milieu de vie sont associés à une moins grande satisfaction. Cela se comprend si on pense que le divorce, le chômage ou la perte du conjoint en sont souvent la cause. Ensuite, plus on est locataire longtemps, moins le sentiment de bien-être affectif et l’autonomie sont élevés en deuxième partie de vie. Une donnée à replacer dans le contexte britannique, où les objets loués sont souvent de mauvaise qualité. A l’inverse, être propriétaire durant plusieurs années est associé à un bien-être affectif élevé et à un sentiment d’autonomie, mais pas nécessairement à une plus grande satisfaction. Enfin, les personnes qui suivent une trajectoire « descendante » sont ceux dont le bien-être est le plus bas. C’est le cas des locataires qui ont, durant leurs

premières dix-huit années de vie, vécu dans la propriété familiale. Ne pas pouvoir maintenir le même niveau de vie que ses parents est contraire aux attentes, et donc source de frustration. De même, le déménagement d’une propriété vers un objet loué est problématique du point de vue de la satisfaction, étant donné que cela va à l'encontre des normes sociales. Pour terminer, la trajectoire des expatriés britanniques semble favorable, en raison d’un temps réduit passé dans un logement semi-privé ou de location, mais surtout d’un accès facile à la propriété au moment du retour en Grande-Bretagne. Un groupe très spécifique, de privilégiés. Que peut-on en conclure ? D’abord, il y a souvent, derrière un déménagement, des raisons plus profondes qu’un simple désir de changement. Mais surtout : le fait d’être propriétaire est perçu comme une source de bien-être présentant de nombreux avantages. D’abord parce que l’habitat n’est plus une préoccupation. Ensuite, parce qu’être chez soi est un indicateur

de sécurité économique et psychosociale. Acquérir un bien immobilier est donc bien plus qu’une transaction financière ou une possession. Avoir sa propre maison est un refuge sur lequel on peut se reposer. En ce sens, il me paraît important que les politiques encouragent l’accès à la propriété. Vous vivez en Angleterre, mais vous êtes belge. Comment vous situez-vous par rapport aux résultats de votre recherche ? J’ai déménagé plus que je ne le voulais dans ma vie, mais je suis quand même assez heureux. Quand j’ai entamé cette recherche, j’avais déjà déménagé deux fois plus que les personnes que j’ai interrogées. A notre époque, on déménage plus souvent et la mobilité entre les pays est plus courante. Par contre, il est toujours plus difficile d’acheter un bien immobilier. Si on achète, on achète plus tard, de même qu’on fonde sa famille plus tard. C’est pourquoi il est important de tenir compte du contexte et de la génération. ●


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ALIMENTATION

Consommation de sel : faut-il revoir les recommandations ? Tandis qu’on nous répète depuis des années que trop de sel est mauvais pour la santé, une récente étude vient contredire les recommandations en vigueur en concluant au contraire qu’une consommation au-delà du seuil conseillé permettrait de réduire le risque de maladies cardiovasculaires. Alors, on sale ou pas ?

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TEXTE Clémentine Fitaire

planète santé – décembre 2018


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A

vec l’offre grandissante de plats préparés et autres produits industriels, notre consommation de sel a explosé ces dernières décennies. D’après une étude nationale menée en 20111, les femmes consommeraient en moyenne 7,8 g de sel par jour et les hommes 10,6 g, soit le double de la recommandation suisse en vigueur. Calquée sur celle de l’OMS, elle conseille de maintenir une consommation quotidienne inférieure à 5 grammes de sel de cuisine (ce qui correspond à 2 grammes de sodium, principal composant du sel), soit l’équivalent d’une cuillère à café rase. « Le problème, c’est qu’il est très difficile d’éviter le sel aujourd’hui, car il est souvent caché dans les aliments transformés », explique le Pr Michel Burnier du Service néphrologie au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et ancien président du groupe de travail « Sel et santé ». S’il ajoute du peps à notre assiette en relevant le goût des aliments, le sel peut en revanche – à trop haute dose – affecter notre santé. En retenant l’eau dans les artères, il augmenterait en effet la tension artérielle. Par extension, il accroît donc le risque de maladies cardiovasculaires. De nouveaux résultats

Mais cette corrélation, établie depuis des décennies, a été remise en cause en août dernier par une équipe de chercheurs d’Hamilton (Canada). A travers une étude2 menée dans dix-huit pays sur près de 100’000 individus âgés de 35 à 75 ans, et parue dans la revue scientifique The Lancet, les scientifiques ont observé l’impact d’une faible consommation de sel sur la santé. « Une corrélation avec les maladies cardiovasculaires et les accidents vasculaires cérébraux n’a pu être établie que dans les communautés où l’apport moyen en sodium était supérieur à 5 g /jour », concluent les auteurs. Cela n’a été le cas qu’en Chine. Dans tous les autres pays étudiés, la population consommait en moyenne 3 à 5 grammes de sodium par jour, soit près du double de ce qui est recommandé actuellement. Pourtant dans ces communautés, « la consommation de sodium était inversement proportionnelle au

risque d’infarctus du myocarde ou de mortalité », rapportent les auteurs qui vont même jusqu’à ajouter : « Notre travail tend à montrer qu’un apport trop faible en sodium pourrait augmen-

Les bons gestes pour prévenir l’hypertension En sus d’une consommation raisonnable de sel, d’autres gestes doivent être mis en place pour préserver la santé de vos artères1 : • Limiter sa consommation d’alcool • Éviter la prise de poids (IMC < 25 kg/m2) • Pratiquer une activité physique régulière (au moins 30 minutes 5 à 7 jours par semaine) • Arrêter de fumer • Contrebalancer le sodium avec un apport suffisant en potassium, contenu principalement dans les légumes, les légumineuses, les oléagineux, le chocolat noir… « Le potassium permet de faire baisser la pression artérielle, en particulier chez ceux qui consomment beaucoup de sel, explique le Pr Michel Burnier du Service néphrologie au CHUV. Plus vous salez vos plats, plus vous devez compenser avec des aliments riches en potassium comme les épinards, le chou ou encore l’artichaut ». 1 Recommandations de la Société européenne de cardiologie et d’hypertension

ter le risque de mortalité et de maladies cardio-vasculaires ». Des conclusions dont il faut se méfier, prévient le Pr Burnier : « Cette étude présente une méthodologie douteuse. D’une part, elle n’est pas représentative

de notre consommation en Europe et, d’autre part, elle se base sur l’analyse d’un seul échantillon d’urine quotidien, à partir duquel on extrapole sur les risques à long terme. » Quant aux effets négatifs d’une sous-consommation de sodium, ils sont totalement sans fondement d’après la Pre Antoinette Pechère, responsable de l’unité d’hypertension des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) : « Aucune étude prospective scientifiquement valable n’a montré à ce jour qu’un apport trop faible augmentait le risque de mortalité. Certes, l’organisme a besoin d’un minimum de sodium (moins d’1 gramme de sel) pour son fonctionnement, mais il est largement atteint avec notre alimentation actuelle ». Prudence

Faut-il alors revoir les recommandations à la hausse ? « Absolument pas, rétorque le Pr Burnier. Cela serait même dangereux pour la population. » Car si chez certains individus une consommation élevée de sel n’aura pas forcément d’incidence immédiate, chez d’autres, elle peut faire augmenter significativement la tension artérielle, premier facteur de mortalité dans le monde. C’est particulièrement le cas chez les plus de 65 ans, où l’on compte près de 60 % d’hypertendus, avec en conséquence un risque accru d’événements cardiovasculaires. Dans son dernier rapport « Sel et santé », la Fondation Suisse de Cardiologie rappelle par ailleurs l’importance de modérer la consommation dès l’enfance afin de prévenir non seulement l’hypertension mais aussi la surcharge pondérale. Pour le Pr Burnier, pas question pour autant de culpabiliser en cas de soirée-raclette : « Les petits écarts n’ont pas de conséquence, l’important c’est de veiller à avoir une alimentation pauvre en sel sur le long terme ». A nous donc de savoir user de la salière… avec modération. ● 1

Swiss Study on Salt Intake, 2010-2011.

2 « Urinary sodium excretion, blood pressure, cardiovascular disease, and mortality : a community-level prospective epidemiological cohort study », The Lancet, août 2018.


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ONCOLOGIE

Cancer du sein : éviter la chimiothérapie grâce aux tests génétiques Depuis plusieurs années, les analyses génétiques sont utilisées pour orienter le choix thérapeutique dans les cancers du sein. Mais une nouvelle étude pourrait permettre de réduire significativement la prescription de chimiothérapies.

©iStock/jxfzsy

TEXTE Stéphany Gardier

planète santé – décembre 2018


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L

es femmes qui souffrent d’un cancer du sein peuvent se voir proposer, après la chirurgie, plusieurs options de traitements dits adjuvants, qui réduisent le risque de récidive. Pour éclairer ce choix, plusieurs critères sont pris en compte. L’analyse anatomopathologique de la tumeur permet d’obtenir des informations, telles que la présence de récepteurs hormonaux ou la quantité de facteurs de prolifération (KI67/MIB1 notamment) qui donnent une indication sur la capacité de la tumeur à croître et constituent donc un paramètre prédictif de son agressivité. Le pathologiste établit également le grade de la tumeur selon l’échelle « histo-pronostique » d'Elston-Ellis, qui va de I à III. La taille de la tumeur, la présence de ganglions, ainsi que des éléments liés à l’état de santé de la patiente ou à ses antécédents, personnels et familiaux, sont également pris en compte. Mais depuis plus d’une dizaine d’années déjà, l’analyse génétique des tumeurs est utilisée pour compléter ce tableau et contribue à déterminer si la patiente est à bas ou haut risque de récidive, et donc à orienter le choix du traitement adjuvant, qui est « toujours le résultat d’une discussion au sein de l’équipe et avec la patiente », rappelle le Dr Loïc Lelièvre, médecin adjoint à la consultation de sénologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

score au-dessus de 25, explique Loïc Lelièvre. Mais les patientes avec un score entre 11 et 25 étaient dans une sorte de "zone grise". Or elles représentent jusqu’à 60-70 % de nos patientes ».

Sortir de la zone grise

no-dépendant, HER2-négatifs, à un stade précoce sans ganglion, ont été suivies pendant neuf ans. Parmi ces patientes, 69 % avaient un score compris entre 11 et 25, et ont reçu soit une hormonothérapie seule, soit une combinaison hormonothérapie-chimiothérapie. Les chercheurs ont ensuite comparé les taux de récidives et la survie dans les deux groupes.

OncotypeDX© est un des tests génétiques utilisés en clinique pour obtenir un score pronostique, sur la base de l’analyse d’un échantillon de la tumeur. Il porte sur 21 gènes et est utilisé pour les cancers du sein hormono-dépendants, HER2-négatifs, à un stade précoce et sans atteinte ganglionnaire. En quinze jours, les médecins obtiennent un score qui évalue le risque de récidive à dix ans et l’intérêt d’ajouter une chimiothérapie à l’hormonothérapie. « Les données disponibles jusqu’ici indiquaient qu’avec un score jusqu’à 10, la chimiothérapie n’apportait pas de bénéfice, et qu’elle diminuait par contre le risque de récidive pour les patientes avec un

L’essai TAILORx, publié cet été dans la revue médicale New England Journal of Medicine, a enfin apporté de nouvelles données qui devraient permettre de modifier la prise en charge de nombreuses femmes traitées pour ce type de cancer du sein. Pour cet essai, près de 10’000 femmes avec un cancer du sein hormo-

significativement différents entre les deux groupes. « Il y a une exception notable, relève le Dr Lelièvre. Une analyse par sous-groupe a en effet montré que les femmes de moins de 50 ans et avec un score entre 16 et 25, bénéficient de l’ajout d’une chimiothérapie. » L’âge est en effet un facteur important dans le risque de récidive : « plus la patiente est jeune lorsque le cancer se déclare, plus ce risque est élevé », rappelle Loïc Lelièvre. Ces résultats devraient prochainement faire l’objet de discussions pour une mise à jour des recommandations. Mais

“De nouvelles données devraient permettre de modifier la prise en charge de nombreuses femmes traitées pour certains types de cancers du sein„

Les femmes jeunes plus vulnérables

Les résultats indiquent que les femmes qui n’ont reçu que l’hormonothérapie ont une survie à neuf mois qui n’est pas différente des femmes ayant reçu en plus une chimiothérapie : 93,9 % pour les premières et 93,8 % pour les secondes. Les taux de récidives n’étaient pas non plus

un frein majeur à une utilisation large de ce test pourrait être son prix : 3850 CHF. « Une analyse anatomo-pathologique classique coûte 10 à 20 fois moins cher. En Suisse, pour l’heure, l’Oncotype DX© n’est pas utilisé de manière systématique. Il est remboursé depuis 2015, mais uniquement si son usage est justifié par le médecin », relève Loïc Lelièvre. Pour offrir aux patients cette médecine personnalisée que les Etats semblent appeler de leurs vœux, il faudra accepter de dépenser pas uniquement pour les traitements mais aussi pour les étapes de diagnostic (analyses génétiques, recherche de biomarqueurs…) qui permettront ensuite de traiter de manière plus pertinente, et donc in fine moins coûteuse. ●


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quiz

planète santé – décembre 2018

Que savez-vous sur l'alimentation ?

1

Qu’est-ce qu’une personne « omnivore » ?

6

Qu’appelle-t-on la « graisse blanche » ?

a b c

Une personne qui boit de tout Une personne qui mange de tout Une personne qui ne mange que des produits d’origine non animale

a b

La graisse utilisée pour cuire la viande La graisse que l’on ne voit pas et qui ne s'accumule pas dans le corps La graisse qui s’accumule sur le ventre, les hanches, les fesses

2

A quoi servent les vitamines ?

a

A aider notre corps à bien fonctionner et à se défendre contre les maladies A donner une couleur jaune à notre urine A stimuler notre appétit

c

7

Qu'est-ce qu'un « poids sain » ?

a

Le poids qui fait que l'on se sent bien dans son corps, qu'on peut courir sans être essoufflé Le poids standard recommandé pour un certain âge Un poids proportionnel à la taille

b c

3

Quel est le rôle du foie ?

a

Réguler notre température et notre pouls Faire fonctionner notre système nerveux Emmagasiner l’excédent de sucre pour l’utiliser la nuit quand on dort

b c

4

Qu’est-ce qu’un sucre simple ?

a b

Un sucre éliminé par les urines Un sucre qui est rapidement disponible pour l’organisme Un sucre qui va directement dans le corps sans passer par le sang

c

5

Qu'est-ce que le diabète ?

a b c

Un excès de sucre dans le sang Un excès de fer dans le foie Un manque de vitamines

b c

8

A quoi sert le sport ?

a b c

A rien A rester en bonne forme Uniquement à développer les muscles

9

Qu'est-ce qu'une villosité ?

a b

La tendance à avoir trop de poils Une excroissance à l'intérieur de notre intestin Une petite poche située dans l'abdomen entre l'intestin grêle et le côlon

c

©iStock/ivan-96

Un quiz en dix questions pour tester vos connaissances sur notre alimentation et ses effets sur le corps.

10

A quoi servent les graisses ?

a b c

A fournir de l'énergie et des matériaux de construction de notre corps A faire glisser les aliments dans l'œsophage A transporter toutes sortes de substances dans le corps

Réponses : 1 : b / 2 : a / 3 : c / 4 : b / 5 : a / 6 : c / 7 : a / 8 : b / 9 : b / 10 : a

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juridique

planète santé – Décembre 2018

Les droits du patient mineur  Un enfant peut-il décider seul de son traitement médical ? La réponse juridique à cette question se fait tout en nuances, en fonction de la situation et de l’âge du patient. Les explications de notre spécialiste. TEXTE Marc Hochmann Favre

soit en principe son père et sa mère (art. 304 al. 1 CC). Or, la capacité de discernement – soit la faculté d’agir raisonnablement au sens de l’art. 16 CC – est une notion juridique qui dépend d’une appréciation de plusieurs facteurs, étant précisé que le Code civil ne fixe pas un âge déterminé à partir duquel le mineur a la capacité de discernement. Capacité de discernement selon l’âge

Marc Hochmann Favre Avocat – Médecin LHA Avocats

I

l ressort du Code civil que le mineur – soit toute personne qui n’a pas 18 ans révolus – n’a pas l’exercice des droits civils (art. 17 CC). Dans la mesure où une décision médicale – soit une décision touchant la santé – ressort d’un droit strictement personnel, la question de savoir si le mineur peut consentir seul à une prise en charge (traitement, opération, etc.) nécessite d’examiner sa capacité de discernement. En effet, le mineur capable de discernement exerce ses droits strictement personnels de manière autonome (art. 19c al. 1 CC) alors que le mineur incapable de discernement est représenté pour ce faire par ses représentants légaux (art. 19c al. 2 CC),

En pratique, et sauf situations exceptionnelles, le médecin peut néanmoins présumer qu’un petit enfant (soit un enfant de moins de 12 ans) n’a pas la capacité de discernement pour faire un choix en matière médicale, alors qu’un jeune proche de l’âge adulte (soit un enfant de 16 ans et plus) a une telle capacité de discernement. C’est dans la tranche d’âge intermédiaire que la situation sera éventuellement plus problématique, comme la capacité de discernement dépend du degré de développement de l’enfant. Il s’agira alors pour le médecin de déterminer in concreto si le patient mineur a la faculté de comprendre sa maladie, d’apprécier les conséquences d’une décision et de communiquer son choix en toute connaissance de cause. Le médecin devra pour ce faire tenir compte de l’âge de l’enfant, de la nature du traitement ou de l’intervention proposée et de sa nécessité thérapeutique. S’il aboutit à la conclusion que le patient mineur est capable de discernement, ce dernier pourra

théoriquement décider seul – c’est-à-dire sans l’accord de ses parents – s’agissant de la prise en charge qui lui est proposée. En pratique…

Bien entendu, une telle situation est très schématique et se trouve relativement éloignée de la pratique médicale. En effet, les parents sont très souvent présents lors des consultations médicales concernant leur enfant, de sorte que la décision sur le traitement est fréquemment prise de concert, sans formalisme. Il existe toutefois des situations où le choix du patient mineur ne correspond pas à ce qui est souhaité par les parents. On pense par exemple au cas où une nouvelle cure de chimiothérapie serait proposée et que le patient mineur ne veuille plus d’un tel traitement, même si cela aura des conséquences sur l’issue probable de la maladie. Dans ce cas, l’examen in concreto de la capacité de discernement est d’une extrême importance, car il permet de déterminer qui – du patient mineur ou des parents – a formellement la capacité de décider. Le respect du secret médical

Il existe également des situations où le patient mineur consulte un médecin en souhaitant que ses parents n’en soient pas informés. On pense par exemple au cas où une patiente mineure consulte le médecin pour pratiquer un avortement. Si la patiente est capable de discernement,


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elle seule pourra décider de l’avortement. De plus, le médecin sera alors tenu au secret médical vis-à-vis de sa patiente et ne pourra donc pas informer les parents sans son accord.1 La facturation dans ces situations pose néanmoins de délicats problèmes auxquels il convient de porter attention afin de préserver la confidentialité. On relèvera que l’éventuelle absence d’implication des parents est en quelque sorte compensée par le fait que le médecin devra en tout cas adresser la patiente

à un centre de consultation spécialisé pour mineurs (art. 120 al. 1 ch. c CP). Prélèvement d’organes ou essais cliniques

Il convient encore de relever que certaines lois prévoient un consentement du représentant légal indépendamment de la capacité de discernement du mineur, ce en principe lorsque la capacité de consentir du mineur peut se trouver au centre d’une tension entre son droit à

l’autodétermination et son besoin de protection et de soins, par exemple dans le cadre du prélèvement d’organe sur un mineur vivant2 ou encore de recherches cliniques3. ● 1 La violation du secret professionnel par le médecin peut faire l’objet de sanctions pénales ou disciplinaires. 2 Art. 13 al. 2 let. f de la Loi sur la transplantation d’organes, de tissus et de cellules (Loi sur la transplantation). 3 Art. 22 al. 1 let. b de la Loi fédérale relative à la recherche sur l’être humain (LRH).

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FAMILLE

planète santé – décembre 2018

Parentalité et couple, les liaisons dangereuses Aussi bénis soient-ils, les enfants ne sont pas toujours de bon augure pour la viabilité des couples. Ils peuvent même, dans certains cas, précipiter les parents vers la rupture. Comment concilier vie de couple et parentalité ? Le Dr Robert Neuburger, psychiatre, thérapeute de couple et auteur de nombreux ouvrages, répond à nos questions. PROPOS RECUEILLIS PAR Malka Gouzer

Planète Santé : Dans vos conférences et

et la société masculine s’est progressivement estompé. En réalité, les pères avaient auparavant peu accès aux questions liées à l’éducation de leurs enfants. Ils se sont donc engouffrés dans la brèche qu’on leur offrait et sont devenus des mères comme les autres. Nous nous sommes aperçus que non seulement ça ne les dérangeait pas de s’occuper de l’éducation de leurs enfants mais qu’ils y prenaient un réel plaisir. En ce sens, les féministes se sont fait doubler. Les hommes ont commencé à revendiquer leurs rôles à la maison et les mères se sont retrouvées dépossédées. C’est ainsi que l’équipe parentale a commencé à se constituer. Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation où il y a « deux mères » à la maison, deux mères dans le sens désuet du terme.

vos écrits, vous évoquez les risques des couples qui se transforment exclusivement en « équipe parentale ». Qu’entendez-vous par là ? Dr Robert Neuburger : Dans le passé, les rôles étaient distribués. La mère était cheffe à la maison, elle prenait les décisions et le père filait travailler. Le soir, le père rentrait, la mère lui expliquait que Totorin s’était mal conduit. Totorin se ramassait une baffe et le rôle du père était plus ou moins accompli. A travers l’émancipation des femmes et, surtout, la désexualisation des rôles professionnels, le clivage entre la société féminine

Une usine avec deux patrons ? Précisément, ce qui a considérablement permis de développer la profession de thérapeute de couple ! Je reçois de plus en plus de personnes qui viennent me consulter pour des problèmes de couple alors qu’ils n’en ont en réalité pas. Ils ont des problèmes de parents qui finissent par retentir sur le couple. Et c’est logique. Lorsqu’un couple se forme, l’un ne va pas dire à l’autre « J’adore ton modèle éducatif ». Ils sont poussés l’un vers l’autre pour d’autres motifs. Lorsque l’enfant ou les enfants arrivent, les parents

Dr Robert Neuburger Psychiatre, thérapeute de couple et auteur de nombreux ouvrages

prennent connaissance de leurs divergences. Madame possédera par exemple une vision éducative plus stricte que Monsieur. Plus Monsieur se montrera laxiste, plus Madame deviendra rigide et au bout d’un moment, la dynamique deviendra intenable. S’ensuivra une dispute qui se répercutera sur le couple et parfois de façon très pernicieuse, c’est-àdire dans la chambre à coucher. Peut-on réellement différencier les problèmes des parents de ceux du couple ? Absolument. La rétorsion devrait toujours se situer au même niveau que la dispute. Notons que le couple ne fait aujourd’hui plus partie de la famille. Il est par conséquent impératif de ne pas le confondre avec la vie de famille. Hélas, de nombreux conjoints ne donnent plus suffisamment de temps et d’attention à leur couple. Ils font des activités en famille, mais de moins en moins ensemble, ce qui est compréhensible au vu de la société dans laquelle nous vivons. Les grands-parents sont souvent absents, les baby-sitters coûtent cher et les deux parents travaillent. Le problème, c’est que si vous oubliez votre couple, votre couple, lui, ne vous oubliera pas. J’entends fréquemment mes patients me dire « Je ne me sens plus exister dans mon couple », « Je ne me sens plus exister en tant qu’homme ou en tant que femme ». Et là, nous ne sommes plus


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très loin de la rupture. Non seulement l’équipe parentale génère des clashs de visions éducatives, mais elle tend aussi vers une fraternisation des liens et dès lors vers une désexualisation du couple. Je ne dis pas que le couple n’est qu’une affaire sexuelle, loin de là. Mais une des grandes fonctions du couple est justement de permettre à l’autre de se sentir homme ou de se sentir femme. Que faire pour dompter les désaccords entre « les deux mères » à la maison ? Il existe à mon avis deux possibilités. La

parentalité complémentaire, où chacun est en charge de ce qu’il sait faire, ou alors, et c’est ce que je prescris le plus souvent, la parentalité alternative. Un chef à la fois. Une semaine maman est responsable de toutes les décisions liées à la maison, la semaine suivante c’est papa. Et pendant que l’un est en charge, l’autre est en vacances parentales, au niveau décisionnel. Cela peut prendre un petit moment à être mis en pratique, mais ça marche et permet d’adoucir grand nombre de conflits. C’est une idée qui m’est venue en observant les couples

divorcés qui ont des gardes partagées. La parentalité alternative est aussi un bon moyen d’éviter toute une série de manipulations. Lorsqu’un parent est en charge, l’enfant ne peut plus aller solliciter l’autre, lui demandant ce qui vient de lui être refusé. De plus, elle permet de diminuer les différences entre les visions éducatives de chacun. La mère devient moins rigide et le père moins laxiste, tout simplement parce qu’ils sont seuls en selle et n’agissent plus par rapport à ce que le conjoint dit ou fait, mais par rapport à ce dont l’enfant a besoin. ●


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fiche maladie

planète santé – Décembre 2018

fiche maladie La sinusite La sinusite est une inflammation de la muqueuse tapissant l’intérieur des sinus, des cavités aérées dans les os du visage. Elle est généralement causée par une atteinte virale suite à un refroidissement, et peut parfois nécessiter des antibiotiques lorsqu’elle se complique d’une surinfection bactérienne. Mais elle peut aussi avoir des causes anatomiques (déviation de la cloison nasale ou polypes), et plus rarement dentaires. Elle peut être aiguë ou chronique. texte

Elodie Lavigne

EXPERTs Dr Marco Delmi, spécialiste ORL, médecin agréé au Groupement

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hospitalier de l’Ouest lémanique (GHOL).

es sinus sont des cavités aérées dans les os du massif facial, qui communiquent avec les fosses nasales. Il existe quatre groupes de sinus. On distingue, de haut en bas et de chaque côté du visage (lire plus loin), les sinus frontaux, sphénoïdaux, ethmoïdaux et maxillaires. On parle de sinusite lorsque la muqueuse qui tapisse les sinus s’enflamme, le plus souvent suite à un rhume. Dans 90 % des cas, la sinusite aiguë est d’origine virale. Le virus se propage alors dans les sinus, avec pour conséquence une inflammation de la muqueuse qui gonfle et obstrue les voies de drainage. Les sinus ne sont alors plus suffisamment aérés et sécrètent beaucoup de mucus pour lutter contre l’infection. Lorsque le mucus n’est plus drainé normalement vers le nez, les bactéries peuvent librement proliférer. La sinusite devient alors bactérienne et peut être très douloureuse. Les germes le plus fréquemment rencontrés : Streptococcus pneumoniae et Haemophilus influenzae. Plus rarement, la sinusite peut aussi être d’origine dentaire (bactéries ou champignons), en cas de caries ou d'abcès, lorsqu'il y a une prolifération bactérienne. Les bactéries en provenance de la bouche se propagent alors dans les sinus maxillaires, situés juste au-dessus des dents supérieures. Il se peut aussi que du matériel dentaire (plombage, implant) dont on ignore la

présence migre dans le sinus maxillaire, et provoque une mycose (champignons du type Aspergillus). Seul un examen d'imagerie permettra de détecter le corps étranger. A savoir encore que, selon le mécanisme en cause, un ou plusieurs sinus peuvent être touchés par l'infection, selon les cas. Généralement bénigne, la sinusite peut parfois se compliquer d’un abcès local ou se propager à l’œil, sous forme d’un gonflement et de la fermeture de ce dernier, ou au cerveau (abcès, méningite ou thrombose du sinus caverneux, une veine du cerveau) avec un risque qui peut être vital. Mais cela reste fort heureusement relativement rare.

La sinusite chronique La sinusite peut également prendre une forme chronique, lorsque les signes et les symptômes durent plus de trois mois ou lorsqu’il y a plus de quatre épisodes de sinusite aiguë par année, qui durent plus de dix jours. Cela peut survenir si l'épisode aigu ne répond pas aux traitements habituels ou s'il est mal soigné, mais l'étiologie exacte de la sinusite chronique reste encore largement indéterminée. Elle est plus fréquente notamment chez les personnes allergiques qui souffrent fréquemment de rhinites, en cas


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de déficit immunitaire ou de polypose nasale. En cas d'épisodes à répétition, il est donc important de rechercher la cause de l'inflammation, le cas échéant en réalisant un scanner des sinus.

Symptômes • La sinusite se caractérise d'abord par une obstruction nasale et la présence de mucosités épaisses de couleur jaune-verte sous forme d'écoulement nasal. • Elle peut s’accompagner de douleurs, le plus souvent sous forme de pesanteur faciale locale ou diffuse ou de douleurs pulsatiles, pouvant parfois faire penser à des douleurs dentaires. La localisation de la douleur dépend en effet des sinus touchés par l’infection. On distingue quatre groupes de sinus (de haut en bas) : frontal (sur le front au-dessus de l’œil), sphénoïdal (en arrière de l'œil), ethmoïdal (à l'angle interne de l’œil) et maxillaire (sous l’œil). Si l’infection concerne le sinus frontal, alors la douleur sera ressentie au-dessus de l’œil. • De la fièvre peut apparaître. • Une perte temporaire de l'odorat peut compléter les symptômes. • Plus rarement, la présence des mucosités peut avoir comme conséquence une mauvaise haleine provoquée par la présence de bactéries dans celles-ci.

Causes La sinusite peut avoir différentes causes, parmi lesquelles : • Des causes anatomiques locales, comme par exemple une déviation de la cloison nasale qui rétrécit les conduits d'aération des sinus et rend le passage de l’air plus difficile. Lors d’un rhume, la muqueuse nasale gonfle, s'épaissit et bouche le nez. Si les conduits d'aération s’enflamment et se bouchent, c’est alors la sinusite. En clair, un sinus qui n'est pas suffisamment ventilé va s'enflammer, voire s'infecter. Une hypertrophie du cornet moyen (autre malformation anatomique) peut également être en cause. • La présence de polypes (excroissances inflammatoires d'origine indéterminée dues à une prolifération excessive de muqueuse) naso-sinusiens, soit au niveau du nez ou des sinus. A noter que les polypes sont plus fréquents chez les personnes asthmatiques et allergiques. • Un problème dentaire. Avec par exemple la présence d'un corps étranger (amalgame, implant) qui aurait migré dans les sinus en passant par un trou (aussi appelé une fistule), créé par l’extraction d’une dent par exemple. Une sinusite

unilatérale, surtout au niveau maxillaire (au contact avec les dents) doit faire rechercher une origine dentaire. Cela d'autant plus si la sinusite persiste malgré un traitement qui semble adapté. • Une maladie systémique (sarcoïdose, lupus, maladie de Wegener), même si ceci est plus rare.

Facteurs de risque

Il existe plusieurs facteurs de risque reconnus, parmi lesquels :

• Le rhume et le refroidissement. • Des facteurs anatomiques locaux (déviation de la cloison nasale, par exemple). • La présence d'allergies. Les personnes allergiques sont plus souvent touchées par un rhume à l'origine d'une congestion nasale et sinusienne. • L’asthme. • La présence de polypes (excroissances le plus souvent bénignes qui se développent sur les muqueuses naso-sinusiennes). • Le fait d'être immunodéprimé, ce qui rend plus vulnérable aux infections. • Plus rarement, la présence de maladies auto-immunes (sarcoïdose, par exemple).

Traitements Le traitement de la sinusite aiguë est le suivant : • L'utilisation d'un décongestionnant sous forme de gouttes ou de sprays, voire de comprimés vasoconstricteurs, permet de libérer les sinus. Lorsque les sinus sont aérés, ils vont sécher et s'assainir. On peut aussi recourir à un anti-inflammatoire de type AINS (l’aspirine étant à éviter chez les personnes atteintes d'un syndrome de Widal) pour diminuer l'œdème (gonflement) de la muqueuse, provoqué par l'inflammation. • Des lavages de nez avec du sérum physiologique pour éviter une surinfection des sinus. • En complément, on peut faire des inhalations de vapeur chaude contenant des essences aromatiques ou des huiles essentielles (menthe ou eucalyptus). • En cas de maux de tête ou de fièvre, la prise d'anti-inflammatoires ou de paracétamol est conseillée. • Si les symptômes persistent au-delà de quelques jours, la prescription d’antibiotiques et de cortisone peut s'avérer nécessaire. Le médecin en jugera. • Il arrive que malgré les mesures ci-dessus, les voies de drainage par lesquelles devraient s'écouler les sécrétions mucopurulentes restent bouchées et occasionnent


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fiche maladie

un abcès. Celui-ci devra alors être évacué par une ponction avant la mise en place d’un drain temporaire qui permettra d'effectuer des rinçages et qui sera retiré au bout d'une dizaine de jours. En cas de persistance des symptômes, des examens complémentaires peuvent être nécessaires (scanner, endoscopie) pour tenter d’en déterminer la cause et pouvoir traiter efficacement la maladie. Par exemple, si l’imagerie montre une obstruction des sinus (en raison d’une malformation, d’une cloison nasale déviée ou de polypes), le recours à la chirurgie peut s'avérer nécessaire, le but étant de libérer les sinus bouchés en agrandissant leurs voies de drainage ou en procédant à l'excision de polypes. Ce type de chirurgie n’est toutefois pas sans risque, étant donné la proximité des yeux et des méninges, et peut parfois nécessiter le recours à des systèmes de neuronavigation en 3D. La chirurgie peut aussi servir à corriger des défauts anatomiques (déviation de la cloison nasale par exemple) impliqués dans la survenue des sinusites. Dans le cas où la sinusite est d’origine dentaire, le traitement sera le plus souvent chirurgical et nécessitera de traiter aussi bien le sinus que la dent ou un éventuel corps étranger, sources de l'infection.

Evolution et complications possibles Dans un premier temps, il s’agit de traiter les symptômes (cf. ci-dessus) et notamment de bien se moucher. L'absence d'amélioration au bout d’une semaine environ doit conduire à consulter le médecin. De même si l’inflammation d’origine virale se complique d'une surinfection bactérienne (mouchages purulents, colorés, aggravation des douleurs, fièvre, etc.). Il est important de ne pas laisser traîner une sinusite purulente, car à la longue cela peut obstruer les voies de drainage et provoquer une sinusite chronique. Il arrive que les symptômes persistent malgré les mesures simples (lavages, antidouleurs, décongestionnants, etc.), mais aussi avec des traitements plus ciblés. Ainsi, si la sinusite ne guérit pas (persistance des écoulements, de la douleur) malgré un traitement antibiotique adapté, on devra procéder à des examens complémentaires afin d’en trouver l’origine. Un scanner des sinus sera utile pour déterminer si des facteurs anatomiques sont en cause (cloison nasale déviée, polypes, malformation, etc.) ou pour rechercher une origine dentaire. Un prélèvement des sécrétions mucopurulentes pour analyse bactériologique ou recherche de mycose (champignon) peut également être envisagé afin d'adapter le traitement. L'évolution de la sinusite est particulièrement insidieuse lorsqu'elle est causée par un champignon d’origine

planète santé – Décembre 2018

dentaire notamment. En effet, l'évolution de la maladie est lente (parfois sur plusieurs années) en présence d'un champignon dans un sinus. Dans ce cas, il peut y avoir des mauvaises odeurs (cacosmie), des mouchages purulents unilatéraux, des écoulements dans la gorge et une sensibilité locale. Il faut alors procéder à un drainage chirurgical par élargissement du conduit d'aération du sinus. Lorsque le pus ne s'écoule plus et qu’il s’accumule dans les sinus, il y a un risque de propagation de l’infection au niveau de l’œil, du cerveau ou des méninges (abcès, méningite). Ces complications intracrâniennes comportent un risque vital et sont heureusement rares. La présence d'un abcès sinusien nécessite une intervention chirurgicale, avec la pose d’un drain intra-sinusien sortant par la narine pour effectuer des rinçages pendant une dizaine de jours.

Prévention Prévention de la sinusite • Éviter si possible les rhumes (hygiène des mains). • En cas de rhume, il peut être utile de procéder à des lavages de nez avec du sérum physiologique ou de l'eau salée. Si le nez est très bouché, on peut y associer l'utilisation d'un décongestionnant – pendant quelques jours seulement – pour le dégager et éviter ainsi une surinfection bactérienne et le recours aux antibiotiques. Attention toutefois à limiter dans le temps (pas plus d’une semaine) le recours aux décongestionnants car un usage à moyen et long terme peut provoquer une rhinite médicamenteuse (gonflement de la muqueuse nasale en réaction à l'application chronique du décongestionnant (effet paradoxal)), qui incite les personnes à utiliser toujours plus le décongestionnant pour libérer leur nez. Le traitement consiste alors à arrêter le décongestionnant nasal. Prévention pour éviter les récidives La prévention des récidives consiste à traiter la cause sousjacente des sinusites à répétition. • En cas de propension à la sinusite, traiter le rhume dès les premiers symptômes avec des rinçages de nez et un décongestionnant, mais sur une courte période. • En cas d’allergie, on peut recourir à des antiallergiques, voire envisager une désensibilisation en fonction de la fréquence des sinusites, notamment. • Recourir à la chirurgie pour redresser une cloison nasale déviée. • De même, on peut envisager de réduire le volume des polypes nasaux en utilisant de la cortisone par voie locale (spray nasal) ou générale (comprimés au début du traitement). Ces excroissances peuvent en effet gonfler,


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Quand contacter le médecin La présence des symptômes décrits ci-dessus (obstruction nasale, sécrétions mucopurulentes (coloration jauneverte), douleur faciale, fièvre) en présence d'un rhume ne doit pas inquiéter. Toutefois, si ces derniers persistent au-delà de quelques jours et ce, malgré un traitement symptomatique (lavages de nez, etc.), alors il est préférable de consulter le médecin. De même, en cas d’aggravation des symptômes (mouchages purulents) ou d’apparition de douleurs pulsatiles. Aussi, si les symptômes persistent malgré le traitement prescrit par le médecin, mais également en cas d'évolution négative ou de complications, une consultation chez un spécialiste (ORL) sera alors indiquée. Des examens complémentaires (endoscopie, scanner des sinus par exemple) pourront être effectués.

Informations utiles au médecin Pour aider le médecin à poser son diagnostic, il convient de décrire le plus clairement possible les symptômes, comme la nature des écoulements (couleur et consistance, intensité) par exemple, et le contexte de leur survenue. Il est important de lui indiquer la présence de douleurs ou

d’une sensation de lourdeur faciales et à quel endroit elles se situent (devant, derrière, au-dessus ou au-dessous de l’œil, etc.). Il lui sera également utile de savoir quels traitements ont été effectués et quelles autres mesures ont été prises jusqu'ici pour atténuer les symptômes. La présence d'allergie, d’asthme, de tabagisme, ou de tout autre antécédent médical (polypes), peut être utile au médecin. De même, si des facteurs anatomiques connus pourraient être en cause. La fréquence (isolée ou à répétition) des symptômes est également une indication importante pour le diagnostic et la suite du traitement.

Examens Lors de la consultation, le médecin s’enquiert des symptômes du patient et procède à un examen clinique qui consiste notamment à inspecter les fosses nasales et palper son visage dans le but de localiser les endroits douloureux. Si besoin, le spécialiste pourra effectuer une endoscopie pour détecter la présence de sécrétions mucopurulentes ou d'un obstacle empêchant le drainage correct du sinus (cloison déviée ou polypes notamment). Si l’infection perdure malgré un premier traitement antibiotique, un prélèvement au niveau du méat (endroit où se situe le conduit d'aération du sinus) peut également être réalisé dans le but d'identifier les microbes (bactéries) en cause. Un antibiogramme (analyse du prélèvement) permettra alors de mieux cibler le traitement antibiotique.

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boucher les sinus et provoquer ainsi des infections. L’ablation chirurgicale des polypes peut également être proposée selon les cas.


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CORPS

Le mystère des « cracs » articulaires Les bruits articulaires sont une source de questionnements, voire d’anxiété. Peu d’investigations ont été réalisées sur ces manifestations fréquentes. Voici toutefois quelques pistes.

©iStock/shayneppl

ADAPTATION Anouk Pernet

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es bruits produits par les articulations sont un phénomène fréquent que nous avons tous une fois ou l’autre expérimenté. Même s’ils sont rarement douloureux, ils sont une source d’inquiétudes et de questions auxquelles les médecins ne peuvent souvent pas répondre clairement. Il existe en effet très peu de recherches sur le sujet. De multiples hypothèses ont été formulées depuis le début du XXe siècle pour en expliquer les mécanismes, avec de récentes découvertes permettant d’éclaircir ce mystère. Craquements et grincements

Dans la famille des bruits articulaires, on retrouve deux types : les craquements et les grincements. Ils peuvent apparaître n’importe où et dans diverses circonstances, volontaires ou non. Le craquement articulaire est brusque, audible. Il se retrouve plus fréquemment aux articulations des mains, mais également aux poignets, épaules, colonne vertébrale, hanches, genoux, chevilles et orteils. Les grincements correspondent quant à eux à une sensation d’accrochage, de frottement ou de crissement audible et/ou ressenti à la palpation, douloureux ou non, provoqué par la flexion d’une articulation. Ce signe clinique est principalement décrit au niveau de la rotule. De ceux qui aiment faire craquer leurs doigts

Certaines personnes provoquent ellesmêmes les craquements de leurs doigts. Ces « craqueurs » décrivent une sensation immédiate de soulagement d’une « tension » locale, qui s’expliquerait par une faible augmentation de l’amplitude articulaire lors de la manœuvre. Le craquement a lieu en plusieurs étapes. Initialement, les surfaces articulaires sont en contact rapproché. Lorsqu’on tire sur le doigt, ces surfaces s’éloignent l’une de l’autre. Elles résistent à la séparation jusqu’à un point critique où elles se séparent brutalement, produisant ce bruit si caractéristique. Juste après, une cavité gazeuse temporaire se forme, avec une période de 10 à 20 minutes sans possibilité de nouveau craquement. Malgré les idées reçues, cette habitude

ne mène pas vers l’arthrose. Les conséquences montrées par les études sont un gonflement des mains, une diminution de la force de préhension (capacité à saisir les objets), une augmentation de l’épaisseur du cartilage et une légère augmentation de l’amplitude articulaire. Mais il n’y a aucune association entre le craquement régulier des doigts et l’arthrose. L’étude la plus originale est celle d’un médecin allergologue américain. Pendant cinquante ans, il a fait craquer quotidiennement les articulations des doigts de sa main gauche uniquement. A la fin des cinquante années, aucune différence clinique ni radiologique entre les deux mains pouvant évoquer une potentielle arthrose n’a été retrouvée. Les patients peuvent donc être rassurés à ce sujet.

Pourquoi ce « crac ! » ? L’origine même du bruit reste débattue. On a longtemps cru que le son était dû à l’éclatement de la cavité gazeuse qui se forme quand on sépare des surfaces articulaires. Celle-ci exploserait alors en plusieurs petites bulles, provoquant le bruit du craquement. Mais des chercheurs de l’Université d’Alberta (Canada) ont récemment démontré qu’il n’y a aucun « éclatement » de cette cavité en microbulles. Au contraire, la cavité persiste après le bruit articulaire et disparaît brutalement à l’arrêt de la traction. Ce serait donc l’apparition de la cavité qui provoque ce bruit et non son éclatement.

Les bruits qui inquiètent et ceux qui rassurent

En revanche, ces bruits peuvent être plus inquiétants quand il s’agit du genou. En particulier, la présence de grincements dans cette articulation est un possible signe précurseur d’une arthrose. Ils peuvent aussi révéler une arthrose déjà

manipulations est étudiée depuis de nombreuses années. Même s’il s’agit encore d’un sujet débattu, les craquements provoqués par les manipulations ne semblent pas être liés à l’efficacité de

“La présence de grincements au genou est un possible signe précurseur d’une arthrose„ présente, mais asymptomatique, et ceci de façon plus marquée chez les hommes et les sujets plus jeunes. Ces grincements ne sont donc pas à banaliser, et des approches rééducatives préventives peuvent être conseillées. Du côté de la colonne vertébrale, on observe également des bruits articulaires, quel que soit le niveau (cervical, dorsal ou lombaire). Ce domaine est surtout étudié par les chiropracteurs, ostéopathes et spécialistes en médecine manuelle lors de leurs manipulations thérapeutiques. L’efficacité de ces

celles-ci. Pourtant, 40 % des patients estiment que le bruit signifie la réussite de la manipulation. Ces croyances, même erronées, pourraient en partie contribuer à l’efficacité symptomatique des manipulations. Preuve que les craquements ne sont pas toujours source d’anxiété mais que, à l’inverse, ils possèdent parfois un effet rassurant ! ● Adapté de « "Mes articulations craquent, c’est grave docteur ?" Les bruits articulaires en question », Dr Mathieu Saubade, Dr Christos Karatzios, Dre Emilie Léonard, Cyril Besson, Dr Gérald Gremion et Pr Vincent Gremeaux, Rev Med Suisse 2017;13:1334-8.


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people

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Pat Burgener

« Quand on fait les choses par passion, l’énergie jaillit naturellement » Il y a des gens comme ça qui réussissent tout ce qu’ils entreprennent. C’est le cas de Pat Burgener, sportif et musicien, amateur de sensations fortes, un brin hyperactif, qui, à seulement 24 ans, peut déjà se targuer d’être parmi les meilleurs snowboarders de half-pipe* de la planète, mais aussi d’avoir lancé un premier album remarqué. Où ce touche-à-tout puise-t-il cette intarissable énergie ? On lui a demandé de nous livrer son secret. Interview. PROPOS RECUEILLIS PAR Clémentine Fitaire

Planète Santé : La santé est une compo-

sante inhérente à votre activité, ce n’est pas un sujet obsédant parfois ? Pat Burgener : Clairement ! Je fais du sport de haut niveau, alors la santé, on la perfectionne au maximum, que ce soit dans la vie de tous les jours, dans l’alimentation, le sommeil, etc. On essaye d’optimiser tout ce qui peut nous rendre en meilleure forme. En tant que sportif de haut niveau, quel rapport entretenez-vous avec votre corps et son vieillissement inévitable ? Honnêtement, je n’y pense pas beaucoup car j’ai de la peine à imaginer mon corps moins performant. Mais le jour où ça arrivera… ça arrivera ! C’est comme ça. Et puis je pense qu’il y a d’autres façons de vivre, de faire autre chose. Ce n’est pas moins bien, c’est vivre différemment. Je vois ça comme une occasion de découvrir d’autres horizons, comme la musique par exemple. Je sais que j’ai du plaisir à faire d’autres activités.

La musique justement, pensez-vous qu’elle possède des vertus thérapeutiques ? Oui, complètement ! Dans le sport, on pense en permanence aux performances, aux blessures. La musique permet de s’occuper l’esprit, de penser à autre chose. En ce moment, j’enregistre mon album aux États-Unis, je ne vais donc pas faire de sport pendant trois semaines. C’est quelque chose d’impensable pour d’autres compétiteurs. Mais moi, je vois plutôt ça comme un énorme travail mental, je pense à autre chose que le sport. Et je suis confiant : je vais retourner en compétition avec une tête fraîche et plus de facilités que d’autres. Avez-vous un plaisir coupable, quelque chose que vous faites alors que ce n’est pas bon pour la santé ? Comme tout le monde, j’adore certains plats qui ne sont pas très sains comme les pizzas, les frites, les chips… Je craque parfois mais je fais attention à garder

un équilibre. Il faut savoir se lâcher de temps en temps pour se sentir bien après, lorsque l’on mange sainement. C’est comme pour l’entraînement : si on s’entraîne tous les jours de l’année, au bout d’un moment on n’y arrive plus, on en devient de moins en moins performant. Vous êtes donc particulièrement attentif à votre alimentation ? Oui, ça fait quatre ans que je fais vraiment attention. Je n’en avais pas conscience avant, mais j’ai réalisé que la viande n’était pas du tout essentielle pour ma préparation physique. J’ai arrêté complètement et ce n’est pas un besoin aujourd’hui. Lors d’un gros entraînement, je prends quelques compléments protéinés, mais pas en dehors de ces périodes intenses. Quand on ne fait pas de sport, je pense qu’il n’y a pas véritablement d’intérêt à manger de la viande. Et puis je suis aussi très sensible à la protection de la planète, et l’industrie de la viande a clairement un impact écologique.


©WABS/Etienne Claret


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Vous devez être en permanence entouré d’une armée de médecins, de physiothérapeutes, etc. Quels rapports entretenez-vous avec cette équipe médicale ? Je fais souvent des check-up, mais depuis que j’ai repris en main mon alimentation et mon hygiène de vie, je me sens vraiment en bonne santé et je connais mieux mon corps. Je n’ai pas besoin d’une prise de sang pour savoir que je suis fatigué, que j’ai besoin de faire une pause, que j’ai un manque de fer ou de magnésium.

sur la piste, ce n’était pas du tout comme je l’imaginais, le half-pipe est plus grand, la météo est difficile… on est toujours face à des imprévus. Mais plus on est ouvert d’esprit, plus on pourra être performant en compétition.

Vous poussez en permanence votre corps dans ses limites, vous êtes-vous déjà dit que vous étiez allé trop loin ? C’est souvent quand on se blesse qu’on réalise qu’on est allé trop loin. Mais on peut aussi s’épuiser mentalement. Moi, par exemple, j’ai senti à un moment donné que j’étais à bout, je voulais faire trop de choses à la fois : musique, entraînements, compétitions. Je n’arrivais pas à atteindre mes objectifs car je poussais trop. Depuis, j’ai appris à davantage ménager mon rythme et mon corps.

1 998 A 4 ans, monte pour la première fois sur un snowboard à Crans-Montana.

Avant une compétition, comment gérezvous votre stress ? Le stress c’est quelque chose qu’on apprend à gérer. Quand on y arrive, c’est une énergie positive dont on peut tirer plus de force. Je suis coaché depuis quelques années par le Maître en arts martiaux Claudio Alessi. C’est lui qui m’a conseillé d’arrêter la viande et de manger plus sainement. Au-delà de ça, il m’a apporté une nouvelle manière de vivre, en m’apprenant à apprécier chaque instant, même les moments de stress. Comme beaucoup de sportifs, avez-vous un rituel avant une compétition ? Pas vraiment. A mon avis, la superstition vient couvrir la peur de quelque chose, le besoin de se rassurer en contrôlant le moment présent. Et pourtant, quoi qu’on fasse, la vie se déroule. Il faut au contraire savoir à tout moment improviser. Personnellement, c’est d’ailleurs ce que j’adore dans ce que je fais. Plusieurs fois il m’est arrivé de me dire avant une compétition : « Il faut que je fasse ci, il faut que je fasse ça », et en fait, une fois

Bio express 1 994 Naissance à Lausanne.

20 1 0 A 15 ans, premier podium en Coupe du Monde à Kreischberg (Autriche). 20 1 6 Première victoire en Coupe du Monde à Copper Mountain (Etats-Unis). 20 1 7 Premier podium (3e place) aux Championnats du Monde à la Sierra Nevada (Espagne). 20 1 8 Remporte la 5e place en half-pipe aux Jeux Olympiques d’hiver de Pyeongchang (Corée du Sud). 201 8 (m a r s) Sortie de son premier EP « The Route ».

Quel est votre pire souvenir de compétition ? J’en ai pas mal. Surtout dans ma jeunesse, car j’étais très influencé par les choses externes que je ne pouvais pas contrôler mais que j’essayais malgré tout de contrôler. Par exemple, lors des championnats du monde quand j’avais 16 ans, il neigeait, il faisait très froid, j’étais déstabilisé et j’ai raté des figures basiques. Je voyais les autres riders qui faisaient de super figures et je me disais : « Mais comment font-ils pour rider aussi bien ? ». En fait, ils étaient tout simplement à un autre niveau mentalement.

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Votre énergie semble inépuisable… où allez-vous la chercher ? Je pense que quand on trouve sa voie, quand on fait les choses par passion, l’énergie jaillit naturellement. Tous ceux qui ont une passion le savent. Et on est vite accro à cette énergie naturelle que cela nous procure. Donc, comme toute addiction, vous ressentez un manque lorsque vous ne pratiquez pas ? Oui, quand je finis une saison intense de sport, je me sens un peu vidé, sans énergie. Il y a une petite tristesse qui s’installe, une « descente » difficile à gérer. Mais c’est une sensation qu’on peut apprendre à contrôler. Ce n’est pas du temps perdu, il faut juste savoir l’utiliser. Au début on est un peu déstabilisé, puis on apprend à transformer ces moments de « down » en quelque chose de positif. J’ai d’ailleurs écrit un morceau, Lost Time, qui parle de ça. Vous travaillez avec votre frère. La famille est-elle importante à votre équilibre ? Oui, clairement. On se sent imbattable. Vous savez, c’est dur de réussir dans le sport, dans la musique. Donc quand on n’est pas seul à combattre ce mur infranchissable, on est plus fort. À seulement 24 ans, vous avez déjà accompli beaucoup de choses. Quel rêve vous reste-t-il à réaliser ? D’une certaine manière, je travaille tous les jours à la réalisation de mes rêves. Les résultats ne se voient pas forcément tout de suite mais ce qui est beau, c’est le voyage, pas la destination. Entre autres, j’aimerais vraiment voir mon nouvel album grandir, le voir dans les top charts, faire des tournées, toucher un maximum de personnes avec ma musique. Coté sport, je prends chaque compétition comme elle arrive. En ce moment, je suis focalisé sur les prochains championnats du monde, je veux décrocher une médaille. Et puis, bien sûr, il y a les prochains JO. Il va falloir se battre ! ● * Le half-pipe est une discipline olympique de snowboard, ainsi que le nom de la rampe sur laquelle elle se déroule.


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