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Sri Lanka (1) : les voix de la jungle Gilles Fumey 27 décembre 2018 (mise à jour : 2 janvier 2019)
Depuis une grotte de Maussawa, où vivaient des moines bouddhistes, la vallée de Halpola où se cache Ecolanka, un site d'écotourisme sri-lankais. Une petite série sur l’écotourisme comme alternative au tourisme de masse. Avec Ecolanka, au Sri Lanka qui a reçu le label Forest Garden Product pour son travail à la restauration du patrimoine forestier local… grâce au tourisme. D’abord, quand on arrive de Colombo situé à près de 4 heures de route, on réalise qu’aucune photo ne donne le son du paysage qu’on va découvrir. A fortiori, celui d’une forêt tropicale, par nature très habitée. A Maussawa, c’est le grand concert. Dans le cul de sac de la vallée du Halpola, autos et motos sont rarissimes. Tout est pour la philharmonie. Seul le tambour de la pluie frappant fort peut interrompre le chant des oiseaux. La sylve, gigantesque machine à produire de la photosynthèse, est une gigantesque machine à sons. Les visiteurs de ces cathédrales végétales sont plongés dans un frisson sonore et visuel, une totalité que les Européens du XVIe siècle ont recherchée lorsqu’ils ont inventé l’opéra. Chez Shelley et Claudie qui possèdent cette réserve de biodiversité non loin du pic d’Adam perché à 2243 mètres d’altitude, en plein cœur du Sri Lanka, le chant des oiseaux fait partie du projet d’écotourisme. Un projet que les sciences de la nature appellent une «forêt analogue» qui prend racine dans une volonté plus globale de participer à la reconquête de la biodiversité sur une ancienne plantation de thé anglais. Au pied d’immenses regards de faille de plusieurs centaines de mètres de dénivelé vertical, leur jardin forestier a acclimaté des centaines d’essences végétales de différentes tailles. Les manguiers, les canneliers et palmiers kitul y atteignent facilement douze mètres de haut. Une aubaine pour les macaques qui ne manquent jamais de se signaler… Pour le touriste appâté au Sri Lanka par la tropicalité, la vie au grand air, sans barrière, soleil et pluie alternant pour nourrir la sylve, le chant des oiseaux est le dernier cadeau des dinosaures, puisque les oiseaux en sont les descendants (ce qui laisse imaginer le boucan des forêts de l’ère tertiaire). Boucan ou symphonie informelle? Philippe Maunoury, professeur au Collège de France, se demande «comment penser l’informel en musique et comment émergent les formes». Olivier Messiaen a passé des années à étudier le chant de la forêt dont il restitue des pièces dans Le réveil des oiseaux (1953), une œuvre qui commence à minuit et se termine à midi. Dans la forêt, singes, oiseaux, amphibiens, grillons, sauterelles et cigales donnent des tempos, des sons, des lancées qui font mine de se répondre. Dans l’entrée de l’acte II de son Saint François d’Assise, Messiaen fait chanter un loriot à tête verte (Oriolus chlorocephalus) qu’on reconnaît bien dans la sylve srilankaise. On croise chez Claudie et Shelley qui ont monté ce village d’écotourisme, beaucoup de citadins qui veulent «débrancher». Ils cherchent le silence mais ne protestent pas contre le bruit de la forêt. Sans doute fait-il partie de cette quête de biodiversité qui est la marque du Sri Lanka dans le tourisme international. Alors que les campagnes françaises se meurent dans le silence, les forêts tropicales sonnent de toutes leurs forces l’alerte. Sensibilisent-elles assez fortement leurs visiteurs étrangers au combat à mener pour retrouver l’immense rumeur d’un monde disparu ? -----------------Lire l’interview de Jean-Claude Roché par Olivier Lamm Pour en savoir plus : Ecolanka
On peut goûter au son de la forêt tropicale sur cette vidéo
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Sri Lanka (2) : le kitul, édulcorant du futur Gilles Fumey 29 décembre 2018 (mise à jour : 31 décembre 2018)
Wimele à l'assaut du palmier kitul Doit-on penser que la saveur sucrée est « innée » chez les humains alors que des peuples s’en sont passé pendant des millénaires ? Ecolanka donne une réponse. Pourquoi les Japonais, Chinois et autres peuplades ont-ils pu vivre des millénaires sans sucre ajouté à leur alimentation ? Pourquoi n’auraient-ils pas succombé à cette substance que les économistes ont longtemps comparé à l’or ? Parce qu’il exerce un envoûtement avec son goût suave, puis légèrement acide… Sans doute est-on devant un produit hautement culturel. Aujourd’hui encore, au Sri Lanka, dans leur région endémique, Kotmale, des hommes très agiles grimpent au bouquet des palmiers Caryota urens, parfois jusqu’à trente mètres du sol, pour récolter une sève connue sous le nom de kitul. Le kitul ? Un sucre inverti (que le corps humain ne stocke pas) à faible indice glycémique, riche naturellement en vitamines B1, B12 et C, en calcium et en fer. Pour le kitul, Deux fois par jour, Wimelé, le grimpeur que nous avons observé, coupe un morceau de la tige de la fleur du Caryota urens pour récolter quelques précieux litres d’une sève filtrée, chauffée dans de grandes marmites en acier inoxydable, puis bouillie et réduite pendant au moins cinq heures à une proche de 110 °C jusqu’à obtention d’une couleur brune et d’une bonne densité. Chez Claudie et Shelley à Ecolanka, le grimpeur Wimelé, soixante-deux ans, sidère les visiteurs pour l’agilité qui a apprivoisé depuis sa jeunesse les lois de la gravité. Il raconte qu’il a appris de son père à repérer l’âge des fleurs jaunes du palmier (il faut compter une première récolte à la vingtième année de l’arbre). Avant de grimper, le cueilleur peut demander à un astrologue qu’est le meilleur moment et le bon côté de l’arbre pour y accéder. Il prépare ensuite une potion qu’il appliquera sur la fleur choisie (sa recette diffère de famille en famille, mais on sait par un autre grimpeur qu’il peut s’agir d’un mélange de citron, poudre d’épices et de fruit du murunga). Un mélange qui permet de faire remonter la sève jusqu’à la tige. Dewathissa, qui grimpe aussi, prie avant d’empoigner le tronc d’arbre. En haut, la fleur se présente comme une sorte de grande chevelure qu’il faut couper. Reste la tige qu’on couvre et laisse reposer. La semaine suivante, le grimpeur entaille la tige une première fois, la recouvre de cendres et d’un tissu pour la protéger des insectes et des animaux. Certaines années, la récolte peut donner jusqu’à trente litres par jour, chaque fleur produisant environ trois mois, mais personne ne sait quand la plante s’arrêtera de donner la sève. Trois litres de sève donnent une petite bouteille de 375 ml. En effet, le kitul est un produit si rare qu’Ecolanka a pu la faire inscrire, grâce à Guayapi, à l’Arche du goût de Slow Food. Cette arche rassemble tous les produits menacés par l’agriculture industrielle dont les techniques de récolte ne respectent pas les savoir-faire locaux. Cette sève onctueuse et ambrée, aux fines notes de caramel qui ont séduit les chefs étoilés comme Michel Bras et Olivier Roellinger fait merveille partout où elle passe en cuisine : plats légèrement salés pour son arrière-goût subtilement poivré comme l’avait remarqué le cuisinier de l’Aubrac, Michel Bras, ou encore fromages blancs, salades de fruits et desserts à la noix de coco. C’est Wikramaratne qui élève aujourd’hui les palmiers kitul dans sa pépinière. Car la forêt de la vallée de Halpola, décimée par l’industrie du thé, est à reconstruire. Et les plantes doivent être sélectionnée pour être situées à la bonne distance les unes des autres. Ainsi pendant que les pays industriels du Nord de la planète dilapident leur capital de biodiversité par une agriculture productiviste, le Sud donne des solutions et des précautions pour construire une alimentation plus proche de la nature, respectueuse de l’environnement, hostile au gaspillage qui est l’une des hontes de notre époque repue. Reste à écrire l’histoire culturelle du sucre devant lequel les peuples de la terre sont inégaux. ----------------------La sève de kitul est vendue chez Guayapi en bouteille de 375 ml à Paris et en boutique bio. Wimele, 62 ans, à 25 mètres de haut, récolte la sève du kitul deux fois par jour
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Sri Lanka (3) : Saveurs et savoirs Gilles Fumey 31 décembre 2018 (mise à jour : 31 décembre 2018)
Une assiette sri-lankaise : manioc, galette de kurakkan et riz, fondue d'oseille, potimarron en sauce, anchois frits, salade de coco, oignons et poivre Dans les pays où ils ne parlent pas la langue, les touristes dialoguent avec les cultures locales par les cuisines. Devant leurs assiettes, les plus savants détectent l’origine géographique des saveurs des mets qu’on leur sert. Est-ce la bonne méthode ? Ecolanka répond. Le géographe Jean Bruhnes pensait que «manger, c’est incorporer un territoire». Superbe formule qui montre combien la géographie est présente dans nos corps. Mais comment «incorporer» un pays qu’on ne connaît pas ? En testant au Sri Lanka, pays peu connu des touristes qui s’y rendent, ce qu’est «découvrir» une cuisine passe par une série d’étapes avant de manger, choisir un restaurant. Pas de saveurs sans savoir. En cherchant des repères, les visiteurs sont rassurés de tomber sur du riz, du poulet, du manioc. Mais les épices? Les sauces? Ce qui peut brûler les papilles? Comment faire le tri? Les épices du monde indien apparaissent comme une muraille à franchir. Mais pour certains, c’est une palette aux mille possibilités. Sans connaître la médecine ayurvédique qui les a intégrés aux cuisines, on peut s’arrimer au «curry», dont on sait qu’il s’agit d’un mélange local, combinaison d’un savoir savant ou vernaculaire, de connaissances médicinales, de « traditions » transmises dans les familles. Le curry suppose aussi qu’on maîtrise le feu des épices (ici, au Sri Lanka, dans le sambol), qu’on en dose le piquant et les registres amers, poivrés voire sucrés. Le curry, c’est l’outil de confiance des cuisines complexes du monde indien. Inutile de passer en revue toute la cuisine comme le riz rouge kakuluhaal ou un millet sauvage sans gluten kurakkan, les bananes plantain alu kesel, le jaquier comme légume, noix ou fruit, tous les légumes verts (notamment la moringa) et noix de coco râpées au curcuma : on y perdrait sa grammaire dont l’une des règles communes à toute l’Asie du Sud et du Sud-Est est le goût du lait de coco. Que les Hollandais aient importé les saveurs de leurs Indes orientales (l’Indonésie), les Tamouls celles de leur région d’origine en Inde, les Malais (musulmans) leur couscous à la farine de riz et râpé de noix de coco cuit à la vapeur dans une tige de bambou, les Arabes leur galette comme le rotty, les Anglais le chutney et la bière, toutes ces migrations et acculturations n’épuisent pas la créativité culinaire d’une nation. Du reste, la majorité des Sri Lankais vivent à la campagne, beaucoup dans les forêts comme chez Ecolanka où ce sont des villageoises qui font la cuisine aux visiteurs. Dans le jardin attenant à l’écovillage, elles ramassent les patates douces, le manioc racine et feuille, le yam (légume entre pomme de terre et salsifis), le butsarana (un tubercule) , le jotukola (une salade), le katuru murunga (feuilles riches en protéines végétales), le fruit à pain. Chaque repas est une découverte pour les sens, même pour les jeunes qui sont revenus de la nourriture industrielle. A Ecolanka, la distance entre le café vert et le thé sauvage, vert ou blanc (silver tip) est la plus courte qu’on puisse imaginer. Celle des fruits, comme les mangues (à condition que les macaques peu partageux en laissent), les papayes, l’ambarella, l’ananas, les bananes de différentes variétés, le laullu, l’avocat, toutes ces distances ne dépassent pas la centaine de mètres. Et pour les (assez rares) produits carnés qui hors de l’omniprésent poulet, du bœuf qui pait sur les terrasses de la rivière où les pêcheurs se servent sans barguigner, rien ne déroge vraiment aux règles d’un bouddhisme de bon aloi, dont les lois sont interprétées par chacun en fonction de son adhésion personnelle. Alors, comment transmettre aux touristes autre chose que des recettes inscrites dans des guides? Comment donner une idée de l’inventivité des cuisinières locales, de leurs tours de main pour arranger ce qu’elles ont le matin et en donner le meilleur aux visiteurs, pour peu qu’ils ne soient pas méfiants? C’est tout l’enjeu du tourisme qui ne peut se satisfaire de laisser au marché, aux conglomérats, la prise en charge de ceux qui ont pris le risque de quitter leur chez soi pour une aventure qui ne doit pas virer au cauchemar. ----------------Un point d’écotourisme au Sri Lanka : http://www.ecolanka.com/
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Sri Lanka (4) : un pays dévasté par le thé Gilles Fumey 2 janvier 2019 (mise à jour : 3 janvier 2019)
Un environnement (enchanteur ?) dévasté par le thé (Sri Lanka) Le bilan environnemental d’une colonisation : qui fait cela ? Quand on parcourt le Sri Lanka et ses monocultures de thé à perte de collines, on boit son « Ceylon Tea » de travers. Pourtant, les agences de voyage continuent à vendre des visites d’usines à thé qui seront peut-être dans le futur des mémoriaux de catastrophes environnementales. Heureusement, la "forêt analogue" répare les dégâts. Même le Routard 2018, resté un peu anar, n’a pas pris le virage : pour ses rédacteurs, « le Sri Lanka dévoile dans les montagnes du centre des paysages parmi les plus beaux de l’île » ! Pourtant, on n’y voit que la désolation semée par les Anglais. Depuis qu’un certain James Taylor a l’idée d’industrialiser la production de thé en 1867 à Loolecondera (ක ර) à la suite d’une catastrophe sanitaire et de la concurrence du Brésil conduisant à l’époque à la disparition des plantations de café. L’Ecossais n’y va pas de main morte. Des centaines de milliers d’hectares de forêt tropicale vont disparaître en quelques décennies. Aiguillonné par l’autre larron du thé, Thomas Lipton, qui voit le thé comme un « or vert », ce qui lui vaudra l’anoblissement par Victoria. Comme le thé se récolte toute l’année, l’affaire est bonne pour « Sir Tea ». Derrière eux, à l’indépendance de Ceylan en 1948, les British laissent une île dont l’environnement est saccagé : ne restent que 5% du territoire en forêt dans un pays qui en comptait plus de 90% un siècle plus tôt. Des terres de monoculture où les intrants chimiques tiennent lieu de fertilisants. Aujourd’hui, le tourisme de l’île est bâti largement sur ces paysages de thé que les visiteurs photographient à la sortie d’usines où on leur a consciencieusement appris en quoi consiste la cueillette. Pourquoi ne leur dit-on pas que les cueilleuses touchent 2 euros par jour pour huit heures de boulot ? Avant d’endormir le public dans les vapeurs d’une dégustation du Broken Orange Pekoe Fannings, on le saoûle avec des informations techniques sans grand intérêt (séchage, roulage, fermentation, déshydratation, triage, emballage). Pendant qu’un guide parle, ils prennent des photos de leur groupe, et sont enchantés de faire des affaires en payant leur sachet trois euros six sous. Puisque la plupart des thés sont des mélanges (blend), on fait comme à Bordeaux où l’on pratique l’assemblage de plusieurs cépages pour plaire à la clientèle, on invente des terroirs en indiquant les noms d’origine sur les emballages, on les classe comme des grands vins pourtant produits avec force pesticides et intrants chimiques.
La forêt analogue comme une solution Que faire ? Les Sri Lankais se sont réveillés avec la gueule de bois. L’un des protagonistes du mouvement environnemental est Ranil Senanayake, herpétologiste (spécialiste des rampants) et docteur en écologie des systèmes, dans les années 1980. Il invente une méthode de reforestation respectant les interactions entre les espèces. Mais surtout, elle permet aux fermiers et habitants de contrées reculées de subvenir à leurs besoins. Cette méthode s’appelle la « foresterie analogue » et commence à se diffuser dans le monde tropical depuis les années 1990. Il rachète une ancienne plantation de thé à Belipola et planifie un système s’inspirant des puranagama, des vieux villages traditionnels sri-lankais.
Une forêt analogue, reconstituée sur les conseils de Ranil Senanayake Analyser la composition du sol en rapport avec l’altitude, parcelle par parcelle, noter la végétation de la forêt primaire dans le même contexte, voir quelle est la fonction écologique du lieu. Il faut replanter les espèces selon un cahier des charges « naturel » d’où le terme « analogue ». On commence par les arbres qui donnent la canopée et son ombrage nécessaire aux autres strates de la forêt (arbustes, grimpantes et herbacées). Réapparaissent alors les reptiles, oiseaux et amphibiens dès la cinquième année. « Doucement, la forêt mûrit, nous explique Ranil. Neuf à dix ans plus tard, vous voyez des espèces que vous n’aviez jamais observées sur place auparavant. La nature commence à prendre le dessus, il ne reste plus qu’à l’aider, en la comprenant. » A Ecolanka, en se promenant sur les bords de la vallée de Halpola, on voit bien les deux milieux : au fond, une rizière (et en haut les vestiges d’une plantation de thé) et sur l’autre versant, la forêt analogue, reconstituée par Wickramarathne (photo ci-dessous), 75 ans, la mémoire botanique du village qui travaille pour Guayapilanka. En attendant, les anciens pays colonisés ne vont-ils pas être tentés de présenter la facture environnementale aux pays riches, comme ils essaient de récupérer leurs oeuvres d’art pillées ? Les lendemains vont chanter....
------------Pour en savoir plus : le centre de Belipola Un site très riche : Earth Restoration
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Sri Lanka (5) : Le tourisme est-il dangereux ? Gilles Fumey 5 janvier 2019 (mise à jour : 6 janvier 2019)
A gauche, un versant cultivé en agriculture intensive pour l'exportation ; à droite une forêt analogue, écosystème très riche permettant aux habitants de vivre d'une agriculture et d'une cueillette maîtrisée. (Belipola, Sri Lanka) Que faire du désir de l’autre, né en Angleterre au XVIIIe siècle, qui a transformé largement les relations interhumaines ? Comment faire de ce désir de l’ailleurs une vraie rencontre sans atteintes aux populations et à l’environnement dues au tourisme de masse ? Cet questions, les fondateurs de l’écotourisme y ont répondu depuis les années 1970. L’écotourisme est né de pratiques touristiques conscientes qu’une rencontre est possible. Oui, on peut échapper au divertissement (1) dénoncé par Pascal. Oui, on peut aller vers l’autre sans être hors-sol, dans des hôtels ou des parcours entresoi, comme cela se pratique souvent.
Shelley Abeyagoonesekera (dr.) et Claudie Ravel (g.) ont créé Ecolanka pour produire et distribuer des plantes et des produits emblématiques du milieu sri-lankais.
Changer les pratiques sociales du tourisme Les lieux de l’écotourisme s’inscrivent contre les pratiques de masse. Leur construction respecte l’esthétique des paysages alors que le tourisme industriel veut en « profiter ». L’écotourisme pratique une gestion écologique des déchets, n’utilise que parcimonieusement le bois des forêts tropicales pour l’énergie ou la
construction, récupère les eaux grises (savonneuses, de vaisselle) en évitant le tout à l’égout, produit des nourritures sans engrais de synthèse, ni pesticides. L’écotourisme veut changer les pratiques sociales : toute initiative écotouristique doit élever le niveau de vie des populations locales pour leurs besoins essentiels, notamment par implication dans les activités touristiques. Les États doivent donner des agréments économiques, pour l’artisanat en évitant les ventes de pacotille venues des pays à bas salaires. Les informations sur les caractères écologiques doivent contrecarrer les publicités sur la vue sauvage, et inciter les touristes à être responsables en respectant un minimum de règles locales.
Quel est l’apport de ce type de tourisme pour les populations locales ? Car les touristes se comportent souvent comme des consommateurs. Les touristes sont pris dans un engrenage marchand où on tente de satisfaire leurs projections.Une projection nécessaire mais qu’il faut canaliser.
La richesse et la pauvreté, des notions culturelles Le risque est que l’écotourisme soit une quête de bonne conscience face à la pauvreté. D’abord, qu’est-ce que la pauvreté ? Que répondre sinon que le Sri Lanka a une espérance de vie de plus de 75 ans, supérieure à des pays richissimes comme le Koweit ou l’Arabie Saoudite et non loin des… Etats-Unis ! Non seulement, la qualité de vie et, en l’occurrence de l’alimentation y est meilleure, mais cet exemple montre qu’on a des approches culturelles de la pauvreté qui ne peut pas se mesurer que matériellement.
Comment se préserver ? Au Sri Lanka, on pense souvent que l’idéal est de construire des centres d’accueil hors des villages. Parce que les touristes véhiculent des images qui détruisent les cultures locales. Et pour des très pauvres, le tourisme déclenche l’envie de gagner de l’argent. Il y a toujours un risque local de délitement des communautés locales qui vont jusqu’à la perte de l’estime de soi, les populations devenant parfois des mendiants. Jusque dans les années 1980, en Asie du Sud et du Sud-Est, les habitants des villages reçoivent chez eux à bras ouverts, peuvent offrir à boire et à manger. Cette approche de l’hospitalité a disparu au profit d’une culture du commerce. Cette nouvelle culture crée une relation inégale et injuste Quelles conséquences vont avoir les désirs des locaux de s’enrichir par les touristes ? Sait-on à quoi on s’attend en abandonnant un travail pour s’occuper des touristes, le jour où la guerre, les attentats, les catastrophes comme les typhons, séismes, tsunamis, inondations font fuir les visiteurs ? Pour les écosystèmes, progressivement, se met en place une doxa mondiale. Doit-on conserver des lieux comme les Sentinelles sur l’archipel d’Andaman-etNicobar où un Américain voulant pénétrer en terre indienne a été tué ?
L’écotourisme pour le développement social L’écotourisme peut contribuer à restaurer des écosystèmes, et protéger des cultures locales des effets néfastes de contacts mal maîtrisés entre touristes et locaux. Au Sri Lanka, Shelley Abeyagoonesekera, ancien professionnel de l’hôtellerie, a constaté les dégâts du tourisme de masse dans les années 1970-80 et s’est allié avec Claudie Ravel à Maussawa dans la montagne sri-lankaise à restaurer une forêt sur une ancienne plantation de thé. La restauration de la forêt tropicale décimée par les Anglais est possible grâce aux soutiens des touristes qui fréquentent les écovillages. Ecolanka restaure une forêt sur des dizaines d’hectares d’une ancienne plantation de thé avec la population du village de Maussawa. Un ethnobotaniste, Wickramarathna, âgé de 75 ans, se met au service du projet et sélectionne les arbres de sa pépinière pour replanter des palmiers kitul. Il n’y a pas de fatalisme au divertissement pascalien. Les humains dans une vraie rencontre avec les autres humains, c’est possible. Mais il faut repenser la rencontre et l’intégrer dans la démarche d’éducation, de sensibilisation dont le commerce équitable peut être un levier. Des acteurs ont créé l’Association du tourisme équitable et solidaire (ATES), membre d’une plateforme pour le commerce équitable (PFCE) devenue Commerce Equitable France depuis le 1er janvier 2018.
---------------(1) Rappelons ce qu’écrivait Pascal dans ses Pensées : “Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose qui est de ne pas savoir demeurer au repos dans une chambre”. Parmi les commentaires, on peut lire celui-ci. Pour en savoir plus sur Guayapi -------------------
L’entretien de la forêt par les villageois (ici Wickramarathna, ethnobotaniste)
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