Mémoire - Le Campus de Charleroi : Quelles perspectives d’avenir pour le campus ?

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Le Campus de Charleroi Quelles perspectives d’avenir pour le campus ? Guénola Bayon de Noyer Promoteurs : Géraldine Lacasse – Benoit Moritz Deuxième année du grade Master en architecture Année Académique 2019-2020 – Session Septembre

Faculté d’architecture La Cambre Horta (ULB) Place Flagey,19 B-1050 Bruxelles

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Le Campus de Charleroi Quelles perspectives d’avenir pour le campus ? Guénola Bayon de Noyer Promoteurs : Géraldine Lacasse – Benoit Moritz Deuxième année du grade Master en architecture Année Académique 2019-2020 – Session Septembre

Faculté d’architecture La Cambre Horta (ULB) Place Flagey,19 B-1050 Bruxelles



REMERCIEMENTS

Merci à Géraldine Lacasse pour son soutien inconditionnel tout au long de ce mémoire. Merci à Benoit Moritz pour son soutien tout au long de ce mémoire. Merci à Géraldine Lacasse et Benoît Moritz pour leur enseignement au sein de l’Option Urbanisme. Merci à Nadia Casabella et Gery Leloutre pour leur enseignement au sein de l’atelier Urban Assemblage (Deuxième semestre). Merci à Nadia Casabella et Benoît Burquel pour leur enseignement au sein de l’atelier Urban Assemblage (Premier semestre). Merci aux membres du master de Charleroi pour leurs présentations riches d’informations et de réflexion. Merci à la communauté Facebook de Charleroi en photo pour la source d’images d’époque. Merci à Jean-Marie Theys pour les photos d’époque. 5


AVANT PROPOS : Pourquoi avoir choisis le campus de Charleroi comme sujet de mémoire ? Campus. L’intérêt grandissant pour la question des campus naît lors de mon Erasmus à Buenos aires en 2018-2019. Je suis alors mes cours au sein du campus de La ciudad universitaria à la Facultad d’Architectura, Diseño y Urbanismo (UBA). La ciudad est un complexe universitaire qui accueille les facultés de l’Université de Buenos Aires le long du Rio de la Plata. Il faut bien comprendre que cette implantation n’a rien d’ordinaire au sein d’une ville qui s’est construite à l’écart du littoral et qui lui tourne le dos. Par conséquent, le cadre est idyllique mais isolé du reste de la ville dense par l’artère principale de la ville Avenida Leopold Lugones qui longe la côte. Un réseau de bus et la récente création d’un arrêt lié au chemin de fer assurent malgré tout le va-et-vient des étudiants mais aucun pont physique ne permet de relier l’université à la ville. Le caractère étrange d’une ville peu connectée à son littoral et l’exception que formait ce campus m’ont intrigué et poussé à choisir un taller (atelier) qui traitait de cette thématique (A+A). Forte de cette expérience, j’ai pensé alors m’orienter vers un mémoire sur la thématique du campus et de son intégration urbaine. A mon retour à Bruxelles en septembre 2019, je décide alors de suivre l’enseignement de l’option d’Urbanisme assurée par Géraldine Lacasse et Benoit Moritz autour de la thématique du campus et je choisis l’étude du campus du Charleroi. Il s’agit d’un projet de rénovation pour transformer le site de l’Université du Travail à la Ville-Haute en Campus des Sciences, des Arts et des Métiers. Charleroi. Le 10 octobre 2019 le cours d’option organise une présentation “Campus ULB Charleroi” au sein de Bâtiment Zénobe Gramme, au cœur du campus de la Ville-Haute. J’assiste aux présentations d’Anne Meesen, attachée à la direction générale de la ville, sur le projet urbain établit pour la Ville-Haute (District-Créatif) et Julien Dugauquier, Directeur du Centre Universitaire Zénobe Gramme, nous présente les projets en cours sur le plateau nord de la ville. Je profite de cette réunion pour explorer le bâtiment. L’ensemble est grandiose mais semble avoir été figé par l’histoire : les gradins des classes sont en bois polis par le temps, l’espace central est couvert d’une verrière imposante et accueille des vieilles machines et les esclaliers métalliques me rappellent le passé industriel de la ville. En sortant du bâtiment j’arpente les espaces extérieurs occupés par des voitures mal garées. J’apprécie toutefois le lien direct des rues qui traversent le complexe et admire la vue qu’offre l’implantation surélevée du campus. Plus tard, je décide d’entrer dans le Bâtiment Roullier. Je découvre des espaces d’atelier, plongés dans l’obscurité, aux machines poussiéreuses. Seul signe de vie : le bruit clair d’un groupe de travail qui s’affaire autour d’un atelier de construction en brique. Le décalage entre l’imaginaire d’un espace bruyant et animé et la situation actuelle est surréaliste. Je continue 6


ma visite et m’infiltre dans le bâtiment de l’ancienne chaufferie sur les flancs est du Campus. Les structures colorées portent un ensemble vide. Un bruit m’interpelle et je me retrouve nez à nez avec le tournage d’un film. Le réalisateur m’apprend qu’il ne lui reste plus beaucoup de temps car le bâtiment sera bientôt en chantier. Je quitte les lieux et me rends à la Tour de la Vigie. Je décide de grimper aux étages habités par les étudiants du campus. La vue est imprenable et je découvre le bassin carolorégien ponctué de terrils et traversé par ses grandes infrastructures de mobilité. Ce paysage m’interpelle et je décide de m’y aventurer plus tard. Je descends le Boulevard Solvay et quitte progressivement le campus. Je découvre la Ville-Haute et visite l’Hôtel de Ville avant de rejoindre la rue de la Montagne. Rapidement, j’arrive sur l’actuelle Place Verte et remarque les aménagements récents de la Ville-Basse qui contraste radicalement avec l’expérience de Charleroi que j’avais eu jusqu’ici. J’apprécie l’aménagement des quais du canal, passe devant l’ancien centre de tri postal et rejoins la Gare de Charleroi. Je rentre à Bruxelles avec le sentiment d’avoir passé la journée dans les décors habités d’un film des années 60. Les contrastes de la visite du campus et de son environnement urbain soulèvent beaucoup de questionnements et je décide de consacrer mon mémoire pour y répondre. Dans une démarche pragmatique, étudier le campus de Charleroi est un défi qui allie la compréhension des enjeux d’un campus urbain en réponse à un projet de revitalisation urbaine de plus grande ampleur. Cette ambivalence me semble être la source d’un mémoire enrichissant à tous égards. Aussi, j’ai été poussée par la volonté de suivre un projet en cours de réalisation afin de comprendre les séquences opérationnelles d’un projet urbain et de pouvoir suivre une partie de son évolution.

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MÉTHODOLOGIE Choix d’enseignement orientés Motivée par la volonté de découvrir les aspects théorique et pratique de l’Urbanisme dans le travail de recherche (mémoire) et la mise en place de projet concret je suis séduite par l’approche “systémique” de la ville que propose l’atelier Urban Assemblage dès le premier semestre. L’atelier est coordonné par Nadia Casabella et Benoît Burquel. Ils nous proposent de travailler sur la réhabilitation d’une cité-dortoir Gratosoglio à l’entrée de Milan au travers de la thématique de l’excess space. Nous avons pu développer une vision croisée de l’avenir du site lors du Workshop “Gratosoglio” avec le Politecnico di Milano sur place la semaine du 4 novembre 2019. En parallèle, comme déjà indiqué en avant-propos, je choisi de suivre l’enseignement de l’Option Urbanisme sur la thématique du campus coordonné par Géraldine Lacasse et Benoit Moritz. L’option me permet de découvrir les enjeux croisés de plusieurs campus et en particulier celui de Charleroi. Le 25 octobre 2019, je participe au Workshop Oversize1 organisé dans l’Hôtel de Ville de Charleroi. Il s’agit d’établir une enquête photographique sur le thème de l’oversize sur certain point de la ville. Je choisis le passage du Ring à l’entrée de la Broucheterre en contrebas du campus. Je découvre la fracture spatiale d’un Ring qui contraste avec le tissu d’une ville fragilisée. Il s’ensuit une exposition collective de tous les participants sur les projets qu’ils développent au sein de leurs ateliers. Cette dernière se déroule au sein du Quai 10 le long du canal en Ville-Basse. Au deuxième semestre, je choisis de poursuivre dans l’atelier Urban Assemblage encadré par Nadia Casabella et Gery Leloutre qui étudie les enjeux de la revalorisation urbaine à Marchienne-Au-Pont. Je profite de cette occasion pour développer une vision décentralisée de la ville de Charleroi et de toucher du doigt la dynamique urbaine associée au plan de revitalisation urbaine Ouest Sambre. Je travaille sur la thématique de la “couture urbaine” en proposant un ensemble d’interventions locales qui fonctionnent en synergie.

1 Organisé par la collaboration de Masterproef & Oversize Charleroi, Harold Fallon, Ku Leuven; Atelier XX, Aloys Beguin & Benoit Vandenbulcke, Uliège; Urban assemblage, Nadia Casabelle & Benoît Burquel, ULB; Stadtfabrik, Katarina Urbanek, Gordon Selbach & Thomas Amenn, Tu Wien; Oversize, Harold Fallon, UClouvain.

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DÉFINITION (mots clefs) Campus (et quartier universitaire): « Au XXème siècle, emprunté, par l’intermédiaire de l’anglo-américain campus, du latin campus « large espace, place ». Ensemble de bâtiments universitaires construit dans un parc ou sur un vaste terrain. » (Académie 1986). En fait, le sens du mot campus est pluriel. Il s’est élargi au fur et à mesure des interprétations de chaque civilisation si bien qu’il revêt plusieurs formes souvent caractéristiques d’un pays. Aussi, les modèles de campus ont évolué au gré des tendances et des besoins de l’enseignement. En Belgique, les premiers campus prennent la forme de quartiers universitaires inscrits dans le tissu urbain des grandes villes (Bruxelles, Louvain, Liège, Gand, Namur). Après la Première Guerre Mondiale, la démocratisation de l’université entraine une hausse significative du nombre d’étudiants et les universités commencent à manquer d’espace. A titre d’exemple, déjà implantée au cœur de la ville dans le Palais Granvelle (aujourd’hui détruit), l’Université Libre de Bruxelles (ULB) s’implante au Solbosch en 1919. Plus tard, à l’instar d’autres grands équipements de l’époque, les universités manquent d’espace en centre-ville et commencent à développer des campus en périphérie (années 60). A titre d’exemple, c’est à ce moment-là que l’ULB s’étend sur l’actuel campus de La Plaine, entre Ixelles et Auderghem et implante un pôle médical à Anderlecht : le campus Erasme (1970) ; En 1999, l’ULB privilégie l’aéropôle de Charleroi (Gosselies) pour y installer un centre décentralisé de recherche scientifique au sein de l’actuel Biopark. Aujourd’hui, les universités veulent revenir en ville. En effet, l’importance des performances du modèle pédagogique d’aujourd’hui face à la concurrence internationale pousse les universités vers un modèle moins introverti mais pensé en partenariat avec les acteurs divers de la Recherche et Développement (recherche, entreprises, start-up…). C’est ainsi qu’on voit les grandes universités se regrouper au sein des polarités stratégiques des villes, souvent situées en sein des centres-villes ou au cœur de pôles péricentraux (ex : on pense au projet Usquare issu du partenariat de l’ULB et de la Vrije Universiteit Brussel (VUB) à Ixelles).2 Dès lors, il est possible de distinguer deux modèles de campus universitaires universels : le campus construit en dehors des villes sur un vaste terrain souvent paysager et le quartier universitaire implanté en centre-ville.

2 « Futur quartier urbain mixte et site interuniversitaire ULB-VUB, Usquare ouvrira pleinement ses portes en 2025. En 2023, sept bâtiments seront convertis sur le site pour accueillir les projets ULB-VUB. (…) Implanté dans les anciennes casernes d’Ixelles sur le boulevard Général Jacques, USquare vise à rapprocher les citoyens, la ville et la connaissance. » (ULB.be)

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Le guide pour l’aménagement des sites universitaires de l’IAU et l’EPAURIF fait la distinction entre les deux modèles : “Il (le campus) peut prendre la forme d’un quartier universitaire, où l’ensemble des bâtiments sont accessibles à pied, ou celle d’une université dispersée dans la ville où des bâtiments sont insérés ponctuellement dans la trame urbaine. L’espace reliant les différentes entités universitaires se confond alors avec l’espace public.”’Ces deux types se distinguent par leur composition urbaine et leur relation au territoire, mais aussi par leur gestion. Car si, dans le premier cas, une emprise foncière ayant son unité (…), dans le deuxième cas, les espaces extérieurs sont ceux de la ville, ce qui implique un travail de coordination plus important avec différents acteurs.” 3 Ainsi, il est aujourd’hui courant d’entendre parler de “campus” pour décrire des ensembles d’infrastructures d’enseignement bâties en centre-ville. L’expression “campus urbain” permet alors de marquer la différence.

Charleroi : « Ville de plus de 200.000 habitants, Charleroi est la plus grande métropole de Wallonie. Située au cœur d’un bassin de vie et d’une zone de chalandise de 600.000 habitants, Charleroi jouit d’un grand potentiel de développement. S’étendant sur une superficie de 200 hectares, son centre-ville est bâti autour de deux pôles urbains anciens : la Ville-Basse commerciale en bord de Sambre et la forteresse, siège du pouvoir dans la Ville-Haute. »4 « Après la fusion de 15 communes aux identités parfois très marquées (1977), Charleroi a opéré récemment une réorganisation de son territoire en 5 districts permettant d’administrer et structurer le développement de la métropole et répondant aux spécificités territoriales.»5

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IAU et EPAURIF, Guide pour l’aménagement des sites universitaires, Novembre Charleroi-DC.be BOUWMEESTER, Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025, éd 2018


© Eden Charleroi

Echelle réelle : Ville de Charleroi → Concentration des projets et formations Un peu plus de 200 000 habitant∙e∙s La ville de Charleroi © BURNET Méloé, DE BROUWER • Le District Centre Hortense, SANTIN Alizée, Exercice de simulation d’un aménagement opérationnel Charleroi et ses éco• Le District Est systèmes, Master de spécialisation en management territorial et développement urbain 2019-2020 • Le District Sud • Le District Ouest 11 • Le District Nord


SOMMAIRE Introduction Partie I : les prémices d’un campus à Charleroi : de l’Université du Travail au Campus urbain I-1 De la forteresse à la ville industrielle (1666-1903) I-2 L’Université du Travail et urbanisation de la Ville-Haute I-3 L’UT au cœur de la politique d’urbanisation généralisée de la VilleHaute : du complexe scolaire au campus urbain (1914-1950) I-4 Le rendez-vous manqué : Charleroi tourne le dos à l’université : (années 1950-1960) I-4-E L’implantation discrète des universités dans le bassin carolorégien. I-5 Le déclin de l’UT face à la désindustrialisation (1960 - 1980) I-5-1 Le campus face à la politique urbaine des grandes infrastructures I-5-2 Le projet visionnaire se heurte à la crise économique I-6 Le campus au cœur des premières initiatives urbaines (1980 - 1990) I-6-1 Les premiers FEDER : première phase de rénovation urbaine I-6-2 Des interventions ponctuelles en Ville-Haute Conclusion I Le campus est le résultat de l’évolution urbaine Partie II : Portrait et enjeux de développement du campus de demain II-1 Introduction du projet Campus : outil stratégique d’une ville II-1-1 Le campus de Charleroi solidaire du projet de revitalisation de la VilleHaute II-1-2 Le contexte de l’émergence du projet “Campus des Sciences, des Arts et Métiers” II-2 Portrait et spécificités du projet Campus II-2-1. 6,5 Hectares (carte) II-2-2. 142 euros millions d’investissements Projet District Créatif II-2-3. Projets infrastructurels dans les limites historiques du campus II-2-3-E. Stratégie de recycler l’existant II-2-4. Projet d’espace public II-2-4-E. Le statut des espaces extérieurs : un projet urbain mais pas un projet “campus” II-2-5 Accessible 12


II-2-6 Multi opérateur II-2-6-E Un campus multi opérateurs : qui dirige le navire ? II-2-7 Interdisciplinaire II-2-8 Doubler ou tripler le nombre d’étudiants II-2-8-E Quelles perspectives pour la vie étudiante ? II-3 Enjeux II-3-1 Le campus dans la ville : les nouvelles synergies urbaines en Ville-Haute II-3-1-1 Le campus : nouveau forum de la Ville-Haute II-3-1-2 Consolidation des partenariats avec le centre historique II-3-1-3 Dépasser les limites du ring II-3-1-4 La naissance d’un quartier universitaire II-3-2 Enjeux de développement d’un campus multipolaire II-3-2-1 Un campus universitaire décentralisé II-3-2-1-E Stratégies d’expansion des universités à Charleroi II-3-2-2 Plan Catch et clusters II-3-2-2-E Formation et emploi II-3-2-3 Naissance d’un écosystème de la formation Conclusion II Le projet campus : entre faiblesses et opportunités Partie III : Pistes de développement du campus de demain III-1- Piste 1 : deux axes en croix : intégration locale III-1-1 Occasion manquée III-1-2 Etude de cas : Campus Condorcet-Aubervilliers, un campus urbain traversé par l’espace public III-1-3 Piste de développement : amélioration de l’axe nord-sud (NS) III-1-4 Les limites du projet Charleroi DC III-1-5 Etude de cas : Good Move, les magistrales piétonnes bruxelloises III-1-6 Piste de développement : création d’un axe est-ouest (EO) III-2 Piste 2 : déploiement multipolaire du campus III-2-1 Réinterpréter l’expansion du campus III-2-2 Etudes de cas : Genk, une ville de rouage et Paris-Saclay, un pôle interdisciplinaire III-2-3 Piste de développement : réseau polarisé d’infrastructures banalisées III-3 Piste 3 : densifier la liaison entre les pôles III-3-1 La naissance d’un projet territorial en étoile III-3-2 Etude de cas : Aarhus (Danemark) – The light Rail & Dokk 1 III-3-2 Piste de développement : Densifier la liaison entre les pôles

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III-4 Piste 4 : un learning center , équipement métropolitain III-4-1 Un campus peu visible III-4-2 Etudes de cas : Université de Brême, Nouvel auditorium et centre d’événements - ULB et VUB, Centre d’apprentissage et d’innovation - Paris-Saclay, Lieu de vie III-4-3 Piste de développement : création d’un équipement métropolitain Conclusion III Une approche systémique Conclusion Bibliographie

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INTRODUCTION 1911. L’Exposition internationale de Charleroi se déroule en VilleHaute. Le bâtiment Zénobe Gramme ainsi que le Palais de l’Art wallon sont inaugurés sur les terrains nord libérés de l’ancienne forteresse. Les deux édifices sont destinés à accueillir le projet ambitieux du député permanent socialiste Paul Pastur : l’Université du Travail (UT). Le complexe devient un lieu incontournable de la formation en Hainaut mais l’engouement du projet déchante face à la chute du secteur industriel des années 1970. Aujourd’hui qu’en reste-t-il ? 2015. Plus d’un siècle après, la délivrance des fonds européens de développement régional pour 2014-2020 (FEDER 2014-2020) est en majeure partie alloué à la revitalisation du cadran nord-ouest de la VilleHaute. L’objectif vise la rénovation d’un ensemble d’édifices majeurs autour d’espaces publics accueillants. Parmi eux siège le projet d’un centre de la formation multidisciplinaire sur le plateau de l’Univesité du Travail (UT) : le Campus des Sciences, des Arts et des Métiers. Pour comprendre cette évolution il faut discerner que notre époque est marquée par un changement majeur de la dynamique territoriale des universités et cela pour plusieurs raisons. Le contexte économique a changé. Aujourd’hui les secteurs économiques d’avenir sont moins liés à l’activité productive de masse mais valorisent la recherche et l’innovation. On parle alors de l’émergence du défi de l’économie de la connaissance.6 Aussi, le phénomène de mondialisation augmente considérablement la mobilité des « têtes pensantes » qui se rassemblent dans les grandes villes compétitives. Cela change le rapport de force entre les universités qui doivent allier des nouveaux enjeux liés à la concurrence et la hausse démographique estudiantine. Dès lors, les universités cherchent à rassembler leurs activités et à s’implanter au cœur des métropoles compétitives. On parle d’un retour « à la ville » pour reprendre les termes d’Alain Bourdin, sociologue et urbaniste, et Élisabeth Campagnac, docteur en urbanisme :« de ce fait, l’université apparaît comme un acteur du développement économique local ce qui lui donne un autre statut urbain, ni celui d’une institution autonome ayant vocation à fonctionner à part, ni celui d’un simple service (public ou non), (…) mais celui d’un pôle, autour duquel peuvent se développer des activités (création d’entreprises) et qui doit se trouver dans des positions stratégiques par rapport aux flux qui traversent la ville.» 7 En face, les universités deviennent un enjeu majeur pour les autorités locales qui voient la présence d’un campus universitaire comme un nou6 DERMINE Thomas, Un plan Statégique pour Charleroi, Dans Courrier Hebdomadaire du CRISP 2010/15 (n°2060) pp 5-46 7 BOURDIN, Alain, CAMPAGNA, Élisabeth L’université: Retour à la ville, ERES, « espace et société », 2014/4 n° 159, pp 07-15

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vel outil de planification et de développement. L’enseignante-chercheuse Hélène Dang Vu consacre une partie de ses travaux à l’influence des universités sur l’aménagement et la production urbaine. Elle démontre que l’installation d’un campus sur un territoire n’est jamais sans conséquence et affirme que “la seule concentration d’étudiants suffit à modifier la démographie locale, les rythmes de la ville, l’usage et l’affluence des transports (…), le marché du logement locatif (…), les effets d’entrainement sur l’économie locale et l’attractivité territoriale”.8 La Ville de Charleroi décide de se doter d’un campus urbain. En octobre 2012, Paul Magnette vient d’être élu au rang de bourgmestre de Charleroi à la majorité absolue et s’engage dans la relève de sa ville qui se redresse péniblement depuis la crise industrielle. Il entreprend de consolider le centre-ville autour d’un projet global de revitalisation urbaine notamment via la mise en place d’un campus urbain à la Ville-Haute. Cependant le projet, élaboré en 2013, est en fait une vaste entreprise de rénovation du site de l’Université du Travail. Est-ce suffisant aujourd’hui au vu des enjeux actuels ? En effet, la création du campus doit répondre à des enjeux spécifiques, notamment d’intégration urbaine : comment le projet campus s’intègre-t-il dans un tissu urbain encore fragilisé à la limite de l’intra-ring ? Quelle est la place du projet campus dans le projet de revitalisation globale de la Ville-Haute ? Le centre-ville est-il un environnement favorable pour le campus ? Par ailleurs, les ambitions du campus doivent répondre à l’enjeu de la programmation : aujourd’hui, le projet campus est-il suffisamment orienté vers la création d’un environnement propice à la vie étudiante ? En effet, comment inverser le paradigme d’un campus peu adapté aux besoins de l’enseignement de demain ? Aussi, le projet doit poursuivre l’enjeu de la visibilité : finalement, le projet campus parvient-il à renouveler l’image d’un campus aujourd’hui désuet et évité malgré son implantation au cœur de la ville ? Le campus est-it amené à devenir un pôle attractif au sens d’Alain Bourdin et Elisabeth Campagnac ? 9 Pour finir, il devra faire face à l’enjeu de son expansion : comment concilier les objectifs de doubler ou tripler le nombre d’étudiant dans le socle fermé d’un tissu urbain déjà urbanisé ? 10 Par ailleurs, le projet du campus initié en 2013 se confronte aux enjeux plus récents du développement orienté par le plan CATCH (Catalyst for Charleroi) qui organise le développement de la ville autour de polarités sectorielles stratégiques et qui posent la question suivante : le projet est-il à même de concilier les enjeux de son émergence avec les enjeux plus récents de la ville ? On tâchera de remettre en question les caractéristiques du projet campus sur la base de ses enjeux et nous tenterons de répondre à la problématique : Quelles sont les perspectives d’avenir du campus ? 8 DANG VU Hélène, Les grandes universités face aux enjeux de la production urbaine, Dans espaces et sociétés, n°159, 2014/4, pp 17-35 9 BOURDIN, Alain, CAMPAGNA, Élisabeth L’université: Retour à la ville, ERES, « espace et société », 2014/4 n° 159, pp 07-15 10 WUIDART Pierre, MERGEN Sophie, Charleroi: un campus universitaire pour dynamiser une ré-gion sous-diplômée, RTBF, 31 octobre 2019

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Afin de répondre à la problématique de l’avenir du campus, j’ai privilégié l’expérience du terrain. En effet, j’ai pu visiter le campus de Charleroi à plusieurs reprises mais il me semblait nécessaire d’ouvrir les perspectives en faisant l’expérience d’autres campus.11 L’expérience physique des campus a été un outil clef dans la compréhension du contexte et des enjeux qui y sont liés. Par ailleurs, suivre un projet en cours implique d’être connectée à l’actualité. En m’inscrivant aux pages des réseaux sociaux liés au projet campus et à Charleroi j’ai pu suivre les avancements à distance. Avec la crise du COVID-19, j’ai cherché à suivre les conseils communaux en ligne. Par ailleurs, si le sujet du campus de Charleroi est un thème très peu présent voire absent des écrits, la recherche théorique sur la thématique du campus et son rapport à la ville est déjà largement explorée et de plus en plus remis à l’ordre du jour dans une époque où la formation et l’innovation sont des atouts clefs de l’économie dite de la connaissance. Malgré tout, la thématique du projet campus a été en partie développée cette année dans le cadre de l’Exercice de simulation d’un aménagement opérationnel du nouveau Master de spécialisation en management territorial et développement urbain (ULB et l’UMONS) qui a lieu à Charleroi. Ainsi, le but n’est pas de se démarquer des idées déjà énoncées mais de les intégrer et de tenter d’y apporter une vision personnelle. Ce travail de recherche est organisé en trois étapes. Dans un premier temps nous tenterons de comprendre les origines du campus de Charleroi et son évolution parallèle avec le tissu urbain. Ensuite, nous dresserons le portrait du projet campus tel qu’il est aujourd’hui et les enjeux de son intégration à plusieurs échelles urbaines : celle de la ville et celle de l’écosystème sectoriel. Finalement, ce travail d’analyse critique nous permettra d’établir 4 pistes de réflexion qui seront illustrées par des études de cas et qui dresserons les hypothèses pour le développement du futur du campus de demain. L’enjeu de ce mémoire est de dépasser le statut descriptif-critique du projet campus et d’apporter des solutions de développement concrètes pour, dans une certaine mesure, en faire une force de proposition en vue, par exemple, des prochaines programmations FEDER.

11 En Belgique, Le campus de la Plaine de l’ULB, le campus du Solbosch de l’ULB, la ville de Louvain la Neuve (UCL). En France, le campus de Paris Saclay et le Campus de Condorcet Aubervilliers. Par ailleurs, l’expérience passée de certains campus m’a permis d’avoir un regard élargi de la thématique : notamment le campus d’Exeter Universtity (RU), le campus d’Harvard (USA), le campus la Ciudad Universitaria (UBA) à Buenos Aires.

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Les prémices d’un campus à Charleroi : de l’Université du Travail au Campus urbain Le projet du Campus de Charleroi se distingue d’un projet d’établissement de campus ex nihilo. Il est implanté au cœur de la Ville-Haute de Charleroi dans le tissu urbain historique d’un campus vieillissant. Aujourd’hui, comprendre les enjeux du campus revient à se pencher sur les raisons politiques passées qui ont motivé sa création et l’approche conceptuelle de sa planification. Nous tâcherons de comprendre ses origines depuis l’âge d’or de l’industrie, point de départ de son évolution qui, jusqu’à ce jour, coïncide avec les grandes phases de l’aménagement urbain de Charleroi.

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I-1 De la forteresse à la ville industrielle (1666-1903) Création de Charleroy (1666- 1815) Choisie pour son implantation en surplomb sur la vallée de la Sambre par les Pays-Bas espagnols, la ville de “Charleroy” est fondée à des fins défensives qu’en 1666. Elle est dès lors la deuxième ville la plus jeune de Belgique, après Louvain-la-Neuve (1968)12. Les premiers plans de l’époque font de la ville une véritable forteresse. Elle est prise d’assaut par les troupes françaises qui savent les avantages stratégiques qu’elle représente. Le dessin de la ville de Charleroy est confié à Vauban qui trace les plans de la Ville-Basse. Les remparts qui entourent la ville suivent un tracé hexagonal et le tissu urbain s’articule en étoile autour d’un centre : “La Place d’Armes”. Extension de la forteresse vers le nord: futur emplacement du campus (1815 - 1870) Dès 1815 ,au lendemain de la défaite de napoléon à Waterloo, la ville est aux mains des hollandais qui visent à étendre la forteresse pour fortifier leur position face aux français.13 Au nord, ils tracent les axes structurants de la “Ville-Haute” en devenir, future terre d’accueil du campus. La ville est restructurée par 5 entrées principales dont la porte de Waterloo qui sépare les faubourgs industriels au nord des infrastructures militaires protégées. Depuis 1830, date de l’indépendance de la Belgique, la canalisation du cours naturel de la Sambre au profit d’un canal rectiligne participe à la modernisation de la Ville-Basse et facilite les échanges fluviaux. En parallèle, le bassin hennuyer se dote d’un réseau ferroviaire reliant les centres industriels et les pays limitrophes. C’est ainsi qu’en 1870, la gare de Charleroy Nord est inaugurée sur la ligne de train Lodelinsart-Châtelet (140A) entre les puits de Mambourg et les terrains libérés encore peu dense de la porte de Waterloo. Elle permet le transit marchand et humain à l’instar de la nouvelle gare du sud en Ville- Basse. Progressivement, Charleroy devient le point d’articulation des axes stratégiques du bassin industriel et tisse les premières relations avec son territoire. Démantèlement de la forteresse et urbanisation du plateau nord via l’Université du Travail (1865 - 1903) Au fil des années, la pacification politique et le développement progressif de l’industrie dans le bassin wallon vont remettre en question le tracé de la ville “forteresse” extraite de son territoire.

12 LORIAUX Cédric, BARBIEUX Daniel, La fondation de la ville remonte à 350 ans, RTBF, 1 septembre 2016 13 Charleroi-decouverte.be

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En 1865, Jules Audent est conseiller communal et lance un concours pour l’élaboration d’un projet de démantèlement des remparts et la réappropriation des terrains militaires. En 1867, les premiers plans voient le jour et signent la démolition des anciennes fortifications au profit de nouveaux quartiers habités. L’architecte de la ville Auguste Cador (1862-1872) trace les plans de la ville et établit que 121 ha doivent être urbanisés sur les terrains aplanis des bords de la Ville-Haute. La destruction des remparts dure de 1868 à 1871 et précède le prolongement des boulevards originaux et l’urbanisation du plateau Nord de la ville.

Plan Ferraris de la forteresse de 1770-78 © Kbr.be

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La construction successive d’équipements publics permet de remplacer les infrastructures militaires et témoigne des plans ambitieux de l’époque pour le nouveau quartier nord : l’Hôtel de Ville sur la place d’arme doit abriter les institutions publiques et les nouvelles écoles se chargent d’assurer l’éducation populaire. En parallèle, des logements sont construits en ilot le long des nouveaux boulevards et on assiste à la construction des premiers hôtels de maître abritant la population bourgeoise de l’époque. Ces derniers témoignent que la ville n’est plus qu’une base militaire mais une ville habitée par une population qui s’enrichit sur l’essor des industries.

Plan d’agrandissement de la ville de Charleroi, 28 mai 1867 © CULOT Maurice, PIRLET Lola ; Charleroi d’Arthur Rimbaud à Jean Nouvel, AAM, 2019

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La naissance du besoin de la formation En 1875, l’œuvre constructive de Jules Audent aboutit au doublement de la population citadine et il est aujourd’hui considéré comme l’Haussmann carolo. En parallèle, la révolution de l’industrie fait de Charleroi une ville prospère qui attire les grands groupes industriels (Solvay). Des partages de savoir-faire s’opèrent dans le domaine technique et la valeur du travail est primordiale : “On naît et on meurt pour le travail”. Le savoir-faire carolo devient une référence mondiale et la région attire une population ouvrière étrangère. C’est dans ce contexte de profusion industrielle et d’urbanisation de la Ville-Haute que naissent les ambitions d’un centre de formation supérieur à Charleroi. En effet, le besoin de main d’œuvre accroît la demande d’ouvriers formés et il est question de favoriser les “classes laborieuses” locales dans le processus d’embauche. En 1893 est fondée l’ Université populaire du “Temple de la science” en Ville-Basse mais le projet change en 1908 au profit d’une école secondaire.14 Dans les faubourgs de la Ville-Haute, en 1901, le député carolo catholique Michel Levie, s’allie aux idéaux de la congrégation catholique émergente des “Aumôniers du travail” qui vise à la création d’une œuvre qui répandrait la foi au sein de la population ouvrière.15 Il motive la création d’un collège technique qui s’installe au sein des locaux de la coopérative des “ouvriers réunis” dans la Grand’ rue. Il faut attendre 1903 pour que le jeune député du Parti ouvrier émergent, Paul Pastur (1866-1938), diplômé de l’université de liège et motivé par ses idéaux sociaux, défende un projet visant à l’insertion professionnelle des carolos par la formation aux métiers de l’industrie. Il imagine un “ensemble scolaire et muséal”16 qu’il baptisera l’École industrielle supérieure provinciale avant de l’appeler l’Université du travail (UT).

I-2 L’Université du Travail et urbanisation de la Ville-Haute Construction de l’UT à l’occasion de l’exposition universelle de 19031913 L’ambitieux projet de Paul Pasture se concrétise sous le tracé des architectes Albert et Alexis Dumont qui imaginent l’ensemble sur les espaces vacants du nouveau quartier de la Ville-Haute.

14 STRAUVEN Iwan (dir), LE MAIRE Judith et NOELLE DAILLY Marie; Guide Architecture moderne et contemporaine 1881-2017, Charleroi métropole, Mardaga & cellule architecture de la fédération Wallonie-Bruxelles, 2017, p70 15 Promsocatc.com 16 Connaitrelawallonie.wallonie.be

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Le site est idéal : il est une réserve foncière sur le plateau de Waterloo entre le centre-ville historique et les faubourgs habités par une population ouvrière. Par ailleurs, il est au carrefour des axes de chemin de fer vicinaux qui desservent les puits de charbonnage de Mambourd et la gare du Nord. Très vite, les architectes imaginent un premier Bâtiment monumental de style néoclassique pour jouer la pièce maitresse de l’ensemble et sa construction commence dès 1907. Il est baptisé le “Zénobe Gramme” en l’honneur du célèbre électricien belge à qui on doit l’amélioration de la dynamo. En 1904, Emile Devreux (1863-1936), membre du Parti libéral, remplace Jules Audent au siège de bourgmestre de la ville (1904- 1921) et organise l’exposition internationale d’avril à novembre 1911 pour promouvoir l’identité wallonne et témoigner du savoir-faire local. Lui-même architecte, il défend la créativité et le talent des carolos et valorise la construction d’édifices remarquables sur les terrains vacants de la porte nord. Des travaux de nivellement sont mis en place sur 25 hectares de terrain domaniaux du plateau de Waterloo et marquent une forte différence de niveau entre la place de la Broucheterre et le plateau haut. Un point de vue panoramique offre une vue et valorise le territoire carolorégien marqué par les infrastructures industrielles prospères. A l’occasion, dans le prolongement du boulevard Roullier, sont édifiés des ateliers temporaires ainsi que le Palais de l’art wallon conçu par le frère d’Emile Devreux Gabriel Devreux en 1911. Les colonnes néoclassiques marquent l’entrée de l’édifice, séparée en trois parties : le corps principal et les deux ailes latérales. En face, le Bâtiment Zénobe Gramme (architectes : Albert et Alexis Dumont en 1907) prévu pour accueillir les futurs locaux de l’Université du Travail est inauguré et abrite sous son vaste espace intérieur les expositions à la gloire de l’industrie. Au terme de l’exposition, les infrastructures prévues pour l’occasion sont en partie détruites. Seul le Palais de l’art wallon et le Bâtiment Zénobe Gramme (BZG) sont conservés pour abriter la nouvelle Université du Travail. Le Palais de l’art wallon est alors réagencé à cet effet. Le guide de Charleroi Métropole précise : “Les deux ailes accueillent des ateliers consacrés à la menuiserie, la ferronnerie et la soudure tandis que le bâtiment central devient un gymnase”.17 Au sein du BZG, le musée de la machinerie est conservé sous l’imposante verrière centrale et les classes sont réparties dans les galeries périphériques.18

17 STRAUVEN Iwan (dir), LE MAIRE Judith et NOELLE DAILLY Marie; Guide Architecture moderne et contemporaine 1881-2017, Charleroi métropole, Mardaga & cellule architecture de la fédération Wallonie-Bruxelles, 2017, pp 122-123 18 ibid

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Plan général définitif de l’exposition de Charleroi en 1911. On remarque que l’aménagement était pensé d’est en ouest depuis la Plaine des Manoeuvre aux pentes de la Broucheterre. On verra plus tard que la situation change.© CULOT Maurice, PIRLET Lola ; Charleroi d’Arthur Rimbaud à Jean Nouvel, AAM, 2019

“Plan du nouvel aménagement des terrains domaniaux de la porte de Waterloo (avant projet)”. On remarque que l’UT est à proximité de la gare du Nord et au coeur des ambitions de densification des acteurs locaux (“lot à lotir”). © CULOT Maurice, PIRLET Lola ; Charleroi d’Arthur Rimbaud à Jean Nouvel, AAM, 2019

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Charleroi - Université du Travail, Ecole industrielle et professionnelle fondée en 1907 (...) groupent plus de 2000 élèves. Au fond, le Bâtiment Zénobe Gramme. © Charleroienfoto (Facebook)

A gauche, le bâtiment d’Art Wallon (Gabriel Devreux), à droite le Bâtiment Zénobe Gramme. © Charleroienfoto (Facebook)

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Point de départ de l’urbanisation en Ville-Haute L’exposition universelle et l’implantation de l’UT est l’élément déclencheur de l’urbanisation de la Ville-Haute qui s’assume comme “nouveau quartier” à l’identité naissante. Les infrastructures dominent le territoire urbain de la Ville-Haute encore peu dense et témoignent de l’âge d’or de l’industrie.

Plan industriel du bassin de Charleroi, publié à l’occasion de l’exposition en 1911 et témoigne de l’essor de l’industrie et de la situation avantageuse de la VilleHaute (reliée aux voies de chemin de fer) © CULOT Maurice, PIRLET Lola ; Charleroi d’Arthur Rimbaud à Jean Nouvel, AAM, 2019

Le projet de l’UT est un succès. En 1913, “... l’Université du Travail est divisée en trois écoles : l’École industrielle, l’École professionnelle du jour et les Écoles professionnelles du soir et du dimanche.19 Paul Pastur conserve une influence déterminante dans le déploiement de l’enseignement à travers la démocratisation des formations orientées vers la population ouvrière et la diversification de l’apprentissage par la création de filières professionnelles (les premières formations ingénieures).20 Rapidement, l’UT attire plus de 2000 étudiants autour des formations de l’industrie. Par ailleurs, au-delà de sa vocation d’enseignement, l’UT devient un lieu de rencontre d’une classe politique wallonne engagée. L’assemblée wallonne y est constituée en 1912 et le Sixième congrès national wallon aura lieu entre ses murs en 1950.21

19 20 21

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Connaitrelawallonie.wallonie.be ibid ibid


I-3 L’UT au cœur de la politique d’urbanisation généralisée de la Ville-Haute: du complexe scolaire au campus urbain (1914-1950) Malgré les conflits mondiaux des années 1914 et 1939 qui marquent en profondeur le territoire et la population, le complexe de l’Université du travail ne cessera pas d’évoluer et d’offrir des formations supérieures sur le plateau de Waterloo à l’instar de la ville en perpétuelle construction.

L’UT au cœur de la politique des grands travaux : premier mandat de Joseph Tirou (1925 - 1940) Lors de la Première Guerre mondiale, Emile Devreux sauve la ville du bombardement et garantit sa pérennité en l’échange d’un versement conséquent à l’ennemi (Traité de Couillet, 22 aout 1914). L’Université du travail est épargnée et l’industrie prospère est mise au service de la relance du pays. Au lendemain des événements tragiques, une vague de constructions est portée par le député libéral Joseph Tirou, élut Bourgmestre en 1925. Il relance la commande d’infrastructures publiques et met en place une politique des grands travaux du centre-ville. La vague s’élargit aux 33 communes du bassin carolorégien qui s’allient pour fonder l’“Intercommunal d’œuvres sociales” (IOS), corps exécutifs des projets dans le bassin hennuyer (ancêtre de l’actuel IGRETEC). Dès 1930, les travaux du comblement de la Sambre sont entamés et unifient la Ville-Haute et la Ville-Basse autour du nouveau boulevard Tirou, inauguré en 1948. En Ville-Haute, la construction du nouveau quartier nord se poursuit et l’UT cohabite petit à petit avec de nouveaux programmes urbains. Des logements naissent le long du boulevard Roullier et le talus reliant le plateau de Waterloo à la place de la Broucheterre est choisi pour accueillir un bassin de natation. Ce dernier est construit en 1932 par Oscar Quinaut en remplacement de l’ancienne piscine des bords de Sambre. Traversé par le boulevard Roullier, l’UT bénéficie du nouveau bâtiment Langlois (architecte : Charles Emonts) inauguré en 1930-31 dans un style néoclassique ainsi que le nouveau bâtiment de l’administration et la bibliothèque publique (architectes : Alexis Dumont, Marcel Van Goethem). Dès 1935, les ateliers du fer sont édifiés et l’ensemble des bâtiments coexistent pour abriter les formations des futurs ingénieurs carolos. Enfin, sous l’impulsion de Paul Pastur, l’UT étant son offre de formation au secteur de la construction et l’école industrielle devient l’Institut provincial industriel de la Province de Hainaut (ISIPH, actuelle HEPH Condorcet).22

22 BURNET Méloé, DE BROUWER Hortense, SANTIN Alizée, Exercice de simulation d’un aménagement opérationnel Charleroi et ses écosystèmes, Master de spécialisation en management territorial et développement urbain 2019-2020

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Campus en plein expansion. A gauche, la Piscine de la Broucheterre, les Ateliers du fer et le bâtiment Langlois. A droite, le Centre Administratif et Bibliothèque de l’UT © Coll.W.Theys

Les ateliers du fer.Témoignage d’un campus vivant (non daté) © Charleroienphoto (Facebook)

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La densification du tissu urbain de la Ville-Haute est généralisée pour accueillir une nouvelle classe moyenne. Aux abords Est de la Ville-Haute, le parc japonisant créé à l’occasion de l’exposition universelle est transformé en stade de foot ; Les abords du boulevard Zoé Drion, longeant l’ancien cimetière, accueillent la nouvelle maternité ultra-moderne de la Reine Astrid conçue en 1937 par Marcel Leborgne et l’hôpital civil et l’institut médico chirurgical Arthur Gailly (architecte : Adolphe Puissant,1939) qui forment un véritable pôle de santé publique en Ville-Haute. Par ailleurs, la ville affirme son statut de centre administratif et économique en rebâtissant l’Hôtel de Ville (architectes : Jules Cézar et Joseph André,1933) autour de la place rebaptisée Charles II, ainsi qu’une partie de la basilique Saint Christophe. Exclus des projets urbains, les faubourgs et la pente de la Broucheterre se développent indépendamment de la politique urbaine de Charleroi. Autour du site des puits de charbonnage de Mambourg, la zone abrite une population ouvrière et la gare du nord continue d’assurer le trafic de marchandises bien qu’elle ne transporte plus de voyageurs (1914). L’UT au cœur de la politique des grands travaux : deuxième mandat de Joseph Tirou 1944 - 1952 Le campus de l’UT est solidaire d’un maillage urbain de plus en plus dense en Ville-Haute. Dès 1940, le nouveau conflit mondial freine la mise en œuvre de la politique des grands travaux mais la réflexion sur le futur de la Ville-Haute ne s’arrête pas pour autant. En 1950, l’architecte Joseph André réalise les plans du Palais des expositions sur les flancs ouest de la ville et le Palais des Beaux-Arts dans un style moderne classique dans la plaine de la verrerie (1956). Au même moment, le cadran est de la ville accueille le nouveau Musée du verre et le Palais de justice. En parallèle, les promoteurs se prennent au jeu et les îlots d’habitations se densifient. Petit à petit le campus de l’UT devient un ensemble hybride d’infrastructures scolaires publiques et de logement privé. L’émergence parallèle de nouvelles infrastructures urbaines consolide l’attractivité du quartier qui accueille une population embourgeoisée et assume le rôle de centre des institutions politiques et culturelles. Ainsi, une Statue à la mémoire de Paul Pastur est réalisée par Alphonse Darville le 28 octobre 1950. Cette dernière trône symboliquement entre les deux bâtiments emblématiques de l’Université du travail. Face à la croissance démographique de la région et l’augmentation d’étudiants de l’UT, le campus s’agrandit. En 1955-60, la chaufferie centrale est construite sur le coteau de la Broucheterre ainsi que la Tour de la Vigie hennuyère (architectes : Raymond Decelle et Renold Lavend’homme -195662). La “cité juvénile” culmine à 60 m de haut et accueille les premiers logements étudiants de Charleroi (140 chambres sur 16 étages) ainsi que des pièces communes (réfectoire, salle de repos, salle de sport). 31


En parallèle, la naissance du cercle estudiantin baptisé “Vigie” de l’internat pratique le baptême estudiantin et fait naitre une identité sur le campus (sur leur toge se trouvent 10 pois verts représentant les 10 taches du Marsupilami, mascotte de la Vigie). On ne fait plus qu’étudier à l’UT, on y vit : le complexe de l’UT prend des airs de campus. Début de l’urbanisation de la frange externe du cadran nord de la ville Jusqu’à présent l’ensemble des grands projets en Ville-Haute se concentrent principalement dans l’ancienne ville intramuros. Cependant, dans les années 1950 on assiste au début de l’urbanisation de la frange externe de la ville face au campus. En 1958, la destruction des puits du charbonnage de Mambourg laisse place à la nouvelle clinique Notre dame qui constitue un des premiers buildings de Charleroi. Au même moment, la gare du nord est détruite. La ligne 140A devient la branche fantôme de l’actuel métro et la gare deviendra plus tard le terrain d’une partie du ring R9 et de la connexion autoroutière A54, à proximité du Square Hiernaux actuel.23

I-4 Le rendez-vous manqué : Charleroi tourne le dos à l’université (années 1950-1960) Bien que son nom l’indique “Université” du Travail ne délivre paradoxalement pas de diplôme universitaire. En effet, elle n’est pas le siège d’une université mère mais une institution assurant le niveau de formation des métiers de l’industrie et de la construction locale. En effet, fondée en 1903 par la volonté des socialistes, l’UT est encore récente dans l’histoire de l’université en Belgique : l’Université de Louvain est fondée en 1425, l’Université Libre de Bruxelles en 1834 et l’Université de Mons-Hainaut (UMONS) en 1837. Face la prospérité de l’industrie et la performance des premières institutions formatrices de Charleroi, la question universitaire ne se posera pas avant les évènements de l’année 1968. Dans les années 1960, les courants révolutionnaires estudiantins français réveillent les revendications nationalistes flamandes liées à l’application des lois linguistiques Gilson de 1962. Ces dernières établissent le principe de frontière unilinguistique en Belgique. Le pays voit naître un mouvement baptisé Walen Buiten (1967-1968) dont la quête éponyme n’est autre que l’expulsion des “francophones” universitaires de l’UCL or des murs de Louvain par les néerlandophones. Le mouvement gagne progressivement la sphère politique et le corps dirigeant de la prestigieuse université catholique est contraint, sous la pression estudiantine, de se résoudre à chercher “une terre d’accueil” pour ladite section francophone.24

23 24

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Charleroi-decouverte.be CE JOUR LA , Walen Buiten : le 7 février 1968, La Une, 2010


Le complexe prend des allures de campus : La tour de l’internat de la Vigie (non daté) © Charleroienphoto (Facebook)

Avant 1958 : Les puits du charbonnage de Mambourg (non daté) © Coll.W.Theys

Après 1958 : Construction sur les franges externes nord, Clinique Notre Dame (photo non daté) © Charleroienphoto (Facebook)

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Charleroi se place dans les “favoris” pour ses nombreux espaces vacants. Malgré cela, l’alliance de la perspective de fusion des communes au climat politique socialiste émergent pousse les politiciens de l’ancienne commune de Charleroi à décliner la proposition : on refuse de voir s’installer des étudiants d’une faculté catholique libérale sur le territoire. De son côté, l’UCL est réticente à son établissement dans une région à dominante “rouge”. Par ailleurs, la Province de Hainaut n’est pas favorable et soutient l’université de Mons qui voit d’un mauvais œil l’installation d’une concurrente dans le bassin hennuyer.25 Charleroi ne sera pas le siège de la grande université de Louvain qui installera la section francophone dans une ville qu’elle construit de toutes pièces pour l’occasion en 1968 dans la Province du Brabant wallon : Louvain la Neuve. En effet, la Province n’accueillait pas encore d’université à l’inverse du Hainaut, de Liège et Namur qui ont déjà leur université propre. Les décisions prises par le conseil communal, aveuglées par les enjeux politiques de l’époque, négligent ici les avantages de l’arrivée des étudiants qui seront, plus tard, la clef du développement des villes modernes et la plus-value dans un contexte de désindustrialisation. Paul Petit, architecte urbaniste avance dans son rapport Habiter Charleroi: “Charleroi, même en période d’extrême croissance ne sera jamais un chef-lieu. Elle ne sera ni un siège religieux, ni un siège universitaire.”26 Cependant, si cet évènement ralentira considérablement le développement universitaire, il n’empêchera pas les universités de s’implanter à Charleroi. I-4-E L’implantation discrète des universités dans le bassin carolorégien. Au niveau européen, toutes les villes de plus de 200 000 habitants ont une université... pourquoi pas Charleroi ?27 En effet la Ville de Charleroi encore récente dans l’histoire de la Belgique témoigne d’une situation hors du commun : elle n’est le siège d’aucune université. Après le rejet de la section francophone de l’UCL en 1968, la crise économique donne un ultime coup de grâce à Charleroi qui voit ses chances de voir s’installer une université se réduire considérablement. Cependant, si les universités redoublent de prudence face à la région en crise, elles ne la rejettent pas pour autant, bien au contraire.

25 YERNAUX Jean, propos recueillis par Benoit Mortitz et François Shreuer le 2 fevrier 2019, Entretien avec Jean Yernaux: Le petit ring est un plateau de lecture scénographique pour la ville, Dérivation pour le débat urbain n°6, Dossier Charleroi, Decembre 2019. 26 PETIT Paul, Rapport Habiter Charleroi 2009 27 LEFÈVRE François-Xavier, Charleroi, une ville de plus en plus universitaire, Article L’echo. 24 octobre 2019

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On l’a vu, le XXème siècle est marqué par l’arrivée des premières formations dans le centre-ville de Charleroi avec la création de l’Université du Travail en Ville-Haute. Cependant, il serait biaisé d’appréhender le développement des formations à Charleroi en se basant seulement sur le centre historique, niant ainsi le développement horizontal voir “polycentrique” qui s’est opéré sur le territoire à l’instar du développement industriel de la région.28 La naissance du besoin de formation Ainsi, c’est au plus proche des populations ouvrières, hors des limites de la ville intramuros embourgeoisée, que naissent les premières formations de l’agglomération. En 1871, la communauté des sœurs de la providence lance l’initiative l’une école à Gosselies destinée à former les futurs instituteurs dans un contexte de revendication populaire pour l’accès à la formation élémentaire. Baptisée “Ecole normale de la providence” elle est la première pierre du projet de l’actuelle haute école HELha. Plus tard, au-delà de la porte de Waterloo, les Aumôniers du Travail forment et moralisent les populations des faubourgs nord de la ville. Après la Première Guerre Mondiale, Charleroi est en partie épargnée et son industrie est mise à contribution pour la relance des pays les plus touchés.29 S’ensuit la première vague d’immigration italienne orchestrée par les “Accords Charbon”. Ces derniers engageant les politiciens italiens à fournir à la Belgique 50 000 ouvriers dociles pour travailler dans les mines en l’échange de 200 kg de charbon par mineur et par jour.30 Face aux conditions de travail déplorables et à la recrudescence de maladies la congrégation des Filles de la sagesse s’engage pour assister les malades et promouvoir l’enseignement. Elle installe à Montignies sur Sambre une école de “garde malade” (actuelle IESCA). Les débuts de la question universitaire En dépit du rejet de l’Université Catholique de Louvain par les dirigeants politiques de 1968, le PSC (Parti Catholique Chrétien) exprime en 1969 son désir de voir l’Université catholique de Louvain s’installer sur le territoire. En 1966, à la mort de l’astronome carolorégien George Lemaitre, la famille du professeur lègue à Institut d’astronomie et de géophysique de l’UCL ses travaux. Cet évènement précède l’achat de sa maison Boulevard Emile Devreux, aujourd’hui propriété de l’Université. Cependant, la maison ne sera pas une antenne active avant 1995 car l’UCL ne développe des formations qu’au sein de l’institut Saint-André (en face).31 28 HOUYOUX Florian, Charleroi, Métropole rhapsodique, mémoire de fin d’étude, promoteur, Geoffrey Grulois, 2013-2014 29 ONERO Catherine avec BARÉT Françoise, 70 ans d’immigration italienne: des bras contre du charbon, RTBF, le 3 juin 2016 30 BURNET Méloé, DE BROUWER Hortense, SANTIN Alizée, Exercice de simulation d’un aménagement opérationnel Charleroi et ses écosystèmes, Master de spécialisation en management territorial et développement urbain 2019-2020 31 ibid

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Plus tard, la fusion des communes de 1977 fait de la Ville de Charleroi la première ville wallonne et contribue à relancer son statut attractif. En 1978, l’Université de Mons-Hainaut s’associe au CUNIC- centre interuniversitaire de Charleroi (actuelle Université Ouverte) et délocalise la faculté de psychologie et de l’éducation au sein la caserne Trésignies avenue de Général Michel avant de déménager Boulevard Joseph II en 1994.

En parallèle, en 1990, l’Université Libre de Bruxelles profite de la fermeture de l’usine-mère de l’entreprise Solvay à Couillet pour y installer un centre de culture scientifique (CCS). L’équipe du centre assure la promotion et la diffusion de la culture scientifique pour tout public. C’est la première fois que l’ULB s’installe à Charleroi et elle ne s’arrête pas là.32 En effet, 5 ans plus tard, commence le développement d’un pôle compétitif autour de l’aéroport de Charleroi (Gosselies). 95 hectares sont aménagés en vue d’accueillir des entreprises et acteurs de l’innovation. Ainsi, depuis 1999, l’ULB investie dans le déploiement de la recherche biomédicale et fonde l’institut de biologie et de médecine moléculaire (IBMM) au cœur de l’aéropôle de Charleroi. En s’implantant à Charleroi, l’ULB profite de l’octroi des premiers Fonds Européens de Développement (FED 1994-1999) alloués aux projets ambitieux de la région wallonne et participe à la concrétisation du projet Biopark (pôle d’excellence en biotechnologie). Le projet rebaptisé Brussels South Charleroi Bio Park est coordonné par BioPark Dev SA depuis 2019. Dominique Demonte, directeur de Biopark avance, dans la Libre Belgique, le 10 mai 2017. “Près de 30 ans plus tard, Charleroi est devenue le cœur de la biotechnologie wallonne. A l’époque, l’aéropôle n’existait pas. Lorsque les premiers chercheurs sont venus à Charleroi, il n’y avait que des champs. Charleroi n’était pas la Silicon Valley.” Aujourd’hui, par contre, 1100 personnes travaillent dans le Biopark […] » 33 Aujourd’hui, le projet accueille de nouveaux acteurs de la recherche, notamment l’UMONS qui s’allie à l’ULB autour d’un master conjoint en biochimie et biologie moléculaire et cellulaire. L’association des deux universités laïques devient un moteur de développement de l’implantation universitaire à Charleroi. Ainsi, c’est en 2009 que les deux universités s’associent à nouveau autour de nouvelles formations en sciences humaines sur site de l’UT en Ville-Haute.

32 ULB.ac.fr 33 DEMONTE Dominique, (directeur de Biopark) Nous visons 3.000 emplois à Gosselies, propos recueilli par Alice Dive et Pierre-François Lovens dans la Libre Belgique, le 10 mai 2017

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La requalification du paysage de l’enseignement supérieur En 2004 le Décret Bologne valorise la collaboration entre les acteurs de l’enseignement pour s’inscrire dans la concurrence européenne. Le système scolaire est uniformisé entre hautes écoles et universités. En 2006, un effort de rationalisation du paysage de l’enseignement est lancé autour du décret de 1996 pour inciter les hautes écoles à fusionner. C’est dans ce contexte que naissent la Haute école de Louvain en Hainaut (HELha) et la Haute école provinciale de Hainaut Condorcet (HEPH) présente sur le campus de la Ville-Haute. La Haute Ecole de Charleroi (UT) est conservée. Les structures rassemblent 6000 étudiants autour d’un fort réseau d’implantations sur tout le territoire Hennuyer.34 En parallèle, l’UCL s’associe au projet de l’ASBL HelHa et développe des premiers bacheliers sur le nouveau campus de Montignies-sur-Sambre. “Le choix de Charleroi n’est pas non plus le fruit du hasard. La plus grande ville wallonne ne cesse de se développer et offre un environnement idéal sur de nombreux plans (...) À commencer par les excellentes infrastructures de la Haute École Louvain en Hainaut (HELHa), dont les professeurs participeront aussi à l’aventure», précise Sofie De Pauw, chargé des cours du nouveau bachelier des sciences en informatique de l’UCL.35 Par ailleurs, en 2013, le Décret Marcourt36 redéfinit le paysage de l’enseignement supérieur et établit les pôles universitaires: celui du Hainaut est à Mons. A l’époque des manifestions ont lieu à Charleroi pour revendiquer une faculté de médecine en centre-ville. La proposition est justifiée par la forte présence d’infrastructures médicales en Ville-Haute. Ainsi, Jean Yernaux s’attèle à la réalisation d’esquisses sur le site de l’actuel centre commercial Ville II à proximités du Grand Hôpital de Charleroi Notre-Dame (1958). Finalement, Charleroi ne verra pas s’installer la faculté au cœur de son tissu urbain et le projet de l’architecte ne verra pas le jour.37

34 NAIMBU Stéphanie et NIYIGENA Adèle, Exercice de simulation d’un aménagement opérationnel, Master August Cador 2019-2020 35 UCLLouvain.be 36 CHARLIER Jean - Emile, MOLITOR michel « Le décret définissant le paysage de l’enseignement supérieur (« décret Marcourt ») », Courrier hebdomadaire du CRISP 2015/28 (n° 2273-2274), pp 5-126. 37 YERNAUX Jean, propos recueillis par MORITZ Benoit et SHREUER François le 2 fevrier 2019, Entretien avec Jean Yernaux: Le petit ring est un plateau de lecture scénographique pour la ville, Dérivation pour le débat urbain n°6 , Dossier Charleroi, Decembre 2019.

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I-5 Le déclin de l’UT face à la désindustrialisation (1960 - 1980) Le développement de l’extraction du pétrole (nouvelle énergie fossile compétitive face au charbon) entraine petit à petit la fermeture de l’industrie carolorégienne. Le bassin de Charleroi, qui avait basé son développement sur le secteur industriel est peu résilient et vit encore une difficile transition économique. Les industries ferment et l’emploi s’effondre. I-5-1 Le campus face à la politique urbaine des grandes infrastructures Nouvelles limites d’un campus urbain C’est à l’époque du déclin de l’économie industrielle que la ville met en place une nouvelle politique des grandes infrastructures. Ce paradoxe trouve une explication dans les perspectives démographiques optimistes pour la ville38 et les idéaux visionnaires de l’époque. En effet, en 1977, la fusion des anciennes communes fait de Charleroi la première agglomération de Wallonie avec 227 145 habitants. Elle permet de fédérer autour de nouvelles stratégies de développement et de mettre en place une gouvernance supracommunale axée sur les enjeux de demain. Les perspectives de cette l’union font naître de nouveaux enjeux économiques et territoriaux pour la ville : il faut restructurer les limites d’un centre-ville dans le territoire diffus et renforcer l’axe ABC (Anvers Bruxelles Charleroi) pour assumer son rôle d’agglomération compétitive. Dès 1962, Jean Yernaux est promu urbaniste officiel de la ville et travaille à la cohérence des projets urbains de Charleroi, dominés par les initiatives individuelles des promoteurs.39 Il défend l’idée selon laquelle l’unité de la ville doit être assurée par ses infrastructures. L’accessibilité est devenue le leitmotiv la politique urbaine qui voit la construction d’infrastructures de mobilité comme gage d’une “Ville contemporaine”. Largement inspirés des dessins futuristes de Jean Yernaux, les plans de Jean Baudoux pour le Projet de Charleroi 2000 tentent de régler le problème de la circulation en centre-ville en la rejetant sur un couloir périphérique. Dès 1975, les travaux du Ring (R9) commencent sous la direction de la nouvelle instance intercommunale IAC (intercommunal pour les autoroutes de la région de Charleroi). Sur 5,6 km, la mégastructure est majoritairement surélevée afin de préserver les boulevards dans leur configuration historique. La succession de viaducs et de tunnels instaure les limites d’une ville intra-ring isolée de son territoire urbain “périphérique”. Le campus de l’UT, est maintenant bordé par le viaduc de la Broucheterre. Déjà surélevé, il voit 38 STRAUVEN Iwan (dir), LE MAIRE Judith et NOELLE DAILLY Marie; Guide Architecture moderne et contemporaine 1881-2017, Charleroi métropole, Mardaga & cellule architecture de la fédération Wallonie-Bruxelles, 2017, p44. 39 ibid

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sa relation d’autant plus fracturée avec le territoire. En parallèle, l’aménagement de la porte de Waterloo est entierement repensé. Les anciennes lignes de chemin de fer sont en partie démantelées et le parc du Hiernaux (3,5 Hectares) voit le jour en face du nouveau rond-point du Marsupilami.40 Par conséquent, les relations du campus avec les anciens faubourgs nord et ses nouvelles activités (centre commercial ville II,1990) sont compromises par le nouveau nœud de mobilité peu sécurisant. Accessibilité du campus renforcée : consolidation du réseau de transport (1975-1990) En parallèle, le réseau routier au sol est renforcé. En 1971, le prolongement de l’axe ABC est assuré par l’implantation de l’actuelle autoroute A54 de Nivelles à la porte de Waterloo de Charleroi et qui plus tard mettra en connexion le centre-ville avec l’aéropôle. Au même moment, l’axe Ville-Haute – Ville-Basse est consolidé et, en 1975, le tunnel Roullier-Solvay est construit à travers le campus, en sous-sol. Par conséquent, l’esplanade de l’Université du Travail est en partie piétonnisée et contournée au profit d’un accès direct des automobilistes à la Place du Manège. Les arbres du boulevard Roullier sont en partie retirés et la ville dote le campus d’un escalier paysager en béton brute visant à camoufler le passage bruyant des voitures en sous-sol et à améliorer la qualité de l’espace urbain. Un peu plus tard, la présence des anciennes voies vicinales soulève le projet d’un métro pour Charleroi. D’abord imaginé pour les travailleurs des usines en périphérie, le projet est conçu en toile d’araignée autour du centre-ville,41 avec des bras vers les communes. Le tunnel du métro est construit en Ville-Haute et deux stations desservent le campus : en 1983 est inaugurée la station Beaux-Arts plus tard, Jean Yernaux s’associe à Jean Hayot pour établir la station de métro Waterloo sur le plateau nord de la ville (1992). Cependant, face à la hausse de l’utilisation de la voiture individuelle et à la fermeture des usines, le métro est vite sous-utilisé et la régionalisation de la politique des transports publics ralentit davantage les travaux, faute de moyens financiers.42 Ainsi, bien qu’il est de plus en plus accessible, le campus de l’UT se retrouve très vite au croisement des nouvelles infrastructures de mobilité rapide aux dépens des mobilités douces et des synergies avec son territoire de proximité.

40 Charleroi Découverte.be 41 MORITZ Benoit, Un métro déroutant, Dérivation pour le débat urbain n°6, Dossier Charleroi, Decembre 2019. 42 YERNAUX Jean, propos recueillis par Benoit Mortitz et François Shreuer le 2 fevrier 2019, Entretien avec Jean Yernaux: Le petit ring est un plateau de lecture scénographique pour la ville, Dérivation pour le débat urbain n°6 , Dossier Charleroi, décembre 2019.

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a.1970: Construction du Ring et nouvelles limites pour un campus intraring (photo non datée) © Charleroienphoto (Facebook)

Plan initial du projet de métro et en partie constuit © fracademic.com

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I-5-2 Le projet visionnaire se heurte à la crise économique Le projet visionnaire de la politique des grands travaux pariait sur l’essor parallèle de la nouvelle ville fédérée. En effet, le Ring n’était que l’outil, la première pierre d’un projet global pour une ville consolidée. Mais le contexte économique fragilisé n’a pas permis à la ville de se développer et aujourd’hui, la mégastructure du Ring entre en contradiction avec le tissu urbain fragilisé. Après la chute de l’industrie, le centre-ville entre dans une période de crise sans équivoque. Désindustrialisation et crise de la Ville-Haute Le 30 septembre 1984, le dernier charbonnage encore en activité Charleroi le Roton ferme ses portes.43 Cet évènement précède la fermeture massive des industries du bassin industriel qui entraine la précarisation des populations au chômage et la fuite des populations bourgeoises. A la crise démographique s’ajoute la crise territoriale. D’une part, le centre-ville subit la fracture spatiale majeure du Ring entre les périphéries habitées et le centre paupérisé. D’autre part la dégradation des espaces publics au profit de la voiture et le mauvais entretien des infrastructures faute de moyens financiers aboutit à une succession de démolitions. En 1980, le Palais des peuples (1980) et la maternité Reine Astrid (1992) sont mis à bas. Le moral des carolos est sapé et les esprits se soulèvent autour de nouveaux mouvements de préservation du patrimoine de Charleroi en péril.44 En parallèle, la construction des nouveaux axes routiers entraine la délocalisation des activités économiques vers de nouveaux pôles attractifs en périphérie. “Entre 1965 et 1969, l’ADEC (actuel IGRETEC) aménage 285 ha de zonings industriels spécialisés à Charleroi (90 ha à Gosselies, 141 à Fleurus...).”45 Très vite, le campus se retrouve au cœur d’un centre-ville déserté par ses habitants et ses activités.

43 STRAUVEN Iwan (dir), LE MAIRE Judith et NOELLE DAILLY Marie; Guide Architecture moderne et contemporaine 1881-2017, Charleroi métropole, Mardaga & cellule architecture de la fédération Wallonie-Bruxelles, 2017, p 44 44 Ibid 45 BURNET Méloé, DE BROUWER Hortense, SANTIN Alizée, Exercice de simulation d’un aménagement opérationnel Charleroi et ses écosystèmes, Master de spécialisation en management territorial et développement urbain 2019-2020

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CITY NORD

VILLE2

CORA

BELLEFLEUR

BULTIA

CRISE DE DÉSERTIFICATION Crise de désertification des activités économiques © Charleroi the place to C (par Georgios LES COMMERCES Maillis)

Emergence de nouvelles zones d’activités

économiques après la consolidation du réseau CRISE DE DÉSERTIFICATION routier (A54, R9 ..) © Charleroi the place to C LES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES (par Georgios Maillis)

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Le déclin de l’Université du Travail L’Université du Travail, née des besoins liés à l’industrie, subit de plein fouet son déclin et voit sa fréquentation diminuer de moitié. Les étudiants de l’UT n’ont plus de débouchés dans le bassin carolorégien et commencent à se tourner vers des études supérieures diplômantes des villes voisines. En 1974, les ateliers du fer sont détruits pour leur vétusté et remplacés par le bâtiment Roullier en 1979 - 88. Il abrite le nouvel Institut d’Enseignement Technique Secondaire (IETS) qui se charge d’assurer les formations aux métiers techniques encore prospères (boulangerie, mécanicien, technicien...). Le style brutaliste de l’édifice contraste avec les façades néoclassiques et arts déco de l’ensemble. Plus tard, le Palais de l’art wallon, rebaptisé bâtiment Solvay, est devenu un entrepôt et les salles des machines du bâtiment Roullier sont aujourd’hui à l’abandon : les longs couloirs du bâtiment central sont plongés dans le noir et vidés de leurs étudiants. Par conséquent, la perte des étudiants fait petit à petit de l’UT un ensemble surdimensionné, vestige de l’âge d’or de l’industrie. Aujourd’hui, pour comprendre la naissance du projet campus, il convient de se pencher sur les projets urbains contemporain à la crise et la paupérisation du centre-ville. En effet, un ensemble d’initiatives privées et publiques pour transformer le centre-ville se mettent en place progressivement.

I-6 Le campus au cœur des premieres initiatives urbaines (1980 - 1990) I-6-1 Les premiers FEDER : première phase de rénovation urbaine En 1994, le Hainaut touche pour la première fois des Fonds Européens de Développement Régional (FEDER) dédiés aux régions les plus fragilisées. Ces derniers servent à la construction d’un stade de foot en Ville-Haute et d’un terrain de basket.46 Par la suite, la Programmation FEDER 2007-2013 est allouée majoritairement à la requalification de la Ville-Basse. Le projet Phoenix trame l’aménagement des bords du canal, la création de la place de la Digue et l’axe gare de Charleroi sud - ville centre. En parallèle, les investissements privés permettent la mise en place du projet Rive Gauche en Ville-Basse (2013). Il comprend l’installation d’un centre commercial (DDS&partners-2013) sur la place Albert I rebaptisée aujourd’hui “la place verte”. Cette dernière est réaménagée par le bureau MSA en 2017 et devient une place publique, support des activités urbaines. Par ailleurs, dans le cadran sud-ouest de l’intra-ring le projet du Left Side Business Parc participe à l’ambition de réimplanter des activités économiques et des sièges sociaux en centre-ville (FGTB). Par conséquent, face au projet 46 STRAUVEN Iwan (dir), LE MAIRE Judith et NOELLE DAILLY Marie; Guide Architecture moderne et contemporaine 1881-2017, Charleroi métropole, Mardaga & cellule architecture de la fédération Wallonie-Bruxelles, 2017

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de revitalisation de la Ville-Basse, les habitants de la Ville-Haute se mobilisent le 6 février 2010 avec des panneaux au message clair “Quel avenir pour la Ville-Haute ?”47 I-6-2 Des interventions ponctuelles en Ville-Haute En effet, la Ville-Haute ne bénéficie pas encore d’un plan d’aménagement global mais profite d’améliorations ponctuelles. En 1990, une succession de rénovation est mise en place : la place Charles II, le centre culturel régional de Charleroi (1996, Pierre et Pablo Lhoas), les anciennes casernes de la gendarmerie en centre de police et l’extension de Charleroi Danse (Jean Nouvel et MDW architecture 2012-2019) et l’extension du Palais des BeauxArts (2000, Pierre et Pablo Lhoas). Sur les flancs ouest de l’UT, Pierre Blondel est appelé par la Sambrienne pour faire du logement social dans l’ancienne piscine de la Broucheterre (1991-2001). Sur le plateau nord de l’UT, le projet d’installer un espace d’art contemporain avec une mission d’éducation permanente au sein de l’ancien Palais de l’art wallon est lancée (2000). Ainsi, en 2014 – 2015, le BPS22 est converti en centre d’art. Entre temps, le bâtiment Solvay et Gramme sont classés et un périmètre de protection est élargi au bâtiment administratif de l’UT (16 juin 2004,). Par ailleurs, la Tour de la Vigie est rénovée et l’ HEPH Condorcet s’y installe et délivre de nouvelles formations (2009). En 2000, le hall de la bibliothèque s’effondre sous le poids des floralies du Hainaut. La Province de Hainaut participe à la reconstruction de l’atrium et l’extension de la bibliothèque en sous-sol. Conclusion partie I. Le campus est le résultat de l’évolution urbaine Il est aisé d’approcher le campus à travers le prisme des politiques urbaines car il est le fruit de l’initiative de la Province initié via les politiques de la ville (qui avaient la double casquette) et non l’inverse. L’ensemble des bâtiments est en trois grandes phases : en 1911, associé à l’urbanisation et la densification sur l’ancien tracé des remparts de la citadelle son édification aux portes de la ville coïncide avec l’exposition universelle. De 1930 à 1970, l’ensemble scolaire de l’UT cohabite avec les nouveaux programmes urbains de la Ville-Haute et devient un projet hybride entre un tissu urbain densifié et de nouvelles infrastructures pour l’enseignement. Après 1977 et la fusion des communes, les nouvelles infrastructures routières s’articulent autour du campus qui siège aux portes nord d’un centre-ville intra-ring isolé de sa périphérie. Depuis, la fin du XXème siècle est marquée par l’arrivée des premiers fonds de développement européens (FEDER) qui génèrent un nouvel élan de rénovation du centre-ville d’abord entamé en Ville-Basse. Bientôt, l’annonce des prochains FEDER réveille les ambitions d’étendre cette dynamique à la Ville-Haute où siège le campus.

47 Manif Charleroi Ville-Haute, 8 fevrier 2010, Youtube

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Les projets du cœur métropolitain © BOUWMEESTER, Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025, éd 2018

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II

Portrait et enjeux de développement du campus de demain Nous tenterons ici de décrire le projet campus tel qu’il est aujourd’hui conçu, ses spécificités et les enjeux de son intégration à plusieurs échelles du territoire. Cependant, avant toute chose il convient de se pencher sur les origines d’un projet aujourd’hui clef du développement de Charleroi.

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II-1 Introduction du projet campus : l’outil stratégique d’une ville Fort de son parcours universitaire riche et de son expérience à l’international, diplômé de l’université de l’ULB, Paul Magnette est élu bourgmestre de la Ville de Charleroi en 2012 (PS). Cette élection marque le début d’une période de métamorphose urbaine portée par un bourgmestre engagé. II-1-1 Le campus de Charleroi solidaire du projet de revitalisation de la Ville-Haute « Charleroi DC » « Axe 2 -Redynamiser les centres » Projet de Ville 2012-2019 En 2013, la commission européenne annonce le déblocage de nouveaux fond FEDER pour 2014 -2020. Très vite, Paul Magnette met en place un projet de ville global pour bénéficier des fonds nécessaires. Paul Magnette dédie son premier mandat à inverser ce paradigme en consolidant le centre-ville. Il poursuit alors un enjeu territorial : depuis la fusion des anciennes communes (1997) la ville a conservé son organisation diffuse et le centre-ville fragilisé n’assure plus vraiment l’identité ni l’attractivité de Charleroi. L’objectif serait de fédérer Charleroi autour d’un centre névralgique, symbole fort d’une ville unifiée et attractive : le bourgmestre veut « … redonner à ce pôle urbain majeur son rôle de développement économique durable de toute la région ».48 Il suffit de se pencher sur la courbe démographique de la ville entre 1966 et 2015 pour constater l’exode urbain que subit Charleroi pour reprendre les termes du bouwmeester : La ville enregistre une perte de 20 % de ses habitants et de 60% rien que pour le centre-ville.49 Dans les années 2000, ce sujet devient une préocupation majeure et la ville lance des travaux de revitalisation en Ville-Basse. Dès lors, Paul Magnette souhaite consolider la dynamique en place et s’engage à faire de la Ville-Haute un pôle attractif à son tour. Dans le projet de ville il annonce : « Un plan Phénix bis sera conçu pour revitaliser la Ville-Haute. Il visera à recréer un véritable campus autour de l’Université du Travail, à revitaliser les places Charles II et du Manège et les boulevards environnants pour en faire un lieu de vitalité culturelle et de concentration de restaurants et de cafés. »50

48 Charleroi DC.be 49 RUARO Paolo, Charleroi the place to C (par Georgio Maillis), au sein de l’atelier “urban assemblage”, Présentation du Fevrier 2020. 50 VILLE DE CHARLEROI, Projet de ville 2015-2019

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Pour coordonner les projets sur l’ensemble du territoire carolorégien Paul Magnette s’adjoint les services d’un bouwmeester urbain. Le territoire est alors organisé en cinq nouveaux Districts urbains : Charleroi n’est plus pensée de manière radioconcentrique mais multipolaire. La mission du bouwmeester est la suivante : « Le bureau du Bouwmeester est un moteur d’exploration, d’impulsion, de collaboration, d’accompagnement, de communication et surtout de concrétisation de projets structurants pour la Ville de Charleroi. Charleroi Bouwmeester – CB – est une structure indépendante qui conseille le Collège Communal et le Conseil Communal en vue d’un développement urbain, paysagé et architectural cohérent. En collaboration avec l’Administration Communale et tous les acteurs du renouveau de Charleroi, le CB développe une réflexion sur le développement de la ville ainsi que sur les très nombreux projets spécifiques, présents et futurs. Le CB assiste la Ville de Charleroi dans les procédures des marchés publics et accueille les grands opérateurs publics et privés pour ancrer de manière opportune leurs projets sur le territoire de la Ville de Charleroi. »51 Rapidement, Georgios Maillis et son équipe se chargent d’établir un masterplan cohérent pour le centre-ville réorganisé en 4 nouveaux cadrans urbains. L’objectif est d’attirer les investisseurs à travers une trame objectivable alliant la revitalisation des espaces publics, la création de nouvelles infrastructures et la rénovation des anciennes.52 Le projet baptisé “Charleroi District Créatif” (DC) tend à la création d’un pôle événementiel et de formation via la requalification urbaine sur 40 hectares du cadran nord-ouest. Sur l’esquisse du projet on peut voir le campus vieillissant de l’UT qui devient solidaire de l’ensemble des projets mis en réseau via l’aménagement des espaces publics.53 Paul Magnette explique au nom du collège communal : “Charleroi DC a pour objectif de répondre au déficit d’attractivité du centre-ville afin de redonner à ce pôle urbain majeur son rôle de développement économique durable de toute la région. Il s’agit de la poursuite, logique, des efforts consentis lors de la précédente période de programmation localisée dans la Ville-Basse et des investissements publics intervenus à l’Est de la Ville-Haute”54 Finalement, en 2015, les fonds FEDER sont octroyés et s’allient aux fonds de développement Wallon pour la revalorisation de la Ville-Haute. Des appels à projet sont lancés pour l’ensemble des projets.

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Charleroi-bouwmeester.be MAILLIS Georgios, VANABELLE Xavier, MORITZ Benoit sont venus présenter et discuter des prochains grands projets d’aménagement de la ville de Charleroi “Les coulisses d’un projet”, LN24, nov 2019. Charleroi DC.be ibid

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Le masterplan du projet Charleroi District Créatif © Charleroi-DC.be

II-1-2 Le contexte de l’émergence du projet “Campus des Sciences, des Arts et Métiers” « Un (..) grand défi auquel fait face Charleroi, (…) celui de la formation. » Projet de Ville 2012-2019 Paul Magnette, lui-même professeur de sciences politiques à l’ULB, pointe du doigt le manque d’offre de formations supérieures à Charleroi et les conséquences sur l’emploi du bassin carolorégien. Ainsi, fidèle à sa politique de consolidation du centre-ville, et motivé par l’alliance des enjeux économiques et territoriaux, le bourgmestre s’attarde sur la valorisation de la formation à Charleroi. « Là aussi, la Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles ont initié de vastes projets qui sont essentiels pour le redéploiement de Charleroi : la construction du Campus technologique sur le plateau de l’aéropôle ; la création d’une Université ouverte et le déploiement de l’offre universitaire en centre-ville dans un campus à construire à la Ville-Haute ; la mise en place dans le prolongement du bassin scolaire d’une Cité des métiers et de l’industrie. »55

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VILLE DE CHARLEROI, Projet de ville 2015-2019


« Une ville inclusive via l’enseignement » Projet de Ville 2019-2024 Plus tard, le Projet de Ville 2019-2024 fixe les objectifs d’“Une ville inclusive via l’enseignement” notamment universitaire via la création d’un campus. Il prévoit : « (de) Développer le campus des sciences, arts et métiers (Cité des Métiers, centre universitaire Zénobe Gramme, Centre de culture scientifique, Université technologique, Centre design-innovation, centres de recherche...). Faire de Charleroi une vraie ville universitaire via le développement de l’offre d’enseignement supérieur et du campus de Charleroi ; Réaliser la Cité des Métiers pour revaloriser l’enseignement technique et professionnel et améliorer l’orientation scolaire des étudiants, en lien avec les métiers verts et d’avenir, en adéquation avec le tissu économique et public local et métropolitain. Maintenir l’enseignement technique et professionnel dans le périmètre de la ville et valoriser, entre autres, l’école hôtelière, en lien avec la création d’une cantine publique”56 On comprend ici la prise de conscience du retard dans ce domaine depuis le rejet de l’UCL en 1968 et la discrète installation des universités dans le bassin carolorégien fragilisé. En effet, la ville accuse un retard considérable au niveau de la formation de la population malgré son statut de première ville de la Wallonie (204.150 habitants). Seulement 2,21% de la population carolo détient un diplôme universitaire contre une moyenne de 7,85% en Belgique. En parallèle, le taux de chômage s’approche de 27% contre une moyenne wallonne de 16%.57 Paul Magnette affirme : “Il y a urgence à créer un espace pour les étudiants, nous manquons d’étudiants hennuyers dans le secteur des cours et formations universitaires. Ce projet va permettre d’augmenter l’offre et surtout de diminuer les coûts pour les familles et les parents, moins de kilomètres, pas de nécessité de logement extraordinaire ou de kot, une vraie université et un vrai campus dans la Ville, ce sera aussi, une vraie retombée économique pour la Cité.”58 En parallèle, il pointe du doigt le phénomène de fuite des cerveaux que subit le bassin carolorégien depuis les années 1970. Elle correspond à la fuite des étudiants et des diplômés à fort capital scolaire qui choisissent une orientation contre intuitive vers d’autres régions (Liège, Namur, Bruxelles), à défaut de ne pouvoir trouver un emploi à la hauteur de leur qualification.

56 VILLE DE CHARLEROI, Projet de ville 2019-2024 57 CPDT, Atlas des 12 villes Feder de Wallonie, Coordonné par BIANCHET Bruno 58 ARCANGELI Luciano, BARBIEUX Daniel, Un véritable centre universitaire sera créé à Charleroi en 2023, RTBF, 13 septembre 2017

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Concrétisation du projet campus : déploiement de l’enseignement Le projet de campus à la Ville-Haute est alors intégré au portefeuille de projets de Charleroi District-Créatif et cofinancé par les fonds FEDER et wallons. Par conséquent, le contexte particulièrement favorable au développement et à l’installation de nouveaux programmes en Ville-Haute, allié aux efforts conjoints du bourgmestre, attire les futurs opérateurs et aboutit à la concrétisation du projet campus. Le 7 juillet 2014 l’ASBL Cité des métiers (CM) est créé et rassemble les partenaires du projet de son développement. Les acteurs de l’enseignement prévoient l’intégration des Aumôniers du Travail et la rénovation du site de l’UT grâce aux fonds de développement de la Province. Les travaux sont lancés en 2019. En parallèle, le centre de compétence Design innovation cherche un local adapté à ses ambitions et projette de s’installer dans l’ancien bâtiment de la Chaufferie sur le plateau de l’UT. C’est en septembre 2016 que l’ULB, déjà implantée au sein du Biopark, développe ses premières formations sur le campus de l’UT. Mais en 2017, la Ville de Charleroi, l’ULB, l’UMONS, l’Université ouverte de la FWB et la Haute Ecole Provinciale Condorcet ont signé la convention fondatrice de l’ASBL « Centre universitaire Zénobe Gramme (CUZG) qui vise à la création d’un nouveau pôle actif dans l’enseignement supérieur et universitaire, la formation, la recherche scientifique, la diffusion de la culture scientifique et la sensibilisation aux métiers scientifiques et techniques”.59 Les travaux commence en février 2020. Le double enjeu du campus de Charleroi Le projet campus est porté par les acteurs de l’enseignement qui déploient de nouvelles formations à la Ville-Haute. L’enjeu est alors d’adapter l’offre de formation de l’UT au bassin de l’emploi d’aujourd’hui car si l’Université du Travail s’est développée en lien avec les métiers de l’industrie, le campus de demain doit se développer en lien avec les nouveaux métiers de l’entreprenariat, de la création et des sciences. On ne cherche plus de la main-d’œuvre peu qualifiée mais des “cerveaux”, des techniciens. Aussi, le projet de campus s’inscrit dans un projet urbain global pour la revitalisation de la Ville-Haute. Le campus, maillon fort du projet, pourrait bien avoir un impact considérable sur le développement croisé de la Ville-Haute qui un jour pourrait redevenir le témoignage d’une ville dynamique au cœur du territoire carolorégien. Les enjeux socio-économiques s’allient aux enjeux territoriaux et le projet campus se concrétise. 59 ALBIN Didier, Charleroi: un pôle universitaire innovant s’installe en cœur de ville. Le Soir, le 13 septembre 2017

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II-2 Portait et spécificités du projet campus Le projet du Campus de Charleroi est en fait la rénovation du site de l’Université du Travail et d’une partie de ses espaces publics. Il convient maintenant de se pencher sur la complexité du projet en révélant ses spécifités. Nous analyserons ici le campus à travers les thèmes significatifs du projet. II-2-1 6,5 Hectares Le campus constitue un noyau dur d’équipements de l’enseignement, protégés pour la plupart : bâtiment Zénobe Gramme et BPS22)

Le masterplan du projet Charleroi District Créatif © Charleroi-DC.be

II-2-2 142 euros millions d’investissements Projet District-Créatif Le rapport de presse de Charleroi DC nous informe que « le portefeuille de projet Charleroi District Créatif s’inscrit dans le cadre de la programmation 2014-2020 des fonds structurels européens. Les douze projets sélectionnés en mai 2015 par le Gouvernement wallon sont cofinancés à 40 % par l’Europe (Fonds FEDER), à 50% par la Wallonie et 10% par les porteurs de projets ».60 Au total, plus d’une centaine de millions d’euros vont être investis dans la rénovation du campus de l’UT 61 avec un peu moins de 70 millions pour la rénovation de ses infrastructures. Le reste étant alloué à la rénovation des espaces publics. 60 Charleroi DC.be 61 LEFÈVRE François-Xavier, Charleroi, une ville de plus en plus universitaire, Article L’echo. 24 octobre 2019

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II-2-3 Projets infrastructurels dans les limites historiques du campus

©BURNET Méloé, DE BROUWER Hortense, SANTIN Alizée, Exercice de simulation d’un aménagement opérationnel Charleroi et ses écosystèmes, Master de spécialisation en management territorial et développement urbain 2019-2020

Bien qu’il soit un ensemble d’édifices remarquables, aujourd’hui, les bâtiments sont vétustes et demandent une rénovation complète. Les fonds FEDER, la Wallonie et la Province vont participer au financement des projets et visent à leur rendre leur richesse patrimoniale et à restructurer les espaces intérieurs. 1: Rénovation énergétique du BPS22. Le projet a déjà été rénové par l’agence Archiscénographie Roland en 2014-2015. À terme, il sera le plus grand musée d’art de la Fédération Wallonie-Bruxelles. 2: La rénovation et la reconversion du bâtiment Zénobe Gramme en centre universitaire. L’appel à projet est lancé en 2017 et les bureaux ma2 et Archipelago s’associent pour concevoir le projet. Associé au souci de moderniser l’enseignement le projet prévoit la mise en place de machines ITech, salles à cloisons mobiles. Le chantier est en cours. 3: La rénovation et la reconversion du bâtiment de la Maçonnerie et la rénovation du bâtiment Solvay en centre technologique. 4: La reconversion de la chaufferie en Centre de Compétences Design et Innovation. La conception est portée par Bernard Deffet. Elle est réaménagée au profit d’espaces de bureaux, ateliers et salles de formation. Elle assure le double accès entre la rue de Broucheterre et le plateau du campus.62

62 CHARLIER Michel, Chaufferie: un nouvel écrin pour le design à Charleroi, Architectura.be, 18 Decembre 2018

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5: Réaménagement de la Cité des métiers. Le projet comprend la rénovation et la reconversion du bâtiment Roullier au sein de l’esplanade du campus (1) ainsi que la restructuration du site des Aumôniers du travail (2). Sur le premier site, le projet prévoit le réaménagement du bâtiment Roullier et assure la transparence du rez-de-chaussée pour plus de lisibilité. Par ailleurs, il vise la mise en place d’une esplanade le long du boulevard Roullier. Sur deuxième site, le projet vise à harmoniser l’ensemble des infrastructures et à créer de nouveaux espaces de la formation et notamment des laboratoires. 6: Bâtiment Langlois sera converti en Centre d’Enseignement Supérieur et fera office de complément indispensable du Campus Technologique installé sur le site de l’Aéropôle.

II-2-3-E Stratégie de recycler l’existant Force est de constater qu’il n’y a pas de projet foncier et qu’il s’agit de rester dans les limites du campus de la Ville-Haute déjà dense. On peut comprendre cette situation comme une réponse des plus rationnelles et opportuniste au projet campus (tirer profit de l’existant et diminuer les coûts) mais aussi des plus éthiques (valorisation du patrimoine, éviter une construction nouvelle dans une logique écoresponsable). Cependant, “Dans l’état actuel du campus : on recycle les infrastructures pour en faire un campus mais est-ce suffisant ?” Benoit Moritz.63 D’une part, il convient de reconnaître que la rénovation des équipements existants constitue une plus-value non négligeable pour le futur campus. Elle rend aux édifices leur beauté d’autrefois et le campus retrouve un lien avec son hi-stoire. Cependant l’“Effet modernité” engendré par une nouvelle infrastructure “phare” à l’image d’un campus moderne n’est pas inclu dans le projet et cela nous renvoie à notre deuxième question de recherche : le projet Campus parvient-il à renouveler l’image d’un campus aujourd’hui désuet et peu fréquenté malgré son implantation au cœur de la ville ? On en doute. D’autre part, les projets sont traités de manière indépendante et certains programmes nécessaires à la vie étudiante sur un campus restent absents des objectifs du projet. A titre d’exemple, la bibliothèque de UT n’est pas suffisante pour accueillir des étudiants autour d’espaces de travail collectifs. Par ailleurs, on s’interroge sur l’avenir des bâtiments qui cohabitent avec le campus (Logements, Piscine de la Broucheterre). Finalement, cela nous renvoie à notre deuxième question de recherche : Le projet campus est-il suffisamment orienté vers la création d’un environnement propice à la vie étudiante ? On y reviendra plus tard.

63 OPTION URBANISME (niveau Master- La Cambre Horta) encadré par Géraldine LACASSE et Benoit MORITZ, 2019-2020

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II-2-4 Un projet d’espace public La dégradation des espaces extérieurs n’est pas un enjeu propre au campus mais un problème global. Elle est le reflet d’une ville paupérisée dont la perspective de revalorisation, si elle était souhaitée, n’était pas réalisable jusqu’à présent. Aujourd’hui, le projet campus est un maillon de l’aménagement global de la Ville-Haute qui vise à la transformation des axes d’accès publics en espaces attractifs. En effet, le volet “espace public” du projet Charleroi DC assure la piétonisation des boulevards via la mise en réseau des infrastructures par l’aménagement de l’espace public : notamment via la mise à niveau du tunnel pour dégager des accès piétons nord-sud et créer un parking. Sur les boulevards, la mise en place d’un maillage vert fait échos aux enjeux environnementaux du retour de la nature en ville. En parallèle, le Plan Lumière assurera d’une part, l’éclairage et la sécurité des espaces publics et d’autre part, le confort et la lisibilité. Le concours pour le réaménagement des espaces publics est remporté par le Bureau Bas Smets (BBS). Aujourd’hui, le BBS s’associe avec le bureau japonais Bow-Wow et ils travaillent à la verdurisation des axes notamment avec la création d’espaces verts et de haut-vents au sein du campus. Le début du chantier est prévu pour 2020.

Espaces publics de la Ville-Haute de Charleroi © Bureau Bas Smets

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II-2-4-E Le projet Charleroi District Créatif : un projet urbain mais pas un projet “campus”

Un projet globalement public “On parle de réaménagement général mais rien n’est pour le campus en lui-même, tout est public” Benoit Moritz .64 Même si l’identité propre de chaque espace est prise en compte dans le design des projets d’aménagement, on s’interroge sur la capacité du projet à générer des espaces propres au campus. Le statut public des espaces extérieurs En effet, le projet est avant tout un projet pour la ville et ce n’est pas nouveau… Le campus n’est pas un espace isolé, siège d’une université qui détient ses propres places extérieures et décide de leur aménagement : il est un ensemble d’infrastructures publiques qui s’est construit le long des boulevards urbains. Analyser les espaces extérieurs du campus revient à se pencher sur l’évolution de l’aménagement des axes urbains au gré des politiques urbaines. On l’a vu, à l’occasion de l’exposition universelle, le plateau de Waterloo était pensé comme un large espace ponctué de plaines de jeux verdurisées et d’espaces verts fleuris pour l’occasion. Petit à petit, le boulevard Roullier devient un axe structurant semi-carrossé dont le bandeau central est ponctué d’arbres et de mobilier urbain qui lui donne des allures de quartier latin. A la fin du XXème siècle, le campus a vu ses espaces extérieurs se transformer en véritables parkings publics imperméables. Après la création du ring en 1975 et du tunnel Roullier-Solvay au service du règne automobile, le campus est isolé des périphéries habitées, et contourné au profit d’un accès direct des automobilistes à la Place du Manège via le tunnel Roullier. Après la crise industrielle, l’aménagement qualitatif de son périmètre a été mis sur l’autel de la baisse des fonds publics et aujourd’hui, le complexe scolaire est plus un “ensemble urbain où chaque projet fabrique de l’urbanité”65 qu’un réel campus.

64 OPTION URBANISME (niveau Master- La Cambre Horta) encadré par Géraldine LACASSE et Benoit MORITZ, 2019-2020 65 STRAUVEN Iwan (dir), LE MAIRE Judith et NOELLE DAILLY Marie; Guide Architecture moderne et contemporaine 1881-2017, Charleroi métropole, Mardaga & cellule architecture de la fédération Wallonie-Bruxelles, 2017

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Il est néanmoins important de noter que le campus conserve une implantation intéressante pour plusieurs raisons : proximité avec le parc Hiernaux, implantation sur le plateau surplombant la ville, il profite de vue sur le territoire carolorégien (vue vers le terril des Piges), situé en porte de la ville, proximité avec les places publiques et ses activités (Place du Manège, Place Charles II, sur lesquelles se déroulent les évènements du BIG FIVE de Charleroi). Aujourd’hui le campus est traversé par l’axe majeur nord-sud du Boulevard Solvay censé être la colonne vertébrale du campus. Cependant, il ne semble pas qu’il soit l’enjeu principal des projets de rénovation des bâtiments du campus. Aussi, l’esquisse du projet d’aménagement des espaces publics ne rend pas bien compte des relations avec les rez-de-chaussée et les entrées des bâtiments. Par ailleurs, le campus est aussi croisé par des rues transversales (Rue Lebeau, Rue d’Italie, Rue Fagnart) qui permettent aux étudiants d’accéder au campus d’est en ouest néanmoins ces voies d’accès sont encore peu valorisées et absente du projet des espaces publics. Finalement cela nous renvoie à nos premières questions de recherche : comment le projet Campus s’intègre-t-il dans un tissu urbain encore fragilisé à la limite de l’intra-ring ? Quelle elle la place du projet Campus dans le projet de revitalisation globale de la Ville-Haute ? On constate que le volet des espaces publics du projet Charleroi DC et les infrastructres ne semble pas assez coordonné pour générer des espaces qualitatifs propres au campus et que l’aménagement des rues transversales est laissé pour compte. Nous tenterons plus loin d’intégrer ces faiblesses dans nos hypothèses de développement.

II-2-5 Accessible On l’a vu, l’aire des grandes infrastructures a contribué au développement d’un carrefour de mobilité à l’entrée nord de la ville. En effet, le réseau autoroutier et notamment la A54 assure l’accès au campus depuis la Région Bruxelles Capitale et l’ensemble du Hainaut. Par ailleurs, le campus est desservi par le métro depuis les deux arrêt Beaux-Arts et Waterloo. Aujourd’hui, le réseau de mobilité jusqu’à présent pensé pour la voiture est amené à évoluer sous l’impulsion du projet Charleroi DC qui valorise la piétonisation des boulevards. Le boulevard Solvay devient un espace de mobilité partagé verdurisé. Par conséquent, la liaison assurée par le tunnel Roullier va être en partie reconvertie en parking souterrain générant ainsi 218 places supplémentaires pour se garer en ville (MDW architecture). Aussi, la mise en place d’une nouvelle bretelle d’accès du R9 au niveau du Grand Palais permettra un accès rapide depuis le ring jusqu’au parking.

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Portail vers les parkings arrières du BPS22 et accès aux les escaliers de la Broucheterre © Photo personnelle.

Cet espace profite d’une vue vers le Teril des Piges or il n’est pas inclu dans le projet Charleroi DC © Photo personnelle.

Parkings arrières du BPS22 © Photo personnelle.

Accès peu valorisé vers la rue Lebeau © Photo personnelle.

Le projet Charleroi DC semble s’arrêter au rondpoint du Marsupilami. Dès lors, on s’interroge sur la relation du campus avec la Parc Hiernaux © Photo personnelle.

On se demande si les infrastructures interagissent avec l’axe Solvay. © Photo personnelle.

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En parallèle, le débat récent qui allie l’échevin de la mobilité Xavier Desgain et la SNCB ouvre la perspective du déplacement de la gare de l’ouest vers le nord du centre-ville.66 C’est peut-être l’occasion pour le campus de profiter d’un accès renforcé au réseau ferroviaire assuré aujourd’hui pas le gare de Charleroi SUD. C’est un débat en cours… Aussi, la SNCB ouvre une nouvelle ligne rapide entre Paris et Charleroi SUD.67

II-2-6 Multiopérateur

©MEZHAR Kaoutar, PRAET Nicolas, Exercice de simulation d’un aménagement opérationnel, Master de spécialisation en management territorial et développement urbai, 2019-2020

Le projet résulte de l’initiative croisée de plusieurs opérateurs publics et privés. On constate que tous les prestataires sont différents pour chaque projet. 66 MASTER de spécialisation en management territorial et développement urbain, Correction orale, Juin 2020 67 VILLE DE CHARLEROI, Projet de ville 2019-2024

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II-2-6-E Qui dirige le navire ? Aujourd’hui il n’y a pas de structure coupole chapeautant l’ensemble des opérateurs et établissant une stratégie globale commune. Le projet campus est une addition d’initiatives autonomes. Le lien entre les acteurs de l’enseignement s’organise autour de la création d’Asbl qui coordonnent indépendamment leurs programmes. On est loin du modèle de campus à l’identité marquée par la fédération des acteurs qui y sont implantés. Aujourd’hui on s’interroge sur l’identité du campus de demain alors que chaque opérateur développe son propre projet dans les limites qui lui sont accordées. Cependant, s’il est clair que l’idée est d’assumer la carte de l’autonomie, il n’est pas pour autant un projet incohérent : les opérateurs suivent un objectif commun de modernisation des structures abritant de nouvelles formations dans les limites de l’existant. Un jury du Master August Cador avance : “Si le campus n’a pas encore de nom commun c’est une force”.68 En effet, avant d’envisager la mise en place d’une association claire autour d’une administration chapeautante il est d’abord nécessaire pour les opérateurs de clarifier les stratégies individuelles et d’assurer la mise à bien des projets.

II-2-7 Interdisciplinaire Depuis sa création en 1911, le campus de l’UT n’est le siège principal d’aucune université. Des écoles provinciales s’installent petit à petit sur le site et font évoluer les formations ingénieures désuètes vers des formations techniques plus adaptées au bassin de l’emploi. Plus tard, en 2016 le campus accueille un premier master en science du travail en alternance (MaSTA) sur le site de l’UT dans le cadre du projet “Master en alternance” financé par les Fonds sociaux Européens pour l’emploi. Ce dernier correspond à une formation spécialisée décentralisée de l’ULB. Aujourd’hui, le nom du projet du “Campus des Sciences, des Arts et des Métiers” nous informe que le campus est appelé à consolider la diversité de ses enseignements. Le rapport de presse du projet Charleroi District Créatif précise : « Le site de l’Université du Travail deviendra le « campus des sciences, des arts et des métiers » : un pôle d’excellence formation - enseignement – recherche où étudiants et scientifiques se côtoieront tous les jours sur un même périmètre.”(...)

68 MASTER de spécialisation en management territorial et développement urbain, Correction orale, Juin 2020

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(...) “Ce campus sera constitué d’un centre universitaire dans le bâtiment Zénobe Gramme (ULB, UMONS, Université Ouverte, Province de Hainaut), d’un Centre de compétences «design – innovation » (IFAPME) ainsi que d’un Centre d’Enseignement Supérieur Technologique et d’une Cité des métiers (dont les financements sont déjà acquis en dehors de Feder). Sur le même site la présence du B.P.S. 22 développera des interconnexions avec les structures scientifiques qui lui seront voisines. »69 L’aspect interdisciplinaire répond aux enjeux modernes de l’enseignement qui ne demande plus à être isolée mais en relation les unes avec les autres. II-2-8 Doubler voire tripler le nombre d’étudiants L’objectif est d’accueillir plus de 6000 étudiants, sans compter le personnel, et le corps enseignant autour du campus des sciences des arts et des métiers. Aujourd’hui, la Ville de Charleroi accueille en tout et pour tout 2000 étudiants universitaires sur son territoire.70 A terme, l’objectif est de tripler le nombre d’étudiants au sein du campus de Charleroi. II-2-8-E Quelle perspective pour la vie étudiante ? Le manque d’infrastructures de la vie étudiante Aujourd’hui, le projet campus est avant tout basé sur l’amélioration et l’agrandissement des surfaces pour l’enseignement. Le futur bâtiments ZG compte aménager 20 000 m2 et la nouvelle cité des métiers 45 000 m2 sur son site 1 et 10 000 m2 sur son site 2.71 La réflexion jusqu’à présent a majoritairement été portée sur le développement de l’enseignement qui assure un environnement “stimulant et encourageant”72 pour les étudiants de demain. Mais est-ce suffisant ? En effet, s’ils se déplacent en Ville-Haute pour assister à de nouvelles formations, il n’est pas évident qu’ils y restent. Les acteurs du projet affirment se focaliser sur l’étudiant dans leur stratégie de développement mais l’étudiant est-il seulement une tête pensante à instruire ? Aujourd’hui les projets sont traités indépendamment les uns des autres, et chacun tente de répondre au manque d’équipements favorisant la vie étudiante dans les limites de sa parcelle. Cependant des sujets restent encore en dessous des effectifs attendus. L’analyse de Bruno Yvin, directeur associé l’agence de programmation parisienne Alphaville, présente les 5 enjeux pour la mise en place d’un campus satisfaisant les besoins croisés de ses utilisateurs universitaires. 69 CHARLEROI DISTRICT CREATIF,142.000.000 € pour faire rayonner notre ville, par Marie-isabelle GOMEZ CALVO (attachée de presse) 70 WUIDART Pierre, MERGEN Sophie, Charleroi : un campus universitaire pour dynamiser une région sous-diplômée, RTBF, 31 octobre 2019 71 IGRETEC, Rapport pour La cité des Métiers - avant projet, 1 septembre 2017 72 Bruno YVIN, Tableau récapitulatif des besoins de l’étudiant, Alphaville

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L’application des enjeux au projet campus nous alerte sur le manque significatif d’espaces nécessaires. A titre d’exemple, la bibliothèque actuelle n’est pas adaptée à une demande accrue des étudiants de travailler en groupe dans un modèle de Learning center. Par ailleurs, la tour de la Vigie était une première réponse à la problématique du logement étudiant mais n’est pas suffisante (140 lits). Enfin, il manque des bureaux pour la recherche et les enseignants : aujourd’hui les enseignants du Master de spécialisation en management territorial et développement urbain August Cador n’ont pas de bureaux propres. Finalement, si on met en parallèle l’objectif fixé avec le cas de la ville de MONS qui détient 8482 étudiants pour 7 facultés et 4 hautes écoles on est tenté de soit, revoir à la baisse le ratio ou de repenser l’offre d’équipements adaptés à une telle population. Finalement, cela nous renvoie à notre deuxième question de recherche : Le projet campus est-il suffisamment orienté vers la création d’un environnement propice à la vie étudiante ? On en doute …

Usages universitaires et enjeux cibles associés ©Alphaville

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La singularité du campus de Charleroi Cependant, Bruno Yvin base son analyse sur un public “universitaire” pour le campus de Besançon. Or, le cas du campus de Charleroi est singulier et il convient de se pencher sur le profil de ses utilisateurs propres. En effet, le mode de vie engendré par un campus ou la majorité des formations sont de type courtes (certificats, bacheliers) peut influencer ses usages. Si on se base sur la situation actuelle, les étudiants des bacheliers restent habiter dans le “cocon” familial et ne sont majoritairement pas demandeurs d’un logement indépendant pour des raisons économiques. Par ailleurs, les formations longues sont des masters spécialisés dont les étudiants déjà diplômés ne viennent majoritairement pas de Charleroi. Ils se déplacent pour assister aux cours deux jours par semaine et rentrent dans leur lieu de résidence.73 L’individualisation du mode de vie amènent à penser que les formes du “collectif” pour l’étudiant à Charleroi ne requiert pas les mêmes besoins qu’un campus classique.

II-3 Enjeux Jusqu’ici, nous avons dressé le portrait du projet Campus et concluons que certains programmes favorables à la vie étudiantes sont absents. Néanmoins, le campus est avant tout urbain et il serait biaisé de l’analyser comme un noyau isolé sans possibles interactions avec les infrastructures urbaines qui assurent, dans certaines mesures, des services de base (horeca, divertissement, soin de santé, culture). Dès lors, il conviendra maintenant de comprendre les enjeux de son intégration à deux échelles : celle de la Ville-Haute et celle de la Métropole. II-3-1 Le campus dans la ville : les nouvelles synergies urbaines en Ville-Haute L’esquisse de l’aménagement des espaces publics laisse entrevoir que le campus n’est pas pensé comme un objet isolé mais relié à l’ensemble de la ville par de nouveaux couloirs urbains : on distingue la réinterprétation des rues, boulevard et des avenues. Elle tisse le support des futures synergies réciproques entre le campus et la ville. Finalement le campus pourrait bien profiter de nouvelles opportunités au sein d’un environnement urbain en mutation. Nous nous intéresserons alors à la nature des interactions du campus dans la Ville-Haute et nous nous pencherons sur l’enjeu de son intégration urbaine en vue de son évolution. II-3-1-1 Le campus : nouveau forum de la Ville-Haute En se développant, le campus est amené à devenir un lieu de rencontre pour les habitants de la Ville-Haute et peut être retrouver son statut de “frum” des années 1950.74 73

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LACASSE Geraldine, Témoignage dans le cadre de ce mémoire


Depuis l’an 2000 une aile du BPS22 est transformée en galerie et accueille des expositions d’art. Le projet contribue à faire du campus un pôle culturel où se mêlent l’art et l’enseignement. Aussi, des conférences sont déjà ouvertes à tous et participent à transformer le savoir en culture accessible au plus grand nombre (ex: projections de film). Par ailleurs l’ULB a mis en place un FAB LAB au rez-de-chaussée du bâtiment ZG, ouvert au public, qui permet aux petits entrepreneurs où simple curieux de venir utiliser les machines Itech. Des membres assurent l’accueil et le soutien à travers des formations spontanées. A noter que ce dernier est utilisé par la ville pour produire des masques et faire face à la crise du COVID-19.

II-3-1-2 Consolidation des partenariats avec le centre historique Le projet campus est amené à devenir un projet hybride ou la limite entre ville et infrastructures de l’enseignement tend à disparaitre. Déjà implanté sur le site du Boulevard Joseph II (38/42), l’UMONS installe une partie de sa formation au sein du ZG et bénéficie d’une double implantation en Ville-Haute. Ce nouveau partenariat floute les limites du noyau historique du campus qui s’élargit. Aussi, le projet de rénovation du Charleroi DC du « Grand Palais » à proximité du campus et du BPS22 ouvre la perspective de la mise en réseau d’infrastructures pour la culture et l’événementiel de vocation métropolitaine. Cependant, le Palais des congrès qui devait se trouver sur la Place du Manège et offrir de nouveaux espaces de rencontre ne se fera finalement pas.75 Sur les anciens terrains de la Broucheterre, le projet du projet « 5ème Elément » abritera le siège de la Sambrienne qui prévoit la mise en place de 30 logements étudiants à proximité du campus. En effet, si l’ancienne piscine de la Broucheterre offre des logements sociaux sur le site du campus, ils ne sont pas destinés aux étudiants. Or, les perspectives 75 « Charleroi n’aura pas son Palais des Congrès, comme elle l’imaginait. Les difficultés rencontrées depuis le début du projet, notamment avec le bureau d’études, ont amené les autorités de la ville à abandonner l’idée d’un tout nouveau bâtiment construit juste à côté du Palais des Beaux-Arts de Charleroi, sur l’actuelle esplanade des bus à la Ville-Haute. Un projet de vingt-cinq millions d’euros qui faisait partie des fonds Feder 2014-2020, octroyés par l’Europe et la région wallonne pour rénover toute la partie haute de la ville. Retards, divergences de vue avec le bureau d’études, dépassement budgétaire, si elle ne réagissait pas, la ville risquait tout simplement de perdre ce subside de 25 millions d’euros. Du coup, le collège communal a décidé de revoir sa copie sans pour autant tirer un trait sur un centre de Congrès. Au lieu de construire ce nouveau bâtiment, le centre de Congrès viendra finalement s’intégrer au sein du Palais des Expositions en pleine rénovation. Une partie du subside ira donc aux Expos, l’autre vers différents projets de rénovation urbaine de la Ville-Haute. » (LORIAUX Cédric, Charleroi : pas de Palais des Congrès mais plutôt un Grand Palais, RTBF, 17 juin 2020)

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de hausse démographique estudiantine entrent en contradiction avec la stratégie adoptée. En effet, le manque de logements étudiants publics pour le campus pourrait avoir des répercussions sur le parc locatif privé de la Ville-Haute. En effet, les nouveaux utilisateurs du campus pourraient se rabattre sur une location privée. Cette stratégie pourrait entrainer la hausse des prix via le comportement spéculatif des propriétaires prévoyant l’arrivée d’une population au plus fort pourvoir d’achat et pourrait faire fuir les populations existantes. Il conviendra de nous pencher sur la question du logement étudiant pour dessiner l’avenir du campus.76 Concernant l’offre d’infrastructures sportives, seule la salle VIGIE, au sein du campus, est utilisée ; sinon le gymnase de Condorcet Montignies rue de l’espérance (95) est mis à disposition des étudiants. Aussi, la carte sport de l‘ ULB- UMONS donne accès aux activités organisées par la commission des sports de la HEPH - Condorcet et l’Observatoire des sports de Charleroi. On retient aussi la création de “Campus danse” à l’initiative de l’ULB et le Charleroi Danse.77 II-3-1-3 Dépasser les limites du ring Par ailleurs, la future Citée des Métiers est un projet qui s’implante sur deux sites. Le premier au sein du bâtiment Roullier sur le campus de Charleroi et l’autre sur le site des Aumôniers du travail. Les formations sont réparties séparément et repoussent la limite du campus au-delà du ring. Le début des travaux du bâtiment ZG a illustré le lien entre ces différents lieux de l’enseignement. Il était nécessaire de trouver une alternative pour continuer à dispenser les cours et suivre le calendrier scolaire. Ainsi, il a été décidé qu’une partie des cours se donnera, soit sur le site des Aumôniers du travail, soit dans le bâtiment de l’UMONS du boulevard Joseph II, soit dans l’école E6K. Aussi, en face du parc Hiernaux, à proximité du campus, le GHDC Notre-Dame est amené à déménager dans le nouveau complexe hospitalier libérant ses locaux. L’UCL pourrait y installer une antenne et la limite du campus pourrait être amenée à s’étendre davantage au-delà de la limite du Ring.78 C’est un débat en cours ...

76 PROJET CARTOGRAPHIQUE ANTI EVICTION DE PARC-EXTENSION: MIL façon de se faire évincer, l’université de Montréal et la gentrification à parc-extension, Mai 2020. 77 ESPRIT LIBRE, Charleroi Ville-Haute & université, n°52 - Esprit libre, p. 01-12, Aout 2018. 78 LEFÈVRE François-Xavier, Charleroi, une ville de plus en plus universitaire, Article L’echo. 24 octobre 2019

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II-3-1-4 La naissance d’un quartier universitaire Ainsi, les nouvelles relations qui se tissent tendent à la création d’un réseau de l’enseignement en Ville-Haute et le campus prend des allures de quartier universitaire. En parallèle la Ville-Haute, déjà reconnue comme pôle administratif et culturel, est amenée à devenir le support de la vie étudiante. Le Guide pour l’aménagement des sites universitaires que nous avions consulté pour définir le terme Campus nous rappelle les spécificités d’un quartier universitaire : “Ce modèle se distingue par une vie universitaire imbriquée dans la vie urbaine : l’université imprime son rythme au quartier et induit une concentration d’activités liées au monde universitaire dans un quartier circonscrit (libraires, copistes, restaurateurs...). Il offre généralement une certaine qualité de vie pour les étudiants et salariés qui peuvent accéder facilement aux aménités urbaines. Toutefois, il pose un problème d’espace, bien souvent contraint et onéreux, qui implique généralement des surfaces extérieures et des bâtiments réduits.”79 En effet, ce pourrait être le cas de Charleroi et cette remarque nous renvoie à nos questions de recherche : comment concilier les objectifs de de doubler ou tripler le nombre d’étudiant dans le socle fermé d’un tissu urbain déjà urbanisé ?80 La réponse est certainement positive car la création d’un réseau de partenariats pourrait permettre de combler certains manques cependant, la question de l’expansion du campus sur le site de la VilleHaute semble compromise et nous tenterons de la réinterpréter plus tard.

II-3-2 Campus multipolaire et synergies territoriales On l’a vu, le campus est issu du déploiement à la Ville-Haute des acteurs de l’enseignement déjà présents sur le territoire. Le campus n’est donc pas seulement issu des ambitions locales mais nourri des enjeux à plus grande échelle. II-3-2-1 Un campus universitaire décentralisé Le maillon décentralisé d’un réseau de l’enseignement Le projet campus ne vise pas à entrer en concurrence directe avec des polarités majeures du paysage de l’enseignement mais à participer à la consolidation d’un réseau dans tout le Hainaut et à l’échelle nationale. En effet, l’investissement récent des universités dans le projet du campus correspond à la volonté croisée des universités d’élargir leur mission sur de nouveaux territoires et de la région de voir s’élever le niveau de jeunes diplômés encore faible. En effet, seulement 2,21% de la population carolo détient un 79 IAU et EPAURIF, Guide pour l’aménagement des sites universitaires, novembre 2018 80 WUIDART Pierre, MERGEN Sophie, Charleroi: un campus universitaire pour dynamiser une ré-gion sous-diplômée, RTBF, 31 octobre 2019

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diplôme universitaire contre une moyenne de 7.85% en Belgique ce qui en fait une zone ciblée par les politiques de développement.81 La réforme paysage (2017) pousse les universités à s’allier et à développer des formations spécialisées ou encore peu représentées sur de nouveaux territoires dans une logique d’expansion. Le campus de Charleroi n’ayant jamais été le siège d’une grande université est aujourd’hui la cible de ces nouvelles stratégies soutenues par les fonds de développement régionaux. II-3-2-1-E Stratégies d’expansion des universités En 2013, le décret Marcourt pousse les universités à sortir de leur statu quo et élargir leur action au niveau régional. Le but est de renforcer les synergies entre les universités et les hautes écoles ainsi que les accords inter-universités dans une clause de non-concurrence. En effet, il est important de comprendre que si les universités sont motivées par leur mission première : “Partir à la découverte de nouvelles régions de la connaissance à travers un essaimage spontané pour valoriser la démocratisation de l’enseignement”82, elles sont tout de même freinées par la clause de non-concurrence qui empêche le développement de formations existantes concurrentes sur de nouveaux terrains. Une première réponse à la problématique de l’expansion dans ces conditions consiste à délocaliser une partie de leur formation. C’est le cas de l’UMONS qui installe 10% de ses formations principalement pour les adultes en reprise de d’études au cœur de la ville, Boulevard Joseph II.83 Une autre approche vise la création de programmes uniques sur le territoire à l’aide de partenariats interuniversitaire ou avec les hautes écoles. C’est ainsi que naissent les formations conjointes spécialisées. Cette stratégie de rapprochement est motivée par le renforcement du statut d’acteur de l’enseignement de référence en Hainaut et le soutien des fonds régionaux de développement. Ainsi, le développement de pôles universitaires décentralisés découle aussi d’une initiative opportuniste des universités qui profitent des fonds alloués à l’enseignement dans des régions en transition pour s’implanter en Wallonie et accroissent leur influence. Un campus issu de partenariats C’est ainsi que en 2017, l’ULB et l’UMONS s’associe avec l’université ouverte, la haute école de Condorcet et la Province de Hainaut autour du projet Zénobe Gramme et y installent de nouvelles formations. 81 NAIMBU Stéphanie et NIYIGENA Adèle, Exercice de simulation d’un environnement opérationnel (Master August Cador) 82 CRISP, Le problème de l’expansion universitaire en Belgique, Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 266-267, no. 41, 1964, pp. 1-47. 83 UMONS.be

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Robert Plasman, recteur de l’ULB avance :“L’intérêt est évident, Charleroi n’est l’implantation principale ni de L’ULB, ni de l’UMONS. Décider de lancer de nouveaux enseignements est un pari audacieux et travailler avec l’UMONS permet à la fois de renforcer les expertises mais aussi de mutualiser des risques et donc d’augmenter nos chances de réussites. Ce partenariat est clef...”.84 Philippe Dubois, recteur de l’UMONS dans une interview sur l’avenir du campus en 2019, nous explique les modalités d’un tel partenariat : “Un partenariat comme celui-là s’organise au niveau de la préparation : on réfléchit à qui fait quoi. Un bloc – on va dire « une année », même si on ne parle plus d’année – vaut 60 crédits, un bachelier c’est 180 crédits. La réflexion se poursuit sur la répartition de ces 60 crédits entre les deux partenaires universitaires. Ça peut être 40-20, 35-25... en fonction des spécificités et des disponibilités des enseignants. Ces questions organisationnelles (qui fera quoi, à quel moment, comment, avec quels moyens, quels horaires...) sont discutées au sein de groupes de travail réunissant les différents partenaires.”85 Finalement, on comprend que le projet campus de Charleroi est le résultat de partenariats stratégiques entre acteurs de l’enseignement déjà implantés en Fédération Wallonie Bruxelles.

©Géographie du recrutement des universités belges 2018; Inspiré de la carte : Paysage des universités belges. Louvainlaneuve.eu

84 ESPRIT LIBRE, Charleroi Ville-Haute & université, Deux nouveaux Bachelier à la rentrée, propos recueillis pas Alain Dauchot, n°52 - Esprit libre, Aout 2018, pp. 01-12 85 L’UMONS ELEMENT, “L’UMONS l’université de référence en Hainaut”, interview du recteur Dubois, n°30, Nov-Janv 2018-2019, pp. 05-07.

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Au-delà de son intégration urbaine, le campus devient l’organe spécialisé d’un réseau de l’enseignement déjà polarisé. Néanmoins, malgré l’implantation de grandes universités en Ville-Haute, peu de gens savent aujourd’hui que le campus livre des formations et cela nous renvoie à notre troisième question de recherche : finalement, le projet Campus parvient-il à renouveler l’image d’un campus aujourd’hui désuet et évité malgré son implantation au cœur de la ville ? II-3-2-2 Plan CATCH et clusters de la formation On l’a vu (partie I), le développement du réseau routier à la fin du XXeme siècle allié aux interventions de zonings industriels volontaires aboutit à la consolidation de pôles économiques le long des axes routiers. Par conséquent, le centre-ville perd ses activités économiques au profit de ces nouveaux clusters périphériques.86 Dans une logique d’expansion, les universités commencent à s’installer dans le bassin carolorégien. En 1999, l’ULB rejoint le pôle stratégique naissant aux abords de l’aéroport de Charleroi avec les ambitions d’y implanter l’actuel Biopark. Ainsi, le développement post industriel de la Ville de Charleroi prend un nouveau tournant avec l’arrivée d’activités tertiaires et de R&D au sein de nouvelles polarités. Cependant, en 2016, l’usine de Caterpillar sur le site de Gosselie annonce sa fermeture et c’est un coup dur pour la ville qui tente déjà de se relever péniblement. Finalement, il devient le coup d’envoi des ambitions de Paul Magnette qui dote la ville d’une cellule active pour une mission de 3 ans. Leur mission est claire : « Accélérer la croissance de l’emploi dans la région de Charleroi ».87 La réflexion établie est largement inspirée des travaux de Michael.E.PORTER, professeur à Harvard et consultant dans la stratégie des entreprises. Dans The competitive advantage of the inner city, il affirme que “la renaissance économique” d’un centre-ville ne peut s’opérer sans la compréhension préalable de l’avantage comparatif qu’il représente pour des entrepreneurs. Par ailleurs, il considère le développement de pôles spécialisés concurrentiels sur le territoire comme la clef d’un écosystème économique stimulant.88 L’application de sa réflexion au cas de Charleroi soulève la question clef : quel est l’avantage comparatif des clusters de Charleroi ? du centre-ville ?

86 “Un cluster est compris comme un pôle de compétitivité qui rassemble sur un territoire bien indentifié des (…) entreprises, (des pouvoirs locaux), des laboratoires de recherches et des centres de la formation dans le but de favoriser et mutualiser la mise en place de projets innovants”. Liévain Magazine, Un campus à l’américaine made in Liévain, Mars 2017, n°5 87 Catch-charleroi.be 88 E.PORTER Michael, The Competitive Advantage of the Inner City, Harvard Business Review, 1995

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La cellule CATCH (Catalysts for Charleroi) a entrepris d’identifier ces clusters et d’accentuer leurs avantages concurrentiels pour aboutir à un modèle économique transversal efficace à travers 4 leviers de développement : InPlan CATCHétrangers, : rappel Recherche et incubation et la forfrastructure,Le Investissements mation. Rapport de mise en œuvre sur les projets prioritaires du plan CATCH

Advanced Manufacturing

Airport & Logistics

Health & Bio

Creative & Digital

4 leviers CATCH © CATCH, Rapport de mise en Cellule Les CATCH, 2019 chantiersmai du plan CATCH ont été

œuvre, Le plan CATCH est le plan d'accélération de la croissance de l'emploi pour la région de Charleroi Métropole. Le plan CATCH a été mis sur pied par le Gouvernement Wallon et les Forces Vives de Charleroi suite à l'annonce de Caterpillar de fermer son site de production de Gosselies. Le plan CATCH se concentre sur

identifiés par un Groupe d'Experts grâce à différentes analyses et plus de 200 entretiens avec des acteurs économiques locaux et régionaux. Le plan CATCH est mis en œuvre par les acteurs locaux et régionaux du développement économique avec le support et le suivi d'une équipe dédiée (la Delivery Unit) pour une durée de 3 ans (juin 2017-juin 2020).

Mai 2019

Plan CATCH - Rapport de mise en œuvre

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15 chantiers répartis au sein de 4 secteurs En effet, Thomas Dermine, directeur de la cellule CATCH met l’accent sur clés pour l'économie de Charleroi : La Delivery Unit s'engage à présenter un état Advanced Manufacturing, Airport & Logistics, des lieux de la mise en œuvre des projets la formation. Dans un article du courrier hebdomadaire du CRISP, il écrit le Health & Bio et Creative & Digital. à minima sur base annuelle. Tous les détails le plan CATCH sont disponibles sur Plan Stratégique pour Charleroi et démontre sur que les compétences, la qualiwww.catch-charleroi.be et via les réseaux sociaux. fication et l’apprentissage sont les moteurs du développement économique des villes.89 Lors d’une interview au sein des locaux de Charleroi Entreprendre90 il affirme : « Aujourd’hui il y a des emplois à Charleroi mais comment fait-on pour qu’ils soient à la portée des habitants… C’est le rôle fondamental de la formation »91

89 DERMINE Thomas, Un plan Statégique pour Charleroi, Dans Courrier Hebdomadaire du CRISP 2010/15 (n°2060) pp 5-46 90 Charleroi Entreprendre est une structure d’aide à l’entreprenariat pour Charleroi Métropole. Elle est issu de l’union des équipes d’animation économique du CEEI Héraclès, d’Igretec et du Switch coworking et assure la pérennisation de la dynamique CATCH. 91 DERMINE Thomas, Fulltvweb « Posey »#7, 25 Janvier 2020

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Ainsi, depuis 2018, les quatre clusters en question ont été identifiés : Au nord, un pôle Health and Bio & Airport and Logistics autour de l’aéroport et sur le plateau nord de Gosselies. Fondé en 1991 des suites d’un plan de promotion commercial de l’aéroport, l’aéropôle rassemble le parc scientifique et technologique et les entreprises nationales et internationales qui profitent d’un accès direct via l’aéroport. Concernant la formation, l’ULB s’installe en 1999 et donne naissance au Biopôle, aujourd’hui centre de recherche et de formation de référence en médecine moléculaire. En parallèle, le technocampus assure les formations technologiques. Au sud, l’établissement d’un écosystème au cœur de la Ville-Basse de Charleroi autour du secteur “Creative & Digital”.92 Situé dans l’ancien tri postal à proximité de la gare de Charleroi Sud, le projet d’A6K E6K est développé par la cellule CATCH et devient un laboratoire technologique. Le centre multidisciplinaire A6K rassemble les entreprises, les start-ups et les chercheurs autour d’un espace partagé. Pour la formation, la nouvelle école E6K est un centre qui projette de former 300 étudiants par an autour du numérique.93 En parallèle, l’identification d’un pôle d’Advanced Manufacturing dans le bassin industriel historique de Charleroi le long de la Sambre. Il comprend les entreprises des secteurs de l’automobile et de l’aéronautique (Thales). Ce pôle ne détient pas encore d’infrastructures liées à la “formation” mais est étroitement lié au centre A6K. Plus tard, le pôle alimentaire Food C sur la rive droite de la Sambre à Marchienne-au-Pont verra le jour. L’objectif est de développer des infrastructures liées à l’amélioration de l’alimentation. Le bouwmeester établit la trame du projet dans le plan Charleroi Sambre Ouest. Ce n’est pas encore un pôle lié à la formation.94 Le projet d’un centre universitaire Campus UCharleroi apparait avant la mise en place de la cellule CATCH qui l’intégrera pas la suite dans son écosystème.

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CELLULE CATCH, Rapport de mise en oeuvre, mai 2019 Uwe.be (Union wallonne des entreprises) Charleroi DC. Be


Un territoire polarisé.©BURNET Méloé, DE BROUWER Hortense, SANTIN Alizée, Exercice de simulation d’un aménagement opérationnel Charleroi et ses écosystèmes, Master de spécialisation en management territorial et développement urbain 2019-2020

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II-3-2-2-E La formation et emploi Finalement, si on se réfère à la précédente interview de Thomas Dermine, le pari du Plan CATCH est le suivant : la formation sert à créer de l’emploi. Au sein du Biopark la concrétisation est évidente avec le développement parallèle de l’industrie pharmaceutique ou encore la présence de sièges comme le groupe SONACA (construction aéronautique - aérospatial).95 Cependant, le campus en Ville-Haute s’oriente principalement vers les sciences humaines et sociales qui offrent des débouchés encore peu palpables dans un secteur en développement à Charleroi (communication, culture, science politique, criminologie, sociologie, ressources humaines…).96 Alors, on s’interroge sur la capacité du campus à générer des collaborations favorables à la création d’emplois de proximité pour les étudiants dès aujourd’hui. En revanche, il convient de reconnaitre qu’à terme, si l’évolution de Charleroi confirme les objectifs visés de « reconversion » via l’attraction de nouvelles entreprises et le développement des institutions culturelles, les étudiants pourraient bien profiter d’opportunités professionnelles diverses sur le territoire carolorégien. II-3-2-3 Naissance d’un écosystème de la formation On l’a compris, une grande partie des pôles CATCH jouera un rôle dans la formation à Charleroi. En effet, le schéma de développement stratégique du plan CATCH pour Charleroi révèle la mise en place d’un écosystème multipolaire où chacun des pôles tend à se spécialiser. On remarque que l’enseignement universitaire est en majorité présent au sein du pôle Health and Bio (programme spécialisé : science de la santé et biologie) et du Campus UCharleroi en centre-ville (programme mixte : sciences humaines, gestion, management). Cependant, les formations liées à l’ingénierie et les métiers techniques sont répartis de manière plus homogène sur le territoire .97 Aujourd’hui, les relations entre les différents clusters commencent à se développer : Certains acteurs bénéficient d’une double implantation : si l’ULB et l’UMONS sont présentes au sein du Biopark, elles le sont aussi au sein du Ucampus depuis 2016 (ULB) et 2017(UMONS). Par ailleurs, le développement d’un centre d’excellence en efficacité énergétique et développement durable est prévu dans un premier temps au sein des équipements existants de l’aéropôle mais son déploiement est envisagé par la suite au cœur du centre-ville.98 Finalement, si le déploiement de certain projet est prévu au sein du campus, certains programmes pourraient aussi se déployer au sein des autres pôles ? Nous y reviendrons. 95 “Sonaca Group est une société aérospatiale active dans l’aérostructure (Design & Build et Build to Print), les services, l’innovation, l’espace et la défense.” (Sonaca.com) 96 MORITZ Benoit, Entretien dans le cadre de ce mémoire, août 2020 97 BURNET Méloé, DE BROUWER Hortense, SANTIN Alizée, Exercice de simulation d’un aménagement opérationnel Charleroi et ses écosystèmes, Master de spécialisation en management territorial et développement urbain 2019-2020 98 Charleroi DC.be

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Etant trop éloignés l’un de l’autre, la relation entre le campus de la VilleHaute et le plateau du Biopark est assurée par le réseau routier développé et le métro léger. On se rappelle qu’en 2000, la TEC décide de consolider le réseau de transport à Charleroi et réactive l’ancienne ligne vicinale vers Gosselies. Ainsi, la ligne 13 du métro léger est inaugurée en 2013 et assure la relation entre Goselies et le centre-ville mais l’aéropôle n’y est pas directement connecté.

Réseau de métro léger qui assure en partie les relations entre les pôles à Charleroi ©mapamétro.com

Aussi, le pôle Creative & Digital et le campus tissent des premiers liens d’intérêt. Depuis le début des travaux du bâtiment ZG en Ville-Haute, une partie des cours est dispensée au sein du centre A6KE6K. Tous les deux situés dans l’intra-ring, ils sont reliés par le réseau de transport en commun et accessible à pied. Par ailleurs, il est intéressant de noter que l’accès aux pôles par les anciennes communes en périphérie sud du centre-ville est renforcé grâce à la création d’une ligne de Bus à Haut Niveau Service sur la N5 et la N53, en passant par le pôle Creative & Digital en VilleBasse.

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On comprend que le campus entretient petit à petit des relations avec les pôles stratégiques CATCH et participe à la création d’un écosystème sectoriel naissant. Finalement le campus est peut-être moins à considérer sur le site de l’UT mais bien au sein d’un réseau multipolaire de la formation à Charleroi. Conclusion partie II : Le projet campus : entre faiblesses et opportunités Dresser le portrait du campus nous a permis de révéler les qualités du projet de rénovation mais aussi ses faiblesses. En effet, face à la croissance démographique estudiantine on s’interroge sur la capacité du campus à générer un réel climat pour la vie étudiante et assurer le renouvellement de l’identité de l’ancien campus de l’UT. En revanche, l’intégration du campus à plusieurs échelles territoriales semble ouvrir de nouvelles opportunités d’un campus moins isolé mais en interaction avec la ville et ses infrastructures. On l’a vu, les enjeux du campus se rencontrent à plusieurs échelles : Tout d’abord l’échelle de son environnement de proximité directe : la Ville-Haute (Charleroi). La rénovation du campus de l’UT et la revitalisation des espaces publics valorisent la mise en place de nouvelles synergies laissant place de nouvelles opportunités partenariales pour le campus. Dès lors, les infrastructures de la ville et le campus interagissent et forment un réseau qui floute ses limites. Finalement il prend des allures de « quartier universitaire » ou « la vie universitaire est imbriquée dans la vie urbaine ».99 D’autre part, celle de la Ville de Charleroi. On a vu que le campus devient l’organe spécialisé dans l’enseignement des sciences humaines au sein d’un réseau de l’enseignement déjà développé à l’échelle de la Fédération Wallonie Bruxelles. En parallèle, le développement de nouvelles polarités stratégiques du plan CATCH offre de nouvelles opportunités au campus qui commence à tisser de nouveaux partenariats avec le nouvel écosystème sectoriel (A6K : pôle Creative & Digital). Cette analyse nous renvoie à notre dernière question de recherche : le projet est-il à même de concilier les enjeux de sa création avec les enjeux plus récents de la ville polarisée ? Finalement, édifier le portait du campus et ses enjeux nous permet maintenant d’établir des pistes de développement pour l’avenir du campus.

99 L’UMONS ELEMENT, “L’UMONS l’université de référence en Hainaut”, interview du recteur Dubois, n°30, p. 05-07, Nov-Janv 2018-2019.

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III Pistes de développement du campus de demain

Forts de cette analyse nous tenterons ici d’établir un ensemble de pistes de développement pour le campus de demain. Ces pistes tenteront de consolider la dynamique d’intégration du campus à plusieurs échelles pour combler ses faiblesses et ouvrir de nouvelles perspectives de développement. - Piste 1. Deux axes en croix - Piste 2. Déploiement multipolaire du campus - Piste 3. Densifier la liaison entre les pôles - Piste 4. Offrir un équipement métropolitain

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(III-1) Deux axes en croix

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Piste 1: Deux axes en croix

III-1-1 Occasion manquée On l’a vu, en 2014 Charleroi se voit octroyer les fonds FEDER grâce à la cohérence de l’esquisse du projet Charleroi District Créatif. On présage alors la transformation de la Ville-Haute mais aujourd’hui le revers de la médaille est une application très opérationnalisée avec un manque de coordination à plusieurs échelles. Espaces publics - Bâtis. Les relations croisées entre les deux volets du DC (Espaces publics et portefeuille de 16 projets de rénovation) ne sont pas évidentes et révèlent un manque de coordination sur le terrain. En effet, l’ensemble des projets Charleroi DC et plus particulièrement ceux du Campus des Sciences, des Arts et des Métiers sont pensés au même moment (délais obligent) et ne bénéficient pas du recul permettant d’appréhender les enjeux de construction et d’usage d’un projet dans son environnement fixe…. La mutation généralisée de la Ville-Haute laisse peu de certitudes : tout est amené à changer et en même temps. Dès lors, le projet de revitalisation des espaces publics n’est basé que sur base de l’esquisse des futurs projets et inversement : le rapport au Boulevard Solvay n’est pas toujours la ligne directrice des projets du campus qui ont développé leurs enjeux propres. Dès lors, si le projet de revitalisation des espaces publics établit un début de maille unificatrice entre ses infrastructures il n’en est pas moins que l’aménagement des espaces d’un campus est une entreprise complexe qui doit comprendre les enjeux propres. À noter que certaines définitions du mot “campus” insistent plus sur la qualité de ses espaces extérieurs que de ses infrastructures. Ici, c’est l’occasion manquée de créer une réelle épine dorsale pensée pour le projet campus. Bâtis-Bâtis. D’autre part, on a vu qu’au sein du lot Campus, chaque opérateur développe son projet dans les limites qui lui sont allouées sans qu’un architecte n’ait la mission de coordonner les projets entre eux. C’est l’occasion manquée de générer des programmes mutualisés favorables à la vie étudiante. Le constat d’un manque de coordination des projets pousse à s’interroger sur leur capacité à générer un réel « campus urbain » intégré à son environnement local et support de vie de ses usagers. L’enjeu d’intégration locale n’est pas un enjeu exclusif au campus de Charleroi mais un défi que plusieurs universités ont décidé de relever.

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Piste 1: Deux axes en croix

Vue du Projet d’aménagement des espaces publics pour le Campus de Charleroi © Charleroi DC.be

Vue du Projet du Cours des humanités, épine dorsale du projet Campus de Condorcet-Aubervilliers © agenceter.com

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Piste 1: Deux axes en croix

III-1-2 Etude de cas : Campus Condorcet-Aubervilliers : Campus urbain traversé par l’espace public Ici, le projet se distingue de Charleroi car il est une vaste opération de construction neuve sur un ancien terrain en friche. Cependant, les outils de planification urbaine et la réflexion de l’intégration avec le tissu urbain en fait un exemple inspirant. Introduction au projet Aujourd’hui, le projet campus Condorcet-Aubervilliers est implanté sur deux sites : Porte de la Chapelle (1 ha,18ème arrondissement) et sur le terrain rasé d’un ancien quartier industriel de la Plaine Saint-Denis (6,5 ha). Il est important de comprendre qu’il s’inscrit dans un territoire en mutation depuis la fin des années 80. En effet, les collectivités territoriales du nord de Paris ont l’ambition de valoriser les friches industrielles comme réserves foncières et 9 villes s’allient successivement depuis 2001 pour construire un projet de développement territorial commun (Les Elus de la Plaine Commune). Aujourd’hui 14 projets de renouvellement urbain sont en cours et le quartier fragilisé d’autrefois prend des allures de quartier populaire accueillant.100 A l’entrée de l’actuel site du campus, la rénovation de la Place du Front populaire (2013- FabriceDusapinarchitecte) devance la construction du campus. En parallèle, les écoles implantées en plein centre de la capitale (EHESS et EPHE) s’allient pour créer un campus de la recherche en sciences humaines et sociales en périphérie métropolitaine. L’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne se rallie au projet de « Cité des humanités et des sciences sociales » et ce n’est pas le seul : aujourd’hui, les opérateurs du projet sont au nombre de 10. En 2009, le dossier de candidature du projet de Campus de Condorcet Aubervillier est sélectionné par le Plan campus101 qui y voit l’opportunité de créer un pôle « Trans périphérique » préfigurant le projet du Grand Paris.102 Comme le souligne le dossier de presse du projet campus, « c’est un atout pour le territoire ». En effet, il stipule que le campus participe à la métropolisation du nord de Paris avec l’arrivée d’un grand équipement de portée nationale et internationale à forte attractivité dans un territoire populaire.103 100 PLAINE COMMUNE, Plaine Commune, 9 villes, 1 projet commun, édition 2020. 101 Opération “Plan campus” initié sous la présidence de Nicolas Sarkosy en 2007pour la remise à niveau de l’immobilier universitaire. Au total, il vise la creation de 12 pôles universitaires de rayonnement international. 102 FERNANDEZ Beatriz, GOSNET Antoine et OZOUF-MARIGNIER Marie-Vic, Les défis du Campus Condorcet. Attractivité métropolitaine et insertion locale, 27 fev 2020, 103 ibid

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Piste 1: Deux axes en croix

Cependant, c’est son ancrage local qui sera l’enjeu principal de la réalisation du projet. En effet, comment développer l’attractivité territoriale tout en soutenant la population locale ? Comment intégrer un campus dans un territoire en mutation ? Cellule coordinatrice des projets Le projet du campus est piloté par l’établissement public Campus Condorcet de coopération scientifique (EPCS). Le dossier de presse du campus nous indique que la cellule « Présidée par Jean-Claude Waquet, directeur d’études à l’EPHE, (…) réunit une équipe d’une vingtaine de personnes. Au terme de son décret de fondation, il a pour mission la conception, la réalisation, le financement, l’exploitation, la maintenance et la valorisation des constructions universitaires et des équipements constitutifs du projet de campus. À ce titre, il pilote, coordonne, met en œuvre et suit les programmes immobiliers réalisés soit en maîtrise d’ouvrage publique, soit en contrat de partenariat. » Pour la coordination de la conception architecturale du projet campus, l’EPCS fait appel à l’agence TER. Triptyque stratégique : l’épine dorsale, le socle actif, le campus parc L’objectif des concepteurs104 du campus est d’assurer la continuité urbaine. Ils nous expliquent : « Sur 5.4 hectares, la ville d’Aubervilliers accueillera le plus grand campus universitaire dédié à la recherche et à la formation à la recherche en sciences humaines et sociales. Le site s’inscrit dans un processus de recomposition urbaine. La conception du nouveau quartier répond à un double enjeu d’articulation : entre les différentes unités du campus, mais aussi entre le campus et la ville. Cette articulation se fait grâce à trois principaux principes : le « campus parc », « le Cours des Humanités » et le « socle actif ».105 Très vite, son inscription dans un réseau de voiries publiques apparait comme une première solution. En effet, le campus s’organise autour d’une épine dorsale appelée « Le cours des humanités ». L’axe est piétonnisé et relie la sortie du métro de la place du Front populaire aux arrêts de tram et de RER. Elle fédère les infrastructures du campus et fait office de file rouge des séquences paysagères du campus parc. En effet, le projet assure la fertilisation des sols imperméables via l’établissement d’un jardin potager, d’une plaine verdurisée et d’interstices plantés. De leur côté, les infrastructures du campus sont pensées en interaction avec l’axe central : les accès 104 Maîtrise d’oeuvre: Agence Ter Urbanistes Paysagistes (urbanisme, paysagisme, organisation), Jean-Baptiste Lacoudre Architectures, Brunet-Saunier Architecture, Antonini-Darmon architectes, K-Architectures, Jean-Christophe Quinton Architectes, WSP, OASIIS, Quidort, Betip ingéniérie (agenceter.com) 105 agenceter.com

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Piste 1: Deux axes en croix

Séquence paysagères le long de l’axe principale et mobilier urbain.

Logement étudiant à droite et Maison des associations au fond. A gauche, un terrain de basket-ball.

Cafétéria partagée vitrée.Campus de Condorcet Aubervillier © Photos personnelles

Principes de composition du projet Campus de Condorcet-Aubervilliers (socles actifs, épide dorsale et campus parc) © agenceter.com

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Piste 1: Deux axes en croix

y sont orientés et des fonctions s’implantent le long de l’axe, il traverse les Bâtiments des Equipements Documentaires et devient le support de programmes partagés (terrasse de la cafétaria, stade de basket, mobilier urbain). Plus qu’une voie d’accès il est un véritable lieu de vie pour les utilisateurs du campus. Des axes transversaux sont greffés à l’axe principal et assurent des passerelles entre les usagers du campus et le public extérieur. En parallèle, la stratégie du socle actif vise la mise à niveau équivalente de l’ensemble des rez-de-chaussée (4,5 m) qui abritent les programmes mutualisés entre les opérateurs (cafétaria, entrée des bâtiments). Le lien avec le quartier d’accueil du campus est assuré par la porosité et la traversabilité de chaque rez-de-chaussée. Cette stratégie rappelle celle du campus de l’université de Columbia à Manhattanville, dans le WestHarlem de New York. L’université construit un nouveau campus de 7 hectares en plein cœur du tissu urbain. L’enseignante et chercheuse Helène Dang Vu, dédit ses travaux de recherche à l’analyse de l’impact des campus sur l’environnement urbain et nous éclaire sur le sujet.106 L’implantation de l’Université de Columbia dans le quartier populaire de Harlem pose des questions liées à son intégration dans un quartier populaire qui voit d’un mauvais œil le projet. En effet, en dehors des bâtiments universitaires, l’université crée des commerces, de nouveaux logements, et met en place le réaménagement des espaces publics via l’élargissement des trottoirs arborés et la rénovation des façades. « Le projet que pilote Columbia est bien plus ambitieux : c’est un projet de renouvellement urbain qui doit faire de West Harlem un nouveau quartier (…). ».107 Dès lors, elle qualifie l’université de « producteur urbain » dans la mesure où l’implantation en ville participe à modifier son tissu urbain d’accueil. Pour assurer ce qu’elle appelle la Pax Urbana, le projet tend vers la porosité du campus au cœur de la ville via la revitalisation des voies publiques et la transparence des rez-de-chaussée.

106 DANG VU Hélène, Pourquoi les universités transforment-elles la ville ? Les Annales de la recherche urbaine, N°109,2014. Territoires et universités. pp. 28-43 107 ibid

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Piste 1: Deux axes en croix

Columbia University Manhattanville Campus - Centre d’Art. Renzo Piano ©rpbw.com

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Piste 1: Deux axes en croix

III-1-3 Piste de développement : amélioration de l’Axe nord-sud (NS) À l’avenir il pourrait être bénéfique de s’inspirer du modèle du campus Condorcet pour faire de l’axe Solvay une véritable épine dorsale du projet campus. Dans la mesure du possible, les projets en cours pourraient assurer la transparence et l’activation des façades le long de l’axe en installant les programmes en relation avec l’espace urbain au rez-de-chaussée (cafétaria, salle de travail collectif). Par ailleurs, il pourrait aussi fédérer les adresses du campus : par exemple l’entrée principale du bâtiment ZG, aujourd’hui située Rue Lebeau, pourrait redevenir l’entrée centrale le long de l’axe Solvay. Aussi, les bâtiments pourraient moins être pensés comme des boites closes et assurer des axes traversants pour augmenter les relations avec le tissu urbain. De son côté, l’aménagement des espaces publics pourrait être complété pour mettre en place des séquences paysagères, un espace forum et du mobilier urbain spécifique. La cohérence du projet pourrait être assurée par la création d’une cellule stratégique de coordination veillant à l’établissement d’un campus vivant via une concertation avec les étudiants et le corps enseignant pour révéler ses besoins et ses usages. Par ailleurs, si le projet d’aménagement des espaces publics du projet Charleroi DC est cohérent pour le centre-ville il ne prend pas en compte les espaces qui ne rentrent pas dans l’intra-ring. Or, on a vu que la Cité des Métiers s’étend sur le site des Aumôniers du Travail (Grand’Rue) et que l’UCL projette d’installer des formations au sein dans le bâtiment libéré du Grand Hôpital de Charleroi Notre Dame. Il conviendrait alors de prolonger l’axe nord-sud pour faciliter l’accès au site aujourd’hui isolé des politiques de revitalisation urbaine et d’améliorer l’accès au Parc Hiernaux (élargissement du trottoir, sécuriser le carrefour du Marsupilami, liens paysagers). Au bout de l’axe Solvay, la Place du Manège ne pourrait-elle pas devenir le rond-point du cimetière d’Ixelles de Charleroi ? (Quartier incontournable des étudiants du campus Solbosch à Ixelles (ULB). Déjà entourée du Palais des Beaux-Arts et l’Hôtel de Ville, elle pourrait à terme devenir un point de convergence entre le campus et les institutions civiques & culturels ; point de rencontre entre les usagers du campus et les habitants locaux.

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Piste 1: Deux axes en croix

Ainsi, la consolidation de l’axe nord-sud pourrait renforcer l’intégration du campus au sein de la Ville-Haute tout en assurant un cadre de vie digne pour ses usagers. Cependant ce n’est pas suffisant… jusque-là nous ignorons complètement ses abords est et ouest.

III-1-4 Les limites du projet Charleroi DC En effet, l’analyse du projet Charleroi DC nous permet de constater que le développement des espaces publics a majoritairement été pensé autour de la relation Nord-Sud. Pourtant, en étudiant les nouvelles synergies du campus en Ville-Haute (partie II) nous avons découvert que les limites du noyau historique de l’UT sont amenées à disparaitre au profit d’un « quartier universitaire » largement inscrit dans l’espace urbain qui l’entoure. Dès lors, l’intégration du projet « 5ème Elément » porté par la Sambrienne sur les flancs est de la Broucheterre et l’adjonction du site de l’UMONS Boulevard Joseph II devraient être prises en considération.

III-1-5 Etude de cas : Good Move, les magistrales piétonnes (Bruxelles) En 2016, la Région Bruxelles-Capitale entame une réflexion collaborative sur l’avenir de la mobilité dans un contexte de valorisation du piéton au sein d’une ville plus saine. Dès 2015, le projet du piétonnier de Bruxelles108 qui englobe une partie du boulevard Anspach commence et est aujourd’hui en partie réalisé. Cependant, soucieuse de l’accessibilité transversale vers les autres pôles attractifs de la ville, elle s’attarde sur la nécessité de créer des axes secondaires appelés les “magistrales piétonnes”. Publié en 2020, le plan Good Move dépeint l’enjeu du projet : « Les magistrales piétonnes sont des axes particuliers du réseau Piéton. À partir du piétonnier du centre-ville, un réseau de grands itinéraires piétons permet de rejoindre les grands pôles économiques, touristiques, récréatifs ou culturels du centre-ville élargi par des cheminements lisibles, agréables et confortables. »109 108 Le piétonnier de Bruxelles: “La zone piétonne du centre-ville élargie passe de 28 à 50 hectares et englobe désormais une grande partie du boulevard Anspach, ainsi que les places de Brouckère, de la Bourse et Fontainas. Le projet prévoit la mise en place de plus de 3.000 m² d’espaces verts sur ce piétonnier, d’un système qui permettra de récupérer l’eau de pluie sur les zones de promenade et sur les zones de séjour afin qu’une grande partie de l’eau nécessaire à l’arrosage des espaces verts provienne d’une source durable et respecte l’environnement. Des bancs munis d’une peinture anti-graffiti, plus de fontaines d’eau potable, plus de poubelles intelligentes, plus d’économie d’énergie grâce à un éclairage public LED et 1000 places de parking vélos seront créés.” Bruxelles.be 109 BRUXELLES MOBILITÉ, Service public régional de Bruxelles, Plan régional de mobilité 2020-2030, Plan stratégique et opérationnel, 2020, 290p

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Piste 1: Deux axes en croix

Ces magistrales se caractérisent par des trottoirs extra-larges (+ ou - 5 mètres) au revêtement différencié. En outre, l’ambition n’est pas juste d’aménager un couloir piéton en soi mais de faire des connexions entre des polarités urbaines autour d’espaces de qualité où on peut séjourner.

Magistrales piétonnes comme outil d’intégration urbaine © Good Move.be

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Piste 1: Deux axes en croix

III-1-6 Piste de développement : création d’un axe est-ouest (EO) L’objectif serait s’inspirer des ambitions bruxelloises et de mettre en place un axe est-ouest à l’instar de l’axe nord-sud consolidé. Il deviendrait le fil rouge entre les logements étudiants du 5ème Elément, l’escalier existant de la Broucheterre, le campus, la rue Lebeau et la rue Isaac pour finalement connecter l’UMONS et la plaine des sports. Dans un premier temps, à l’image de la « magistrale » bruxelloise, l’aménagement de la chaussée pourrait se faire en faveur des mobilités douces. Par ailleurs, le long de son axe, des espaces de séjours pourraient ponctuer l’itinéraire en faveur du campus. On pense à l’aménagement de séquences paysagères sur les parkings arrière du BPS22 qui ne serait plus un espace résiduel arrière mais un espace fédérateur à l’échelle du campus. Par ailleurs, l’escalier des flancs Est de la Broucheterre pourrait aussi être repensé de manière à ne pas être qu’un lieu de passage mais un véritable lieu de séjour pour la communauté estudiantine. L’alliance de ces aménagements donnerait naissance à une esplanade qui profite déjà d’une vue sur le terril des Piges, symbole historique de l’identité de Charleroi. L’axe est-ouest pourrait être étendu au-delà du ring. À noter qu’a l’Est, depuis la chaussée de Bruxelles, le long de la rue de la Broucheterre se trouvent les écoles secondaires de l’Institut Jean Jaures et l’institut Saint-Joseph.Par ailleurs, l’HEPH Condorcet (rue de l’Espérance) est implantée sur le site que l’axe est-ouest pourrait connecter. En parallèle, la traversabilité des bâtiments du campus pourrait assurer plus de porosité avec le tissu urbain. Un accès traversant au sein du bâtiment Zénobe Gramme pourrait être pensé pour lier la rue ZG et le Boulevard Solvay. À terme, la création d’un axe d’est en ouest assurerait l’intégration urbaine du campus et permettrait de répondre aux enjeux territoriaux du campus de demain à savoir Valoriser les accès entre les programmes de plus en plus dis persés. On l’a vu le campus est issu de nouveaux partenariats avec des opérateurs déjà implantés au sein de la ville : il prend des airs de quartier universitaire et ses limites sont de plus en plus floues. Réduire la fracture spatiale avec les franges externes de l’intra-ring en faisant office de couture urbaine entre les anciens faubourgs et la ville.

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Dépasser le ring et valoriser la création d’un ré seau urbain propice à la pédagogie moderne.

Plan de Charleroi District Créatif ©Bureau Bas Smets Plan de Charleroi District Céatif © Bureau Bas Smets

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s

rée.

Plan d’intégration du campus Charleroi ©Production personnelle (sans échelle) Plan d’intégration dude campus de Charleroi (piste 1) © Production personnelle (sans échelle)

La piste 1 suit les ambitions d’une intégration locale renforcée : le campus serait au carrefour de deux axes principaux qui au-delà de le rendre accessible deviennent de véritables espaces de vie. Cependant, nous avons vu que le campus ne se réduit pas à son seul environnement de proximité mais fait, en fait, partie d’un réseau de polarités à l’échelle du territoire. 93


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(III-2) Déploiement multipolaire du campus

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Piste 2: Déploiement multipolaire du campus

III-2-1 Réinterpréter l’expansion du campus On a bien compris que face à la croissance démographique, les universités cherchent à étendre leur influence au-delà des limites de leur « fief » historique, souvent situé en centre-ville. La logique nous amène à penser que cette évolution est synonyme de plus de mètre carré… Cependant ce n’est pas aussi simple que ça. En effet, parce que le campus profite d’une implantation au cœur du tissu historique de la ville, il pourrait bien, un jour, faire face au problème du manque d’espace disponible sur un territoire urbain saturé. On l’a vu, jusque-là il s’agit de ne plus répéter les erreurs du passé mais de conserver le patrimoine en partie classé : le projet est en fait une vaste opération de rénovation du complexe vieillissant de l’UT et ne comprend pas de foncier. En revanche, on a remarqué qu’aujourd’hui le développement de la formation s’organise autour de polarités sectorielles reconnues et consolidées par le plan CATCH. Le rapport de mise en œuvre CATH de 2019 nous rappelle les différents secteurs et la place du campus dans la stratégie globale: « La dynamique sectorielle du plan CATCH s’inscrit dans les lignes de la planification urbaine de la Ville de Charleroi. Elle vise à une concentration des différentes fonctions (formation, recherche, incubation, infrastructure) des écosystèmes physiques : Renforcement de la spécialisation sectorielle de l’aéropôle autour des activités Health & Bio sur le plateau nord de Gosselies Concentration des activités du secteur Airport & Logistics autour de l’aéroport et sur l’axe longeant l’E42 de Courcelles à Heppignies Développement du secteur Creative & Digital au cœur du tissu urbain de la Ville-Basse de Charleroi Redéploiement des fonctions de support au secteur Advanced Manufacturing dans le bassin industriel historique de Charleroi le long de la Sambre Cette dynamique sectorielle est soutenue par deux fonctions centrales localisées à la Ville-Haute de Charleroi : Un pôle généraliste dédié à l’entrepreneuriat urbain autour des Casernes et îlot Trésignies (avec la présence d’acteurs comme UCM, CCI et le futur Charleroi Entreprendre) Le Campus U Charleroi qui concentre les activités de sensibilisation, d’enseignement (universitaire et supérieur), d’enseignement et de formation professionnelle (dans les compétences non-spéciques aux pôles sectoriels) ».110

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CELLULE CATCH, Rapport de mise en œuvre, mai 2019


Piste 2: Déploiement multipolaire du campus

Ainsi, le campus s’inscrit dans un écosystème sectoriel consolidé par les ambitions CATCH. A noter que le projet campus est aujourd’hui en partie porté par les universités déjà présentes sur le territoire (ULB et L’UMONS au Biopark). Dès lors, il n’est plus un élément isolé mais un organe spécialisé d’un réseau amené à interagir pour former à terme un véritable écosystème de la formation. Par conséquent, les partenariats commencent à se mettre en place : on l’a vu, suite au début des travaux dans le bâtiment ZG, une partie de l’enseignement se déroulera au sein de l’incubateur A6K du pôle Creative & Digital de la Ville-Basse. Par ailleurs, un bachelier en Sciences biologiques se donne à la Ville-Haute et au Biopark. Ce constat remet en question les perspectives d’expansion du campus de demain. On en revient à notre question de recherche : le projet est-il à même de concilier les enjeux de son émergence avec les enjeux plus récents de la ville ?111 Par ailleurs, il est intéressant de rappeler que le développement de l’ère du numérique accéléré par la crise du COVID-19 remet en question la forme d’expansion des campus existants. Alain Bourdin, urbaniste et sociologue, développe l’idée selon laquelle les opérateurs de l’enseignement utiliseront de plus en plus les plateformes numériques d’enseignement à distance.112 Dans le même rapport, Laure Marot, relève que : “Demain, y aura-t-il encore des campus physiques ? La réponse est très certainement positive. Par ailleurs, grâce à la montée en puissance de la pédagogie collaborative, les étudiants deviendront davantage acteurs de leur apprentissage. Le numérique aura un impact considérable sur la façon d’étudier. Les amphithéâtres de très grande taille et les cours magistraux sont voués à se raréfier (…). »113 Ainsi cette évolution n’aboutit pas à l’arrêt simultané d’échanges physiques mais plutôt à leur évolution vers des formes plus collectives (workshop, travaux de groupes, travaux interdisciplinaires) demandeurs d’espaces de coworking plus ouverts. François Ascher, économiste et urbaniste, affirme qu’a plus grande échelle, la révolution du numérique n’implique pas l’extinction d’un environnement physique mais la création de polarités interdisciplinaires consolidées et plus connectées les unes aux autres… le plan CATCH en est un bon exemple. 111

ULB.be

112 BOURDIN Alain, La révolution en cours des espaces universitaires, La revue Urbanisme, campus en mouvement, hors-série n°57. 113 MAROT Laure, A l’heure du collaboratif (MAROT Laure), Campus en mouvement, Revue Urbanisme, Hors-série n°57, 2016

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Piste 2: Déploiement multipolaire du campus

Health & Bio

Airport & Logistics

JUMET

CHARLEROI

Creative & Digital Advanced Manufacturing

Plan stratégique CATCH ©-CATCH, Rapport de mise en œuvre, Cellule CATCH, mai 2019

Siège d’ A6K E6K au sein du pôle Creative & Digitale en Ville-Basse © A6K.be

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Piste 2: Déploiement multipolaire du campus

Plan de Genk : ville organisée autour de pôles sectoriels © visitgenk.be

C-Mine, Genk © C-Mine.be

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Piste 2: Déploiement multipolaire du campus

Il illustre ses propos de la manière suivante : « Lorsque tout devient télé communicable, la valeur de ce qui ne passe pas dans les tuyaux augmente ».114 On suppose alors que l’expansion du campus pourrait non pas aboutir à l’augmentation de mètres carrés en centre-ville mais au déploiement d’infrastructures adaptées à la pédagogie de demain ouvertes en plein cœur des pôles du plan CATCH. III-2-2 Etudes de cas 1 : Genk, Une ville de rouages et Paris-Saclay, un pôle interdisciplinaire Etude de cas 1: Genk, Une ville de rouages La ville de Genk a relevé le défi du développement postindustriel notamment via le pilier de l’enseignement. Dès lors, elle est devenue une référence pour développer la stratégie CATCH. La cellule opérationnelle prend la ville en exemple dans son rapport de mai 2019 et nous tenterons ici de comprendre pourquoi : « Le plan CATCH est né de cette volonté et est inspiré d’efforts de reconversion similaires dans la Province de Limbourg suite à la fermeture de Ford Genk. »115 Introduction au projet Genk est une ville moyenne de Belgique en Région Flamande, dans la Province de Limbourg, qui s’étend sur 88 km2 et compte 66 000 habitants (dont 107 nationalités). La ville est en fait un ensemble morcelé de villages issus du développement de l’activité minière des années 1960 (structure territoriale similaire à celle de Charleroi). Après la crise industrielle l’équilibre économique de la ville est maintenu par la pérenne entreprise Ford qui assure l’emploi de sa population. Cependant, fin 2014, Ford décide de déplacer la production en Espagne et ferme ses portes. Dès lors, 14 000 travailleurs se retrouvent sans emploi… C’est un coup dur pour la ville qui accuse déjà un niveau de chômage bien supérieur à la moyenne régionale avec 1 jeune sur 5 non diplômés.116 En 2006, Wim Dries est élu Bourgmestre de sa ville natale qu’il sert depuis 1995 lorsqu’il entre au conseil communal. Il s’engage à « transformer la malchance en opportunité » (devise de la ville)117 et développe un projet 114 VELTZ Pierre, Saclay - Genèse et défis d’un grand projet, Parenthèse, 160 pages, 2020 115 CELLULE CATCH, Rapport de mise en oeuvre, mai 2019 116 DRIES Wim, coordonné par MASBOUNGI Ariella (Grand Prix de l’urbanisme 2016), Table ronde, Le pari de l’excellence spatiale, urbaine et paysagère pour révéler les territoires, avec BERTRAM Catherine, DESVIGNE Michel et, Atelier Projet Urbain “Territoires Phoenix: la preuve par Euralens”, à la Scène du Louvre-Lens, 6 et 7 juin 2019 117 ibid

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Piste 2: Déploiement multipolaire du campus

global qui s’appuie sur des sites stratégiques. L’objectif est de faire de la ville une Smart City qui s’oriente dans le développement de la créativité, de la technologie et de l’énergie renouvelable. En parallèle, le gouvernement flamand s’engage à la mise en place d’un Plan d’action Stratégique pour le Limbourg dans la Kwadraat (SALK). Il s’agit de soutenir un projet pouvant atténuer les conséquences de la fermeture de Ford (2013-2019). Finalement, le développement de la ville s’opère autour de trois grands lieux d’intervention : le paysage via l’intégration de liaisons paysagères dans un territoire où 40% du territoire est vert ; Le réaménagement des infrastructures de mobilité aujourd’hui surdimensionnées, en faveur du vélo ; le tissu morcelé aux multi-centralités en faisant émerger des polarités spécialisées. Wim Dries utilise l’expression “une ville réseau, une ville de rouage…”118 pour décrire la finalité du projet d’ensemble qui tend à la création d’un écosystème polarisé sur un territoire déjà polycentrique. Trois des polarités visées sont construites sur les fondations d’anciens sites miniers : le Thorpark, le C-Mine et la Biomista. Pôles stratégiques En tout 250 millions d’euros ont été investis dans les trois sites (25% de fonds propres et 75 % de la région, du fédéral et de l’Europe)119 . Le C-Mine est un pôle lié à la créativité qui rassemble une école d’art, des bureaux, des galeries d’art, un incubateur, un centre culturel, et un pôle de divertissement. Sur l’ancien site minier de Watershei, le Thorpark est un pôle technologique porté sur le développement des énergies renouvelables. Il s’est construit autour d’un bâtiment existant central : le Thor central qui accueille un ensemble d’espaces banalisés (salles, auditorium) destinés aux réunions, assemblés ou congrès. Par ailleurs, le site est occupé par un incubateur, un pôle de recherche Energyville pour les énergies renouvelables (partenariat entre opérateurs de la recherche notamment la KUL), et un campus délivrant des formations technologiques. Sur le terrain de l’ancien jardin zoologique de Zwartberg La Biomista est le concept de parc récréatif et culturel fondé en association avec l’artiste contemporain Belge Koen Vanmechelen. À cela s’ajoute des pôles de moins grande envergure (sportifs, commerciaux…). Ici, les universités et les acteurs de l’enseignement rejoignent ces pôles stratégiques pour y installer des formations spécialisées (créatif ou technologique) et s’organisent autour d’un ensemble de locaux propres mais aussi de lieux banalisés ouverts aux autres disciplines. Aujourd’hui, l’enjeu est porté sur la création de liaisons entre ces pôles qui constitue petit à petit 118 119

ibid ibid

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Piste 2: Déploiement multipolaire du campus

un réseau d’infrastructures partagées, moteur de développement pluridisciplinaire de la ville. Etude de cas 2: Paris-Saclay : un pôle interdisciplinaire L’échelle du projet de Paris Saclay est tout à fait différente du cas de Charleroi. Cependant, le développement des universités au sein d’un pôle interdisciplinaire fait de lui un exemple révélateur de l’évolution des besoins pédagogiques d’aujourd’hui et des répercussions sur l’espace du campus. Introduction au projet Le plateau du projet Saclay représente 49 communes autour de 5 grands sites en périphérie sud de Paris : du site de Satory à Versailles à celui de Saint Quentin Est, en passant par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) vers le quartier Moulon et le quartier polytechnique/Corbeville. Aujourd’hui, Saclay représente un cinquième de la recherche française et est amené à devenir un pôle industrialo-universitaire ultra compétitif rassemblant grandes écoles, universités, centres de recherche, entreprises et industries à 20 min de Paris (en voiture). Dès 2008, Saclay est vu comme un ensemble sous-utilisé au potentiel non exploité. Il devient une préoccupation majeure des politiciens qui financent à hauteur de 1 milliard d’euros le projet pour faire de Saclay un pôle technologique et scientifique.120 En effet, face à la circulation des cerveaux il est nécessaire de solidariser les opérateurs pour en faire une masse compétitive inscrite au palmarès international : on parle souvent de la Silicon Valley à la française pour décrire le projet. En 2010, le projet est solidaire du Grand Paris121 qui monte l’Etablissement Public de Paris Saclay (EPPS) pour qu’il dirige et coordonne l’aménagement de cette vaste entreprise. Très vite, le projet intéresse les grandes écoles (Central, Agroparistech), les universités et les grandes entreprises qui cherchent à y installer des antennes stratégiques (Huawei). En 2015 la COMUE (communauté d’universités et d’établissements) est fondée et porte le nom d’“Université de Paris Saclay”. Elle rassemble sous la même bannière l’ensemble des opérateurs scientifiques du projet. 120 Opération “Plan campus” initié sous la présidence de Nicolas Sarkosy en 2007pour la remise à niveau de l’immobilier universitaire. Au total, il vise la création de 12 pôles universitaires de rayonnement international. 121 Le Grand Paris est un projet global qui vise à réduire les inégalités territoriales de l’agglomération parisienne aujourd’hui organisée en étoile autour d’un centre et de périphéries. Il comprend notamment la consolidation de pôles économiques majeurs (comme Saclay…) mais aussi la mise en place d’un réseau de transport public reliant les banlieues parisiennes: le Grand Paris Express.

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Piste 2: Déploiement multipolaire du campus

Un campus écosystème interdisciplinaire La clustérisation des communautés scientifiques permet de croiser les avantages compétitifs respectifs des opérateurs amenés à devenir complémentaires (recherche, équipement, influence). En effet, “le géant en miettes”, selon les termes empruntés à Pierre Veltz, directeur de l’EPPS, doit devenir un écosystème. Il ajoute : “Tout le projet (…) en une phrase: créer des synergies dans un vaste ensemble en miettes, multiplier les synapses dans un cerveau collectif encore virtuel” 122 En 2010, l’EPPS est mandaté pour développer un projet cohérent suivant cet enjeu majeur. La première solution vise la mise en place d’un campus organisé au sein de noyaux mixtes densifiés. Dès lors, le projet a été pensé autour des zones déjà urbanisées du plateau (Paris Sud, Polytechnique) le long des grands axes existants. Il s’agit de favoriser les relations de proximité tout en préservant les espaces agricoles. Cependant, assurer la proximité physique n’implique pas toujours la naissance de relations de collaborations transversales, ligne de mire du projet. L’idée a donc été de créer un environnement hybride regroupant des bâtiments de l’enseignement et des espaces de vie (logements) et de socialisation tel que des bars, commerces, cafés, restaurants. Pierre Veltz avance : “… nous voulions rompre avec le modèle de “zone industrielle” qui est celui du plateau ou il n’y a plus de vie après 19 heures (…). Or pour créer la vie, il n’y a pas trente-six solutions. Il faut amener des habitants et les loger sur place.”123 En parallèle, certains bâtiments intègrent la dimension interdisciplinaire et se penchent sur l’ouverture vers les autres opérateurs du campus. A titre d’exemple, le Lab City (OMA, 2013-2017) est pensé pour abriter la prestigieuse école ingénieur de Central Supélec mais pas que… L’espace est organisé comme une ville couverte ou cohabitent des espaces clos de travail et de larges espaces communs (cafétaria, forum, amphithéâtre, salle de sport et école de langue). Ces derniers sont ouverts à tout le campus mais peuvent aussi être loués par des opérateurs externes.

122 2020 123

VELTZ Pierre, Saclay - Genèse et défis d’un grand projet, Parenthèse, 160 pages, ibid

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Piste 2: Déploiement multipolaire du campus

Plan Lab City, OMA © oma.eu

Lab City, OMA © oma.eu

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Piste 2: Déploiement multipolaire du campus

« Baptisé Lab City, leur projet s’éloigne de l’idée conventionnelle d’une boîte massive et introvertie au sein d’une zone urbaine et propose à la place une petite ville animée au sein d’une ville. »124 Ici, le projet démontre un élan d’intégration et de mutualisation des infrastructures qui ne sont plus amenées à être utilisées seulement par les ingénieurs de central mais par une communauté scientifique élargie qui cherche à renforcer ses collaborations au sein du pôle de Saclay (chercheurs, start-up, opérateurs externes). III-2-3 Piste de développement : réseau polarisé d’infrastructures banalisées Ainsi, l’objectif ici est non pas de revoir à la baisse l’expansion du campus mais plutôt de l’a réinterpréter sur la base des exemples étudiés. Il pourrait être intéressant de s’inspirer du modèle de Genk et d’étendre le campus de demain à travers les polarités stratégiques de la ville via la création d’un réseau d’infrastructures banalisées. Le terme d’« infrastructure banalisé » est ici compris à travers sa notion d’usage : il est une structure multi-usage ouverte à plusieurs opérateurs interdisciplinaires qui bénéficient de matériels partagés. Dans le domaine universitaire, il s’oppose au modèle d’auditorium « chasses gardée » d’une faculté qui juit de son usage exclusif. L’établissement d’un réseau de ce type pourrait prendre des formes diverses. D’une part, il peut s’agir de simples partenariats entre opérateurs qui cherchent à capitaliser sur les locaux existants (installation de tranches horaires). D’autre part il peut être la création de projets construits ou rénovés, capablent d’offrir des espaces pour l’enseignement ouvert à tous au cœur des pôles. Il convient alors se demander quels sont les espaces disponibles au sein du réseau de polarité existant ? Cette ambition pourrait voir le jour au sein du pôle Creative & Digital à la Ville-Basse. En effet, l’ouvrage Charleroi Métropole (éd 2018) révèle le masterplan Rives de Charleroi. On peut constater les ambitions d’urbaniser la zone située entre le tri postal, siège d’A6K E6K, et l’Hôtel des Chemins de Fer (1938).125 Au sein du pôle Advance Manufacturing, de nombreuses friches supportent un patrimoine industriel à valoriser et qui pourrait être un lieu privilégié (après dépollution bien sûr).

124 YUDINA Anna, OMA imagines a city within a city for a vast engineering school in Paris-Saclay Wallpaper, 2 oct 2017. En ligne : https://www.wallpaper.com/architecture/ lab-city-centralesuplec-oma-paris-saclay 125 BOUWMEESTER, Charleroi Métropole, un schéma stratégique,2015-2025, édition 2018

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Piste 2: Déploiement multipolaire du campus

Par ailleurs, il est intéressant de constater que les ambitions pour l’enseignement du projet de ville 2019-2024 comprennent la création de nouveaux pôles pour la formation qui pourraient devenir, à leur tour, des lieux stratégiques pour le campus : « Soutenir les formations dans les secteurs émergents comme Be-Code et l’Advanced Manufacturing, notamment (...)dans la filière des véhicules électriques, et ramener des centres de compétences à proximité du centre-ville. Dans ce cadre, rénover le pôle Villette pour en faire un lieu de formation dans ces secteurs. Ce dossier sera au cœur des prochains appels à projets du Feder ; Rénover le pôle de reconversion de Marchienne, en l’inscrivant dans l’espace urbain à rénover, et développer un projet de deuxième pôle, en concertation avec les acteurs (Funoc, Mirec, etc.) à proximité du centre-ville (Marcinelle Vilette) ».126

On constate que le plan a été fait avant le projet A6K E6K qui siège au sein du centre de tri postal conservé. Cependant, on peut voir les ambitions d’urbanisation autour de la gare notamment de son esplanade à l’Hôtel des Chemins de Fer, Masterplan Rives de Charleroi © MSA

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VILLE DE CHARLEROI, Projet de ville 2019-2024


Piste 2: Déploiement multipolaire du campus

Ensuite, il conviendrait de s’inspirer du modèle de Saclay pour valoriser les relations au sein des pôles par l’aménagement d’espace de socialisation dans l’espace public et au sein des équipements partagés sur le modèle du City Lab (OMA). Finalement, la piste 2 nous guide petit à petit vers la réflexion suivante : le complexe de Charleroi doit-il se réduire au complexe de l’UT rénové ? A terme le campus de Charleroi, n’est-il pas aussi E6K, le Biopark ? Sont-ils vraiment à considérer séparément alors qu’ils sont amenés à fonctionner ensemble ? Le campus ne se déploierait peut-être pas davantage dans le territoire urbain saturé de la Ville-Haute. Il peut se faire à travers l’établissement d’un réseau polarisé d’infrastructures banalisées au sein d’un écosystème sectoriel existant. Les ambitions de cette piste de réflexion conduisent à l’augmentation des synergies entre les pôles et il convient maintenant de s’interroger sur leurs natures.

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Plan d’intégration du campus de Charleroi (piste 2) © Production personnelle (sans échelle)

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(III-3) Densifier la liaison entre les pôles

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Piste 3 : densifier la liaison entre les pôles

UN SCHÉMA STRATÉGIQUE

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Schéma d’intensification urbaine en étoile, Charleroi © BOUWMEESTER, Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025, éd 2018

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Piste 3 : densifier la liaison entre les pôles

III-3-1 La naissance d’un projet territorial en étoile Aujourd’hui, la relation entre les pôles est assurée par un réseau d’infrastructures de mobilité déjà développé depuis les années 1980. On l’a vu, le ring assure la liaison en périphérique du centre et le réseau routier s’allie au métro pour permettre la liaison vers les anciennes communes fédérées. Cependant, aujourd’hui on se déplace du centre vers Gosselies en voiture car il n’y a rien entre, s’il y avait quelque chose, on prendrait le tram.127 Ainsi, aujourd’hui on se déplace d’un point A à un point B. Si on veut se rendre dans un point intermédiaire, on ne prend pas les transports en commun. Or on l’a vu, le territoire de Charleroi, s’il tend à se polariser il n’est pas moins un territoire diffus composé d’anciennes centralités intermédiaires qui n’ont pas disparu.128 Dans le Schéma Stratégique de la deuxième édition du Charleroi Métropole, la ville oriente le développement territorial de Charleroi autour d’une structure étoilée d’intensification urbaine qui suit les réseaux de transport et lie les centres urbains entre eux. L’objectif est de réduire l’étalement urbain en préservant les zones paysagères.129 Le projet est basé sur la conscientisation des polarités émergentes de Charleroi mais surtout existantes : « Les éléments rassemblés dans ce plan d’intensification urbaine et qui constituent la figure métropolitaine sont les éléments structurants du territoire, (…) : les centres des anciennes communes, les places majeures (…), les environs immédiats des stations de métro léger, les principaux axes de transport public et la Sambre. » Plus tard, ce schéma stratégique nourrit les ambitions d’un groupe du Master de spécialisation en management territorial et développement urbain130 qui imagine la mise en place d’un « Contrat d’axe ». Il serait un outil de coordination des projets d’urbanisation le long des axes de mobilité. Je cite : « L’expression désigne un engagement réciproque entre deux types de partenaires : d’une part, une autorité organisatrice de transports, qui s’engage sur la mise en service d’une ligne de transport nouvelle, l’extension, ou la redynamisation d’une ligne existante ; d’autre part, les communes desservies, qui s’engagent à densifier l’urbanisation le long du corridor et à aménager les accès aux stations. »131 127 MORITZ Benoit, LACASSE Géraldine, témoignage dans le cadre de ce mémoire (2020) 128 HOUYOUX Florian, Charleroi, Métropole rhapsodique, mémoire de fin d’étude, promoteur, Geoffrey Grulois, 2013-2014. 129 COLLECTIF, Charleroi Métropole, un schéma stratégique, 2015-2025, édition 2018 130 BURNET Méloé, DE BROUWER Hortense, SANTIN Alizée, Exercice de simulation d’un aménagement opérationnel Charleroi et ses écosystèmes, Master de spécialisation en management territorial et développement urbain 2019-2020 131 BENTAYOU Gilles, PERRIN Emmanuel, RICHER Cyprien, Contrat d’axe et Transit-Oriented Development : quel renouvellement de l’action publique en matière de mobilité et d’aménagement ? (Point de vue d’acteurs) Dans Flux 2015/3-4 (N° 101-102), pages 111 à 123

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Piste 3 : densifier la liaison entre les pôles

On suppose alors que les liaisons entre les pôles pourraient devenir de véritables couloirs urbains densifiés, interstices dynamiques du territoire. Or jusque-là, la piste 2 limite l’expansion du campus au déploiement des infrastructures de l’enseignement au sein des pôles CATCH. A noter que certains programmes essentiels du campus manquent encore à l’appel. En effet, on a démontré que si le campus à l’ambition d’accueillir 10 000 étudiants, il convient de s’intéresser à des solutions de logements, ou encore de services de proximité encore peu assurés (sport, soin). Ainsi, on se demande si les ambitions d’intensification urbaine le long des voies de mobilité pourraient offrir une opportunité au campus de développer des programmes manquants à mi-chemin des pôles et partagés entre eux. III-3-2 Etude de cas : Aarhus (Danemark) – Dokk 1 La ville d’Aarhus est un exemple révélateur du modèle de développement linéaire opéré le long d’un axe de mobilité. Introduction au projet La ville portuaire d’Aarhus est la deuxième ville du Danemark après Copenhague. Depuis la Deuxième Guerre Mondiale, la ville a basé son développement sur le commerce et les services ce qui fait d’elle un pôle de croissance et d’innovation du pays. Elle attire les plus grandes entreprises nationales et se classe dès lors comme un pôle de recherche avec la présence de prestigieuse Université du pays (Aarhus University et VIA University College). Petit à petit, le territoire d’Aarhus s’est organisé autour de clusters spécialisés. L’Agro Food Park situé au nord de la ville emploie plus de 200 000 personnes autour d’entreprises internationales, de start-up, d’instituts de recherche et d’enseignement sur l’alimentation. A proximité, le pôle des sciences de la vie est en cours de construction et accueillera un complexe hospitalier universitaire des plus grands d’Europe du Nord. Le cluster TIC & Média en centre-ville regroupe la recherche et l’enseignement avec les entreprises de rayonnement international (Uber, Google…). A proximité du port, le cluster Industries Créatives rassemble le secteur du design, de l’architecture, le stylisme, et la technologie du film.

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Aarhus Des clusters Piste structurés 3 : densifier la liaison entre les pôles

6. Analyse comparative

Plan polarisé d’Aarhus et enjeux du Train Light Rail © BURNET Méloé, DE BROUWER Hortense, SANTIN Alizée, Exercice de simulation d’un aménagement opérationnel Charleroi et ses écosystèmes, Master de spécialisation en management territorial et développement urbain 2019-2020

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Piste 3 : densifier la liaison entre les pôles

Dokk 1, Aarhus © guiding-architects.net

Plateforme multimodale au rez-dechaussée. Dokk 1, Aarhus, © shl.dk

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Piste 3 : densifier la liaison entre les pôles

Sur le port, le cluster Clean Tech prend la forme d’un centre multidisciplinaire de l’innovation énergétique et environnementale (Navitas). En effet, l’accent est porté sur les normes environnementales dans une ville où le secteur des transports publics vise à être indépendant des énergies fossiles d’ici 2050.132 L’ensemble des clusters est relié par une ligne de tram The Light Rail (LRT). En 2012, le projet de train léger sur rails est approuvé et le chantier commence en 2013. La LRT desserre le centre-ville sur 12 km puis s’étend vers les territoires périphériques. L’objectif est ici de développer une véritable “épine dorsale”, liant les clusters entre eux et à la ville.133

The light Rail et Dokk 1 Si la ville s’est développée de façon polarisée il n’en reste pas moins des espaces intermédiaires, support de la vie locale. Parmi eux, le port intérieur qui depuis 2011 est en ligne de mire des politiques urbaines. Le vaste projet de sa transformation appelé « Urban Mediaspace » est financé par la municipalité et le fond d’investissement privé Realdania. Il comprend la création d’un Learning center, le Dokk 1, combinant le programme d’une bibliothèque publique et d’un centre culturel pour juin 2015. Il est situé à l’embouchure de la baie d’Aarhus, sur le tracé du LRT. Les architectes scandinaves Schmidt Hammer Lassen se chargent en partie134 d’imaginer un bâtiment alliant qualités esthétiques au souci logistique. Au niveau supérieur, le projet répond aux défis de l’évolution du modèle de la bibliothèque moins pensée comme le sanctuaire isolé du livre mais plus comme un espace de socialisation, lieu de recherche et de rassemblement. Au rez-de-chaussée le bâtiment fonctionne comme une plateforme multimodale traversée par le LRT qui assure la liaison avec le reste de la ville. Ici, le LRT devient un véritable « chapelet » urbain desservant des polarités consolidées et des lieux emblématiques plus neutres. Ainsi, situé à mi-chemin entre les clusters, le Dokk 1 est aujourd’hui un lieu incontournable où les habitants de la ville et la communauté universitaire et professionnelle se rencontrent.

132 BURNET Méloé, DE BROUWER Hortense, SANTIN Alizée, Exercice de simulation d’un aménagement opérationnel Charleroi et ses écosystèmes, Master de spécialisation en management territorial et développement urbain 2019-2020 133 GENERALE COSTRUZIONI TERROVIARIE S.P.A 134 SCHMIDT HAMMER LASSEN, Studio de design de l’architecte JENSEN Kristine et ALECTIA A / S, RAMBØLL DANMARK (consultant).

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Piste 3 : densifier la liaison entre les pôles

III-3-2 Piste de développement : densifier la liaison entre les pôles Aujourd’hui, les financements pour Charleroi sont majoritairement alloués à la consolidation des pôles. Cependant, ils pourraient à l’avenir permettre la densification de points intermédiaires le long des axes de mobilité. Il pourrait être intéressant de suivre le modèle d’Aarhus et de consolider les espaces intermédiaires sur l’itinéraire du métro. La ville pourrait lancer un projet d’espaces type « centre culturel et bibliothèque » ou encore « espace de coworking » au cœur des anciennes communes. Les usagers du campus amenés à circuler davantage entre les pôles pourraient bénéficier d’un arrêt intermédiaire. Le bâtiment serait un point de repère emblématique à mi-chemin entre le centre-ville et les pôles naissants. A titre spéculatif, on pense à la friche industrielle entre Marchienne-au-Pont et le centre-ville qui bénéficie déjà de l’existence du Rockerill, « the place to be » de la scène musicale à Charleroi. Il y a aussi le site de l’ Hopital civil Marie Curie (2014) face au futur « Quartier nouveau du sacré Français »135 sur l’arrêt Lodelinsart entre le Biopark et le Campus. Il serait un espace neutre développé au profit des habitants d’une ville diffuse et le point de rendez-vous privilégié d’une population professionnelle et estudiantine. Par ailleurs, le campus pourrait essaimer le long des axes de mobilité un programme manquant ne demandant pas nécessairement à être au cœur d’un pôle de développement. On pense ici, aux logements étudiants qui peuvent de surcroît préférer un ancrage plus éloigné du lieu de l’enseignement ou encore aux espaces communautaires secondaires (pôle de soin, salle de sport). Cette stratégie rejoindrait aussi les ambitions du projet de vile 2019-2024 : « Soutenir la création de logements estudiantins (kots) accessibles et de qualité à destination des étudiants qui seront notamment présents sur le site universitaire Zénobe Gramme »136 . Par ailleurs, développer un programme décentralisé le long de l’axe du Métro léger pourrait être au bénéfice d’un environnement nouveau et ouvert à la population locale. Enfin, pour renforcer la liaison entre les pôles, il conviendrait de consolider le réseau de pistes cyclables. Il permettrait d’améliorer les conditions d’accès aux pôles parfois mal desservis (aéropôle qui n’est pas directement connecté au métro) et réduirait la circulation automobile. Par 135 “Labellisé « Quartier Nouveau » par la Wallonie, le projet porte sur un périmètre de base de 20 hectares, propriété de la société Valimo. Il est situé entre la route du Centre, la rue des Aulniats, la rue du Warchat et la rue des Français à proximité immédiate du centre-ville. Conformément aux ambitions du label, la volonté est de créer un quartier qui s’articule à la structure urbaine existante et propose des innovations en termes de participation et partenariat, d’environnement, d’accessibilité et de mobilité, de cadre de vie, de mixité sociale et de développement local. Le terril s’envisage comme le levier qui portera le caractère novateur du projet. » (Charleroi-Bouwmeester.be) 136 VILLE DE CHARLEROI, Projet de ville 2019-2024

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Piste 3 : densifier la liaison entre les pôles

ailleurs, il serait un gage d’accessibilité à la formation et à l’emploi pour une population précarisée qui pourrait se déplacer. Cette dynamique d’inclusion à travers l’amélioration des conditions de la mobilité individuelle est reprise par Géraldine Lacasse dans son mémoire « Re-cycle Charleroi : world of variation revisited ». Elle développe une stratégie de consolidation du réseau cyclable via la réutilisation des réseaux utilisés ou désaffectés à Charleroi.137 La piste 3 précède la piste 2 qui entraine l’augmentation des déplacements entre les pôles. Elle nous invite à reconsidérer l’avenir du campus qui pourrait à l’avenir s’intégrer dans les espaces interstitiels des pôles CATCH le long du métro.

137 LACASSE Géraldine, Re-cycle Charleroi : world of variation revisited, Studio Urbanisms of inclusion, Master in Urbanism and Strategic Planning, promoteur : Prof. Bruno De Meulder, MaUSP année 2011-2012

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Plan d’intégration du campus de Charleroi (piste 3) © Production personnelle (sans échelle)

120 Plan d’expansion du campus de Charleroi ©Production personnelle (sans échelle)


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(III-4)

Offrir un équipement métropolitain

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Piste 4 : offrir un équipement métropolitain

III-4-1 Un campus peu visible Si le campus est amené à s’inscrire dans un réseau de la formation à Charleroi il convient maintenant de se retourner sur le site même du campus au cœur de la Ville-Haute. En effet, qu’est-ce qui assure qu’il sera lui-même un lieu de référence ? Est-il juste amené à profiter du réseau polarisé pour s’étendre ou peut-il y participer activement ? Malheureusement, aujourd’hui le campus souffre d’un manque de visibilité et cela pour plusieurs raisons. D’une part, malgré son aménagement en piétonnier il n’est pas traversé car son utilisation en parking ouvert et son implantation en bordure de la Ville-Haute ne facilite pas son intégration dans les parcours urbains mais l’en extrait semble-t-il. Finalement, l’esplanade de l’UT est devenue un ensemble de beaux bâtiments vieillissant et le lieu est devenu insécurisant aux yeux des habitants qui l’associent à un quartier fragilisé depuis la crise industrielle. Or, on l’a vu, le projet en cours vise à la rénovation des espaces publics et des infrastructures, reflet d’un passé glorieux, mais aucune construction nouvelle ne joue le rôle de « symbole » du campus de demain. Ce n’est peut-être pas suffisant pour surmonter l’image du campus fragilisé. A noter que le projet de Palais des Congrès dans la seule construction neuve du projet Charleroi DC, sur la Place du Manège à proximité du campus, tombe à l’eau. D’autre part, on a démontré (partie II) que le manque de coordination entre les projets se solde par l’absence de programmes nécessaires sur le site de la Ville-Haute (espaces de travail partagés entre les disciplines, bureaux pour les chercheurs et le corps enseignant, espace de socialisation type « forum » …). Il limite donc sa capacité d’accueil et son importance au sein d’un réseau de la formation déjà développé. Par ailleurs, malgré une identité renouvelée à l’échelle des centres de formations, notamment par le Campus U Charleroi ou encore la Cité des Métiers, le manque de communication commune favorable à la lisibilité du campus floute sa visibilité à l’échelle de la métropole (absence d’une signalétique propre au campus). Finalement peu de personnes aujourd’hui connaissent le projet de campus et savent par exemple que des formations universitaires y sont dispensées. Ainsi, on s’interroge sur la capacité du projet en cours à générer un campus reconnu de par son identité forte et fréquenté grâce à la mise en place d’espaces de convergence d’un réseau polarisé déjà développé. On s’intéresse alors à la stratégie mise en place par les campus d’aujourd’hui qui financent des programmes attractifs au sein de bâtiments symboliques.

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Piste 4 : offrir un équipement métropolitain

III-4-2 Trois études de cas : Université de Brême, Nouvel auditorium et centre d’événements - ULB et VUB, Centre d’apprentissage et d’innovation - Paris-Saclay, Lieu de vie Dans le contexte de plus en plus mondialisé de la formation, les universités et les villes (à l’instar du projet Dokk 1 d’Aarhus que nous avons déjà vu) sont demandeurs d’infrastructures « phares » augmentant leur attractivité et conçues pour s’adapter aux évolutions de l’enseignement et de l’apprentissage (espaces ouverts, espaces de travail collectif, espaces partagés, espaces flexibles). Université de Brême, Nouvel auditorium et centre d’événements (AE2, Esquisse, 2020-2023) D’abord implanté en périphérie, le campus de l’université de Brême se retrouve aujourd’hui aux portes de la ville. Pour se développer, l’université a d’abord loué des locaux en centre-ville, loin du campus d’origine. Aujourd’hui ces derniers ne répondent plus aux normes et aux exigences de qualité d’une université de plus en plus ouverte à l’international. Dès lors, en 2019 l’université lance un concours pour la création d’un édifice remarquable offrant une salle de conférence et un centre d’évènement digne d’un campus rayonnant. Les enjeux du projet présentés dans la fiche du concours annoncent d’emblée : « La position scientifique et la visibilité de Brême en tant que site scientifique seront valorisées et expérimentées durablement avec la construction de ce bâtiment, signal d’importance suprarégionale.138 Le projet de l’agence A2E est sélectionné pour ses qualités esthétiques et sa flexibilité alors que les exigences pédagogiques changent radicalement. Le projet s’organise à la verticale et regroupe sur 3 niveaux un foyer universitaire, des salles de séminaire, des bureaux pour la recherche, une salle d’exposition, des salles de classe. Au rez-de-chaussée les architectes conçoivent un espace libre type « forum » dans le prolongement du Boulevard. Au deuxième niveau se trouve un auditorium divisible puis le dernier étage abrite un Audimax. Chaque programme est indépendant et peut fonctionner en même temps ce qui permet aux opérateurs de louer les salles de séminaire et d’obtenir des fonds tout en assurant l’enseignement.

138 BREME, Rapport de la la session du Sénat, Centre de conférences et d’évènements de l’Université- Libération des fonds de planification, à Brême, 26 novembre 2019

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Piste 4 : offrir un équipement métropolitain

Nouvel auditorium et centre d’événements, Brême, AE2© e2a.ch

Centre d’apprentissage et d’innovation, EVR-Architecten © evr-architecten.be

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Piste 4 : offrir un équipement métropolitain

ULB et VUB, Centre d’apprentissage et d’innovation (EVR-Architecten, A229, 9000 m2 ,2020-2022) Le projet est implanté à la limite entre le campus de la VUB (Vrije Universiteit Brussel) et de l’ULB (Université Libre de Bruxelles) sur le site de la Plaine (entre Ixelles et Etterbeek). Cet emplacement symbolise le partenariat des deux universités qui, malgré la scission linguistique de l’ULB en 1969 139 , collaborent autour de projets communs tels que l’Usquare (Ixelles) que nous avons déjà vu et le projet du Learning and Innovation Center (LIC).140 Leur mission commune consiste à « Stimuler le recrutement, la visibilité et l’efficacité des deux universités dans le domaine de l’éducation et de la recherche, en Belgique et à l’étranger, et créer des synergies entre l’ULB et la VUB tout en respectant l’identité et les stratégies spécifiques de chaque établissement. »141 Ainsi, le professeur Yvon Englert, recteur de l’ULB, explique que « Le centre est une parfaite illustration de la volonté d’offrir un système éducatif proactif et tourné vers l’avenir, et qui encourage la collaboration entre étudiants, chercheurs et partenaires commerciaux ».142 Le projet doit accueillir la bibliothèque des sciences et techniques de l’ULB et la bibliothèque des sciences exactes et appliquées de la VUB mais pas que … En effet, il est indiqué qu’il propose également des zones d’étude privée, des zones de collaboration, des espaces d’expérimentation pour activités de groupe, des salles d’étude actives, des zones de projet et une salle d’exposition.143 Finalement, en développement un programme mixte au sein d’un bâtiment commun, les deux universités participent à la création d’un équipement neuf symbolique et rayonnant à l’international. Aussi, il assure des espaces de travail partagés et adaptés aux modes d’enseignement de demain.

139 La Vrije Universiteit Brussel, (Université Libre de Bruxelles en français) est une université néerlandophone créer en 1969. Le site web de la VUB nous indique: “Avec la loi du 28 mai 1970, la division de l’ancienne université (ULB) en université néerlandophone (VUB) et francophone (ULB), mise en œuvre le 1er octobre 1969, est devenue une réalité juridique, administrative et scientifique. Les universités sœurs VUB et ULB travaillent actuellement en étroite collaboration et lancent des initiatives conjointes dans l’éducation, la recherche ...” (VUB.be) 140 EVR-Architecten, A²²9, NEY+partners et Arcadis (arcadis.com) 141 ULB-VUB.be 142 ibid 143 ibid

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Piste 4 : offrir un équipement métropolitain

Paris-Saclay, Lieu de vie (Muoto, 6 500 000 euros, 4 097m2, 2011-2016, réalisé) On l’a vu, le projet de Paris-Saclay se caractérise par la proximité de ses opérateurs multidisciplinaires qui forment en 2015 la COMUE (communauté d’universités et d’établissements). Elle rassemble sous la même bannière “Université de Paris Saclay” l’ensemble des opérateurs scientifiques du projet. Chacun des projets est coordonné par l’EPPS dirigé par Pierre Veltz qui tente de valoriser les collaborations à travers la conception de l’espace. Il nous confie dans son ouvrage que si les opérateurs ont fini par se mettre d’accord autour d’un nom commun, « La mutualisation n’est pas (encore) le réflexe des établissements ».144 Malgré tout, des crédits ont été réservés à la création d’un équipement multi-usage mutualisé dans le quartier Moulon. La jeune agence parisienne Muoto conçoit un projet aujourd’hui emblématique et récompensé par l’Equerre d’Argent. Les concepteurs décrivent le projet de la manière suivante : « Cet équipement universitaire associe différentes activités de sport et de restauration afin d’engager une nouvelle relation d’échange entre les usagers du campus. Il se dessine comme un étagement de terrasses suspendues entre un parvis public et une large toiture-terrasse dédiée aux sports. Café, restaurant universitaire, espaces d’animation, salles de fitness et terrains de sport se superposent pour bénéficier, à chaque niveau, de vues panoramiques sur le grand paysage du plateau. Les activités sont connectées entre elles par un double escalier extérieur, conçu comme une rue verticale qui lie les activités entre elles et leur permet de fonctionner de manière indépendante ou reliée. Cette organisation vise à créer un lieu ouvert et flexible qui fonctionne 24h/24 ».145 Il suffit de visiter le campus pour réaliser que le projet est un marqueur symbolique fort au centre d’une place publique. Il est amené à devenir un point de convergence des usagers du campus et de ses habitants. C’est un exemple intéressant d’un projet issu de la mutualisation des programmes manquant au sein des bâtiments et ouvert à la population locale.

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ibid MUOTO, Studio d’architecture, Paris


Piste 4 : offrir un équipement métropolitain

Lieu de Vie, Saclay, Muoto studio ©Photo personnelle

Lieu de Vie, Saclay, Muoto studio.© studiomuoto.com

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Piste 4 : offrir un équipement métropolitain

III-4-3 Piste de développement : création d’un équipement métropolitain Ainsi, pour valoriser le campus il conviendrait de secouer le modèle du campus pensé exclusivement pour ses opérateurs locaux. En effet, on repense ici à la question de recherche : le campus est-it amenné à devenir un pôle attractif au sens d’Alain Bourdin et Elisabeth Campagnac ?146 D’une part on pourrait s’inspirer du modèle de Brême et offrir un équipement type Learning center147 pouvant combler les lacunes du programme du campus et offrir de nouvelles opportunités pédagogiques et professionnelles (bureaux, espaces de travail, espaces de socialisation). Finalement, le projet rejoint les ambitions du projet de ville de : « Faire de Charleroi une vraie ville universitaire via le développement de l’offre d’enseignement supérieur et du campus de Charleroi (…) ».148 Par ailleurs, ouvert à tous, il serait un lieu pouvant accueillir la population locale. Ainsi, cet équipement rejoindrait les ambitions du projet de ville 20192024 qui veut faire de Charleroi une « smart city » : « La smart city doit permettre à tout le monde de bénéficier des avantages de ces technologies, tant en matière de mobilité ou d’énergie que de communication entre les habitants ou de mise en commun des savoir-faire de chacun. »149 Par ailleurs, ce nouvel équipement pourrait assurer un programme similaire à celui du « lieu de vie » de Saclay et améliorer la vie étudiante du campus. Il pourrait accueillir « une maison des étudiants » qui participerait à la mise en place d’évènements valorisant l’identité du campus. Aussi, un restaurant social au rez-de-chaussée pourrait permettre la rencontre entre la population locale et les étudiants tout en assurant le soutien des formations en partenariat avec le pôle Food.C (ex : restaurant social “l’Architecte” au rez-de-chaussé de la Faculté d’Architecture implantée sur la Place Flagey d’Ixelles).

146 BOURDIN, Alain, CAMPAGNAC, Élisabeth L’université: Retour à la ville, ERES, « espace et société », 2014/4 n° 159, pp 07-15 147 « Le concept de Learning Centre naît au milieu des années 1990 quand l’université de She field Hallam, établissement récent de la région du Yorkshire, dans le nord de l’Angleterre, décide de remplacer une bibliothèque ancienne devenue trop petite pour répondre à la demande d’un efectif étudiant en rapide expansion. Estimant qu’une autre bibliothèque serait inadaptée aux besoins futurs des étudiants et du personnel, l’équipe chargée du projet saisit cette opportunité pour concevoir un nouveau modèle de centre de ressources, axé sur l’apprentissage. » (GRAHAM Bulpitt. « Le modèle du Learning Centre », Marie-Françoise Bisbrouck éd., Bibliothèques d’aujourd’hui. À la conquête de nouveaux espaces. Éditions du Cercle de la Librairie, 2014, pp. 69-76.) 148 VILLE DE CHARLEROI, Projet de ville 2019-2024 149 ibid

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Piste 4 : offrir un équipement métropolitain

Dans la dynamique d’un tel projet, une partie de l’enseignement pourrait être donnée sous la même bannière de « l’Université de Charleroi » à l’image de l’ « Université de Paris-Saclay » qui a finalement réussi à fédérer l’ensemble des opérateurs de l’enseignement scientifique (Hautes écoles et Universités) autour d’un nom commun. Ainsi, la création de projet commun tel que le Learning center et le développement d’une signalétique propre permettrait d’améliorer la visibilité du campus. D’autre part, le projet devrait allier la fonction à l’esthétique. A l’image de Saclay, la qualité architecturale du bâtiment pourrait permettre de soulever l’intérêt des habitants à l’échelle de la métropole. In fine, le bâtiment pourrait devenir l’étendard d’un campus renouvelé. Jusqu’ici, nous avons démontré que le tissu urbain déjà urbanisé limitait les opportunités d’expansion en centre-ville. Cependant, l’échec opérationnel de la réalisation du Palais des Congrès sur la Place du Manège pourrait devenir le levier du projet. En effet, le Learning center pourrait remplir « la dent creuse » sur des parkings surdimensionnés qui longent la place entre le Palais des Beaux-Arts et le campus. Il permettrait de créer une façade active sur la Place du Manège à l’embouchure du boulevard Solvay et finalement, le choix de ce site pourrait rejoindre les ambitions de la piste 1 (consolider l’axe nord-sud et la Place du Manège). Enfin, la création d’un learing center rejoint les ambitions métropolitaines du projet du « Grand Palais » de Charleroi DC (Rénovation du Palais des Beaux-Arts et du Palais des expositions) et participerait à la création d’un pôle métropolitain rayonnant en plein cœur de Charleroi. La piste 4 permettrait au campus de devenir à son tour un pôle stratégique offrant des espaces de rencontre d’une population mixte en plein cœur du centre administratif et culturel de Charleroi. A terme, il serait moins compris comme un simple complexe universitaire isolé mais une référence capable de rayonner au-delà de ses limites spatiales. Finalement le Learning center ne se réduit pas à l’amélioration du campus mais consolide son influence à l’échelle métropolitaine. On rejoint finalement ici les ambitions à plus grande échelle du projet de ville qui tend à l’établissement d’un « Métropole Rayonnante ».150

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VILLE DE CHARLEROI, Projet de ville 2019-2024

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Plan d’expansion du campus de Charleroi ©Production personnelle (sans échelle) Plan d’intégration du campus de Charleroi (piste 4) © Production personnelle (sans échelle)

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Piste 4 : offrir un équipement métropolitain

Conclusion partie III : une approche systémique Il est important de comprendre que les quatre pistes de développement que nous avons exposées jusqu’ici parient sur le développement parallèle d’une ville encore peu dense. Par ailleurs, elles ne sont pas indépendantes et contradictoires mais plutôt pensées de manière à se compléter au fil des besoins d’expansion du campus. Dans un premier temps, la consolidation de l’intégration du campus dans la Ville-Haute via l’amélioration des espaces publics autour d’ axes en croix permettrait d’améliorer la vie étudiante au cœur du campus. Finalement, son expansion n’est pas pensée au cœur de la VilleHaute mais au sein des polarités sectoriel CATCH via la mise en réseaux d’infrastructures banalisées. À terme, les synergies entre les pôles stratégiques augmentent et la ligne de métro devient le chapelet d’un ensemble de programmes manquant sur le campus ou d’espace de rencontres d’une population active à mi-chemin. Enfin, le campus de Charleroi déjà développé au sein des pôles pourrait bénéficier d’un équipement mixte ouvert sur la ville et accueillant la population active d’un réseau à plus grande échelle. A terme, il deviendrait l’étendard d’un campus dynamique de rayonnement métropolitain.

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CONCLUSION Finalement, le travail de recherche nous a permis de répondre à l’enjeu de l’intégration du campus. En effet, l’approche historique nous a permis de comprendre que le projet Campus est en fait la rénovation du site de l’Université du Travail qui a évolué au gré des politiques urbaines et qui, encore aujourd’hui, se retrouve en ligne de mire d’un projet urbain pour la Ville-Haute. Le projet Charleroi District Créatif se doit d’assurer la rénovation de ses infrastructures et de ses espaces publics mais il assure de façon limitée son intégration au-delà du ring et la création d’espaces qualitatifs propres au campus. Ainsi, nous proposons de consolider le projet en renforçant l’axe nord-sud pour en faire une véritable épine dorsale, fédératrice de l’ensemble des projets du campus et support de la vie étudiante. En parallèle, nous proposons d’aller plus loin et de mettre en place d’un axe est-ouest valorisant l’intégration des projets qui s’y rattachent. À terme, le projet Campus serait au carrefour de la Ville-Haute et à nouveau un lieu privilégié et fréquenté du cadran nord-ouest. Cependant, assurer l’intégration du campus dans la Ville-Haute ne résout pas les enjeux liés à son expansion. En effet, les objectifs fixés de doubler ou tripler le nombre d’étudiants constituent un nouveau défi sur un campus en plein cœur d’un tissu urbain saturé. Malgré la mise en place d’un réseau de partenariats entre le campus et la Ville-Haute, certains programmes nécessaires pour ses usagers manquent à l’appel. Nous proposons de concilier les enjeux du campus avec les enjeux plus récents de la ville qui participe à l’émergence d’un écosystème polarisé sectoriel. Dès lors, nous pensons que la mise en place d’un réseau d’infrastructures partagées au sein des pôles permettrait de capitaliser sur les infrastructures existantes et d’étendre l’implantation du campus au-delà de ses limites spatiales. Par ailleurs, nous défendons que le cœur des anciens centres entre les pôles serait le lieu privilégié pour l’implantation de certains programmes secondaires qui profiteraient, à leur tour, d’une situation à mi-chemin entre les pôles. Ils seraient reliés par un réseau de mobilité renforcé. À terme, le campus serait amené à devenir une masse critique au sein de la Ville de Charleroi mais rien n’assure qu’il soit reconnu comme tel. En effet, pour avoir une place dans l’écosystème et rayonner au-delà de son environnement de proximité, nous pensons que le campus mériterait un équipement métropolitain phare et à l’usage de tous. La construction d’un Learning center à proximité du campus, sur la Place du Manège permettrait de concilier ses besoins aux enjeux de la ville et de la Métropole. Finalement, il semblerait que la pierre angulaire du campus de demain soit la compréhension des dynamiques territoriales de la ville d’aujourd’hui et, en conséquence, l’adaptation des enjeux de développement du campus. Ainsi, nous proposons de bousculer l’image du Campus de la Ville-Haute 134


dès lors compris comme le Campus multipolaire de la Ville de Charleroi. Il serait un véritable écosystème de la formation qui rassemble tous ses opérateurs autour de pôles sectoriels stratégiques où Universités, grandes écoles et autres acteurs du développement se rencontrent. Finalement, le campus intégrerait la dynamique CATCH et deviendrait à son tour un pôle attractif au sens d’Alain Bourdin et Elisabeth Campagnac. Dès lors, il répondrait aux enjeux des campus de demain que nous rappelle Pierre Veltz : « créer des synergies dans un vaste ensemble en miettes, multiplier les synapses dans un cerveau collectif encore virtuel”.151 A terme, les opérateurs de l’enseignement pourraient être regroupés sous la même bannière pour assurer l’unité d’un ensemble dispersé … mais c’est un autre défi.

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VELTZ Pierre, Saclay - Genèse et défis d’un grand projet, Parenthèse, 2020, 160 p

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BIBLIOGRAPHIE OUVRAGE Livre BOUWMEESTER, Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025, éd 2015 BOUWMEESTER, Charleroi Métropole, un schéma stratégique 2015-2025, éd 2018 BULPITT, GRAHAM. « Le modèle du Learning Centre », Marie-Françoise Bisbrouck éd., Bibliothèques d’aujourd’hui. À la conquête de nouveaux espaces. Éditions du Cercle de la Librairie, 2014, pp. 69-76. CULOT Maurice, PIRLET Lola ; Charleroi d’Arthur Rimbaud à Jean Nouvel, AAM, 2019 DUBET François, SEMBEL Nicolas, Les étudiants, le campus et la ville. Le cas de Bordeaux , Les Annales de la Recherche Urbaine, 62-63, Année 1994, pp. 225-234. ERES, L’université : retour à la ville, Revues Espaces et sociétés, (n° 159) 2014/4, 232 p INGALLINA Patrizia (dir.), Université et enjeux territoriaux, Une comparaison internationale de l’économie de la connaissance, Presses universitaires du Septentrion, Année 2012, 322 p LAVESSIERE Paul-hervé, Charleroi, produire et habiter pour se développer, Mémoire de stage - Master 2 Eurostudies 2010 (stage effectué chez Cooparch-RU), Aug 22 2012. NOVARINA Gilles et POUYET Bernard, Construire l’université et fabriquer la ville. Grenoble entre campus et essaimage, Les Annales de la Recherche Urbaine, 62-63, Année 1994. pp. 113-126. POULLAOUEC-GONIDEC Philippe, GHORAYEB Marlène, COSTES Laurence, MARMEN Patrick L’université et la ville : Evry stratégies pour un modèle de partage, Ed. La découverte- Carré, 147 pages, 2019. STRAUVEN Iwan (dir), LE MAIRE Judith et NOELLE DAILLY Marie; Guide Architecture moderne et contemporaine 1881-2017, Charleroi métropole, Mardaga & cellule architecture de la fédération Wallonie-Bruxelles, 2017

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ABSTRACT

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Ce mémoire propose d’interroger les perspectives d’avenir du projet du Campus des Sciences, des Arts et des Métiers implanté au sein du cadran nord-ouest de la Ville-Haute de Charleroi. Retracer les origines du campus nous apprend que le projet est en fait la rénovation de l’ancien campus de l’Université du Travail qui a évolué au gré des politiques urbaines et qui, encore aujourd’hui, se retrouve en ligne de mire d’un projet urbain pour la Ville-Haute : le projet Charleroi Disctrict Créatif. Dès lors, nous avons établi le portrait du campus et révélé ses faiblesses pour construire un ensemble d’hypothèses de développement en vue des prochaines programmations FEDER. Les hypothèses s’organisent autour de quatre thématiques : l’intégration, l’expansion, la programmation et la visibilité du campus. INTÉGRATION. Le projet Charleroi DC se doit d’assurer la rénovation de ses infrastructures et de ces espaces publics mais il assure de façon limitée son intégration au-delà du ring et la création d’espaces qualitatifs propres au campus. Nous proposons de consolider le projet en renforçant l’axe nordsud pour en faire une véritable épine dorsale, fédératrice de l’ensemble des projets du campus et support de la vie étudiante. En parallèle nous proposons d’aller plus loin et de mettre en place d’un axe est-ouest valorisant l’intégration des projets qui s’y rattachent. À terme, le projet Campus serait au carrefour de la Ville-Haute et serait à nouveau un lieu privilégié et fréquenté du cadran nord-ouest. EXPANSION. Assurer l’intégration du campus dans la Ville-Haute ne résout pas les enjeux liés à son expansion. En effet, les objectifs fixés à 10 000 146


étudiants constituent un nouveau défi sur un campus en plein cœur d’un tissu urbain saturé. Malgré la mise en place d’un réseau de partenariats entre le campus et la Ville-Haute, certains programmes nécessaires manquent à l’appel. Nous proposons de concilier les enjeux du campus avec les enjeux plus récents de la ville qui participe à l’émergence d’un écosystème polarisé sectoriel CATCH. Dès lors, nous pensons que la mise en place d’un réseau d’infrastructures partagées au sein des pôles permettrait de capitaliser sur les infrastructures existantes et d’étendre l’implantation du campus au-delà de ses limites spatiales. Par ailleurs, nous défendons que le cœur des anciens centres entre les pôles serait le lieu privilégié pour l’implantation de certains programmes secondaires qui profiteraient à leur tour d’une situation à mi-chemin entre les pôles et seraient reliés par un réseau de mobilité renforcé. VISIBILITÉ. À terme, le campus serait amené à devenir une masse critique au sein de la Ville de Charleroi mais rien n’assure qu’il soit reconnu comme tel. En effet, pour avoir une place dans l’écosystème et rayonner au-delà de son environnement de proximité, nous pensons que le campus mériterait un équipement métropolitain phare et à l’usage de tous. La construction d’un Learning center à proximité du campus, sur la Place du Manège permettrait de concilier ses besoins aux enjeux et la ville et de la Métropole. PROGRAMMATION. Nous considérons ici que l’ensemble des hypothèses de développement participe à l’amélioration et l’établissement des programmes favorables à la vie de ses usagers (étudiants, enseignants, chercheurs). Finalement, il semblerait que la pierre angulaire du campus de demain soit la compréhension des dynamiques territoriales de la ville d’aujourd’hui et, en conséquence, l’adaptation des enjeux de développement du campus. Ainsi, nous proposons de bousculer l’image du Campus de la Ville-Haute dès lors compris comme le Campus multipolaire de la Ville de Charleroi. Le campus serait alors un véritable écosystème de la formation qui rassemble tous ses opérateurs autour de pôles sectoriels stratégiques où Universités, grandes Ecoles et autres acteurs du développement se rencontrent. Finalement, le campus intégrerait la dynamique CATCH et deviendrait à son tour un pôle attractif au sens d’Alain Bourdin et Elisabeth Campagnac. Dès lors, il répondrait aux enjeux des campus de demain que nous rappelle Pierre Veltz : “créer des synergies dans un vaste ensemble en miettes, multiplier les synapses dans un cerveau collectif encore viturel”.152

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VELTZ Pierre, Saclay - Genèse et défis d’un grand projet, Parenthèse, 2020, 160 p

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Exemplaire à apposer sur le mémoire ou travail de fin d’études, au verso de la première page de couverture. Réservé au secrétariat : Mémoire réussi*

OUI

NON

permettre la consultation par les utilisateurs des bibliothèques de l’ULB et d’autres institutions dans les limites du prêt inter-bibliothèques. Fait en deux exemplaires, Bruxelles, le …………..

CONSULTATION DU MEMOIRE/TRAVAIL DE FIN D’ETUDES Je soussigné NOM : BAYON DE NOYER …………………………………………………………………………………………………………

Signature

Réservé au secrétariat : Mémoire réussi*

OUI

NON

CONSULTATION DU MEMOIRE/TRAVAIL DE FIN D’ETUDES

PRENOM : Guénola

Je soussigné

…………………………………………………………………………………………………..

NOM : Bayon de Noyer ……………………………………………………………………………………………………………

TITRE du travail : Le campus de Charleroi. Quelles perspectives d’avenir pour le campus ? …………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………………………

REFUSE* la consultation du présent mémoire/travail de fin d’études par les utilisateurs des bibliothèques de l’Université libre de Bruxelles. Si la consultation est autorisée, le soussigné concède par la présente à l’Université libre de Bruxelles, pour toute la durée légale de protection de l’œuvre, une licence gratuite et non exclusive de reproduction et de communication au public de son œuvre précisée ci-dessus, sur supports graphiques ou électroniques, afin d’en * Biffer la mention inutile

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PRENOM : Guénola …………………………………………………………………………………………………….. TITRE du travail : Le campus de Charleroi. Quelles perspectives d’avenir pour pour le campus ?……………………………………………………………………………………………

AUTORISE*

Formulaire version 04/2015

Exemplaire destiné à l’étudiant.

……………………………………………………………………………………………………………………… AUTORISE* REFUSE* la consultation du présent mémoire/travail de fin d’études par les utilisateurs des bibliothèques de l’Université libre de Bruxelles. * Biffer la mention inutile


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