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Bons plans
Comment la transition de Liam a-t-elle été reçue par le Staff, les Animés et les parents de la Compagnie ?
M.-P. : De façon générale, l’information a circulé un peu dans tous les réseaux en parallèle (école, Guides, etc.). Il était nécessaire qu’elle se répande, notamment pour demander à l’entourage d’utiliser dorénavant le pronom « il » et son nouveau prénom.
Ainsi, nous avons rapidement communiqué aux Staffs de la Branche Aventure et d’Unité la situation de Liam, qui l’ont très bien accueillie. Nous avons eu des échanges réguliers et avons pris les différentes décisions en concertation, en échangeant de façon transparente tout en sollicitant également l’avis de Liam pour toute décision qui le concernait. Il a été décidé que la question de la transidentité de Liam ne devait pas devenir le centre de toutes les préoccupations et faire de cet événement un « non-événement », en considérant que la transidentité n’est pas une problématique en soi et devrait être traitée de façon « normale ».
Les parents ont reçu un mail explicatif de la part du Staff d’Unité. Une seule maman m’a contactée, se disant « surprise » de la présence de Liam au sein de la Compagnie. J’ai pris le temps de répondre à ses questions. À l’issue de la conversation, elle s’est sentie plus apaisée car plus informée. Les Guides, quant à elles, ont vécu un Conseil de Patrouille au début du camp au cours duquel une Animatrice leur a fait part de la situation et de la demande de Liam d’être genré au masculin. Elles ont pu poser leurs questions et, ensuite, le camp a pu reprendre son cours normal, sans que ce sujet n’en éclipse d'autres.
Lors du hike au camp, Liam vécu une agression transphobe par des jeunes du village. Cette agression a choqué les personnes qui y ont assisté et a mis fin au hike pour toute la Compagnie. Liam a reçu une multitude de marques de soutien des Animés, du Staff et des parents.
Comment as-tu vécu ta transition au sein des Guides ?
L. : Elle a été assez différente des autres contextes. Je faisais partie d’une troupe particulièrement unie et accueillante qui a fait preuve de bienveillance à mon égard : je n’ai donc jamais dû faire face à des rejets au sein de la Compagnie et les autres membres n’ont rien changé à leur comportement envers moi.
Cependant, ma transition chez les Guides a été plus compliquée qu’à l’école par exemple. Être dans une troupe non-mixte implique notamment qu’il est compliqué de concevoir qu’un garçon puisse en faire partie et le pronom « elle » a été beaucoup utilisé à mon égard après ma transition, par réflexe. Par ailleurs, le port de l’uniforme (jupe) m’a empêché de « changer » physiquement et de porter des vêtements habituellement reconnus comme masculins pour affirmer mon identité de genre.
Selon vous, comment accompagner un jeune qui entame une transition ?
L. : J’ai envie d’insister sur le fait que chaque personne est différente, que chaque transition est différente. Dès lors, mon témoignage n’est pas une « référence » représentative des besoins ou des réalités des autres personnes transgenres (notamment ceux des personnes non-binaires). M.-P. : Le plus important, à mon sens, est de demander à la personne concernée ce dont elle a besoin. Bien souvent, les personnes transgenres souhaitent avant tout pouvoir retrouver une vie « normale », dans le respect de leur identité de genre. Il est également important de se rappeler que la transidentité en soi n’est pas un problème, c’est le regard que la société pose sur la transidentité qui en est un. Et donc, que chacun puisse accompagner ces questions comme n’importe quelle question qu’un jeune se pose, avec écoute, ouverture d’esprit et bienveillance. Je conseillerais également de se renseigner pour utiliser les termes qui n’offenseront pas la personne concernée.
De manière générale, que peuvent mettre en place des Animateurs pour garantir un espace bienveillant pour tout le monde ?
M.-P. : Ils peuvent éviter d’imposer la jupe dans l’uniforme des filles et plutôt encourager le libre choix entre la jupe et le short. Pratiquer l’écriture inclusive, même dans un groupe non-mixte, permet d’intégrer tout le monde dans son discours (je pense notamment aux personnes non-binaires). Laisser le choix entre un groupe fille, garçon ou mixte pour la personne concernée, indépendamment de son statut administratif peut également être une piste d’action (fille ou garçon sur la carte d’identité). De plus, avoir un Animateur de référence, qui connait un peu le sujet et se présente en début d’année comme une personne qui peut écouter les éventuelles demandes, besoins ou interrogations, est important pour ouvrir la porte et libérer la parole. À un niveau plus large, il faudrait également favoriser l’existence de groupes mixtes ou la possibilité d’en intégrer un, si besoin. En effet, les environnements mixtes sont souvent plus confortables pour les personnes transgenres (par exemple, des toilettes non-genrées).
L. : Pour moi, il faut en parler, pour que les gens sachent que la transidentité existe. Cet article remplit notamment cette mission.
Nous remercions vivement Liam et Marie-Pierre pour l’attention qu’ils nous ont accordée et espérons que leur témoignage pourra t'aider et guider tes pratiques si tu en ressens le besoin.
Pour aller plus loin
- Les outils « gingerbread » ou la « licorne du genre » permettent de comprendre et d’expliquer les notions de sexe, genre et orientation sexuelle. Tu la trouveras dans la revue Aventure de décembre (disponible sur le site guides.be) ou sur Internet. - Associations conseillées par Marie-Pierre : Transkids,
Genres Pluriels, Face à Toi-même, les Maisons Arc-en-Ciel. - Le site internet de la Fédération Wallonie-Bruxelles contient un glossaire et des ressources sur l’égalité fille/garçon. Voici deux liens utiles, qui nous ont notamment aidés à écrire cet article : https://genre.cfwb.be/outils/glossaire ; http://www.egalitefillesgarcons.cfwb.be/realite-oufiction/sexe-genre-et-stereotypes/.