TheHive by Gvahim featured in French newspaper Le Monde: 'Tel aviv, la "ville start up"' (Nov. 2013)

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Dimanche 17 - Lundi 18 novembre 2013

Des jeunes créateurs de start-up travaillent à la Library, l’espace mis à leur disposition par la municipalité de Tel-Aviv. TEL-AVIV MUNICIPALITY

Reportage Tel-Aviv Envoyée spéciale

L

e touriste en goguette n’y verra qu’une belle avenue ombragée. Elégante,avec sapromenadeplantée, ses maisons Bauhaus et ses tours de verre futuristes. Et branchée, avec ses innombrables terrasses de cafés,bondéesdu matin au soir,devant lesquelles déambulent nonchalamment les cyclistes. Le boulevard Rothschild est pourtant plus que cela. En plein centre historique de Tel-Aviv, le poumon économique d’Israël, cette longue artère est aussi et surtout « la rue start-up de la ville start-up de la nationstart-up», commeon aime la présenter ici. Car c’est là qu’ont élu domicile les jeunes rois de l’innovation israélienne : derrière les portes de ses immeubles se cachent quelques centaines de sociétés high-tech en pleine éclosion. Depuis cinq ans, celles-ci se sont multipliées comme des petits pains. La ville compte aujourd’hui quelque 700 jeunes pousses – dont de nombreuses sont encore balbutiantes – et 1 200 entreprises technologiques, pour seulement 400000 habitants. Fin 2012, le site spécialisé américain Startup Genome a classé Tel-Aviv en deuxième position des écosystèmes les plus favorables aux start-up dans le monde, juste derrière la Silicon Valley et devant New York, Londres ou Chicago. Mardi 19 novembre, la ville accueillera François Hollande, en visite en Israël, pour une « Journée de l’innovation ». Sans doute le président français tentera-t-il de découvrir la recette qui a transformé la cité méditerranéenne en eldorado des créateurs d’entreprises. Mais y en a-t-il vraiment une ? Liées au boom de l’Internet et des réseaux sociaux, les raisons de cette effervescence sont variées, parfois arbitraires, souvent culturelles et pas toujours simples à percer. Retour sur le Sderot Rothschild. Derrière une porte anonyme, une volée de marches conduit chez Soluto. L’entreprise, qui fournit un service d’assistance à distance des équipements informatiques, se prête, ce soir-là, à une opération portes ouvertes organisée par la municipalité. Les murs de béton brut, les fils électriques apparents et les gros coussins multicolores donnent aux locaux un cachet alternatif savamment étudié. Moyenne d’âge des quarante salariés : 28 ans. Pieds nus dans son bureau, Omri Haim, le responsabledu développementtechnologique, tente une explication : « Si TelAviv attire autant les start-up, c’est sans doute parce que la ville est, elle-même, un genre de start-up, construite par des pionniers avec un mental d’entrepreneurs.» Et pour cause : en 1909, quand soixantesix familles s’implantent avec l’idée de bâtir une cité, le site n’est encore qu’un ensemble de dunes, désolé. Le boulevard Rothschild est l’un des premiers axes à émerger de ce néant. Aujourd’hui, grâce à ses plages, sa vie nocturne et ses idées larges, la ville aimante les jeunes de tout le pays. Un tiers de ses habitants a moins de 35 ans. « On dit que c’est la ville qui ne dort jamais, décrit Omri Haim. C’est bien pour les start-up, qui ont besoin d’énergie et de créativité. » Cette atmosphère hédoniste n’empêche d’ailleurs pas les affaires de tourner. Les acquisitionsà prix d’or de jeunes pousses israéliennes par de grosses compagnies américaines se sont multipliées ces derniers temps. C’est vrai, entre autres, pour Soluto, qui, après cinq ans d’existence, vient de se faire racheter 100 millions de dollars (74 millions d’euros) par Asurion, spécialiste de l’assurance de biens technologiques. La petite musique entêtante du succès de certains en attire beaucoup d’autres. Tous ne réussiront pas, mais qu’importe. « Ici, on ose car l’échec est accepté, il ne fait pas peur », affirme Sarah Fedida, arrivée de France il y a quatre ans avec, dit-elle, « une vraie croyance en la start-up nation ».

Tel-Aviv, la «ville start-up»

La cité capte une bonne part des jeunes entrepreneurs high-tech israéliens « ON DIT QUE C’EST LA VILLE QUI NE DORT JAMAIS. C’EST BIEN POUR LES START-UP QUI ONT BESOIN D’ÉNERGIE ET DE CRÉATIVITÉ » Omri Haim responsable du développement technologique de Soluto

Les Israéliens ont un mot pour qualifier cette audace qui confine au culot : la chutzpah. Animée de ce sentiment, la jeune femme s’apprête à lancer sa propre société, Choocker, qui proposera un outil de recrutement numérique connectant entreprises et demandeurs d’emploi par l’intermédiaire d’un système de recommandations en ligne. Pour mener à bien son idée, l’entrepreneuse a choisi de se faire épauler par The Hive, un accélérateur. Ce type de structure, comme les incubateurs, accompagne les projets de création d’entreprise en offrant conseils, hébergement et, parfois, financement. On en dénombre aujourd’hui des dizaines à Tel-Aviv. « Depuis deux ans, ça pousse comme les champignons après la pluie », s’exclame Patricia Lahy-Engel, la directrice du Hive.

C

réer son entreprise serait-il devenu un jeu d’enfant dans la deuxième plus grosse ville d’Israël ? « Ce qui est sûr, c’est qu’il y a dix ans tout était plus difficile. Pour se lancer, il fallait une grosse équipe, de gros bureaux et être capable de lever une très grosse somme dès le départ », raconte Nissim Lehyani, patron d’Easy Social Shop. Fondée en 2011, cette plate-forme d’ecommerce, passée en deux ans de deux à huit salariés, propose aux boutiques en

ligne de vendre leurs produits sur Facebook. Avec son associé, rencontré à l’université, Nissim Lehyani a choisi tout naturellement de s’installer sur le boulevard Rothschild. Et tant pis s’il doit débourser une somme colossale pour le loyer. « Ici, en marchant une minute, montre en main, on est sûr de rencontrer un autre créateur d’entreprise : ça peut rendre service et ça crée des opportunités», explique le jeune homme de 31 ans, qui a quitté le confort d’un poste chez le groupe américain Cisco pour se lancer dans cette aventure. La municipalité, si elle n’est pas à la source du mouvement, se met en quatre pour l’encourager. Afin de soigner la réputation de ville ultra-connectée, elle est en train de déployer un réseau Wi-Fi permettant d’accéder à Internet à peu près n’importe où, dans la rue, les jardins publics ou à la plage. Elle a également reconverti les locaux d’une bibliothèque municipale en open spacepourentrepreneursnovices.Ausommet d’une tour avec vue sur la Méditerranée, une quinzaine de jeunes gens sélectionnés sur dossier peuvent profiter, contre une poignée de shekels, d’un espace de travail pour faire mûrir leur idée. La mairie, elle, promeut auprès du gouvernement l’initiative plus ambitieuse d’un « visa start-up». Le concept: épargner aux entrepreneurs étrangers, prêts à déve-

« LE DÉFI, C’EST D’ÉTENDRE CES SUCCÈS À LA PÉRIPHÉRIE »

Patricia Lahy-Engel directrice de l’accélérateur The Hive

lopperunprojetinnovantsurplace,lesmille et un obstacles bureaucratiques qui sont le propre d’un déménagement en Israël. « Nous avons beaucoup d’atouts à leur faire-valoir : le cadre de vie, un vivier de talents, des capitaux facilement accessibles, énumère Avner Warner, responsable du développement économique international de la ville. Il faut maintenant les aider à venir pour que notre écosystème devienne plus international.» Car sur ce plan, Tel-Aviv est à la traîne par rapport à sa grande sœur californienne : quasiment tous les créateurs d’entreprise y sont Israéliens quand, dans la Silicon Valley, près de la moitié est d’origine étrangère. Et comme les plus belles pépites ont tôt fait de passer dans le giron de groupes américains, il existe un risque de fuite des cerveaux et de délocalisations. Ailleurs dans le pays, une autre migration suscite l’inquiétude : celle drainant en masse la jeunesse vers Tel-Aviv. « Le défi, c’est d’étendre ces succès à la périphérie, estime Patricia Lahy-Engel, dont l’accélérateur a déjà ouvert une antenne à Ashdod, ville portuaire située 30 kilomètres plus au sud. Il ne faut pas tomber dans le schéma “Tel-Aviv et le désert israélien”, alors que l’intelligence et la créativité sont partout. » p Marie de Vergès

Une vitrine, pas encore un réel moteur pour l’économie Jérusalem Correspondance

L’année 2013 s’annonce comme un excellent cru pour la « nation startup». A en croire toute une batterie de données, jamais les affaires n’ont été si florissantes pour la high-tech israélienne depuis l’éclatement de la bulle Internet. Au troisième trimestre, les sociétés du secteur ont levé 660millions de dollars (491millions d’euros) de capitaux frais, un montant inédit depuis 2000. Et ce record semble bien parti pour être battu dès le quatrième trimestre. La fièvre est alimentée par une succession de méga-opérations de rachats. Pour mettre la main sur des pépites israéliennes, les multinationales américaines semblent désormais prêtes à débourser des som-

mes folles. En témoigne la saga Waze, cette désormais célèbre application de GPS mobile acquise à l’été par le géant d’Internet Google pour 1 milliard de dollars !

Un club de privilégiés Depuis lors, IBM a racheté la startup Trusteer, spécialisée dans les logiciels de cybersécurité, pour 650 millions de dollars. Et Facebook a mis sur la table 150 millions de dollars pour s’offrir Onavo, une application destinée à optimiser l’utilisation des données mobiles. Le réseau social en a profité pour annoncer l’ouverture de son premier site de recherche et développement (R & D) en Israël. Localement, ces nouvelles sont saluées comme la preuve de la puissance israélienne, au plan mondial,

sur le terrain de l’innovation. Elles n’empêchent pas l’émergence d’un débat sur l’utilité économique et sociale du secteur. Avec un constat : la high-tech est bien plus une vitrine qu’un moteur de l’économie israélienne. Seul, en effet, un nombre très restreint d’acteurs touche les dividendes de ses succès. Souvent décrits par les médias comme un club de privilégiés aux salaires bien plus élevés que la moyenne, les membres de cet écosystème ne contribuent pas à l’élévation générale du niveau de vie dans un pays où les inégalités sont criantes. La haute technologie a beau compter pour environ 50 % des exportations d’Israël, elle emploie moins de 10 % de sa population active. Chiffre qui a tendance à stagner ces dernières années, après une

croissance rapide au début des années 2000. Faiblement qualifiés, les ultra-orthodoxes et les Arabes israéliens en sont quasiment exclus. De même, les femmes ne représentent que 5 % des salariés dans les métiers liés à la R & D. Plus généralement, la high-tech progresse moins vite que l’ensemble de l’industrie : sa production a quasiment stagné entre 2009 et 2011, tandis que celle de l’ensemble du secteur industriel progressait d’environ 5 %. Certains s’agacent de voir les Etats-Unis intercepter une large part des profits de la créativité israélienne. Car les start-up rachetées par les groupes américains le sont souvent avant même d’avoir enregistré leurs premiers résultats positifs. p

M. d. V.


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