LES NOUVELLES EQUATIONS DU RECIT URBAIN MAROCAIN Reichen et Robert & associés pour Zenata, Casablanca, Rabat et Tanger
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MEMOIRE DE FIN D’ETUDES KENZA HAIMEUR Sous la direction de: Mr Benoit Moritz Année académique 2015-2016 Faculté d’architecture, La Cambre Horta, ULB.
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Remerciements Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont soutenu et aidé à l’élaboration de ce mémoire, à commencer par Mr. Benoit Moritz, mon promoteur de mémoire, pour son temps, ses conseils et remarques. Je remercie également Mr. Bernard Reichen d’avoir répondu à toutes mes questions ainsi que Mme Houyame Mourchid, Mr Said Mouline et Aniss Mezoued. Et bien sûr, un grand merci à mes parents et mes sœurs pour leur amour et soutien .
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And I said, « You know, Gabor, If I could think what I would do, other than architecture, it would be to write the new fairy tale, because from the fairy tale came the airplane, and the locomotive and the wonderful instruments of our minds,… it all came from wonder » - Louis Kahn Louis Kahn: Conversations with Students, p 15, Princeton Architectural Press, 01 Oct 1998 - Architecture - 93 pages By Louis I. Kahn, Dung Ngo
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SOMMAIRE
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P.011
AVANT- PROPOS
P.015
INTRODUCTION Etat de l’art et méthodologie
P.021
01 LE RECIT URBAIN
P.023 P.025
P.032
1 . Récit urbanistique et récit de la ville. 2 . Récits marocains Henri Prost Michel Ecochard 3. Récits contemporains
P.035
02 REICHEN ET ROBERT
P.036 P.037 P.040
1 . Les fondateurs 2 . De la mutation au réemploi 3 . Reichen et Robert & associés
P.047
03 ANALYSE DE PROJETS URBAINS MAROCAINS
P.048 P.049
1 . Choix des projets 2 . Casablanca-Anfa: La cité financière Situation Contexte historique et programmation Intentions et projet
P.061 P.073 P.084 P.094
3 . Zenata, écocité 4 . Amenagement de la vallée du Bouregreg 5 . Amenagement du port de Tanger 6 . Elements de synthèse La dynamique Mikado Le récit urbain Le temps des villes Des liens et des lieux L’inversion du regard La ville-territoire
P.109 P.115 P.123 P.129
CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE ICONOGRAPHIE ANNEXES Interview avec Bernard Reichen
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AVANT-PROPOS Les récits sont autant de pièces que de puzzles en eux même. Leur agencement, juxtaposition, leur empilement font autant de mondes que de récits, autant de récits que d’histoires. Et l’Histoire, en effet, s’inscrit dans cette continuité. J’ai toujours été attirée par la littérature et l’écriture, mais ce n’est qu’en participant dernièrement au concours Blank Space, Fairy Tales 2017 que j’en saisi toute l’ampleur. Je découvrais que l’écriture d’un côté et l’architecture d’un autre était liées. Et même, étroitement liées. L’Histoire, alors, reprenait l’Histoire des villes et des territoires, les récits, les narratives, devenait des récits urbains et l’architecte n’était autre que le narrateur. Ici, le temps se confond dans l’espace, mais ce qui m’interpelait le plus subsistait en ces traces. Ces vestiges porteurs de mémoire et plus encore, portant le récit de leur concepteur. Casablanca est ma ville natale et ayant poursuivi mon bachelier à l’Ecole Nationale d’Architecture de Rabat, le choix de travailler sur les villes marocaines s’est fait de lui-même. Il était également l’occasion de creuser plus encore mes connaissances sur les territoires marocains et de me pencher sur la situation actuelle au Maroc. Je m’intéressai alors aux grands projets urbains que connait le royaume en ce début de 21ème siècle. Au-delà, de leurs caractéristiques, de leur impact sociologique, économique, culturel…, j’en suis arrivée à questionner le concept des architectes et leur démarche respective. Le sujet du mémoire a évolué donc, du projet de l’aménagement de la vallée du Bouregreg à Rabat réalisé par le cabinet français Reichen et Robert à Reichen et Robert eux-mêmes, par exemple. Se faisant, je ne questionnais plus le projet seul, mais la réflexion de l’architecte également.
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Une fois encore, le rapprochement se fit. Et tout naturellement, j’en venais à me demander quel sera le rôle de ces architectes dans l’urbanisme contemporain marocain, la thématique propre et les invariants de leur approche. Je me demandais comment leur récit urbain s’ajoutera et se conciliera aux récits urbains prédécesseurs et comment il se conjuguera dans l’avenir.
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INTRODUCTION
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_ ETAT DE L’ART ET METHODOLOGIE
La période contemporaine, comprise entre les années 1970 et 2010 est une époque qui se démarque par l’absence de grand mouvement. Nous n’avons plus de CIAM, ni de chartes, plus de pensée dominante qui englobe la pratique. Cela nous amène à une diversité de procédés, un éclectisme de production, due aux voies de recherches et d’approches de certains architectes. L’urbanisme actuel se construit, grâce à la pensée de ces nouvelles figures modernes, qui instaurent thématiques et méthodologie propres. Nous en citons quelques-unes, notamment, Christian de Portzamparc et son concept théorisé de l’îlot ouvert dans les années 80, ou encore, l’approche cultur liste de Léon Krier aux antipodes de celle capitaliste de Rem Koolhaas.1 Le Maroc, en ce début du XXIème siècle, est un grand chantier qui s’active au rythme de l’économie et des investisseurs. 16
Si la littérature abonde d’informations en rapport avec l’urbanisme de la ville marocaine sous protectorat français et que les noms de Prost et d’Ecochard viennent régulièrement ponctuer nos lectures, nous n’avons que peu d’informations sur ses architectes urbanistes contemporains. Le pays sous le règne du roi Mohammed VI, a la volonté de s’internationaliser, de s’ouvrir au monde en proposant un écrin d’accueil sur base de grands projets qui revitalisent le pays dans un souci d’attractivité et de développement. Autoroutes, infrastructure ferroviaire, ports, aéroports et grands projets urbains se succèdent financés par le budget public et des financements internationaux. On lance des concours à l’échelle internationale, très souvent remportés par quelques « archi-stars ». A cela se pose la question de savoir comment ces nouveaux acteurs comptent aborder ces projets d’envergure, quelle vision, quels concepts et outils proposent-ils afin de satisfaire une relation équilibrée entre la géographie, l’histoire et la société d’aujourd’hui ?
1 MORITZ, Benoît, Cours d’Urbanisme, Bachelor 3, ULB.
Car n’oublions pas que ces projets viennent s’inscrire dans une continuité urbaine bien plus ancienne, là où l’héritage de ceux qui les ont précédés se lit à coup de tracés et de plans superposés. Le Maroc s’est retrouvé engagé malgré lui, au début du siècle dernier, dans une aventure urbaine qui, aujourd’hui, se poursuit en pointillé, en attente… En 2005, l’agence Reichen et Robert & Associés, remporte le concours de l’aménagement de la vallée du Bouregreg à Rabat. Ils assoient, petit à petit, leurs concepts et idées et remportent d’autres concours un peu partout au Maroc. A ce jour, nous pouvons recenser jusqu’à une vingtaine de projets dont ils se sont occupés. Leurs actions n’ont rien d’anodin et marqueront, probablement à leur tour, nouveaux préceptes et lignes directrices. L’objectif de ce mémoire sera de relever au travers d’une analyse de projets fait par Reichen et Robert & associés, les thématiques, outils et méthodologie mis en place et utilisés. Nous verrons par la suite, comment ces éléments s’adaptent au contexte marocain et comment ils sont revisités. Nous partons de l’idée que chaque contribution, chaque acteur raconte un récit qui lui est propre. Ainsi, nous nous intéresserons également à ce que cela implique dans la lecture du nouveau paysage territorial entamé. Afin de répondre à ces questions nous proposons d’insérer notre problématique dans le cadre du récit urbain. Nous élargirons, par la suite, le spectre du récit pour nous intéresser, en plus du récit urbanistique des acteurs urbains, au récit de la ville même. La thèse de Mezoued Aniss, « La mise en récit de l’urbanisme algérois, passé, présent, futur : à la recherche des conditions d’institution de l’espace public comme médiation et comme projet : cas du tramway d’Alger » répondra à certaines interrogations qui se posent en passant de la théorie à la pratique. En effet sa thèse superpose le récit officiel du tramway d’Alger au récit de la ville afin de pouvoir analyser et comprendre au-delà de l’image et de la vision politique qui peuvent exister, les confrontations des récits urbanistiques qui dynamisent la ville et les problèmes qui en résultent. Cet aspect a quelques résonnances avec notre propre sujet.
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Nous contextualiserons le récit de Reichen et Robert en abordant les récits urbanistiques marocains de Prost et d’écochard au Maroc avant d’évoquer la situation contemporaine de l’urbanisme d’aujourd’hui. Après cela nous présenterons les architectes qu’on étudie : Reichen et Robert, leur parcours et l’évolution de leur agence et de leur pratique. Pour cela nous nous baserons sur leur livre « Reichen & Robert, projets récents 1993-2002 », aux éditions Le Moniteur (2002), où on retrouve une interview des deux architectes ainsi que sur le livre « Reichen et robert, architectures contextuelles, Monographie d’architecture » par Pelissier Alain, aux éditions Le Moniteur (1993). Nous glanerons les informations complémentaires sur le site internet de l’agence. Dans la troisième partie de ce travail, nous réaliserons l’analyse de quatre projets marocains dans quatre villes différentes, avec leurs caractéristiques et spécificité propres.
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Ces derniers seront expliqués à partir de plans et de schémas pour une meilleure compréhension et l’analyse de chaque projet sera réalisée à l’aide d’une grille d’étude. Dans un premier temps, nous situerons la ville dans le pays et l’implantation du projet, puis nous présenterons un bref contexte historique qui nous aidera à mieux comprendre les circonstances du projet avant de présenter sa programmation. Dans un second temps, nous nous focaliserons sur le projet urbain mais surtout les intentions de l’architecte et les outils qu’il utilisera pour entreprendre son idée. Pour cela nous nous baserons essentiellement sur l’interview que j’ai réalisée en Avril 2016 avec Bernard Reichen, ainsi que sur sa conférence « Renouveler la ville par le territoire » à la cité Chaillot pour la saison 2009-2010. A la fin, nous proposerons une synthèse des éléments qui guident la pensée de l’architecte pour ses projets marocains, comme ailleurs et qui représente « les invariants » de son approche.
Grâce aux points mentionnés, nous concluerons sur ce qui pourrait être les composants de la nouvelle équation ville-territoire des villes marocaines en ce début de siècle et sur les problématiques qu’elle engendre.
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LE RECIT URBAIN
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Afin de répondre à nos questionnements, nous commencerons par contextualiser notre problématique dans la suite logique du récit. La volonté d’inscrire ce mémoire dans le contexte du récit urbain nous permettra d’asseoir ce dernier dans un ensemble plus grand, une entité cohérente afin de simplifier la lecture des phénomènes urbains et de les regrouper. Ce choix n’a pas été fait au hasard. En effet, la notion du récit urbain ou encore la pensée de Paul Ricœur, reviennent très souvent dans le discours des architectes que l’on étudie, spécialement chez Bernard Reichen. Il en fait mention, d’ailleurs dans la conférence qu’il tient à la cité Chaillot1 en 2011, en reliant les questions de récits ou de la ville territoire aux pensées du philosophe français dont la « mise en intrigue » d’une situation. Président du jury de l’appel à idées « habiter les chais »2, il fait la relation entre le récit architectural et urbain et le patrimoine industriel. Il reprend Ricœur et sa « mise en intrigue » d’un lieu pour expliquer l’idée d’infinité des structures répétitives face à différents usages qui les ont marqués de leur empreinte au fil du temps. 22
« La logique du « récit » inscrite dans l’architecture industrielle implique de ne pas chercher à tout prix à « finir l’histoire », à « faire œuvre » coûte que coûte en donnant un caractère statique et définitif à un patrimoine conçu au contraire pour favoriser l’appropriation. » Enfin, il cite Paul Ricœur, une fois encore, au colloque du Havre3 tenu en 2007 : « Le présent du passé c’est la mémoire, le présent du présent c’est l’action, le présent du futur c’est l’attente »4, en parlant des temps des villes. Que ce soit dans sa façon d’appréhender le patrimoine industriel ou l’urbanisme, ses idées se rejoignent et tendent vers cette notion de récit à construire. A partir de là, il parait intéressant d’orienter notre étude et creuser plus sous cet angle. Cela nous permettra, en outre, d’être ancrés dans cette pensée fondamentale qui lui est chère. 1 Conférence Chaillot : Conférence à la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris, Renouveler la ville par le territoire, publié le 15/11/2011, https://webtv.citechaillot.fr/video/23-renouveler-ville-territoire, dernière visite le 01/04/2017 2 L’appel à idées 2012 : Habiter les chais, http://www.bordeaux2030.fr/lappel-idees, dernière visite le 25/04/2017 3 Colloque international, Le Havre, « Brasilia, Chandigarh, Le Havre, Tel- Aviv, Villes symboles du XXème siècle », tenu le 13-14 Septembre 2007 4 La Lettre N° 9, http://civitas-nostra.over-blog.org/article-la-lettre-n-9-58861159.html, dernière visite le 25/04/2017
Récit urbanistique et récit de la ville
Les acteurs de la ville produisent des fragments de territoire qui suivent une logique propre. Ces productions peuvent être en interaction comme en confrontation avec les logiques d’autres acteurs et peuvent ou non, créer des liens solides pour tisser une entité cohérente. Cette interprétation de l’état de la ville sera appelée : récit urbanistique ou récit d’urbanisme. Ce dernier en conditionne grandement la façon d’y intervenir sur base de projets. Les récits urbanistiques diffèrent des autres catégories de récits urbains. En effet, l’équation de la ville s’exprime à travers différentes formes d’agencement d’un rapport Acteurs-Temps-Espace et qui constitue l’histoire de la ville. Ayant chacun une temporalité spécifique, les produits matériel et spatial de ces interventions coexistent ensemble et s’inscrivent dans l’histoire urbaine plus large. 1 Une autre caractéristique des récits d’urbanisme est, comme le souligne Vigano, d’être amenés par une « espèce absolument particulière et privilégiée de touristes » et qui sont l’urbaniste, l’architecte ou le paysagiste. Elle décrit leur métier, du fait qu’il commence d’habitude en se rendant dans un lieu qu’ils ne connaissaient pas complètement ou pas du tout, en le visitant, en marchant, en le percevant avec tous les sens, en ajoutant une connaissance analytique à un parcours parallèle d’expériences. 2 Ainsi, il y a autant d’interprétation que d’acteurs, tous, essayant de proposer une vision originale qui soit la leur seule. Le récit urbain de la ville qui se construit contient plusieurs récits urbanistiques qui agissent les uns par rapport aux autres.
1 MEZOUED, Aniss Mouad, La mise en récit de l’urbanisme algérois, passé, présent, futur : À la recherche des conditions d’institution de l’espace public comme médiation et comme projet : Cas du tramway d’Alger, 430 p., Presses universitaires de Louvain, Janvier 2015. 2 VIGANO, Paola, Les territoires de l’urbanisme. Le projet comme producteur de connaissance. Paris : MétisPresses, 2012.
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Ils engendrent une stratification de productions, constructions, espaces publics, qui représentent l’évolution de la concrétisation de jeu d’acteur et de son récit personnel dans le temps. De ce constat né la question suivante : la ville tient-elle le même discours que ses acteurs qui la produisent ? ndéniablement la ville racontera une histoire autre, celle d’une réalité vécue, d’un devenir porté par les habitants et les modes de vie sur un temps plus long.
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Les récits marocains Bien que les fondements de la ville soient relativement anciens, Casablanca est représentée comme une ville moderne avant-gardiste, au passé récent. Si cette image lui est associée, c’est en partie à cause de son développement et de son évolution spectaculaire lors du siècle dernier. Le protectorat du Maroc a été un élément moteur et décisif dans l’urbanisation et la croissance des villes. C’est en 1912 que le traité de protection fut signé. Cette protection perdurera jusqu’en 1956, où la France et l’Espagne reconnurent l’Indépendance du Pays. Il est important de considérer cette donnée qui a fortement contribué à l’essor de la ville. En ce qui nous concerne dans ce mémoire, l’urbanisme donc, nous assistons, si ce n’est un heureux dénouement, tout du moins à un intéressant tournant. En 1912, le protectorat français introduit l’urbanisme occidental européen de ce début de XXème siècle et notamment en France, au Maroc. Cet urbanisme «emprunté » structurera petit à petit les villes et deviendra la figure moderne de l’urbanisme marocain. Au de-là de la notion d’urbanisme colonial qui transparait, porteuse de relents péjoratifs, il y a le concept de « construction de la ville », complexe et évolutif, qui nous intéresse. Des étapes qui forgèrent les villes, la plus importante est celle située entre 1915 et 1917 en pleine première guerre mondiale. Pas seulement au Maroc mais aussi ailleurs, ce fut une étape extraordinaire qui marquera une réinvention de l’urbanisme. Une période qui placera les villes de Casablanca et de Rabat, malgré elles, dans un mouvement universel, au côté de Hanoi, Montevideo ou encore Thessalonique. Car le Maroc, tout comme ces autres pays, fut le théâtre de laboratoires urbains qui permirent la recherche et l’innovation, sans contraintes restrictives particulières ni réglementations draconiennes annihilant toute créativité. Et cela commence, pour le Maroc, avec la nomination d’Henri Prost par le maréchal Lyautey comme «Directeur du service spécial d’architecture et des plans des villes», en février 1914.
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_Henri Prost En cette veille du XXème siècle, un vent nouveau souffle sur la colline du Pincio, où est nichée la Villa Médicis qui héberge l’académie de France, crée par Colbert en 1666. Se retrouvent à Rome au même moment, ceux qui deviendront plus tard des figures marquantes de l’architecture, Grands Prix de Rome successifs: Tony Garnier, premier Grand Prix de Rome en 1899, Prost en 1902, Jaussely en 1903, Hebrard en 1904. Par le choix des travaux développés ou encore par leurs orientations et visions personnelles, ils seront les premiers à investir une discipline naissante en France. « Une génération de gens qui se disent que le vrai défi, c’est la ville », synthétise Jean-Louis Cohen, historien en architecture.1
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Dépassant les pauvres perspectives et horizons que permet la grande composition des Beaux-Arts, tous trois sont partisans d’une nouvelle discipline : l’urbanisme, comme l’affirme Jean-Louis Cohen et Monique Eleb en parlant de l’activité de Prost au Maroc. Même si on ne pourrait explicitement avancer si cette discipline découle de cette dernière ou en est l’affranchissement. Les préoccupations de Garnier, Bigot, Prost, Jaussely, Hebrard entre autres, pour de vastes ensembles ou pour de grands projets d’aménagement, avant la première guerre mondiale glisse doucement mais surement vers des problématiques urbaines. Le prix de Rome est un prix académique. Le gagnant du « Premier grand prix » se voyait offrir un séjour de trois ans à l’académie de France à Rome. De ce fait, un passage par la villa Médicis représente, à cette époque, le sommet de la reconnaissance que ce soit dans le domaine de la peinture, sculpture ou l’architecture et, plus tard, la musique également. « Pour pouvoir dire quelque chose, il me fallait d’abord être prix de Rome » affirmait Tony Garnier. 2 1 Les premiers urbanistes à la Villa Médicis, http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/08/23/ les-premiers-urbanistes-a-la-villa-medicis_3465604_3246.html, dernière visite le 05/05/2017. 2 Tony Garnier, architecte et urbaniste, http://www.caue69.fr/Documents/Publications/PDFs/ Journal_Exposition_-_Tony_Garnier.pdf, dernière visite le 05/05/2017
Ayant mis dix ans à remporter le prix de Rome d’architecture en 1899, obstiné même après six tentatives (de 1894 à 1899), il savait que l’obtention du prix de Rome lui était indispensable pour faire connaitre ses idées. Roux-spitz souligne que : « Nos urbanistes les plus authentiques furent des Tony Garnier, Hébrard, Jaussely, et Prost, tous anciens Premiers Grands prix de Rome » Et Hautecoeur d’ajouter: « Les études que tous ces hommes avaient accomplies à l’Ecole des Beaux-Arts, continués à la Villa Médicis, leur avaient permis de concevoir de vastes ensembles, de leur conférer cette grandeur, cette clarté, cette harmonie des ordonnances propres à la France, sans les priver de cet esprit pratique qui les incitait à répondre aux besoins des cités modernes » 3 Alors que les autres pensionnaires choisissent comme sujets d’envoi de quatrième année un bâtiment, ceux mentionnés plus haut, portent leur choix sur des ensembles urbains, ou même des villes entières. Ainsi l’envoi de Tony Garnier est consacré à Tusculum, celui de Jaussely au forum Pompéi, en 1908, quant à Hébrard il porta son attention, en 1909, au palais de Dioclétien à Spalato. Prost, seul, choisit Sainte-Sophie de Constantinople, sujet de 1907, rendu finalement en 1908. Il aura fallu à Tony Garnier plus de dix ans pour mener à bien son projet de ville industrielle sur laquelle il travaille depuis 1899. Il le présente une première fois en 1901 récoltant une réaction négative de l’Académie des Beaux-Arts et finit par le publier en 1917. Jaussely pour sa part, participe en 1904 au concours pour le plan d’extension de Barcelone. Il en sort lauréat en 1905 avec son projet qui oppose à la grille de Cerda un tracé beaux-arts. Prost, quant à lui, est lauréat du concours pour l’extension d’Anvers en 1910 et Hebrard avec Hendrik Christian Andersen présente le projet d’un Centre mondial de communication. En 1911, Prost, Jaussely et Hébrard font partis des fondateurs de la Société française des urbanistes (S.F.U) 3 LUCAN, Jacques, Composition, non-composition, architecture et théories, XIXème-XXème siècles, 606 p., PPUR, 2009
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Plus tard, Prost est appelé au Maroc pour qu’il étudie le plan de Casablanca et Hebrard travaille sur le développement des villes en Indochine. En effet, les colonies avaient un grand attrait à l’époque puisque dénuées d’entraves administratives et de longues concertations et discussions très souvent inutiles. Leur objectif et cher désir était de voir un jour le règlement et les plans d’urbanisme qu’ils proposaient devenir des modèles pour la métropole française.
Prost au Maroc Lorsqu’il dût s’occuper de la sélection de son équipe administrative, le Maréchal Lyautey porta une attention toute particulière aux architectes et urbanistes. 28
Il nomma l’urbaniste Henri Prost, suggéré par Jean Claude Nicolas Forestier4, «Directeur du service spécial d’architecture et des plans des villes», en février 1914. Ce dernier repris le plan tardif de 1912 qui orientait la ville vers une structure radioconcentrique, avec la présence d’un grand boulevard circulaire et sectorisa la ville en trois parties. A la demande de Lyautey qui voyait le devenir de Casablanca comme capitale économique, il mit en place un plan qui permettait le développement du port et modifia le tracé urbain à travers une restructuration fondée sur les modèles circulatoires. La définition d’un ensemble de zones, très novateur à l’époque, pour définir la répartition des différents quartiers est instituée. L’urgence sanitaire fut également un propos rentrant en ligne de compte et pressant l’assainissement de la ville et son édification. L’ère des grands chantiers commença, propulsant l’urbanisme d’une ville dans une effervescence incontestable. 4 Urbaniste et paysagiste français. En 1911 il fonde avec Henri Prost la Société française des architectes et urbanistes.
1. Plan général de Casablanca, Prost, 1917
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2. Vue aérienne de Casablanca , 1917
Dans leur approche et de par leurs aspirations, Lyautey comme Prost, tout comme son ancien camarade, Hebrard, investirent et introduisirent la notion de localisme dans les pays où ils travaillaient. Localistes coloniaux, leur style s’inspirait des styles locaux, s’intéressant aux habitants et à leur culture. L’évolution du style colonial français se fit en passant d’un « style vainqueur » à un « style protecteur » en adoptant des formes del’« arabisance ». Puis, il y eut le traitement des formes urbaines retravaillées, dans un souci nouveau de référents utilisés pour la production des sites outre-mer. Enfin, on passa des hybrides, dans un style plutôt néomaureque aux créations d’un style « localiste » en Indochine et en Afrique du Nord durant l’entre-deux-guerres. 5 _Michael Ecochard
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Sous la période du protectorat, on retient deux grands épisodes urbains : le plan d’Henri Prost (1914-1917) et celui de Michel Ecochard (1950-1952), coïncidents avec les périodes d’avant et d’après seconde guerre mondiale, évènement qui affecta fortement l’évolution urbaine de la ville devenue un champ d’expérimentation urbaine. Alexandre Courtois6 est le premier à proposer un projet d’aménagement et d’urbanisme prenant en considération les extensions de la ville. Pour diverses raisons, principalement administratives, l’exécution du plan ne s’est pas faite, mais ses principales dispositions seront reprises et intégrées dans les propositions de Michel Ecochard. « Les convictions et la personnalité de cet homme marqueront l’ensemble de la culture architectu rale marocaine d’après-guerre ». Ecochard change de doctrine et redéfinit le statut de l’urbanisation en proposant un zoning conforme à la charte d’Athènes, séparant la ville en quatre grandes fonctions : habiter, travailler, circuler et se cultiver. La rupture est radicale avec les politiques d’avant 1939. 5 TURREL, Denise, Villes rattachées, villes reconfigurées: XVIe-XXe siècles, 434 p., Presses universitaires François-Rabelais, 2013. 6 Architecte français (1904-1974), grand prix de Rome en 1933, architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux, président de l’ordre des architectes du Maroc et professeur à l’école de Beaux-arts de Paris et de Casablanca.
3. Central Carrieres Idées. Panel présenté par GAMMA al CIAM Aix en Provence. 1953
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4. Regroupement de base 4 maisons sur la parcelle de 8×8. Michel Ecochard.
Le dessein de l’urbaniste pour la ville marocaine est la ville linéaire et industrielle, articulant la structure portuaire et la structure urbaine, reliant Casablanca à Fedala (actuelle Mohammadia). Dans son plan, l’ordre est de rigueur. Les cités ouvrières émergent dans le quartier industriel qui s’étend et les zones d’extension planifiées pour les marocains se multiplient sous forme d’habitats adaptés pouvant accueillir le plus grand nombre. Il est connu également pour sa trame sanitaire 8x8, la « trame Ecochard », dont le quartier des Carrières Centrales est la première expérience d’application. Menant une lutte acharnée du logement social face aux intérêts du grand capital, il propose une idée simple. Le but était de « fournir à chaque famille déshéritée un deux-pièces, salle d’eau et patio, construit et disposé de manière à se transformer, au fur et à mesure de l’élévation du niveau de vie des concernés, en bâtiment R + 3 »7
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Récits marocains contemporains Les règlements de 1952 d’Ecochard sont appliqués jusqu’en 1984. Par la suite, le cabinet de Michel Pinseau élabore un nouveau schéma directeur. 8 On a tendance à appeler l’époque de Pinseau, l’époque « tampon », l’époque du lotissement où un tampon représente un lotissement… Après l’indépendance, la ville voit apparaitre le premier grand ensemble prônant le rationalisme et le fonctionnalisme. La ville a continué à se développer au cours des années 50, influencée cette fois par la culture américaine.
7 De Prost à Ecochard, le roman d’une aventure urbaine, http://www.e-taqafa.ma/dossier/le-roman-d-une-aventure-urbaine, dernière visite le 05/05/2017. 8 Casamémoire : Histoire de l’urbanisme de Casablanca, http://casamemoire.org/index. php?id=9, dernière visite le 05/05/2017
Et c’est aujourd’hui dans le schéma directeur d’aménagement urbain (SDAU) que sont représentées les grandes orientations du développement urbain dans lequel se voient projeter les urbanistes et architectes contemporains. Ces récits, ces narratives représentent une part importante de l’histoire urbaine marocaine du siècle dernier. Qu’en est-il, de la période contemporaine ? Pour en revenir à Reichen et Robert, quel récit urbain, eux, introduisent-ils et mettent-ils en marche, et sur quels outils s’appuient-ils ? Mais avant cela, qui sont Reichen & Robert ?
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PRESENTATION DE L’AGENCE
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Contrairement à des architectes comme Christian de Portzamparc, qui lui s’est orienté, dès le départ, vers d’architecture urbaine, et a continué de faire de l’urbanisme de grands projets en travaillant toujours sur de nouveaux territoires ; l’agence Reichen et Robert, elle, n’avait pas l’urbanisme comme vocation première. _ LES FONDATEURS _Philippe Robert Né en 1941 à Marseille où il a habité jusqu’à ses 18 ans, Philippe Robert étudie l’architecture à Paris, à l’École Spéciale d’Architecture et cours Jean Prouvé. Dès 1962, attiré par le monde anglo-saxon, il va compléter sa formation aux États-Unis, d’abord à New York puis à San Francisco où il assiste aux cours de l’université de Berkeley. Il y effectue un stage avec Paolo Soleri où il travaille avec lui sur ses études de villes utopiques (Arcologie).1 36
Il travaille, par la suite, en agence à San Francisco et réalise divers voyages à côté. De retour à Paris, il travaille avec André Bruyère puis avec Renzo Piano et Richard Rogers pour l’étude du centre Georges Pompidou.2 _Bernard Reichen Bernard Reichen, quant à lui, est né en 1943 à Luxeuil-les-Bains en France. Il obtient son diplôme d’architecte en 1965. Avant de créer l’agence avec Philippe Robert, il est responsable d’un service de l’urbanisme pendant deux ans en République du Congo, puis travaille pendant plusieurs années comme chef de projet dans une grande agence d’architecture3.
1 Le concept de l’arcologie, inventé par Paolo Soleri, est la fusion entre l’architecture et l’écologie. Il propose une forme urbaine en trois dimensions, compacte et dense aux antipodes de l’étalement urbain, de la consommation d’espace, d’énergie et de temps que les villes subissent depuis 1970. 2 Philippe Robert, http://www.reichen-robert.fr/, dernière visite le 23/04/2017 3 Bernard Reichen, http://www.reichen-robert.fr/, dernière visite le 23/04/2017
5. Bernard Reichen
6. Philippe Robert
_DE LA MUTATION AU RÉEMPLOI Tous deux créent l’agence « Reichen et Robert » en 1973. L’une de leurs premières réalisations est la reconversion de la filature Leblan à Lille grâce notamment à l’expérience de Philippe Robert de transformation d’usines, entamée aux États-Unis. Ils se sont fait connaître également grâce à la réhabilitation de vastes nefs du 19e siècle, dont le Pavillon de l’Arsenal (1988) ou la Halle Tony Garnier à Lyon (1988), la grande halle de la Villette (2003 – 2007), et enfin par la reconversion du site de l’usine Menier à Noisiel qui accueillit le siège social du groupe Nestlé France (1993 – 1996). Leur réputation, de spécialistes du patrimoine industriel, s’assoit petit à petit, internationalement. Ils proposent à travers leurs procédés une façon nouvelle d’appréhender le patrimoine, la ville et l’apport de fonctions nouvelles. À travers la pratique de la reconversion, ils ont su anticiper une approche et une méthodologie originales qu’ils interprètent, aujourd’hui, dans leurs projets neufs. Comme Philippe Robert le mentionne dans leur livre: « Le travail sur l’ancien nous a donné un certain respect pour « l’existant », mais celui-ci peut être de diverses natures : un bâtiment, un site naturel, ou encore une configuration urbaine. Ainsi, notre processus de conception est
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7.Pavillon de l’’Arsenal, Paris.
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8. Les Halles de la Villette, Paris.
9. Usine Menier à Noisiel, Paris.
fondé sur l’orchestration de contraintes et sur une certaine capacité à tourner des difficultés en atouts pour les projets, une manière d’appliquer l’idée de lateral thinking4 développée par le philosophe Edward de Bono.»5 Et Bernard Reichen de renchérir : « Si nous en sommes venus à l’urbanisme, c’est d’abord par un changement progressif de la commande. De bâtiments industriels obsolètes, nous sommes passés à des territoires industriels désaffectés. Mais c’est aussi un changement de nature du projet, lié au grand chantier de modernisation de la ville contemporaine ». Le projet du site intercommunal de l’Union, lauréat 2011 du Grand Prix National Écoquartier, à Tourcoing6 en est un parfait exemple. Ils sont partis du patrimoine industriel pour arriver à l’urbanisme et ainsi ont abordé la question à une échelle différente. Leur histoire a glissé, au fur et à mesure et selon le changement de la commande, du thème de la reconversion au thème de la mutation. Cette dernière thématique rencontre les logiques environnementales d’aujourd’hui et ainsi, suivant le courant, ils passent du thème de la mutation à celui du réemploi. Réemploi de l’espace, des bâtiments, des matières, des matériaux. Cet axe structurant renoue avec l’économie de la matière première et rejoint les fondements du récit urbain hérité de la reconversion du patrimoine industriel.
4 Crée par Edward de Bono, le «lateral thinking » ou la « pensée latérale » est théorisé dans les années 80. Elle permet de séquencer notre pensée, en y appliquant une censure automatique qui empêche les pensées superflues de déconcentrer. 5 REICHEN Bernard, ROBERT Philippe : Reichen & Robert, projets récents 1993-2002, Le Moniteur, 2002, 176 p 6 Site intercommunal de l’union, Roubaix, Tourcoing et Wattrelos, France 2003 - 2016
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10. Schéma de l’évolution de l’agence: De la mutation au réemploi
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Leur credo s’appuie fortement sur ce principe de réemploi ainsi que sur la logique du récit urbain. Le développement durable qui devient le fondement de leurs projets implique aussi bien le social, l’économie que l’environnemental. Cette notion qui réapparaît boucle la boucle et ouvre la voie à une problématique intéressante, celle de revoir et de repenser leur histoire. À partir de 1998, Philippe Robert enseigne et travaille pendant plusieurs années en Australie, et y crée une filiale de son agence. Parmi les projets à Sydney, nous comptons principalement le plan d’aménagement de Walsh Bay, anciens docks historiques de la baie de Sydney, ainsi que des ensembles résidentiels.
_ REICHEN ET ROBERT & ASSOCIES En 2004, l’agence se restructure pour former « Reichen et Robert & associés » qui regroupe les deux fondateurs et cinq nouveaux associés.
11. Marc Warnery
12. Marc Reiniche
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13. Marie-Hélène Maurette
14. Jacques Lissarrague
15. Frédéric Caudoux
Marc Warnery est né en 1972, il obtient son diplôme d’architecte à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) en 1998. Au cours de ses études, il a la chance de participer aux ateliers de trois architectes de renom, Patrick Berger, Yves Lion et Luigi Snozzi. Il apprend à leurs côtés les notions des échelles urbaines et du détail. Cette formation, il la complète par deux collaborations au sein des agences Reichen et Robert et Yves Lion. Après six ans aux côtés de Bernard Reichen et Philippe Robert, il les rejoint en tant qu’associé dans la nouvelle structure de l’agence, avec la volonté d’y amener un renouvellement architectural comme conceptuel.7 Marc Reiniche est né en 1956 ; il obtient son brevet de technicien d’aide-conducteur de travaux en 1974 au sein du lycée d’Aulnay-sous-Bois. Il suit, plus tard, une formation de 2 ans en BTS, étude de prix. Il rejoint l’agence Reichen et Robert en 1982 en tant que responsable de chantier et assistant-chef de projet. Il assure le suivi de chantier pour nombre de projets, dont la Grande Halle de la Villette. 42
En 1992, il devient associé de l’AESSA, la société d’exécution des projets de l’agence Reichen et Robert. Tout en suivant certains projets, il assure avec Jacques Lissarrague un rôle de chef d’agence autant en termes contractuels comme organisationnels. En 2004, associé à l’agence, il s’occupe essentiellement dans les domaines de la gestion, des relations contractuelles et juridiques, sans oublier les ressources humaines, l’organisation du travail comme le conseil interne pour le suivi de chantiers.8 Marie-Hélène Maurette, est diplômée d’architecture de l’Unité Pédagogique d’Architecture n°1 à Paris – Villemin en 1988. Elle rejoint l’agence Reichen et Robert en 1991. Chef de pôle, elle travaille sur plusieurs projets et concours, dont le projet Grands Moulins de Pantin, et la Cité du Cinéma à Saint Denis entre 2009 et 2011. Elle rejoint l’équipe des associés en 2013.9
7 Marc Warnery, http://www.reichen-robert.fr/, dernière visite le 23/04/2017 8 Marc Reiniche, http://www.reichen-robert.fr/, dernière visite le 23/04/2017 9 Marie-Hélène Maurette, http://www.reichen-robert.fr/, dernière visite le 23/04/2017
Jacques Lissarrague est né en 1949 et est diplômé d’architecture DPLG en 1974 au sein de l’unité pédagogique n°8 (Paris Belleville). Entre 1981 et 1982, il travaille pour une entreprise de charpente métallique (ACMT). Il y approfondit sa connaissance du travail sur le métal ainsi que son emploi dans la construction contemporaine. Il travaille au sein de l’agence Reichen et Robert comme architecte libéral entre 1987 et 1991. Il travaille sur certains de leurs projets les plus connus, la Halle Tony Garnier à Lyon, le Pavillon de l’Arsenal à Paris ou encore l’hôpital Claude Huriez à Lille. En 1988, il aide à l’organisation et à la rédaction d’un ouvrage : « La Cité des Sciences et de l’Industrie», paru aux éditions du moniteur. À partir de 1992, il est Associé et salarié de l’AESSA, société d’exécution des projets de l’agence et en 1995, il est associé à la SELAFA Reichen & Robert Architectes Urbanistes. Membre à part entière de la nouvelle structure Reichen et Robert & Associés, il participe à de nombreux concours et études de faisabilité tout en étant un des piliers pour le développement, le suivi et l’exécution des grands projets complexes de l’agence.10 Frédéric Caudoux est diplômé de l’École d’Architecture de Bretagne en 2000. Il travaille dans plusieurs agences d’architecture notamment les ateliers Jean Nouvel en 2007 en tant qu’architecte d’intérieur et chef de projet. Il rejoint l’agence Reichen et Robert & associés en 2008, en tant que chef de pôle, après avoir travaillé avec eux entre 2005 et 2007 comme chef de projet et consultant façade. Il travaille et gère de nombreux projets, dont l’étude urbaine pour le développement du site de Dar Bouazza à Casablanca au Maroc ou encore le programme résidentiel pour la reconversion de la zone portuaire de Tanger Ville. En 2013, il devient associé. 11
10 Jacques Lissarrague, http://www.reichen-robert.fr/, dernière visite le 23/04/2017 11 Frédéric Caudoux, http://www.reichen-robert.fr/, dernière visite le 23/04/2017
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Ils sont reconnus grands spécialistes des prospections urbaines et territoriales au travers du Grand Prix de l’Urbanisme décerné à Bernard Reichen en 2005. Durant leur parcours, ils eurent plusieurs reconnaissances et décorations. Ainsi, Bernard Reichen est aussi membre de l’Académie d’Architecture, membre du comité d’évaluation de l’Agence Nationale de Renouvellement Urbain, membre de la commission nationale des Monuments Historiques, membre du conseil scientifique du programme architecture nouvelle européen (Europan) et membre du comité français de cette organisation. Il est également Officier des Arts et des Lettres et Chevalier de l’Ordre National de la Légion d’Honneur. Philippe Robert est, quant à lui, un ancien membre de la Commission Supérieure des Monuments Historiques et ancien architecte Conseil du Ministère de l’Equipement et de l’Urbanisme.
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Il reçoit le titre de Honorary Fellow de l’American Institute of Architects (Hon FAIA), et est aussi nommé Officier puis Chevalier des Arts et Lettres par le ministre de la Culture. Il est élu à l’Académie d’Architecture en 1999. En 2009, après 36 ans où il dirige et anime l’agence avec Bernard Reichen, Philippe Robert décide d’entreprendre un nouveau chapitre de sa vie et quitte Reichen et Robert et associés. Il crée « ArchiTREK » pour partager ses connaissances. «ArchiTREK» consiste à accompagner et à organiser, bénévolement, des marches à thèmes, pour des petits groupes de personnes qui s’intéressent à l’architecture et au paysage, en Europe du Nord et en Extrême-Orient. Plus de 150 personnes ont déjà participé à ces randonnées en l’espace de cinq ans.12 Aujourd’hui, l’agence est composée d’une équipe de quatre-vingts personnes, dont plus de 60 architectes diplômés.
12 Architrek, http://www.architrek.org, dernière visite le 23/04/2017
Son terrain d’intervention comprend l’hospitalier, les bâtiments tertiaires, va du commerce de centre-ville aux équipements publics. Elle s’occupe des grands projets de ville ainsi que d’études prospectives, sur des zones très diverses de la France métropolitaine, la Belgique, l’Allemagne, la Grèce au Maroc, Dubaï, la Martinique, la Réunion ou l’Australie. Après avoir remporté le concours de l’Aménagement de la Vallée du Bouregreg à Rabat, en 2005, une filiale est installée sur place, dirigée par l’architecte marocaine Houyame Morchid. Comme mentionné dans l’introduction, au travers d’une analyse de leurs projets marocains, nous essayerons de cibler les principaux outils mis en œuvre et leur méthodologie de travail.
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16. Le roi Mohammed VI préside une réunion consacrée au projet d’aménagement de l’aéroport d’Anfa
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ANALYSE DE PROJETS URBAINS
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_CHOIX DES PROJETS
Comme nous l’avons mentionné dans l’introduction, nous procéderons à l’analyse d’une suite de projets urbains faits par l’agence Reichen & Robert & Associés au Maroc. Afin de permettre une lecture claire de l’étude, nous utiliserons une grille qui cadrera le processus. Nous nous intéresserons, ainsi, à quatre projets marocains, qui ont chacun leur spécificité. Le cas de Zenata représente un cas d’école, la première éco-cité faite au Maroc. Thématique chère à l’agence, nous regarderons de près les outils mis en place afin de répondre positivement à la commande marocaine. « Casablanca-Anfa » relève du domaine du quartier d’affaires mondialisé avec ses 15 tours. Ancré malgré tout dans la pensée environnementale, il sera intéressant de voir comment fonctionne les deux, l’un dans l’autre. 48
La reconversion du port de Tanger met en scène la reconversion de friches en front de mer. Etant un des points qui a fait la réputation internationale de l’agence, nous verrons comment la dialectique port/ville est traité dans ce cas-ci. On abordera également le thème de la mobilité, quant à la proposition du téléphérique. L’aménagement de la vallée du Bouregreg à Rabat, est leur premier projet au Maroc, grâce auquel ils ont pu assoir leurs idées et concepts. On revient, donc, au tout début de l’aventure marocaine, commencée en 2005, en remportant le concours international lancé pour. Le choix de ces projets repose, d’autre part, sur la difficulté de trouver des informations sur les projets. Nous nous sommes ainsi tournés vers ceux qui permettaient des ressources suffisantes pour notre analyse. Au travers de cette dernière, nous essaierons de distinguer les grandes lignes de pensée de l’architecte et de son équipe, entre thématiques et méthodologie de travail.
_CASABALANCA- ANFA _Situation Le projet se situe à Casablanca au Maroc. D’une superficie de 365 hectares, « Casablanca-Anfa » prend place sur le site de l’ancien aéroport « Anfa1 » qui se trouve à 6 kilomètres du Sud-Ouest de la ville. L’aéroport était un des trois desservant la région de Casablanca avec l’aéroport Casablanca Mohammed V et l’aérodrome de Casablanca Tit Mellil2. Il est maintenant fermé et ses bâtiments et ses pistes ont été démolis.
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17. Situation du projet Casablanca-Anfa
1 Ancien nom de Casablanca 2 Petite ville dans la banlieue casablancaise, elle se situe au sud-est de la métropole.
_Contexte historique et programmation
L’imaginaire généré par Casablanca, croise l’image des ruines d’Anfa du 16e siècle et celle plus tard, en 1919, de l’histoire de l’aéropostal tout comme l’histoire de l’après-guerre. Casablanca est, alors, le premier terminus de cette ligne de l’aéropostal où il fallait, à peu près, 17h pour faire Valence/ Casablanca et presque deux jours entiers pour y aller depuis Toulouse, avec toutes les escales entre. Cet imaginaire, ce sont les grands moments de l’aéropostal avec Mermoz, Guillaumet, Daurat et Saint-Exupéry, leurs longs voyages allant jusqu’à Cap Jury dans un premier temps, puis ensuite se prolongeant jusqu’à Dakar. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’aéroport d’Anfa sert de base aérienne pour l’armée de l’air française de Vichy. Il fut également utilisé par la Deutsche Lufthansa et les transports militaires allemands3.
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Aux faits, s’ajoute l’imaginaire surjoué du film « Casablanca » en 1942. Lequel n’arbore, des couleurs de la ville, qu’une simple reproduction de l’aéroport d’Anfa, faite à Los Angeles avec, comme fond, une toile peinte symbolisant la médina et la mer derrière.
18. Mermoz, Saint-Exupéry, Guillaumet
19. Casablanca, film (1942)
3 Aéroport Casablanca Anfa : Casablanca-Anfa Airport, https://en.wikipedia.org/wiki/Casablanca%E2%80%93Anfa_Airport (traduction par l’auteur), dernière visite le 11/04/2017
À ces imaginaires urbains cumulés se joint l’histoire palpable des architectes coloniaux du début du siècle, l’histoire de l’architecture coloniale. Au-delà des tracés de la médina, ceux du plan de Prost, puis celui d’Ecochard, en faisant abstraction de l’étalement urbain et des zones urbanisées, nous distinguons cette tâche qu’est l’aéroport d’Anfa et qui au début n’était qu’une aéroplace. Cette tâche a connu bien des changements au fil des ans, suivant les modes et les temps, les fonctions et les besoins. L’aéroport international Mohammed V devient le principal aéroport de Casablanca quant au trafic commercial et celui d’Anfa est fermé. Il sert néanmoins d’aérodrome et de centre d’instruction jusqu’en 2007 avant que ces dernières activités ne soient déplacées à l’aéroport de Benslimane. L’endroit se retrouve bientôt désaffecté appelant à un projet nouveau. « Et donc ce plan vient s’insérer dans ce territoire de la ville, et on développe tout de suite une idée, qui est une idée du domaine, c’est-à-dire, est-ce que ce territoire urbanisé va être l’origine du renouveau de la ville ou est-ce qu’il va être contaminé par le développement urbain tel qu’il a été organisé ? », explique Bernard Reichen.4 Pour autant, l’idée de ce quartier est virtuelle, se basant sur le principe d’une place financière environnementale qui sera une nouvelle thématique à développer pour l’agence et pour le Maroc. La demande royale pour ce projet comprenait le fait de fédérer les quartiers qui se trouvent autour en leur procurant les services qui leur manquent et de créer un nouveau centre pour Casablanca. Un centre qui pourrait rayonner sur le monde comme un quartier emblématique de notre époque, comportant une cité financière qui sera la place de liaison de l’Afrique noire avec le lien avec Dakar d’un côté, l’Europe d’une part, l’Amérique et le monde arabe de l’autre. Cette place financière sera, donc, l’articulation entre ces univers, bien qu’étant une cité financière en post-crise (imaginée avant la crise, et réalisée après).
4 Conférence à la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris, Renouveler la ville par le territoire, publiée le 15/11/2011, https://webtv.citechaillot.fr/video/23-renouveler-ville-territoire, dernière visite le 03/08/2016
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L’un des premiers arguments avancés vient de l’aviation. Les pistes dans l’aviation sont toujours dénommées par leur orientation. Dans ce cas-ci, on peut voir que c’est : 03-21, cela représente l’axe 30-210. Concrètement, tous les aéroports marocains, par rapport aux vents dominants sur la côte nord, ont tous la même dénomination, 30-210, et selon les objectifs du projet même, ce 03-210 est devenu par la force des choses «3 enjeux pour le 21e siècle»
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20. Piste 03-21 pour l’axe 30-210
Anfa 03-21, devient alors une sorte de symbole structuré sur trois objectifs: -favoriser la mixité sociale dans les quartiers existants en les reliant entre eux, les équipant et en les complétant. -Créer une nouvelle centralité pour Casablanca autour d’un grand parc métropolitain alimenté d’un nouveau réseau de transports collectifs. -Concevoir un quartier emblématique du Maroc aujourd’hui, dans le sens économique, culturel et environnemental.5 5 Casablanca-Anfa, http://www.reichen-robert.fr/, dernière visite le 11/04/2017
La programmation comprend 2,3 millions de m² de logements, 1,3 million de m² de bureaux, et 700 000 m² d’équipements, de proximité et métropolitains, avec une superficie de la première tranche de 115 hectares, dont 310 000 m² de voirie, 20 500 m² de places et 40 ha d’espaces verts.
_Intentions et projet
L’agence TER6 s’occupa du travail sur la nature. Elle créa le parc en utilisant la notion de réseau de parcs et en utilisant non pas la piste, mais l’orientation de la piste, puisque par sa définition même, la piste indique les vents dominants, les brises de la mer. Ainsi, ils utilisèrent cette piste comme un couloir de vents et comme un imaginaire plutôt qu’une glorification de la piste ancienne, lui donnant une nouvelle fonction malgré elle. Il y eut, alors, une sorte d’organisation des fonctions où on assista à la dissection de la ville, entre les tours et les émergences, puis la ville moyenne, qu’ils appelèrent le podium et enfin, le socle. L’idée qui en sortit fut de donner à ces trois villes, ces sous-catégories de ville, trois identités croisées. La première identité est celle de la ville des tours. Dans le projet, on en compte jusqu’au nombre de quinze. Ces tours ont été identifiées par rapport aux besoins des grands systèmes bancaires s’appuyant sur un certain nombre de standards et de stéréotypes, puisant leurs références depuis la tour isolée à Paris, jusqu’à la tour intégrée (comme la Montevideo Tower aux Pays-Bas), en passant par les Twins ou tours composites. Ces tours se composent elles-mêmes de trois sous ville qui sont : la ville des rues, la ville des échanges et la ville de la silhouette. Ainsi, la ville de la silhouette s’apparente à l’image que nous pouvons avoir depuis la grande mosquée, au centre même de Casablanca : ces tours disposées autour des axes de l’ancienne piste qui se conjuguent entre elles.
6 Agence paysagiste française, associés avec Reichen et Robert pour le projet Casablanca-Anfa
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Et puis, inversement, lorsqu’on arrive de l’aéroport, étant déjà dans un état d’esprit de monde mondialisé par nature, nous nous retrouvons devant le panorama des tours qui se confondent l’un dans l’autre. L’idée était de jouer sur le type de relation qu’entretient cet espace par rapport à la ville ancienne et par rapport à l’aéroport, étant deux visions complètement différentes de ce quartier.
21. Vue depuis la mosquée Hassan II, les twins en premier plan.
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22. Vue depuis l’arrivée de l’aéroport.
Le podium, quant à lui, représente la ville de 25 m de hauteur, la ville moyenne. « Ces 25 m de hauteur, c’est selon moi une côte extrêmement intéressante, et la bêtise si je peux utiliser ce mot, c’est d’avoir amené la hauteur dans le plan de Paris à 35 m. Alors, au lieu de travailler une hauteur plus basse avec des émergences et des signaux, on fabrique une ville à 35 m (…) réglée par les droits des pompiers, c’est-à-dire 35 m de hauteur et 28 m d’accessibilité pour le dernier plancher, ce qui vous donne une ville qui pour moi, est trop haute, pas assez variée, et ainsi tout le monde a ce « collé au plafond ». Par opposition, il y a le règlement de la ville de Zurich en Suisse, où on doit s’arrêter à 25 m ( plafond absolu à 25 m) et ensuite on a le droit de recommencer, si on veut, mais pas avant 60 m. Ca veut dire que vous pouvez faire une tour de 61 m, ou un bâtiment de 24 m ou 25m et 60 m et rien entre les deux, et ça, ça donne à la ville une dynamique, une logique qu’on a essayé d’interpréter sur ce règlement de Casablanca.»7, souligne Bernard Reichen. 7 Interview avec Bernard Reichen faite le 05 Avril 2016 à son cabinet parisien par l’auteur. (Voir Annexes)
Génératrice d’ombres et de lumières
Production énergétique: - Solaire photovoltaique -Solaire thermique
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23. Typologie environnementales
Franck Boutté8 était le consultant pour l’étude de la place financière. Lui et l’agence ont travaillé sur la question environnementale autour de l’idée des patios d’ombre et des patios de lumière. Ce principe a introduit une notion nouvelle, celle de l’ombre positive. On ne perçoit plus alors, l’ombre portée des tours comme une nuisance, mais comme un élément environnemental. Il suffit alors de positionner des bureaux par exemple, sous l’ombre d’autres bureaux, pour qu’on puisse profiter d’une lumière intéressante, la tour jouant le rôle de réflecteur solaire, sans pour autant avoir la nuisance du soleil direct pour ces mêmes bureaux. Ce même travail avec les ombres portées, qui aboutit à des couloirs d’ombres et des couloirs de lumière, a été exploité auparavant dans leur projet de Shanghai9 sur le 4e second centre à l’ouest du centre-ville. Le projet valut à Bernard Reichen d’être salué, grâce à son travail sur la nouvelle identité du quartier, avec un diplôme d’honneur à l’occasion du Congrès triennal de l’Académie Internationale d’architecture en mai 2006. 56
Les deux projets ont amené à associer l’environnement et la programmation dans une conception statique. L’équation environnementale de Franck Boutté se base sur son travail des trois écologies, c’est-à-dire l’écologie du Nord, l’écologie du milieu, et l’écologie du Sud. On s’aperçoit que l’écologie de Casablanca est l’écologie qui se trouve la plus proche de cette écologie du milieu, ce qu’on appelle la zone de confort. Cette zone de confort est la zone dans l’année pendant laquelle nous n’avons besoin ni de chauffage ni de climatisation. Autour de cette économie, autour de l’irradiation solaire, autour des analyses climatiques, des effets du vent, autour de ces stratégies, ils pensèrent la conception qui fera que le socle, le podium et la tour, soient trois façons de voir l’écologie, et cela y compris la tour puisqu’elle amène à des systèmes de protection, à des systèmes d’irradiation ainsi qu’à des 8 L’agence française Franck Boutté Consultants est spécialisée dans la conception et l’ingénierie environnementales. Ils sont associés avec Reichen et Robert pour le projet Casablanca-Anfa. 9 Aménagement urbain du quartier « Zhenru », Shangai, Chine, 2005
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24. L’ombre induite, une valeur positive du projet
effets de densité. « On travaille quand même sur des densités de l’ordre de 5.5 ce qui fait des coefficients d’occupation de sol qui sont très fort, mais au profit de 120 ha de parcs complètement associés à cette logique, idem évidemment pour la question des enveloppes, on est arrivé à prouver qu’avec 60% de vitrage on a un meilleur système, vu sur une année, qu’avec 30% de vitrage. C’est-à-dire si on arrive à comptabiliser l’apport solaire en même temps que la protection du soleil, on a une équation environnementale tout à fait extraordinaire. On ajoute à cela la compensation énergétique ensuite, donc toute la logique du solaire passif, du solaire photovoltaïque, du solaire thermique pour produire de la chaleur. On n’aura pas d’éoliennes dans cet effet-là, mais par contre on aura un très grand système de compensation hydraulique (récupération et stockage des eaux de pluie) » fait remarquer dans sa conférence Bernard Reichen en parlant des systèmes mis en place.
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Enfin, la troisième identité représente le socle lui-même, donc toute la ville inférieure, ce qu’on appela la ville du dédale qui contiendra des projets Reichen & Robert & associés, un projet de Steven Holl et un autre de Norman Foster. « Ce qui fait le charme de Casablanca, c’est le rapport à l’ombre, c’est le rapport de passage, le rapport à la médina, et donc pourquoi sur une hauteur de 10m50 de 3 étages on ne réinventerait pas cette valeur appliquée à la place financière ? C’est ce qu’il y a maintenant d’inclus dans ce règlement avec des fonctions qui sont des fonctions dans lesquels le commerce, les bureaux, le logement, les équipements sont mixés selon chacun des îlots.» Ajoute l’architecte. Ce paysage donc, reste toujours associé au grand, dans une continuité d’esprit. Il y aura également une palmeraie à l’endroit de l’ancien taxiway ainsi que trois parkings de 1500, 1700 , chacun, qui seront réalisés sous l’angle de la mixité de fonction et de la mutualisation de l’automobile. Ce système mis en place découle de la même démarche utilisée à Beauvais, mais appliquée à une autre logique à une autre densité.
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25. Synthèse des systèmes environnementaux utilisés
Par ailleurs, l’agence travaille avec l’équipe d’Anfa sur le même projet, mais surtout la même thématique d’écocité au Sénégal, à Dakar en reprenant la thématique environnementale développée avec les agences TER, le souverain ayant passé un accord avec le président de la République pour que ce projet.
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_ZENATA, UNE ECOCITE CASABLANCAISE
_Situation Zenata est un territoire d’une superficie d’environ 1700 hectares, situé dans la commune d’Ain Harrouda et dans la 2e couronne nord du Grand Casablanca. Le projet longe la façade atlantique sur 5.35 km de côté et 3.5 km de profondeur de l’autoroute à la mer.10 À l’injonction de Casablanca et de Mohammedia, la future ville nouvelle jouit d’une situation géographique stratégique puisque située entre les deux plus grandes villes du royaume, Casablanca et Rabat. Le site, quant à lui, constitue l’une des dernières grandes réserves foncières de la métropole Casablancaise. Le projet de l’écocité de Zenata prend en compte un plan urbain opérationnel établi sur 1670 hectares.11 Soutenu par l’agence française de développement (AFD), le projet fut présenté lors de la COP22 à Marrakech en novembre 2016. _ Contexte et programmation Zenata représente un cas d’école. Le projet a d’abord été aperçu dans les plans d’urbanisme en 1950, au moment où Ecochard prend la succession du plan urbain. (Voir photo) C’était à ce moment-là que Casablanca se développait de façon importante et l’automobile servait de relais d’extension. On assiste à la construction de voies rapides, d’autoroutes. Nous avons même un plan qui explique comment va s’y inscrire la zone industrielle et le port, qui lui se développe par arches successives. 10 Reichen et Robert & Associés- architectes urbanistes, Maroc, Zenata, une écocité casablancaise. 11 Zenata, une écocité casablancaise, http://www.reichen-robert.fr/, dernière visite le 11/04/2017
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26. Plan de situation Zenata éco-cité
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27. Le « Combinat Casa-Fedala »: Première vision du territoire de Zenata
28. Schéma D’Ecochard 1952
Finalement le projet ne s’est pas fait, car une zone inondable contrariait la logique des différentes implantations. « Aujourd’hui, la ville de Zenata, c’est 300 000 habitants, 100 000 emplois, 30 000 habitants à reloger sur place, des cabanes, des lignes de tension… un port sec et un trafic important de camions. » Explique Reichen dans une interview. 12 L’agence Reichen et Robert et Associés, ne pouvant dessiner une ville de cette grandeur, a inversé le problème. Ils ont privilégié le travail sur 1650 hectares opérationnels et 2500 hectares sur la commune d’Ain Harrouda, territoire qu’il fallait développer par rapport à ses propres valeurs et en tenant compte des valeurs de Casablanca. Ainsi, ce territoire s’apprête à accueillir la ville. Ils décidèrent de la connexion des réseaux de tramway, le tracé du nouveau RER, en gardant en tête le fait de fabriquer les conditions futures qui permettront à une ville de s’installer En travaillant en collaboration avec des bureaux d’études, ils ont fait de l’eau une richesse avec un ensemble de bassins de rétention aménagés des lacs d’infiltrations et d’écoulement lents en repoussant les risques de l’inondation qui augmenteraient avec les épisodes orageux plus fréquents et plus violents. Nous remarquons que c’est la même thématique d’hydrologie et d’espace naturels qu’ils avaient abordée à Montpellier13 et dans le sud de la France sur un autre sujet, celui de la ville bioclimatique où les parcs participent à la qualité de la ville et fabriquent des îlots de fraîcheur. Nous aurons ainsi une vingtaine d’unités de vie qui s’installeront dans un espace naturel, supposées accueillir 16500 habitants chacune. La première tranche s’étend sur une superficie de 34 hectares. On y retrouve la construction d’un établissement scolaire, d’un terrain omnisports, d’un centre de santé et d’une mosquée, ainsi que de 2040 logements sociaux. 12 Dossier de presse : Entretien avec Bernard Reichen, architecte urbaniste, http://lematin.ma/ journal/Entretien-avec-Bernard-Reichen-architecte-urbaniste_-Le-Maroc-vit-une-dynamique-societale--environnementale-et-territoriale-/160970.html#sthash.1TMdKo0O.dpuf, dernière visite le 11/04/2017 13 SCOT de l’agglomération de Montpellier, France 2003 - 2006
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_Intentions et projet Par rapport au cas de Zenata, une chaîne de décisions a été fabriquée dans laquelle la nature se trouvait au cœur de la ville. Le centre est donc un parc, l’agence ayant déjà développé ce processus sur la cité Dar Assalam14, domaine d’agrumes royal, dont le parc, par ailleurs, est réalisé depuis maintenant trois ans, mais est toujours fermé, en attendant que tout pousse… Ce projet-ci reste néanmoins différent de Zenata dans le sens où, étant un projet royal, il diffère en termes d’exigences. L’idée principale à Zenata était de revenir au climat, revenir à un certain nombre, non pas de traditions, mais de pratiques culturelles. Tout d’abord, l’agence a remarqué plusieurs petites choses, notamment le fait que le moins cher à faire était de se concentrer sur l’espace public et d’en garantir la qualité. 64
À partir de là, ils ont procédé à des études climatiques. Ils ont réalisé des analyses de vent avec l’agence Frank Boutté consultants, notamment. Ainsi, en associant l’hydrologie et le vent, ils fabriquèrent des sortes de stries vertes qu’ils appelèrent: « trame aéraulique ». Elle représente des jardins de 20 mètres de large, qui parcourent le site et grâce auxquels, l’objectif était de diminuer la température en été de 3 degrés par la végétation et par le vent. Cette trame aéraulique représente un écosystème low cost, qui se base sur la géographie du milieu, l’architecture des milieux. Le projet est orienté selon les vents dominants afin de rafraîchir naturellement la ville grâce aux vents venus de la mer. De ce fait, nous avons les alizés, en été, qui viennent tous de la même direction, et en hiver, ils viennent d’autres directions. Ici, seuls les vents d’été étaient pris en compte.
14 Projet domaine Dar Essalam à Rabat, études réalisées en 2010, chantier en cours.
29. Superposition des systèmes
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30. Stratégie de conception bioclimatique à grande échelle
Après cela, ils ont fabriqué des grands îlots de 25 hectares à peu près. Ces grands îlots permettent d’irriguer l’automobile et de l’organiser, mais ne guident pas la forme urbaine. À l’intérieur de cet îlot, nous nous retrouvons devant plusieurs possibilités. Nous pouvons y mettre 15 îlots barcelonais, carrés de 130 mètres de côté, comme on peut y mettre la totalité de la médina de Tanger. Ils proposèrent des photomontages qui reprenaient cette idée pour dire, plus ou moins, qu’on verra plus tard ce qu’on pourra y mettre.
66 31. Principe d’une ville tramée dans un macro-lot de 26 hectares : 15 îlots barcelonais
32. Photo-montage en utilisant la totalité de la Médina de Tanger
À l’intérieur de ces îlots, ils fabriquèrent des dessertes secondaires en partant du principe que, si l’on prenait le thème de l’écologie de la mobilité, on s’apercevait que la ville de Casablanca a les mêmes performances en termes de marche à pied, de circulation douce, que la ville de Copenhague. Bien sûr, avec la grande différence qu’à Casablanca, la voiture augmente fortement. On vend de plus en plus de voitures low cost, ce qui créera, à long terme, une sorte de ville un peu infernale comme on l’a vécu en France. Ils se sont dit, alors, qu’ils allaient fabriquer une grande maille très confortable de 300m, 400 voire 600 m. À l’intérieur, il y aurait une maille secondaire, qu’ils ont appelé des « rues jardins », et qui constituerait des dessertes locales, non pas pour traverser la ville, mais simplement pour aller chez soi. Afin de donner aux gens l’envie de continuer à marcher, il fallait leur offrir des conditions agréables pour cela. C’est ainsi qu’ils dessinèrent une ville marchable, sur les modes de Strasbourg15, sur les modes de ce que l’on voit dans les capitales européennes. Ils ont créé, ce qu’ils ont appelé, un charii, qui représente l’élément qui relie des portes. Ce charii fait 14 km et parcoure toute la ville. Lorsqu’on regarde le plan de plus près, on voit des rues piétonnes qui sont de vraies rues jardins. Ils ont dû les agrandir encore plus lorsque le gouverneur de l’agence urbaine le leur a demandé. Nous ne nous retrouvons plus avec des petites rues de 8m, mais des rues de 16 m désormais. Ils reviennent quand même insérer des rues plus étroites qui viendraient irriguer les jardins tout autour. De ce fait, ils fabriquent une rue et cette rue parcoure tous les quartiers, et dessert tous les équipements publics. Elle représente, le chemin des écoliers, le chemin de la gare, etc. Nous nous retrouvons, avec à l’intérieur de la ville, une maille pour voiture très large, des jardins qui amènent le vent en été, puis un parcours piéton qui traverse toute la ville. 15 Projet Strasbourg Kehl Plan directeur, 2010-2011
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C’est une hiérarchie de mailles, superposées les unes aux autres, qui ont des finalités différentes, mais qui à la fin constituent le même espace. L’agence a réalisé une étude avec l’équipe suisse Meier, sur les temps de parcours pour les piétons. Sans vouloir prétendre que les gens vont réellement faire les 14 km, ils avancent qu’ils en feront un, ou un kilomètre et demi, et puis la gare se trouvant au milieu représentera une sorte de centralité, etc. L’idée était que les habitants feront au moins une partie de ce parcours. Pourquoi ? Parce que c’est agréable, confortable et qu’ils peuvent le faire à pied ou à vélo. Ainsi, ils mettent en place un dispositif piétonnier important afin de rendre la ville au piéton.
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Lorsqu’ils ont fait le plan d’aménagement de toute cette première tranche, ils ont discuté avec les agences urbaines, car se posait la question de savoir s’ils inscrivaient le vent et le piéton dans le plan d’aménagement ou plutôt s’ils l’inscrivaient au deuxième degré, comme dans le cas du DAL, déclaration d’autorisation de lotir. Si le plan était inscrit au premier degré, il devenait obligatoire, intangible, s’il était inscrit au deuxième degré, il serait un peu plus flexible, mais avec le risque qu’il ne se fasse jamais. Le gouverneur leur a conseillé de l’inscrire en premier degré et finalement ils l’ont inscrit dans le plan d’aménagement. À la sortie de ce plan d’aménagement la première fois, il était en noir et blanc ponctué de hachures. Ils se sont rendu compte que personne ne pouvait comprendre ce que voulait dire le plan s’il n’y avait pas d’explication, on n’arrivait pas à comprendre le dessin. Ils se sont aperçus que la rue piétonne (représentée en jaune sur le plan de Zenata, voir photo), dans le plan d’aménagement de Casablanca, n’était pas répertoriée. Dans les codes existants, à chaque fois qu’il y avait une rue, il y avait des voitures dessus.
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33. Les parcours marchables
34. Le Charii et les zones à trafic apaisé, 1ère phase opérationnelle 35. Le concept d’accessibilité piétonne et cyclable
« Donc, on a réinventé un code, pour la rue piétonne, mais un pays, qui au travers de la médina, a inventé la rue piétonne, a oublié qu’elle existe. » Souligne Bernard Reichen. Maintenant qu’ils ont fait ça, ils le perfectionnent. Aujourd’hui, qu’ils ont réussi à inscrire ce plan de Zenata, dans les plans d’aménagements marocains, ils ont fait quelque chose qui n’a jamais été fait avant. Avec la Cop 22, ils espèrent aller un peu plus loin. Le territoire de Zenata, est un territoire agricole, dans lequel il devait y avoir de la forêt à l’origine. Mais les forêts ont été démolies, rasées … Il reste quelques bosquets, mais comme la ville a connu les bidonvilles et autres, au fur et à mesure, la forêt a disparu. Dans le cas de Zenata, nous avons un jardin central qui fait 3 km de long et qui va continuer jusqu’à la gare. Ils ne pouvaient concevoir ce jardin central qui va de l’autoroute à la mer, comme un parc. De même que pour l’espace public, ils n’avaient ni l’argent ni les moyens pour envisager un espace public sophistiqué. 70
La solution qu’ils ont proposée, était de créer un espace public très simple, et de procéder par la suite, par embellissement, mettre des fontaines, des petites placettes… « Au lieu de dessiner une placette, je me dis: on va dessiner un salon marocain. Alors, le salon marocain, c’est un truc que j’aime beaucoup comme idée, parce que, c’est quelque chose qui est fait pour accueillir les invités à la fois dans la maison et en dehors de la maison. C’est l’idée qu’on peut venir, rentrer dans ce salon marocain sans rentrer dans la maison. » Il y a cette idée que les salons marocains disparaissent partout, qu’il y a cette vague impression de canapés aménagés en carré. Aujourd’hui, c’est le séjour qui devient le salon marocain. Le style de vie change. Mais le salon marocain demeure pour qu’on puisse se réunir pour les évènements importants et autres… « Il y a cette place qui est à côté de la mosquée pas loin de la Skala16, pour 16 La Sqala de Casablanca est construite en 1769. Érigée comme bâtiment militaire, elle est aujourd’hui une référence touristique, mais surtout un patrimoine historique unique. On y trouve un café maure restaurant installé dans le fort portugais
moi, je la vois comme un salon marocain. Il y a toujours des gens qui sont là. Il y a une entrée bien marquée, il y a un seuil et après il y a la mosquée qui est à côté, il y a les familles, il y a les enfants. Et le fait qu’il y a un seuil, c’est un peu un préalable, on ne peut pas se l’approprier aussi facilement. Quand on rentre, on est un peu invité, comme dans un salon ». L’idée était de construire des salons marocains, au lieu de faire des places, ils allaient faire de petits espaces ceinturés, avec ces salons marocains qui seront de 200, 300 mètres et qui vont ponctuer le parcours. Maintenant, la bataille qui va suivre sera de convaincre le maitre d’ouvrage et Maroc Telecom (opérateur global de télécommunication au Maroc), d’occuper le cœur du salon en wifi au débit gratuit. « On en fera, peut-être pas 10, mais on en fera bien un ou 3. Mais je me dis que les jeunes, qui vont venir, vont profiter de l’espace. On va associer le monde virtuel, au monde réel dans un espace où les gens vont se rencontrer, sorte de sociabilité contemporaine. C’est une idée un peu basique. Mais peut-être qu’on peut y arriver, grâce à la Cop 22 » 17 La deuxième idée qui se distingue était de dire que comme ils ne pouvaient pas faire de parcs, comme ils n’avaient pas les moyens, ils allaient faire un ensemble de bosquets à la place. De ce fait, ils analysèrent comment construire un petit bois afin de pouvoir concrétiser l’idée. L’idéal pour eux serait que l’office national des forêts s’en charge, même si leur but de ces derniers n’est pas forcément de construire de nouvelles forêts. Dans ces bosquets, nous retrouvons des bosquets normaux, ainsi que les bosquets qui sont les grands bassins de rétention des eaux d’hiver. L’endroit sera peut-être inondé pendant l’hiver et en été, ça pourrait servir de parking pour aller à la plage. L’idée étant de toujours privilégier le côté versatile de la chose. réhabilité et qui surplombe le port.
17 Interview avec Bernard Reichen faite le 5 avril 2016 à son cabinet parisien par l’auteur. (Voir Annexes)
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« Est-ce que cela se fera ou pas, on ne pourrait le dire, mais si cela ne se fait pas cette année avec la Cop 22, plus tard ce sera un peu plus dur », rappelle Bernard Reichen. En fin de compte, ils créent des petits systèmes qui additionnés les uns aux autres, font un projet vivant. Les projets euratlantiques sont des projets où on a affaire à quelque chose de très occupé, très encombré. Zenata ne pourrait jamais arriver en France et cela n’arrivera plus au Maroc aussi à un moment, puisqu’on ne pourra pas continuer à occuper des terres agricoles.
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36. Principe d’organisation de l’espace
_ AMENAGEMENT URBAIN DE LA VALLEE DU BOUREGREG _Situation La région métropolitaine de Rabat-Salé-Témara, la deuxième plus grande du Maroc en termes de population et d’économie est divisée par la vallée du Bouregreg. Le fleuve dont elle porte le nom ( en arabe: Abu Raqraq, en berbère: Buargrag) est un fleuve marocain, long de 240 kilomètres. Située entre Rabat et Salé, les sœurs jumelles, la zone d’aménagement de la vallée du Bouregreg, s’étale sur une superficie de 5 750 hectares, et part de l’estuaire du fleuve Bouregreg jusqu’au barrage Sidi Mohammed Ben Abdallah, sur une profondeur de quinze kilomètres. Elle est considérée comme étant une zone riche en patrimoines écologique et historique.18 _Contexte historique Au fil des siècles, le site a connu un défilé de civilisations et de dynasties. Cela remonte au 6e siècle avant J. –C. avec l’édification de Chellah par les Phéniciens, puis les Carthaginois. Par suite, les Romains y ont fondé un port sur l’estuaire, repris par les Salétins plus tard. À cette époque, Rabat et Salé connaissent un dynamisme économique important grâce au port. Il aida, également, les corsaires des deux villes à lutter contre la marine britannique et portugaise qui voulaient s’en emparer. Afin de repousser les menaces des tribus, notamment celle de Bouraghouata, les Almoravides érigent sur la rive gauche du fleuve une petite forteresse. Celle-ci, reprise plus tard, par les Almohades, reconstruite et consolidée, devient une véritable forteresse, la Casbah des Oudayas. Les Morisques, à leur arrivée à Rabat, la restaurent et la renforcent. Quant à la dynastie alaouite, actuelle, elle entreprend des travaux d’aménagement de tout le site entre 1757 et 1789 et puis de 1790 à 1792. 18 Plaquette de l’état d’avancement, Janvier2010, http://www.bouregreg.com/wp-content/ uploads/2016/04/Plaquette-Etat-davancement-Janvier-2010.pdf, dernière visite le 15/04/2017
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37. Situation du projet de l’aménagement de la vallée du Bouregreg
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38. Programmation
À l’instauration du protectorat, on utilise un bac à vapeur pour transporter les hommes et les marchandises jusqu’en 1936. Même si, depuis 1913, l’activité du port fluvial connaît un déclin à cause de la construction du port de Casablanca.19 En 2005, il y a une véritable volonté de faire revivre cette zone. Un concours pour l’aménagement de la vallée du Bouregreg est lancé. Aux côtés du cabinet américain Venturi, ou encore le cabinet Jordanien Dar Al Omran dirigé par l’architecte Rasem Badran, le cabinet français Reichen et Robert & associés, remporte le concours. Le plan de l’aménagement de la vallée du Bouregreg est divisé en cinq secteurs: Le secteur 1 est celui de Bab al Bahr, l’estuaire de l’Oued Bouregreg, entre les médinas de Rabat et Salé, en aval du pont Moulay Hassan. On y retrouve une cité des arts, quartier culturel et touristique conçu par le cabinet anglais Foster & Partners. Le secteur 2 du nom de Al Sahat al Kabira ou Amwaj, s’étend entre le pont Mouley Hassan et le pont de l’ONCF. Elle accueillera le grand théâtre de Rabat20 conçu par Zaha Hadid, et une tour de 250 mètres de haut entre autres. Le secteur 3, Kasbat Abi Raqraq, quant à lui s’étend entre le pont de l’ONCF et le pont Mohammed V. Le secteur 4, Sahrij el Oueden se trouve en amont du pont Mohammed V sur la plaine au bas des pentes du plateau d’Akreuch et le secteur 5, Al Mezneh al Kebir s’étend sur le plateau de Shoul. Les deux premières séquences sont en cours de réalisation, quant aux autres séquences, elles sont à un stade d’étude avancé... En mars 2015, le projet reçoit le label UpM21 pour la séquence 3. Celle-ci d’une superficie de 2280 hectares entre Rabat et Salé, est conforme au mandat conféré à l’UpM par la Conférence ministérielle tenue à Strasbourg en novembre 2011. En effet, le projet est porteur de développement urbain durable et respectueux de l’environnement, une inquiétude majeure dans la région de la Méditerranée, tout particulièrement dans les villes côtières. 19 https://fr.wikipedia.org/wiki/Bouregreg 20 Annoncé le 05 novembre 2010 pour 2018 21 Projet d’aménagement de la vallée du Bouregreg, http://ufmsecretariat.org/fr/upfi-bouregreg-valley-development-project/, dernière visite le 15/04/2017
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39. Division par secteurs su la vallée du Bouregreg
Il se caractérise avec une approche intégrée sociale, économique et environnementale garantissant la cohésion du territoire et a aussi comme but de valoriser la ville de Salé, qui subit les principaux risques dus à l’exclusion urbaine. _Intentions et projet Lorsque l’agence a commencé à travailler sur le Bouregreg, ils se sont retrouvés mêlés à plusieurs mouvements. Le premier était le classement au patrimoine mondial de l’UNESCO22 par rapport à la reconnaissance de ce territoire. 23 Le deuxième évènement était la charte royale pour l’environnement qu’a sorti le Maroc à ce moment-là. Cette charte royale a changé la donne puisqu’aux vues de toutes ces questions d’écologie qui n’intéressaient personne il y a quelques années, on se retrouvait avec des directives établies qu’il fallait prendre en compte et qui au fur et à mesure sont devenues normales. « Et donc, nous on a surfé là-dessus, en disant que, ce qui nous intéresse c’est de chercher ce qu’est aujourd’hui, l’écologie de ces territoires, au travers de l’idée que le Maroc pourrait en être à la 3e écologie » explique Reichen dans son interview. Rappelons que le projet de l’aménagement du Bouregreg était le premier projet marocain qu’ils avaient en charge. Ainsi la vision qu’ils avaient pour ce projet-ci se répercutera sur les prochains projets également. Pour Bernard Reichen, la première écologie, se trouve dans l’espace méditerranéen d’origine. Nous partons avec l’idée de l’espace arabo-andalou, avec les médinas, les jardins, les cours d’eau, des villes comme Fès... Le Maroc étant un pays de la ville, non pas un pays du désert, ces questions ont été abordées bien avant. L’écologie des origines ici, est pour lui l’écologie du monde arabo-andalou, prenant Grenade comme exemple. 22 Un ensemble de sites de Rabat a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2012. 23 Interview avec Bernard Reichen faite le 5 avril 2016 à son cabinet parisien par l’auteur. (Voir Annexes)
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La deuxième écologie se définit dans le localisme, l’écologie et le rapport au climat tel qu’ils ont été pensés en 1917. Le localisme dont il parle fait référence au mouvement régionaliste, tel que l’a approché Prost au Maroc ou encore Hebrard en Indochine. « (…) Ces gens, c’est la plus belle invention urbaine de cette époque. Ils ont inventé quelque chose qui s’appelait le localisme et le localisme, c’était le lien établi entre une culture (au sens de culture locale), un climat, et un style. Au début je me suis demandé, qu’est-ce que ça voulait dire, un style, mais c’est tout simple c’est le style Art déco. À l’époque, le style Art déco, à Bruxelles, à Montevideo, est devenu un style universel. » Explique Bernard Reichen en évoquant les quatre Grand Prix de Rome du début du siècle dernier, Henri Prost, Ernest Hebrard, Léon Jaussely et Tony Garnier. Et puis la troisième écologie, il reste encore à l’inventer.
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On est aujourd’hui dans un mouvement environnemental. Nous avons eu la Cop 22 qui est une étape de plus par rapport à la charte royale. On se rend compte que tous les dix ans, nous avons une nouvelle étape, comme l’a été le cas avec la centrale d’énergie solaire à Ouarzazate. Tout d’un coup, le Maroc rentre dans une aire contemporaine au travers de ça. Grâce à l’engouement que cela crée, personne ne voulant être en reste, il devient possible de faire certaines choses qui, avant, n’aurait simplement pas pu être … C’est pour cela qu’il faut en profiter, pour innover, faire des propositions hors des sentiers battus. Ils ont ancré leur travail dans la notion de l’écologie, d’où leur travail sur le thème des écocités qu’ils développent au Maroc comme en France. Ici, les écocités ne sont pas abordées au travers de technologies ou d’énergie. Le terme a été approché au titre de l’espace méditerranéen, en se concentrant sur l’art et la manière de vivre en harmonie avec son milieu naturel.
Pour le moment, il reste, néanmoins, une certaine ambiguïté : Tous les référentiels environnementaux HQE24, LEED25, BREEAM26, etc. sont basés sur l’isolation et sur l’économie d’énergie et c’est parce qu’ils viennent tous des pays du Nord. De telles normes enraient l’évolution des procédés mis en place. Au Maroc, nous sommes dans un cas différent. Nous pouvons traiter le problème de l’humidité éventuellement, mais il n’en reste qu’on est dans un pays où on vit avec les fenêtres ouvertes, on vit avec le milieu naturel. Se pose alors la question de réinventer quelque part une nouvelle écologie du Sud. D’ailleurs, aux 7es Assises européennes du Paysage à Nice27, Bernard Reichen a, justement, participé à une table ronde dont la thématique abordait la question de penser la ville et le territoire méditerranéen dans une relation contemporaine en juste équilibre avec la géographie et l’histoire. Cette relation est d’autant plus complexe à l’heure de la mondialisation, car intrinsèquement reliée à l’identité du paysage, d’une culture ancienne et d’une société. Lorsqu’ils ont commencé à dessiner les premiers plans du projet d’aménagement de la vallée du Bouregreg, cela coïncida avec les préparations au classement du patrimoine UNESCO. Gilles Clément28, paysagiste, se chargeait de l’analyse du paysage. Ils ont vu avec lui les distances de protection et se sont entretenus sur la meilleure façon de s’installer dans un paysage. Ils se retrouvaient devant un travail territorial sur des milliers d’hectares. Leur but n’était pas tant de créer une ville nouvelle que de préparer un territoire à accueillir la ville.
24 La certification « High environmental Quality » est une démarche volontaire pour la construction, la rénovation ou l’exploitation de tous les bâtiments. 25 Le système d’évaluation « Leadership in Energy and Environmental Design » est une certification pour les habitations écologiques et saines. 26 « Building Research Establishment Environmental Assessment Method » , ou « la méthode d’évaluation de la performance environnementale des bâtiments » est le standard de certification bâtiment le plus répandu à travers le monde. 27 Les assises se sont déroulées le 6,7 avril 2016 28 Jardinier, paysagiste, botaniste, entomologue, biologiste et écrivain français. Grand Prix du paysage en 1998, il est connu pour ses concepts tels que le « jardin en mouvement », le « jardin planétaire », ou encore le « Tiers paysage »
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40. Plan général: Les lignes de forces et cônes de vues
Ainsi, ils sont partis de la géographie et non pas de l’histoire pour regarder comment allait s’installer ce paysage. Ils se sont rendu compte que le thème de l’installation était fort présent dans le Bouregreg parce qu’ils partaient avec l’idée que le Chellah29, la tour Hassan30 et les Oudayas31 sont trois installions. Ces installations sont disposées sur le fleuve avec deux objectifs l’un étant de voir, l’autre d’être vu. Ces objets, si on peut dire, sont mis en scène dans le paysage. Puis, d’un autre côté, nous avons les médinas de Salé et de Rabat, ainsi que la ville coloniale de Prost qui a inventé une autre façon de s’associer au paysage en prolongeant les axes des médinas. Pour ce qui est de l’approche de l’agence, ils ont utilisé ce qu’ils appellent « l’inversion du regard ». « L’inversion du regard » est un concept qu’a inventé Bernard Reichen avec Alfred Peter32, paysagiste, lorsqu’ils travaillaient sur le SCOT, Schéma de Cohérence Territoriale, de Montpellier, dont il est l’idée fondatrice. Plutôt que de laisser la ville continuer à s’étaler, dans un étalement désordonné, avalant de manière continue les espaces verts, naturels et agricoles qui la ceinturent, l’idée est d’inverser le regard en se représentant la ceinture verte comme une entité intouchable, inurbanisable. Cette armature, jugée sur des critères de qualité des terroirs, de sa géographie, des continuités écologiques et hydrauliques, participe à un équilibre de villes plus saines. Appréhender, en soi, la ville par la campagne et non plus, de la ville vers la campagne, ce qui crée un rapport nouveau entre ville et nature. 29 Site d’une nécropole mérinide située sur l›emplacement d›une cité antique, à Rabat, à environ 200 m du rempart almohade. Depuis 2012, ce site archéologique est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en tant que bien culturel. 30 Tour emblématique de Rabat, constituant le minaret d’une mosquée du 12e siècle inachevée. Les travaux furent abandonnés après la mort du sultan Yacoub El Mansour, en 1199. Devant atteindre les 60 m, mais n’en faisant que 44,3 m. La mosquée Hassâne devient la tour Hassan. 31 La kasbah des Oudayas, est un ancien camp militaire fortifié situé à Rabat et bâti au 12e siècle. Inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l›UNESCO depuis 2012, on y trouve notamment un des premiers palais bâtis par la dynastie royale actuelle des Alaouites. 32 Créé en 1985 l’atelier Alfred Peter installé à Strasbourg et à Lyon est très engagé dans l’émergence des villes durables. En 2014, Alfred Peter est nommé au Grand Prix de l’Urbanisme.
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« Apprendre à regarder les villes de l’extérieur et non pas depuis le château, depuis le centre, parce qu’historiquement, les villes s’étendent et considèrent la campagne comme leur valeur d’ajustement pour leurs besoins d’extension, or, avec les démarches environnementales actuelles, c’est exactement l’inverse, on considère la nature comme un partenaire de développement urbain à la condition de l’embellir, de l’enrichir et de la protéger. C’est une mécanique de travail autour du thème de la ville paysage ou de la ville territoire … » Explique Reichen. Comme l’avance Alfred Peter, pour qui le concept de l’ « inversion du regard » est un laboratoire sur lequel il travaille depuis la compétition du Grand Paris, il n’est parfois pas aisé de faire de la planification sur une période importante allant de dix à quinze ans. Pariant sur quelque chose qui n’a jamais été fait, ils décidèrent de faire tout autrement, non pas, en dessinant la ville, mais plutôt en dessinant la campagne. Il se réfère fréquemment au travail de Jefferson33 aux États-Unis dans les années 1780. 82
Celui-ci avait quadrillé le pays dans sa totalité en prenant comme référence le thème du mile, soit l’unité correspondant à une habitation pour nourrir une famille. Il a donc quadrillé le pays grâce à un maillage régulier, qu’on peut retrouver, même aujourd’hui, sur les cartes des autoroutes. Ce faisant, nous remarquons, lorsque nous regardons de plus près les damiers de Chicago, de New York, par exemple, que ce n’est pas seulement le damier agricole qui s’est petit à petit densifié. Ce constat marquant permet de mieux comprendre, ce qu’il appelle, « travailler la matière nature ». Cela représente une bonne raison de penser au renouveau du dessin urbain. Comme une revanche aux infrastructures qui façonnèrent les villes pendant plus de trente ans, la nature pourrait redéfinir une forme nouvelle de ville.34
33 Thomas Jefferson, applique la démarche du quadrillage. Il utilise la grille pour diviser le territoire de manière équitable. La trame participe au développement aisé de la ville. 34 Conférence- Débat vers la ville-nature : La Géographie au service du projet de territoire, http://media.strasbourg.eu/alfresco/d/d/workspace/SpacesStore/f4b113df-d86e-423f-9c44a23e2fa6f1f6/confe%CC%81rence%20APeter_CUS_SPPT.pdf, dernière visite le 15/04/2017
41. Quadrillage , ville/nature
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42. SCOT Montpellier, Inversion du regard
_RÉAMÉNAGEMENT DU PORT DE TANGER _Situation La ville de Tanger, capitale de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, est située à l’extrémité du nord-ouest du Maroc sur le détroit de Gibraltar. Elle se trouve à 24 kilomètres de la côte espagnole et est communément connue comme étant une « petite ville monde ». La géographie de la baie, sa topographie ont contribué à ce qu’au fil des siècles une scénographie urbaine se crée, mettant en scène la médina et la bathymétrie du détroit qui ont dicté à leur tour, l’implantation et l’évolution du port.
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43. Vue sur le port de Tanger
44. Situation du projet de réamenagement du port de Tanger
_Contexte historique et programmation Connue comme étant une « petite ville monde », Tanger a sa place bien ancrée dans l’imaginaire mondial. Porte de la méditerranée, porte de l’Afrique, elle a l’avantage d’une situation géographique idéale. En raison de sa position, et de la scénographie qui en découle s’accompagne d’une continuité architecturale. Cette dernière s’est construite d’époque en époque, s’inspirant des influences d’ailleurs et créant l’esprit Tangerois comme on pourrait parler de l’esprit vénitien. Pendant longtemps, cet emplacement stratégique en a fait le premier port marocain pour le trafic des passagers. Ses dessertes régulières reliaient entres différents ports européens, dont : Algésiras, Barcelone, Marseille ou encore Gênes en Italie.
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Le port de Tanger s’est vu retirer la presque totalité du trafic en faveur du nouveau port Tanger Méditerranée, situé à environ 40 km à l’est de la ville. Le transfert s’est fait progressivement entre fin 2008 et fin 2010. Cette situation amène un nouveau cycle économique et urbain, notamment en imposant la reconversion des bassins. La programmation du réaménagement du port de Tanger comprend ainsi, un port intérieur qui est constitué essentiellement de trois darses d’une superficie de six hectares. Il y aura également, un bassin du môle de commerce d’une superficie de huit hectares. Il est limité à l’est par le nouveau môle, au nord de la jetée principale et puis à l’ouest par le port intérieur. Le grand bassin, quant à lui, aura 54 hectares de superficie. Il est limité, au nord, par la jetée brise-lame, et au sud, par la jetée des yachts. La vocation du port est ainsi amenée à changer pour s’adapter à la nouvelle demande, dont la croisière, les navires à grande vitesse, la plaisance et la pêche.35 86 _Intentions et projet La première des règles était, pour l’agence, de redessiner l’eau. Ce principe-là tournait autour de plusieurs idées dont l’une était que tous les systèmes reliés à la pratique de la mer, soit le bassin d’honneur, les grands paquebots, la plaisance, la gare maritime, fabriquaient la vie du port. Ce qui fait que ce n’était plus un port de commerce, qui lui, a été déplacé de toute façon, vers Tanger Med36. Ils appelèrent cela : l’équation port/ville/ port. On remarque que, paradoxalement, les gens, petit à petit, ont été exclus du port. C’est pour cela que le but premier était de restituer le port à la ville, et ce, au travers de toutes les fonctions portuaires, la pêche, la plaisance, les ferrys, etc. 35 Infrastructures portuaires, http://www.anp.org.ma/Services/Porttanger/Pages/Infrastructuresportuaires.aspx, dernière visite le 28/04/2017 36 Le Port Tanger Med est situé dans le nord du Maroc, à 40 km à l›est de Tanger sur le détroit de Gibraltar en Méditerranée.
« Moi j’adore les ports comme à Istanbul où on est dans la ville. Donc les grands paquebots quand ils vont arriver dans Tanger si vous voulez, ça va être un évènement, il y aura le spectacle. » Explique Reichen dans son interview.
45. L’avenue du grand môle
Par la suite, ils travaillèrent sur toutes les séquences environnementales suivies de celles bâties, au travers d’une thématique, qui était entièrement liée à l’analyse des toits de la ville. C’était important de ne pas changer le principe des vues du port, dont la thématique des entrepôts. Ce qui implique que depuis les paresseux37, depuis la médina38, on devait être capable de voir le port. L’idée était de construire quelque chose de nouveau, sans altérer l’esprit de ce dernier. Il fallait également, concevoir un toit, qui soit très graphique, mais pas complètement travaillé à l’image de la médina. Pour l’agence, l’esprit du port se retrouvait dans les entrepôts, et dans cet imaginaire urbain tout autour. Ils basèrent leur travail sur l’appréhension d’une esthétique de la ville, vue de dessus, qu’ils développèrent assez loin.
37 C’est le surnom d’une place sur le boulevard Pasteur, artère principale de la ville moderne de Tanger. 38 La vieille médina de Tanger, la partie la plus ancienne de la ville, se compose de maisons en terrasses aux façades lumineuses. Ce qui vaut à la cité le surnom de « Tanger la blanche »
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46. Les emmergences
46.Typologie
La deuxième idée fut la proposition d’un téléphérique et la création d’une station au pied de la Casbah39. Le site sur lequel se faisait le projet se caractérise par des falaises rudes et sombres. En plus de prendre cela en considération, il fallait également, d’une part, que le téléphérique passe dans cette falaise sans qu’on le voie vraiment et d’autre part, il ne fallait pas qu’il passe au-dessus de la médina. Une autre station se trouvait à côté de l’arc maritime. De là, on traversait le port et comme on se trouverait loin de la médina, cela aurait été possible de monter. Ainsi, on aurait pu monter jusqu’à 50 m pour laisser passer les grands bateaux. À ce moment-là, on aurait vue sur la mer, sur l’Espagne et sur la médina, avant de pénétrer dans la médina… Les gens auraient été ravis, ils seraient descendus vers la médina et remontés par le téléphérique. Ensuite, on traverse le port, et on arrive à la troisième station, qui se situe sur l’ancienne gare du port. Plus loin se trouve la gare Centrale où il y a le TGV et les transports en commun. L’agence a fait très attention en étudiant le parcours le plus subtil, le plus invisible possible, qui arrive sous la place des paresseux. Là, on se retrouve en plein milieu des quartiers des années 30 et de toute la ville internationale. De ce fait, nous nous retrouvons, tout à tour, dans la ville art déco, dans la ville portuaire, la ville des grands paquebots et puis, dans la ville de la casbah. L’idée finalement était de reconnecter et de fabriquer un lien social grâce à ce petit transport. Ça aurait été un transport collectif qui aurait permis de relier ces trois parties. Cela aurait pu intéresser les jeunes, les touristes qui auraient payé un peu plus que les autres, etc. Il aurait été un prolongement naturel des déplacements piétonniers entre le port et la ville haute en plus d’être également un moyen unique de découverte de l’espace du port de la ville et de la baie, un peu dans l’idée du téléphérique historique du port de Barcelone.
39 Avec des remparts datant du 13e siècle, la Casbah a été construite sur les plus hauts terrains de la ville de Tanger, au-dessus de la médina.
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48. L’emplacement des stations du téléphérique
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49. Le tracé du téléphérique
Concrètement, en quelques minutes approximativement 2 000 personnes à l’heure auraient pu faire le déplacement en toute sécurité de la Casbah à la place des paresseux par la porte nord du port et l’ancienne gare. La thématique de la mobilité reste un point important dans le développement de l’agence. Pour B. Reichen, les invariants modernes sur lesquels se base un projet, ne sont pas exactement pareils que ceux de la ville ancienne. Aujourd’hui, on travaille avec des logiques de flux. Il se dit fidèle à une approche basée sur des liens et des lieux, affiliée à des ponctuations sur lesquelles ils interviendraient vraiment, pour s’occuper par la suite de connexions bien faites, comme dans une sorte de constellation urbaine à grande échelle. Les liens représentent tous les nouveaux systèmes de transports, la question de la mobilité dans la ville, et les lieux représente des articulations urbaines particulières qui vont rythmer la ville. Leurs programmes vont tous dans le même sens, notamment pour le projet « réinventer paris ». Pour le moment, tout le projet de l’aménagement du port de Tanger est remis en cause. L’agence travaillait avec Abdelouafi Laftit, le wali40 de Rabat, mais la donne a changé, lorsque le projet a été vendu aux Émiratis, qui veulent en faire un projet mondialisé. « La partie maritime a été faite, mais les bâtiments dessus, on n’en sait rien. Vous savez, les cultures, les cultures urbaines, la culture mondialisée qui reprennent les mêmes modèles partout ce n’est pas vraiment ma façon de travailler donc… » Ce qui ouvre la parenthèse de la mondialisation et de comment l’agence gère cela. Nous sommes pour la plupart sur des projets marocains dont l’objectif majeur repose sur une volonté d’attractivité, d’ouverture et de mondialisation.
40 Gouverneur au sein du ministère de l’Intérieur est un haut fonctionnaire qui peut notamment représenter le pouvoir central au niveau d’une région (collectivités territoriales) du pays, en tant que gouverneur d’une wilaya (circonscription déconcentrée)
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Sur le Bouregreg à Rabat, la séquence 2 aussi a été vendue à Wayssal Capital. Le souverain a annoncé qu’il y aurait une tour de 250 mètres en plus du théâtre de Zaha Hadid. Ce qui fait qu’ils ne sont plus, maintenant, concernés par cette partie du projet, non plus. Cette ville mondialisée, elle peut avoir plusieurs caractères. Après tout, la place financière de Anfa à Casablanca, est une ville mondialisée avec ses 15 tours... Ce qu’ils font, c’est de prendre la mondialisation comme une donnée. Elle existe en termes de bâtiments, de fonctions, et puis d’un autre côté, on la retrouve également en termes d’attractivité des endroits. La question environnementale fait partie de l’attractivité contemporaine des villes, tout comme la mobilité. En termes de mobilité, ce qui fait une grande capitale contemporaine pour B. Reichen est la possibilité de maîtriser le temps quotidien. Avec les tramways, les transports en commun, on peut déterminer l’heure exacte de départ et d’arrivée. 92
En France, 56 min sont consacrées aux transports chaque jour, que l’on répartit, selon les besoins de chacun. Pour les villes marocaines notamment Casablanca, c’est tout le contraire, on ne maîtrise pas le temps quotidien, ou alors pour se faire, cela prend un temps incroyable, puisqu’il faut ménager une marge de précaution partout. La mobilité maîtrisée fait partie de la modernisation et de la mondialisation. À partir de là, la mondialisation n’est plus perçue comme un phénomène négatif. Les pays se modernisent chacun à leur manière et à leur rythme, mais ce qui est sûr, c’est que ce phénomène diffère complètement de ce qu’a été la mondialisation préliminaire, précoce, celle du mouvement moderne des années 60. Elle a aidé à engendrer un urbanisme, dans lequel l’espace a changé plus vite que la société elle-même. Aujourd’hui, nous sommes dans le cycle inverse, celui où la société change plus vite que l’espace et c’est ce que B Reichen appelle : le temps des villes.
Au-delà du fait d’avoir les mêmes magasins partout, les mêmes marques, on voit aussi beaucoup d’innovation, d’inventions, comme en Angleterre, Copenhague, ou encore le concours « réinventer Paris », et ces innovations vont être associé à la société numérique. Comme nous ne savons pas ce que cette équation-ci va donner, l’idéal donc, est de concevoir l’espace afin qu’il puisse accueillir ces transformations. « Donc moi, je suis quand même prudent, sur la ville de demain, on prépare une ville accueillante d’innovations, une ville environnementale, facile à pratiquer, etc., mais ce qui va se passer réellement, je ne sais pas vraiment. Ça reste ouvert, disons qu’on est dans la jeunesse du monde numérique, on saura après… C’est la génération numérique qui va devoir traiter ces questions, elle va devoir traiter le problème numérique de façon fondamentale. »41
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41 Interview avec Bernard Reichen faite le 5 avril 2016 à son cabinet parisien par l’auteur. (Voir Annexes)
_ÉLÉMENTS DE SYNTHÈSE Tout projet représente un ensemble d’éléments liés entre eux, mixés, additionnés. C’est ce qui fait de l’entreprise du projet architectural ou urbain, une forme d’équation changeante, un algorithme complexe en évolution constante. Ces éléments peuvent être défini en tant que variant, mais ce sont surtout les invariants, ces lignes de force, qui structurent et systématisent l’équation donnée. S’il suffisait à l’urbaniste, avant, de dessiner le plan qui était directement mis en œuvre, on conçoit aujourd’hui autour d’hypothèses, inconnues pour certaines. Commence alors le travail par projection sur base d’un nombre d’invariants et d’hypothèses pour le futur en devenir. Les projets analysés se sont bâtis sur certaines thématiques développées au fil des ans par Bernard Reichen. Ces thèmes régulent la pensée et le concept de ses projets que, d’ailleurs, nous pouvons retrouver dans son discours. 94
S’ajoute à cela des notions reprises et retravaillées, adaptées selon les conditions du projet et qui, en fin de compte, crée un fil conducteur, un rais onnement logique qui guide sa conception du projet. Sans être pareils, ses projets ont certaines choses en commun. Comme le dit Bernard Reichen lui-même : « Je suis partisan des logiques systémiques, c’est-à-dire que pour qu’un système survive, il faut inscrire, dans sa conception, ses principes de correction. Donc, en fait, on est plus sensible aux fondements, aux invariants, qu’à ce qui se passera après. C’est chaque période de l’histoire qui va dire comment cela va évoluer, on ne peut pas avoir la prétention, chaque fois qu’on a décidé une ville, de dire : c’est cette ville-là qu’on veut. Ça s’est plutôt mal passé d’ailleurs… On a vu un ensemble devilles modernes, on a vu des villes idéales… Trente ans après ça ne marche plus. L’espace méditerranéen est un espace d’adjonctions, d’hypothèses qui se réinventent, donc il faut revenir à un dispositif plus modeste. Mais par contre, il faut que les fondements soient clairs. »1 1 Interview avec Bernard Reichen faite le 05 avril 2016 à son cabinet parisien par l’auteur. (Voir Annexes)
Ces invariants dans l’équation des projets étudiés peuvent être définis. À ces thématiques se greffent les outils adéquats mis en œuvre, afin de répondre aux besoins et objectifs du projet. On retrouvera parfois une thématique précise dans plusieurs projets, mais travaillée avec des outils et une méthodologie autres. Des projets analysés, nous relèverons les principales approches théorisées. À la fin, nous nous retrouverons avec un ensemble, non exhaustif, des idées propres à l’architecte et les moyens proposés, grâce auxquels il les met en œuvre.
_La dynamique Mikado
Dans son interview pour le livre « Reichen et Robert », Bernard Reichen admet que le changement de commande a profité à faire mûrir leur regard en gardant les mêmes modes de pensée, passant de l’architecture à l’urbanisme, de l’ancien au neuf. Dans ce monde en mouvement constant, il est intéressant de se voir appliquer les leçons, tirées de l’expérience de l’architecture industrielle du XIXe siècle, à des problématiques nouvelles. La rupture créée, entre forme et fonction, les a amenés au thème de « l’instabilité programmatique », qui est l’un des chapitres du développement durable devenu priorité. Cela faisant, afin de s’y retrouver dans ce thème de programmation instable, il est nécessaire de préciser les « invariants » du projet qui ponctuent la mesure. Il qualifie cette attitude de « dynamique du mikado ». Par rapport à un territoire donné, des lignes de force sont superposées les unes aux autres dans un équilibre de circonstance. Cela implique qu’agir sur certaines d’entre elles sans détruire l’équilibre général est l’unique façon de garantir la « continuité du récit urbain ». Il rappelle que si cette démarche est claire pour la ville historique, il faudrait
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maintenant l’inventer pour la ville contemporaine2. Cette continuité du récit urbain revient à faire monter en surface des éléments, si imbriqués, mêlés inextricablement au territoire, dans son sol et son histoire, qu’ils en deviennent invisibles. Leur démarche s’appuie sur l’observation et le déchiffrage de ces quelques lignes, traces tenues. En tenir le bout contribuerait à tisser, autour d’un site ou d’un bâtiment, les prémices de la continuité de son histoire urbaine.
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50. La dynamique Mikado, réinterprétation par Kenza Haimeur
2 Reichen Bernard, Robert Philippe : Reichen & Robert, projets récents 1993-2002, Le Moniteur, 2002, 176 p.
_ Le récit urbain Le récit urbain est un élément clé dans la méthode de travail de Bernard Reichen. Le récit, comme nous l’avons vu, est un processus ouvert, global où peuvent s’endiguer plusieurs autres récits. Pour lui, le récit a cette capacité de lier des choses éclatées et complexes tout en instaurant un système de dialogue ouvert. Ce qu’il appelle, la séquence thématico spatiale crée le lien entre l’histoire, la modernisation et l’urbanité. Se faisant, elle permet le passage d’une logique d’héritage, qui se traduit par un diagnostic critique, à une vision fédératrice du futur. Ce système reste ouvert aux adaptations et aux ajustements, puisqu’il est inscrit dans la course du temps. Comme exemple, le cas de l’architecture industrielle dont la logique du récit s’inscrit dans le processus de ne pas forcément chercher à « finir l’histoire ». Le patrimoine industriel laisse la porte ouverte à l’appropriation sans oublier, bien évidemment la valorisation du dialogue entre les matériaux, les styles d’architecture et les époques. Les cartographies thématiques ou actives, quant à elles, aident à concevoir une situation en se basant sur différents profils toujours changeants qui permettent de favoriser un débat aboutissant sur l’émergence et les confrontations de plusieurs points de vue. « La cartographie thématique permet de parler de tout sans être dans une logique linéaire. C’est une façon de structurer le débat. Ça part d’une bonne connaissance du site et du territoire, ce qui n’est pas une analyse exhaustive ; j’aime bien partir d’informations brutes et du vécu, c’est-à-dire de ce que disent les gens. Je n’aime pas les analyses sentencieuses dans lesquelles l’urbanisme s’épuise.»3 Les récits, donc, s’assemblent et s’ajustent. Bernard Reichen explique que son récit découle toujours d’autres récits. S’il vise à intégrer les récits passés, il tend également à dépasser ses prédécesseurs. Toutefois, tous ces acteurs arrivent à s’identifier au récit d’un projet global puisqu’ils y trouvent le leur dedans. 3 Jean-Yves Toussaint, Concevoir pour l’existant : D’autres commandes, d’autres pratiques, d’autres métiers, Broché, 16 novembre 2006.
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51. Le récit urbain, réinterprétation par Kenza Haimeur
Nous avons donc un grand récit global, fait à partir de méta-récits, strates narratives, qui constitue la pierre angulaire de sa méthode d’intervention. L’imaginaire est mêlé au réel, générant le débat autour de scénarios d’évolution future, laissant lisible chaque période d’une histoire. Paul Ricœur définit la tension qui relie le temps au récit par « cercle herméneutique ». Pour lui, la narration est une composante des médiations symboliques d’un projet. Il conçoit aussi que tout processus de temporalité « requiert la médiation du discours indirect de la narration ». 4 Entre introjection et projection, le rythme du récit s’approprie à celui du projet où s’entrelacent imaginaire et réel afin de mieux confronter l’avenir, le passé et le présent. En combinant ces possibles en commun, le récit place l’audience dans une « quasi-réalité », qui se partage la représentation du réel. S’ajoute à cela, la part, non négligeable, du débat qui permet l’évolution et la cohérence du récit. _Le temps des villes L’urgence, le moyen et le long terme: sont des mots qui reviennent souvent chez Bernard Reichen. Selon lui, nous vivons dans une « civilisation du prétexte ». Aujourd’hui, l’initiative urbaine part, la plupart du temps, d’une volonté de modernisation, d’une urgence ou d’un évènement. L’action en elle-même se retrouve contextualisée par des logiques nouvelles. Nous rentrons dans un cycle de réurbanisation du territoire dont sont témoin toutes grandes villes métropolitaines devant les instances politiques. Rajoutons à cela, les inégalités discontinues, la fragmentation et la complexité des facteurs physiques et temporels, nous nous rapprochons d’une nouvelle façon d’appréhender le métier d’urbano-architecte, ainsi que la commande urbaine.
4 Ricœur Paul, Temps et récit III, «Le temps raconté», 1985, Paris, Seuil, Points, 1985, p.349.
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« Dans les années 1950,1960 et 1970, l’espace a changé plus vite que la société. Aujourd’hui, c’est le contraire, c’est la société qui change plus vite que l’espace, observe Bernard Reichen, la vision urbaine doit composer avec la mobilité et la virtualité. » 5 6 Après les trente glorieuses, alliées de la « surplanication », puis les trente « peu glorieuses » qui s’en suivirent, comme aime à les appeler B. Reichen, celles du temps de l’étalement urbain, le mouvement moderne a généré un urbanisme qui reflète la société industrielle comme on se le concevait à l’époque, « l’urbanisme du plein emploi ». Nous nous retrouvons maintenant dans une logique de système qui, afin qu’il soit efficient, doit porter au sein de ses concepts, ses principes correctifs.
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Si la donne a changé et qu’aujourd’hui dans un dérèglement, la société évolue différemment, indépendamment du lieu où elle se trouve, cette dernière, loin de partager l’idéal d’un projet commun engoncé par l’écologie et le développement durable, se perd entre deux aspirations contraires, celle de la recherche du bien-être, héritage d’une société fortement individualisée et entre une peur collective commune. 7 Dans son livre, le sacre du présent8, Zaki Laidi illustre bien cette constatation lorsqu’il dit qu’on est passé d’une société de projet commun à une société de risque partagé. Réglementer encore plus à partir du risque en prônant le principe de précaution n’est pas une solution tolérable. Le projet doit toujours précéder la norme sinon nous allons à la mort de l’urbanisme.
5 Ariella Masboungi, Grand Prix de l’urbanisme 2002: Bruno Fortier et cinq grandes figures de l’urbanisme, 65 p., Éditions Parenthèses, 2003. 6 La Biennale d’architecture de Venise accueille les écrivains, http://www.lesechos. fr/23/10/2008/LesEchos/20285-134-ECH_la-biennale-d-architecture-de-venise-accueille-lesecrivains.htm#x8rBuW8ok2lgfkp9.99, dernière visite le 28/04/2017 7 Le grenelle de l’environnement au pied du mur : Aménager et construire, à quel prix ?, file:///C:/Users/user/Downloads/Compte+rendu+des+Rencontres+2008+du+Conseil+National+de+la+Construction+.pdf, dernière visite le 28/04/2017 8 Zaki Laïdi, Le Sacre du présent, Flammarion, 9 octobre 2002, 278 p.
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52. Le temps des villes, réinterprétation par Kenza Haimeur
_Des liens et des lieux Pour Bernard Reichen, l’urbaniste ne fait pas la ville, la ville représente un urbanisme qui a réussi en passant par beaucoup d’ajustements. Cet urbanisme s’appuie sur des idées claires propres à chaque projet, chaque intervenant, et qu’on doit prendre en considération pour arriver à une proposition homogène inscrite dans la continuité urbaine de la ville. Pour ce qui est de sa méthode de travail, tout repose sur une logique de flux, des liens et des lieux.
Le mantra de l’agence pourrait se résumer à cela, le travail sur le lieu et sur la connexion puisque c’est autour de cela qu’ils viennent définir les invariants d’un projet. Est-ce que cela représente l’avenir des villes contemporaines ? En tout cas, il l’est pour l’agence.
102 53. Des liens et des lieux, réinterprétation par Kenza Haimeur
Il nous parle aussi des échelles d’interventions et des portées du projet. Il confie que le projet de Foster, Anfa-place à Casablanca, représente une bonne échelle d’intervention par exemple. « Selon mon credo professionnel, il faut toujours être capable de faire la navette entre la grande échelle et la petite, entre la planification trop abstraite et à long terme pour l’établissement d’une vision globale pour la ville entière, et les projets concrets réels à réaliser.Il faut alimenter la vision globale par un put bottom up et garantir que le développement d’une vision globale, de manière top down, se réalise sur le terrain. » B. Reichen revient sur ce qu’a dit Kristiaan Borret, bouwmeester de Bruxelles lors d’une conférence qu’ils avaient faite ensemble 9. 9 Réinventer Paris, innover dans la commande urbaine ? Les actes de la conférence-débat du jeudi 10 mars 2016.
Il trouvait l’idée intéressante de dire que : l’urbanisme d’aujourd’hui se joue entre la petite et la grande échelle. Il part du principe qu’il faut toujours regarder ce qui se passe et faire attention à comment ces éléments s’insèrent dans une dynamique plus large. _L’inversion du regard « L’inversion du regard » est, comme nous l’avons vu, un outil très souvent utilisé par rapport à la ville-territoire. Cet outil a été utilisé pour le projet de Montpellier, comme celui de Rabat tout en s’adaptant au contexte.
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Enclavement du regard Voir de l’intérieur
Porosité du regard Inversion du regard
54. Schéma : inversion du regard, réinterprétation par Kenza Haimeur
_La ville-territoire La notion des enjeux de la « ville territoire » qu’a introduite Bernard Reichen dans son appréhension du projet englobe la plupart de ses percepts urbains. L’histoire de l’agence est passée du thème de la reconversion au thème de la mutation comme nous l’avons mentionné. Site Bernard Reichen se tourne vers les principes de pensée dPaul Ricœur et relie la question du récit ou de la ville territoire à ce que le philosophe appelle « la mise en intrigue »
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Il constate qu’il y a une évolution qui est en train de se faire. Elle déplace la notion de contexte, puisque ce dernier n’est plus représenté dans notre Histoire Projet histoire urbaine sous la somme d’un contexte géographique, un contexte physique et un contexte humain, mais représente aujourd’hui, une sorte de triangle qui regroupe un site, une situation et un projet. CONTEXTE Ces trois éléments sont indépendants l’un de l’autre reliés simplement par l’équation de contexte qui s’installe. Cette donnée-là nous la devons à une des conséquences de la virtualisation et de la mondialisation, en d’autres termes, au temps de l’immédiateté dans lequel nous sommes rentrés. 10 Contexte géographique + Contexte physique + Contexte humain
CONTEXTE 10 Conférence Chaillot : Conférence à la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris, Renouveler la ville par le territoire, publiée le 15/11/2011, https://webtv.citechaillot.fr/video/23-renouveler-ville-territoire, dernière visite le 03/08/2016
Site
Histoire
Projet
CONTEXTE 55. Schéma proposé pour la notion de contexte, réinterprétation par Kenza Haimeur
Ils se sont adaptés aux circonstances et pratiques au fil des changements et des mutations. Trois éléments ontContexte conditionné leur appréhension de la ville géographique territoire. + Premièrement, nous avons le développement durable au moment où ils Contexte sont passés de la reconversion au réemploi puis, en deuxième point, la physique question de la mobilité où le tramway n’était plus instrument de la mobilité, mais relevait du projet urbain, puis enfin + la mutation des esprits avec l’avènement de l’époque numérique révolutionnaire et où la société change plus Contexte rapidement que l’espace. 11 humain Quatre thèmes génériques reviennent dans la vision globale dans la façon de faire de la ville : la mobilité, la nature, l’histoire et la ville active. CONTEXTE La mobilité, parce que la ville de la distance se superpose aujourd’hui dans le quotidien à la ville de la proximité. En nous basant sur les nouvelles modalités de transports et une restructuration de l’espace urbain, nous pourrions arriver à relier et connecter des quartiers qui s’ignorent. La nature parce qu’en ce qui concerne la ville territoire, il n’est plus possible de délimiter l’urbain. C’est une façon de redéfinir les limites et le rapport entre la ville et la nature. 11 Compte rendu, http://www.bordeaux-euratlantique.fr/assets/compte-rendu-1er-avril.pdf, dernière visite le 15/08/2016
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56. La ville-territoire, réinterprétation par Kenza Haimeur
La valorisation de la ville existante dépend du respect de la nature comme patrimoine en devenir et l’organiser par le projet, mais également par l’établissement d’un rapport durable entre nature et culture. L’histoire, parce qu’aujourd’hui, on a souvent tendance à considérer la ville historique en tant que forteresse assiégée et de ne pas se focaliser assez sur l’urbanisation de la ville existante contemporaine. Les friches urbaines sont une réalité et par le projet il faudra envisager une théorie de la démolition sélective à même de répondre à une logique de patrimonialisation efficiente. Et enfin, la ville active représente la dimension sociale et programmatique indispensable du projet. Parce qu’il faut penser les fonctions et les usages comme créateurs d’espaces urbains, ouverts à une programmatique future.1 C’est à Montpellier, sur leur projet du SCOT que l’agence a développé pour la première fois cette thématique de ville territoire. Ils y avaient appliqué une équation qui reliait mobilité, densité et mode de vie. S’en suivirent d’autres projets en Chine, au Maroc, en Belgique, etc. Ces projets proposent les bases d’un urbanisme territorial qui peut tenir compte, sur de très grandes échelles, les composantes du développement durable. 107
1 Jean-Yves Toussaint, Concevoir pour l’existant : D’autres commandes, d’autres pratiques, d’autres métiers, Broché, 16 novembre 2006.
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CONCLUSION
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Nous avons vu, au travers de notre analyse, le récit urbanistique de Reichen et Robert & associés, et ainsi, les lignes directrices de la pensée des architectes pour leurs projets urbains marocains. Le but de ce mémoire n’est pas tant d’évaluer que d’en souligner l’apport. Connaître les intentions d’un acteur dont le nom, souvent, se perd dans le conglomérat de noms des agences urbaines, des ministères et des investisseurs sur les plaquettes commerciales. Ici, l’idée n’est pas de prétendre avancer que tel récit urbanistique est meilleur qu’un autre. Idéalement, tous devraient se compléter dans leur superposition et continuité afin d’éviter un ensemble d’isolats1 qui ne communiqueraient pas entre eux. Au-delà des récits urbanistiques proposés, par des architectes étrangers comme marocains, la ville s’arrangera pour raconter son récit propre. Ce récit urbain, construit au travers du témoignage des habitants, prendra forme aux vues du devenir des projets dans l’avenir, et comment il se conciliera avec les modes de vie et la culture du pays. 110
Sur un autre niveau, le récit urbanistique de Reichen et Robert s’inscrit en grande partie dans la notion environnementale, du fait de la politique de la ville et d’autres considérations d’attractivité, mais aussi de leur histoire personnelle et de l’évolution de la pratique de l’agence. Ainsi, l’équation qu’ils proposent se base principalement sur les problématiques écologiques. Reichen et Robert se retrouvent liés, d’une part, à une continuité du méta-récit des urbanistes de l’époque du protectorat qui leur est chère, mais également, du fait de leur aspiration environnementale, ils rentrent malgré eux dans un méta-récit plus global, international. Aujourd’hui, on peut facilement avancer que le développement durable est un méta-récit en lui-même. S’il est intrinsèquement dépendant du territoire et du climat, ce récit est conditionné par des normes qui font que les solutions proposées aux problèmes environnementaux sont souvent les mêmes (l’ensoleillement, la ventilation, etc.).
1 Langue qui n’a pas de rapport génétique avec les langues voisines et terme employé par Jacques Lucan pour identifier les grands îlots autarciques.
La marge d’action se réduit afin de répondre favorablement aux problématiques du développement durable, au risque de se retrouver avec un paysage aux formes homogénéisées et répétitives. Dans la dernière partie de son ouvrage « Où va la ville aujourd’hui ?»2, Jacques Lucan fait remarquer, que le devenir des formes urbaines de la ville, dans ce contexte de développement durable avec tout ce que cela implique : optimisation énergétique, mutabilité fonctionnelle; pourraient déboucher sur un paysage urbain qui serait le même. Nous aboutissons sur un projet où le consultant, en termes énergétiques, a le dernier mot. Cette question nous amène à la notion plus large de ville générique, de mondialisation et de l’apport d’architectes étrangers ou d’archi-stars. . Le Maroc est un pays soumis au protectionnisme. Ce qui implique qu’un architecte étranger ne peut faire un projet sans collaborer avec des architectes locaux. Avec leur filiale Reichen et Robert & associés sur place et leurs collaborations, peut-on dire que c’est une façon nouvelle de faire du localisme, une sorte de localisme revisité ? Les projets se succèdent avec la contribution d’architectes étrangers dont Yves Lion, François Leclercq, Norman Foster et Zaha Hadid. Au-delà de ces notions, architectes marocains comme étrangers doivent prendre en considération le tissu constructeur de la ville marocaine d’aujourd’hui. La préoccupation qui demeure est de savoir, à l’ère de la mondialisation qui est la nôtre, si chaque trait qui constitue le plan des villes et contribue au façonnage de son paysage permet également de prétendre à une identité propre du territoire. En tant qu’architecte marocaine, cette question est d’autant plus pertinente et fondamentale.
2 LUCAN, Jacques, Où va la ville aujourd’hui ?: formes urbaines et mixités, 195 p., Editions de La Villette, 2012.
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57. Traits urbains pour le dessin du paysage, réinterprétation par Kenza Haimeur
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ANNEXES
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_INTERVIEW BERNARD REICHEN
Retranscription de l’interview faite le 05/04/2016 par l’auteur. Les débuts
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Quand on a commencé sur le Bouregreg, on s’est trouvé devant un travail territorial, et ce travail territorial sur des milliers d’hectares. Moi j’avais dit : « Le but ce n’est pas de créer une ville nouvelle, c’est de préparer un territoire à accueillir de la ville. » Donc, c’est de partir de la géographie et non pas de l’histoire pour regarder comment on va s’installer dans ce paysage. Le thème de l’installation était extrêmement fort dans le Bouregreg parce qu’on considère que le Chellah, la Tour Hassan, et les Ouadayas sont trois installations. C’est-à-dire, que c’est quelque chose qui est installée sur le fleuve avec deux objectifs, l’un c’est de voir, l’autre c’est d’être vu. Vous avez des objets qui sont mis en scène dans le paysage. Après on a les médinas de Salé et de Rabat et puis après on a la ville coloniale de 1917, la ville de Prost, qui a inventé une autre façon de s’associer au paysage et qui a eu la qualité de prolonger les axes des médinas. Alors, vous savez maintenant, il y a une reconnaissance de la ville Art Déco, à Casablanca, à Rabat, et cette reconnaissance est aussi associée au classement au patrimoine mondial de l’UNESCO de Rabat. Quand on a dessiné ça, c’était au moment où se préparait le classement et c’était Gilles Clément le paysagiste qui été chargé de l’analyse du paysage. Donc on a discuté avec lui, des distances de protection et de la façon, encore une fois, de s’installer dans un paysage. Quand on avait fait le schéma de cohérence territoriale de Montpellier, on avait appelé ça, l’inversion du regard, c’est-à-dire, apprendre à regarder les villes de l’extérieur et non pas depuis le château, depuis le centre. Parce que, historiquement, les villes s’étendent et considèrent la campagne comme leur valeur d’ajustement pour les besoins d’extension. Or avec les démarches environnementales actuelles c’est exactement l’inverse, on considère la nature comme un partenaire de développement urbain à la condition de l’embellir, de l’enrichir et de la protéger.
La ville coloniale L’autre sujet, c’est que quand on parle de villes coloniales, on ne dit pas comment elle est faite, cette ville coloniale, donc a plutôt tendance à donner un caractère un peu péjoratif au mot colonial. Sauf que dans la ville coloniale, il y a plusieurs étapes et que l’étape de 1915-1917, c’est une étape extraordinaire parce que c’est une réinvention de l’urbanisme, c’est un laboratoire urbain, et les villes comme Hanoi, Montevideo, Casablanca sont devenues des villes universelles grâce à cette époque. Au-delà de la question coloniale à cette époque, si vous lisez le livre de Cohen : Outre-mer. On a aussi l’histoire d’Ecochard à Dakar ou de Hebrard à Hanoi, Thessalonique, etc… Donc vous constatez qu’en 1917, Prost, sort le plan de Casablanca, et les premiers plans du Maroc, Hebrard dirige la commission de reconstruction de Thessalonique, en Grèce, après le grand incendie de 1917, et ensuite, il va réaliser toutes les villes d’Asie, et donc quand vous regardez ce que disaient ces gens, ils étaient quatre urbanistes, et ces quatre urbanistes, ils se sont retrouvés à Rome, au début du siècle, ils ont été les premiers prix de Rome du 20ème siècle. C’était Hebrard, qui a construit toute l’Asie, Hanoi, etc.. Et qui a commencé à Thessalonique. C’était Prost qui a suivi Lyautey au Maroc, c’était Jaussely qui a réalisé le plan de Paris, c’était Tony Garnier qui est devenu le théoricien de la ville industrielle. Et ces gens, c’est la plus belle invention urbaine de cette époque, et ils ont inventé quelque chose qui s’appelait le localisme et le localisme, c’était le lien établi entre une culture (au sens culture locale), un climat, et un style. Au début je me suis demandé, qu’est-ce que ça voulait dire, un style, mais c’est tout simple c’est le style art déco. A l’époque, le style Art déco, à Bruxelles, à Montevideo, est devenu un style universel. Il y a maintenant le recensement international des villes art déco et c’est sûr que Rabat et Casablanca, sont parmi les plus belles villes art déco du monde. Si vous voulez, c’est tout un mouvement universaliste, qui fait que le Maroc s’est trouvé dans cette étape. Après quand on discute du mouvement après la guerre, du mouvement moderne d’Ecochard, là y a beaucoup plus à dire, parce que tout à coup on est rentré dans le monde de la voiture, on a abandonné beaucoup de choses et donc
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entre Prost et Ecochard il y a une rupture très profonde, qui n’a pas de rapport avec la colonie, mais un rapport avec l’urbanisme. Projet de l’aménagement de la vallée du Bouregreg
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Quand on a nous commencé, c’est au moment où il y a eu, si vous voulez sur cette vallée du Bouregreg, il y a eu plusieurs mouvements. Le premier mouvement c’était le classement au patrimoine mondial de l’UNESCO, dans la reconnaissance de ce territoire, et le deuxième évènement, c’était le fait que le Maroc ait sorti une charte royale pour l’environnement. Ça veut dire, qu’il y a une charte royale qui a été établie sur les questions de l’environnement qui fait que toutes ces questions d’écologie qui n’intéressaient avant personne quand on est arrivé, 3 ou 4 ans après c’est devenu quelque chose de normal. Et donc, nous on a surfé là-dessus, en disant, ce qui nous intéresse c’est de chercher qu’est-ce que c’est, aujourd’hui, l’écologie de ces territoires, au travers de l’idée que le Maroc pourrait en être à la 3ème écologie. La première écologie, c’est l’espace méditerranéen d’origine, c’est-à-dire, l’espace arabo-andalou, avec les médinas, avec les jardins, avec les cours d’eau, avec Fès. Disons que le Maroc c’est un pays de la ville, ce n’est pas un pays du désert, c’est un pays de la ville. Bon, il y a eu une écologie des origines, qui est l’écologie du monde arabo-andalou, c’est Grenade, … Ensuite la deuxième, c’est le localisme, donc l’écologie et le rapport au climat tel qu’il a été pensé en 1917, et puis le troisième, il faut l’inventer maintenant. C’est le mouvement environnemental, et là vous avez bien vu que la cop 22 à Marrakech agite les esprits et tout d’un coup, tout le monde veut être dans le coup, donc… Maintenant, dès qu’il y a un évènement de ce genre, il y a une espèce d’engouement donc il faut en profiter parce que c’est une étape de plus, la cop 22, par rapport à la charte royale. Tous les dix ans, il y a une étape qui arrive, comme il y a eu la centrale d’énergie solaire à Ouarzazate, tout d’un coup le Maroc rentre dans une aire contemporaine au travers de ça. Et donc, c’est pour ça que mon travail, nous sur le thème des éco cités. Eco cités, on n’a pas pris le terme au travers de technologie ou d’énergie, on l’a pris au titre de l’espace méditerranéen, c’est-à-dire, l’art et la manière de vivre en harmonie avec son milieu naturel. Et donc, pour le moment, il y a une petite ambiguïté, c’est que tous les référentiels environnementaux HQE, LEED,
BREEAM, etc… sont basés sur l’isolation et sur l’économie d’énergie, et pourquoi ils sont basés là-dessus ? parce que ils viennent tous des pays du nord. Donc moi mes origines sont suisses, si vous ne vous protégez de votre milieu… Au Maroc c’est différent, on peut traiter du problème de l’humidité éventuellement mais on vit avec les fenêtres ouvertes, on vit avec le milieu naturel. Donc, en fait, le problème, c’est de réinventer quelque part une nouvelle écologie du Sud. Zenata, éco-cité Ssur Zenata, on a fabriqué une chaine de décisions, dans lesquelles on a déjà le thème que c’est la nature qui est au cœur de la ville. L’idée c’est de revenir au climat, revenir à un certain nombre, non pas de traditions mais de pratiques culturelles. Et donc sur Zenata par exemple, on a remarqué plusieurs choses, d’abord, le moins cher à faire, c’est de garantir la qualité de l’espace public, donc on a fait les analyses de vent et on a installé dans le projet, on associait l’hydrologie et le vent pour fabriquer des sortes de stries vertes qui s’appelle une trame aéraulique, c’est des jardins de 20 mètres de large, qui parcourent le site, et dans lesquelles on a comme objectif de diminuer la température d’été de 3 degrés par la végétation et par le vent. Donc ça c’est les alysées. En été, ils sont tous dans la même direction, en hiver, ils viennent d’autres directions, donc on prend les vents d’été mais on ne prend pas les vents d’hiver. On a cette trame aéraulique (Eco système, low cost, travailler avec la géographie du milieu, l’architecture des milieux). Après, on a fabriqué des grands ilots de 25 hectares à peu près, et ces grands ilots, ils organisent l’automobile. Le grand ilot de 25 hectares, ce n’est pas lui qui guide la forme urbaine, il permet d’irriguer l’automobile mais il ne guide pas la forme urbaine. Et donc, à l’intérieur de ce grand ilot on a d’autres choses. Et ce grand ilot on peut y mettre 15 ilots de la ville de Barcelone, (des ilots carrés de 130 mètres de côté) ou on peut y mettre, la totalité de la médina de Tanger. Donc on a fait des images comme ça, de collage, pour dire : Bon, on va voir ce qu’on va faire après.
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A l’intérieur de ces ilots, on a fabriqué des dessertes secondaires et on s’est dit que, si vous prenez le thème de l’écologie de la mobilité, vous vous apercevrez que Casablanca a les même performances en terme de marche à pied, de circulation douce, que la ville de Copenhague, avec une grosse différence c’est que à Casablanca, la voiture augmente fortement, et on est en train de vendre des voitures low cost ( en plus c’est Renault et Peugeot qui vont les vendre), donc en fait, on va casser le système, on va fabriquer une ville un peu infernale comme nous on l’a vécu ( même maintenant c’est une réalité effrayante). Donc, nous, on dit : on va fabriqué une grande maille très confortable, de 300 m, 400m, 600 .
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A l’intérieur on va avoir une maille secondaire, qu’on a appelé des rues jardins, qui sont juste des dessertes locales, ce n’est pas fait pour traverser la ville, c’est juste pour aller chez soi. Et puis, on va prendre en compte que les gens continuent à marcher, mais pour qu’ils marchent, il faut leur donner des conditions agréables. Et donc, on a dessiné une ville marchable, sur les modes de Strasbourg, sur les modes de ce qu’on fait dans les capitales européennes. C’est-à-dire, on a fait un charii, c’est le mot qu’on a utilisé, l’élément qui relie les portes, et ce charii, il fait 14 km et parcours toute la ville. Et donc, vous avez des rues piétonnes, là on a de vraies rues jardins, parce qu’ en plus le gouverneur de l’agence urbaine m’a imposé de les élargir, donc ce n’est pas des petites rues de 8m, ce sont des rues de 16 m ; j’ai dit : okay, on va mettre 16 m. Mais on va revenir à des rues très étroites qui irriguent des jardins tout autour. Donc, en fait, on va fabriquer une rue, et cette rue, elle parcoure tous les quartiers, et elle dessert tous les équipements publics. Donc, c’est le chemin des écoliers, c’est le chemin de la gare, etc… On s’est dit, à l’intérieur de cette ville, vous avez une maille : voiture très large. Vous allez avoir ces jardins qui amènent le vent en été, puis vous allez avoir un parcours piéton, qui traverse toute la ville. C’est une hiérarchie de mailles, superposées les unes aux autres mais qui ont des finalités différentes, mais qui, à la fin, constituent le même espace. On a fait des études avec l’équipe suisse avec Samuel maillord Meier sur les temps de parcours pour les piétons, on prétend pas que les gens vont faire les 14 km, on prétend qu’ils vont faire un kilomètre, un kilomètre et demi, et puis la gare est au milieu, etc… Ils vont faire une partie de ce parcours. Pourquoi ils vont le faire ? parce que
c’est agréable, parce que c’est confortable, ils peuvent le faire à vélo ou à pied. Et donc, on va avoir un dispositif piétonnier, qui est de haut niveau. Quand on a fait, le plan d’aménagement de toute cette première tranche, on a discuté avec les agences urbaines, et au départ on se demandait, si on inscrit le vent et le piéton dans le plan d’aménagement, ou est ce qu’on l’inscrit au deuxième degré ; ça peut être le DAL, déclaration d’autorisation de lotir. Si on l’inscrit au premier degré, c’est obligatoire, c’est intangible, si on l’inscrit au deuxième degré on pourra peut-être le faire un peu plus flexible mais avec le risque qu’il ne se fasse jamais. Donc, en fait, le gouverneur, nous a dit : « Bon, moi je serais vous, je prendrai celui qui vient en premier », donc on l’inscrit dans le plan d’aménagement. Et quand on a sorti ce plan d’aménagement, il était en noir et blanc avec des espèces de hachures. Personne ne comprend rien, personne ne comprend ce que veut dire le plan, si on a pas l’explication avec, on ne comprend pas le dessin. On s’est aperçu par exemple, que la rue piétonne, cette rue jaune là, dans le plan d’aménagement de Casablanca, elle n’est pas répertorié. Vous avez des rues normales, avec une voiture ; chaque fois qu’on a une rue, il y a des voitures dessus. On n’a pas de code. Donc, on a réinventé un code, pour la rue piétonne, mais un pays, qui au travers de la médina, a inventé la rue piétonne, a oublié qu’elle existe. Maintenant qu’on a fait ça, on le perfectionne. On est en train d’analyser un parcours marchable. On fait l’avenue royale aussi, on a étudié tout le centre de Casablanca. Et j’avais dit un jour : l’avenue royale sera un jardin. Donc on a enlevé toutes les voitures et on est en train de réaliser la première tranche, (tout ce qui va des nations unis à la mosquée). Et donc là, on nous demande d’analyser un parcours marchable « touristique » qui reprend tous les quartiers art déco, maintenant que la tram a été installé, et que les bâtiments sont repeints, tout d’un coup, grâce aussi à Casamémoire, il y a un grand mouvement de transformation. Donc on va regarder, un parcours marchable à l’échelle de Casablanca, et puis petit à petit les choses se font, donc là on est en train de travailler maintenant, on dessine toute la route côtière pour insérer ce qui s’appelle la liaison interport ( pour insérer les camions), donc on est en train de travailler sur tout ce parcours, de Mohammedia au port, plus l’aéroport d’Anfa, plus d’autres éléments…
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Ce n’est pas tellement que ce sont des projets difficiles ou compliqués, ce ne sont pas les opérations les plus rentables du monde, mais on est maintenant embarqué dans un mouvement, avec les walis, avec les équipements, avec la caisse des dépots etc… qui fait qu’on arrive à faire passer des messages et à travailler sur des thématiques qui sont vraiment intéressantes. Et d’ailleurs, on travaille aussi sur le site de l’ancien aéroport d’Anfa, là on travaille depuis 6,7 ans sur plusieurs sujets. Il y a des tours commencent à se créer, là on a aussi développé une thématique environnementale avec les agences TER paysagistes, ce qui est assez intéressant. Et maintenant on travaille avec l’équipe d’Anfa sur le même projet au Sénégal, à Dakar. Parce que le souverain a passé un accord avec le président de la république pour ce projet, on y développe la même thématique, de l’écocité. Contraintes ou obstacles ?
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Quand on fait de l’architecture, vous allez développer une vision de l’architecture, qui vient de vous, qui est votre histoire, ça fait penser à un sport individuel. Quand vous faites de l’urbanisme, vous touchez à la vie des gens, et vous touchez à la fois à la question du tracé, ce qu’on dessine, et puis à la question des modes de vie. De plus en plus, on est dans un urbanisme des modes de vies, donc en fait, on travaille sur les usages. Et les habitants ce ne sont pas des gens qu’on va manipuler facilement, s’ils ne veulent pas faire les choses, ils ne vont pas les faire. Donc, faut qu’on travaille nous sur quelque chose qui est, (donc on ne connait pas fondamentalement de ce qui va se passer), on peut orienter le sujet. Et au Maroc, c’est intéressant l’espace public. Quand on voit le week end, les gens vont pique-niquer, … Dès qu’il y a un espace libre, il y a du monde, au Maroc. C’est un paradoxe, parce que la maison est très fermée, et repliée sur ellemême alors que l’espace public est très ouvert. Donc nous on travaille sur ces questions et on rencontre les obstacles naturels d’un projet. On travaillait dans l’innovation… mon idée a toujours été de passer les choses par la conviction, un peu en douceur. Maintenant qu’on a réussi à inscrire ce plan de Zenata, dans les plans d’aménagements marocains, on a fait un truc qui n’a jamais été fait avant. Maintenant ça inspire. J’espère qu’avec la Cop 22 aller un peu plus loin. C’est que, par exemple, le territoire de Zenata, c’est un territoire agricole, dans lequel il devait y avoir de la forêt à l’origine. Mais les forêts ont été démolies, rasées, il reste quelques bosquets mais il y a eu des bidonvilles, il y a eu un peu de tout, donc en fait, la forêt a disparu. Quand on cherchait à faire un parc, nous n’avions bien sûr pas les moyens, ni la
compétence pour faire un parc de 100 hectares etc… Lorsque Forestier a dessiné le parc de la ligue arabe à Casablanca, il était dans une période très volontariste de création de foret urbaine, de parcs etc… Ensuite ça s’est un peu débité. Il y a juste un exemple, c’est la coulée verte de Rabat, qui est une réussite formidable. Le roi, à un moment, a dit : « Je vais entourer la ville d’une forêt ». Et donc, sur ces projets-là, je me dis qu’il faut fabriquer, j’appelle ça, une nature résurgente, une nature qui a existé un jour et qu’on va faire réapparaitre. Et donc sur Zenata on a un jardin central qui fait 3 Km de long qui va jusqu’à la gare. Ce jardin central qui va de l’autoroute à la mer, on ne peut pas le dessiner comme un parc. De même, le système d’espace public, on ne peut pas le dessiner comme un espace public sophistiqué, on a pas l’argent, on a pas les moyens, etc… Et donc qu’est-ce qu’on va faire ? On va dessiner un espace public très simple, et on va procéder par embellissement, on va mettre des fontaines, on va mettre des petites placettes, et au lieu de dessiner une placette, je me dis, on va dessiner un salon marocain. Alors le salon marocain c’est un truc que j’aime beaucoup comme idée, parce que, c’est quelque chose qui est fait pour accueillir les invités à la fois dans la maison et en dehors de la maison. C’est l’idée qu’on peut venir, rentrer dans ce salon marocain sans rentrer dans la maison. Vous avez idée que les salons marocains disparaissent partout, vous avez une vague idée de canapés aménagés en carré mais disons que c’est le séjour qui devient le salon marocain. Le style de vie change. Alors à quoi il sert, le salon marocain ? Il sert à ce qu’on puisse se réunir pour les évènements, qu’on puisse se réunir. J’ai pris cette photo, j’aime beaucoup cet endroit, c’est la petite place qui est à côté de la mosquée pas loin de la Skala et pour moi, je la vois comme un salon marocain. Il y a toujours des gens qui sont là. Il y a une entrée bien marquée, il y a un seuil et après il y a la mosquée qui est à coté, il y a les familles, il y a les enfants. Et le fait, qu’il y a un seuil, c’est un peu un préalable, on ne peut pas se l’approprier aussi facilement. Quand on rentre, on est un peu invité, on est dans le salon. Et donc, mon idée, c’est de construire des salons marocains, au lieu de faire des places, je vais faire des petits enclos comme ça, avec ces salons marocains qui seront de 200, 300 mètres, qui vont ponctuer cet espace. Maintenant la bataille c’est de convaincre le maitre d’ouvrage et Maroc Telecom, d’occuper le cœur du
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salon en wifi au débit gratuite. On en fera, peut-être pas 10 mais on en fera bien un ou 3. Mais je me dis que les jeunes qui vont venir, vont profiter de l’espace. On va associer le monde virtuel, au monde réel dans un espace où les gens vont se rencontrer, sorte de sociabilité contemporaine. C’est une idée un peu basique. Mais peut être qu’on peut y arriver, grâce à la Cop 22. La deuxième idée, c’est de dire : on ne sait pas faire ce parc, on a pas les moyens ; donc, on a décidé de faire ça comme un ensemble de bosquets. Donc, on a analysé comment construire un petit bois, et on va construire un ensemble de bosquets et je cherche à ce que ce soit l’office nationale des forêts qui soit en charge de la création de ces bosquets.
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Et dans ces bosquets, il y a des bosquets normaux et il y a des grands bassins de rétention des eaux d’hiver, qui vont venir irriguer l’aune. Pendant l’hiver, ce sera peut-être inondée, en été ça servira de parking pour aller à la plage. C’est toujours penser à ce qu’une chose peut servir pour beaucoup de chose. Et donc, on travaille sur ces thèmes, assez simple, mais pas naturels. L’office des forêts, leur but, ce n’est pas forcement de construire des forêts nouvelles. Est-ce qu’ils vont les construire ou pas, on ne sait pas, mais j’espère, parce que si ça ne se fait pas cette année après ce sera plus dur. Donc, on crée comme ça des petits systèmes qui additionnés les uns aux autres, font un projet qui est plutôt vivant. Et puis après, la fin de la voiture, ça prendra des années, ça ira peut-être plus vite, qu’en France, nous ça nous a pris 40 ans peut être que ça prendra 20 ans… La mondialisation, l’attractivité des villes et la compétitivité ? Il y a le port de Tanger qui a été vendu à un groupe d’Abu Dhabi, c’est un accord qui nous dépasse complétement, nous on est un peu hors du projet maintenant. Le projet maritime a été fait, mais le projet urbain va être fait autrement. Donc ce projet, qui est dans un groupe émirati et ils veulent en faire un produit mondialisé. Sur le Bouregreg, la séquence 2 aussi a été vendue à Wayssal Capital, vous avez vu que le souverain avait annoncé une tour de 160 mètres sur le Bouregreg, en plus du théâtre de Zaha Hadid, là aussi c’est une partie du projet où on n’est plus concerné. Pour le moment, il y a la séquence 1 qui est pas mal avancée, un peu ce qu’il y a autour du pont Nemrar, et puis la séquence 3 ce sera pour après. Alors cette ville mondialisée, elle peut avoir plusieurs caractères. Quand on travaille sur la place financière de Anfa, c’est une ville mondialisée, il y a 15 tours. Donc nous on intègre la mondialisation comme une donnée, mais dans la mon-
dialisation, vous avez la mondialisation en terme de bâtiments, de fonctions etc,… Et vous avez la mondialisation en terme d’attractivité des endroits. Et donc, la question environnementale fait partie de l’attractivité contemporaine des villes, ainsi que la mobilité. Donc, maintenant que les tramways se développent, qu’il y a une autre perception de la mobilité… C’est ce qu’on fait aussi, on fait le tramway de Paris. Donc en terme de mobilité, qu’est ce qui fait une grande capitale contemporaine, c’est une ville où on maitrise le temps quotidien, avec les tramways, les transports en commun, vous savez quand vous partez et vous savez quand vous arrivez. En France, 56 minutes sont consacrées aux transports chaque jour, et ces 56 minutes, c’est vous qui les répartissez pour vos besoins. Casablanca c’est tout le contraire, vous ne maitrisez pas le temps quotidien, ou alors, pour le maitriser ça vous prend un temps fou, parce que vous prenez une marge de précaution partout, et ça, ça fait partie de la modernisation et de la mondialisation. Donc il n’y a pas la mondialisation comme un phénomène négatif, mais la mondialisation comme aussi un phénomène où le monde virtuel va renforcer le monde local. Ce n’est pas fatal qu’on ait les mêmes commerces partout, les mêmes marques, on va les avoir (il y a le Morocco Mall, etc..) mais vous allez aussi avoir, beaucoup d’innovation, d’inventions. On voit ce qui se passe en Angleterre, Copenhague, le concours réinventer Paris, vous allez avoir beaucoup d’innovations qui vont être associé à la société numérique. Et ça, ce n’est pas encore gagné. Donc, ce sont des pays qui se modernise, chacun à leur manière. C’est quand même un phénomène différent de ce qu’a été la mondialisation préliminaire, précoce. C’est que, le mouvement moderne des années 60, a engendré un urbanisme, dans lequel l’espace a changé plus vite que la société elle-même, nous sommes aujourd’hui dans le cycle inverse, c’est-à-dire que c’est la société qui change plus vite que l’espace. Et ça, qu’est-ce que ça va devenir ? personne n’en sait rien. Donc il faut concevoir l’espace pour qu’il soit accueillant à ces transformations, en même temps, on peut constater que les effets secondaires au départ ne sont pas tous positifs, derrière le monde numérique, tout prospère, le terrorisme, le crime, etc… Donc, on a une période difficile, parce que, on peut dire aussi dans les villes modernes, la sécurité va devenir un axe central. Et donc, ce n’est pas gagné, vous voyez bien. Donc moi, je suis quand même prudent, sur la ville de demain, on prépare une ville accueillante d’innovations, une ville environnementale, facile à pratiquer, etc… mais ce qui va se passer réellement, je ne sais pas vraiment. Ça reste ou-
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vert, disons qu’on est dans la jeunesse du monde numérique, on saura après… C’est la génération numérique qui va devoir traiter ces questions, elle va devoir traiter le problème numérique de façon fondamentale. Réaménagement du port de Tanger L’idée était de lier des trois ville, la casbah, le port et la place des paresseux . Le premier thème, c’était de redessiner l’eau, alors on a le grand mall de commerce ici, on l’a un peu changé, un peu agrandit, donc, qui est comme un quartier sur l’eau, avec ce qui s’appelle la place du large au bout, et on a redessiné les contours de ce bassin et on a redessiné toute la rive de la médina, et on a fabriqué le bassin d’honneur, le port central, ( là où il y a le port de pêche), on a reconstruit le port de pêche au large, et on a construit ici un nouveau mall et on a traité la fin de la plage, et on a construit ici cette pièce d’eau, qui va représenter 1300 bateaux avec un quai royal, avec un tas de choses.
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Donc la première des règles c’est de redessiner l’eau, et redessiner l’eau avec plusieurs idées, une idée c’est que tous les systèmes de la façon de pratiquer la mer soit le bassin d’honneur, les grands paquebots, la plaisance, les ferrys, la gare maritime, tout ça, fabrique la vie du port. Donc ce n’est plus un port de commerce, parce que le port de commerce est maintenant à Tanger Med. Moi j’ai appelé ça l’équation port/ville/port c’està-dire, ce port paradoxalement les gens, petit à petit, ont en été exclus du port. Donc on restitue le port à la ville, et au travers de toutes les fonctions portuaires, la pêche, la plaisance, les ferrys, les paquebots, etc… Moi j’adore les ports comme à Istanbul où on est dans la ville. Donc les grands paquebots quand ils vont arriver dans Tanger si vous voulez, ça va être un évènement, il y aura le spectacle. Donc ensuite, on a travaillé, toutes les séquences environnementales, puis on a travaillé toutes les séquences bâties, au travers d’une thématique, qui était entièrement liée à l’analyse des toits de la ville. C’est-à-dire, depuis les paresseux, depuis la médina, on voit le port, et il fallait reconstruire quelque chose de nouveau, mais ne pas changer le principe des vues du port, donc la thématique des entrepôts etc… et surtout il fallait concevoir un toit, qui soit un toit très graphique mais pas tout à fait graphique dans l’esprit de la médina. L’esprit du port, c’est des entrepôts, c’est des choses comme ça, donc a travaillé une esthétique de la ville vue de dessus, on a développé le projet, on est allé très loin dans les projets, mais pour le moment, c’est remis en cause.
On a fait ça avec Laftit qui est maintenant le Wali de Rabat. Tout a changé, ça a été vendu aux émiratis. Le téléphérique, c’était l’idée qu’on allait créer une station au pied de la casbah, et cette station (vous savez il y a des falaises là, un peu rude, un peu sombre) il fallait que le téléphérique passe dans cette falaise sans qu’on le voit vraiment. Il ne passe pas au-dessus de la médina. Quand il arrive ici, il va y avoir une station à côté de l’arc maritime, et là on va traverser le port, là on est loin de la médina donc il peut monter, et là il peut monter à 50 m pour laisser passer les grands bateaux. Là tout d’un coup on a une vue sur la mer, magnifique, sur l’Espagne, sur la médina, et après on pénètre dans la médina, et les gens étaient ravis, donc s’ils prennent le téléphérique, descendront vers la médina et remonteront par le téléphérique. Ensuite, on traverse le port ici, et on vient dans une station, qui est sur l’ancienne gare du port, il y a la gare centrale un peu plus loin, où il y a le tgv et là on arrive à l’ancienne gare du port et là on a étudié un parcours le plus subtil, le plus invisible possible, qui arrive sous la place des paresseux, et donc arrive sous la place et là on est au milieu des quartiers des années 30, de toute la ville internationale. On est la ville art déco, on est dans la ville portuaire, dans la ville des grands paquebots et on est dans la ville de la casbah. Et donc, c’est l’idée de reconnecter et de fabriquer un lien social par ce petit transport. Ça pourrait intéresser les jeunes, etc… c’est un petit endroit de liberté quand même, ça intéressera les touristes (ils paieront plus cher que les autres) … Ça sera un transport collectif qui permet de relier ces trois parties. Alors, il y a eu une étude qui a été faite, qui a été sur appel d’offre même, mais ce n’est pas ce qu’il va être pour le moment de ce projet. La partie maritime a été faite, mais les bâtiments dessus, on n’en sait rien. Vous savez, les cultures, les cultures urbaines, la culture mondialisée qui reprennent les même modèles partout c’est pas vraiment ma façon de travailler donc…
Méthode de travail L’urbaniste ne fait pas la ville, la ville c’est un urbanisme qui a réussi mais avec beaucoup d’ajustement, donc moi je suis partisan des logiques systémiques, c’est-à-dire que pour qu’un système survive, il faut inscrire dans sa conception
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ses principes de correction. Donc, en fait, on est plus sensible aux fondements, aux invariants, qu’à ce qui se passera après. C’est chaque période de l’histoire qui va dire comment cela va évoluer, on ne peut pas avoir la prétention, chaque fois qu’on a décidé une ville, en disant c’est cette ville là qu’on veut, ça s’est plutôt mal passé. On a vu un ensemble de villes modernes, on a vu des villes idéales, 30 ans après ça ne marche plus. L’espace méditerranéen, c’est un espace d’adjonctions, d’hypothèses qui se réinventent, donc il faut revenir à un dispositif plus modeste. Mais par contre, il faut que les fondements soient clairs. Dans les invariants modernes qui ne sont pas tout à fait pareil que la ville ancienne, on travaille maintenant sur des logiques de flux, des liens et des lieux, et les liens c’est tous les nouveaux systèmes de transports, et les lieux c’est des articulations urbaines particulières qui vont ponctuer la ville. Mais l’échelle, c’est plutôt Anfa place, le projet de Foster, c’est une bonne échelle, je ne sais pas si le projet a une grande durée de vie, mais disons que c’est une bonne échelle d’intervention. Donc on travaille plutôt par ponctuation.
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J’ai fait une conférence avec Kristiaan Borret qui est très intéressant, parce qu’il dit que l’urbanisme d’aujourd’hui se joue entre la petite et la grande échelle. Donc en fait, il faut toujours regarder ce qui se passe tout près, et regarder comment cet élément s’insère dans une dynamique plus large. Donc je suis plutôt sur des liens et des lieux dans des ponctuations, sur lesquelles on intervient vraiment, et après des connections qui sont bien faites. Donc nous on travaille toujours sur le lieu et sur la connexion. Et c’est autour de ça qu’on définit les invariants d’un projet. Tout est un peu différent, la différence entre la France et le Maroc c’est qu’on est complètement inscrit dans la ville existante. On ne travaille presque plus sur les grands territoires nouveaux, (sur bordeaux, etc..) Vous verrez que les projets euratlantiques sont des projets où on a affaire à quelque chose de très occupé, très encombré. Zenata ça n’arrive jamais en France. et ça n’arrivera plus au Maroc aussi à un moment, on va pas continuer à occuper des terres agricoles. Le drame des villes nouvelles marocaines… Il y a beaucoup de choses intéressantes au Maroc, mais quand on fait une ville nouvelle qui est une concentration de logements sociales, vous allez reproduire le principe des grands ensembles… à une plus grand échelle.
Architectes marocains, architectes étrangers Moi j’ai pas de problème avec ça, déjà on ne travaille qu’avec le système public, dans un cadre assez précis avec des objectifs assez précis. Oui, il y a toujours quelqu’un qui écrit ce genre de chose, mais ça ne veut rien dire. De toute façon le système marocain est tellement protectionniste, on ne peut pas signer de projet au Maroc, on est toujours obligé de passer par des collaborations et on ne travaille qu’avec des gens qu’on aime bien. On travaille avec groupe 3 par exemple, (Fès université de la méditerranée). Houyame Mourchid, dirige l’agence à Rabat. Il y a de très bons architectes. On a l’ancienne génération, la génération intermédiaire ( groupe 3), et la jeune génération. Après, c’est un pays fermé, protectionniste, les gens ont les avantages et les inconvénients du protectionnisme. Pas mal d’agence marocaine embauchent des étrangers, et nous on considère qu’il faut faire l’inverse.
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