Matière-Espace / Les Paliers

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MATIÈRE-ESPACE

LES PALIERS


Image en couverture : Clé pour serrure haut perchée. Prière d’indiquer dans votre commande la hauteur à laquelle est placée votre serrure. in : Jacques Carelman, Catalogue d’objets introuvables


– Eh bien ! montons, dit l’architecte. Et, comme il poussait la porte d’acajou du vestibule, il ajouta, en voyant l’impression causée au jeune homme par la calotte de velours noir et les pantoufles bleu ciel de M. Gourd : – Vous savez, c’est l’ancien valet de chambre du duc de Vaugelade. – Ah ! dit simplement Octave. – Parfaitement, et il a épousé la veuve d’un petit huissier de Mort-la-Ville. Ils possèdent même une maison là-bas. Mais ils attendent d’avoir trois mille francs de rente pour s’y retirer... Oh ! des concierges convenables ! Le vestibule et l’escalier étaient d’un luxe violent. En bas, une figure de femme, une sorte de Napolitaine toute dorée, portait sur la tête une amphore, d’où sortaient trois becs de gaz, garnis de globes dépolis. Les panneaux de faux marbre, blancs à bordures roses, montaient régulièrement dans la cage ronde ; tandis que la rampe de fonte, à bois d’acajou, imitait le vieil argent, avec des épanouissements de feuilles


d’or. Un tapis rouge, retenu par des tringles de cuivre, couvrait les marches. Mais ce qui frappa surtout Octave, ce fut, en entrant, une chaleur de serre, une haleine tiède qu’une bouche lui soufflait au visage. – Tiens ! dit-il, l’escalier est chauffé ? – Sans doute, répondit Campardon. Maintenant, tous les propriétaires qui se respectent, font cette dépense... La maison est très bien, très bien... Il tournait la tête, comme s’il en eût sondé les murs, de son oeil d’architecte. – Mon cher, vous allez voir, elle est tout à fait bien... Et habitée rien que par des gens comme il faut ! Alors, montant avec lenteur, il nomma les locataires. À chaque étage, il y avait deux appartements, l’un sur la rue, l’autre sur la cour, et dont les portes d’acajou verni se faisaient face. D’abord, il dit un mot de M. Auguste Vabre: c’était le fils aîné du propriétaire ; il avait pris, au printemps, le magasin de soierie du rez-de-


chaussée, et occupait également tout l’entresol. Ensuite, au premier, se trouvaient, sur la cour, l’autre fils du propriétaire, M. Théophile Vabre, avec sa dame, et sur la rue, le propriétaire luimême, un ancien notaire de Versailles, qui logeait du reste chez son gendre, M. Duveyrier, conseiller à la cour d’appel. – Un gaillard qui n’a pas quarante-cinq ans, dit en s’arrêtant Campardon, hein ? c’est joli! Il monta deux marches, et se tournant brusquement, il ajouta : – Eau et gaz à tous les étages. Sous la haute fenêtre de chaque palier, dont les vitres, bordées d’une grecque, éclairaient l’escalier d’un jour blanc, se trouvait une étroite banquette de velours. L’architecte fit remarquer que les personnes âgées pouvaient s’asseoir. Puis, comme il dépassait le second étage, sans nommer les locataires: – Et là ? demanda Octave, en désignant la porte du grand appartement. – Oh ! là, dit-il, des gens qu’on ne voit pas, que personne ne connaît... La maison s’en passerait


volontiers. Enfin, on trouve des taches partout... Il eut un petit souffle de mépris. – Le monsieur fait des livres, je crois. Mais, au troisième, son rire de satisfaction reparut. L’appartement sur la cour était divisé en deux : il y avait là Mme Juzeur, une petite femme bien malheureuse, et un monsieur très distingué, qui avait loué une chambre, où il venait une fois par semaine, pour des affaires. Tout en donnant ces explications, Campardon ouvrait la porte de l’autre appartement. – Ici, nous sommes chez moi, reprit-il. Attendez, il faut que je prenne votre clef... Nous allons monter d’abord à votre chambre, et vous verrez ma femme ensuite. Pendant les deux minutes qu’il resta seul, Octave se sentit pénétrer par le silence grave de l’escalier. Il se pencha sur la rampe, dans l’air tiède qui venait du vestibule ; il leva la tête, écoutant si aucun bruit ne tombait d’en haut. C’était une paix morte de salon bourgeois, soigneusement clos, où n’entrait pas un souffle du dehors. Derrière les belles portes


d’acajou luisant, il y avait comme des abîmes d’honnêteté. – Vous aurez d’excellents voisins, dit Campardon, qui avait reparu avec la clef : sur la rue, les Josserand, toute une famille, le père caissier à la cristallerie Saint-Joseph, deux filles à marier ; et, près de vous, un petit ménage d’employés, les Pichon, des gens qui ne roulent pas sur l’or, mais d’une éducation parfaite... Il faut que tout se loue, n’est-ce pas ? même dans une maison comme celle-ci. À partir du troisième, le tapis rouge cessait et était remplacé par une simple toile grise. Octave en éprouva une légère contrariété d’amour propre. L’escalier, peu à peu, l’avait empli de respect; il était tout ému d’habiter une maison si bien, selon l’expression de l’architecte. Comme il s’engageait, derrière celui-ci, dans le couloir qui conduisait à sa chambre, il aperçut, par une porte entrouverte, une jeune femme debout devant un berceau. Elle leva la tête, au bruit. Elle était blonde, avec des yeux clairs et vides ;


et il n’emporta que ce regard, très distinct, car la jeune femme, tout d’un coup rougissante, poussa la porte, de l’air honteux d’une personne surprise. Campardon s’était tourné, pour répéter: – Eau et gaz à tous les étages, mon cher. Puis, il montra une porte qui communiquait avec l’escalier de service. En haut, étaient les chambres de domestique. Et, s’arrêtant au fond du couloir : – Enfin, nous voici chez vous. La chambre, carrée, assez grande, tapissée d’un papier gris à fleurs bleues, était meublée très simplement. Près de l’alcôve, se trouvait ménagé un cabinet de toilette, juste la place de se laver les mains. Octave alla droit à la fenêtre, d’où tombait une clarté verdâtre. La cour s’enfonçait, triste et propre, avec son pavé régulier, sa fontaine dont le robinet de cuivre luisait. Et toujours pas un être, pas un bruit; rien que les fenêtres uniformes, sans une cage d’oiseau, sans un pot de fleurs, étalant la monotonie de leurs rideaux blancs. Pour cacher


le grand mur nu de la maison de gauche, qui fermait le carré de la cour, on y avait répété les fenêtres, de fausses fenêtres peintes, aux persiennes éternellement closes, derrière lesquelles semblait se continuer la vie murée des appartements voisins. – Mais je serai parfaitement ! cria Octave enchanté. Pot-Bouille, Emile Zola



Entrer dans un immeuble reste une expérience. Ici se joue l’identité d’un lieu, son caractère, sa valeur. Plusieurs éléments et composants d’architectures, à différentes échelles, participent au ressenti, à l’atmosphère du lieu que nous découvrons. Les entrées d’immeuble et leurs paliers de distribution contiennent une richesse qu’il nous est possible de comprendre et de redécouvrir. Pensés avant tout pour offrir une distribution aux logements qu’ils desservent, ce sont les lieux du «passage» et de la transition. Vastes ou restreints, ils endossent également les attributs représentatifs et fonctionnels des usages partagés par les habitants. A toute époque, le caractère des lieux de distribution est issu de son rapport à la construction et aux méthodes et principes de composition. A toute époque, ces espaces racontent une histoire que chaque élément d’architecture relate à sa manière. La poignée de la porte, l’encadrement, le seuil, les plinthes et les corniches, la matière et la texture des sols, la brillance des murs, la géométrie assemblée des revêtements de pierre, permettent d’appréhender un espace et d’en comprendre les enjeux architecturaux et sociaux.


Introduction & visites

START

26.02 27.02

VOYAGE D’ÉTUDE

05.03 06.03

12.03 13.03

19.03 20.03

26.03 27.03

29.03 06.04

06.04 10.04

23.04 24.04

16.04 17.04

Vacances

Admissions

RELEVÉ

Rendu 1

Rendu 2

Carnet de croquis Relevé sur plans - A3 Dessins d’observation 2 séquences - A4

Mêmes éléments que rendu 1 + Plans et coupes redessinés – 1:100 Axonométrie Détails à la main avec cotes Analyse matériaux et colorimétrie.

Rendu final x1

Mêmes éléments que rendu 1 et 2 + Plans et coupes redessinés – 1:50 avec calpinage Détails redessinés

PROJET - INTERVENTION - RÉÉCRITURE

1ères intentions de projet Principe d’intervention + zones ciblées Présentation d’une réalisation de référence Intentions colorimétriques


07.05 08.05

14.05 15.05

21.05 22.05

28.05 29.05

04.06 05.06

11.06 12.06

18.06 25.06

END

30.04 01.05

s

REPRÉSENTATION

Rendu 1

Rendu 2

Principe d’intervention Projet de réécriture Descriptif des matériaux Coupes détaillées

Critique des plans + développement du projet

Jury intermédiaire x1 Descriptif des matériaux + échantillons Coupes + plans (rez + palier) avec calpinage Détail (mobilier ou garde-corps ou lumière, etc.) Maquette d’un élément 1:1

Rendu des plans Dessins finaux

Jury final x2 Descriptif des matériaux + échantillons Coupes détaillées - pochées avec calpinage Plans (rez + palier) avec calpinage - pochés Deux détails (mobilier, garde-corps, lumière, etc.) Maquette d’un élément 1:1 Axonométrie


OBSERVATION - RELEVÉ Intervenir dans des espaces intérieurs existants caractérise le plus souvent le métier d’architecte d’intérieur. Loin d’être une limitation, le dialogue qui s’engage avec l’existant peut devenir intensément fertile, pour autant qu’il soit sensible et habile1. En guise de préambule, une phase d’observation s’avère nécessaire. Plus qu’un simple exercice de prise de mesures, le relevé est un exercice de regard, complété par l’observation des détails, l’étude des choix colorimétriques, des motifs et des matières ainsi que de leur assemblage. L’observation est la première étape du projet car elle permet de connaître intimement le contexte, de l’apprivoiser et de se l’approprier. A travers cet acte d’appropriation, les éléments existants deviennent partie prenant du projet, de l’intervention et du travail de réécriture. Durant les six prochaines semaines, votre crayon deviendra le prolongement de votre pensée. Nous vous demandons de vous rendre régulièrement dans le bâtiment de votre choix et d’en dessiner les plans et les élévations intérieures tout en mesurant chaque élément, de la dimension de l’espace à celle du joint de carrelage. Parallèlement, vous remplirez un carnet de croquis de vos observations. Comment la porte s’inscrit-elle dans le mur de façade? De quelle manière le plafond recontre-t-il la paroi? Quel rôle semble tenir l’ornementation dans ces rencontres? Quelle atmosphère les matériaux et leur traitement génèrent-ils? La liste des questions potentielles est longue et il conviendra pour chacun de suivre son propre chemin, forcément singulier. Les détails des rendus sont présentés dans les pages qui suivent.

1 L’usage du mot habile, fait ici référence à un texte d’Irénée Scalbert, dans lequel il discute la notion de mètis grecque afin de proposer une analyse du travail de 6a architects in : Never Modern. “They appeal to a form of intelligence known to the Ancient Greeks as metis. There exists no treatise on metis comparable to those written on logic. Metis produced no philosophical system, no text that explains its fundamental characteristics and its origins. It is not even a concept. Its nature has never been made explicit and its procedures have not yet been justified. Yet, it is clearly a form of intelligence, a way of thinking and of knowing that operates beneath the surface, being immersed in practical operations. Metis goes back and forth between the intelligible and the sensible, a quality that commends it to architects (...). Unlike engineering, it does not lend itself to precise measurement, to exact calculations and rigorous logic. It is instead an attitude that combines “flair, wisdom, forethought, subtlety of mind, deception, resourcefulness, vigilance, opportunism, varied skills and experience”.”




RENDU 1 • • •

Carnet de croquis - grand carnet moleskine. Technique(s) libre(s). Observations variées, détails, assemblages, vues plus générales, matériaux, etc. Relevé complet - plans et élévations sur formats A3 - à la main. Redessin des plans d’après observation et prise de mesures. Dessin d’observation de 2 séquences au net et en format A4. Dessins extraits de la recherche en croquis et mis au net, à la règle. Cf. exemple ci-dessous.

3 précédentes images tirées d’une conférence de Jan de Vylder et présentant le travail de ses étudiants à l’ETHZ


The most important method of appropriation that advvt (architekten de vylder vinck tailleu) uses is the drawing. By drawing what is found over and over again, it becomes a project. In the way advvt works, the drawing is exploded into a complete and independent world, which distances itself from the actuality of the place and the reality of the assignment precisely by its completeness. In this way the drawing enables them to develop strategies for completing what they have found and thereby ultimately realise the project. Advvt sees the drawing as a highly complex amalgam of presentation techniques. It is as if each possible (architectural) strategy required its own drawing. It is as if, by trial and error, by drawing and redrawing, the choice of a particular drawing ultimately determined the nature of the project. By letting drawing play such an important part in the project, there is a sort of built-in resistance. After all, nothing can be decided upon or reconsidered until it has been drawn. Drawing is thus a combination of designing and recording. Or in other words designs are made by drawing, just as Robert Smithson designed monuments for Passaic by drawing them. Smithson documented, photographed and drew what were essentially insignificant random things in Passaic and made them into a project. “The Monuments of Passaic” shifted the centre of gravity from the reality of the place to the assumed world of his work of art. Drawing a thing creates authorship, and the place is taken into possession. “Architecture with Delay”, Kersten Geers, in : Architecten devylder vinck tailleu 1 boek 2


RENDU 2 • • • • •

Mêmes éléments que rendu 1 (excepté relevé à la main) Plans (rez et paliers sur étage type) et coupes/élévations (longitudinale et transversale) redessinés – échelle 1:100 Axonométrie du système de circulation – Entrée, escaliers, cage d’ascenseur, paliers, év. portes palières Détails à la main avec cotes Analyse/catalogue des matériaux et de la colorimétrie

Carnet de croquis - Immeuble Miremont- Le Crêt – étudiant HEAD, 2010





RENDU FINAL • • • • • •

Carnet de croquis - grand carnet moleskine. Technique(s) libre(s). Observations variées, détails, assemblages, vues plus générales, matériaux, etc. Dessin d’observation de 2 séquences au net et en format A4. Dessins extraits de la recherche en croquis et mis au net, à la règle. Plans (rez et paliers sur étage type) et coupes/élévations (longitudinale et transversale) redessinés – échelle 1:50 avec calepinage Axonométrie du système de circulation – Entrée, escaliers, cage d’ascenseur, paliers, év. portes palières Détails redessinés Analyse/catalogue des matériaux et de la colorimétrie

Coupes et axonométries in Dirk De Meyer (dir.), Showpiece and utility. Eighteenth-century Neapolitan Staircases. A&S/books, 2017


PROJET - INTERVENTION - RÉÉCRITURE La phase d’observation doit permettre, et cela a déjà été formulé, de s’approprier un contexte et de commencer à s’y inscrire. Après avoir cherché à comprendre l’espace et les qualités de l’architecture observée, certains éléments vous paraîtront indispensables à la cohérence de l’ensemble, d’autres plus superflus ou trop désuets, d’autres encore seront jugés inappropriés. Des premiers choix se dessinent, qu’il conviendra de faire converger vers un projet d’intervention dont vous fixerez les objectifs. Vous vous prononcerez sur ce qu’il vous paraît nécessaire de restaurer et ce qui vous semble devoir être complété ou réanimé. La réécriture que vous proposerez devra tenir compte de vos observations. Vous quitterez temporairement la position d’auteur en quête d’originalité pour vous glissez dans celle de l’archéologue, de l’enquêteur, du bricoleur ; personnages modestes mais avisés. Au fil des semaines, les détails se préciseront, le dessin d’un motif pourra s’avérer nécessaire, vous développerez une palette de couleurs et vous enrichirez vos interventions dans un aller-retour constant entre ce qui est présent et ce qui est ajouté, entre l’existant et son actualisation. Le dessin tiendra une place prépondérante dans vos recherches et ponctuera les différents rendus dont vous recevrez le détail dans le courant du semestre (aperçu dans le calendrier). Les dessins produits lors du relevé vous accompagneront tout au long du projet. Quelques exemples de représentation sont présentés dans les pages qui suivent.


Redessin du Wainworth Building de Louis Sullivan, Studio Caruso, ETHZ


OMMX, Hôtel


Carrelage en grès cérame. Redessin par Björn Arvidsson in La Belle époque de l’ornement. Genève 1890-1920


Uwe Schrรถder Architekt, Deutscher Pavillon, Venise, 2014


Atlas of Places, LAN architecture, Paris Hausmann


Coupe A-A

B

A

A

B

Coupe B-B

0

Lara Grandchamp, projet de semestre hiver 2018

1

2

5


Caruso Saint John architects, Tate Britain, Londres



LES SITES 1. Rue Charles Giron 13 2. Rue de Lyon 48 3. Rue Dentand 4 4. Chemin de Roches 15-17 5. Rue des Peupliers 2 6. Rue Louis-de-Montfalcon 6 7. Rue des Crozets 50


7

2 1

6


3

4

5




1. RUE CHARLES GIRON 13-19 Architecte : Maurice Braillard Date de construction : 1930 Nombres d’étages : 1 sous-sol + rez + 6 étages + Toiture plate





2. RUE DE LYON 48 Architecte : Charles Vetterli Date de construction : 1937 Nombres d’étages : 1 sous-sol + rez + 6 étages + Attique



3. RUE DENTAND 4 Architecte : Peyrot et Bourrit Date de construction : 1930 Nombres d’étages : 1 sous-sol + rez + 6 étages + Attique



4. CHEMIN DE ROCHES 15-17 Architecte : Cahorn et Tzala Date de construction : 1953 Nombres d’étages : 9 sous-sols + rez + 7 étages + Combles greniers



5. RUE DES PEUPLIERS 2-4 Architecte : H. Frey et C. Billiand Date de construction : 1950 Nombres d’étages : 1 sous-sol + rez + 5 étages + Toiture





6. RUE LOUIS-DE-MONTFALCON 6 Architecte : Etienne Neri Date de construction : 1930 Nombres d’étages : 1 sous-sol + rez + 4 étages + Attique





7. AVENUE DE CROZET 50-56 Architecte : Honneger Frères Date de construction : 1961 Nombres d’étages : 1 sous-sol + rez + 8 étages + Toiture plate




GLOSSAIRE Auvent Petit toit (appentis) couvrant une entrée, une fenêtre Ascenseur Appareil permettant la montée ou la descente aux différents étages d’un immeuble d’une cabine transportant des personnes. Abrasion L’action d’user la plus fréquente, ou du moins la plus visible, est certainement l’abrasion. Elle se définit par l’enlèvement d’une partie de la matière constitutive d’un corps par frottement de ce corps contre un autre sous une pression donnée. Elle se perçoit, entre autres, à travers les rayures, le ternissement d’une surface brillante, l’adoucissement d’une surface rugueuse, ou encore la disparition d’une couche entière de matière. Les effets de l’abrasion sont induits par l’irrégularité (parfois invisible mais toujours présente) des surfaces en contact. L’intensité de l’abrasion dépend de nombreux paramètres tels que la chaleur, la direction du frottement ou la forme des surfaces. Le facteur le plus important reste la pression sous laquelle les surfaces sont mises en contact. La suppression incontrôlée de matière qui découle du frottement peut devenir problématique, non seulement parce qu’elle rend la surface plus exposée, voir affaiblie, mais aussi parce que les particules dégagées peuvent à leur tour générer des phénomènes d’abrasion ou provoquer d’autres problèmes – par exemple, le mélange des particules métalliques à de la viande hachée.(usus/usures. Etat des lieux, Rotor)

Balustrade Une balustrade est une rangée de balustres fixés entre un socle et une tablette formant un appui et constituant un garde-corps ajouré à vocation de sécurité et participant au style des constructions. Cet élément d’architecture constitue une barrière installée à hauteur d’appui, comme la balustrade d’un balcon, d’une passerelle (rambarde), d’une rampe d’escalier ou d’une barrière de pont. Elle n’a parfois qu’un rôle de décoration, comme en couronnement de façade par exemple. Bordure Ce qui garnit ou renforce le bord de quelque chose. Cadre Bordure, moulure plus ou moins large, sur un panneau ou sur une partie quelconque; il se compose de deux montants et de deux traverses. On appelle aussi cadre les faux-lambris rapportés sur les murs et cloisons. (Traité de menuiserie. Tome 1, par G. Oslet) Cage d’escalier On appelle ainsi l’emplacement d’un escalier, les murs et les cloisons dans lesquels les marches sont scellées. Carreaux en grès-cérame Fabienne Fravalo Les carreaux en grès-cérame incrustés se composent de deux couches. La plus épaisse équivaut à un remplissage, dit “en biscuit” par Paul Charnoz, tandis que la couche colorée composant le dessin ne dépasse pas le tiers de l’épaisseur totale du carreau. La terre employée se dis-


tingue également du biscuit par la finesse de sa texture et sa composition, chargée en feldspath – qui joue le rôle de fondant – et en kaolin, concassés, broyés et mélangés à des oxydes métalliques colorants. Le dessin de chaque carreau s’obtient à l’aide d’un moule métallique. Les ouvrières dites “dessineuses”, en charge de la réalisation des motifs, y placent un diviseur, délimitant les plages colorées des motifs par un réseau métallique et reproduisant un motif auparavant réalisé sur un carton. Puis, elles installent au-dessus de ce diviseur une plaque ajourée, dont les ouvertures correspondent aux plages d’une première teinte. A l’aide d’un tamis, elles déposent alors une poudre sèche colorée. L’opération est chaque fois adaptée aux parties du motif concernées. Quand la totalité des cases du diviseur sont remplies, on ôte le séparateur. Le procédé de la “mosaïque en creux”, mis au point par Boch frères en constitue la variante destinée à imiter la structure des mosaïques divisées en petites tesselles colorées. Le dessin du motif est obtenu par la présence d’une résille métallique disposée au fond du moule, dont les creux reçoivent les poudres colorées. Chaque carreau présente ainsi un motif régulier semblant composé à l’aide d’une multitude de tesselles de couleur. La manufacture Simons & Cie s’en fera une spécialité. Mais cette technique semble n’avoir eu que peu de succès à Genève. L’ensemble est ensuite pressé pour donner à la masse l’homogénéité souhaitée, le plus souvent à l’aide de presses hydrauliques à vapeur d’une grande puissance. Un tampon comportant la marque de fabrique est en outre apposé au dos du carreau dans l’argile à biscuit. Une fois pressés et séchés, les carreaux sont alors placés dans

les fours, protégés des flammes par des cazettes ou gazettes, sortes d’étuis en terre réfractaire. La cuisson s’effectue à température élevée, autour de 1250° C, et dure généralement de cinq à huit jours. Après le défournement intervient l’opération de triage, capitale pour l’établissement des tarifs. Les carreaux rendus inutilisables par des cassures, des déformations, ou des décolorations, sont jetés, et les autres triés en fonction de leur qualité (premier choix, non choix, deuxième choix, etc.) Enfin, la pose, souvent réalisées par le fournisseur, s’effectue à l’aide d’un plan. La surface destinée à recevoir le carrelage doit être au préalable bétonnée ou maçonnée, et nettoyée à l’aide d’un balai, puis recouverte d’une fine couche de sable de 2 centimètres d’épaisseur environ. Les carreaux sont posés à l’aide de cordeaux, suivant les angles ou les bords, sur un mortier. Une fois la pose terminée, les joints sont remplis de ciment, puis la surface nettoyée au sable et à l’eau savonneuse pour éliminer les traces de ciment. (La belle époque de l’ornement à Genève 1890-1920, Fabienne Fravalo et Björn Arvidsson, pp.72-73) Chambranle Cadre de bois ou de pierre composé de deux montants verticaux et d’un linteau, et qui borde une fenêtre, une porte ou une cheminée. Charnière Assemblage composé de deux pièces de métal ou d’une autre matière, enclavées l’une dans l’autre et jointes par une broche disposée sur un axe commun, autour duquel l’une au moins peut décrire un mouvement de rotation.


Cimaise 1. Moulure qui forme la partie supérieure d’une corniche. 2. (Ornement) Moulure servant de couronnement à un lambris d’appui, en bois ou en pierre peinte. Contremarche Hauteur de chaque marche d’escalier Corniche A.− ARCHIT. Bordure, formée d’une ou plusieurs moulures en saillie, couronnant un mur, un piédestal, qui protège de la pluie les parties sous-jacentes et, le cas échéant, supporte la base du comble. 1. Spéc., ARCHIT. ANC. Troisième partie de l’entablement. L’architrave, la frise et la corniche. 2. P. ext. Moulure ceinturant un mur. SYNT. Corniche(-)architravée, chantournée, cintrée, coupée, rampante; corniche à modillons, à mutules; corniche en archivolte, en chanfrein, en mitre; corniche corinthienne, dorique, ionique, toscane. MAÇONN., MENUIS. Bordure en plâtre, stuc ou bois, formée d’une ou plusieurs moulures en saillie, qui orne la partie supérieure d’un mur, d’un meuble, le pourtour d’un plafond. Décor peint Catherine Reymond Pochoirs L’usage des couleurs est une constante dans les décors d’immeuble, et il est difficile aujourd’hui de voir à quel point elles étaient éclatantes et variées. Par contre, la technique des peintures murales varie très peu d’une réalisation à l’autre: les peintures (qu’elles soient intérieures ou extérieures) sont réalisées à la peinture à l’huile, généralement à l’aide de pochoirs,

sur un enduit lisse et blanc posé sur les surfaces à peindre. La technique la plus couramment utilisée pour le report d’un motif est celle du pochoir (ou chablon), qui permet de répéter ou de varier les motifs à l’infini. C’est une technique simple, qui repose sur la confection d’un modèle de base que l’on dessine et que l’on découpe ensuite dans du papier fort, dans du carton ou dans du métal. Ensuite, le peintre-décorateur maintient le chablon d’une main contre le mur, et, de l’autre main, applique la couleur assez épaisse à l’aide d’une brosse à pochoir (“pochon”). Le motif apparaît instantanément sous forme d’aplat de couleur lorsqu’on retire le chablon. A partir de là, toutes les variations sont permises, tant par l’usage successif de pochoirs différents que par celui de différentes couleurs posées en dégradé mais avant tout par la maîtrise des techniques et l’habitude de les pratiquer. Autres techniques Il y a des exceptions mais elles sont rares. A Genève, seuls deux vestibules n’ont pas été peints directement sur le mur. A la rue Blanvalet 1 et à la rue des Eaux-Vives 75, les peintures ont été marouflées sur les parois, c’est-à-dire que l’artiste a peint sa composition sur de grandes toiles (en général en atelier) avant de les coller contre les murs du vestibule d’entrée. Lorsqu’il procède aux finitions sur place, l’artiste cherche parfois à améliorer ou à personnaliser l’effet des pochoirs. Il saisit alors son pinceau et continue à main levée, exécutant les dernière finitions selon son inspiration. Ces “retouches” contribuent à atténuer le caractère répétitif des motifs rapportés au pochoir. Généralement réservé aux dernières touches, le travail à main levée prédomine


au boulevard Saint-Georges 77, ainsi que dans la réalisation des faux-marbres. (Escaliers. Décors et architecture des cages d’escalier des immeubles d’habitation de Suisse romande 1890-1915, Fabienne Hoffmann et alt.) Déformation La déformation désigne l’altération de la forme ou de la taille d’un objet sous une force donnée (continue ou ponctuelle). Elle se différencie de l’abrasion ou du dépôt dans la mesure où elle ne modifie pas la quantité de matière d’un objet. Elle la redistribue sous une autre configuration physique. Compression, pliage, torsion, déchirure, etc. sont toutes des sortes de déformation. (usus/usures. Etat des lieux, Rotor) Dépôt Le dépôt est une forme visible d’altération des éléments provoquée par l’accumulation - et non plus par la soustraction qui caractérise les procédés d’altération évoqués jusqu’ici - d’une matière sur une autre jusqu’à recouvrement partiel ou total. L’accumulation de feuilles de papier sur un mur d’affichage demande un nettoyage, ou une abrasion intense, si l’on veut récupérer le murs dans son apparence d’origine. Le dépôt est souvent qualifié d’encrassement ou de salissure à la surface d’un bien. (usus/usures. Etat des lieux, Rotor) Dislocation La dislocation est un processus d’altération qui s’applique à des systèmes de plusieurs éléments dont les jointures endurent des contraintes mécaniques. L’affaiblissement progressif de ces joints entraîne la séparation des différents éléments et la disparition du caractère unitaire du système. Un

exemple classique de dislocation est la chute d’écrous de fixation suite à des vibrations. Pour éviter cette situation, les écrous sont parfois munis d’une bague en nylon dans le but d’augmenter le contact entre le boulon et la tige filetée, et ainsi ralentir le phénomène. (usus/usures. Etat des lieux, Rotor) Détissage On retrouve ce même procédé dans les matières tissées. Les fils ou fibres qui constituent un tissu se désolidarisent sous l’influence d’un frottement ou d’un percement, ce qui mène au détissage. (usus/ usures. Etat des lieux, Rotor) Embrasure Ouverture pratiquée dans l’épaisseur d’un mur et permettant d’y placer une porte, une fenêtre. Embrasement Partie de lambris posées dans les parties de mur des baies de portes ou de croisées, on dit lambris d’embrasement. Encadrement Ce qui entoure une ouverture (porte, fenêtre, etc.). Moulures ou ornements ajustés pour servir d’entourage à un panneau nu. Entablement 1. Partie supérieure d’un bâtiment faisant saillie sur la façade et qui soutient la charpente de la toiture.− Spéc. Partie supérieure (de certains édifices) qui surmonte une colonne ou un pilastre et qui comprend l’architrave, la frise et la corniche. a) Partie qui couronne une porte. b) Appui d’une fenêtre. 2. [Désigne une décoration intérieure]


Moulure, corniche qui surmonte et décore une porte, une fenêtre, un meuble. Erosion L’érosion est provoquée par la mise en mouvement de grandes quantités de petites particules (sables, poussières, gouttes d’eau, etc.). En fonction de la vitesse de propulsion de ces particules, des matières plus ou moins dures peuvent être entamées. Si la vitesse est grande, ou si l’action se répète sur un laps de temps assez long, ce phénomène finit par désagréger les matériaux les plus résistants. Par exemple, dans une usine de tissage, la face interne des conduits en acier d’un circuit de transport subit une érosion à cause des fibres de coton propulsées à l’air comprimé. Le principe de l’érosion est surtout connu à l’échelle du paysage. Celui-ci est en effet constitué par le processus d’érosion qu’enclenchent les phénomènes climatiques et les interventions humaines. L’érosion a tendance à arrondir les formes, à anéantir toute rugosité. (usus/usures. Etat des lieux, Rotor) Escalier Assemblage de degrés ou de marches, qui sert à monter et à descendre. Ouvrage fait de marches en pierre, bois, métal, verre pour circulation verticale extérieure ou intérieure. De marches en révolutions Nadja Maillard L’escalier a donné lieu à de telles mises en scène dans divers domaines artistiques que l’on est en droit de se demander si cet élément d’architecture n’est pas celui qui offre la métaphore la plus évidente des élévations et des turpitudes de l’âme, des

ascensions et des chutes, dont les artistes ont largement su tirer profit. Il suffirait alors, pour le parcourir quatre à quatre, de citer la vision mythique de William Blake qui, dans L’Echelle de Jacob, se sert de l’escalier spiralé pour relier la terre au ciel dans une majestueuse procession de figures1, et la descente brinquebalante du landau d’Eisenstein2 et tout, ou presque, serait dit. Mais le thème en soi invite à procéder par degrés, et il vaut la peine de stationner quelques instants sur le palier d’exemples moins connus, réunis en toute subjectivité et sans la moindre illusion de jamais épuiser le sujet. C’est peu dire des romans d’Emile Zola qu’ils ont lieu. Un examen des incipit des Rougon-Macquart montre que l’auteur place, de manière assez systématique, ses personnages dans des espaces – ville, immeuble, pièce – bien définis, qui parfois serviront de toile de fond fixe à l’ensemble du récit. Ainsi dans Pot-Bouille3 (1882), Octave Mouret, à peine arrivé à Paris, franchit le seuil de l’immeuble de la rue Choiseul et commence son apprentissage de la vie parisienne en montant l’escalier accompagné de l’architecte Achille Capardon. C’est une véritable leçon de société que lui donne son cicérone: “Alors, montant avec lenteur, il nomma les locataires. A chaque étage, il y avait deux appartements, l’un sur la rue, l’autre sur la cour, et dont les portes d’acajou verni se faisaient face.” Comme le “voreux” de Germinal, ou la locomotive de La Bête humaine, l’escalier est la machine centrale du récit, qui, sur le principe de l’immeuble ouvert en coupe anatomique prisé au XIXe siècle4, montre les familles qui s’étagent, de l’entresol aux mansardes, selon l’importance de leur fortune, leur situation professionnelle et le niveau de leurs revenus. Zola décrit d’au-

1. William, Blake, L’Echelle de Jacob, 1805, plume et aquarelle sur papier, 37x29,2cm, British Museum, Londres 2. Le Cuirassé Potemkine , 1925 3. Emile Zola, “Pot-Bouille”, in : Les Rougon-Macquart , tome III, 1964, p.5 4. Voir Georges Teyssot, Seuils et Plis : pour une problématique de l’intérieur ordinaire , EPFL, Lausanne, 1998, pp.9-12 ou Jean-Pierre Babelon, Le Parisien chez lui au XIXe siècle : 1814-1914 , Archives nationales, (Paris) : 1976, pp.31-32. La vie mode d’emploi de Georges Perec, La vieille maison d’Anton Tchékhov exploitent ce principe, où la visite du bâtiment organise la structure et la substance narrative du récit.


tant plus précisément le vestibule et la cage d’escalier – qu’il a pu observer, ses notes l’attestent, dans le quartier où il habite vers 18755 – qu’ils dénoncent ce qu’ils desservent : un monde de faux-semblants, de mensonges, de pourriture sociale sous les apparences de la respectabilité. Octave regarde le “luxe violent” de l’escalier, ses “panneaux de faux marbre, blancs à bordure rose” qui montent régulièrement dans la cage ronde, sa “rampe de fonte, à bois d’acajou” qui imite “le vieil argent, avec des épanouissements de feuilles d’or” ; il éprouve “une légère contrariété d’amour-propre” lorsque le tapis rouge, retenu par des tringles de cuivre, devient “à partir du troisième (...) une simple toile grise”, mais il reste pénétré par “le silence grave de l’escalier” par ses portes d’acajou luisant derrière lesquelles “il y avait comme des abîmes d’honnêteté6”. Il découvrira ensuite qu’en contrepoint à la solennité et au silence hypocrite de ces volées d’apparat il y a les trafics douteux de l’escalier de service, la puanteur et le vacarme de la cour intérieure. Zola n’est évidemment pas le seul à considérer que l’escalier suffit à dire un lieu, dont il est en quelque sorte le résumé moral. Balzac, dans Un Prince de la Bohème, fait dire au comte de La Palferine, aristocrate ruiné, au tailleur qui vient lui réclamer de l’argent, de bien regarder l’escalier de l’immeuble où il demeure, cela suffira à lui dire sa condition! Bien qu’énoncées dans des termes inverses, n’est-ce pas ainsi qu’il qu’il faut comprendre les ligne de Giorgio Vasari, lorsqu’il écrit dans Les vies…7 (1550) qu’il faut traiter l’escalier avec magnificence, car il peut être le seul aperçu que les visiteurs auront jamais d’une demeure! Ou c’est encore Paul Auster que la perspective de gravir les dix volées d’un escalier décou-

rage, non pas tant qu’il est sordide, mais parce qu’il lui semble injuste d’exiger un tel effort pour aboutir à un lieu désespérant8. On aurait tort de croire que, pour effectuer souvent cet exercice, rien n’est plus facile que de monter un escalier. Julio Cortazar, dans son réexamen des actes les plus familiers de la vie quotidienne, juge même utile d’établir un mode d’emploi à cet effet : “Les escaliers se montent de face car en marche arrière ou latérale ce n’est pas particulièrement commode. L’attitude la plus naturelle à adopter est la station debout, les bras ballants, tête droite mais pas trop cependant afin que les yeux puissent voir la marche à gravir, la respiration lente et régulière. Pour ce qui est de l’ascension proprement dite, on commence par lever cette partie du corps située en bas à droite et généralement enveloppée de cuir ou de daim et qui, sauf exception, tient exactement sur la marche. Une fois ladite partie, que nous appellerons pied pour abréger, posée sur le degré, on lève la partie correspondante gauche (appelée aussi pied mais qu’il ne faut pas confondre avec le pied mentionné plus haut) et après l’avoir amenée à la hauteur du premier pied, on la hisse encore un peu pour la poser sur la deuxième marche où le pied pourra enfin se reposer, tandis que sur la première le pied repose déjà (...) Parvenu de cette façon à la deuxième marche, il suffit de répéter alternativement ces deux mouvements jusqu’au bout de l’escalier. On en sort facilement, avec un léger coup de talon pour bien fixer la marche à sa place et l’empêcher de bouger jusqu’à ce qu’on le redescende.9” Le fameux “l’ai-je bien descendu?” attribué à Cécile Sorel à la fin d’une revue du Casino de Paris est là pour rappeler que l’exercice inverse n’est pas non plus dépourvu d’embûches! S’il est la pièce d’architecture où s’exerce

5. Emile Zola réside alors au 23 de la rue Ballu, voir les manuscrits 1032, fis 396-398 de la Bibliothèque nationale dont des extraits figurent dans le volume III des Rougon-Macquart , 1964, pp.1639-1640. 6. Emile Zola, “Pot-Bouille”, in : Les Rougon-Macquart , tome III, 1964, pp.4, 5, 6, 7. 7. “Insomma vogliono le scale in ogni sua parte avere del magnifico, attesoché molti veggiono le scale e non il rimanente delle casa.” (Giorgio Vasari, Le Vite dei piu eccellenti Pittori, Scultori e Architetti, Newton Editori, Roma, 1991, p.61) 8. Paul Auster, L’invention de la Solitude , Actes Sud, Paris, pp. 80-81 9. Julio Cortazar, “Instructions pour monter un escalier”, in : Cronopes et Fameux , Gallimard, Paris, 1977, pp.24-25


la virtuosité du constructeur, l’escalier est aussi le lieu privilégié de l’expérience du vide. Dans le Voyage au centre de la Terre de Jules Verne, le jeune Axel doit gravir l’escalier extérieur de la Vor-Frelsers-Kirk située sur l’île d’Amak au large de Copenhague, dont les spirales s’enroulent autour de la flèche. Cette ascension a lieu sous la férule implacable de son oncle, le professeur Lidenbrock, qui compte ainsi habituer son neveux aux gouffres qui l’attendent en Islande. Arrivés au sommet, Lidenbrock lui dit “regarde, (...) et regarde bien, il faut prendre des leçons d’abîme!10” L’épreuve de l’escalier servirait-elle à conjurer le vertige? C’est dans l’escalier du clocher de San Juan Battista, une mission près de San Fransisco, que John Ferguson (James Stewart) éprouve par deux fois son acrophobie. D’abord, ne parvenant pas au sommet, il assiste impuissant à l’assassinat déguisé en suicide de Madelaine (Kim Novak) du haut du beffroi, puis il en refait l’ascension accompagné de la fausse victime dont il obtient des aveux dans une gradation dramatique qu’amplifie la musique d’Herrmann11. Vertige aussi dans l’oeuvre homonyme de Léon Spilliaert12 (1908) où une femme, que sa longue écharpe semble entraîner hors du cadre, entreprend la descente vertigineuse d’une sorte de ziggourat. Le caractère onirique de cette architecture, l’isolement du personnage génèrent un certain malaise mais la sensation du danger tient tout entière à ces marches exagérément hautes qui exigent une contorsion de tout le corps et qui semblent n’être façonnées que par les violents contrastes d’ombres et de lumière. Bien que sujet à l’acrophobie, tout comme l’architecte Solness qui en meurt13, Goethe se rend, à chaque fois qu’une tour ou un clocher le permettent, dans des points éle-

vés pour avoir une vision panoramique des lieux qu’il visite. Presque jamais mentionnés – sauf s’il s’agit de ceux du couvent de la Charité à Venise que Palladio lui-même estime14 – parce que trop évidents ou trop prosaïques, les escaliers sont bien l’instrument qui rend ces ascensions possibles et vaut à la postérité de connaître la hauteur de vue de l’auteur du Voyage en Italie15. Par sa géométrie, l’escalier appelle des compositions spécifiques où l’horizontalité des marches joue avec la verticalité des figures et le zigzag des rampes16, où s’impose l’ajustement dynamique du corps à l’architecture. C’est ce qu’exploite Edward Coley Burne-Jones dans L’Escalier d’or17, où le cortège des jeunes filles, dans une harmonieuse analogie tonale, accompagne la gestuelle fluide de la courbe de l’escalier. Quant au Nu descendant l’escalier de Marcel Duchamp (1912), tableau emblématique de la révolution picturale du XXe siècle, il montre le mouvement en le décomposant comme un stroboscope, non sans références à la mécanisation (bielles, pistons, etc.)18. Le peintre Sam Szafran qui, avec les philodendrons, en a fait un de ses thèmes de prédilection, ne semble pouvoir restituer l’idée qu’il est d’une certaine manière indomptable que par des déformations vertigineuses. L’écrivain Fouad El-Etr, écrit à son sujet : “ Quand je pense aux phases lunaires que tu as fait traverser à ce pauvre escalier, à tous ces noeuds coulants que tu as noués et dénoués avec la rampe, et que pour finir tu l’as précipité en lui faisant voir de toutes les couleurs, au fond d’une spirale qui tournait qui tournait et ne s’arrêtait peut-être qu’au milieu de la nuit.19” C’est le cas aussi de la peintre Atsuko Sasaki, qui a parfois posé son chevalet dans des immeubles lausannois, à l’Esterel notamment, pour essayer de saisir le développe-

10. Jules Verne, Voyage au centre de la Terre , Hachette, Paris, 1919, pp.68-69 11. 11 Titre original : Vertigo , Alfred Hitchcock, 1958 12. Titre original : Duizeling, technique mixte sur papier, 68x48cm, Museum voor Schone Kunsten, Ostende. 13. Henrik Ibsen, “Le constructeur Solness”, in : Oeuvres complètes, tome XV , pp.59-219, Plon, Paris, 1994. 14. “(A côté de la salle du chapitre, se trouve) l’escalier tournant, le plus beau du monde, au noyau large et ouvert, aux marches de pierres maçonnées dans la muraille et disposées de manière à se porter les unes sur les autres ; on ne se lasse pas de les monter et de les descendre.” (Johann Wolfgang von Goethe, Voyage en Italie , Bartillat, Paris, 2003, pp.81-82) 15. Johann Wolfgang von Goethe, Voyage en Italie , Bartillat, Paris, 2003. Dans sa quête du point haut, pour exercer ses yeux à saisir l’en


ment de leurs volées. La vue dans l’escalier conduit immanquablement à l’idée de la tour sans fin, un mythe architectural autant que cosmogonique, ou à celle du vortex. Le tourbillon ne serait donc qu’un escalier mis en mouvement qui aurait oublié jusqu’au souvenir de ses degrés? La plongée vertigineuse dans l’inconnu (Une descente dans le maelström d’Edgar Allan Poe, La Divine Comédie de Dante) ou en soi-même (les vues du gouffre vide de l’escalier dans le film de Bernard Queysanne adapté d’Un homme qui dort de Georges Perec) a bel et bien trouvé dans cet élément d’architecture un symbole immédiat autant qu’une figure idéale. Dans le domaine “fantastique”, on pense évidemment à Jorge Luis Borges qui, dans une de ses nouvelles, décrit la Cité des immortels, produit de la folie des dieux et dont seules les Prisons de Piranèse, les constructions impossibles de M.C. Escher ou absurdes de Jean Gourmelin sauraient rendre compte : “J’errai par les escaliers et les dallages de l’inextricable palais. Je vérifiai ensuite l’inconstance de la largeur et de la hauteur des marches (...) Dans les palais que j’explorai imparfaitement, l’architecture était privée d’intention. On n’y rencontrait que couloirs sans issue, hautes fenêtres inaccessibles, portes colossales donnant sur une cellule ou sur un puits, incroyables escaliers inversés, aux degrés et à la rampe tournés vers le bas. D’autres, fixés dans le vide à une paroi monumentale, sans aboutir nulle part, s’achevaient après deux ou trois paliers, dans la ténèbre supérieure des coupoles.20” Attribut par définition passager, l’escalier n’en demeure pas moins l’élément dur autour duquel s’enroule l’immeuble. Alors qu’il travaille au projet qu’il “faudrait faire

une maquette des réseaux seuls, reliés par les tours d’ascenseurs, et poser cette maquette sur les courbes de niveau. Ce serait comme le squelette (du bâtiment) (...) autour duquel viendraient s’installer les services.21” Jean Clair dit aussi : "L’escalier, cependant, tend souvent à déborder ses tâches habituelles. Pour se rappeler à notre attention, il se gonfle, se répand, il finit par occuper plus de la moitié de l’espace qu’il était, au départ, supposé desservir. Monumental, bifide, traînant ses marches derrière lui, multipliant volées et paliers, il est alors appelé escalier d’apparat. Le monter et le descendre devient la grande affaire, qui n’a plus rien à voir avec l’utilité.22” Cette invasion rubanée trouve une expression récente dans l’ambassade des Pays-Bas à Berlin de Rem Koolhaas (2003), où les méandres du dispositif de circulation investissent entièrement le volume, faisant de son parcours une “promenade architecturale” au sens que LeCorbusier a donné à cette expression dans la maison La Roche-Jeanneret à Auteuil23 (1923). Loin d’être une simple coulisse, l’escalier se plie à toutes les mises en scène, il est propice aux attentes24, aux poursuites25, aux rencontres et aux déclarations26; il peut être l’arme du crime camouflé en accident, l’instrument de chutes fatales, un broyeur de destins…27. Quelques scènes d’anthologie viennent encore enrichir la recension. Dans Métropolis de Fritz Lang (1927), la montée fantasmatique au sacrifice par un escalier monumental conduisant un cortège de victimes dans la bouche du Moloch, ou encore les escaliers en spirale de la maison du savant Rotwang qui mènent à des profondeurs sépulcrales. Une des trouvailles scénographique du Don Giovanni (1979) de Joseph Losey et du décorateur Alexandre Trauner réside dans le fait de situer une par-

semble, Goethe grimpe au sommet de la “vieille tour” de la Frauenkirche de Munich (p.13), de l’observatoire de l’Université de Padoue (p.67), du campanile de la place Saint-Marc à Venise (p.104), du clocher du Cento (p.115), d’une tour de Bologne (o.119), de la lanterne de la coupole de Saint-Pierre à Rome où il se rend en compagnie de Tischbein (p.163). 16. Voir, par exemple, L’escalier du Bauhaus d’Oscar Schlemmer, huile sur toile, Museum of Modern Art, New York 17. Edward Coley Burne-Jones, L’Escalier d’or , 1872-1880, huile sur toile, 277x117cm, Londres, Tate Gallery. 18. Marcel Duchamps, Nu descendant l’escalier , huile sur toile, 148x90cm, 1912, Museum of Art, Philadelphie 19. Fouad El-Etr, “Esquisse d’un Traité du Pastel, in : Szafran : pastels 1974 , La Délirante, Genève, 1974. 20. Jorge Luis Borges, “L’Immortel”, in : L’Aleph , Gallimard, Paris, 1967, pp.24-25 21. Pierre Riboulet, Naissance d’un hôpital , Les Editions de l’Imprimeur, Besançon, p.40


tie de l’action dans la Rotonda (1566-1569) de Palladio, mais aussi de faire chanter à Leporello l’air du catalogue sur les marches de l’un de ses quatre escaliers cardinaux, tout en déployant le cahier des exploits licencieux de son maître en un interminable déroulé (un leporello justement!). Le souci d’ordonner la représentation discursive des conquêtes du libertin, qui n’a d’égal que l’affirmation compulsive du déni de toute contrainte, ne pouvait trouver meilleur décor que cette architecture “idéale”. Toutes les scènes décisives du Mépris28 ont lieu dans un escalier qui fonctionne véritablement comme agent dramatique, la première fois où Camille (Brigitte Bardot) dit à Paul (Michel Piccoli) qu’elle le méprise, lorsque le même commente L’Odyssée avec Fritz Lang, lorsque finalement le couple se sépare sur l’escalier-mur de la Casa Malaparte à Capri (Giorgio Libera architecte, 1938-1940), puis lors de la lente descente de la scalinata conduisant à la mer. Quant à l’oeuvre de Hitchcock, elle est “marquée par des escaliers interminables et cauchemardesques. En premier lieu parce que l’intention criminelle y trouve idéalement son accomplissement. En second lieu, parce que tout (son) cinéma est hanté par la chute”, affirme Dominique Païni29. Il est vrai que les mécanismes de la gradation ascendante et descendante y ont trouvé leur expression idéale. Il faut revoir Johnie Ausgath (Cary Grant) montant l’escalier avec le verre de lait destiné à son épouse Lina (Joan Fontaine) à l’apex du doute paranoïaque dans Soupçons (1941), ou Leila Crane (Vera Miles) qui descend celui de la cave pour découvrir les preuves du délire schizophrène dont souffre Norman Bates (Anthony Perkins) dans Psychose (1960). Il faut donc arbitrairement fixer un étage où faire relâche, – une escale en somme

– et conclure provisoirement que cette figure idéale de la mise en scène non seulement invite à des chorégraphie répétitives comme celle de Fernand Léger dans son Ballet mécanique30, mais tend à se déployer indéfiniment. (Escaliers. Décors et architecture des cages d’escalier des immeubles d’habitation de Suisse romande 1890-1915, Fabienne Hoffmann et alt.) Faïence murale Fabienne Fravalo Présent sous forme d’une simple couche glaçurée assimilable à une peinture émaillée venant masquer et imperméabiliser un biscuit poreux, le décor des carreaux de faïence recourt à une palette plus diversifiée que le grès teinté dans la masse. Ces carreaux peuvent également recevoir un décor estampé avant d’être émaillé, offrant ainsi davantage de prise à la lumière et un miroitement encore renforcé par la brillance de la glaçure. Les dessins appliqués sur les carreaux peuvent être obtenus de trois manières différentes: par impression, par décalcomanie, ou à la main. Les carreaux imprimés sont passés sous un rouleau portant en relief et en creux un dessin à reproduire et imbibé des couleurs voulues. La décalcomanie recourt à une feuille de papier imprimée de couleurs vitrifiables, posée sur le carreau enduit d’une matière adhérente retenant les couleurs une fois que le papier a été ôté. La décoration à la main est, quant à elle, effectuée par des artistes; réservée à des panneaux ornementaux d’une composition élaborée, elle n’est pas utilisée pour la réalisation de frises et carreaux ponctuant les façades genevoises. Dans tous les cas, une fois les couleurs apposées, les carreaux sont cuits face à face à l’intérieur

22. Jean Clair, Catalogue d’exposition, Vallois, Paris, 1992, cité in : Collectif, Szafran , Fondation Pierre Gianada, Martigny, 200, p.47 23. Voir L’Architecture d’aujourd’hui , 350 (janv.-fév.) 2004, pp.110-117. A propos de la maison de la Roche-Jeanneret, on peut lire sous la plume de Jean-Louis Cohen : “Un parcours enchaîne les vues se déployant alternativement sur trois niveaux vers le haut, horizontalement et vers le bas. En gravissant l’escalier depuis l’entrée, l’ampleur du hall se découvre et sa relation avec la salle à manger apparaît. Arrivée au niveau de la couronne des arbres, entre lesquels la maison est soigneusement placée, la promenade conduit à la galerie de peinture, dont la paroi incurvée supporte une rampe conduisant à la toiture-terrasse.” (Jean-Louis Cohen, Le Corbusier, Taschen, Cologne, 2004, p.24) 24. L’Escalier, Frédéric Mermoud, 2003. 25. Saint-Cyr, Patricia Mazuy, 2000.


de cazettes disposées dans un four soumis à une atmosphère le plus souvent réductrice et une température allant de 900° à 1200° C selon les émaux. (La belle époque de l’ornement à Genève 1890-1920, Fabienne Fravalo et Björn Arvidsson, p.59) Fatigue Contrairement à d’autres formes d’usure qui altèrent les corps en surface, la fatigue prend place à l’intérieur de la matière. En général, la fatigue entraîne la formation de micro-fissures dans un élément soumis à une contrainte externe ; celles-ci se répandent peu à peu dans la masse jusqu’à finalement mener à la rupture. La fatigue est un phénomène sournois, qui peut concerner des éléments pourtant dimensionnés pour soutenir des charges données. La fatigue est en effet provoquée par l’accumulation et la répétition d’efforts autour de quelques points particuliers du matériau, spécifiques à chaque pièce produite: les aspérités, les micro-fissures, les petits défauts, etc. Il est, bien entendu, extrêmement difficile d’estimer s’ils peuvent devenir ou non une cause de fatigue. (usus/ usures. Etat des lieux, Rotor) Faux-marbre et marbres artificiels Catherine Reymond Le faux-marbre est une technique en soi, qui requiert des connaissances particulières. Il est toujours réalisé à main levée, et sa réussite dépend d’une multitude de facteurs, dont font partie le choix des ustensiles (éponges, pinceaux à moucheter, à chiqueter, etc.), la préparation soigneuse du fond à peindre, le respect des temps de séchage, la connaissance des couleurs (mélanges, glacis, dilutions) et des différentes sortes de marbre (veinage, couleurs), ainsi que la

pratique de leur imitation. Les vestibules décorés principalement de techniques d’imitation (faux-marbres, faux-brocarts, faux-joints) sont les plus anciens, réalisés en général dans les dernières décennies du XIXe siècle. Les faux-marbres perdent petit à petit de leur importance pour ne plus être utilisés que dans les soubassement ou les plinthes, remplacés par des motifs Art nouveau plus à la mode. Les faux-marbres peuvent être réalisés sur des boiseries, ou directement sur le plâtre des parois. Ce sont les seules peintures qui ont été vernies à l’origine (contrairement aux décors au pochoir qui n’étaient jamais vernis) car le vernis était indispensable pour obtenir une surface suffisamment brillante qui donne l’illusion du marbre poli. Le “marbre artificiel” ne doit pas être confondu avec le faux-marbre, car il s’agit d’une technique différente, qui n’est pas à proprement parler une technique picturale. Le marbre artificiel se compose de stuc, coloré dans la masse avant d’être séché sous forme de plaques de quelques millimètres d’épaisseur. Ces plaques sont ensuite collées sur une surface plane, soigneusement poncées et vernies jusqu’à l’obtention d’une surface dont la texture et la brillance sont exactement pareilles à celles d’un marbre. Cette technique permet des exécutions en relief, et seul un oeil exercé est capable de faire la différence avec un vrai marbre. (Escaliers. Décors et architecture des cages d’escalier des immeubles d’habitation de Suisse romande 1890-1915, Fabienne Hoffmann et alt.) Faux plafond En architecture, un plafond suspendu, généralement appelé à raison faux plafond, est un plafond situé sous le plafond prin-

26. Les Enfants du Paradis , Marcel Carné, 1945 27. Dans Plein Soleil, de René Clément (1959), Tom Ripley (Alain Delon) descend le cadavre de sa victime signalé, dans une contre-plongée saisissante, par sa main inerte tressautant sur la rampe, et c‘est paradoxalement la vue dans le noyau vide de l’escalier qui fait prendre conscience tout ensemble de l’empilement des volumes et de l’engloutissement de la mort. 28. Jean-Luc Godard, Le Mépris, 1963 29. Dominique Paini, “Ciné-marche”, in : Esprit d’Escalier, Dossier pédagogique du DIP, DIP, Genève, 1995, p.25 30. Fernand Léger, Ballet mécanique, 1923, musique de Georges Antheil


cipal. Il est généralement constitué de matériaux légers comme des plaques de plâtre fixés sur une structure métallique. Autrefois, les plafonds suspendus se nommaient aussi faux planchers. Aujourd’hui, on aménage également quelquefois des faux planchers dans des infrastructures de bureaux, etc. Le plafond suspendu permet de masquer les imperfections et irrégularités de la surface ou de faire passer à l’intérieur des câbles, un circuit de climatisation ou de détection d’incendie. Il permet aussi une meilleure isolation thermique en limitant les déperditions de chaleur et une meilleure isolation phonique. Il réduit cependant la hauteur disponible dans la pièce dans laquelle il est réalisé. Fenêtre I.− Ouverture pratiquée dans un mur, une paroi, pour faire pénétrer l’air et la lumière à l’intérieur d’un local, et normalement munie d’une fermeture vitrée. Ferronnerie forgée Fabienne Fravalo La maîtrise du dessin est primordiale dans la confection de l’épure, qui doit être exactement aux proportions de la pièce à exécuter. Aucune retouche n’est possible au moment de la pose. Interviennent ensuite les opérations intrinsèquement liées au travail de la forge elle-même, par la mise en forme à chaud, à l’aide d’un marteau, du métal posé sur une enclume: fendage, cintrage, torsadage, etc. Outre la connaissance des gestes propres à chacun de ces procédés, le plus important reste la maîtrise du feu, afin de chauffer la pièce à l’endroit et au degré voulu. Le fer doit en effet être chauffé jusqu’au coeur: pour cela, il est néces-

saire de le retourner souvent et d’ajouter du sable qui aide à sa liquéfaction. Les opérations de mise en forme s’effectuent sur de petites pièces qui seront par la suite assemblées, dans un travail de recomposition du dessin originel. Parmi les procédés reposant sur l’élevage de matière le fendage consiste à séparer une partie du matériau au centre du barreau, afin de lui donner du dynamisme et d’alléger son aspect. Le tranchage vise à écarter des épis sur les côtés d’un barreau, de préférence en alternance afin de ne pas réduire trop la résistance du matériau ainsi entamé. Mais les techniques les plus courantes se basent essentiellement sur divers procédés de pliage: le coudage en angle et le cintrage, plus varié, permettent d’obtenir une infinité de volutes, par enroulement ou étirement, mais aussi les noeuds et boucles. Allant de la simple partie d’un cercle à la spirale, en passant par les motifs en C, S ou en G, l’enroulement contribue de manière majeure au dynamisme graphique des ferronneries. Sa variante, l’étirement, est tout simplement obtenu en tirant sur les extrémités d’une volute. Le torsadage, quant à lui, consiste à tordre une barre de fer, le plus souvent à section quadrangulaire, sur elle-même dans un mouvement hélicoïdal. C’est l’un des ornements les plus sobres et les plus discrets. Une fois les différentes pièces de métal mises en forme interviennent ensuite les opérations d’assemblage. Celles-ci ont lieu également à chaud, par soudure, ou par rivetage. La soudure est la partie la plus délicate du travail à la forge, car les deux morceaux de fer à assembler doivent être portés au même point de fusion, sans quoi tout le travail précédent risque d’être annihilé. Le rivetage procède par ajouts de


pièces auxiliaires – les rivets – qui, chauffés au rouge, passent comme des clous au travers des éléments, avant de se contracter en refroidissant et d’assurer une fixation pérenne. L’extrémité du rivet est souvent travaillée spécialement pour prendre part au décor. Il est également possible, pour les parties purement décoratives, de poser des bagues ou des colliers afin de relier deux volutes ensemble ou à un barreau. Toutefois certains éléments peuvent aussi être façonnés à froid puis intégrés par soudure ou rivetage à l’ensemble forgé. Entrent alors en jeu les techniques du repoussé et de l’étampage. Le repoussé consiste à travailler, à l’aide de différents types de marteaux, une feuille de fer ou de tôle afin de lui donner la forme voulue. On obtient ainsi de petits éléments décoratifs en relief venant agrémenter une armature ou une volute: les feuillages, rosaces, mascarons et autres attributs sont le plus fréquemment réalisé de cette manière, qui permet un traitement plus subtil des détails que la forge. L’étampage, enfin, s’effectue à l’aide d’une matrice, qui permet de mettre en forme une petite quantité de métal par pression. Il est notamment utilisé pour la fabrication des lambrequins visant à cacher ou protéger les rouleaux de stores. Mais la ferronnerie forgée n’exclut pas non plus le recours à la sculpture, afin de tailler dans la masse. Enfin, un ajustage à la lime parachève le finissage de l’oeuvre. (La belle époque de l’ornement à Genève 1890-1920, Fabienne Fravalo et Björn Arvidsson, p.222)

Lambris A. − Revêtement de menuiserie, de marbre, de stuc, uni ou formé de cadres et de panneaux, décorant les murs d’une pièce d’habitation et les isolant du froid et de l’humidité. ♦ Lambris d’appui. Celui qui revêt la partie inférieure du mur à hauteur d’appui. ♦ Faux lambris. Revêtement de plâtre, comportant des moulures, peint à l’imitation d’un lambris de bois ou de marbre. B. − Revêtement de menuiserie généralement ouvragé, richement peint ou formant des caissons, appliqué à un plafond. Lambris dorés, de plafond.

Jambage Chacun des montants verticaux d’une baie de fenêtre, de porte qui soutiennent le linteau.

Si les lambris de hauteur sont chose rare dans les cages d’escalier qui nous intéressent, contrairement aux halls des villas de la même période, force est de constater que le bois travaillé y occupe une place

Linteau Traverse horizontale de bois, de pierre ou de métal, formant la partie supérieure d’une porte, d’une fenêtre et qui soutient la maçonnerie. Main courante Pièce supérieure d’une rampe d’escalier ou d’un garde-corps, sur laquelle on peut prendre appui Marche Surface plane faite de divers matériaux (pierre, béton, fer, bois), facilitant l’accès à un plan supérieur ou inférieur. Ensemble formé par la surface plane (giron) et la hauteur de la marche (contremarche). Menuiseries Dave Lüthi, Nadja Maillard


importante, inversement proportionnelle au standing de l’immeuble. Ainsi, les édifices les plus modestes présentent-ils souvent des volées de marches entièrement en bois, alors que, dans les habitations plus aisées, seule la dernière volée – celle qui relie le dernier étage habité aux combles où logent les domestiques – est réalisée dans ce matériau. (...) Les immeubles bourgeois ne se servent du bois que pour les portes d’entrée et palières, parfois pour des lambris. Dans les années 1880-1910, la porte d’entrée représente d’ailleurs l’un des tours de force de la cage d’escalier, réalisée justement en bois, en trois dimensions, avec colonnettes, chapiteaux, frontons traités en haut-relief, voire en ronde-bosse. Son rôle représentatif se voit parfois amplifié par une inscription : “salvt et bienvenue” (sic), annonce une inscription gravée dans les trois métopes d’une porte “chef-d’oeuvre” chaux-de-fonnière1. La présence d’éléments de bois dans la cage – comme dans les appartements euxmêmes – résulte de l’évolution de la menuiserie au XIXe siècle. En effet, ce domaine fait l’objet d’une importante simplification et d’une normalisation de ses procédés de production dans la seconde moitié du siècle. Voyons, par exemple, Eugène Viollet-le-Duc, qui, à l’instar de la plupart des traités et manuels techniques de l’époque, conseille de dimensionner les panneaux sur “la grosseur (...) des arbres propres à la menuiserie2” et des largeurs standard disponibles à la scierie. Ce ne sont pas tant l’infinie variété des profils et la complexité des assemblage qui changent que la rapidité d’exécution grâce au développement des machines. (...) Si cette standardisation entraîne une forme de stérilisation des formes et des

savoir-faire – dimensions types, décors types –, elle s’ajuste en revanche à une nouvelle organisation du marché dominé par la nécessité d’abolir les temps morts dans la production et par le fait de pouvoir répondre à une clientèle “indéfinie” par un produit adaptable à toute commande. (Escaliers. Décors et architecture des cages d’escalier des immeubles d’habitation de Suisse romande 1890-1915, Fabienne Hoffmann et alt.) Mosaïque : “méthode à revers sur le papier” Fabienne Fravalo Le dessin à grandeur réelle du motif à exécuter en mosaïque est réalisé sur un calque, puis projeté à l’envers sur un papier épais, lui-même divisé en plusieurs parties numérotées en vue de l’assemblage final. Sur chacun de ces panneaux, on colle les tesselles – en granit, marbre, grès-cérame ou verre – à l’atelier. Ces panneaux sont ensuite transportés sur le chantier et appliqués sur les surfaces préalablement enduites de ciment d’implantation ou de plâtre pour garantir l’adhésion des tesselles. Quand cette chape est sèche, on ôte les feuilles de papier à l’aide d’une éponge mouillée et on parfait les joints au mastic. Employée pour des panneaux de moyennes dimensions (moins de 2 mètres de côté), et de préférence pour des compositions ornementales relativement simples, cette technique présente l’immense avantage de se préparer à l’atelier, de diviser le travail en fonction de différents spécialistes (de composition du dessin ou de pose), et de diminuer le temps et la pénibilité de l’exécution. (La belle époque de l’ornement à Genève 1890-1920, Fabienne Fravalo et Björn

1. Tourelles 21, vers 1895-1900 (Fritz Flückiger, architecte, pour lui-même) 2. Eugène Viollet-le-Duc, Comment on construit une maison (Histoire d’une maison), Hetzel, Paris, 1887, p.261


Arvidsson, p.83) Montant Pièce de bois, de pierre ou de métal qui est posée verticalement dans certains ouvrages de menuiserie ou de serrurerie. Moulures B.− BEAUX-ARTS et DÉCOR. Élément d’ornementation en relief ou en creux, taillé à même le matériau de base, ou constitué d’un élément rapporté, en bois, tôle, plâtre ou en matière plastique en forme de bande taillée selon un profil constant dans toute sa longueur. Mur A.− 1. Ouvrage de maçonnerie vertical (parfois oblique), d’épaisseur et de hauteur variable, formé de pierres, de briques, de moellons superposés et liés par du mortier ou du ciment, et élevé sur une certaine longueur pour constituer le côté d’un bâtiment, enclore ou séparer des espaces, soutenir et supporter des charges. Nez de marche Tranche généralement arrondie de la marche qui dépasse légèrement au-dessus de la contremarche (c’est-à-dire la partie verticale entre deux marches). Oeil de boeuf A. − ARCHIT. Lucarne, fenêtre ronde ou ovale pratiquée dans la partie supérieure d’un édifice ou dans un mur. Paillasson Petit tapis de fibres végétales, épais et rugueux, que l’on place à la porte d’un appartement, au pied d’un escalier pour s’essuyer les pieds.

Palier 1. Plate-forme située au sommet d’un escalier ou entre deux volées. SYNT. Palier du premier, du deuxième... étage; porte du palier; porte donnant sur le palier; voisin de palier; balayer le palier; habiter sur le même palier; s’arrêter à chaque palier; s’arrêter, arriver, attendre, bavarder, rester, sortir sur le palier. ♦ Palier circulaire. Palier situé dans la cage d’un escalier à vis ou en colimaçon. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Palier de communication. Palier sur lequel donnent plusieurs pièces ou plusieurs appartements. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Palier de repos. Palier intermédiaire situé entre deux volées d’escalier, qui ne donne pas accès à des appartements. (Dict. xixeet xxes.). La paroi Cordula Seger La paroi (Wand) est chargée d’une longue histoire culturelle. Les expressions “Mit dem Rücken zur Wand stehen.” (avoir le dos au mur) et “Mit dem Kopf durch die Wand gehen” (foncer tête baissée, littéralement : aller tête à travers le mur) témoignent de deux choses : d’abord la paroi forme la limite perceptible d’un espace déterminé, et il existe de plus un accord collectif en vertu duquel cette démarcation construite est contraignante et signifiante. Les termes sont liés à la langue, et les définir revient à traver les limites de leur champ sémantique. Le sens d’un mot se définit donc dans un contexte donné, par différenciation par rapport à d’autres mots et à leur corrélat matériel. En allemand Wand (=paroi) se différencie de Mauer


(=mur) en ce que celle-ci ne possède pas de profondeur, qu’elle n’est ni tridimensionnelle ni plastique, mais plane et fine. Le mur réagit des deux côtés, limite à l’intérieur et à l’extérieur, de ce côté-ci et de l’autre. Il constitue un élément architectonique indépendant et peut délimiter – et donc créer – un espace. La paroi, elle, n’existe qu’en association avec un sol et un plafond ou avec un élément porteur placé derrière elle, et elle est essentiellement liée au détail des transitions spatiales. Au vu de ces propriétés, nous pouvons dire que la paroi est une construction filigrane (dans la construction à colombages classique, la paroi se présente comme un remplissage), tandis que le mur relève du domaine de la construction massive. En allemand, cette différenciation entre construction filigrane (tectonique) et stéréotomie est soulignée par la distinction terminologique entre Wand et Mauer : “ En allemand, cette distinction entre tectonique et stéréotomie était soulignée par la différence entre deux catégories de murs : die Wand, désignant une partition comme celle que l’on trouve dans le remplissage d’un clayonnage enduit de torchis, et die Mauer, désignant une fortification massive.1” La distinction terminologique entre Mauer (mur) et Wand (paroi) joue un rôle central dans la théorie de Gottfried Semper, telle qu’il la développe dans son ouvrage Der Still in den technischen und tektonischen Künsten. Se référant à l’étymologie, il fait dériver le mot Wand de Gewand (habit, vêtement) et winden (tresser, utilisé par exemple dans l’expression “tresser une couronne de fleurs”, Ndt), et classe la paroi dans la catégorie des textiles, qui est l’une des quatres formes de sa typologie des productions artistiques humaines (tissage, poterie, tectonique – centrée, chez

Semper, sur la construction en bois – et stéréotomie). Dans la théorie de cet auteur, cette parenté étymologique est étayée par les arguments fournis par l’ethnographie est étayée par les arguments fournis par l’ethnographie et l’histoire de l’évolution : “Nous avons ici à nouveau affaire à cette situation remarquable dans laquelle le langage sonore nous aide à comprendre la préhistoire des arts, explique les premières apparitions des symboles du langage des formes, et confirme la véracité de leur interprétation. Dans toutes les langues germaniques, le terme Wand (paroi) (qui possède la même racine et la même signification originaire que Gewand (habit, vêtement) rappelle directement l’ancienne origine et le type de la fermeture visible d’une pièce.2” Ce chevauchement de la langue et de l’art est pour Semper lourd de conséquence ; il lui sert de fil conducteur tout au long de sa théorie. En 1860, Semper croyait que l’on assisterait bientôt à un échange fertile entre la recherche consacrée aux formes linguistiques et celle consacrée aux formes artistiques. Pour lui, le concept aiguise notre recherche d’explication de la réalité. Dans son essai sur l’architecture, l’écrivain Paul Valéry résume de façon poétique cette pensée : “ Mais véritablement, la parole peut construire, comme elle peut créer, comme elle peut corrompre…3” Mettre la paroi en valeur Où se situe exactement la différence entre Mauer (mur) et Wand (paroi)? D’un point de vue matériel, elle commence entre l’épaisseur du mur et la surface de la paroi, entre l’indépendance constructive et la dépendance par rapport à d’autres élément de construction. Il peut aussi y avoir une transition formelle : un mur peut se transformer en paroi lorsqu’on le recouvre d’un

1. Kenneth Frampton, Studies in Tectonic Culture : The Poetics of Construction in Nineteenth and Twentieth Century Architecture, Londres, 1995, p.5 2. Gottfried Semper, Der Still in den technischen und tektonischen Künsten, t.1, Francfort-sur-le-Main, 1860, p.229. 3. Paul Valéry, Eupalinos ou l’architecte , Paris 1924, p.145.


revêtement ou lorsque le principe de son assemblage lui donne un aspect textile ou bien celui d’une surface plane4. Cela n’a rien d’un jeu formel ; l’essentiel est ici que ce revêtement, quel que soit son caractère, soit porteur de signification. Par exemple, une très mince couche de couleur transforme le mur en paroi. Dans ce contexte, la découverte de l’utilisation de la couleur dans l’architecture de la Grèce antique au cours de la deuxième moitié du XVIIIe siècle a influencé le débat théorique en architecture. Cette découverte va au-delà de l’opposition entre une élégance blanche et sobre et une exubérance multicolore. Elle entraîne le passage d’une conception plastique à une conception textile, le passage du mur à la paroi. Dans le premier volume de leur Antiquities of Athens paru en 1763, James Stuart et Nicholas Revett dessinèrent en couleurs la palmette et la frise de lotus qu’ils avaient trouvée au temple d’Ilissos. Lors d’une célèbre conférence tenue en 1806, Quatremère de Quincy défendit à son tour cette nouvelle manière de considérer l’architecture grecque, ce qui amènerait Semper à le considérer avec admiration comme l’instigateur de ce débat5. Pour Semper, la paroi est un expression symbolique de l’espace. Le revêtement décoratif d’un bâtiment, visible à l’extérieur et à l’intérieur, doit assurer et dévoiler l’expression spatiale et architecturale de l’ensemble. Libérée de toute fonction statique, la paroi met l’édifice en valeur ; elle est porteuse de sens. La citation suivante illustre la double nature (différenciation et chevauchement) qui, selon Semper, caractérise la relation entre le mur, qui est lié aux impératifs constructifs, et la paroi, comprise comme élément symbolique : “ (...) même là où les murs solides sont nécessaires, ils ne constituent que la structure

intérieure et invisible des véritables représentations légitimes de l’idée de l’espace, à savoir des parois textiles, d’aspect plus ou moins artificiel “cousues ensemble6”. Cette fonction symbolique conférée à la paroi est particulièrement visible dans l’église Friedrich-Werder de Friedrich Schinkel, à Berlin. Les nervures gothiques de l’intérieur ne sont pas porteuses et ne se rejoignent pas au centre, où un vide remplace les “clefs de voûte”, indiquant l’absence de fonction mécanique. Ici, les nervures font partie du revêtement de la paroi, ou mieux, de sa mise en scène. On comprendra mieux l’importance essentielle de la paroi au XIXe siècle en l’envisageant à la lumière de la distinction effectuée par John Ruskin en 1849 entre la partie purement constructive du bâtiment, le “building” et sa partie décorative, l’”architecture”. Cette distinction n’est en effet pas sans conséquence7, puisque l’intention communicative et symbolique de l’architecture est dès lors envisagée comme une plus-value esthétique par rapport à la pure mise en oeuvre technique. En exagérant, on peut dire que le revêtement est mis sur le même plan que l’architecture. Le cadre et l’encadré Au milieu du XIXe siècle, Eugène Viollet-leDuc développa un rationalisme structurel, dans lequel il définit la structure constructive comme une nécessité et établit une distinction entre éléments primaires et éléments secondaires : la mécanique et la structure d’un bâtiment étant des éléments primaires, tandis que les éléments secondaires comme la paroi ou le remplissage peuvent être peints et décorés8. Cette différenciation inscrit les éléments architecturaux dans un système hiérarchique, où l’ornementation et la décoration ne

4. Cf. l’essai “Le pathos de la maçonnerie” d’Akos Moravànsky dans le présent volume. Le mélange d’un mode de construction filigrane et massif est déjà présent chez Semper, qui considère que l’assemblage de chaque mur bien construit représente une sorte d’entrelacs. 5. Gottfried Semper, Der Still in den technischen und tektonischen Künsten, t.1, Francfort-sur-le-Main, 1860, p.218. 6. Ibid, p. 229. 7. La distinction entre construction et architecture vers 1800 influença aussi la formation. En France, par exemple, l’Ecole polytechnique, fondée en 1795, mettait avant tout l’accent sur les techniques appliquées. La spécialisation croissante entraîna une séparation des disciplines qui influence jusqu’à aujourd’hui les conceptions de l’architecture et de la construction, tandis que l’on n’admet que lentement qu’il est nécessaire de réunir ces deux domaines. 8. Cf. Robin Middleton, “Farbe und Bekleidung im neuzehnten Jahrhundert”, in Daidalos “In Farbe”, n°51, Berlin, 15 mars 1994, pp.88-89.


sont admises que là où elles sont libérées d’une fonction porteuse. Alors que Viollet-le-Duc illustrait ses principes dans un projet de bâtiment à ossature métallique, où la structure porteuse est bien visible et le remplissage constitué de briques émaillées9, la diffusion croissante du béton armé au tournant du XXe siècle, allant de pair avec l’utilisation d’une ossature, plaçait le thème du remplissage dans une nouvelle perspective. C’est ainsi qu’Auguste Perret formule la structure et le remplissage sous la forme d’un cadre contenant un élément encadré et les met en valeur dans son immeuble d’habitation au 25 de la rue Franklin, où il utilise à cet effet un ossature en béton armé, matériau dont il fut l’un des pionniers. Pour Perret, l’ossature bois est à l’origine de l’architecture10 et le nouveau matériau de construction que constitue le béton armé permet de la réinterpréter en accord avec son époque. Le squelette (ou cadre), définissant et accentuant ce qui est encadré, il lui donne sa véritable signification. Dans l’immeuble de la rue Franklin, le squelette n’est toutefois pas laissé en béton brut, mais revêtu de carrelage lisse, ce qui le distingue nettement des décorations florales du remplissage. Interprétée comme une toile tendue par un châssis, la paroi sert de métaphore plus générale pour un support souple, interchangeable et se modifiant dans le temps. Un dialogue s’instaure entre le remplissage et la structure tectonique des éléments constructifs qui l’entoure. Seul ce dialogue et l’intensité discursive de l’expression formelle sur le style révèlent le caractère d’un bâtiment et l’ambiance que l’architecte a voulu lui donner. Ce dialogue, et la richesse des relations et des influences entre les ambiances, permettant de dépasser une approche pure-

ment fonctionnelle, définissent le caractère du bâtiment, qui est encore renforcé par l’architecture. (...) La paroi se suffit à elle-même Dans les années 1920, les architectes du mouvement De Stijl réunissent les principes de la construction filigrane et de la construction massive en utilisant de minces panneaux de béton armé, et élèvent le voile au range de principe constructif et architectural générant l’espace. Sur le plan optique, la hiérarchie entre les éléments de construction primaires et secondaires disparaît. La couleur est importante pour mettre les voiles en valeur. Les architectes et les artistes du groupe De Stijl peignent des parois entières et, le long des arêtes, les surfaces colorées se touchent de manière telle que l’effet volumique du corps du bâtiment est relégué au second plan au profit d’un assemblage structurel semblant en suspension. Arthur Rüegg commente ainsi la “Maison particulière” de van Doesburg : “L’utilisation des couleurs, qui suggère une définition ouverte de l’espace, apparaît a posteriori comme la critique progressive d’une architecture encore soumise aux règles habituelles de la statique et de l’espace clos.11” Ainsi, alors que la paroi colorée est censée renforcer l’aspect abstrait du bâtiment et semble renoncer à toute signification, elle redevient signifiante dans un contexte historique par l’attitude qu’elle véhicule : les principes établis sont contournées pour exprimer une nouvelle conception de l’espace. Intimité et représentation La paroi, dans le sens restreint du terme,

9. Cf. Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc, Entretiens sur l’architecture, Atlas, Paris 1864, planche XXXVI. 10. Auguste Perret, Contribution à une théorie de l’architecture, 1952, cité par Frampton 1995, pp, 125-126 11. Arthur Rüegg. “Farbkonzepte und Farbskalen in der Moderne”, in Daidalos “In Farbe”, n°51, Berlin, 15 mars 1994, p.69.


est pensée à partir de l’intérieur. L’espace spécifique, unique, y trouve sa limite : “La paroi est l’élément constructif qui définit l’espace clos, de manière absolue et sans explication supplémentaire. Elle rend l’espace présent à l’oeil.12” L’expression allemande eigene vier Wände (entre ses quatres murs) indique bien le rôle central de l’intérieur. Avec l’influence croissant de la bourgeoisie au XIXe siècle, l’intérieur gagne en importance comme espace collectif servant à la (re)présentation de soi. Walter Benjamin parle d’”étui” pour désigner la force “enfermante” des logements au XIXe siècle. “Dans le cas le plus extrême”, écrit Benjamin, “l’appartement” qui porte l’empreinte de son occupant “devient un habitacle13”. Benjamin voit dans le modern style, et son idéal d’un intérieur conçu de façon on ne peut plus cohérente, une rupture avec cette conception de l’espace enfermant : “Le Jugendstil ébranle profondément la nature de l’habitacle.14” En poursuivant cette pensée, on constate que cet Art Nouveau, avec ses motifs floraux et ses ondulations organiques, accentue le caractère plan de la paroi et attire davantage l’attention sur l’effet visuel que sur l’atmosphère de la pièce. Vers 1900, l’intérieur s’aplatit pour devenir un film, et la maîtresse de maison, dans son rôle de représentation, disparaît pour ainsi dire dans cette surface des projections sociales. A l’appui de cette interprétation, nous pouvons citer la photographie montrant comment Maria Sèthe, portant une robe dessinée par son mari Henry Van de Velde, se fond dans l’intérieur conçu comme Gesamskunstwerk (oeuvre d’art totale). Le revêtement mural et la robe d’intérieur fusionnent. Du point de vue de l’histoire de l’architecture, le principe du revêtement semperien est ici

poussé à l’extrême. Si l’on considère l’espace comme un lieu concret d’existence, ce principe du modern style a un effet doublement restrictif pour les femmes, qui se voient assigner l’intérieur comme principal lieu de vie. Adolf Loos, un adversaire avisé du Stillkunst, dans lequel il classe aussi bien les projets d’Henry Van de Velde que le mouvement de la Sécession viennoise et les Wiener Werkstätten, a sévèrement critiqué l’aspect décoratif et dramatique de l’Art Nouveau et soutenu le principe suivant lequel l’intérieur doit porter la marque de ses habitants et non pas celles d’artistes-architectes infatués d’eux-mêmes. De l’habillage aux revêtements et vice-versa De nos jours, la force expressive de la paroi est le plus souvent réduite. Alors que le troisième volume du Handbuch der Architektur publié en 1903 à Stuttgart15, consacrait encore un chapitre entier au revêtement des parois (la palette des moyens présentés incluait la pierre, le papier, le cuir, le tissu, la peinture, la tapisserie, l’incrustation, les décorations en stuc, les mosaïques, les boiseries et la “peinture artistique”), les ouvrages contemporains se concentrent surtout sur ce que cet habillage dissimule. En allemand, ce glissement se retrouve au niveau du langage : alors qu’il y a cent ans, le manuel, conformément à l’usage semperien, parlait de “Wandbekleidung” (habillage mural), le langage courant parle uniquement de “Wandverkleidung” (revêtement mural). Le “revêtement mural” renvoie à ce qui doit rester invisible ou apparaître sous une autre forme ; il dissimule l’isolant thermique, le pare-vapeur, le vide de ventilation, etc., qui occupent l’espace entre Wand (paroi) et Mauer (mur). Gottfried Semper appréciait le jeu de rôles, qui, en tant que convention obligatoire,

12. Gottfried Semper, Der Still in den technischen und tektonischen Künsten , t.1, Francfort-sur-le-Main, 1860, p.227. 13. Walter Benjamin, Das Passagen-Werk, Gesammelte Schriften, vol.1, Francfort-sur-le-Main 1982, p.292 14. Ibid, p. 292. 15. Hugo Koch, “Ausbildung der Wandfläche”, in Die Hochbaukonstruktionen. Des Handbuch der Architektur dritter Teil , vol.3, cahier 3 : Ausbildung der Fussboden-, Wand- und Deckenfläschen , Stuttgart 1903, pp.101-102.


facilite la vie en commun. Pour prendre part au débat public il utilisa des gestes et des images codés : “ Je crois que l’acte de se vêtir et de se masquer est aussi ancien que la civilisation humaine, et que le plaisir qu’il suscite est identique à celui produit par l’acte qui fait de l’homme un sculpteur, un peintre, un architecte, un poète, un musicien ou un dramaturge, bref, un artiste. Chaque création artistique, tout comme chaque plaisir suscité par l’art, suppose une humeur carnavalesque – la fumée des chandelles de carnaval est la véritable atmosphère de l’art. La destruction de la réalité et de la matière est nécessaire là où la forme doit apparaître comme un symbole riche de sens, comme une création propre à l’homme.16” Au désir de carnaval de Semper, le mouvement moderne répondit par une exigence morale de sincérité, qui entraîna la disparition de la richesse expressive. Il fallut attendre le mouvement postmoderne pour que le potentiel communicatif de la paroi soit redécouvert et que le principe de l’habillage et celui du revêtement fusionnent. (Construire l’architecture. Du matériau brut à l’édifice : un manuel. Andrea Deplazes (dir.)) Perron Construction extérieure formée d’un escalier et d’un palier donnant accès à l’entrée surélevée d’un bâtiment. Plinthe A. − ARCHIT. Pierre plate, carrée ou rectangulaire, située à la base d’une colonne ou d’une statue (synon. socle) ou située au-dessus d’un chapiteau, d’un ouvrage de sculpture (synon. tailloir). B. − B T. Bande plate faisant saillie au bas

d’un mur de bâtiment. − Plinthe (de mur). ,,Moulure plate et haute [parfois décorée] qui dans les murs de face, indique la ligne des planchers`` (Bach.Dez. 1882). − MENUIS. Planche de bois, de dix à douze centimètres de largeur, bordant le bas d’un mur d’appartement à sa jonction avec le plancher ou avec le bas d’un lambris. Poignée Objet (ou partie d’objet) conçu(e) pour être saisi(e) et tenu(e) par la main fermée. Poinçonnement Le poinçonnement peut désigner l’enfoncement d’une surface, le tassement d’un sol ou la déformation d’un élément sous l’effet d’une pression localisée. Lorsqu’une force s’exerce sur une surface, c’est la surface de répartition de la force qui déterminera l’intensité de l’altération. (usus/usures. Etat des lieux, Rotor) La porte Cordula Seger La porte relie l’extérieur et l’intérieur et crée une relation entre des sphères différentes. Avec le seuil, elle constitue un lieu de passage important. Dans de nombreuses cultures, cette transition d’une espace à l’autre, qui met en question la présence physique de la personne passant la porte, possède une valeur symbolique. En effet, au passage physique se superpose le passage d’une situation sociale à une autre. Une personne autorisée à franchir le seuil d’une certaine porte montre son appartenance à une communauté1. Lieu de passage, la porte représente aussi le point de départ du cheminement à l’inté-

16. Gottfried Semper, Der Still in den technischen und tektonischen Künsten, t.1, Francfort-sur-le-Main, 1860, p.231, note 2. 1. Cf. Arnold van Gennep, Übergangsriten (1909), Frankfort-sur-le-Main, 1999, p.184


rieur du bâtiment, et “prépare” la personne qui entre à ce qui l’attend. L’expérience visuelle et tactile est importante : la poignée est-elle bien ajustée à la main? Le corps doit-il pousser le vantail ou la porte s’ouvret-elle facilement? Se referme-t-elle avec un clic net ou grince-t-elle sur ses gonds? La hauteur, la largeur et la forme de la porte sont des indices du degré d’ouverture et de représentation. Une porte d’entrée accueillante et de dimension généreuse est un geste d’invitation. Pourtant, les architectes se soucient souvent peu du thème de l’entrée, en particulier lorsqu’il s’agit d’immeubles d’habitation. Cette négligence est encore renforcée par des espaces de faible hauteur qui, “écrasant” les portes, leur donnent un aspect pesant et repoussant. Dans un immeuble d’habitation, la porte palière sépare le domaine de desserte semi-public de l’espace d’habitation privé. Fréquemment percée d’un judas permettant de voir depuis l’intérieur mais pas de l’extérieur, elle indique que tout visiteur n’est pas le bienvenu. On attend de la porte d’entrée qu’elle nous protège, que ce soit contre les bruits indésirables, les regards indiscrets, les déperditions de chaleur ou les intrus. Elle est par conséquent fabriquée solidement, afin de satisfaire à des exigences de plus en plus élevées. A l’intérieur de l’appartement, les portes de communication définissent la hiérarchie des espaces : plus la pièce doit préserver l’intimité, plus la porte doit la protéger des regards extérieurs. Enfin, posée pour être le plus invisible possible, la porte secrète apparaît à peine, elle sert à dissimuler quelque chose. Le type de porte dépend du flux des visiteurs attendus et de la manière dont on entend le réguler. La porte coulissante automatique permet à un flot constant de per2. Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, Paris, 1957, p.201

sonnes d’entrer et de sortir, comme dans les grands magasins. La porte à tambour des hôtels, dont le mouvement circulaire symbolise les allées et venus perpétuelles, invite à entrer depuis la rue ; elle fait en même temps de chaque personne un hôte particulier en lui permettant d’entrer seule dans l’établissement. La porte à va-et-vient fait aussi traditionnellement partie de l’univers hôtelier, où elle relie les sphères situées devant et derrière les coulisses (p.ex. la salle à manger et la cuisine). S’ouvrant d’un adroit coup de pied, son mouvement permet aux serveurs chargés de lourds plateaux de passer sans encombre. Dans son ouvrage La Poétique de l’espace, le philosophe Gaston Bachelard s’interroge : “ Et puis, sur quoi, vers qui s’ouvrent les portes? S’ouvrent-elles pour le monde des hommes ou pour le monde de la solitude2?” Sur le plan architectural, il est possible de répondre, ou du moins en partie, à cette question : dans l’espace privé d’une maison, la porte s’ouvre vers l’intérieur et indique à la personne qui entre le chemin vers l’espace protecteur. L’expression allemande “Mit der Tür ins Haus fallen” (qui signifie “ne pas y aller par quatre chemins” et dit littéralement “tomber dans la maison avec la porte”) fait référence à ce sens d’ouverture, la connotation négative signifiant par ailleurs qu’on ne doit pas franchir le seuil de façon inconsidérée, au risque de se voir “mis à la porte”. Dans les bâtiments accueillant un grand nombre de visiteurs, au contraire, les portes s’ouvrent dans le sens de la fuite et donc vers l’extérieur. Plus que le sens d’ouverture, la question “à quoi donne-telle accès?” renvoie à la qualité de l’espace qu’elle commande. Elle peut souligner la symétrie et conduire au milieu de la pièce, ou être proche d’une paroi pour laisser de


la place aux meubles ; dans les deux cas, elle influence de manière déterminante l’ambiance de la pièce et son aménagement. (Construire l’architecture. Du matériau brut à l’édifice : un manuel. Andrea Deplazes (dir.)) Rayure La rayure est un cas spécifique d’abrasion où la matière d’une surface lui est soustraite sur une trajectoire linéaire, par déplacement d’un objet à pointe ou à bord tranchant soumis à une pression. (usus/usures. Etat des lieux, Rotor) Réactions chimiques Outre les réactions mécaniques, l’usage peut aussi enclencher des réactions chimiques. Ici, la transformation touche aux propriétés de la matière au niveau moléculaire. L’utilisation de produits de nettoyage, par exemple, peut entraîner une altération des surfaces sur lesquelles ils s’appliquent. Aussi, l’action de toucher laisse des traces de graisse ou provoque une réaction liée à l’acidité de la peau. La chaleur ou la lumière peuvent être des facteurs déterminants; c’est le cas de la décoloration de certaines encres au soleil, ou du durcissement d’un plastique exposé à la chaleur. (usus/usures. Etat des lieux, Rotor) Rosace Figure symétrique, formée de courbes inscrites dans un cercle à partir d’un point ou bouton central, ayant plus ou moins la forme d’une rose ou d’une étoile stylisée, et utilisée comme motif de décoration. Ornement, moulure affectant cette forme, et que l’on utilise principalement en architecture pour décorer les caissons de plafond, les voûtes, et en menuiserie pour orner un meuble.

Serrure Dispositif fixe qui commande l’ouverture et la fermeture d’une porte, d’un meuble, etc., composé généralement de deux parties correspondantes, le palastre, boîte contenant un mécanisme à ressort mû par une clef ou un bouton qui fait jouer le pêne et la gâche qui reçoit le pêne. Seuil Dalle ou pièce de bois qui forme la partie inférieure de l’ouverture d’une porte. − P. méton. Entrée d’une maison, d’un bâtiment. Socle 1. Assise unie ou moulurée, le plus souvent quadrangulaire sur laquelle repose un édifice, une colonne ou qui sert de support à une statue, une pendule. 2. Pièce de bois de la hauteur d’une plinthe servant de base aux montants d’un chambranle. Soubassement 1. a) Partie inférieure d’un édifice, d’une construction, massive et continue, située au-dessus du niveau du sol, formée de plusieurs assises, reposant sur les fondations, et servant de base, de support aux parties supérieures. b) Partie inférieure d’une cloison, souvent ornée d’un revêtement et décorée. Stuc Enduit composé de marbre blanc pulvérisé, de chaux éteinte et de craie gâchés dans l’eau, ou de plâtre très fin dissous dans une colle forte, pouvant prendre les nuances colorées de divers marbres, acquérant une grande dureté et un beau poli; p. méton., matière servant à effectuer des moulages divers, des statues.


P. méton. Motif décoratif achevé fait de cette matière Stuc et staff Catherine Schmutz Nicod Le mot “staff” apparaît au milieu du XIXe siècle, au moment de son invention, mais son origine est peu sûre (peut-être de l’allemand staffieren, garnir, orner ou de l’ancien français estoffe, étoffe). Le mot stuc vient, lui, de l’italien stucco, issu du vieil allemand stukki. Le staff a eu pour précurseur le stuc, qui était à l’origine un mélange de chaux éteinte, de poudre de marbre blanc, de sable lavé et de colle de caséine, devenant aussi malléable et performant que le mortier ou la terre glaise. En fait, il existe de multiples recettes de stucs selon l’usage qu’on veut en faire : on peut l’employer comme crépi, enduit, support d’un décor peint, sculpture et décor en relief . En augmentant la part de gypse, la pâte de stuc peut devenir dure comme de la pierre, et la remplacer comme c’est le cas dans certaines cages d’escalier (rue de la Grotte 6, avenue de la Gare 1, à Lausanne). Le stuc imite de manière idéale la pierre ou le marbre, mais on peut également lui donner l’apparence de vieux bois sculpté, ou d’un granit coloré, du fer forgé, de l’ivoire, du bronze, etc. Il permet de manier l’art du faux avec une grande véracité. La plupart des manières de travailler le stuc d’aujourd’hui remontent à la Haute Antiquité. Au XIXe siècle, on invente un matériau moins coûteux, c’est tout d’abord le carton-pierre (qui apparaît en 1817), mélange de papier de soie bouilli, de colle de peau versée à chaud et de blanc de Meudon (craie) ayant la consistance d’une pâte homogène. Au besoin, on lui adjoint une armature en fils de zinc pour le rendre plus

solide. Difficile à conserver entre des chiffons mouillées, le carton-pierre est remplacé en 1850 par le staff (mélange de plâtre et de filasse sur une armature de bois ou de métal). Dès lors, l’emploi du staff se développe rapidement. Lors des Expositions de Paris en 1889 et 1900, le staff, présenté dans ses multiples applications, y conquiert de nombreux artisans et entrepreneurs. Des modèles préfabriqués, tels que corniches, rosaces et frises, sont proposés sur catalogue et commercialisés ; il ne reste plus qu’à les poser à l’endroit désiré sans avoir besoin de maîtriser la technique de façonnage. Le staff, tel qu’on le rencontre le plus souvent dans les immeubles d’habitation, est utilisé avant tout pour réaliser des corniches qui servent à masquer les raccords peu esthétiques entre les parois et le plafond. Un autre usage très courant, c’est la rosace destinée à mettre en valeur un lustre au milieu d’une pièce. Le stucage, en revanche, requiert un certain savoir-faire : il faut d’abord gâcher la pâte, la façonner, puis la poser, la poncer, la polir et l’enduire. La technique est alliée des peintres qui l’utilisent comme support, et des sculpteurs qui la modèlent pour en tirer des figures ou des formes géométriques et végétales. (Escaliers. Décors et architecture des cages d’escalier des immeubles d’habitation de Suisse romande 1890-1915, Fabienne Hoffmann et alt.) Traverses Pièce horizontale de bois, de métal, qui est assemblée entre deux montants et renforce un châssis, un encadrement, une grille, un meuble, etc. Usure L’usure comme indice Rotor


§3 Alfred Gell ne consacre qu’une attention marginale et théorique aux objets dont les agissements sont strictement physiques. Ce qui l’intéresse davantage sont les objets “captivants” qui influent sur le comportement des vivants sans qu’il n’y ait pour autant de rapport causal strictement physique. L’impact se situe alors ailleurs. Nous faisons allusion aux objets qui, par leur nature spécifique, suscitent de la déférence, de l’admiration, de la vénération, de la peur ou du dégoût chez les personnes évoluant dans leurs parages. Remarquons qu’il s’agit souvent d’objets à vocation religieuse, magique ou artistique; l’”agentivité” de ceux-ci se gagne au terme d’une phase d’interaction prolongée et de contacts physiques répétés. Les reliques illustrent le principe en le poussant à l’extrême : ce sont les bouts d’étoffe, les ornements en bois, en verre portés par le saint, la sainte ou carrément les morceaux du corps, ou encore, dans nos sociétés, les objets ayant appartenu à une célébrité tels les vêtements, les accessoires de scène, etc. Ces objets acquièrent une capacité d’action sociale inégalable. Dans le registre artistique et selon la même logique, la statuette en terre cuite modelée par un sculpteur baroque de renom, sur laquelle on retrouvera l’empreinte digitale de l’artiste, peut avoir davantage de valeur qu’un marbre soigneusement poli parce qu’elle porte si distinctement les indices de l’activité de son créateur. C’est le cas d’une série de bozzetti, esquisses sculptées dans la terre glaise par Bernini, à la surface desquelles les empreintes digitales de l’artiste sont clairement visibles. Mais ça ne s’arrête pas là. Il ne faut pas nécessairement un contact physique prolongé, une aura d’intimité, pour que les objets agissent autour d’eux.

§4 Dans ce qui suit, nous proposons que l’usure, en tant que façonnement d’un objet par une succession d’interactions physiques, ait elle aussi une capacité actante ou captivante, capable de mettre en marche des séquences causales non pas strictement physiques mais aussi sociales, c’est-à-dire, dans ce contexte-ci, interprétables par un acteur humain et/ou animal. Imaginons, par exemple, le cas d’une personne sur le point de franchir une double porte dont les deux battants sont pourvus de poignées, alors qu’il n’y en a qu’une seule dont le métal est poli par l’usage. C’est ce battant-là qui s’ouvrira et l’usager ne s’y trompera pas. Ce signal se voit renforcé si au même endroit, l’usager peut distinguer d’autres traces de passage. On constate donc que l’usure peut être porteuse d’un contenu capable d’influencer les décisions de celui qui l’interprète. §5 Peut-on pour autant dire que l’usure signifie, dans le sens d’une comparaison au langage où une phrase signifie quelque chose? C’est une supposition qu’il convient de nuancer. Car il ne s’agit pas de lire l’usure selon les codes d’une convention alphabétique et grammaticale. Si l’usure peut communiquer, elle se différencie toutefois des formes de communication langagières dans la mesure où elle n’est pas fondée sur un système de référents symboliques fixés par convention. Par exemple, le mot “fumée” désigne un phénomène bien précis ; toutes les personnes qui connaissent le mot peuvent l’interpréter et se le représenter. L’usure n’a pas cette capacité. Une trace d’usure donnée n’a pas une signification précise, fixée par convention et partagée par une communauté.


§6 L’usure s’assimile plutôt à l’indice qui suggère une interprétation plus incertaine. Tel l’indice de consommation, l’indice de masse corporelle, il est un condensé d’opérations et d’informations préalables. Tel l’indice de Sherlock Holmes, il est la trace d’une action à reconstituer. Dans le domaine “indiciaire”, terme tant économique qu’anthropologique, l’apparition d’une colonne de fumée suggère la présence d’un feu (et n’importe qui est capable d’interpréter la chose pour autant qu’il en ait déjà fait l’expérience) mais cela restera toujours une supposition: il peut y avoir de la fumée sans feu. L’interprétation de l’indice est donc potentiellement trompeuse. Il laisse l’observateur, à moins qu’il ne soit un enquêteur spécialisé en la matière, dans un état vaporeux, pré-cognitif. De plus, dans le cas précis de l’usure, le caractère trompeur et brumeux de l’indice est renforcé par une des caractéristiques intrinsèques à l’usure : elle comporte la trace d’une foule d’actions ; elle n’est pas une trace unique mais une multitude de traces. §7 L’usure est le résultat d’une accumulation. L’usure autour d’une serrure, c’est d’abord une rayure à laquelle vient s’ajouter une deuxième puis une troisième rayure, et ainsi de suite, de façon asymptotique, jusqu’à ce que chaque nouvelle altération soit noyée dans le bruit de celles qui la précèdent, jusqu’à ce que le récit de l’altération supplémentaire devienne secondaire au récit émergent et qui est d’un nouvel ordre: le récit de l’usure. La micro-narration de la rayure, qui représente une action individuelle, s’est perdue dans la patine. Autrement dit, l’appréhension d’une telle usure peut induire deux types de regards. En prenant une loupe et en s’approchant de très près, il est possible d’étudier le récit parti-

culier d’une rayure, témoignant d’une utilisation singulière, liée à un instant donné. Mais en prenant du recul, en faisant face à l’usure, l’aperçu de la globalité de celleci va porter une signification différente, qui dépasse l’action unique et qui situe l’observateur dans une temporalité diluée et dans un rapport à la foule de gens qui l’ont précédé. Intuitivement, les usagers perçoivent la foule dont il ne reste plus que les traces. (usus/usures. Etat des lieux, Rotor) Verre et vitrail Fabienne Hoffmann Dans l’habitation, les vitraux sont réservés à des pièces spécifiques comme les vérandas et balcons, les portes de séparation internes à l’appartement, les salles-de-bain. Ils ornent surtout les lieux de représentation et de passage : la cage d’escalier en premier lieu. Les fenêtres, donnant sur rue ou sur cour, sont ornées de vitraux, le plus souvent avec un même motif se conjuguant sur l’entier de l’escalier. Rares sont les cage dont le motif change à chaque étage. L’imposte de la porte d’entrée principale est parfois enrichie d’un vitrail. Visibles aussi de l’extérieur de la cage, les vitraux font d’une part écran aux regards indiscrets mais signalent également un certain standing. Dans les vestibules d’une certaine importance, les portes, qui séparent le hall d’entrée de la cage proprement dite, sont réalisées avec des verres biseautés. Les vantaux ainsi que les impostes des portes palières accueillent parfois des vitraux aux motifs simples et répétitifs, d’inspiration géométrique ou florale, mais plus généralement des verres gravés à l’acide ou sablés, des verres marguerie ou mousseline ; tous ces éléments sont fournis par les verriers, qui font également commerce de glaces et


de miroirs. (Escaliers. Décors et architecture des cages d’escalier des immeubles d’habitation de Suisse romande 1890-1915, Fabienne Hoffmann et alt.)



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ATELIER MATIÈRE-ESPACE | LES PALIERS CHRISTIAN DUPRAZ, SASKIA ZÜRCHER SEMESTRE DE PRINTEMPS 2018 HEAD-Genève


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