PIERRE M A T I È R E E S P A C E
LA PIERRE, MATIÈRE ET ESPACE Matière première de la construction, la pierre offre un monde de possibilités. De son extraction en carrière à sa finition, elle permet l’édification de toute architecture ainsi que sa représentation sous les plus beaux effets. L’histoire nous raconte son épopée. Matière solide et résistante, elle incarne la protection. Elle suggère l’immortalité et la maîtrise des effets du temps. Elle permet l’appui, la reprise de charges importantes et la poussée des forces qui régit toute construction. La pierre est exigeante. Son usage fait appel au plus beau des savoirs, une indéniable connaissance de la physique de la matière. Elle se taille, se lisse, s’assemble. Ces traitements sont riches et quasi infinis tant elle nous offre une diversité géologique extraordinaire. La pierre nous parle de la terre, de son antre, elle nous pousse à l’humilité, nous inscrit et nous attache aux lieux dont elle est issue.
Visite de Lardi SA
Présentation : matière et assemblage
Présentation : matière et expression
START
25.09 26.09
02.10 03.10
09.10 10.10
VOYAGE D’ÉTUDE
16.10 17.10
23.10 27.10
30.10 03.11
Semaine sans cours
Semaine de tous les possibles
04.11 07.11
13.11 14.11
PROJET
EXERCICES
Rendu ex. 1
Choix du projet
Rendu ex. 2
Rendu ex. 3 + Critique exercices 1, 2 et 3
1ères intentions de projet + Exercice d’écriture
20 21
Portes ouvertes HEAD les 19-20.01
La représentation du projet
27.11 28.11
04.12 05.12
11.12 12.12
18.12 19.12
25.12 05.01
08.01 09.01
15.01 19.01
22.01 24.01
END
0.11 1.11
Vacances de Noël
REPRÉSENTATION
Fin du travail sur le projet Critique représentation
Rendu des plans Critique présentation orale
Jury intermédiaire Jury final
EXERCICES Trois thèmes de recherche sont introduits : massivité, ornementation, transparence. Il s’agira de produire, pour chacun des thèmes, une image représentant un espace intérieur sensible, expressif et engagé où l’atmosphère est produite par l’enjeu du matériau. Cet espace intérieur n’a pas de programme mais suggère une narration, un parcours, un lieu. Chaque semaine, une image est rendue, imprimée sur format A2, sans bords. A la semaine 4, une critique est faite sur les trois images.
« Chaque matériau a son propre langage formel, et aucun ne peut parler de langue étrangère. Car les formes se sont élaborées à partir des possibilités d’utilisation et du mode d’obtention de chaque matériau. Elles sont apparues avec le matériau et par le matériau. » Paroles dans le vide, Adolf Loos
Kimbell Art Museum, Louis Isidor Khan, Texas, 1966-1972
Pavillon de Barcelone, Mies Van der Rohe, Barcelone, 1929
Eglise Saint Pie, Franz Fueg, Meggen, 1964-1966
« Sur la plus grande partie du globe, nous trouvons un rocher providentiellement placé pour le service de l’homme : ce n’est pas un rocher vulgaire, il est assez rare pour éveiller un certain degré d’intérêt et d’attention, pas assez rare, cependant, pour l’empêcher de remplir l’usage auquel il est destiné. Il a exactement le degré de consistance nécessaire pour être sculpté ; il n’est ni trop dur, ni fragile, ni floconneux ; il ne se brise pas en éclats, il est uniforme, délicat, il a la souplesse voulue pour que le sculpteur puisse le travailler sans effort et tracer sur lui les belles lignes des formes accomplies, et pourtant, il offre assez de résistance pour ne jamais trahir la touche de l’acier en se réduisant en poussière. Il a été si admirablement cristallisé par de durables éléments qu’aucune pluie ne le dissout, qu’aucun temps écoulé ne le change, qu’aucune atmosphère ne le décompose : une fois qu’il a reçu une forme, il la garde à jamais, à moins d’être exposé à la violence ou au frottement. Ce rocher est préparé par la nature pour le sculpteur et pour l’architecte tout comme le papier est préparé par le fabricant pour l’artiste, avec le même — non —, avec un plus grand soin et une plus parfaite adaptation de la matière requise. De ces marbres, quelques-uns sont blancs et quelques-uns colorés ; il y en a plus de colorés que de blancs, les colorés devant couvrir de grandes étendues, alors que le blanc est évidemment destiné à la sculpture. Maintenant, si nous prenons la nature au mot et que nous nous servions de ce papier précieux qu’elle a mis tous ses soins à nous préparer — et c’est une lente préparation, car sa pulpe réclame les précautions les plus subtiles et doit être mise en pression sous la mer ou sous un poids équivalent — si, aije dit, nous nous en servons comme nous l’indique la nature, voyez quels avantages s’ensuivront : les couleurs du marbre sont mélangées pour nous comme sur une palette ; on y trouve toutes les ombres, toutes les teintes (excepté celles qui sont laides) ; quelques-unes sont réunies, d’autres, coupées, mélangées, interrompues de façon à remplacer, autant que possible, le peintre dans son art d’unir et de séparer les couleurs avec son pinceau. Ces couleurs, en plus de leur délicatesse d’adaptation, renferment toute une histoire ; par la façon dont elles sont
placées dans chaque morceau de marbre, elles nous disent par quels moyens fut produit ce marbre et par quelles transformations il a passé. Dans le circuit de leurs veines, dans leurs taches pareilles à des flammes ou dans leurs lignes rompues, désunies, elles racontent des légendes variées mais toujours véridiques, sur le premier état politique du royaume montagnard auquel elles ont appartenu, sur ses maladies, son énergie, ses convulsions et ses constitutions depuis le commencement des temps. Si nous n’avions jamais eu sous les yeux que des marbres véritables, leur langage nous serait devenu compréhensible, le moins observateur d’entre nous, reconnaissant que telles pierres forment une classe particulière, rechercherait leur origine et prendrait grand intérêt à cette étude. Pourquoi les trouve-t-on uniquement dans telle ou telle place? Pourquoi font-elles plutôt partie d’une montagne que d’une autre ? De recherche en recherche il en arriverait à ne plus pouvoir s’arrêter devant le pilier d’une porte sans se souvenir ou sans s’informer de quelque détail digne d’être retenu touchant les montagnes dltalie, de Grèce, d’Afrique ou d’Espagne. » Les Pierres de Venise, John Ruskin, pp. 176-177
Chateau Carney, Ecosse
Plans de l’église Saint Pie, Franz Fueg, Meggen, 1964-1966
PROJET Le travail de projet portera sur l’un des trois thèmes développé pendant les exercices (massivité, ornement et transparence). Le projet porte sur la production d’un espace intérieur. Vous développerez un lieu intime, suggestif et expressif où le programme s’affirme et s’affine au gré de la recherche. L’intériorité est la quête, sans préjuger des conséquences formelles extérieures. Les outils principaux, dans toute la première phase de projet, sont la maquette et la photographie. Le but est de produire des extraits d’espaces, de générer des séquences et de faire croître le projet de manière incrémentielle. C’est la pensée de l’espace intérieur qui décidera de son rapport à l’extérieur. La narration accompagnera le travail. Au delà de la fonction, le dimensionnement sera guidé par une recherche sur la proportion et la composition des éléments architecturaux. Ce n’est que dans un second temps que vous serez en mesure de produire des plans, résultant de votre recherche exploratoire.
Vue de la lune de la mission Surveyor de la Nasa, 1966-1968
Jojakim Cortis et Adrian Sonderegg, Making of « Olympia München“ (Ludwig Wegmann, 1972), 2014
Photographie de maquette, Thomas Demand
Photographie de maquette, semestre Grand Hotel, atelier Georg Nickisch, Paquita Barletta
REPRÉSENTATION Alors que la phase de recherche sera dédiée à la production de maquettes et de photographies, nous vous demandons dans un second temps d’adopter une attitude de recherche vis à vis de votre travail. L’espace organiquement construit sera donc observé, dessiné, moulé. Le rendu final se composera : d’une collection de trois images perspectives rendant compte de votre espace, au format A2 et sans bords, d’une maquette volumétrique représentant l’espace intérieur ainsi que de plans et coupes. Vous serez ensuite libre de proposer une pièce supplémentaire pour compléter votre affichage. Les dessins seront accompagnés d’une présentation orale qui devra être précise dans les descriptions et narrative afin que l’espace soit compris au-delà de ses caractéristiques physiques et de son programme (mais également à travers eux).
Plan du magasin Toast, Londre, bureau OMMX
Travail d’étudiant, Atelier Tom Emerson, ETHZ
Plan : The moment from a moment, Do Gwang Hun
Maquette pour le mémorial de l’Holocaust, Rachel Whiteread, 1995
« Si Mies suit une logique, c’est celle de l’apparence : ses bâtiments recherchent l’effet. L’effet est capital. Entre sa destruction et sa résurrection, le pavillon de Barcelone était célèbre pour la pureté logique de sa grille génératrice. Pourtant, comme Wolf Tegethoff l’a habillement démontré avant même la reconstruction du bâtiment, le module de base du dallage carré - 110 cm -, s’il a l’air régulier, s’adapte en fait aux circonstances. Il varie de 81,6 cm à 114,5 cm pour s’ajuster aux dimensions des éléments qu’il est censé ordonner. Tegethoff s’en aperçut sur un dessin coté exécuté par le carreleur. Personne, bien sûr, ne voit la différence. Mais l’inflexible abstraction de la grille est discrètement adaptée et la régularité de la mesure sacrifiée à la cohérence de l’apparence. Le terme même d’«apparence» languit encore dans l’ombre du dédain que lui vouait Platon. Nous inclinons à penser qu’il y a quelque distance entre apparence et vérité. Pourtant, la trame du pavillon suggère que l’apparence est parfois l’ultime arbitre. Si c’est elle que l’on recherche, elle doit être la mesure de la vérité, du moins pour un temps. C’est ce qui arrive lorsque les choses sont conçues pour être regardées. L’apparence n’est jamais toute la vérité, mais elle est à elle-même sa propre vérité. Les arts visuels le montrent à l’évidence, en particulier lorsqu’ils jouent des tours à la vue. Platon avait tort : ces illusions ne trompent pas, elles aiguisent la perception. Nos perceptions de l’apparence sont habituellement très stables, d’une stabilité qui confine à la mort. Les arts visuels s’efforcent de les taquiner pour les ramener à la vie. Le langage est stable, lui aussi, mais dans une moindre mesure. Le pavillon de Mies montre que la vision, dans ce constant effort de réanimation, peut être ravivée par un élixir fait d’ambiguités prosaïques – celles du langage quotidien. (...) Et puisque nous sommes dans les problèmes de langage, pourquoi appeler le pavillon de Barcelone un «pavillon»? Caroline Constant nous convainc qu’il tient plus du paysage que du pavillon. «Considéré comme un paysage, écrit-elle, le pavillon de Barcelone est petit bien qu’il paraisse grand.» Mais pour Christian Devillers ce n’est pas qu’une question d’apparence; le bâtiment (36 m de long) est en fait beaucoup
plus grand qu’on ne pense. Au fond, sa taille dépend en partie du nom qu’on choisit de lui donner. En 1929, Rubio Tuduri s’étonnait qu’un pavillon national ne ressemble pas à un énorme monument boursouflé. Il lui trouvait plutôt l’air d’un bâtiment domestique. Si on le considère comme tel, il s’agit assurément d’une grande maison. Et c’est en même temps, comme le soutient Caroline Constant, un tout petit paysge. (...) Le plan paraît dilaté. La coupe semble comprimée. Le bâtiment, lui, donne l’impression de n’être ni l’un ni l’autre. Les vues dans la longueur y sont interrompues aux deux extrémités par des murs. De l’intérieur, les échappées diagonales vers la végétation de la colline se font au travers de vitres teintées sur lesquelles, comme le remarque Quetglas, le paysage semble imprimé comme une image, paraissant encore plus proche. La seule perspective lointaine aurait été la vue vers la place centrale mais, en 1929, on ne percevait celle-ci qu’à travers une rangée de colonnes ioniques situées à quelques mètres. En fait, la vision n’est pas tant confinée qu’entravée. Le vitrage sombre du pavillon empêche de voir clairement au-delà. Ajoutez-lui sol et plafond, et il reste une strate horizontale colorée, suspendue à mi-hauteur, prise en sandwich entre deux vastes plans neutres. » «Les symétries paradoxales de Mies Van der Rohe», Robin Evans in Le visiteur n° 4, pp. 57-59
Villa Müller, Adolf Loos, Prague, 1928-1930
Taj Mahal, Inde
Banque nationale du Danemark, Arne Jacobsen, Copenhague, 1972-1978
Valentino Flagship store, David Chipperfield, New York, 2014
Villa Karma, Adolf Loos, Montreux, 1903-1912
Villa Tugendhat, Mies Van der Rohe, Brno, 1930
Vitraux en albâtre, cathédrale d’Orvieto
Capadoce, Turquie
Thermes de Vals, Peter Zumthor, Vals, 1996
Stone House, Herzog et de Meuron, Tavole, 1985-1988
Bibliothèque Beinecke, SOM (Skidmore, Owings, Merill), New Haven, 1963
RĂŠsidence du stade Buffalo, Fernand Pouillon, Montrouge, 1955-1958
Regulatory Council for the D.O. Ribera del Duero, Barozzi Veiga, Roa, 2006-2011
Eglise San Giovanni Battista, Mario Botta, Mogno, 1986-1998
Maison KitsunĂŠ, Max Lamb et Dzek, Paris, 2015
Catwalk Prada hommes ÂŤThe infinite palaceÂť, OMA, Milan, 2015
Les murs jusqu’à la naissance des arcs, des voûtes et de la coupole sont vêtus d’une solennelle robe de fête : un dispositif de plaques de marbres polis, gris, émeraude, rouge-brun, roses, ocres, et grands rectangles qui s’enveloppent mutuellement, se juxtaposent et se superposent, en harmonie avec la structure spatiale tout en ménageant la transition entre terre et ciel. Un filet très mince de marbre blanc, légèrement en relief, entoure les plaques et leur confère une relative autonomie. Le mur est ainsi habillé dans une géométrie classique qui inspire le respect du lieu. La robe n’est pas «mur», elle ne s’enfonce pas dans la terre pour y chercher appui. Le plaquage de marbre enfle légèrement à sa base pour toucher à peine et avec délicatesse le plateau du sol. La robe a son ourlet : la plinthe au doux relief de ses moulures en marbre blanc. Fidèle accompagnatrice du mur, ne quittant pas le tracé de sa robe, la plinthe dessine ou plutôt redessine par son trait clair le plan de l’église - et elle a su bien dessiner! Au-dessus de cette plinthe, là où nos corps déambulent, le rythme des rectangles ne commence pas encore. Une première hauteur est traitée comme un ruban de marbre monochrome, calme et lisse, s’opposant à la verticalité de l’espace ou plutôt, la contrebalançant. Deux minces filets de marbre blanc l’accompagnent, l’un à la hauteur des yeux, l’autre à celle du bras levé. Entre l’étage des niches et voûtes du bas et celles du haut, il y a la ceinture, en marbre blanc comme la plinthe, mais plus riche, décorée par une ornementation fine et répétitive. Elle donne une mesure à la hauteur. Contrairement à la plinthe qui s’échappe par de discrets passages vers la périphérie, la ceinture cerne le carré central et la conque de l’autel. Mais avant de rejoindre cette ceinture, il se passe quelque chose d’extraordinaire. On découvre que, sous la robe, il y a un corps! La robe a quatre échancrures qui laissent entrevoir la nudité du mur avec sa peau plaquée d’or et «tatouée» des portraits des quatre évangélistes – prémices des voûtes et de la coupole. Au-dessus de la ceinture, toujours du marbre, grands rectangles polychromes et filets blancs, qui se terminent par le col, modeste frise blanche comme la ceinture. De la robe sur-
git soudain avec magie le «vrai» corps, la structure porteuse qui échappe à la rigueur de son habit et se transforme aussitôt en arcs, voûtes, trompes d’angles et coupole. Une peau de mosaïque couvre la chair. Le contraste est contrôlé de manière magistrale ; de la géométrie rigoureuse et articulée de la robe émerge la continuité des formes et textures voluptueuses du corps. Quelle belle leçon d’architecture et de construction! Ne réalise-t-elle pas, avec assurance, cette opposition entre la spiritualité du plafond - la coupole désire être intouchable, ciel au-dessus de la mesure des hommes - et la beauté sereine et rationnelle du marbre des murs qui nous appartiennent? Le raffinement réside peut-être dans l’annonce de la suite par les quatre échancrures des évangélistes, lucarne du mur, quatre larmes tombées du ciel. «Visite guidée» de l’intérieur de l’église du couvent Hosios Loukas, Pierre von Meiss in De la forme au lieu + de la tectonique, pp. 304-306
Etude des antiquitĂŠs romaines, Piranesi
MĂŠlange de marbre pour le terrazzo de Maison KitsunĂŠ, Max Lamb et Dzek, Paris, 2015
LECTURES CONSEILLÉES ROMANS Les pierres sauvages, Fernand Pouillon, 19 THÉORIE The Stones of Fernand Pouillon, An Alternative Modernism in French Architecture, Adam Caruso and Helen Thomas (ed),2013 Construction en pierre massive en Suisse, Stefano Zerbi, Directeur de thèse: Luca Ortelli, EPFL, 2011 Les Pierres de Venise, John Ruskin, 1908 (1ère éd. en anglais, 1853), consulté le 27.08.17 sur : http://brittlebooks.library.illinois.edu/ brittlebooks_open/Books2009-08/ruskjo0001pieven/ ruskjo0001pieven.pdf « Cette Belle Pierre de Provence » La villa de Mandrot, Bruno Reichlin in Le Corbusier et la méditérranée, ed Parenthèses 1987 « Les symétries paradoxales de Mies van der Rohe » Robin Evans in Le visiteur, n° 4, été 1999 De la forme au lieu + de la tectonique, Une introduction à l’étude de l’architecture, Pierre von Meiss, 2012 (1ère éd. 1986) Marbres, de carrières en palais, Pascal Julien, Ed. Le bec en l’air, 2006 La taille de la pierre, guide pratique, Ed. Eyrolles, 2007 (1ère éd. 1999)
ATELIER CHRISTIAN DUPRAZ SEMESTRE D’AUTOMNE 2017-2018 HEAD-Genève Assistante : Saskia Zürcher