HEAR THE WORLD Magazine 19

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FRANCE 6 EURO ISSN 2190-0639 74099

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HEAR THE WORLD LE MAGAZINE DE LA CULTURE DE L’AUDITION

TAKE THAT A ÉTÉ PHOTOGRAPHIÉ PAR BRYAN ADAMS Le parking Herzog & de Meuron à Miami Théâtre de la Gaîté Lyrique Jenson Button Le hurlement de Tarzan – nature et culture du cri La voix d’Adele

NUMÉRO DIX-NEUF


Exigez la puissance de mieux entendre

u Nouvea Le nouveau Naída S, pour les pertes auditives importantes, élève l‘audition surpuissante au niveau supérieur. Mieux entendre, plus souvent qu‘auparavant! Contactez dès aujourd‘hui votre audioprothésiste, pour trouver vos propres raisons de croire en la puissance de Naída S. www.1000reasonsfornaida.com


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HEAR THE WORLD NUMÉRO DIX-NEUF

Editorial

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L’initiative Hear the World Le musicien Patrick Nuo s’engage au Kenya en faveur des enfants malentendants

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COME AGAIN News Le bruit

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Frequently Asked Questions

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What’s that sound? Se jeter à l’eau

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Produits

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SAFE AND SOUND La voix d’un pays

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«La forêt en chansons»

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Le hurlement de Tarzan – nature et culture du cri

56

EASY LISTENING Un conte de fées devient réalité : Les Pet Shop Boys se mettent au ballet …

62

The Boys Are Back In Town – Robbie Williams réintègre Take That et le monde musical retient son souffle …

64

Modern Dance au sens propre du terme

68

James Blake – Lorsque le silence se fait rédempteur…

70

HEAR THE WORLD Quand les analgésiques font plus de mal que de bien : le syndrome de Fernand Widal

22

Une greffe pour réentendre : La science de la restauration de l’audition

26

Le Muziekgebouw d’Eindhoven

30

Le parking Herzog & de Meuron à Miami

32

Nick Knight – Noms prestigieux et visages célèbres sur papier glacé

74

Le temple des merveilles de la culture numérique

38

La voix d’Adele

80

Pourquoi Jenson Button, pilote de Formule 1, ne fait pas la sourde oreille …

42

MENTIONS LÉGALES

82

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EDITORIAL

Chère lectrice, Cher lecteur, Vous êtes-vous déjà demandé d’où notre magazine tire son nom de baptême? On s’habitue vite aux noms de marque. Et HEAR THE WORLD est aujourd’hui devenu une marque connue dans le monde entier, lauréate de plusieurs prix. La quintessence d’une marque est de nous paraître si familière et si naturelle qu’on ne se pose même plus de question sur son «sens profond». Ce que notre magazine véhicule à travers son nom, c’est bien sûr qu’il est consacré à l’audition au bon sens du terme et au monde complexe de la perception des sons. Mais pour l’équipe HEAR THE WORLD, le «monde» c’est aussi un concept géographique à part entière. Et le numéro que vous tenez entre les mains en donne une parfaite illustration. Comme dans toutes les éditions précédentes, nous vous invitons à un nouveau périple international, vous entraînons dans des endroits où l’audition prend la forme d’une aventure tout aussi sensorielle que culturelle et médicale.

Accompagnez-nous à Paris dans un autre temple de la culture qui vient de faire l’objet d’une métamorphose acoustique : le théâtre de la Gaité Lyrique. Autrefois, les opéras-bouffe de Jacques Offenbach y divertissaient la haute société du Second Empire, aujourd’hui la musique expérimentale et électronique, les expériences spatiales et optiques, installations vidéo et autres performances de danse offrent une extraordinaire plongée dans l’univers du théâtre et de l’audiovisuel contemporains. Et ceci dans lieu profondément chargé d’histoire – un clash des cultures, qui bien loin de nous effrayer, nous enrichit et nous épanouit. Même les édifices en béton les plus banals à première vue peuvent cacher leur jeu – comme les célèbres architectes suisses Herzog & Meuron en font la démonstration à Miami : en marge du célèbre quartier Art Déco, ils ont construit un lieu aérien et sculptural qui sonne comme une contradiction en soi : un beau parking. Jugez vous-même !

Notre tour d’horizon acoustique vous emmène cette fois-ci de Miami à Paris en passant par Eindhoven (Pays-Bas) et les forêts de montagne européennes. Là-haut, dans ces étendues sylvicoles, poussent les épicéas qui se métamorphoseront un jour en instruments de musique des plus nobles : les violons. Poussez la porte de l’atelier de Martin Schleske, l’un des meilleurs luthiers au monde. Et lisez pourquoi seuls les spécimens les plus marqués par la vie fournissent le meilleur bois pour fabriquer les instruments aux accents les plus subtils.

Bien sûr, comme à l’habitude, nous vous présentons dans ce numéro des gens qui font des prouesses extraordinaires dans la création acoustique qu’il s’agisse de musique ou de culture musicale au sens large. Représentative de ces artistes hors du commun, je ne citerai ici qu’une nouvelle venue dans le monde de la chanson dont la voix dégage un charme envoûtant : Adele. A seulement 22 ans, elle est déjà célébrée comme la «petite-fille» de Dusty Springfield et la «fille» d’Amy Winehouse. On n’a pas fini d’entendre parler d’elle!

Dans la ville hollandaise d’Eindhoven, les designers Miriam van der Lubbe et Niels van Eijk ont transformé une salle de concert défraîchie, le Muziekgebouw, en une œuvre d’art totale. Les deux créateurs hollandais ont ainsi accompli la revendication globale formulée par les pères du design – par-delà la fonction pure, prendre en compte tous les aspects de la vie et de l’habitat – depuis la façade d’un bâtiment jusqu’aux couverts dans les salles de restauration et aux vêtements portés par le personnel.

Je vous souhaite beaucoup de plaisir à la lecture de ce nouveau numéro! Cordialement vôtre,

Alexander Zschokke

PHOTO DE COUVERTURE Take That a été photographié par Bryan Adams. Les artistes apportent leur soutien à l’initiative Hear the World.

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L’INITIATIVE HEAR THE WORLD

Le musicien Patrick Nuo s’engage au Kenya en faveur des enfants malentendants Nairobi, Kenya: les enfants qui viennent au monde ici avec une déficience auditive n’ont quasiment aucune chance de mener une vie normale. Comme dans d’autres pays en développement, ces enfants ne bénéficient que rarement d’un accès aux soins médicaux et audio-prothétiques. Les conséquences d’une perte auditive non traitée sont graves: à défaut d’entendre correctement, les enfants rencontrent des difficultés dans l’apprentissage du langage et présentent des déficits de développement par rapport à leurs camarades du même âge. En particulier les enfants de familles socialement défavorisées n’ont aucune chance de s’intégrer parce qu’aucune école, ou presque, n’accepte de les scolariser et qu’ils ne reçoivent aucune aide – en conséquence, ils vivent souvent isolés et exclus de la société. Le musicien suisse et ambassadeur Hear the World Patrick Nuo souhaite apporter son soutien à ces enfants et s’est rendu à Nairobi début mai dans le cadre d’un projet de la Hear the World Foundation. Il accompagnait le Dr. Michaela Fuchs, une ORL allemande, dans son travail. Cette visite sur place a permis à Patrick Nuo de faire connaissance avec les enfants malentendants et de se familiariser avec leurs conditions de vie tout en discutant avec les partenaires locaux. «Mon séjour ici a été pour moi une leçon d’humilité. J’admire la force de ces enfants qui, en dépit d’une pauvreté extrême et d’une déficience auditive, dégagent tellement d’énergie et de courage» se félicite-t-il. Par son engagement, il est parvenu à convaincre non seulement les enfants, mais également Dr. Michaela Fuchs : «Patrick m’a assisté en faisant preuve d’un dévouement total et sans aucune appréhension – ce qui n’allait pas de soi dans de telles conditions. Sa visite contribue à attirer l’attention du public sur notre travail et, espérons-le, à recueillir encore davantage de soutien financier».

Le projet : l’espoir d’un avenir pour les enfants de Nairobi Depuis 2008 déjà, la Hear the World Foundation aide les enfants malentendants à Nairobi. En étroite collaboration avec Lufthansa Cargo, la fondation suisse a mis en place un centre d’audition dans le «Cargo Human Care Medical Center». L’ORL allemande Dr. Michaela Fuchs y propose des consultations gratuites et réalise des tests d’audition. Le fabricant suisse d’appareils auditifs Phonak fait régulièrement don d’appareils auditifs à la Hear the World Foundation. Ainsi, les enfants habitant Mathare Valley, le deuxième bidonville de Nairobi, reçoivent gratuitement des appareils auditifs. Les élèves de l’école Joymereen, un établissement qui accueille des enfants malentendants, font eux aussi d’énormes progrès grâce aux nouveaux appareils auditifs numériques fournis par Hear the World. Pour appareiller les enfants dans la durée, la Hear the World Foundation a constitué un réseau de suivi. En plus des médecins ORL du centre d’audition, ce réseau comprend un audioprothésiste local qui adapte les appareils auditifs et prodigue un suivi gratuit dans la durée, ainsi qu’un groupe d’entraide pour les parents. En 2011, des séances régulières d’orthophonie devraient également être proposées dans le centre. Depuis début 2010, VARTA Microbattery – le partenaire de Hear the World – soutient le projet en fournissant gratuitement des piles pour appareils auditifs. Elena Torresani Pour en savoir plus sur la Hear the World Foundation, rendez-vous sur le site www.hear-the-world.com/foundation et devenez fan sur Facebook www.facebook.com/CanYouHearTheWorld.

La Hear the World Foundation est défiscalisée dans toute la Suisse. Coordonnées bancaires pour vos dons : UBS AG Zürich, Hear the World Foundation, SWIFT: UBSWCHZH80A IBAN : CH12 0023 0230 4773 8401 U

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Photo: Philipp Rathmer / Sundance

Merci beaucoup pour votre don! La Hear the World Foundation a besoin de vos dons pour pouvoir prodiguer dans la durée son soutien essentiel aux malentendants dans le monde entier. Chaque don contribue à offrir une meilleure qualité de vie aux personnes défavorisées, et en particulier aux enfants. Aidez-nous, vous aussi! Un appareil auditif performant peut changer la vie d’un enfant, lui ouvrir la porte de nouveaux mondes et influencer durablement son parcours éducatif et professionnel.


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COM AGA 8 HEAR THE WORLD


ME AIN HEAR THE WORLD 9


NEWS

Le bruit Fumer, avoir de mauvaises habitudes alimentaires et ne pas faire suffisamment d’exercice nuit durablement à la santé. Tout le monde le sait. Que l’exposition permanente au bruit de la circulation peut favoriser les troubles du sommeil, l’hypertension artérielle ou les infarctus, on le sait aussi. Pourtant, on ne dispose pas encore pour le moment de résultats formels sur les répercussions du bruit de la circulation sur l’homme. En effet, il est difficile d’établir une moyenne scientifique car seuls les pics de nuisance causent un dommage constatable à l’organisme humain. La revue scientifique European Heart Journal vient de publier une étude menée par la Société danoise de cancérologie sur plus de 50.000 personnes. Ses résultats prouvent que le bruit des moteurs, le grincement des freins et les coups de klaxon entraînent un risque aggravé d’AVC.

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Ainsi, un AVC sur douze aurait pour origine un stress amplifié par le bruit du trafic; les plus de 65 ans sont nettement plus touchés par ce phénomène qui, en revanche, ne concerne quasiment pas les plus jeunes. Ainsi, une augmentation de dix décibels seulement des bruits urbains quotidiens accroît le risque d’AVC dans la tranche d’âge concernée. Il serait malgré tout exagéré de développer des craintes excessives – aux dires des experts, le bruit de la circulation est bien loin de provoquer autant de dommages que les facteurs de risque dus à une mauvaise hygiène de vie, énumérés plus haut. Sandra Spannaus


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Illustration: CĂŠline Meyrat


FREQUENTLY ASKED QUESTIONS

On vient de diagnostiquer chez moi une perte soudaine de l’audition (oreille droite). Je suis perplexe et m’interroge sur la cause de ce syndrome ; je peux toutefois exclure le stress comme origine. L’hypertension artérielle peut-elle provoquer une surdité brusque ? J’ai 47 ans et ma tension artérielle a été mesurée à 153/93 env. à plusieurs reprises. Une hypoacousie brusque peut effectivement être déclenchée par une hypertension artérielle. Mais des contractures dans la région des vertèbres cervicales peuvent aussi être à l’origine de ce phénomène. Nombreux sont les cas où il est cependant impossible de déterminer une cause tangible. Dans ce cas, il convient malgré tout de réaliser un bilan complet chez son généraliste.

Illustrationen: Samuel Roos

Dr. Michaela Fuchs, ORL, praticienne diplômée en médecine de voyage et du tourisme

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Quelle est la meilleure méthode pour se nettoyer les oreilles. J’ai récemment remarqué la présence d’un bouchon ou de quelque chose de pesant dans mon oreille. J’ai l’habitude d’utiliser quelques gouttes de peroxyde et cela a toujours marché, mais depuis le mois dernier le cérumen accumulé ne semble pas vouloir se déloger La meilleure chose est de faire contrôler vos oreilles par un médecin ou un professionnel de l’audition pour exclure toute contre-indication et bénéficier d’un conseil avisé sur une méthode d’auto-nettoyage si c’est indiqué dans votre cas. De nombreux produits sont disponibles sur le marché, mais la plupart des professionnels de l’audition déconseillent d’introduire quelque chose dans l’oreille car vous ne voyez pas ce que vous faites. Le mieux est de faire nettoyer vos oreilles par un médecin, une infirmière ou un professionnel de l’audition. Robert Beiny, directeur en acoustique médicale et propriétaire d’un cabinet spécialisé dans la santé de l’audition dans le comté anglais du Hertfordshire

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WHAT’S THAT SOUND?

Photo: Michael Blann

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PRODUITS

Francesco Tristano – bachCage Johann Sebastian Bach est un compositeur allemand majeur d’œuvres baroques, John Cage un compositeur américain qui a donné ses lettres de noblesse à la «musique aléatoire». A première vue, ils sont inconciliables, et pourtant … Francesco Tristano a réussi un tour de force. Dans son nouvel album «bachCage», il rend hommage aux deux compositeurs que tout sépare et qui, chacun à leur manière, ont influencé la carrière du pianiste et phénomène luxembourgeois.

Bien loin du mix de classique et d’électronique qui a fait sa réputation sulfureuse, un album hors du commun a vu le jour. Cet opus a tout pour réconcilier la critique : compositions originales alternent avec morceaux de Cage et Bach que le jeune artiste interprète avec une touche toute personnelle. Des sonorités légères, invitant presque à la méditation succèdent à des séquences martelées avec fureur, dans lesquelles Tristano donne une fois de plus toute la mesure de son éclectisme. Il va falloir retenir son nom. Ce ne sera pas difficile, ma foi. ASIN: B004KBSQ2E

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PRODUITS

Typo Lyrics Une idée toute simple et pourtant inédite – «Typo Lyrics – The Sound of Fonts», publié chez Birkhäuser, est un ouvrage qui marie avec une grande expressivité visuelle des caractères typographiques contemporains et des textes de chansons en tous genres. L’idée émane de la rubrique éponyme du magazine Slanted. Invités à créer des mix harmonieux en combinant différents styles musicaux et paroles de chanson à des polices de caractères courantes et des éléments typographiques contemporains, les graphistes férus de musique ont répondu présents – 170 créations imaginées par ces cerveaux en ébullition ont ainsi vu le jour. Organisées en 11 chapitres, elles invitent le lecteur à découvrir le design expérimental à l’interface du son et de l’écriture.

Graphistes réputés ou débutants talentueux, ils ont puisé leur inspiration dans une palette musicale allant du swing à la pop en passant par le krautrock, la chanson et le hiphop – le tout sur fond de chorégraphies lettrées. Des articles conjointement signés par Max Dax, le rédacteur en chef de Spex, et Frank Wiedemann, DJ et producteur, apportent la dernière touche rédactionnelle à l’ouvrage ; des interviews de designers de renom offrent également une immersion dans le quotidien professionnel de ces créateurs acoustiques et visuels. L’alternance de couleur du papier choisi pour chaque chapitre et les teintes spécialement concoctées font de ce livre cartonné une œuvre informative et une source d’inspiration pour les typographes, les graphistes et, bien entendu, les amoureux de la musique au vrai sens du terme. ISBN-10: 9783034603669 ISBN-13: 978-3034603669

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PRODUITS

Plectre de Deva Jewels Passion et doigté habile sont les deux attributs qui nous viennent immédiatement à l’esprit dès qu’on pense à un guitariste. La collection de bijoux Deva Jewels mise justement sur le mariage de ces deux qualités, célébré par des pièces de toute beauté, réalisées avec l'amour du détail. A première vue, il s’agit d’un simple pendentif en argent. Mais lorsqu’on y regarde de plus près, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un plectre. Cette petite lamelle est utilisée par les guitaristes et autres joueurs d’instruments à cordes pour moduler les sons qui s’échappent de leur instrument. Normalement, le plectre est fabriqué en plastique et disponible en différentes couleurs.

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Le modèle de la collection Deva Jewels est en argent massif 925 sterlings. Un bijou élégant et unique – que l’acheteur peut personnaliser par une gravure de son choix. Le plectre existe également en version porte-clés. Au bout d’une fine chaîne, il devient un collier tout en sobriété. Accroché à un ruban coloré, il attire tous les regards. Un excellent moyen d’enchaîner les amateurs de musique! www.deva-jewels.de


PRODUITS

Naída S – bien entendre, c’est essentiel Vous connaissez certainement des personnes dont l’audition n’est plus optimale dans toutes les situations ? Beaucoup de gens qui perdent progressivement leurs facultés auditives tergiversent pendant des années avant de se décider en faveur d’une aide auditive. A la différence des malentendants profonds qui ne peuvent se passer d’un appareil, sachant pertinemment combien cette solution améliore leur qualité de vie. En effet, les solutions auditives actuelles basées sur les technologies de pointe allient esthétisme et design. Cela fait déjà 3 ans que Naída, la solution auditive surpuissante de Phonak, connaît le succès commercial. Un succès qui s’explique par l’association de plusieurs innovations : pour les personnes malentendantes profondes, la suppression de l’effet larsen (sifflement) et l’écoute des hautes fréquences sont primordiales. Grâce aux dernières avancées technologiques, Naída S répond à leurs attentes. Des sons que les normo-entendants perçoivent le plus naturellement du monde comme le gazouillis des oiseaux ou le bruit d’une sonnette redeviennent audibles.

Lorsqu’on choisit une aide auditive, le design et la taille jouent aussi un rôle important. Les solutions esthétiques sont minuscules et passent inaperçues. Beaucoup d’autres appareils auditifs sont commercialisés selon le principe que plus la perte auditive est grave et plus la taille de l’appareil grandit. En revanche, la technologie de pointe intégrée dans Naída est logée dans un contour d’oreille à la fois compact, robuste et résistant à l’eau, qui a donné la preuve de sa fiabilité depuis des années. En témoignent les réactions d’experts et d’utilisateurs du monde entier qui ont été recueillies sur le site www.1000reasonsfornaida.com. Grâce à Naída, les personnes atteintes de pertes auditives sévères ne sont pas coupées de la communication mobile. La fonction de transmission sans fil et main libre ainsi que la connexion par système FM donne à l’utilisateur un accès au monde moderne des télécommunications. En somme, il n’y a à dire vrai aucune raison de ne pas profiter de toute la palette des sonorités qui viennent enrichir notre vie de tous les jours. Une vérité qu’ignorent peutêtre ces personnes malentendantes que vous connaissez… www.1000reasonsfornaida.com

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SAVOIR

Quand les analgésiques font plus de mal que de bien : le syndrome de Fernand Widal Le syndrome de Fernand Widal, également appelé intolérance à l’acide acétylsalicylique (AAS), est une réaction rare aux principes actifs contenus dans les analgésiques commercialisés en vente libre. Dès 1903, trois années seulement après le lancement de l’aspirine, les médecins ont commencé à faire état d’effets secondaires «rappelant ceux d’une allergie». Généralement provoquées par les pollens, acariens, poils d’animaux ou aliments comme la farine, le lait, les noix etc., les allergies sont une réponse excessive du système immunitaire de l’organisme. En revanche, l’intolérance à l’AAS est due à un dysfonctionnement du métabolisme qui se manifeste par un ensemble de symptômes, notamment : • la sensibilité aux antalgiques (aspirine, ibuprofène, diclofénac, indométacine etc.) • la polypose nasale (polypes dans le nez) • l’anosmie (perte de l’odorat) • la rhino-sinusite chronique • l’asthme • l’urticaire Récemment, des experts ont consacré comme terme officiel du syndrome de Widal : Aspirin-Exacerbated Respiratory Disease (AERD), c’est-à-dire affection respiratoire aggravée par l’aspirine. L’aspirine et autres analgésiques viennent empirer un état car, dans la plupart des cas, les patients souffrent déjà d’une affection respiratoire chronique grave, indépendamment des antidouleurs absorbés. Quels sont les patients concernés? L’intolérance à l’aspirine touche essentiellement les femmes à partir de 30 ans. La réaction apparaît habituellement dans l’heure qui suit la prise de l’analgésique. Elle se manifeste sous forme de crise d’asthme, souvent associée à une rhinite, une conjonctivite et des rougeurs sur le visage et la nuque. Dans les cas graves, la réaction peut déboucher sur un choc anaphylactique potentiellement fatal. Très peu de données sont disponibles sur la fréquence des maladies des voies respiratoires supérieures dues à l’intolérance à l’aspirine, car seul un petit nombre d’études ont été menées à ce jour sur un cercle restreint de patients. Selon des estimations, entre 8 et 20 % de l’ensemble des asthmatiques sont concernés par ce syndrome et présentent par conséquent un risque de souffrir de symptômes graves pouvant entraîner la mort. Environ 6 à 15 % des patients développant des polypes dans le nez sont touchés par cette intolérance. Selon d’autres publications, un patient sur dix souffrant d’inflammation chronique des sinus due à des polypes (polypose nasale) est également susceptible de développer une intolérance à l’aspirine. On sait que les polypes du nez favorisent la migraine et l’inflammation des sinus, entraînant des douleurs lancinantes et /ou des maux de tête. Malheureusement, l’intolérance aux analgésiques limite beaucoup les possibilités de traitement de la douleur. En cas de polypes nasaux, l’organisme peut réagir aux analgésiques en 22 HEAR THE WORLD

exacerbant le processus inflammatoire, qui stimule à son tour la formation de polypes et augmente le risque de crise d’asthme. Au regard de ces facteurs multiples, l’intolérance à l’aspirine est ainsi à l’origine d’un cercle vicieux. Un diagnostic difficile à établir Fréquemment, les symptômes caractéristiques de l’intolérance à l’aspirine ne se manifestent pas en même temps, mais successivement sur une période de plusieurs années, voire même décennies. Par conséquent, il est souvent difficile de diagnostiquer cliniquement un lien de cause à effet entre l’intolérance aux analgésiques et, par exemple, des polypes nasaux récurrents ou une crise d’asthme. Par ailleurs, des infections grippales concomitantes, le stress ou des réactions allergiques simultanées à d’autres substances et allergènes peuvent compliquer le diagnostic. Les symptômes suivants sont un signe d’intolérance à l’aspirine : crises d’asthme graves, nez bouché et écoulement nasal aqueux (spécialement si une rhinite allergique a été exclue par des tests), œdèmes inflammatoires des membranes muqueuses des sinus paranasaux (sinusite) ou formation de polypes dans le nez. Bien que le bilan anamnestique du patient et l’analyse de ses symptômes fournissent souvent des indications claires sur l’existence d’une intolérance à l’aspirine, les tests d’exposition restent la seule méthode pour établir un diagnostic définitif. Cependant, ces tests au cours desquels le patient hospitalisé prend de l’aspirine par voie orale, nasale ou inhalation nécessitent des équipements lourds et prennent beaucoup de temps car le patient doit rester sous surveillance pendant plusieurs heures. Dans certains hôpitaux et centres de traitement, le personnel médical procède aux tests d’exposition dans le service des soins intensifs, en raison du risque de choc anaphylactique. De mal en pis Actuellement, les médicaments suivants sont disponibles pour traiter l’intolérance à l’aspirine: préparations à base de cortisone, agonistes bêta-2 qui restent efficaces pendant une longue période et antagonistes des récepteurs leucotriènes qui améliorent la fonction pulmonaire des asthmatiques. Les meilleurs résultats ont été enregistrés par désactivation adaptative des récepteurs AAS. Cette thérapie, à l’instar de la désensibilisation chez les allergiques, est basée sur l’observation que jusqu’à trois jours après administration orale d’une dose infime d’aspirine, les patients souffrant d’intolérance à l’AAS ne présentent aucun signe de réaction et les symptômes précédemment décrits après administration d’une nouvelle dose d’AAC diminuent. En exploitant cette période dite réfractaire, au cours de laquelle l’administration d’AAC n’a pas d’effets secondaires indésirables, et en augmentant graduellement la dose d’AAC, il est possible de développer une tolérance à des doses thérapeutiques d’AAC. L’aspirine est administrée par petites doses, puis la posologie est graduellement augmentée jusqu’à ce que le patient puisse tolérer


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Illustration: Hennie Haworth


une dose de 500 mg. Si certains groupes de travail sont parvenus à mettre en place des procédures de désactivation avec des doses de traitement de 300 mg par jour, d’autres études cliniques démontrent une efficacité identique avec 100 mg par jour seulement. L’aspirine peut être administrée par voie orale ou par une combinaison voie orale et voie nasale par inhalation. La thérapie de désactivation adaptative améliore non seulement les symptômes du syndrome de Fernand Widal dans les voies respiratoires supérieures, mais procure également des bénéfices substantiels aux patients souffrant de troubles rhumatismaux, d’arthritisme dégénératif ou de douleurs récurrentes permanentes et ont besoin de prendre de l’aspirine ou d’autres analgésiques. Et puis, il y a bien sûr un nombre croissant de patients qui prennent de l’aspirine en prévention d’une maladie cardiaque.

Cependant, comme les salicylates sont contenus à la fois dans les antidouleurs et dans de nombreux aliments et végétaux et que, bien souvent, même des quantités infimes suffisent à provoquer des intolérances de type allergique, la désactivation adaptative constitue également le traitement de choix dans ces cas généralement inévitables. Les symptômes les plus courants des processus inflammatoires causés par les salicylates alimentaires sont un nez bouché et une perte de l’odorat, une rhinite chronique et des réactions urticaires comme les démangeaisons et rougeurs. Face à la généralisation des cas d’allergie, le corps médical s’attend également à une augmentation de l’intolérance à l’aspirine. Pour mieux cerner cette intolérance rare, la recherche se focalise sur des études multicentriques extensives, contrôlées par placebo, afin de déterminer avec la plus grande précision la dose quotidienne optimale d’AAS pour la désactivation adaptative et consolider ainsi les bases du traitement du syndrome de Fernand Widal. Anno Bachem

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Illustration: Stefan Kugel


SAVOIR

Une greffe pour réentendre: La science de la restauration de l’audition Même si elles paraissent tout droit sorties d’un roman de science-fiction, les avancées récentes dans la recherche médicale ouvrent de nouvelles perspectives prometteuses pour restaurer un sens humain essentiel – l’audition. Icône cinématographique incarnant Superman, Christopher Reeve, s’est gravement blessé à la colonne vertébrale en 1995 dans un accident de cheval. Ce coup du destin a fait de lui un illustre défenseur de la recherche sur les cellules souches. Grâce à son engagement public, le terme cellule souche a fait son entrée sur la scène publique. Le traitement par cellules souches le plus courant et le mieux établi est la greffe de moelle osseuse, utilisée aujourd’hui pour soigner la leucémie. Selon les prévisions des chercheurs dans le domaine médical, les technologies dérivées de la recherche sur les cellules souches devraient permettre à l’avenir de traiter des maladies comme le cancer, le parkinsonisme, l’arthrite, les lésions vertébrales, la sclérose en plaques, le diabète, la cécité et la perte auditive. La perte auditive est l’une des déficiences sensorielles les plus fréquentes. Tandis que des études prédisent que la perte auditive due au bruit constituera la prochaine épidémie majeure pour les jeunes générations (ScienceDaily, 2007), la perte auditive proprement dite peut avoir bien des origines, notamment génétiques (innées), environnementales (infections, prématurité et médicaments à effet ototoxique) ou dégénérescence naturelle suite au vieillissement. La perte auditive – comment survient-elle ? Les cellules ciliées sont de petites protubérances filamenteuses qui tapissent la cochlée, organe sensoriel de l’oreille interne responsable de l’audition. A la naissance, chaque oreille possède environ 30000 cellules ciliées. Chez le sujet normo-entendant, les cellules ciliées convertissent le son en signaux électriques qui sont ensuite transmis au cerveau pour y être «entendus». Chez le sujet déficient auditif, les cellules ciliées peuvent être manquantes, endommagées ou en nombre insuffisant. A la différence des autres cellules du corps, notamment les cellules épidermiques, la capacité régénérative de la cochlée est limitée. Restaurer l’audition pose par conséquent un véritable défi. Il est intéressant de constater que dans la nature, il n’y a pas d’oiseaux ou de poissons «sourds». Ces espèces possèdent en effet une faculté naturelle remarquable: leurs cellules ciliées endommagées sont capables de repousser rapidement! Chez l’homme, les cellules ciliées abîmées peuvent se reconstituer naturellement jusqu’à un certain point, conduisant ainsi à l’amélioration partielle d’une perte auditive temporaire. Cependant, dans la plupart des cas graves, la perte de l’audition est irréversible.

Une cellule souche, qu’est-ce que c’est ? Les cellules sont les éléments microscopiques dont est constitué le corps humain et chacune est dérivée d’une cellule souche. Souvent appelées «les cellules originales du corps», elles se divisent dans le corps, ou en laboratoire, pour former davantage de cellules. Ces dernières deviennent soit de nouvelles cellules souches (auto-régénération), soit se spécialisent (se différencient) pour assurer une fonction spécifique (p. ex. cellule sanguine, cellule cérébrale, cellule hépatique). Il existe deux types de cellules souches: les cellules souches embryonnaires et les cellules souches adultes. Les cellules souches embryonnaires, comme leur nom le suggère, sont présentes chez les embryons âgés de quatre à cinq jours. Ces cellules se divisent pour produire de nouvelles cellules souches ou se spécialisent pour devenir n’importe quel type de cellules du corps. A en croire les chercheurs, ce sont elles qui ont le plus grand potentiel pour régénérer ou réparer des tissus malades ou endommagés et des organes humains. Les cellules souches adultes sont recensées en petits nombres dans la plupart des tissus adultes, comme la moelle osseuse. Jusqu’à récemment encore, on pensait que les cellules souches adultes étaient uniquement capables de générer des cellules du même type. Ainsi, les cellules souches de moelle osseuse ne pourraient créer que des cellules sanguines. Les avancées récentes de la recherche suggèrent que les cellules souches adultes seraient susceptibles de créer des types de cellules indéterminés. Grâce au traitement par les cellules souches, la transplantation de cellules d’autres parties du corps pourrait permettre de traiter, prévenir ou même inverser certaines pathologies. Un exemple : les cellules souches de moelle osseuse pourraient être transformées en cellules ciliées de l’oreille pour combattre la perte auditive. Le rôle des cellules souches dans la réversion de la perte auditive Les chercheurs espèrent pouvoir utiliser les cellules souches pour régénérer ou réparer les cellules ciliées endommagées afin de restaurer l’audition ou de prévenir la perte auditive. Des résultats internationaux récents font état de perspectives très prometteuses, confirmant l’espoir de faire aboutir ces traitements dans un proche avenir.

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Au Japon, des chercheurs ont injecté des cellules souches de moelle osseuse dans la cochlée de souris préalablement traitées pour induire une perte auditive. Les souris greffées ont récupéré plus rapidement de leur perte auditive, en particulier dans les hautes fréquences, comparées aux souris non transplantées. Les chercheurs ont pu démontrer que les cellules souches de moelle osseuse pouvaient assumer un fonctionnement identique à celui des cellules ciliées et même prendre une forme similaire à celle des cellules ciliées saines (Kamiya et al, 2007). Des chercheurs australiens travaillant sur les cellules souches ont établi qu’une greffe de cellules souches nasales pouvait être bénéfique pour des patients atteints de problèmes auditifs depuis la période néonatale et l’enfance ! Les scientifiques ont injecté des cellules souches nasales dans la cochlée de souris malentendantes. Les animaux avaient été sélectionnés parce qu’ils présentaient une perte auditive depuis leur petite enfance. La capacité auditive des souris a été testée un mois plus tard, révélant une amélioration de l’audition chez les souris greffées, comparées à celles n’ayant pas bénéficié d’une transplantation. Les chercheurs pensent que les cellules souches nasales ont préservé et pris en charge la fonction des cellules ciliées en empêchant la détérioration de l’audition (Sonali et al, 2001).

Ce que l’avenir nous réserve: l’éventualité d’un vaccin ou d’une pilule contre la perte de l’audition ? Les traitements par cellules souches et la thérapie génique contre la perte auditive sont des domaines de recherche relativement nouveaux. Pour rester réaliste, il faut admettre que nous sommes encore à des années du développement d’un vaccin ou une pilule capable de prévenir ou d’inverser la perte auditive. Cependant, les résultats obtenus par les chercheurs ces dernières années dans la compréhension des mécanismes constituent une première étape vers d’éventuels traitements de la perte auditive congénitale ou provoquée par l’endommagement des cellules ciliées. Bien qu’irréversible, la perte auditive peut malgré tout être prévenue et traitée. Les professionnels de l’audition préconisent des mesures de prévention et conseillent notamment d’éviter ou de réduire l’exposition aux bruits nuisibles et de se faire traiter (aides auditives) aussi tôt que possible. Shin-Shin Hobi

Autres axes de recherche Au cours de la dernière décennie, les chercheurs spécialisés en thérapie génique ont obtenu des résultats concluants dans leur quête d’un «remède» à la perte auditive. Les avancées les plus prometteuses dans l’application de la thérapie génique pour rétablir l’audition ont été la découverte d’un gène spécifique qui stimule la croissance de nouvelles cellules ciliées (Hildebrand et al, 2007). L’industrie cosmétique et le secteur de la santé vantent les mérites des antioxydants dont les propriétés seraient la solution – anti-âge – miracle à la dégénérescence et à l’inflammation cellulaire (Lamm and Arnold, 1999). Des études ont montré que des patients touchés par une perte brusque de l’audition récupéraient mieux leur faculté lorsqu’ils prenaient des antioxydants en combinaison avec un traitement standard par stéroïdes. Les résultats de certaines études indiquent qu’une perte auditive provoquée par le bruit pouvait être réduite par la prise d’antioxydants avant et après un épisode d’exposition au bruit. Plusieurs études font également état d’un effet positif sur d’autres troubles de l’audition comme l’acouphène, la maladie de Ménière (vertige de Ménière) et probablement la presbyacousie (surdité évolutive due au vieillissement).

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Case Western Reserve University, «Isolation of Stem Cells May Lead to a Treatment for hearing loss», ScienceDaily 6 avril 2007, Web 8 avril 2011 Hildebrand M., Newton S., Gubbels S., Sheffield A., Kochhar A., Silva M., Dahl H., Rose S., Behlke M. and Smith (2008), «Advances in Molecular and Cellular Therapies for Hearing loss», Molecular Therapy vol.16 no. 2 224-236 Kamiya K., Fujinami Y., Hoya N., Okamoto Y, Kouike H., Komatsuzaki R., Kusano R., Nakagawa S., Satoh H., Fuji M. and Matsunaga T. (2007), «Mesenchymal Stem Cell Transplantation Accelerates Hearing Recovery though the Repair of Injured Cochlear Fibrocytes», Am J Pathology Vol 171 : 214-226 Lamm K. and Arnold W. (1999), «Successful treatment of noiseinduced cochlear ischemia, hypoxia and hearing loss», Ann NY Acad Science (884) : 233-248 Sonali R., Sullivan J., Egger V., Borecki A. and Oleskevich S. (2011), «Functional Effects of Adult Human Olfactory Stem Cells on EarlyOnset Sensorineural Hearing Loss», Stem Cells (10) : 670-677


Cellules souches et éthique A l’instar du clonage et du génie génétique, la science des cellules souches est l’une des plus controversées et polarisatrices dans le domaine de la recherche médicale. Les objections d’ordre religieux et moral envers la recherche sur les cellules souches condamnent notamment le recours aux cellules souches embryonnaires humaines car il implique la destruction d’un embryon. Les cellules souches embryonnaires humaines utilisées dans la recherche proviennent d’œufs surnuméraires fertilisés dans des cliniques (c.-à-d. dont l’implantation n’est plus envisagée). Leurs propriétaires en font don en faveur de la recherche en signant un consentement avisé.

Les lois réglementant l’utilisation de cellules souches embryonnaires humaines varient beaucoup d’un pays à l’autre. Tandis que dans certains états cette pratique est illégale ou très restrictive (p. ex. Allemagne, Autriche, Irlande, Italie et Portugal), elle est encouragée dans d’autres (p. ex. Japon, Inde, Israël et Australie). Aux Etats-Unis aussi, les avis restent très partagés. Certains états ont adopté une interdiction complète tandis que d’autres favorisent les recherches. Les questions éthiques autour de l’utilisation des cellules souches embryonnaires resteront toujours un sujet sensible. La recherche sur les embryons est strictement réglementée et encadrée par la loi, mais pour beaucoup, la recherche sur les cellules souches adultes constitue la seule alternative acceptable.

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LE SON DES CHOSES

Le Muziekgebouw d’Eindhoven: une partition sonore inédite Comment Niels van Eijk et Miriam van der Lubbe parviennent à revisiter pièces, meubles, uniformes, étoffes, couverts et tasses pour une étonnante polyphonie. Le design s’inscrit à l’origine dans la revendication globale pour l’amélioration des conditions de vie «depuis la cuillère jusqu’à la ville», ainsi le prônait Max Bill. Aujourd’hui cependant, l’œuvre d’art totale, symbole de diversité créative, semble ne plus appartenir qu’au passé – A Copenhague par exemple, le légendaire SAS Royal Hotel pour lequel Arne Jacobsen conçut non seulement l’architecture, mais aussi l’intégralité de l’intérieur, depuis les meubles jusqu’aux lustres en passant par les étoffes et les couverts, date déjà des années 1958 et 1960. Est-il encore possible aujourd’hui d’imaginer une passerelle entre des domaines de créativité aussi différents et réaliser une œuvre d’art totale reconnue comme telle ? Il y a quelques années, les deux designers néerlandais Miriam van der Lubbe et Niels van Eijk reçurent une commande du type de celles dont rêvent tous les designers: il s’agissait, en collaboration avec Philips Ambient Experience Design, de remanier et rénover de fond en comble – «de la façade jusqu’aux boutons de manchettes» – le Muziekgebouw d’Eindhoven, une salle de concert défraîchie du début des années quatre-vingt-dix. «Le bâtiment jouissait d’une excellente acoustique, mais pour le reste, il y avait du pain sur la planche», raconte Nils van der Lubbe. «Objets aux mauvais endroits, couleurs peu adaptées et peu attirantes … Nous avons voulu que les spectateurs renouent une relation avec cet édifice.» Ainsi les deux designers ont-ils conçu leur projet en partant de l’intérieur pour aller vers l’extérieur et en commençant par le plus petit pour aller vers le plus grand, et si l’architecture est la première chose qui frappe, pas le moindre détail n’a été laissé au hasard. On découvre tout d’abord un vaste hall d’entrée vitré, puis ce sont des foyers, des escaliers, des salles de spectacle, des vestiaires, des bars et des bistrots, des tapis et des plafonds, des meubles et des tables, jusqu’aux uniformes des employés, aux tasses à café et aux présentoirs contenant les prospectus. Oubliez les écriteaux ! Le visiteur est censé se repérer intuitivement et non pas grâce à des pancartes. C’est ainsi que ces dernières ont été bannies dans tout le bâtiment – exception faite de certaines portes ou foyers. En contrepartie, les plafonds des foyers, conçus pour étouffer les sons, sont parcourus d’une vaste mosaïque munie de diodes DEL et traçant des chemins lumineux. Si le hightech a été largement utilisé dans tout l’édifice, il reste cependant en grande partie invisible au spectateur. Pour le choix de l’étoffe des sièges de la salle, les designers ont analysé les vêtements des spectateurs. Afin d’épargner aux musiciens la déception d’un auditorium vide les mauvais jours, ils ont habillé les sièges de tons tantôt bleus tantôt verts sans aucune symétrie, créant ainsi l’impression 30 HEAR THE WORLD

d’un public hétéroclite. Et dans la grande salle, un seul siège est recouvert de jaune, comme si une visiteuse avait aujourd’hui osé le jaune citron. Cette manière complice de procéder se retrouve à divers endroits de cette salle de concert rénovée : par exemple, sur les tasses à café dessinées par van Eijk et van der Lubbe pour le restaurant de la maison. On y découvre des motifs floraux kitsch qui, à y regarder de plus près, se révèlent être des collages d’instruments. La combinaison de neuf motifs et cinq couleurs différentes compose une multitude de décors différents qui font que même un visiteur assidu boira probablement à chaque fois dans une tasse différente et bénéficiera donc d’une soirée unique jusque dans les moindres détails. Pour les tables «Silver Knot» placées dans les foyers ou dans les espaces réservés aux artistes, les nœuds dans le bois n’ont pas été dissimulés, mais recouverts d’argent et ainsi mis en relief. Les coiffeuses et miroirs dans les loges des artistes évoquent les miroirs encadrés d’ampoules que l’on connaît des films hollywoodiens. Dans tout le bâtiment, le duo de designers a conçu un système d’assises avec des options toit et montants, permettant de sélectionner fauteuils et canapés au gré de ses envies d’isolement : coiffé d’une sorte d’auvent, la causeuse «Hood Chair» devient par exemple havre de paix. La banquette munie de ce même accessoire se transforme en «Love Seat» avec éclairage intégré. Et pour un moment de détente musicale, on prendra place dans les «Hood Chairs», espaces musique miniatures où displays et haut-parleurs diffusent les morceaux choisis de la banque de données. Si aux dires des designers, les sièges n’ont aucun rapport formel avec la musique ou les sons, leurs formes anguleuses évoquent néanmoins une composition à angles vifs. Avec leurs éléments additifs et leurs couleurs vives, d’aucuns y reconnaissent l’héritage de l’exubérant design Memphis des années quatre-vingt. Massifs et imposants comme ils sont, ils peuvent également passer pour l’expression d’un courant de design typiquement néerlandais, pour lequel, notamment dans les lieux publics, il est souvent plus de mise d’afficher la simplicité fonctionnelle et l’égalité démocratique que d’opter pour l’élégance, la retenue ou la subtilité. Mais peut-être ces capricieux solitaires n’affirment-ils leur présence au singulier que pour mieux se fondre ensuite dans le concert des formes et des couleurs. Avec la refonte du Muziekgebouw d’Eindhoven, Miriam van Eijk et Nils van der Lubbe ont osé l’œuvre d’art total contemporaine en orchestrant magistralement des salles entières et des meubles au caractère bien trempé, des couleurs et des étoffes hétérogènes, une excellente acoustique et une optique prégnante pour une palette sonore inédite. Dont la note la plus aiguë émane d’un fauteuil jaune. Markus Frenzl www.ons-adres.nl www.muziekgebouweindhoven.nl


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Photo: Frank Tielemans


Photos: Iwan Baan

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ARCHITECTURE

Se garer en beauté sous les palmiers Le parking Herzog & de Meuron à Miami Confrontés que nous sommes à un environnement urbain marqué par la fonctionnalité et le bruit, l’idée d’une «belle» tour de parking nous paraît improbable. Comment imaginer un bâtiment s’appropriant le langage formel du béton apparent sans se cacher ni se travestir ? A Miami, les lauréats du prix Pritzker Herzog & de Meuron nous démontrent que c’est possible: juste au coin du quartier Art Déco se dresse la silhouette sculpturale d’un parking en béton conçu comme un espace ouvert. Au n°1111 Lincoln Road trône un bâtiment d’une légèreté aérienne, à la fois lumineux et chaleureux, mais révélant malgré tout un penchant manifeste pour un style universellement décrié: le brutalisme. Marcel Krenz s’est rendu à Miami pour le magazine HEAR THE WORLD et a testé ce parc de stationnement glamour. Non, les parkings ne font certainement pas partie des bâtiments les plus populaires de l’ère moderne. Etroits, sombres, sales, angoissants et difficiles à emprunter pour le commun des conducteurs – carcasses de béton brut le plus souvent revêtues d’une façade discrète, ils nous simplifient la vie mais offensent trop souvent notre sens esthétique. Non pas que le nouveau parking de plusieurs étages conçu par le duo d’architectes suisses Jacques Herzog et Pierre de Meuron donne une autre impression à première vue, pourtant il s’inscrit malgré tout comme une réinterprétation tout ce qu’il y a de plus chic d’un classique de l’architecture. En dépit d’une structure fonctionnelle dépouillée en «béton brut», comme le grand-maître Le Corbusier le qualifiait de charmante façon, l’immeuble de six étages affecté au stationnement est bien plus qu’un simple garage puisqu’il remplit toute une série de fonctions dépassant largement le cadre du «stationnement esthétique». Bordant la Lincoln Road, une rue commerciale animée, il abrite trois restaurants et plusieurs boutiques au rezde-chaussée ainsi que d’autres magasins sur cinq étages. Aux abords des bars et restaurants très fréquentés de la Lincoln Road, l’exubérant garage est devenu une nouvelle destination de prédilection par sa polyvalence. L’attractivité du complexe provient sans doute aussi de la volonté des architectes de s’affranchir de la norme usuelle des parkings avec leur hauteur de plafond de deux mètres et d’imaginer une structure transparente à plusieurs étages de hauteurs variables. Parfois jusqu’à sept mètres. «L’architecture est déterminée par la construction», expliquent les maîtres d’œuvre interrogés. Et effectivement, la rupture avec la monotonie des piles d’étages régulières, rythmées par des piliers inclinés, confère au bâtiment élégance et noblesse. L’absence d’habillement de façade conjuguée à la structure filigrane des balustrades établit une référence avec la ville et ouvre des vues panoramiques incomparables. Tellement chic que le maître d’œuvre s’est lui-même offert un loft perché sur le toit – jouxtant directement un restaurant. Le bâtiment est également révélateur d’une démarche multifonctionnelle plaçant l’homme, et non son véhicule, au cœur du concept : les magazines n’ont pas tardé à s’emparer de l’immeuble comme motif glamour et l’industrie cinématographique comme décor de film. Les plateformes de

stationnement servent aussi de cadre à des soirées organisées. Un escalier sculptural invite les utilisateurs du garage à emprunter un «parcours architectural», les replongeant pas à pas dans la grande époque présumée révolue de l’automobile avec un grand A, référence aux plus belles réussites architecturales des années vingt, trente ou cinquante. Un plaisir qui, moyennant quatre dollars de l’heure, transforme la routine du stationnement en petit bonheur du quotidien. De la même façon que l’on pense automatiquement : «Lincoln Road 1111 est le premier parking qui expose les voitures au lieu de les cacher,» constate aussi Paul Goldberger, critique de la rubrique architecture du New Yorker, même s’il oublie un peu facilement que Paul Schneider-Esleben, l’architecte de l’aéroport de CologneBonn a déjà tenté le même pari dans les années cinquante en imaginant le garage Haniel à Düsseldorf-Grafenberg. Aujourd’hui récompensé par plusieurs prix d’architecture, le garage qui, aux dires du promoteur immobilier Robert Wennet, n’est pas censé ressembler à un parking ni en donner l’impression, a coûté 65 millions de dollars. Il va sans dire que le promoteur a gardé ses intérêts commerciaux personnels dans le viseur en finançant cette opération. Les places de stationnement supplémentaires conjuguées à un mix d’autres locaux d’exploitation lui ont permis de créer davantage de surfaces à louer, surtout dans les étages supérieurs. L’éditeur allemand Taschen et le producteur de café Nespresso ont immédiatement reconnu le parti qu’ils pouvaient tirer de posséder un magasin dans ce complexe glamour. Et la description que Jacques Herzog a donnée de son bâtiment peut tout autant s’appliquer à la plage de Miami toute proche : «Rien que du muscle, point de vêtement.» Pour son argent, Wennet a obtenu quelque 300 places de stationnement, une petite succursale de banque et quatre appartements en plus des magasins et autres restaurants. Les appartements se sont vendus pour la coquette somme de 2,5 millions de dollars. Pour aviver l’intérêt économique de ces habitations dans un parking, il a fallu faire appel au prestige et à la virtuosité d’une star de l’architecture internationale. Mondialement célèbre pour ses réalisations à la Tate Modern de Londres, la philharmonie de Hambourg et le stade olympique de Pékin, le cabinet Herzog & de Meuron s’est attaqué à Miami Beach à un bâtiment profane pour exercer son art suprême. Un excellent prétexte pour louer une voiture à l’occasion de l’Art Basel qui aura lieu à Miami Beach cet automne, et pénétrer dans ce parking. Si vous souhaitez en savoir plus sur l’histoire généralement méconnue des parcs de stationnement modernes, deux possibilités s’offrent à vous: soit vous vous garez sous les palmiers de Miami pour assister vous-même à l’Happy End de l’histoire, soit vous feuilletez L’Architecture du Parking (The Architecture of Parking/Parkhaus-Architekturen) de Simon Henley. Vous pourrez ainsi revivre toute l’histoire des parkings, depuis le premier garage inauguré à Paris en 1905 jusqu’au bâtiment profane signé Herzog & de Meuron. En tous les cas, nous vous souhaitons un excellent voyage ! Marcel Krenz HEAR THE WORLD 33


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ART

Le temple des merveilles de la culture numérique Colonnes monumentales ornées de reliefs décoratifs en or et chapiteaux corinthiens soutiennent la voûte majestueuse du foyer de ce théâtre néoclassique. Autrefois, sous Napoléon III, la haute société du Second Empire se retrouvait au Théâtre de la Gaîté Lyrique pour assister aux soirées musicales de Jacques Offenbach. Aujourd’hui, ces murs chargés d’histoire sont devenus le lieu de rendez-vous de la scène parisienne de l’électro et de la culture numérique. Manuelle Gautrand a transformé l’opéra historique en plein cœur de Paris en un forum moderne vivant, qui accueille tour à tour sous son toit des concerts et performances «live», des spectacles vidéo, des créations expérimentales avec l’espace et la lumière et des représentations de danse. La façade historique et le foyer monumental de l’édifice situé dans le troisième arrondissement ont été préservés – à la différence de la plupart des autres pièces et salles pour lesquelles carte blanche a été donnée à l’architecte marseillaise pour une modernisation en profondeur.

Dès l’entrée dans le foyer, le nouveau décor annonce la couleur : les lustres en cristal historiques ont laissé la place à des plafonniers modernes dont les généreux abat-jours cylindriques servent de surfaces de projection numérique, communiquent entre eux et permettent la diffusion de spectacles son et lumière, en allusion au nom de l’établissement transposé dans l’ère du numérique. Derrière sa façade historique, la Gaîté Lyrique s’ouvre sur un monde expérimental ludique et léger qui entraîne le public dans un univers de la découverte et de la perception à travers des expositions et des salles dédiées aux installations, des auditoriums et des boîtes à outil sonores. L’histoire du développement multimédia, du phonographe à l’iPad, du cinématographe aux techniques 3D, y est retracée, tandis que des événements d’actualité se traduisent en concerts, performances «live» et installations multimédia pour le spectateur. «Nous voulons mettre en lumière dans ce lieu le phénomène contemporain de la culture numérique et permettre aux visiteurs de comprendre tout ce qui se passe aujourd’hui», explique Jérôme Delormas, Directeur de la Gaîté Lyrique. Sorte de boîte à outils artistique de la culture numérique et laboratoire de rencontres culturelles, la Gaîté Lyrique présente des projets de jeunes troupes de théâtre expérimental comme le collectif Rimini Protokoll, offre un espace de spectacle 3D à des musiciens avant-gardistes comme Brian Eno et s’inscrit comme un forum d’expression pour les points de vue personnels, notamment celui du groupe d’artistes britanniques Matt Pyke & Friends, sur le monde des nouvelles technologies. Dans l’extravagante installation «Rien à cacher / rien à craindre», créée par le collectif d’artistes britanniques United Visual Artists pour l’inauguration du bâtiment, la lumière, l’espace et le son fusionnent en une mise en scène multimédia et transcendent les frontières pour se muer en expérience impliquant les sens, le corps et le mouvement.

Photos: © Vincent Fillon

«Pour un bâtiment, il est important d’avoir plusieurs histoires, plusieurs vies, surtout lorsqu’il s’agit d’un bâtiment public. Ce qui m’a passionné, c’est de concilier d’une part l’art numérique et la musique électronique et d’autre part l’héritage du passé – toutes les facettes plus ou moins glorieuses qui ont marqué le caractère de ce bâtiment», a exposé Manuelle Gautrand dans son avant-projet. Le théâtre en plein cœur de Paris avait été inauguré en 1862, mais le faste du Second Empire n’a été qu’un court épisode dans son histoire mouvementée. Ainsi l’établissement a été plusieurs fois transformé et remanié jusqu’à finalement se dépraver et devenir un mini-parc d’attractions dans les années 1980 – dénaturé et méconnaissable. Avec sa fermeture dans les années 80, la ville a perdu un centre culturel dont la réouverture est devenue devint l’un des chevaux de bataille du maire de Paris Bertrand Delanoë à son élection en 2001. La ville a déboursé au total 85 millions d’euros pour la restructuration et la transformation de l’édifice en un forum moderne. A l’issue de huit années de conception et de construction, la Gaîté Lyrique a rouvert ses portes en mars 2011. Le programme culturel éclectique de l’établissement cible surtout un public de jeunes entre 15 et 35 ans.

Gaîté numérique

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Black Box pour installations sonores et multimédia

Architecture et rencontre

Trois salles dédiées aux concerts et performances constituent le cœur de la nouvelle Gaîté Lyrique, qui peut accueillir quelque 1.500 visiteurs sur 9.000 mètres carrés de surface hors d’œuvre. Seulement cinq des sept niveaux sont accessibles au public. Les salles s’imbriquent tels des modules autonomes pour proposer aux artistes comme au public une large palette de possibilités d’expérience et de mise en scène. Pour des raisons acoustiques, la grande salle est construite comme une boîte noire déposée au cœur du complexe et totalement désolidarisée de la structure pour ne pas déranger les habitants des maisons voisines. Les 300 places assises offertes par la salle sont conçues comme des plateaux modulables en différentes constellations, susceptibles tout comme la scène, d’être configurés selon les besoins et agencés par des mises en scène sur écran. Un ensemble de 46 écrans et un système acoustique sophistiqué transforment la salle en un grand espace à géométrie variable qui permet aux artistes de donner libre cours à leur imagination et à leurs envies. De l’extérieur, la grande salle est reconnaissable à la paroi constellée de miroirs qui la sépare des espaces attenants. La petite salle est truffée, elle aussi, d’équipements techniques qui permettent de décomposer l’espace pour le recomposer au gré des mises en scène ou des aventures sonores ou multimédia proposées au public. Offrant 70 à 150 places assises, elle arbore une structure flexible: possibilité de déplacer les parois latérales et de modifier la hauteur du plancher de scène pour accueillir tous les types de performances, concerts et installations imaginables.

«L’ensemble du bâtiment est interactif, ce qui permet aux artistes de s’approprier tous les espaces … C’est un corps dans lequel ils peuvent s’installer d’un bout à l’autre, d’une manière interactive», explique Manuelle Gautrand. Son architecture se veut un dispositif de rencontre avec la culture numérique, un lieu d’expériences, un cadre transformable et configurable au gré des besoins, un vecteur d’optimisation de la perception. La rencontre avec le théâtre historique se transforme ainsi en aventure de la culture numérique : ce soir, le duo néerlandais Joan Heemskerk et Dirk Paesmans invite le public à un débat sur le folklore sur le World Wide Web; plus tard dans la soirée se produiront «The Congos» et «The Abyssinians», deux grandes pointures du reggae jamaïcain et pour demain est programmé le groupe d’électro pop versus 2.0 qui transformera la grande salle en une caverne vibrante. Depuis toujours, Paris est une ville ouverte aux arts. Les politiques l’ont bien compris qui n’ont jamais abandonné ce rôle jusqu’à aujourd’hui et et continuent de faire la part belle à la culture numérique. Accorder une place à la culture numérique en tant que telle est une chose. L’héberger ensuite dans un bâtiment riche en tradition comme la Gaîté Lyrique en est une autre: un signal fort pour l’avenir. Les fans ne sont pas les seuls à en bénéficier, les visiteurs curieux ne tarderont pas à être conquis. Sandra Hofmeister

Mais le joyau de la Gaîté Lyrique reste sans conteste sa «chambre sonore» : une pièce dépourvue de fenêtres, baignée dans une féerie de jeux de lumières dont le sol recouvert d’un tapis sensitif permet aux visiteurs de déclencher une symphonie programmée d’effets sonores et lumineux. Tels des modules à part entière, la réception, les espaces d’exposition, les cafés et le foyer forment une enceinte autour des deux salles et de l’auditorium. Des «éclaireuses», modules de mobilier imaginés par Manuelle Gautrand, sont réparties dans le bâtiment avec des fonctions diverses. Tour à tour, ces boîtes colorées se veulent espace d’écoute ou stations vidéo. Mais elles peuvent également servir de bureau ou de poste de travail aux artistes. Sous les toits, La Gaîté abrite par ailleurs des studios de répétition, des salles d’enregistrement et multimédia qui sont à la disposition des artistes en résidence ou peuvent accueillir des ateliers.

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SPORT

Sport extrême pour les oreilles – ou: Pourquoi Jenson Button, pilote de Formule 1, ne fait pas la sourde oreille…

Jenson débute au karting à l’âge de neuf ans, encouragé par son père, lui-même pilote automobile renommé en championnat britannique de rallycross. A dix-huit ans, le jeune Button remporte le championnat de GrandeBretagne de Formule Ford et décroche la deuxième place dans le championnat européen. Un an plus tard, il se classe troisième en Formule 3 avant de courir sa première saison en Formule 1 à vingt ans seulement et d’inscrire d’emblée un total de douze points en championnat du monde. Depuis ses débuts dans la classe royale du sport automobile, Button fait figure de farceur qui, malgré des ambitions légitimes, perd rarement son sens de l’humour. Son sourire gagnant et son charme juvénile lui attirent spontanément la sympathie et lui ont valu de devenir l’un des coureurs les plus populaires sur les circuits de Formule 1. Pourtant c’est bien à ses qualités de pilote de course et à son habile stratégie que le Britannique de 31 ans, qui en dix ans de carrière a porté les couleurs de différentes écuries, doit son excellent classement à la tête de la catégorie reine du sport automobile. S’il n’est pas sans connaître des hauts et des bas, Jenson Button ne se décourage pas pour autant. Par exemple à Monaco où, en tête du début à la fin, il a triomphé en 2009, s’assurant ainsi «une place dans les livres d’histoire de la Formule 1» (The Express) pour, un an plus tard, tomber en disgrâce – «Le héros retombe à zéro» (The Sun) –, alors que la panne de son bolide peu après le départ était «bêtement» due à la faute d’un mécanicien. Qu’est-il advenu de ce dernier ? L’histoire ne précise pas s’il travaille toujours pour l’équipe de Button …

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Le vrombissement de sa McLaren Mercedes MP 4-26 est comme de la musique aux oreilles de Button, et les ronflements du moteur font simplement partie de l’outillage de bord dont le pilote a besoin pour la «dernière mise au point avant la course» : pour un véhicule d’à peine 100 kilos, le régime du moteur ultra puissant à huit cylindres et 32 soupapes atteint des pointes de 18.000 tours par minute, et cela à un mètre environ de la tête du coureur automobile. On comprend que ce dernier, tout comme les mécaniciens, ne s’approche jamais de cette bombe sonore sans protection auditive. Loin des rugissements de sa voiture de course, le Britannique écoute pendant ses loisirs un mélange de musique que l’on qualifierait spontanément d’«éclectique». Outre les Pigeon Detectives, un groupe de rock indépendant / post-punk originaire de Leeds et porté aux nues par Steve Lamacq, DJ de la BBC1, Jenson apprécie surtout le R&B ambitieux et plus particulièrement Maxwell, gagnant d’un grammy qui, au milieu et à la fin des années quatrevingt-dix, a révolutionné le genre du nu-soul, notamment avec «Urban Hang Suite». «Dans le monde assourdissant du sport automobile, il est essentiel d’entendre parfaitement et de tout faire pour protéger cette fonction», déclare Jenson Button. «Que ce soit pour la dernière mise au point avant le départ ou pour la communication avec l’équipe pendant la course – je dois pouvoir me fier à 100 pour cent à mon ouïe.» Ainsi la mission que lui confie Hear the World lui tient-elle particulièrement à coeur : «En rendant la communication possible avec l’environnement, une bonne audition influe énormément sur la qualité de vie. C’est pourquoi il est si important de prendre conscience de son audition et de la protéger.» Christian Arndt

Photo: Bryan Adams

Dans les questionnaires relatifs aux loisirs, les personnes qui cochent la case «golf et triathlon» font en général partie de la catégorie qui a trop de temps libre, ou de celle qui exerce une profession à risque. Jenson Alexander Lyons Button (Member of the British Empire) entre dans cette dernière. L’homme, dont les officiels de la Formule 1 ne sont pas les seuls à admirer le «style de pilotage coulé», compte actuellement parmi les pilotes automobiles actifs les plus talentueux. En témoigne sa place sur le podium aux côtés du champion du monde en titre, Sebastian Vettel (Red Bull) et de son coéquipier McLaren-Mercedes, Lewis Hamilton, au Grand Prix d’Espagne. Et comme les deux autres vainqueurs, Button a déjà été champion du monde. C’était il y a deux ans. A la clôture de notre rédaction, le jeune pilote occupait la très respectable quatrième place du championnat, montrant ainsi que même en période de difficulté, il était toujours de la partie. Comme le triathlon, le sport automobile fait partie des sports extrêmes pour ce qui est de la rapidité et du danger, mais surtout en matière de décibels. Malgré tout ou justement pour cela, «je me fie beaucoup à mon audition», explique Button qui, en sa qualité de 50ème ambassadeur de l’initiative Hear the World, souhaite servir d’exemple et inciter le plus grand nombre possible à protéger son audition.


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VOYAGE

La voix d’un pays Islande : pour bien percevoir cette terre de contrastes et d’extrêmes, il faut parfois se fier au chant de Dame Nature. Un troquet de Reykjavik : un homme attablé gesticule frénétiquement, manque d’accrocher la serveuse qui esquive habilement. Heureusement pour la coûteuse cargaison de bières d’importation ! Une réaction peut-être instinctive après avoir perçu ces étranges bruits. Jón Þór Birgisson, surnommé Jónsi, tente en effet de reproduire le bruit du déferlement de la houle à Húsavík, au nord de l’île : «knnzsscchwmmm !» et prétend ne pas s’y tromper car ce ressac ne se retrouve à aucun autre endroit du pays. Mais ses amis restent sceptiques. Comme si les vagues faisaient un autre bruit à Djupívogur à l’est ! «Evidemment !», s’exclame Jónsi, «kschschschmmmbl !» C’est une toute autre plage, un tout autre gravier ! Jónsi est le chanteur du groupe islandais Sigur Rós et a sillonné son pays en quête d’idées, d’inspiration, en même temps que de sons originaux. Pour les critiques, les créations éthérées de ce collectif islandais ont toujours «respiré» l’Islande. Ainsi, ils affirment que les voix qui se superposent tintent comme des aurores boréales et que la guitare électrique maltraitée par un archet de violoncelle évoque un glacier duquel une imposante paroi de glace menace de se détacher. Ils n’ont certainement pas tort : La musique de Sigur Rós est effectivement un peu la somme de tous ces bruits propres à l’Islande. Le regard de Jónsi s’attarde maintenant au dehors. Dans la Hverfisgata, une nuée de mouettes se dispute un poisson. Leur tintamarre est tel, leurs criaillements sont si stridents qu’ils traversent les vitres fermées et recouvrent en partie le brouhaha du bistrot. Comme si des instruments à cordes s’étaient emballés. Peut-on entendre un pays ? Apparemment. L’Islande en est même une preuve manifeste. On en prend d’autant mieux conscience que c’est une terre grandiose : des paysages époustouflants, oniriques, dont la contemplation est tellement surréaliste qu’il faut parfois se pincer pour se convaincre de leur réalité. Il est rassurant d’avoir alors recours à un autre organe des sens. Il faut aussi savoir que, sorti des deux ou trois villes de taille moyenne, l’île est pratiquement déserte puisqu’elle ne compte que 318000 habitants sur 103000 kilomètres carrés. Transposé à l’échelle américaine, c’est comme si Manhattan ne comptait que 224 habitants. Et on s’en doutait : là où l’homme laisse la suprématie à la nature, il y a toutes les chances que celle-ci fasse entendre sa voix.

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A l’aube d’un matin à Jökulsárlón par exemple où le silence est loin d’être absolu. Où l’on ne peut pas vraiment parler de silence. Enfin, si, superficiellement. Quelques centaines de mètres plus loin, sur les rives du lac où le glacier vient mourir, l’Islande fait entendre sa voix. Des fragments de glace de toutes tailles dérivent à leur guise, se heurtent les uns les autres, et l’eau autour d’eux clapote, bouillonne, ondule … Les flots sont un support sonore extraordinaire, aucune autre surface ne semble porter le son aussi bien et aussi loin. Et en Islande, l’eau n’est pas une denrée rare, loin s’en faut: lacs volcaniques et glaciaires, baies, fjords encastrés… Il suffit d’approcher d’une de ces étendues d’eau pour assister à un véritable concert de mère Nature. Ce sera peut-être l’envol à tire d’ailes d’une famille d’oies. Le saut d’un saumon. Le roulement des pierres que les sabots des moutons ont foulées plus haut sur la montagne. La voiture solitaire qui longe l’autre côté du fjord. Et puisque nous parlons voiture : en Islande, tout véhicule est une aventure acoustique. Quiconque a par exemple emprunté la piste caillouteuse «52» dans la vallée Kaldidalur sait de quoi il retourne: craquements, grincements, secousses, cahots au gré d’innombrables nids de poule et autres tôles ondulées … La musique du MP3 n’est perceptible qu’en bruit de fond. Au moins quatre millions de gravillons par minute sont éjectés contre la tôle du véhicule. Et au bout de quelques kilomètres, ce staccato ininterrompu devient si régulier que le silence qui accueille l’automobiliste ayant décidé de faire halte en est presque inquiétant. Certaines escales sont cependant moins tranquilles que d’autres pour peu qu’elles annoncent une mauvaise surprise : le sifflement discret de l’air qui s’échappe d’un pneu plus tout à fait en état peut désagréablement contrarier le conducteur d’une voiture de location. Pire encore : le détestable «Slurpppppsch» islandais qui provient de l’espace-pieds du véhicule et signale que l’eau du gué s’est engouffrée un peu plus qu’on ne croyait … Les rivières islandaises sont les fougueux pendants de ses lacs et fjords aux eaux immobiles. Elles bouillonnent et pétillent, avalées par les glaciers des hauts plateaux, bousculées par les dénivelés. L’été, lorsque le soleil a fait fondre la glace toute la journée, elles laissent libre cours à leur impétuosité naturelle dès la fin de l’après-midi. Les aimables ruisseaux du matin se métamorphosent alors en flots déchaînés et écumeux. Et partout où ces fleuves roulant sur des falaises ou autres parois rocheuses plongent dans le vide, le monde semble se réduire d’un coup à ce formidable fracas : quiconque a contemplé les eaux tumultueuses d’un Gullfoss, Dettifoss ou Dynjandi, n’aura plus pour les cascades européennes qu’un haussement d’épaules désabusé.


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Photos: Sabine Reitmaier


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Qui dit Islande dit aussi geysers. Et on n’oubliera pas de sitôt une soirée en leur singulière compagnie. Celui qui a donné son nom à ses cousins du monde entier n’est qu’à 90 minutes de la capitale du pays. Rien d’étonnant à ce que les touristes se succèdent inlassablement à Geysir. Le soir cependant, arrive un moment où on est seul entre les trous chuintants et les mares de boues bouillonnantes. Le roi Geyser lui-même n’est plus guère fiable, mais son complice, Strokkur, jaillit régulièrement à quelques minutes d’intervalle. Peu avant, l’eau tout autour commence à s’agiter et à écumer ; un feulement plus tard et on a l’impression qu’un cyclone d’intensité moyenne est prisonnier du manteau terrestre. Jaillit alors la fameuse colonne de vapeur d’eau vers le ciel, si brusquement que le photographe, même aux aguets, a besoin de plusieurs clichés pour obtenir une photo présentable. Les Islandais ont une relation très particulière avec leurs sources d’eau chaude : autrefois, les chefs des clans vikings recevaient volontiers leurs hôtes dans ces piscines naturelles et aujourd’hui, tout débat ou discussion à l’islandaise aura forcément lieu dans un «hot pot» en plein air. Aussi, récemment, l’annonce de la reprise d’une entreprise d’énergie locale par un consortium canadien a soulevé une profonde indignation chez les autochtones – car les sources d’eau chaude ont également été vendues. Sous la houlette de la chanteuse Björk, un marathon karaoké de protestation a été organisé pendant trois jours début janvier. Si les manifestants n’ont pas pu revenir sur le rachat de la société, ils ont néanmoins obtenu que les réserves naturelles de l’Islande soient désormais déclarées propriété publique. 48000 Islandais ont signé la pétition, soit 15 pour cent de la population. Et les contestataires auraient sans doute été bien plus nombreux encore si la météo avait été plus clémente ces jours-là.

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Lorsqu’il ne pleut et qu’il ne vente pas, l’endroit le plus célèbre du pays est d’un calme si profond qu’il en est saisissant: comme si quelqu’un là-haut avait débranché des câbles imaginaires et ainsi fait cesser tous les bruits du monde. Nous sommes à Þingvellir, un lieu chargé d’histoire, encastré entre des parois rocheuses qui semblent le protéger. Dans l’histoire de l’Islande, comme dans la conscience collective, Þingvellir occupe une place particulière : c’est là en effet que siégea le premier Parlement après le peuplement de l’île par des Vikings norvégiens, sans doute parce qu’on ne trouva nulle part ailleurs de source chaude pouvant accueillir autant de personnes à la fois. C’est là aussi que fut célébré le millénaire de la fondation de l’Islande, c’est là encore que fut proclamée la République. Riche d’histoire, mais aussi d’anecdotes, Þingvellir est presque un lieu de pèlerinage pour les Islandais. On raconte par exemple qu’on y entend parfois bruire le passé – à condition de tendre l’oreille. Jónsi, le chanteur, y est venu récemment. Une chance car le nouvel album de Sigur Rós nous permettra peut-être alors de distinguer ces murmures d’une époque révolue … Stefan Nink www.visiticeland.com Première parution dans: Süddeutsche Zeitung, jeudi 7 avril 2011


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Illustration: Malin Rosenqvist


LE MONDE DES SENS

«La forêt en chansons» Un seul et unique – un seul sur quelque 10.000 épicéas aura le privilège d’arriver dans l’atelier de luthier de Martin Schleske qui le métamorphosera en un violon de qualité exceptionnelle. L’épicéa est un champion de la survie : si son espérance de vie peut atteindre 200 à 300 ans, il doit d’abord croître sur un sol ingrat et endurer un climat rude, la pénurie d’eau et le froid glacial qui règne en montagne juste à la limite de la flore arborescente. Pour un bon bois de résonance, le choix portera sur ces arbres «marqués par la vie», ceux pour qui l’existence se résume à une lutte quotidienne. Un arbre de plaine, ayant bénéficié des meilleures conditions et poussé comme un champignon, n’a aucune résistance. Sa résonance reste médiocre, il n’a pas de personnalité. «Notre vie n’est pas un long fleuve tranquille non plus et ce sont les crises qui nous permettent de grandir», fait remarquer le luthier Martin Schleske. La renommée de celui-ci est telle que le «New York Times» lui décerne le titre de «meilleur luthier contemporain» et le quotidien allemand «Die Welt» le nomme le «Stradivari du XXIème siècle». Mais quel est donc le secret des violons les plus célèbres ? Est-ce leur bois de résonance ? Le savoir-faire artisanal, le ponçage minutieux ? Ou bien la sensibilité à fleur de peau du luthier, cette intuition qui lui susurre quel genre de violon conviendra au musicien ? Dépourvus de nœuds et d’une incroyable solidité, ces «géants des montagnes», qui avoisinent souvent les 50 mètres de hauteur, ne se trouvent que dans quelques régions bien particulières des Alpes. Martin Schleske, 45 ans, dit de ces conifères qu’ils ont une «vocation de résonance». Autrefois, le luthier arpentait lui-même les forêts de montagne; quelques sandwiches dans son sac à dos et une tronçonneuse à la main, il a ainsi maintes fois bravé le froid et la neige des Alpes bavaroises. Tous les luthiers ont tissé un réseau d’indicateurs, garde-forestiers et autres négociants en bois. Lorsque là-haut dans la montagne, une tempête a couché quelques-uns des épicéas les plus imposants, une course contre la montre commence. La concurrence est rude et si l’on veut récupérer les meilleurs arbres, il n’y a pas une minute à perdre … «Le bois doit avoir un éclat graisseux lorsqu’on le découpe, il ne faut surtout pas qu’il ait l’air poussiéreux», explique Schleske. Lorsque les sections du tronc scié dévalent la pente avant le transport, Schleske sait déjà si l’arbre sera un «chanteur» : chez certains, on entend déjà un «tintement de cloches, claires et mélodieuses» lorsqu’ils heurtent le sol, d’autres n’émettent qu’un bruit «mat et sec». Pour une résonance prometteuse, un luthier ne ménagera pas sa peine! Aujourd’hui, Schleske n’a plus assez de temps pour de telles expéditions. Deux à trois fois par an, il rend visite à son négociant en bois qui s’est spécialisé en bois de résonance. Malgré tout, cela reste un travail de détective : «Lorsqu’une livraison arrive, le plus important est d’être

le premier à choisir». Une fois chez le négociant, Schleske examine d’un regard de connaisseur souvent jusqu’à 3.000 sections de tronc, dont 5 seulement offriront un véritable bois de qualité. Soigneusement découpés et marqués d’une combinaison de chiffres et de lettres, les meilleurs spécimens sont tout d’abord entreposés dans les rayonnages de l’atelier de Stockdorf, au sud de Munich. Certains clients viennent même des Etats-Unis et d’Asie, et tous sont prêts à attendre plusieurs mois pour se faire fabriquer un violon Schleske : «Depuis que j’ai ce violon, je ne joue plus les concerts romantiques de Brahms ou Sibelius sur mon Stradivarius», avoue la soliste londonienne, Jeanne Christé v. Bennigsen. Jehi Bahk, premier violon à Séoul, trouve ici un «timbre qui s’équilibre remarquablement sur toutes les cordes, digne des maîtres luthiers italiens du XVIIIe siècle.» Quant au violoniste virtuose Ingolf Turban, il ne tarit pas d’éloge sur la plus belle corde de mi qui lui ait jamais été donné d’entendre : «J’ai le sentiment de ne plus jouer du violon, mais de chanter.» Pourtant, l’homme à la «casquette en cuir sombre» qui, outre le violon, a joué de la guitare électrique dans sa jeunesse, ressent toujours une certaine nervosité lorsqu’un client lui passe commande : «Cela reste un acte créatif», raconte-t-il. Reconnaître quel violon conviendra au musicien demande une bonne dose de sensibilité et un certain flair. «Pour un musicien, le violon finit par faire partie de son corps, il devient sa voix intérieure.» L’étymologie du mot «Personne» – composé de per (= à travers) et sonum (= son) – montre la corrélation initiale de la voix et du caractère d’un individu. Lorsque Martin Schleske parle de violons comme le Stradivarius ou le Guarnerius, on croirait presque l’entendre décrire le caractère d’une femme et à dire vrai, son rôle évoque un peu celui d’une agence de rencontre. «Un Guarnerius est comme une gitane, à la fois fière et ténébreuse, insolente, passionnée et combative. On peut travailler ses sons qui se laissent «pétrir», on sent qu’il y a une certaine résistance – comme une solide poignée de main». Le Stradivarius est complètement différent : «C’est plutôt une Sainte Vierge qui joue parfois les divas. Il est capable de sons extraordinaires, mais ne cherche pas à combler les attentes du musicien qui souhaite occuper le devant de la scène. Sans compter qu’une fois vexé, le Stradivarius se bute». L’un de ces capricieux violons, qu’on lui avait retourné par la poste, s’est ainsi retrouvé un jour dans son atelier, sourit Schleske, mais que ne ferait-on pas pour un «Strad» – comme l’ont surnommé les musiciens ? Le client est prêt à débourser jusqu’à 4 millions d’euros pour cette grande dame à la personnalité mûrie pendant 300 ans.

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Par comparaison, un violon Schleske est presque une affaire : moyennant 20.000 à 25.000 euros, un violoniste aura un instrument de soliste. Bien plus encore, un instrument qu’il pourra former, pour ainsi dire travailler à sa guise : il faut savoir en effet qu’un violon fabriqué est loin d’être un instrument prêt à être joué. Le violon n’intervient que pour moitié dans les sons qu’il produit ; l’autre moitié de son caractère se forge en accord avec celui qui en joue – un travail d’équipe en quelque sorte. Sensibilité et travail sur mesure Mais avant ce premier «rendez-vous», le chemin à parcourir est encore long et réclame de son luthier un labeur délicat. Si certains d’entre nous ont de la peine à reconnaître un «mi» d’un «ré», l’homme à la casquette est, lui, capable de distinguer sur un violon jusqu’à 30 différentes variantes d’une seule note. Tendre l’oreille, encore et encore – c’est aussi l’art du luthier. D’abord écouter attentivement le client, bien comprendre ses aspirations et ses attentes et puis, pendant le travail, ouvrir toutes grandes ses oreilles pour percevoir le son du bois. Un artisanat exigeant une extrême concentration en même temps que des antennes pour son vis-à-vis. Un travail très prenant après lequel l’artisan a besoin de se ressourcer. «Lorsque je rentre de mon atelier le soir, je commence souvent par éteindre la musique que ma famille écoute, je n’aspire qu’à une chose : le silence». Une entrevue avec Martin Schleske suffit à convaincre de la sensibilité qu’il témoigne aux gens comme aux instruments. A cela s’ajoute le rayonnement d’une présence calme et posée – des aptitudes ô combien nécessaires lorsqu’on travaille pendant des semaines avec autant de précision sur un instrument. Lorsqu’il ponce le bois d’épicéa pour en faire une caisse de violon, quelques dizaines de millimètres peuvent suffire à modifier le son. «Il faut être attentif et respecter le bois», commente-t-il. Ne jamais travailler contre les fibres. Une déclaration qui, pour le croyant qu’est Martin Schleske, s’applique aussi au quotidien. Dans son livre «Der Klang : Vom unerhörten Sinn des Lebens», que l’on pourrait traduire par «Le son : le sens inouï de la vie», il compare la fabrication d’un violon avec le développement personnel d’un individu. En définitive, nous ne sommes pas très différents d’un épicéa : ce sont les crises qui forgent notre personnalité. C’est en effet le subtil équilibre entre douceur et puissance, entre passivité et initiative, entre confiance et surprise qui guide notre vie. Ce sont les mêmes couples d’antagonismes qui perfectionnent le son et la beauté d’un violon. Cela dit, il y a perfection et perfection, explique le maître artisan : «Un son trop parfait, sans angles ni arêtes, n’a pas d’âme, il reste quelconque».

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Un compromis entre l’art et la recherche Est-il difficile de prendre congé du violon avec lequel on a passé tellement de temps ? Non, répond Schleske, «d’une certaine manière, il faut que je m’en débarrasse pour penser à ce que je pourrais améliorer la prochaine fois». Car le luthier se voit davantage comme un concepteur que comme un fabricant de violon. Après son examen de maître artisan luthier, Martin Schleske a suivi des études de physique pour mieux comprendre les phénomènes acoustiques, pour saisir pourquoi certains sons nous donnent la chair de poule. Depuis son atelier douillet, une porte coulissante permet de passer dans un autre monde – le laboratoire ultramoderne d’acoustique. Ambiance sobre et fonctionnalité. On aurait presque pitié du petit violon de bois suspendu au milieu de la pièce, solitaire et sans défense, qui va devoir prouver de quel bois il est fait. Un marteau à ondes sonores vient l’ausculter, tel un patient livré au stéthoscope. Le luthier a recours à des analyses modales et acoustiques telles qu’on les connaît en aéronautique et aérospatiale pour déterminer l’«empreinte acoustique» de l’instrument. Un microscope électronique à balayage permet de grossir 600 fois le bois du violon afin de visualiser les plus petits détails. Le laquage – ce sont parfois 15 couches – grâce auquel l’instrument sera scellé est tout aussi important. Il peut multiplier par trois l’assourdissement du son du bois. Pendant ces dernières années, Schleske a examiné plus de 300 compositions différentes de vernis. Ainsi a-t-il investi plusieurs années dans la recherche et semble avoir fait le tour de la question. Il a d’abord commencé avec l’intention de copier le charme et le charisme d’un Stradivarius. Entre-temps cependant, il a défini son propre style et créé un instrument qui a une âme et qui est réellement capable de faire naître des émotions. Pour Martin Schleske, la plus grande satisfaction est de savoir que le mariage est un mariage d’amour. Récemment, il a fabriqué un violon pour un jeune musicien talentueux. La première fois que l’élève a joué sur cet instrument, une expression de fierté se lisait sur son visage, mais pas seulement : il venait de tomber amoureux. «C’est toute son attitude qui a changé, il se tenait plus droit, le violon lui a insufflé une nouvelle énergie – il était manifeste que c’était un mariage d’amour.» Daniela Tewes www.schleske.de Martin Schleske : Geigenbauer. «Der Klang: Vom unerhörten Sinn des Lebens.» Avec photos de Donata Wenders. Kösel-Verlag 2010 (Les versions anglaise et française sont en projet)


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LE MONDE DES SENS

Le hurlement de Tarzan – nature et culture du cri Une pomme de terre ou une huître suscitent bien peu de compassion de la part des humains. Une observation que l’on doit à Samuel Butler qui, loin de s’arrêter en si bon chemin, ne tarda pas à en déterminer la cause : «Comme elles ne nous importunent pas avec leurs lamentations», écrivait-il, «nous qualifions ces choses d’insensibles, et du point de vue des humains elles le sont effectivement; reste que l’homme ne fait pas l’humanité.» Et la culture et la civilisation – ou du moins leurs représentants humains – ont une idée préconçue du cri, avec tout ce qui en fait partie et tout ce qui doit en être exclu. Un sujet qui conserve encore tout son intérêt aujourd’hui. Par exemple, lorsqu’on parle d’une économie de l’attention, de la stratégie du «hurler pour exister» adoptée par les médias, les publicitaires et les politiques. Sir Peter Ustinov n’avait-il pas déjà constaté : «Quand quelqu’un hurle, ce qu’il dit n’a plus d’importance». Mais un cri, c’est quoi au juste ? – Le cri, est-on persuadé, est aux antipodes de la culture. Le cri cristallise la vie en une seule expression. Poussé avec force, il est la somme de tous les sentiments possibles. Les humains poussent des cris de colère et de plaisir, de joie ou de douleur, d’effroi et d’effort, de protestation ou d’alarme. Lorsque la communication devient difficile, ils élèvent la voix pour se faire comprendre d’une personne éloignée qui n’arrive pas à les entendre ou qui, dans un premier temps, n’écoute pas. Mais il s’agit là d’exceptions qui confirment la règle. Les cris, en effet, «résonnent» et «retentissent», sont «désespérés» ou «pénétrants», plus rarement «parlants» et jamais «éloquents».

Illustration: Daniel Lachenmeier

Midi dans la jungle : l’eau clapote, les oiseaux gazouillent et, brusquement, Tarzan se met à hurler. Il appelle la nature à l’aide, les éléphants et les singes viennent à son secours et même les lions ne sont pas en reste. Tarzan pousse des bramements pour faire peur à ses ennemis. Et lorsque le film s’achève : Tarzan crie aussi. C’est sa façon toute personnelle, depuis 1912 lorsqu’il a été imaginé par l’écrivain Edgar Rice Burroughs, de célébrer sa victoire, une fois de plus. En toute logique, les soldats américains demandèrent au plus célèbre de tous les Tarzan à l’écran, l’acteur et champion de natation Johnny Weissmuller, de venir pousser son cri sur les champs de bataille de la Seconde Guerre mondiale.

L’écrivain Arno Schmidt a déclaré un jour que lorsque quelqu’un crie, il est impossible de dire quelle est sa nationalité. Et peut-être faisait-il allusion aux cris de douleurs des blessés pendant la guerre. On est persuadé en revanche qu’à la naissance, les bébés crient dans leur langue maternelle. Selon cette thèse, les bébés français poussent un cri ascendant, les bébés allemands un cri descendant. La revue spécialisée «Current Biology» donne cette explication : dans le ventre de leur mère, les bébés entendent déjà une langue et à peine nés, renforcent le lien maternel par mimétisme. Même si les premiers cris ne sont pas véritablement un langage, ils sont censés signaler une chose: le bébé se sent seul, il a faim ou il a soif. Et ils permettent en plus de déterminer la vitesse à laquelle un enfant apprendra plus tard à parler. Car l’apprentissage du langage s’effectue selon des étapes préétablies: cris monocordes, vocalisations et cris plus complexes, gazouillis ludiques, babillage rudimentaire et canonique, premiers mots. Les cris ont le plus souvent un rapport au corps, certains y voient même le berceau de toute «l’animalité» de l’homme ou, plus prosaïquement pour reprendre les termes de Friedrich Nietzsche, «la stridence du cri exprime toute la démesure de la nature exultant dans la joie, la souffrance ou la connaissance» Car comme l’écrivait le poète hongrois Attila József il y a un peu plus de cent ans : «que ce soit terrible ou bien merveilleux / ce n’est pas moi qui crie, c’est la terre qui gronde.» Normalement, un cri c’est quelque de chose de simple. Pourtant, nous avons tendance à vouloir l’interpréter. Cela a à voir avec la somme de nos connaissances et de nos attentes. Ou pour reprendre les termes de Gonzalo Torrente Ballester «… lettré comme tu l’es, tu as comparé le cri avec celui que pousse Peter Pan après s’être débarrassé d’une horde de pirates». Dans un domaine où il est impossible d’entendre le son du cri, celui des beaux-arts, l’interprétation devient palpable : le cri nous raconte des histoires entières. Un vase antique est orné d’une scène homérique. Le vieux Priam entre dans la hutte d’Achille. Il vient rendre visite à son ennemi pour le supplier de lui rendre le corps de son fils Hector, (tué par Achille). En regardant cette scène, on aperçoit déjà le cadavre écorché. Mais le père, lui, ne l’a pas encore découvert. Tout lecteur d’Homère sait qu’il va bientôt pousser un cri. Et : bien qu’on ne puisse ni l’entendre ni le voir, ce cri est emprisonné dans le vase. Autrefois, toute personne cultivée était capable de le percevoir.

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Le 14 janvier 1506, un viticulteur romain découvrit une cave percée dans la colline d’Esquilin. Elle contenait des sculptures grandeur nature, notamment le célèbre Groupe du Laocoon, œuvre préférée de Pline l’Ancien. Des personnages sculptés à même le marbre représentent une scène décrite par Virgile dans l’Énéide. Des serpents de mer envoyés par la déesse Athéna se jettent sur Laocoon et ses deux fils et bientôt «leurs horribles clameurs montent jusqu’au ciel». Plus tard, au 18ème siècle, l’historien et archéologue allemand Johann Joachim Winckelmann commence à étudier la «beauté classique» du Groupe du Laocoon, fasciné par le soupir plutôt que le cri que semble laisser échapper ce père aux prises avec des serpents monstrueux. Mais est-ce vraiment ce soupir qui en fait l’incarnation du héros grec, comme l’affirme Winckelmann, pénétré par une «noble simplicité et une calme grandeur» ? Où est-ce, comme lui rétorque Gotthold Ephraïm Lessing, simplement la meilleure solution à un problème artistique, «parce que le cri … défigure le héros de façon répugnante» ? A la fin du 19ème siècle, Edvard Munch entama sa série de tableaux «le cri» dont il livra plus de 50 versions : exemple extrême de «peinture de l’âme» et premier motif expressionniste reconnu comme tel. L’Expressionisme n’est-il pas considéré dans les arts, mais aussi dans la littérature et dans la musique, comme «l’Epoque du Cri». Un certain nombre de thèmes comme la peur, la perte d’identité, la folie, la convoitise ou l’ivresse sont particulièrement appropriés pour illustrer le cri comme expression extrême. Le lyrisme expressionniste inspiré par la guerre est spécialement enclin à positionner le cri en dehors du langage. C’est là une étape clé de l’histoire culturelle. Jusque là, le cri était toujours décrit avec force verbiage, par la suite il n’était plus qu’une vocifération inarticulée. Cette conception a nourri Antonin Artaud tant et si bien qu’il créa sa célèbre pièce radiophonique «Pour en finir avec le jugement de Dieu». Jamais diffusée par l’ORTF, elle alternait cris, battements de tambour et xylophone. Aujourd’hui, elle fait figure de célébration du cri libéré, un élément qui resurgit de nos jours dans la musique électronique, les bandes dessinées, le punk et le heavy metal.

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Le cri fascine par bien des aspects, pas seulement le culturel, également le social. Ainsi la Révolution française a toujours été associée à la «clameur du peuple». Et Karl Marx notait en 1840 au sujet de «troubles» dans les rangs des travailleurs : «Etrange tumulte de la population à l’occasion d’une brusque disette ou de la simple crainte d’un manque de vivres.» Mais en dépit de tous les événements de masse aux 18ème et 19ème siècle, la sociologie des masses n’est véritablement née qu’au 20ème siècle avec l’urbanisation et l’industrialisation. Inspiré par les hurlements de jubilation poussés par les spectateurs des stades de football lorsqu’un but est marqué, Elias Canetti s’est lui aussi penché sur le cri dans son ouvrage d’anthropologie sociologique «Masse et Puissance». Selon lui, dès que l’individu s’organise en masse, celle-ci produit irrémédiablement cet «étrange clameur». Les cris nous réservent bien des mystères. Au poste frontière indo-pakistanais de Wagah, chacun des gardes en faction vocifère des centaines, parfois des milliers de paroles à l’adresse de la partie adversaire au moment de la relève. Depuis 400 ans est organisé au Japon le «Nakisumo», un concours où est élu le bébé sumo qui pleure le plus fort. Des cris stridents sont supposés, selon la croyance ancestrale, garantir une bonne santé aux nouveau-nés et éloigner les mauvais esprits. Dans plusieurs universités de Suède, les étudiants ouvrent leurs fenêtres le soir pour crier à tue-tête. Une explication pas vraiment convaincante de cette coutume insolite qui remonte au 12ème siècle, époque où fut christianisée la ville d’Uppsala. La prière était une pratique inconnue des Suédois, alors pour s’adresser à Dieu ils criaient. Une interprétation plus profane veut qu’un étudiant dans les années 80 du 20ème siècle se soit mis à crier pour conjurer son trac avant les examens. Dans les médias aussi, le cri est un élément essentiel, et ceci pour des raisons techniques. La désagréable impression que quelqu’un n’arrête pas de vous crier dans les oreilles lorsque vous parlez au téléphone dans une salle de rédaction, provient de la difficulté à percevoir acoustiquement l’espace. Mais même ceux qui n’exercent pas dans les milieux techniques peuvent hausser la voix. Ainsi l’orateur confronté à une foule de gens massés aura involontairement tendance à crier, même s’il est totalement inutile de hausser la voix vu la présence d’amplis.


Et puis il y a les circonstances qui réclament un hurlement à vous glacer le sang. Une porte s’ouvre, une marche grince, une ombre se dessine, et Jamie Lee Curtis se met à hurler dans «Halloween» ou, après elle, Neve Campell ou Naomi Watts – des actrices élevées au rang incontesté de «reines du cri» des films d’horreur. Avez-vous déjà entendu parler de «Wilhelm Scream» ? Imaginé à l’origine comme une plaisanterie pour initiés dans le monde des ingénieurs du son, ce cri est répertorié dans plus de 200 films à ce jour ; dans certains même, on peut l’entendre plusieurs fois. Dans «La charge de la rivière rouge», un western de 1953, le personnage du soldat Wilhelm reçoit une flèche dans la cuisse. Wilhelm hurle de douleur. Et ce cri atterrit dans la bibliothèque sonore de Warner Brothers. Des années plus tard, Ben Burtt s’amuse à caser ce cri dans tous les films auxquels il est en train de collaborer, notamment «La guerre des étoiles» et «Indiana Jones». Et il fait bientôt des émules parmi ses collègues. Au fait, dans l’épopée cinématographique de la guerre des étoiles, on entend deux fois le cri de Tarzan, et ceci dans un univers de haute technicité. Dans l’histoire originale, Tarzan est le fils d’un lord anglais, mais après avoir grandi dans la jungle, il méprise la culture, la société et la technique de l’Angleterre. Il a la nostalgie de la nature et de sa simplicité. Finalement, il retourne en Afrique avec Jane, … où il pousse «le cri de victoire d’un primate mâle». Max Ackermann

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CLASSIQUE

Un conte de fées devient réalité : Les Pet Shop Boys se mettent au ballet … Les Pet Shop Boys ? Un ballet ? Le duo pop de choc avait déjà composé une comédie musicale en 2001 et réécrit la bande originale du «Cuirassé Potemkine» d’Eisenstein, un grand classique du cinéma muet, en 2004. En mars de cette année, nouveau coup de tonnerre dans le ciel de Neil Tennant et Chris Lowe : la partition d’un ballet classique d’après un conte de Hans Christian Andersen. «Le plus incroyable», ou disons «The Most Incredible Thing», est l’histoire d’un roi qui organise un concours. Celui de la chose la plus incroyable. Et qui promet à l’heureux gagnant à la fois sa fille et la moitié du royaume. Les premiers candidats sont tout de suite éliminés : «L’un mangea tant qu’il en mourut ; deux autres succombèrent à une orgie de boisson». Le jury royal bâille déjà à se décrocher la mâchoire. Il faut attendre l’arrivée d’un jeune homme, «bon comme le pain et gai comme un pinson», pour que les membres du jury et le peuple tombent de concert sous le charme. Le lauréat a inventé une horloge qui, à chaque heure sonnante, fait apparaître de petits personnages, par exemple Adam et Eve, les rois Mages, les quatre saisons ou les dix commandements. Voilà quelque chose de proprement incroyable et l’invention semble bien faire l’unanimité. Adjugé vendu ? Du tout ! Soudain surgit, armé d’une hache, «un grand escogriffe fort comme un bœuf» qui brise l’horloge en mille morceaux. Un acte de violence qui lui permet de remporter le concours. Comment ça ?

Photo: Hugo Glendinning

C’est simple : «Mon geste a démoli son œuvre et vous a tous démolis. C’est bien moi l’auteur du plus incroyable !» Ha, ha. Bon, ce n’est pas exactement la fin à laquelle nous ont habitués les contes de fées de notre enfance … Suit alors un rebondissement car cet acte incroyablement osé ne va évidemment pas rester impuni. Le jour des noces, ce sont douze êtres sortis de l’horloge qui vont crier vengeance. Pour finir, le marié est assommé avec une étoile du berger et la princesse va donc pouvoir épouser le jeune homme bon comme le pain. Tout est bien qui finit bien : «… et tous de se réjouir, tous de le bénir, de jaloux il n’y eut point – Et ce fut assurément le plus incroyable !» Incroyable également que les Pet Shop Boys aient ici composé une musique qui, pour l’essentiel, se passe de paroles. Le chanteur Neil Tennant ne s’exprime – brièvement – que pendant «The Grind», un titre qui dure plus de sept minutes, immédiatement après le «Prologue» sur la bande originale. Le moment de grâce des Pet Shop Boys! La partition, surtout instrumentale, n’en porte pas moins l’incomparable signature des deux Britanniques. Les compositions sont exubérantes à souhait et constituent un savant mélange des sons typiques du synthétiseur, de l’électro-pop caractéristique des Pet Shop Boys et des arrangements pour grand orchestre. Les premiers accords de «The Miracle Ceremony» rappelle même vaguement le hit «It’s A Sin» du duo.

Un bémol toutefois : sans les danseurs costumés et les fastueux décors, cette œuvre de 80 minutes pourrait à certains moments paraître un peu fade. Par bonheur, on trouve dans le livret du CD une sorte de libretto comportant une description des différentes scènes du ballet. Il suffit donc de donner libre cours à son imagination pour rêver son propre ballet avec les décors et danseurs en prime. En revanche, si vous n’avez pas pu assister aux représentations à Londres, vous n’aurez d’autre choix que de patienter encore un moment avant de monter le spectacle dans votre tête. Les fans n’ont eu que dix jours pour assister au spectacle «le plus incroyable» au Sadler’s Wells Theatre de Londres. D’autres représentations ne sont prévues qu’en 2012. La BBC a cependant promis un enregistrement pour cette année encore. L’idée de métamorphoser le conte de l’auteur danois Hans Christian Andersen en ballet et de composer la bande-son remonte à quatre ans déjà. A la même époque, le danseur Ivan Putrov demanda à ses amis des Pet Shop Boys d’écrire la musique de l’une de ses chorégraphies. Et l’idée fit son chemin. Putrov endossa le rôle du méchant, Javier De Frutos accepta celui du chorégraphe et metteur en scène. Pour l’orchestration, les Pet Shop Boys firent appel au compositeur et producteur de musique allemand Sven Helbig, avec lequel ils avaient déjà travaillé pour «Le cuirassé Potemkine». Le scénario fut confié au dramaturge Matthew Dunster, Katrina Lindsay conçut les costumes, Tal Rosner fut nommé responsable des effets numériques et projections vidéo et Paul Arditti prit en charge le montage son. Le CD seul, en revanche, laisse un peu sur sa faim, il y manque simplement l’élément visuel – même si à l’écoute, l’album éveille la curiosité et que l’on s’interroge sur la manière dont la musique et la danse vont s’harmoniser. Le fan pur et dur des Pet Shop Boys pourrait cependant être quelque peu désorienté : comparé avec les précédentes créations de Tennant et Lowe, l’élément pop passe ici incontestablement au second plan. C’est ainsi que tout comme la réécriture de la bande son du film muet «Le cuirassé Potemkine», «The Most Incredible Thing» divise les adeptes du duo britannique. Les inconditionnels des épopées pop traditionnelles que l’on trouve encore sur le dernier album «Yes», sorti en 2009, risquent d’être déçus par le seul discours opulent de l’orchestre. Les amateurs de musique de film pourront, eux, expérimenter la pop dans le rôle principal de la bande-son classique. Un inédit qui, pour ceux-là tout du moins, promet d’être «The Most Incredible Thing». Matthias Westerweller A Sadler’s Wells Production, Pet Shop Boys & Javier De Frutos, «The Most Incredible Thing» www.sadlerswells.com HEAR THE WORLD 63


MODERNITÉ

The Boys Are Back In Town – Robbie Williams réintègre Take That et le monde musical retient son souffle… Manchester, 1990. Le producteur de musique Nigel MartinSmith fait la connaissance du jeune Gary Barlow, un chanteur-compositeur et pianiste de 19 ans, qui depuis quelques années déjà, hante les clubs du nord de l’Angleterre. Vient alors à Martin-Smith l’idée géniale de former un boys band sur le modèle très réussi des New Kids On The Block. Dans le studio où il enregistre les premières chansons avec Barlow, travaille un certain Mark Owen comme «Tea-Boy», immédiatement recruté pour le nouveau groupe, tout comme les breakers, Howard Donald et Jason Orange. Reste qu’il leur faut un deuxième chanteur. Après un casting suite à une petite annonce, un jeune de seize ans est sélectionné qui entre donc dans la troupe comme cinquième et plus jeune membre : Robert Peter Williams. Grâce aux relations de son manager, Take That se produit tout d’abord surtout dans des clubs gays où, ma foi, le succès est au rendez-vous. Les médias commencent à s’intéresser au groupe, ou plus exactement à ses tenues vestimentaires et ses audacieuses diversions dansantes. Mais bientôt, force est de reconnaître que leur musique présente aussi un certain intérêt. Et à partir de 1992, leur carrière s’emballe littéralement. Avec le titre de Tavares «It only takes a minute», les boys grimpent en un temps record à la septième place du hit-parade ; mieux encore, le classique de Barry Manilow «Could it be magic» les propulse au troisième rang du palmarès britannique. L’année suivante, ils remportent la première de quatre récompenses aux Brit Awards puis, en 1994 et 1995, deux autres aux MTV European Music Awards dans les catégories de prestige «Best Group» et «Best Live Act». Que la presse musicale sérieuse continue de leur tourner le dos, allant même jusqu’à les tourner en dérision, n’importe guère aux jeunes membres du boys band. Car des millions de fans hurlant leur engouement ne peuvent pas se tromper. En Angleterre surtout, mais aussi sur le continent européen, le culte prend de plus en plus des allures d’hystérie et, pour certains observateurs, n’est pas sans rappeler la Beatlemania des années soixante. «En tout commencement, un charme a sa demeure», a écrit le poète allemand Hermann Hesse ; il faut pourtant attendre que le groupe se sépare pour parler de légende. Lorsqu’en 1996, à la veille de la Saint-Valentin, Take That annonce sa dissolution, des millions d’adolescents européens pleurent toutes les larmes de leur corps. «Révélation pop et boys band britannique le plus populaire depuis les années 60», comme le qualifie le très sérieux Allmusic-Guide, Take That n’est plus. A Londres, Vienne, Berlin et d’autres métropoles encore, on met en place des numéros verts à l’intention des fans suicidaires.

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Que s’était-il donc passé ? Au zénith de leur renommée et peu après l’accession au firmament musical avec «Back For Good», numéro un – mazette ! – au hit-parade dans 31 pays, et pour la première fois dans le top ten américain du «Billboard Hot Hundred», Robbie Williams, leader aussi charismatique que provocant, claque la porte. Ses collègues tentent tant bien que mal de faire front pendant neuf mois encore, puis jettent finalement l’éponge. Les fan-clubs, biographes et revues à potins ne s’étaient pas trompés lorsqu’ils avaient senti le vent tourner : il y avait longtemps déjà qu’entre l’auteur-compositeur doué – Barlow – et la bête de scène – Williams – qui, au fil du temps, ne cessait de se profiler, rien n’allait plus. Au départ un atout de taille pour le groupe, les deux personnalités aux antipodes l’une de l’autre avaient fini par avoir raison de Take That. Sans compter qu’au pays natal de la pop, Blur, Oasis, Suede, Pulp et tout le mouvement Britpop faisaient alors fureur, au point de devenir un must parmi les jeunes Européens. Mais en juillet 1995, personne n’aurait prédit que quinze ans plus tard Robbie et Gary rallieraient de nouveau les foules en composant une chanson commune : «Shame». C’était l’automne dernier. La chanson est une ballade pop de bonne facture dont l’intro rappelle vaguement «Blackbird» de McCartney, mais c’est surtout son vidéoclip qui remet définitivement Take That en selle et fait l’unanimité des anciens et nouveaux fans: quatre minutes et demie au bar, sur la piste de danse et en pleine nature pour que les frères ennemis redeviennent (?) «copainscopains». Du reste, le quartette Barlow, Donald, Orange et Owen s’était déjà reformé en 2006 et avait publié avec Beautiful World un excellent album come-back qui, rien qu’en Grande-Bretagne, avait raflé huit fois le platine et s’était vendu à quelque trois millions d’exemplaires. Les observateurs les plus attentifs avaient cependant noté que sur la jaquette, le groupe s’était fait photographier en plongée en prenant bien soin de laisser une place vide en son milieu, une place qui ne fut réoccupée qu’à l’automne 2010, lorsque la mère de tous les boys bands (européens) put serrer contre son sein le fils prodigue enfin retrouvé.


Voilà donc Robbie au bercail, et – à bon entendeur, salut – ne tarde pas à faire remarquer qu’avec ses quatre collègues, il se sent comme de retour «au foyer». Avec le single épique «Flood» – auquel ont d’ailleurs participé les cinq membres du groupe – les excentriques breakers des débuts font place à de jeunes adultes rangés pour une toute nouvelle scène musicale qui donne l’étrange impression d’avoir désespérément attendu que Robbie Williams réintègre Take That. Ce qui ne signifie pas que les boys n’ont rien de nouveau à nous offrir sur le plan musical. Au contraire : comme l’annonce le titre de l’album actuel «Progress», leurs intentions sont on-ne-peut-plus sérieuses. Ballades romantiques et revival disco restent l’exception. La tendance est plutôt au rock pur et dur («SOS») et au beat très électrique («Wait», «Kidz»), à mi-chemin entre les Pet Shop Boys à leurs débuts et les Hurts, particulièrement en vogue. Ces derniers sont d’ailleurs également originaires de Manchester et se considèrent un peu comme les «héritiers de Joy Division et Take That». En somme, l’ancien boys band a «mûri», non seulement extérieurement, mais aussi sur le plan musical, et est désormais bien en phase avec le 21e siècle. Le mérite en revient, mais pas seulement, au talentueux producteur Stuart Price. Avec son groupe Zoot Woman, et même avant à l’âge de 19 ans sous le pseudonyme de «Jacques Lu Cont», le vainqueur de trois Grammy a connu un formidable succès avec son projet Les Rythmes Digitales. Et accessoirement génialement remixé les hits de Madonna, Coldplay, Depeche Mode et Lady Gaga. Cette fois, il gratifie Take That d’un son moderne, anguleux, contrastant de manière éclatante avec les vestiges habituels du disco et les mélodies si prisées des fans de Take That toutes tendances confondues.

Si l’association de Gary, Robbie, Howard, Mark et Jason avec Stuart Price est convaincante, elle n’est pas encore si manifeste pour «Flood», le premier hit single, mais le devient pour des chansons telles que le très énergique «Kidz». 45 secondes d’hommage indiscutable au classique des Kinks «Lazing On A Sunny Afternoon», puis une salve d’effets électriques percussifs façon Price à peine recouverts par les voix des cinq valeureux guerriers de Manchester. On se pâme! Seul point faible de l’album : On remarque dans presque toutes les chansons – parfois même très nettement – que le groupe en fait beaucoup pour être pris au sérieux. Mais comment lui en vouloir – à l’ère de Youtube, ce sont encore des douzaines de vidéos live datant de «la nuit des temps» qui sont téléchargées et «partagées» des millions de fois. La Toile sauvegarde impitoyablement les highlights, comme les flops d’une carrière. A la question apparaissant dans le titre de l’un de leurs plus grands hits «Could it be magic ?», les boys ne se contenteraient plus de gesticuler, telles des marionnettes, mais répondraient aujourd’hui le plus sérieusement du monde : «Yes we can !» La «Magie» n’a pas disparu. C’est juste que les membres de Take That ne font plus penser aux mignons petits lapins sortant du chapeau d’un magicien. Désormais, ce sont eux les magiciens. Take That a retrouvé sa place sur la scène musicale. Le groupe a non seulement brillamment passé le cap de la maturité – en témoigne «Progress» – mais il a également accepté à l’unanimité de devenir ambassadeur de l’Initiative Hear The World : «Nous devons pouvoir nous fier à l’audition, en tant que musiciens nous en sommes même étroitement dépendants,» déclare Robbie Williams et rajoute : «Nous sommes fiers de soutenir cette initiative et en même temps reconnaissants de pouvoir faire quelque chose pour attirer l’attention sur le problème de la perte auditive.» Christian Arndt

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Photo: Bryan Adams


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PORTRAIT

Modern Dance au sens propre du terme La Forsythe Company fait sensation en présentant Motion Bank, un système de notation permettant de transcrire numériquement des partitions en ligne de chorégraphes, offrant ainsi une forme originale et inédite de la perception de la danse et du mouvement. Ce qui existe depuis bien longtemps pour la musique, est aujourd’hui en passe de devenir réalité pour la danse : les successions de mouvements et autres chorégraphies vont désormais être numérisées, devenant du même coup accessibles aux artistes et chercheurs scientifiques en danse à des fins d’enseignement et de consultation. Dès lors, il devient possible de reconstituer entièrement une chorégraphie sans jamais l’avoir vue sur scène. Il y a plusieurs années déjà que William Forsythe travaille à un prototype du système qui devrait être perfectionné d’ici à 2013 grâce à la collaboration de partenaires de diverses branches de la recherche : ainsi de l’université de l’Etat de l’Ohio qui met à disposition son «Advanced Computing Center for Art and Design» et de plusieurs écoles supérieures de design, danse et arts plastiques. Sur le plan scientifique, le projet est encadré de près par les spécialistes du cerveau de l’Institut Max-Planck de Francfort et de l’université Humboldt de Berlin. Il bénéfice par ailleurs du soutien financier d’un ministère, de plusieurs fondations culturelles et mécènes. La méthode a recours à des procédés couramment employés dans les technologies d’animation IT : La succession de mouvements d’un morceau, ou plutôt d’une chorégraphie, est filmée sous différentes perspectives et transcrite en un système de notation au moyen d’un logiciel adapté. Les pauses, transitions, impulsions et indications scéniques du chorégraphe sont également prises en considération et complètent la partition.

Ainsi les chorégraphes auront-ils désormais la possibilité de conserver leurs œuvres sur un support numérique, en même temps que de les présenter virtuellement, facilement et à moindre frais. Si le procédé, actuellement en phase d’essai auprès de chorégraphes de différentes tendances artistiques, tient ses promesses, il ne restera plus qu’à créer une bibliothèque de partitions numériques de danse – l’idée étant de mettre par la suite ce logiciel gratuitement à la disposition de tous les chorégraphes qui pourront y sauvegarder leurs œuvres et, en contrepartie, archiver celles-ci dans la banque de données pour la postérité. Des lectures-performances publiques, des workshops de chercheurs scientifiques et d’experts, ainsi que des master-class pour étudiants et jeunes artistes feront régulièrement le point sur le développement du programme pendant les quatre prochaines années. On espère des échanges fructueux sur les résultats de projets similaires ou d’études déjà réalisées – il serait fort dommage que la «Schaffung einer neuen Art von Tanzliteratur für eine breite und interaktive Leserschaft» de William Forsythe ne trouve pas la résonance qu’elle mérite. La première semaine de workshops axés sur le travail de formation s’est déroulée au théâtre de danse de Francfort (le «Lab») et a déjà réuni des participants internationaux et des professeurs renommés qui ont enchaîné des exposés variés sur le développement des chorégraphies. Le nouveau morceau «Solo» de la chorégraphe Deborah Hay a été le premier de trois à être enregistré pour être visionné et analysé sur ordinateur au moyen des nouvelles méthodes. L’œuvre sera présentée sur scène à l’automne prochain. D’ici là, la Motion Bank poursuivra son travail de transcription appliqué à la danse. Une chose est sûre cependant: le progrès technique a désormais pénétré le monde du mouvement … Let’s dance online! Sandra Spannaus

© Synchronous Object, for One Flat Thing, reproduced. The Ohio State University and The Forsythe Company

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MODERNITÉ

James Blake – Lorsque le silence se fait rédempteur… «Certains sons ne révèlent leur véritable nature que lorsqu’on ne les entend plus». Voilà le genre de vérités musicales qu’énoncent généralement les musiciens expérimentés qui, l’âge et la sagesse aidant, ont développé une perception de plus en plus aiguë de l’interaction entre le silence absolu et le son, et de la manière dont l’espace est susceptible de mettre en valeur des notes isolées. L’un ne va pas sans l’autre. Mais lorsque l’on apprend que l’auteur de cette citation est un jeune homme de 22 ans seulement, c’est qu’il est sans doute grand temps de lui faire une place dans notre magazine. Mesdames et Messieurs, ouvrez toutes grandes vos oreilles, éliminez tous les éléments perturbateurs, détendez-vous et laissez-vous envahir par l’extraordinaire musique de James Blake, en direct de London Town; découvrez le blues-dubstep-pop, un genre musical inédit créé par lui-même, ou pour faire plus simple la Gospel Music 2011. Même si, pour le principe, le jeune talent s’appuie sur des piliers musicaux vieux de plusieurs siècles, le résultat de cette recherche et de cette évolution est ce qui a été de plus innovant cette année. Tout a commencé à l’âge tendre de six ans : James Blake a pris place au piano et s’est exercé seul jusqu’à ce qu’on lui offre des cours de musique classique. Si, dans un premier temps, cet enseignement musical ne combla pas ses attentes, il lui permit néanmoins de prendre définitivement conscience d’une chose : «J’ai compris très très tôt qu’il fallait que ce soit vraiment bien si je voulais progresser. Alors, je me suis accroché et j’ai continué. J’ai constaté que je progressais au piano.» Ce qui, de prime abord, ressemble aux paroles d’un élève modèle avant l’âge, s’explique en fait par l’environnement familial dans lequel Blake est né : ses parents ont tous deux réussi dans une profession libérale. Sa mère est designer graphiste et son père, encore membre du groupe Colosseum dans les années soixante-dix, est un musicien pas tout à fait inconnu de rock progressif ; un peu plus tard, il se lance dans une carrière solo d’auteur-compositeur tendance folk-rock, aménage son propre studio et prend le nom de James Litherland.

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Mais loin de rechercher les éléments rock de la musique de son père, le jeune James se sent attiré par la soul et surtout le gospel et arrivé à l’adolescence, commence à jouer avec sa voix. «L’harmonie au sens le plus classique du terme, si on veut. J’ai appris rapidement à jouer des chansons de gospel à l’orgue – J’ai aimé cette musique dès mon plus jeune âge, le bon vieux gospel, les compositions du Révérend James Cleveland et tous ces trucs dingues qui, pour moi, présentaient déjà un intérêt au piano. Après, je me suis complètement entiché de Art Tatum et Errol Garner, alors que je ne m’étais jamais beaucoup passionné pour le jazz. J’ai toujours eu l’impression que l’âge d’or du jazz était révolu, j’étais plutôt à la recherche de quelque chose d’autre, quelque chose de nouveau.» Ainsi s’exprime Blake textuellement dans le clip de présentation qui accompagne son premier album «James Blake» (Atlas / Polydor). Le musicien qui a, malgré tout, si profondément inhalé et compris la soul et le jazz n’est pas un inconditionnel des interviews. Un élément de sa stratégie de carrière, semblet-il, que le Londonien s’efforce de plus en plus de mettre en œuvre. Dans la même optique, l’une de ses rares interviews a eu lieu dans le bureau du pasteur de la Central Presbyterian Church de New York, le deuxième endroit où James Blake s’est produit live aux Etats-Unis en mars 2011. Mais revenons au moment décisif, au moment musical de grâce, celui qui a valu au jeune musicien de susciter l’intérêt des journalistes qui lui ont attribué la paternité d’un nouveau genre: le post-dubstep, en référence à ses affinités pour les «Nautilus – infrabasses de 20.000 lieues sous les mers». Le dubstep original de l’underground londonien du club night «FWD>>», enregistré dans le Club Plastic People équipé d’un système de sonorisation d’une qualité exceptionnelle, a ajouté un élément nouveau et a fait le reste: la production à l’ordinateur pour extraire les basses et aussi les pauses de ces titres survoltés et destinés avant tout à être dansés.


On est tenté de dire qu’ensuite, tout s’est enchaîné. Après quelques enregistrements de vinyles avec réminiscences de dubstep, d’extraordinaires apparitions comme DJ, à l’occasion desquelles il entrecoupe sciemment les morceaux de silence comme pour mieux prolonger leur effet, il sort deux maxis sublimes – «CMYK» et «Œuvres pour piano»: des approches différentes signées sur l’excellent label belge R&S, autrefois plutôt connu des amateurs de techno. Sur ces deux opus, il élève la voix, d’abord un peu timidement et travestie de quelques effets. Mais c’est la reprise d’une chanson de la Canadienne Leslie Feist qui le catapulte littéralement sur une autre planète: «Limit To Your Love» est la savante fusion du silence et du son, le piano y répond aux infrabasses, tandis que plane sa voix à la fois vulnérable et touchante d’émotion. «Lorsque tu commences à chanter, plus rien n’est pareil, tu crées une passerelle vers le public, tu te mets en quelque sorte à nu pour exprimer tes sentiments», explique Blake dans le bureau du pasteur à New York. De manière presque plus impressionnante encore, il est parvenu à faire de la chanson «It’s My Turn» de son père l’un des moments les plus émouvants et en même temps les plus bouleversants de la musique actuelle, «The William Scream» – un titre comme la bande-son d’une chute libre avec fin ouverte. Ou bien «I Never Learnt To Share», une composition polyphonique qui, après un début a cappella, portée par des orgues d’église bémolisés, presque menaçants, s’emballe et vibre jusqu’à la rédemption sous forme d’un passage en mode majeur qui nous délivre du mal, nous redonne foi dans le bien. Puisqu’en fin de compte, il a appris à partager.

James Blake réussit sur les deux tableaux, on peut se contenter de ressentir ses chansons ou bien intérioriser les messages, très brefs mais prégnants, que nous délivre sa voix. Un véritable enfant prodige, doué d’un talent que peu de nous possèdent. Une musique soul qui pénètre l’âme et que l’on n’oublie plus jamais. Comme les émouvants gospels traditionnels sur lesquels les modes n’ont aucune prise. Avec en prime le merveilleux silence, comme un écho à la perfection de la musique. (Alléluia et Amen.) PS.: Mentionnons encore que James Blake est un grand admirateur de Joni Mitchell; le magnifique album «Blue», lourd de silence, de celle-ci n’a pas été sans influencer le Londonien pour la composition et James Blake aime à reprendre l’un de ses titres – «Case Of You» – dans ses concerts live. Piano, auteur/compositeur d’excellente musique. Etrangement, lorsque l’on examine la couverture, on ne peut s’empêcher de penser que Joni Mitchell a aussi déteint physiquement sur Blake. Michael Rütten Ne pas manquer: Musique : James Blake «James Blake» (Atlas / Polydor) L’interview à New York : www.noisevox.com Face Time : James Blake Live : Partout où vous aurez l’occasion. De nombreux spectacles ont déjà eu lieu dans des églises. Une vaste tournée en Europe est prévue à l’automne 2011.

«Je suis quelqu’un qui privilégie les sentiments forts. C’est presque déjà une manie chez moi. Je veux produire des titres dansants qui touchent mes auditeurs comme savent le faire les grands classiques de la soul. Il faut que le public ait la chair de poule comme pour les chansons folk, il faut que mes compositions fassent corps avec l’élément humain. D’ailleurs, c’est toujours cette note humaine qui m’importe dans la musique.»

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Photo: Dan Wilton

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Nick Knight – Noms prestigieux et visages célèbres sur papier glacé Nick Knight est l’un des plus grands photographes de mode à l’heure actuelle. Stars du design ou musiciens, tous savent apprécier ses qualités à leur juste valeur. Faisant fi des conventions, ses travaux créent bien souvent la surprise – ici une débauche de couleurs voyantes, voire criardes dans ses productions avec Björk ou Lady Gaga, là une harmonie tout en douceur et en sobriété dans son cycle consacré à la flore. Nick Knight décèle la vraie beauté, loin des visages par trop symétriques et des étoffes au drapé parfait. Il choque et flatte en redéfinissant la beauté. Dans le cadre de ses collaborations avec les maisons de mode les plus renommées, il a vu défiler la plupart des top-modèles devant son viseur. On ne compte plus les fois où ses photos ont fait la couverture des magazines de mode du monde entier ni les campagnes publicitaires qu’il a réalisées pour Dior, Louis Vuitton ou Levi Strauss.

Night utilise des touches couleur avec agressivité comme pour mieux donner à ses photographies l’aspect d’une peinture moderne. En même temps, il recourt savamment aux impressions noir et blanc édulcorées pour faire ressortir la douceur des pans d’étoffes tombant sur la peau immaculée. En faiseur d’image qu’il est, Knight voit toutefois arriver la fin de la photographie de mode classique et a déjà franchi le pas du numérique avec son blog SHOWstudio consacré à la mode sur Internet. Une raison de plus pour se procurer son livre photo qui offre un panorama de son œuvre des dernières années et illustre sa magie de l’instant. Un must pour les amateurs de mode et les passionnés amoureux de photographie. Sandra Spannaus www.nickknight.com www.showstudio.com

Nick Knight Photographies 1994 – 2009 Textes de Charlotte Cotton Edition anglaise avec encart en allemand Conception graphique de Paul Hetherington 264 pages, 429 planches en couleur et en deux tons ISBN 978-3-8296-0426-0 Prix de vente € 68,– / SFr 110,–

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ROSE, 2003

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Photos: Š Nick Knight , courtesy Schirmer / Mosel


MICKY HICKS, DOLLS, SHOWSTUDIO, 2000 76 HEAR THE WORLD


KATE MOSS, BRITISH VOGUE (COVER), SEPTEMBER, 2000 HEAR THE WORLD 77


DEVON AOKI, DEVON, ALEXANDER MCQUEEN, VISIONAIRE 20, 1997 78 HEAR THE WORLD


SHALOM HARLOW, LOUIS VUITTON, 1996 HEAR THE WORLD 79


MODERNITÉ

La voix d’Adele

Les voix fantômes ont une histoire. Il suffit de les entendre pour être irrémédiablement renvoyé à autre chose : une certaine familiarité, un souvenir, un soupçon d’authenticité. Elles font partie d’un fleuve de voix qui prend sa source dans un endroit très lointain et qui, parvenu à son embouchure, se mêle si bien aux nombreux autres courants qu’il devient impossible de déterminer son origine. Comme celle d’Adele. Une voix unique que l’on reconnaît entre mille, mais aussi l’une de ces voix très ramifiées dont les origines remontent des décennies en arrière, dans les inflexions du jazz, du blues et du soul. Lorsque des journalistes musicaux écrivent qu’Adele – ou des chanteuses comme Duffy ou Rumer – sont les dignes héritières d’Amy Winehouse ou les descendantes directes de Dusty Springfield, ce n’est pas faux. Mais Winehouse et Springfield se réclamaient déjà elles-mêmes d’une lignée de chanteuses passées à la postérité. Adele est très jeune, puisqu’elle n’a que 22 ans ; ce qui n’est pas le cas de sa voix. Elle a de ces accents pénétrants et chaleureux qui s’habillent parfois de couleurs rugueuses, râpeuses, en même temps que mélancoliques, comme si elle voulait nous convaincre que l’amour est indissociable de la douleur. Adele est experte dans l’art de moduler et de mettre ses morceaux en scène. Elle goûte les mots et donne à chacun une signification qui va bien au-delà de son sens. Ainsi va-t-elle par exemple transformer une chanson d’amour un peu passée de Bob Dylan en un hymne à l’adoration ; et Adele possède ce qui fait défaut à nombre d’autres chanteuses de sa génération : la mesure et l’équilibre. Les chanteuses de R’n’B et soul ont souvent tendance à s’égarer dans des coloratures arbitraires qui n’expriment rien d’autre que des facultés techniques et peuvent aller jusqu’à occulter entièrement la substance d’une chanson pour n’en plus laisser que des éclats. Adele rentre dans la catégorie cool et soul aux yeux bleus ; elle n’a rien à prouver, elle s’approprie les chansons, les appréhende, les flatte, sans pour autant les interpréter jusqu’à plus soif. On y décèle la souveraineté des chanteuses de jazz et de soul qui n’ont nul besoin de pousser leur voix jusqu’à des octaves frisant l’hystérie pour libérer leur âme. Adele possède une voix fantôme, une voix historique. 80 HEAR THE WORLD

Adele Adkins est née en 1988 à Londres. Elle fait partie d’une génération qui n’a pas suivi la voie classique pour se faire connaître. Là où des musiciennes de sa trempe devaient autrefois enchaîner les apparitions dans d’obscurs clubs et cabarets pour gagner leurs premiers galons, Adele a suivi des études à la Brit School of Performing Arts. Et ce n’est sans doute pas un hasard si elle avoue s’y être ennuyée. Elle n’a pas non plus envoyé 200 démos à des producteurs de disques en espérant chaque fois que ce serait la bonne. Adele s’est contentée de diffuser ses chansons sur «Myspace» – et ce sont des milliers d’utilisateurs Internet et suffisamment de découvreurs de talents qui l’ont repérée. A 19 ans, elle produit son premier album intitulé «19», en référence à son âge. Il fait un tabac. L’album suivant, «21», sorti l’an dernier, confirme que la demoiselle n’en était pas à un coup d’essai. Certains des titres de «21» ont été produits par le légendaire Rick Rubin en personne. Un album mainstream grandiose, légèrement plus complaisant que le premier ; les chansons n’ont pas toutes le même pouvoir de séduction, mais Adele est passée maître en la matière de redorer le blason des titres pop, même les plus sobres. A en croire les interviews auxquelles elle s’est prêtée, Adele semble mener sa carrière où bon lui semble. Cela tient sans doute au fait qu’elle possède une richesse incomparable qui lui permet de se démarquer des modes éphémères de la pop: sa voix. Celleci pourrait bien expliquer également son succès auprès d’un public au demeurant inconditionnel de Lady Gaga ou Rihanna. Les auditrices (et auditeurs) les plus fidèles d’Adele sont jeunes, bien dans leur peau, un peu nostalgiques, agacés par les artistes clinquants et dissimulent des envies d’émotion, d’histoire et de présence. Adele est la voix qu’il leur faut. Ulrich Rüdenauer

Photo: Mari Sarii

Certaines voix semblent venir d’un autre monde ; inconnues jusqu’alors, elles éveillent soudain quelque chose de nouveau, parfois de douloureux, d’embarrassant ou encore d’émouvant. On pourrait les nommer «les voix authentiques de l’immédiat». Et puis, il y a celles semblant reprendre quelque chose que nous connaissons déjà, quelque chose qui sommeille en nous, que nous avons enfoui dans notre mémoire, quelque chose qui fait partie d’une expérience auditive collective. Des voix qui ont ellesmêmes une mémoire, qui se font l’écho de passés tangibles ou non et ne peuvent s’affranchir de la tradition dans laquelle elles sont enracinées. Ces voix peuvent très bien être originales et authentiques, mais ne sont pas inédites – en elles percent les accents des ancêtres. On pourrait les nommer «les voix fantômes».


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HEAR THE WORLD MENTIONS LÉGALES

Edition

Trademark Publishing, Westendstr. 87, 60325 Frankfurt am Main, Allemagne Direction de la publication Armin J. Noll Editeur Alexander Zschokke Rédaction Maarten Barmentlo, Heiko Ernst, Markus Frenzl, Christian Gärtner, Antonia Henschel (V.i.S.d.P.G.), Karl W. Henschel, Christine Ringhoff, Elena Torresani Photo de couverture Bryan Adams Ont collaboré à ce numéro Bryan Adams, Max Ackermann, Christian Arndt, Anno Bachem, Markus Frenzl, Maud Garrel, Hennie Haworth, Shin-Shin Hobi, Sandra Hofmeister, Marcel Krenz, Stefan Kugel, Daniel Lachenmeier, Sylvia Meyer-Rothen, Céline Meyrat, Sabine Reitmaier, Samuel Roos, Malin Rosenqvist, Ulrich Rüdenauer, Michael Rütten, Sandra Spannaus, Daniela Tewes, Matthias Westerweller Direction artistique Antonia Henschel Production Remo Weiss Traduction Valérie Dupré Florence Papillon Imprimerie pva, Druck und Medien-Dienstleistungen GmbH, Landau/Pfalz, Allemagne www.hear-the-world.com ISSN 2190-0639

Régie publicitaire Von Wedel Media Solutions, Amselstraße 1b, 22081 Hamburg, Deutschland, tél.: +49 (0)40 677 85 29, mobile: +49 (0)173 208 52 51, Fax: +49 (0)40 401 68 102, courriel: vonwedel@vwedel-mediasolutions.de Le magazine HEAR THE WORLD paraît quatre fois par an. Prix du numéro pour l’édition 6 EUR (Autriche 6,90 EUR), 9 CHF, 8 USD, 6 EUR Distributeur auprès des commerces de détail SI special-interest MD & M Pressevertrieb GmbH & Co. KG Nordendstr. 2, 64546 Mörfelden-Walldorf, Allemagne Tél.: +49 (0)6105 975 060 Abonnement Abonnez-vous à HEAR THE WORLD – le magazine de la culture de l’audition – sur le site www.hear-the-world.com. Le prix de l’abonnement annuel est de 29 EUR, 47 CHF ou 39 USD, port inclus. Le magazine HEAR THE WORLD paraît 4 fois par an. Chaque abonnement sert une bonne cause. Les bénéfices des ventes sont versés à la fondation Hear the World qui soutient des projets consacrés aux personnes souffrant de perte auditive. Pour en savoir plus sur les activités de la fondation Hear the World, rendezvous sur le site www.hear-the-world.com. Le magazine est disponible dans certains kiosques à journaux. Les articles publiés dans le magazine HEAR THE WORLD sont protégés par le droit d’auteur. Toute reproduction – même partielle – implique l’autorisation écrite de l’éditeur. L’éditeur, la rédaction et la maison d’édition déclinent toute responsabilité pour les textes et photos non sollicités. La rédaction se réserve le droit de publier – même partiellement – tout courrier qui lui a été adressé. L’éditeur n’est en aucun cas responsable des annonces et encarts publicitaires.

Dans notre prochain numéro:

5ième anniversaire de Hear the World Istanbul Jamie Woon

82 HEAR THE WORLD


MERCI. Votre contribution permet à ces enfants de retrouver leur audition. Soutenez le projet Regain Hearing – Join Life que nous avons lancÊ à Nairobi. Nous avons mis en place un rÊseau de soins pour les enfants atteints de perte auditive en proposant, outre le diagnostic et l’ajustement d’appareils auditifs, des sÊances de rÊÊducation de la parole et un groupe d’auto-assistance pour les parents. Ensemble, donnons aux enfants la chance de connaÎtre un meilleur avenir. Comptes pour dons: 5"3 !' :à RICH s #OMPTE Hear the World &OUNDATION s .UM�RO DE COMPTE 5 2�F�RENCE .AIROBI s )"!. #( 5 s 37)&4 5"37#(:( ! s WWW HEAR THE WORLD COM


Ne pas entendre un son haute fréquence ne signifie pas qu’il n’existe pas. Testez votre audition dès maintenant: www.hear-the-world.com


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