retour Médiation et symbolique, ou le miroir à deux faces Par François Ducassou On le voit bien, le champ d'application de la médiation est illimité. En fait, rien de ce qui est humain ne lui est étranger : n'importe lequel d'entre nous, quelle que soit son histoire personnelle, pourra en témoigner, en citant nombre d'exemples dans nombre de domaines. Il est permis de se poser la question : pour tendre ainsi à l'universalité, la médiation peut-elle n'être qu'une technique ? Même si elle requiert des savoir-faire, et même si elle apparaît souvent, de façon objective, comme la meilleure issue aux blocages divers, on peut soupçonner qu'elle dispose d'une autre assise, bien plus large que celle des seules raisons d'ordre pratique. Point n'est besoin de chercher longtemps pour se convaincre que son efficacité trouve son origine dans la symbolique. Et que cet ancrage la met à l'abri des modes et des bricolages approximatifs. Le mot même de symbole peut gêner. Si on ne le limite pas au langage algébrique ou chimique, le voilà qui peut réveiller chez certains d'entre nous le souvenir grinçant de ce fonds religieux où nos prédécesseurs trouvèrent naturel de puiser des siècles durant. Il peut aussi, ce mot, rappeler les détournements de signes dont se rendent coupables, tout près de nous, des chefs de sectes en quête de pouvoir absolu. Bref, accepter le symbole, pour quelques uns, revient à récuser une science qui l'a combattu. Et pourtant… "l'illusion d'une science toute-puissante est sans doute en partie à l'origine du mysticisme et de l'irrationnel", nous dit Catherine Pont-Humbert dans son Dictionnaire des symboles, des rites et des croyances 1. Probablement a-t-on trop demandé à la science et à ses grands prêtres, et même ce qu'elle ne pouvait apporter : "fonder l'éthique, éclairer sur le vrai et le bien, dissiper les ténèbres de l'obscurantisme" 2 . De là, les déceptions qui ramènent à … "la prolifération des croyances "3, mais cette fois hors les orthodoxies traditionnelles. Où l'on prédisait le déclin du sacré, on assiste à la construction individuelle d'une "croyance à la carte", glanée çà et là, à travers les héritages. Tout ceci nous éloignerait-il de la médiation ? Non. Le symbole, en l'occurrence ici celui des nombres, et du chiffre trois en particulier, lui, échappe dans la durée à toute mainmise partisane. Et il peut être troublant, pour certains d'entre nous, de trouver sous la plume de Marianne OesterreicherMollwo 4 l'association aussi nettement affirmée du trois et de la médiation : " Trois, symbole du principe qui englobe le Tout, symbole de la médiation (…). La triade ou la trifonctionnalité joue un grand rôle en philosophie, comme par exemple en tant que principe de médiation entre l'être et la pensée ou — comme chez Hegel — en tant qu'élément du progrès dialectique (thèse, antithèse, synthèse)." Bien sûr, il ne s'agit pas, par commodité, de créer de toutes pièces les significations qui nous justifient. Elles doivent être le fruit d'une patiente observation des cultures. Nous ne sommes plus très habiles pour dépister le symbole et ressouder — en toute sérénité— le sumbolon des Grecs, cet "objet coupé en deux constituant un signe de reconnaissance quand les porteurs pouvaient assembler les deux morceaux" (Paul Robert). Ainsi ferons-nous souvent de la symbolique comme Monsieur Jourdain de la prose, sans le savoir. Et c'est le trépied de la médiation qui, sans que nous y prêtions plus d'attention, offrira sa stabilité aux changements attendus.
François DUCASSOUX. 1, 2, 3 Catherine Pont-Humbert, Dictionnaire des symboles, des rites et des croyances, Editions J.-C. Lattès, 1995 4 Marianne Oesterreicher-Mollwo, Dictionnaire des symboles, Brepols, 1992
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