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QUAND MAMAN BOIT BÉBÉ TRINQUE

CE MERCREDI 9 SEPTEMBRE SE DÉROULE LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE PRÉVENTION DU SYNDROME D’ALCOOLISATION FŒTALE (SAF). À CETTE OCCASION, L’ASSOCIATION SAF OI ORGANISE UN ÉVÉNEMENT, DANS LA VILLE DE SAINT-LOUIS. STANDS, CONCERTS, ANIMATIONS... IL S’AGIT D’INFORMER LE PUBLIC SUR LES MÉFAITS DE L’ALCOOL DURANT LA GROSSESSE. AEH

Ce terme décrit les troubles dont souffrent les enfants nés de mamans ayant consommé de l’alcool pendant leur grossesse. Les enfants “ SAF ” présentent un retard de croissance, des difficultés d’apprentissage et des troubles du comportement (impulsivité, hyperactivité, prises de risques pour plaire aux autres…) S’ils ne sont ni aidés, ni compris, ils risquent l’exclusion sociale.

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Du seul fait de l’alcoolisation de sa mère, l’enfant va se retrouver, dès sa naissance, en situation de handicap. Bière, champagne, rhum ou panaché… pendant la grossesse, tout est toxique pour le fœtus. Même en petites quantités. L’alcool passe à travers le placenta, et le bébé boit ce que sa mère boit. Vous imaginez cet être minuscule absorber une bouteille de vin ?

Problème : le foie du fœtus n’est pas mature, il a du mal à éliminer alcool.

Et ses tissus, en pleine formation, sont très fragiles. Résultat : une souffrance fœtale voire la mort dans l’utérus. Et si le fœtus s’en sort, l’alcool perturbera le développement de ses organes, notamment du cerveau. Mais direzvous, un petit verre de temps en temps, ce n’est pas grave ? Justement, si ! Une seule molécule d’alcool peut causer des pertur bations chez le fœtus. Et ce, tout au long de la grossesse. Les dommages causés sont irréversibles.

T Moignage

NOÉMA, 55 ANS MAMAN DE 3 ENFANTS DONT UNE FILLE DE 19 ANS, ATTEINTE DU SAF

ALCOOL, CIGARETTE, ZAMAL SONT À BANNIR

“ Les effets de l’alcool sur un fœtus sont plus dangereux que ceux de toute autre drogue, selon le docteur Thierry Maillard. La cigarette augmente le risque de prématurité ou le retard de croissance intra-utérin… Il faut la bannir. Mais rien de similaire aux dégâts de l’alcool. Quant au zamal, c’est plus compliqué. Retard de croissance et risques de prématurité sont aussi présents. Mais certaines études mentionnent, en plus, des troubles de l’apprentissage et de l’attention chez l’enfant à naître. ”

LE DRAME > 1992. Un soir de Noël. Noéma est seule avec ses deux enfants. Son mari est allé faire un tour, pour aller voir sa maîtresse, sûrement. “ Je reviens, leur a t-il dit.” Noéma a attendu toute la nuit, en vain. Le lendemain, la police vient la chercher. Après un long interrogatoire, elle apprend que son mari est dans le coma. “ On lui a écrasé la tête avec un galet ”. Le visage tuméfié, il est à peine reconnaissable. Il décède une semaine après, le soir du 31 décembre. Et Noéma se retrouve seule, avec son chagrin, et la phobie des fêtes de fin d’année. Elle commence à boire, pour se remettre, pour oublier.

L’ALCOOL ET LE BÉBÉ > Les années passent et l’alcool devient une habitude. Noéma retombe amoureuse. D’un homme qui boit, lui aussi. L’aventure continue. La jeune femme attend un bébé, une petite fille. Elle s’alcoolise encore et encore. “ Je en savais pas que c’était mauvais pour le bébé ”, explique-t-elle. Noéma accouche et le docteur Thierry Maillard la soumet à un questionnaire sur l’alcool.

LA RÉVÉLATION > Noéma prend conscience de son problème. Elle a bu alors qu’elle était enceinte, et sa petite fille souffre du syndrome d’alcoolisation fœtale. C’est la confusion dans sa tête. Mais grâce à son médecin et au docteur Lamblin, l’un des pionniers de la prévention du SAF à La Réunion, Noéma va être prise en charge, avec son enfant. Assistante sociale, psychomotricien, groupe de parole…les soutiens sont nombreux. Petit à petit, la maman parvient à “ dévider ” son cœur. “ Je devais reprendre ma vie en main. ” Elle entre en cure de désintoxication. “ Depuis ce jour, je n’ai plus bu une goutte d’alcool. ”

UNE NOUVELLE VIE > Après la désintoxication, une nouvelle vie démarre. Noéma témoigne de son expérience auprès des étudiants, des écoliers… Elle devient même animatrice de prévention, avec Réunisaf Reunion. Malheureusement, son contrat vient d’être interrompu. Le réseau d’intervention auprès des mamans a été fermé. “ Nous espérons que c’est temporaire… ”

Et votre fille Noéma ? “ Au départ, à l’école, elle était un peu agitée. J’ai pris soin année après année, d’aller voir ses professeurs pour les informer du problème. Ils ont joué le jeu et tout s’est bien passé. Aujourd’hui, ma fille a 19 ans, elle a obtenu son baccalauréat et passé un diplôme dans le domaine de la vente. Elle travaille, elle est heureuse, elle est belle aussi. Je suis comblée. Quand la maman s’en sort, l’enfant aussi.”

INFORMER : UNE URGENCE

“ Aujourd’hui, la consommation de l’alcool se banalise, et les femmes sont particulièrement touchées. Les jeunes filles, en particulier. Elles tombent enceintes de plus en plus jeunes et sont particulièrement vulnérables à l’alcool, explique Annick Maillot. Il n’est pas rare qu’elles y associent le zamal et les cachets. C’est ce que l’on appelle la polytoxicomanie. Ses conséquences sont désastreuses.”

MOBILISEZ-VOUS ! > 0262 550 525

Vous connaissez une future maman qui consomme de l’alcool ? Essayez de lui en parler, demandez-lui si elle souhaite rencontrer quelqu’un, et donnez les lui les coordonnées de l’association SAFOI. Vous pouvez aussi contacter directement l’association. email. safoi@me.com

T Moignage

ANNICK MAILLOT ANIMATRICE-PRÉVENTION

Pour une maman qui boit, est-il déjà trop tard ?

“ Non ”, répond Annick Maillot avec conviction.

“ Il est toujours temps d’arrêter. Certaines femmes méconnaissent les risques liés à l’alcool. Elles en ont une vague intuition:

“ l’alcool i poik le bébé.” D’autres en entendent parler et culpabilisent. Mais

> DES ENFANTS PRESQUE COMME LES AUTRES

elles ne savent pas à qui s’adresser. Elles ont peur, elles ont honte. Pourtant, des dispositifs existent.” En tant que professionnelle, Annick Maillot est là pour aider les mamans à trouver leur place, dans le réseau de soins. D’abord, il faut trouver les mots. “J’aborde chaque femme en la respectant et sans la juger. L’alcoolisme est une maladie du corps et de l’âme, le résultat d’un parcours jalonné de souffrance. La maman qui boit a sa propre histoire. Elle se sent seule et incomprise.” L’animatrice a rencontré des femmes battues, enceintes, qui buvaient pour supporter les coups. L’alcool les anesthésiait. L’une d’entre elles a même accouché avec 2 grammes d’alcool dans le sang !

5% DES GROSSESSE SE DÉROULENT DANS UN CONTEXTE D’ALCOOLISATION MATERNELLE NOCIVE, À LA RÉUNION.

10% DES ENFANTS ACCUEILLIS EN INSTITUTION SPÉCIALISÉE SERAIENT ATTEINT DU SAF.

Les enfants atteints par le syndrome d’alcoolisation fœtale sont généralement reconnaissables par leur morphologie : petits yeux, faciès aplati, lèvre supérieure mince et sillon naso-labial plat ou lisse… mais parfois, cela ne se voit pas. Ils ont l’air tout à fait normaux et seul un examen poussé permettra de diagnostiquer leur pathologie. Retard d’apprentissage, difficulté d’insertion sociale, délinquance parfois… Les enfants atteints du SAF auront besoin d’un suivi spécialisé, tout au long de leur vie. Mais le plus important, c’est que leurs parents se débarrassent de leur problème d’alcool. Quand le parent s’en sort, l’enfant trouve son chemin.

> Le SAF et la religion

Le risque de l’alcoolisation foetale, on le connaît, au moins, depuis la Bible (Juges 13, 4) : “Et maintenant, prends bien garde, ne bois ni vin ni liqueur forte et ne mange rien d’impur, car tu vas concevoir et enfanter un fils. ”

140 ENFANTS SONT TOUCHÉS CHAQUE ANNÉE PAR LE SAF.

La R Union Est Exemplaire

u Depuis 1995, à La Réunion des professionnels luttent contre les méfaits de l’alcoolisation fœtale. Cette dynamique de prévention est unique. Elle a été menée par les docteurs Lamblin et Maillard, pour aboutir à la création de l’association Réunisaf, en 2001.

u Résultat : au bout de 11 ans, la moitié des femmes suivies avaient arrêté de boire. Malheureusement, le cœur de réseau Réunisaf vient d’être fermé.

Les associations SAF océan Indien et Saomé ont pris le relai, mais et les moyens alloués à la lutte contre le SAF sont moins importants.

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