VOLUME III JUIN 2012
LA REVUE SUISSE DE LA RECHERCHE ET DE SES APPLICATIONS
HES-SO
LA NOUVELLE PRÉCISION SUISSE
Design et Arts visuels Economie et Services Ingénierie et Architecture Musique et Arts de la scène Santé Travail social
LA REVUE SUISSE DE LA RECHERCHE ET DE SES APPLICATIONS HÉMISPHÈRES
CHF 9.– E7.– N°ISSN 2235-0330
VOLUME III
HAUTE ÉCOLE SPÉCIALISÉE DE SUISSE OCCIDENTALE HES-SO UNIVERSITY OF APPLIED SCIENCES WESTERN SWITZERLAND
Représentation
Classification
Au lieu de le saisir au téléobjectif dans son environnement naturel, comme on le fait généralement pour les espèces menacées, le photographe américain James Balog a offert à ce mandrill un traitement de superstar. Il l’a shampouiné, brossé, éclairé en studio... Une manière provocatrice de mettre en valeur, avec une précision clinique, sa beauté et sa singularité.
Cette créature appartient au genre mandrillus, lequel appartient à la sous-famille des cercopithécinés, laquelle appartient à la famille des cercopithécidés, laquelle appartient à l’ordre des primates, lequel appartient à l’infraclasse des placentaires, laquelle appartient à la sous-classe des thériens, laquelle appartient à la classe des mammifères, laquelle appartient au sous-embranchement des vertébrés, lequel appartient à l’embranchement des chordés, lequel appartient au règne animal.
HÉMISPHÈRES LA REVUE SUISSE DE LA RECHERCHE ET DE SES APPLICATIONS
La nouvelle précision suisse
ÉDITÉE PAR LA HAUTE ÉCOLE SPÉCIALISÉE DE SUISSE OCCIDENTALE HES-SO VOLUME III
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HÉMISPHÈRES
Les Suisses en sont fiers, souvent un peu secrètement. La précision associée à leurs compétences et à leur drapeau fait partie de leur identité. Et ils n’apprécient guère que cet héritage collectif – pas si ancien car il remonte au XIXe siècle – soit remis en cause. Au pays des montres et des trains qui arrivent à l’heure, la durée des déplacements s’anticipe à la minute près et l’on doit s’excuser du moindre retard. Le Romand a même prévu le «quart d’heure vaudois», une sorte de dérapage contrôlé qui amuse beaucoup les touristes et les expatriés. S’il a fait la réputation de l’industrie horlogère et du graphisme suisses, ce souci de précision a aussi connu des excès caricaturaux, que les artistes aiment explorer avec ironie. Il a donné naissance à des réglementations si tatillonnes qu’elles ont découragé les meilleures volontés. Cette conception étriquée du savoir-faire ne correspond plus à un pays multiculturel, urbanisé, qui sort régulièrement en tête des classements internationaux de l’innovation.
PRÉFACE La nouvelle précision suisse Geneviève Ruiz, responsable éditoriale d’Hémisphères
Au XXIe siècle, une nouvelle précision suisse doit être inventée, plus souple et créative, sans renoncer pour autant à la rigueur qui a fait son succès. C’est ce mouvement dont nous avons voulu parler dans ce troisième volume d’Hémisphères, avec des rencontres étonnantes de personnalités et de chercheurs qui innovent dans les nanotechnologies, la topographie ou la chirurgie. Les mythes traditionnels sont également revisités, comme la ponctualité des CFF ou l’histoire de la chronométrie. Un dossier qui aborde la précision sous des angles inédits et que nous vous invitons à parcourir.
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HÉMISPHÈRES
HISTOIRE
Aux racines de la précision suisse
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TRANSPORTS
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La ponctualité version CFF NANOTECHNOLOGIES
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La Suisse à la pointe ÉCONOMIE
Une bureaucratie obsessionnelle
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PORTRAITS
Un rapport individualisé à la précision
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TYPOGRAPHIE
31 |
Rencontre avec François Rappo PHOTOGRAPHIE
36 |
La nostalgie du cliché raté MUSIQUE
40 |
Le son de l’imprécision CHRONOMÉTRIE
44 |
Histoire d’une conquête du temps
La nouvelle précision suisse SOMMAIRE HORLOGERIE
47 |
Rencontre avec Dominique Loiseau CHIRURGIE
50 |
Innovations high-tech
53 |
Un potentiel inexploité
AUTISME
CARTOGRAPHIE
57 |
La Suisse en 3D LASER
62 |
Une maîtrise infinie ART
66 |
Les Suisses ne laissent rien au hasard THÉÂTRE
70 |
Quand la scène rencontre la science GASTRONOMIE
72 |
De la vigne à la table en détail FINANCE
76 |
L’illusion de la précision 7
81 | Bibliographie 82 | Contributions 86 | Iconographie 87 | Impressum
HISTOIRE
Aux racines de la précision suisse Ponctualité, propreté, fiabilité: ces valeurs caractérisent le savoir-faire suisse et parfois les Suisses eux-mêmes. Quelle est leur origine? TEXTE
| Geneviève Ruiz
ponctualité et le travail étaient déjà présentes à Genève au XVIe siècle et que leur fondement est religieux», ajoute Max Engammare.
L’exactitude helvétique ne remonte pas à Guillaume Tell. Pour précise qu’ait été la flèche que le mythique héros national a tirée dans la pomme posée sur la tête de son fils, elle n’a pas grand-chose à voir avec la réputation de l’industrie suisse. Par ailleurs, le pays n’existait pas encore sous sa forme actuelle en 1307. Au Moyen-Age, comme partout ailleurs en Europe, les villes y étaient crasseuses et la ponctualité une notion inconnue.
Il faudra attendre la fondation de l’Etat suisse moderne, en 1848, pour que la précision, tout comme les autres valeurs qui lui sont liées comme la propreté, la ponctualité, la fiabilité et la sécurité, deviennent peu à peu partie intégrante de l’image de la Suisse. «Tous les mythes helvétiques prennent racine lors de la création de l’identité nationale, explique Gianni Haver, sociologue et auteur de L’Image de la Suisse. A ce moment, on se met à reformer d’anciens clichés, à en éliminer certains (comme celui des mercenaires) et à en récupérer d’autres (comme Guillaume Tell, alors considéré comme un personnage véridique par les historiens). A ce même moment, l’horlogerie représente l’une des industries d’exportation les plus performantes du pays. Elle a déjà acquis une réputation mondiale. Dans les livres étrangers, on n’associe pas la précision aux Suisses, mais on utilise des expressions comme précis comme une montre suisse.»
Il faut attendre l’arrivée de Jean Calvin à Genève pour que les choses évoluent. «Le réformateur introduira la gestion du temps, une notion inédite à l’époque, raconte Max Engammare, théologien et historien, auteur de L’ordre du temps. L’invention de la ponctualité au XVIe siècle. Dès 1541, il édicte un certain nombre d’ordonnances paraliturgiques qui intiment au citoyen d’arriver à l’heure au culte, à l’élève d’être ponctuel en classe, etc. Il installera aussi des horloges publiques. Le fondement de ces mesures est religieux: pour les protestants, le temps représente un don de Dieu qu’il s’agit de bien gérer.» Si cette nouvelle gestion de temps se propagera dans les autres cantons, notamment protestants, elle déclinera après la mort de Calvin. Ses successeurs se montreront nettement plus accommodants. «Mais cet intermède calviniste indique que les valeurs de l’éthique protestante de Max Weber sur la
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les Suisses s’imposent en effet comme les experts de la précision en horlogerie: «Auparavant, ils ne se distinguaient pas de leurs concurrents étrangers, notamment anglais, note Laurent
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L’éthique protestante Le terme éthique protestante a été utilisé pour la première fois par le sociologue Max Weber (1864-1920) dans son livre «L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme». Selon lui, une éthique particulière du travail a marqué les sociétés protestantes, avec des valeurs comme l’effort, la discipline et l’épargne.
HISTOIRE
Aux racines de la précision suisse
Tell et son cousin Toko Le mythe de Guillaume Tell a été considéré comme véridique par des historiens suisses jusqu’au milieu du XXe siècle. En 1860 on ne plaisantait pas avec cela: le livre des frères Gottlieb et Albert von Haller Guillaume Tell, une fable danoise
était brûlé sur la place publique d’Altdorf. Il cherchait simplement à faire le parallèle entre le héros suisse et le personnage légendaire danois Toko, qui tire également une flèche dans une pomme sur la tête de son fils, mais s’échappe ensuite à ski.
Tissot, professeur d’histoire à l’Université de Neuchâtel et spécialiste du savoir-faire suisse. Mais petit à petit, ils se sont mis à gagner des concours internationaux de chronométrie et leur réputation s’est construite. En même temps, les Britanniques, qui connaissent la révolution industrielle avant tout le monde, se désinvestissent de l’horlogerie pour d’autres secteurs plus rentables. Les Suisses saississent l’occasion pour s’imposer en leaders de ce marché.» Ce savoir-faire horloger – qui se concentre essentiellement dans l’Arc jurassien – va peu à peu étendre son rayonnement aux autres régions et aux autres industries. «Les machines, la métallurgie et l’ingénierie vont en profiter», poursuit Laurent Tissot.
PRÉCIS LEXICAL Ambiguïté Qualifie un mot ou une suite de mots ayant plusieurs sens ou plusieurs analyses grammaticales possibles. Se dit aussi d’une situation difficile à comprendre. Amphibologie «Et osent les vaincus les vainqueurs dédaigner.» Mais qui dédaigne qui? Dans cette phrase se cache une amphibologie. Cette figure de style, du grec «ampibolia» (action de lancer de tous les côtés), exprime le fait qu’une phrase comporte une ambiguïté grammaticale, laquelle rend plusieurs interprétations possibles. Dextérité Adresse des mains, habileté dans les mouvements ou dans la gestion d’une affaire. Flou artistique Effet utilisé en photo ou au cinéma pour isoler un sujet, mettre l’accent sur un personnage, un visage ou un paysage. Qualifie aussi des propos, une opération ou une œuvre littéraire ou cinématographique peu claire.
En même temps que l’horlogerie, une autre industrie capitale pour l’image de la Suisse se développe: le tourisme. Initié par les Anglais aisés, il contribuera à donner de la Suisse une image de pays de cocagne: «L’industrie hôtelière va s’adapter à cette clientèle exigeante en matière de propreté, analyse Laurent Tissot. Les chemins de fer chercheront à être le plus ponctuels possible pour la satisfaire. On cultive l’image d’une Helvétie source de bonheur, de nature et de bonne santé. Le tourisme sanitaire connaît un essor au même moment et tendra à ancrer encore plus le cliché d’un pays hygiénique et sûr à l’étranger.»
Logique floue Une eau à 18° C doit elle être considérée comme chaude ou froide? Partant du constat que la plupart des phénomènes ne peuvent pas être représentés par une logique binaire, dite booléenne, la logique floue permet la modélisation des imperfections des données. Marge d’erreur Estime la probabilité que les résultats d’un sondage sont erronés. Plus cette valeur est importante, moins les résultats du sondage sont proches de la réalité.
Ce que note Gianni Haver, c’est l’habileté avec laquelle les Suisses ont su amplifier les clichés positifs sur leurs compétences et écarter les autres. Car au XIXe siècle, ils ne sont pas plus propres que leurs voisins: «On peut lire dans les ouvrages britanniques de l’époque à quel point la Suisse était sale et les populations des
Méticulosité Se dit d’une personne scrupuleuse et soucieuse du détail ou d’une action menée avec soin. Est également associée au perfectionnisme ou à l’obsession du détail.
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HISTOIRE
Aux racines de la précision suisse
Alpes «crétines» et peu développées», rapporte Laurent Tissot. Plus que leurs voisins, les Suisses ont dû construire un ensemble de valeurs pour se trouver une identité commune en 1848. «Ils les ont intégrées plus qu’ailleurs, remarque Gianni Haver. Il existe plusieurs facteurs explicatifs: un petit pays qui a besoin de se démarquer, ainsi qu’une population très diversifiée qui doit trouver des points de ralliement. Le phénomène de la prophétie créatrice a fait le reste.»
Les ambassadeurs de la précision suisse
Pour l’historien économique lausannois Sébastien Guex, «les industriels suisses ont également amplifié la réputation de leur savoir-faire car ils s’étaient majoritairement spécialisés sur des produits haut de gamme d’exportation, pour lesquels les avantages comparatifs liés à la qualité, la durabilité ou le service après-vente sont cruciaux.» Le secteur économique qui tarde le plus à se démarquer de ses concurrents étrangers est la banque: «Il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que des compétences financières spécifiquement helvétiques se développent, observe l’historien. Auparavant, rien ne distinguait cette offre des établissements français, hollandais ou anglais. Et contrairement aux autres industries suisses, le secteur bancaire a connu des problèmes d’image dès le début, avec la publication de reportages à l’étranger sur le blanchiment de l’argent sale ou sur les capitaux étrangers échappant au fisc. Les films de James Bond comme Goldfinger (1964) ou Au service secret de Sa Majesté (1969), terminent encore de donner l’image du banquier suisse comme un gangster en cravate.» Gianni Haver corrobore cette analyse: «L’image des banques n’a pas toujours participé au rayonnement de la Suisse à l’étranger. Cela s’est empiré dans les années 1990 avec l’affaire des fonds en déshérence.» Directeur de Présence suisse, Nicolas Bideau nuance ces propos: «Si l’image des banques n’a pas toujours été liée à la propreté, elle l’a longtemps été à la fiabilité et à la sécurité. Ce n’est que depuis la dernière crise financière que ces valeurs-là sont également mises à mal.»
Jean Calvin (1509-1564)
Jost Bürgi (1552-1632)
Abraham-Louis Breguet (1747-1823)
Le réformateur protestant a introduit une stricte gestion du temps à Genève, en exigeant notamment des citoyens qu’ils soient à l’heure aux cultes. Il a également favorisé l’essor de l’horlogerie.
Ce mathématicien et astronome saintgallois est l’inventeur des logarithmes, ainsi qu’un pionnier de l’algèbre et du calcul des fractions décimales. Il est le premier à avoir mesuré l’unité de temps de la seconde.
L’horloger neuchâtelois est le concepteur de la montre-bracelet et du mécanisme tourbillon. Il a inventé de nombreux instruments scientifiques, chronomètres et thermomètres.
Guillaume-Henri Dufour (1787-1875)
Alfred Escher (1819-1882)
Victoria Elsener (1836-1909)
Le général a fondé le Bureau topographique fédéral en 1838. De là est issue la célèbre Carte Dufour, un monument de précision pour l’époque.
Ce Zurichois a fondé le Crédit Suisse et l’Ecole polytechnique fédérale. Sa devise: «Si la Suisse a une mission mondiale, c’est par l’exemple qu’elle donne de la bonne santé budgétaire de l’Etat et de la stabilité économique.»
Il s’agit de l’inspiratrice du couteau suisse Victorinox. C’est en l’honneur de sa défunte mère que Karl Elsener, fondateur de la célèbre entreprise, nomma son invention en 1891.
Charles Edouard Guillaume (1861-1938)
Albert Einstein (1879-1955)
Nicolas Hayek (1928-2010)
Le physicien américanosuisse, a reçu le Prix Nobel de physique en 1921. Diplômé de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, il est le plus célèbre des nombreux Suisses à avoir obtenu un Nobel.
L’ancien président de Swatch Group est devenu une icône de l’entreprenariat en sauvegardant l’horlogerie suisse. Spécialiste en aciérie, il a inventé le concept de la mini-voiture Smart.
Ce physicien suisse a reçu le Prix Nobel en 1920 pour les avancées qu’il a permis en métrologie. Il a inventé des alliages qui ont permis la mise au point du mètre étalon.
Malgré ces bémols, la Suisse reste encore aujourd’hui largement associée à la précision, la ponctualité et la propreté: «Ces valeurs possèdent une remarquable stabilité dans le temps,
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HISTOIRE
Aux racines de la précision suisse
Comment le film The Clock donne l’heure exacte
Métrologie Science des mesures et de ses applications. Par extension, les propriétés métrologiques constituent l’ensemble des données caractérisant la qualité d’une mesure. Parmi celles-ci figurent la résolution, la sensibilité, l’exactitude, et la fidélité.
L’artiste américano-genevois Christian Marclay est entré l’an dernier dans le club des stars mondiales de l’art contemporain grâce à The Clock, un formidable montage vidéo d’une durée de vingt-quatre heures, et composé d’extraits de films où l’on aperçoit une montre ou une horloge. Lors des projections, ces scènes mises bout à bout sont calées sur temps réel, et donnent donc l’heure exacte, minute après minute.
Ponctualité Exactitude, régularité ou justesse temporelle. Notion qui exprime le fait d’être à l’heure, aussi associée au sérieux d’une personne ou d’une entreprise.
Pour en garantir la précision, Christian Marclay et son technicien Scott Martin assistent à chaque projection. Le montage numérique est piloté par un programme développé par l’ingénieur Mick Grierson, du Goldsmiths College de Londres, qui synchronise le déroulement du film avec une précision d’une micro-seconde.
Précision Garante de justesse et de fidélité par rapport à la réalité, la précision est une caractéristique recherchée dans les domaines où l’exactitude est reine, des sciences aux nouvelles technologies, en passant par l’horlogerie.
Ce dispositif n’est cependant pas infaillible. Lors d’une récente diffusion de The Clock au Centre Pompidou, le film accusait quelques minutes de retard.
Théorie du chaos Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil pourrait déclencher une tornade au Texas. Proposée par Edward Lorenz, cette métaphore de la théorie du chaos exprime le fait que d’infimes différences dans les conditions initiales d’un système mathématique déterministe peuvent entraîner des résultats complètement différents de ceux calculés à l’origine.
A noter également que deux œuvres de Christian Marclay portent le titre de The Clock, l’artiste ayant oublié qu’il l’avait déjà donné vingt ans plus tôt à une de ses installations. Quand l’anecdote lui a été rappelée, il a eu cette réponse: «Ah bon, j’ai créé The Clock deux fois? Ça prouve que je suis trop suisse!»
Tolérance En mécanique, il y a forcément une différence entre la dimension voulue d’une pièce et celle effectivement réalisée. La tolérance représente la distance entre deux cotes limites définies au préalable et garantissant le fonctionnement correct de la pièce.
The Stranger (1946), par Orson Welles The Maltese Falcon (1941), par John Huston Lola rennt (1998), par Tom Tykwer Wall Street (1987), par Oliver Stone
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HISTOIRE
Aux racines de la précision suisse
Le kilo perd du poids: la fin d’une ère
observe Nicolas Bideau. Nous constatons dans nos analyses de la presse étrangère qu’elles sont toujours fréquemment liées à la Suisse. Mais il faut nuancer: tout d’abord, la précision caractérise davantage les produits suisses que les Suisses, dont la personnalité paraît fort peu incarnée à l’étranger en dehors des produits de son travail. Et l’image du pays varie selon les régions: en Asie, les montres et les instruments de précision sont fortement associés à la Suisse. En Europe, la notion de propreté lui est attribuée à un degré variable: si les Italiens sont 40% à faire spontanément le lien entre la Suisse et la propreté, ils ne sont que 20% de Français à le faire.»
Remis en cause, le kilo-étalon vit ses dernières années. C’est un anachronisme – et le physicien Terry J. Quinn veut s’en débarrasser une bonne fois pour toutes. Le kilo est encore défini par un cylindre de métal coulé en 1879, maintenu sous cloche dans une armoire du Bureau international des poids et mesures (BIPM) à Sèvres dans la banlieue parisienne. «Ce type d’étalon n’est pas stable, explique l’ancien directeur du BIPM. Des copies de l’étalon, par exemple, ont vu leur masse prendre ou perdre des dizaines de microgrammes. Et comme les autres unités fondamentales dépendent du kilo, cette incertitude touche tous les domaines. Nous n’avons d’ailleurs aucune idée si l’étalon a lui-même bougé, car – c’est bien là le problème – c’est lui qui définit le kilo!»
La Suisse reste un des seuls pays au monde à avoir réussi à associer la réputation de son savoir-faire à son drapeau: «Cette croix blanche sur fond rouge possède une valeur marketing énorme, souligne Nicolas Bideau. Nos entreprises en retirent un immense bénéfice.» Pour le directeur de Présence suisse, l’objectif consiste à faire connaître les compétences suisses dans d’autres domaines moins connus à l’étranger: «Le Corbusier et l’inventeur de la célèbre police d’écriture Helvetica sont Suisses mais personne ne le sait à l’étranger...» Si la Suisse a su associer son image à la précision, c’est peut-être au détriment de ses compétences en créativité et en innovation.
Le BIPM veut faire le ménage et a proposé une nouvelle définition du kilo indépendante d’un étalon. L’une des idées favorites est d’utiliser une balance ultra-précise qui tient en équilibre une masse grâce à une force électromagnétique. Cette dernière peut être précisément déterminée par des effets de la mécanique quantique faisant intervenir la valeur de la constante de Planck, h. La proposition a été avalisée à l’unanimité en octobre 2011 lors de la dernière Conférence générale des poids et mesures, une structure pourtant réputée pour sa prudence et son conservatisme. «Le nouveau kilo pourrait voir le jour après 2014», révèle Terry Quinn. Les unités fondamentales s’affranchiront alors entièrement des artefacts humains mais, hélas, ne pourront rester constantes: des mesures toujours plus précises des constantes universelles qui déterminent les unités exigeront de changer leur définition– sous peine de voir le mètre ou la seconde à nouveau varier. Dans un monde de plus en plus précis, rien ne peut être éternel.
Un drapeau précis Les proportions exactes du drapeau suisse ne sont définies qu’en 1889 par le Conseil fédéral: sa forme est carrée et les quatre branches de la croix, égales entre elles, sont d’un sixième plus longues que larges.
Par Daniel Saraga
La constante de Planck Découverte en 1900 par le physicien allemand Max Planck, la constante de Planck h constitue l’un des fondements de la mécanique quantique. Elle relie l’énergie d’un grain de lumière (un photon) à la fréquence de son onde électromagnétique.
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HISTOIRE
Aux racines de la prĂŠcision suisse
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TRANSPORTS
La ponctualité des CFF, ciment national Des trains qui arrivent en retard, et c’est la Suisse qui vacille. Devenue valeur nationale, la ponctualité atteint un niveau remarquable sans jamais satisfaire des usagers de plus en plus exigeants. TEXTE
| Geneviève Grimm-Gobat
respond aux critères les plus stricts à l’échelle européenne. En janvier dernier, par exemple, 92,7% des trains sont arrivés à l’heure à SaintGall, qui détient le meilleur résultat, contre 80,4% seulement à Bellinzone, en queue de liste, 91,1% à Lausanne et 87,9% à Genève. Neuf clients sur dix arrivent à destination à l’heure et 97,5% des correspondances sur le réseau ferroviaire sont assurées.
«Mesdames et messieurs, nous arrivons à l’heure en gare, sur voie 6!». Va-t-on se mettre à applaudir dans les trains comme cela s’entend dans certains charters? Introduits en 2010, les messages relevant la ponctualité d’un convoi sont communiqués non par des messages préenregistrés mais par les contrôleurs. La bonne nouvelle, annoncée laconiquement ou en fanfare, suscite des sourires perplexes sur le visage des passagers étrangers. Un best of de ces communications débitées avec des accents «authentiques» nous plongerait dans un comique digne des sketches de l’humoriste Emile.
Des chiffres qui placent la Suisse largement audessus de la moyenne en comparaison internationale. En France, ce sont 88% des trains qui sont arrivés à destination avec moins de cinq minutes de retard en 2011 (ce délai de cinq minutes correspond à la norme de l’Union internationale des chemins de fer). Au Japon, la légende prétend que si un train arrive en retard, c’est qu’il y a eu un tremblement de terre. Afin de ne pas avoir à subir un retard mais pouvoir l’anticiper, l’horaire en ligne et l’horaire pour téléphones mobiles des CFF contiennent des informations en temps réel. Il est possible d’y voir immédiatement les heures de départ et d’arrivée effectives. Une alarme SMS peut aussi être reçue. Fini les mauvaises surprises, tout peut être planifié.
Le conseiller aux Etats genevois Robert Cramer est intervenu sans succès pour que «cessent ces annonces maladroites de nature à discréditer les CFF». Selon le politicien, «ces annonces sont perçues comme ridicules et portent atteinte à la réputation de ponctualité de notre pays. En effet, il est normal qu’un train, suisse de surcroît, arrive à l’heure!» Quand parle-t-on d’un retard? La grande régie fédérale considère que la ponctualité a été respectée lorsque les voyageurs atteignent leur correspondance et arrivent à destination avec moins de trois minutes de retard. Ce qui cor-
Sans une grande vigilance, les retards pourraient se multiplier en Suisse. En effet, les ennemis de
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TRANSPORTS
La ponctualité version CFF
Le photographe genevois Gérard Pétremand a réalisé les images du calendrier CFF Cargo en 2006. En alternant les effets de flou et de précision, il a fait en sorte qu’au premier regard, l’observateur croit découvrir un paysage de maquette.
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TRANSPORTS
La ponctualité version CFF
Gérard Pétremand a voulu dévoiler toute la diversité du transport des matières premières chez CFF Cargo, en photographiant les activités de la firme à Estavayer-leLac (FR) et à Hüntwangen (ZH).
tualité et à se poser en victimes. Les octrois de dédommagements et plaintes des passagers ont été en augmentation de 30% l’an dernier. Coût: 2,2 millions de francs.
la ponctualité y sont nombreux. Relevons les principaux d’entre eux: l’extrême densité du réseau (3000 km de voies et 800 gares) avec un nœud redoutable à Olten, le nombre très élevé de passagers (près d’1 million par jour) et un contexte naturel défavorable avec d’innombrables ponts et tunnels et des infrastructures exposées à des chutes d’arbres, de pierres ou des avalanches. Mieux lotis que certains de leurs voisins, les CFF ne subissent pas de grèves du personnel.
Dans le but de créer un réseau ferré plus intelligent, les CFF ont fait appel à IBM et AlcatelLucent pour améliorer la ponctualité des trains. La solution informatique choisie permet de «détecter et de réparer plus de 50% des problèmes relatifs à des retards avant même qu’ils ne se produisent», explique Alcatel-Lucent. Une hausse sensible de la satisfaction des voyageurs devrait en découler prochainement.
Les conducteurs en retard sont en revanche leur cauchemar. Il suffit que l’un des quelque 2500 mécaniciens n’entende pas son réveil ou se trompe dans ses horaires pour perturber tout le réseau. Raison pour laquelle une soixantaine de conducteurs sont engagés comme réserve. Malgré ces précautions, chaque jour des trains accusent des retards pour cette raison. Un exemple qui révèle un manque de personnel aux yeux du Syndicat suisse des mécaniciens de locomotive. Alors que la ponctualité des trains atteint des sommets, l’entreprise ferroviaire n’a jamais eu à traiter autant de dossiers de clients mécontents qu’en 2011. Les Suisses se sont mis à railler une pseudo ponc-
Pour cause d’accident de personne... Un coup de frein. Le train s’immobilise. De longues minutes s’écoulent. Puis, le contrôleur annonce: «Pour cause d’accident de personne, nous allons rester immobilisés pour une durée indéterminée.» Depuis 2005, lorsqu’une personne s’est jetée sous le train, les CFF utilisent la formule pudique «accident de personne» qui remplace «incident d’exploitation». «Il faut appeler un chat un chat, explique Jacques Zulauf, porte-parole des CFF. En faisant passer les suicides pour des incidents d’exploitation, nous passions pour des incompétents. Parler d’«accident» tout court aurait pu inquiéter, en faisant craindre un déraillement.» Les usagers du rail en font l’expérience. Il n’est pas de semaine qui ne connaisse des retards dus à des accidents de ce genre. Leur nombre, relativement stable, se situe autour de la centaine par an.
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TRANSPORTS
La ponctualité version CFF
Gare au départ! Tout le monde sait que l’aiguille des secondes, sur l’horloge des CFF, fait référence à la palette rouge d’un chef de gare, visible loin à la ronde. Mais c’est aussi par souci de précision que le designer Hans Hilfiker a choisi cette forme: son tour de cadran ne durant pas soixante secondes, mais environ cinquante-huit secondes, une aiguille en pointe aurait été trompeuse. La relative imprécision du disque rouge constitue dès lors un gage d’honnêteté envers les usagers du train. D’autant que cette aiguille des secondes tourne en mode autonome, à travers un petit moteur électrique branché sur le réseau. Seule l’aiguille des minutes, qui fonctionne par à-coups, est actionnée par une commande centrale synchronisant toutes les horloges de chaque gare. Afin d’éviter les décalages, qui pourraient entraîner des conséquences graves, chaque aiguille des secondes doit ainsi attendre au zénith l’impulsion de l’indicateur central des minutes avant de reprendre sa course autour du cadran.
TROIS QUESTIONS À Sacha Varone professeur à la Haute école de gestion HEG Genève, sur l’horaire parfait. Comment conçoit-on un horaire le plus précisément possible? La première étape consiste à identifier les personnes et les tâches. Ensuite il faut intégrer les contraintes de chaque secteur. Dans le cas d’une école, on se conformera au cadre horaire de chaque formation, on prendra en compte le matériel spécifique à certains cours, les disponibilités des enseignants, les demandes de compacité d’horaire, etc. On utilise ensuite des techniques algorithmiques pour construire un horaire adéquat. Il s’agit toujours de différencier les contraintes impératives des contraintes préférentielles, les préférences des individus. Ces dernières ne peuvent jamais être satisfaites à 100% en raison de préférences engendrant des impossibilités.
L’horaire parfait est donc impossible à réaliser... L’horaire parfait est utopique pour plusieurs raisons: les objectifs et les préférences des usagers sont souvent contradictoires. Prenez, par exemple, les CFF, les envies du personnel ne correspondent pas toujours aux besoins des voyageurs. Ensuite, il faut différencier l’horaire planifié de l’horaire opérationnel. Le premier est un idéal et le second est celui qui se déroule en temps réel. Pour reprendre l’exemple des CFF, l’horaire planifié est celui affiché en jaune dans les gares, il correspond à un plan de gestion mathématiquement idéal. L’horaire opérationnel est celui qui doit constamment être adapté en raison de problèmes techniques, de retards des trains internationaux. Il doit être réoptimisé car de petits éléments perturbateurs peuvent se propager et générer des problèmes sur l’ensemble du réseau, s’ils ne sont pas pris en compte rapidement.
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Qu’est-ce qu’un bon horaire? Un bon horaire doit satisfaire les contraintes impératives et le plus possible de préférences. Il contiendra toujours de la subjectivité. On peut modéliser mathématiquement les préférences humaines, mais la décision sera managériale. L’établissement des horaires est plus complexe qu’il y a vingt ans. En entreprise, ils intègrent le bien-être des employés, et pas seulement le respect du temps de repos. Ils tentent d’améliorer la motivation en diversifiant les tâches. De plus en plus, les modèles sont stochastiques, c’est-à-dire qu’ils incluent le hasard: avant on comptait que l’écriture d’un rapport prenait trois heures. Maintenant on évalue la probabilité que cette tâche prenne deux, trois, quatre heures ou plus. Etablir des horaires requiert des compétences, informatiques, mathématiques, décisionnelles, mais surtout de l’expérience. Propos recueillis par Geneviève Ruiz
NANOTECHNOLOGIES
La Suisse à la pointe des nanotechnologies Les nanotechnologies arrivent dans les produits de grande consommation. Un gigantesque marché qui pourrait profiter à la Suisse, tant le pays est bien positionné. TEXTE
| Bertrand Beauté
Bien sûr, on reste loin des promesses vertigineuses faites par les futurologues anticipant la création de nano-robots. «Entre les promesses et leur réalisation, il se passe toujours beaucoup de temps, sourit Marc Pauchard. Les nano-machines sont extrêmement complexes. Il faudra être patient avant de les voir arriver sur le marché.» En attendant, les nanos offrent déjà de nombreuses applications à court terme. Selon les estimations de l’OCDE, le marché global des produits issus des nanotechnologies atteindra 1’000 milliards de dollars dès 2015.
Les nanotechnologies? Il y en a un peu partout et ça ne fait que commencer! «Elles sont présentes dans tous les domaines d’activités, du textile à la peinture en passant par l’électronique et les cosmétiques, explique Marc Pauchard, responsable du transfert de technologies à l’Institut Adolphe Merkle à Fribourg. Et elles seront de plus en plus intégrées dans de nouveaux matériaux et pour de nouvelles applications.» De quoi s’agit-il? Les nanotechnologies sont des matériaux – et les technologies qui vont avec – dont la taille avoisine le nanomètre (généralement inférieure à 100 nanomètres), soit un millionième de millimètre. En 2007, le projet Emerging Nanotechnologies identifiait déjà plus de 500 produits de consommation fondés sur des nanotechnologies. «Jusqu’à présent, les nanos sont surtout des nanomatériaux utilisés dans le sport, les gadgets, le textile, l’informatique ou encore les revêtements autonettoyants de l’électroménager, explique Philippe Fischer, directeur de la Fondation suisse pour la recherche en microtechnique (FSRM, qui gère la plateforme Micronarc à laquelle la HES-SO est associée) et organisateur de la Swiss Nanoconvention du printemps 2012 à Lausanne. L’avenir sera dans les sciences de la vie avec des tests diagnostiques, l’énergie avec des cellules solaires plus performantes et l’environnement notamment dans la purification de l’eau.»
«Sur ce marché en devenir, je pense que la Suisse est extrêmement bien placée. Il faut se souvenir que le pays est pionnier dans ce domaine avec le centre de recherche IBM/EPFZ à Rüschlikon», raconte Philippe Fischer. Avec ses nombreux instituts de recherche (EPFL, EPFZ, Adolphe Merkle Institute, CSEM, EMPA, etc.), la Suisse est à la pointe de la recherche fondamentale. La forte implication des HES – trois instituts de recherche rien qu’à la HES-SO (IMI-Arc, inSTI-hepia et MNTHEIG-VD) – lui permet désormais de monétiser cette avance en favorisant le transfert de technologies. A Bâle, la plateforme i-net Basel Nano a développé une méthodologie pour identifier de manière systématique les PME susceptibles d’être
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PORTFOLIO
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1. Finition du prototype d’un nouvel appareil chez VOCscan, le «VOCscanner». 2. Une collaboratrice place une ampoule LED sur un micromoteur chez Dassym. 3. Intervention sur un iPad brisé chez Macianer: une opération minutieuse car aucune poussière ne doit s’insérer. 4. L’application développée par Colorix permet de visualiser une rue entière avec de nouvelles couleurs.
Précision neuchâteloise Pour ce dossier d’Hémisphères, la photographe genevoise Dorothée Baumann est partie à la rencontre d’entrepreneurs qui incarnent le savoir-faire horloger et micromécanique du canton de Neuchâtel. Recherchées par des clients du monde entier, ces compétences à haute valeur ajoutée proviennent d’un tissu industriel traditionnel, en lien étroit avec les hautes écoles d’ingénieurs régionales. C’est sur les deux sites de Neode, parc scientifique et technologique qui soutient les entreprises excellant dans la microtechnique, que la photographe a posé son regard sur des personnes, des produits et des environnements qui reflètent tous une passion pour la précision, parfois de façon surprenante ou décalée. CaravelCut, La Chaux-de-Fonds, www.caravelcut.com Colorix, Neuchâtel, www.colorix.ch Dassym, Neuchâtel, www.dassym.com Macianer, Neuchâtel, www.macianer.com VocScan, La Chaux-de-Fonds, www.neode.ch
NANOTECHNOLOGIES
La Suisse à la pointe
«Créer de nouvelles propriétés»
intéressées par ces nouvelles technologies. Idem à Fribourg, avec le réseau nano-net.ch. «Notre objectif est de permettre aux entreprises d’avoir accès aux nanotechnologies, explique Marc Pauchard. Certaines sont au courant des avancées scientifiques et viennent directement nous voir. D’autres, au contraire, pourraient bénéficier de cette technologie mais ne se rendent pas compte du potentiel. Notre challenge est d’approcher ces sociétés. Mais ce n’est pas évident. Il y a des réticences. Pourtant, nos études de marché ont montré que pratiquement tous les secteurs d’activités peuvent profiter des nanotechnologies.»
Grâce aux nanotechnologies, les scientifiques parviennent à conférer de nouvelles propriétés et fonctions aux matériaux. Explications du spécialiste Mirko Croci1. Mirko Croci explique que l’intérêt des nanotechnologies n’est pas tant dans leur taille, que dans les propriétés que les matériaux acquièrent à ces dimensions.
Avec des résultats probants. Par exemple, depuis avril 2011, une ligne de vêtement de la marque Levi’s intègre Nanosphere, une technologie propriétaire du fabricant de tissus helvétique Schoeller (à Sevelen, SG) qui renforce l’imperméabilité du tissu. Dans d’autres domaines, Spirig Pharma (à Egerkingen, SO) vend des crèmes solaires contenant des nanoparticules d’oxyde de titane et Frewitt (FR) commercialise des machines de fabrication de nanoparticules. «Il est difficile de recenser les entreprises qui utilisent les nanotechnologies, car ce terme regroupe tout et n’importe quoi, prévient toutefois Marc Pauchard. La plupart du temps, les nanotechnologies ne concernent qu’une petite partie d’un procédé industriel complexe et ne se retrouvent pas dans le produit final, comme c’est le cas des polymères renforcés avec des nanoparticules.»
Que sont les nanotechnologies? C’est un terme très à la mode et il est bon d’en préciser à nouveau le sens. Le préfixe «nano» (10-9) indique simplement qu’il s’agit de technologies à l’échelle du milliardième de mètre, que l’on qualifie également d’échelle mésoscopique. Pour faire simple, on peut diviser (par la pensée!) le monde en trois domaines dimensionnels différents. Il y a d’abord le monde macroscopique qui désigne les grands objets, ceux qui sont à échelle humaine. Puis le monde microscopique, celui des petits objets tels que les atomes et les molécules. Le monde mésosco-
«Jusqu’à présent, l’utilisation des nanotechnologies par les entreprises demeure assez confidentielle, estime d’ailleurs Philippe Fischer. Et il est difficile de savoir quand l’industrialisation va exploser.» D’autant que les consommateurs commencent à s’inquiéter de l’arrivée des nanos dans les produits de grande consommation. «Les chercheurs ont conscience du risque toxicologique, rassure Marc Pauchard. A Fribourg, nous nous intéressons à l’interaction entre nanoparticules et poumon. Mais cette interaction ne dit rien a priori de la dangerosité. Cela dépend du type de nanoparticules. Certaines provoquent des inflammations similaires au tabac, quand d’autres ont un effet bénéfique en diminuant l’asthme, par exemple.
1 Directeur du Laboratoire d’application de la physique pour les technologies émergentes au Centre d’études et de transferts technologiques de la HEIG-VD.
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NANOTECHNOLOGIES
La Suisse à la pointe
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NANOTECHNOLOGIES
La Suisse à la pointe
tion de tubes à rayons X dont les prix défieront toute concurrence lorsqu’ils seront au point. Les tubes RX sont à la base des appareils de radiographie utilisés aussi bien en médecine que pour la sécurité, notamment dans les aéroports. Le principal défaut des tubes RX actuels réside dans l’utilisation d’un filament très chaud pour produire le faisceau d’électrons indispensable à la génération des rayons X. Ce filament ressemble à celui de nos anciennes ampoules à incandescence: il finit par «brûler» tôt ou tard. La substitution d’un tel organe coûte actuellement environ le quart du prix du tube RX complet (environ 20’000 francs). La nanotechnologie permet de résoudre ce problème. En exploitant les propriétés mésoscopiques de petites particules de fer ou de nickel, on peut faire croître sur le filament des nanotubes de carbone, sorte de petits «poils» longs de quelques micromètres et dont le diamètre est de quelques dizaines de nanomètres. Or, ces objets possèdent la remarquable propriété d’émettre des électrons sans avoir besoin d’élever leur température. Le filament n’a donc plus besoin d’être chauffé et par conséquent il ne brûlera jamais. Ainsi, le remplacement du filament n’est plus nécessaire et la durée de vie du tube à rayons X s’en trouve de ce fait considérablement allongée.
pique est, quant à lui, à une échelle intermédiaire, comprise entre les échelles microscopique et macroscopique. Les objets qui le peuplent sont constitués de quelques milliers d’atomes et sont donc caractérisés par des diamètres de l’ordre du nanomètre justement. C’est ce que l’on désigne sous le terme de nanotechnologies. A quoi sert cette miniaturisation? Après les nanotechnologies, les ingénieurs travailleront-ils à des échelles encore plus petites, à l’échelle microscopique, par exemple? L’intérêt des nanotechnologies n’est pas tant dans leur taille, que dans les propriétés différentes que les matériaux acquièrent à ces dimensions. Par exemple, si vous augmentez régulièrement la tension électrique appliquée aux deux extrémités d’un câble en cuivre traditionnel (macroscopique), vous allez également observer un accroissement régulier du courant qui le traverse. En revanche, dans un fil mince, dont le diamètre serait de l’ordre de quelques nanomètres, cet accroissement se fera brutalement et par paliers: c’est typiquement un effet mésoscopique, dû à l’émergence des propriétés quantiques de la matière. Les ingénieurs et scientifiques travaillent déjà depuis des décennies dans le domaine microscopique afin d’exploiter les propriétés de la matière à cette échelle. L’ingénierie chimique, par exemple, met en jeu depuis longtemps des processus qui se déroulent à une échelle de l’ordre du dixième de nanomètre. Un autre exemple est l’énergie nucléaire. Les réactions qui la caractérisent ont lieu à une échelle 1 million de fois plus petite que celle des nanotechnologies.
Les nanotechnologies sont-elles dangereuses pour notre santé? Beaucoup de produits, que nous employons au quotidien, sont potentiellement dangereux. Cela ne nous empêche pas de les utiliser, car nous avons appris à prendre les précautions qui s’imposent. Prenons le cas de l’essence: c’est un produit toxique, volatile et hautement inflammable. Aucun de nous n’a cependant de problèmes à faire le plein dans une station-service.
A quoi peuvent servir ces propriétés mésoscopiques? Les applications sont fort nombreuses, il suffit de parcourir le web pour s’en rendre compte (produits cosmétiques, matériaux d’emballage, alimentation, médecine, générateurs thermoélectriques, etc.). Je me limiterai à citer un exemple que je considère particulièrement significatif du point de vue de la césure technologique que peuvent apporter les propriétés mésoscopiques des matériaux nanostructurés. Il s’agit de la conception d’une nouvelle généra-
Il en est de même avec les nanotechnologies: si elles sont bien utilisées, avec toutes les précautions nécessaires, elles ne sont pas plus dangereuses qu’autre chose. Comme le disait François Rabelais: «Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.» Il est bon, me semble-t-il, d’appliquer cet adage non seulement aux nanotechnologies mais également, et je ne cite là que deux exemples emblématiques, à l’énergie nucléaire et aux expériences de manipulation génétique.
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ÉCONOMIE
Une bureaucratie obsessionnelle L’administration est parfois dénoncée comme le côté sombre de la légendaire précision helvétique. Les reglementations étouffent-elles les entreprises du pays? TEXTE
| Albertine Bourget
pour les cafés de rue, simple exploitation saisonnière ou pas. Le conseiller national bernois Adrian Amstutz (UDC) protestait par le biais de la motion «Halte aux excès bureaucratiques dans le secteur de la restauration!». Remaniée, la motion devra repasser devant le National.
La récente initiative sur les résidences secondaires? A la veille du vote, ses opposants la qualifiaient notamment de bureaucratique. Un adjectif désormais brandi comme argument imparable, point final à toute discussion posée. Selon les termes de l’attaché de presse du Parti libéral-radical (PLR), Philippe Miauton, «avec son lot absurde d’interdictions et de réglementations, la bureaucratie limite notre liberté et met en danger l’initiative individuelle ainsi que l’esprit d’entreprise.» Exemple typique? En 2008, le Tribunal fédéral décidait qu’une autorisation de construire, en plus de l’autorisation d’exploitation et de l’autorisation d’usage accru du domaine public déjà exigées, était nécessaire
Au premier rang des victimes, les 300’000 PME, colonne vertébrale de l’économie helvétique. Selon une étude de KPMG mandatée par l’Union suisse des arts et métiers (USAM), le coût supporté par l’ensemble des entreprises du pays pour remplir leurs devoirs administratifs s’élèverait à 50 milliards de francs. Cela représente à peu près 10% du PIB.
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ÉCONOMIE
Une bureaucratie obsessionnelle
TROIS QUESTIONS À Mathias Rossi professeur à la Haute Ecole de gestion de Fribourg – HEG-FR et spécialiste de l’entreprenariat.
«Ce procédé empêche des investissements et l’innovation, et surtout nuit à l’emploi. Or l’Etat n’est pas là pour entraver les PME mais au contraire pour leur apporter les conditions nécessaires pour qu’elles puissent réaliser leur travail», insiste Philippe Miauton.
Constatez-vous que la bureaucratie est excessive en Suisse et qu’elle pénalise les entreprises? Il existe un travers helvétique à être perfectionniste, qui peut se retrouver dans la quantité de règlements administratifs auxquels doivent faire face les PME. Maintenant, si on compare notre situation avec celle de nos voisins, nos entreprises s’en sortent plutôt bien. Là où nos PME sont peut-être pénalisées, c’est qu’il y a des règles spécifiques à la Suisse, qui compliquent l’embauche de maind’œuvre européenne ou les exportations.
«Le recueil systématique du droit fédéral (RS) contient plus de 4000 textes juridiques – lois, ordonnances et règlements – dont une grande partie comporte des réglementations qui concernent les entreprises. A cela s’ajoutent des directives et d’autres normes qui ne sont pas contenues dans le RS, et les nombreuses réglementations qui, en Suisse, émanent des pouvoirs publics cantonaux et communaux», indique Marco Taddei, vice-directeur de l’USAM. Le libéral-radical valaisan Philippe Nantermod évoque pour sa part des «procédures de marché public inadaptées aux moyens des PME, pourtant compétitives sur le fond, ou des réglementations fiscales comme la TVA qui sont très lourdes.» Les seules directives sur la taxe sur la valeur ajoutée coûteraient 500 millions de francs en frais administratifs.
Pourquoi les PME souffrent-elles davantage des excès de la bureaucratie? Là où une plus grande structure peut développer des compétences spécifiques pour gérer l’administratif, cette capacité fait défaut aux petites entités. Ensuite, il y a cet aspect spécifique aux PME: le patron décide et s’occupe de tout. Il n’a peut-être pas les compétences ni l’intérêt pour les questions administratives. Nous rencontrons souvent des personnes enthousiasmées par leur métier, portées au développement de leur produit, ou alors très intéressées à la communication avec leurs clients, mais pas du tout enclines à se pencher sur les aspects administratifs. Dès lors, ils paraissent insurmontables et dévoreurs de ressources.
Fin 2010, pour résoudre ce problème, le PLR lançait l’initiative «Stop à la bureaucratie!». «Les entreprises devraient pouvoir se concentrer sur leurs compétences clés, la création de places de travail et la formation. En lieu et place de cela, elles remplissent des formulaires et des statistiques à longueur de journée – cela leur coûte cher. De l’impôt sur les chiens à la taxe sur la suspension de drapeaux: l’Etat réglemente et introduit des taxes dans tous les domaines, ce qui porte atteinte à la responsabilité individuelle», dénonce le parti.
Auriez-vous des conseils à donner aux PME pour mieux s’en tirer? Le premier conseil serait de s’informer, de demander de l’aide. Les unions patronales, chambres de commerce, associations professionnelles, peuvent conseiller et parfois soutenir les patrons de PME. Souvent, la fiduciaire aura aussi les compétences pour gérer les aspects règlementaires. Alors bien sûr, il y a un investissement à faire, mais ça peut s’avérer judicieux.
«Ces lamentations sont insupportables et exagérées, s’agace Martin Flügel, à la tête du syndicat Travail.Suisse. Discutez un peu avec quelqu’un qui a affaire aux autorités en Allemagne, en France ou en Italie. Vous n’entendrez que des louanges sur la Suisse.» Dans un rapport publié en août 2011 par le Secrétariat d’Etat à l’économie, le gouvernement rappelle que la lourdeur administrative de la Suisse est à relativiser en comparaison internationale. La Confédération estime le coût de la paperasserie administrative à quelque 7 milliards de
Je constate autre chose. Cette inflation réglementaire va continuer: dans un monde qui se complexifie, se globalise, cherche la sécurité, on n’a pas fini d’édicter des règles. Les dirigeants de PME doivent en avoir conscience: les compétences qui permettent à une entreprise de survivre, de croître ou de créer de la valeur, ne sont plus les mêmes aujourd’hui qu’hier. Il faut l’accepter et investir aussi dans l’administration. Par Geneviève Ruiz
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PORTFOLIO
Des nuances de couleurs chez Colorix. David Maurer, fondateur de cette entreprise, avait travaillé sur un prototype permettant aux aveugles d’identifier les couleurs par le son quand il étudiait à la Haute Ecole Arc ingénierie du Locle. Il s’est ensuite spécialisé dans les appareils ultraprécis destinés aux fabricants de peintures et aux peintres en bâtiment. «C’est ainsi que j’ai fondé Colorix en 2005. Depuis, nous n’avons cessé de perfectionner nos produits et avons développé des applications iPhone permettant de visualiser instantanément un bâtiment avec de nouvelles couleurs.»
ÉCONOMIE
Une bureaucratie obsessionnelle
La pauvreté mesurée au dixième près
francs, un chiffre lui aussi conséquent mais qui ne prend pas en compte tous les domaines étudiés par l’USAM.
Les travailleurs sociaux s’intéressent aux statistiques sociales suisses. Mais leur activité ne saurait se réduire à cette approche quantitative.
«Il n’en reste pas moins que, proportionnellement au chiffre d’affaires, la charge administrative est plus élevée pour les petites entreprises que pour les grandes. C’est une constante qui se vérifie dans les différents secteurs et dans les autres pays, et peut expliquer le discours des PME, qui sont confrontées à une multitude de règles sans avoir les ressources en personnel pour cela», admet le Seco. Ces dernières années, des dizaines de mesures ont été mises en place pour simplifier la charge administrative des entreprises; parmi elles, l’allègement de la réglementation de la TVA et un encouragement à la cyber-administration, notamment par le biais du «Portail PME». Les cantons sont aussi priés de mettre la main à la pâte.
TEXTE
| Geneviève Ruiz
En 2010, ce sont très précisément 231’046 personnes, soit 3,0% de la population suisse, qui ont recouru à l’aide sociale pour couvrir leurs besoins vitaux. La proportion de personnes aidées a reculé de 2,7% dans les villes de plus de 100’000 habitants, par rapport à l’année précédente. Les baisses les plus marquantes concernent Bâle (de 6,4 à 6,0%) et Zurich (de 5,2 à 4,9%). Ces résultats, publiés en décembre 2011, font partie de la titanesque statistique de l’aide sociale suisse. «Cette statistique a été établie et exploitée pour la première fois dans tous les cantons en 2009, explique Fabrice Gouzi, chef suppléant de la section Aide sociale à l’Office fédéral de la statistique (OFS). Elle porte sur les bénéficiaires et renseigne sur l’effectif et la structure de ces derniers, leur situation, le type et l’ampleur des prestations dont ils bénéficient, ainsi que la dynamique du recours à l’aide sociale.»
Quid de l’initiative du PLR? A l’heure où nous mettons sous presse (fin avril), le texte a tout juste récolté les 100’000 signatures nécessaires, mais doit encore attendre une validation définitive avant d’être soumis à une votation populaire. En raison d’un thème pas très sexy? Marco Taddei l’admet, «un tel sujet n’a effectivement pas de quoi susciter l’enthousiasme du citoyen lambda.»
Une trentaine de personnes contribuent à élaborer ces données, qui cherchent à cerner la société suisse au dixième près. Elles comprennent également des analyses de la situation financière des ménages, des revenus aux niveaux macro et microéconomique, de l’évolution de la situation économique et sociale des classes moyennes et de la pauvreté, de la prévoyance vieillesse et du système de la protection sociale. «Davantage que dans les autres domaines, les statistiques sociales déclenchent un vif intérêt politique et médiatique, observe Fabrice Gouzi. Elles touchent des thèmes délicats comme la rémunération, la santé ou la criminalité.» Si le public s’intéresse à ces chiffres précis sur la société suisse, les travailleurs sociaux y sont également liés. «Peu dans leur travail quotidien, note Jean-Pierre Tabin, professeur à la Haute
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En mars 2012, l’OFS estime que la part de la population exposée au risque de pauvreté atteint 7,6%.
ÉCONOMIE
La pauvreté mesurée au dixième près
Ecole de travail social et de la santé – EESP – Lausanne. Mais ces statistiques définissent l’agenda politique, qui impose des priorités et des objectifs aux travailleuses et aux travailleurs sociaux. Ces données structurent donc toute l’action sociale. Mais il est faux de prétendre qu’on fait dire aux statistiques ce que l’on veut. Celles-ci sont basées sur des méthodes rigoureuses et précises. Même si elles répondent toujours à des questions articulées en fonction de catégories socialement et politiquement construites.» Des catégories souvent utilisées dans les statistiques suisses, comme les étrangers ou les chômeurs, sont en effet basées sur des a priori. «Dans la catégorie des non-Suisses, on trouve des personnes dont la famille est établie en Suisse depuis plusieurs générations, tout comme des personnes qui viennent d’arriver dans ce pays, explique Jean-Pierre Tabin. Et dans la catégorie Suisse, on trouve des personnes nées et socialisées en Suisse, des personnes nées et socialisées ailleurs ou encore des personnes nées ailleurs et socialisées en Suisse.» Quant aux chômeurs, le Secrétariat d’Etat à l’économie considère qu’il s’agit des personnes inscrites dans un Office régional de placement (ORP) et immédiatement disponibles pour un emploi. De nombreuses personnes qui cherchent un travail ne sont pourtant pas inscrites dans un ORP ou ne sont pas immédiatement disponibles pour un emploi. «Les catégories bornent l’espace du pensable, ajoute JeanPierre Tabin. Sans qu’on ait besoin d’en dire davantage, relever l’âge, le genre ou la nationalité, c’est déjà fournir une explication: ce serait parce qu’une personne est jeune, femme, ou de nationalité étrangère qu’elle a plus de risques de se trouver à l’aide sociale.»
pour la planification des services. Il existe cependant une tendance à tout vouloir chiffrer et des pressions pour considérer comme sérieux seulement ce qui doit être comptabilisé. Or, ce n’est pas parce qu’on mesure un phénomène que l’on aura une meilleure compréhension de celui-ci ou que l’on interviendra de manière plus appropriée.»
Les statistiques restent malgré tout utiles aux travailleurs sociaux, «mais à condition de définir clairement ce qu’on cherche à chiffrer et pour quelles raisons, considère Claudio Bolzman, professeur à la Haute Ecole de travail social de Genève. Disposer de données sur le nombre de personnes considérées comme pauvres, sur les bénéficiaires de l’aide sociale, des prestations complémentaires de l’AVS ou de l’AI, est capital pour l’analyse des processus sociaux ou
Pour le sociologue il est en effet inconcevable de réduire le travail social à ce qui est mesurable: «Comment calculer les effets de l’écoute empathique, du geste de reconnaissance ou du temps passé à accompagner une personne en souffrance? Les statistiques peuvent amener des effets pervers. Par exemple, lorsque tout ce qui n’est pas mesuré devient dévalorisé. Cela peut rendre invisible une partie fondamentale du travail social.»
Pour le sociologue Jean-Pierre Tabin, les catégories utilisées pour produire des statistiques sont basées sur des a priori. Relever l’âge, le genre ou la nationalité, c’est déjà fournir une explication.
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PORTRAITS
Un rapport individualisé à la précision Valeur professionnelle par excellence, la précision se décline de mille et une manières si l’on est comptable, physicien, historienne des religions ou escrimeuse. Portraits de personnalités en détail. TEXTE
Ali Eichenberger, 45 ans, physicien à l’Office fédérale de métrologie
| Geneviève Ruiz et Emilie Veillon
«Je ne peux rien laisser au hasard» Collaborateur scientifique à l’office fédéral de métrologie, Ali Eichenberger poursuit un projet de recherche qui pourrait bien révolutionner la mesure du kilogramme. Jusqu’à présent, ce dernier était défini selon un cylindre métallique déposé à Paris, au Bureau international des poids et mesures. «Nous essayons de passer à une définition basée sur les constantes de la nature, via les unités électriques fournies par la physique quantique. De la même manière que la définition du mètre basée sur la vitesse de la lumière dans le vide a remplacé le mètre étalon, cela permettrait de réaliser l’unité de masse partout dans le
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monde et en même temps», détaille le physicien. Dans cette quête des mesures, le moindre détail doit être soigné pour atteindre une précision de 1 part dans 108. «C’est comme s’il fallait mesurer la hauteur d’une tour de feuille de papier de 10 km avec un droit d’erreur correspondant à l’épaisseur d’une seule feuille», donne à imaginer le spécialiste. Si les chiffres derrière la virgule sont difficiles à se représenter pour l’individu lambda, Ali Eichenberger les visualise en un éclair de pensée. Pas étonnant qu’il aime arriver toujours à l’heure et cuisine au gramme près. «Je ne peux rien laisser au hasard, car un jour ou l’autre c’est ce détail qui va limiter la précision de la mesure», reconnaît le chercheur.
PORTRAITS
Un rapport individualisé à la précision
Pierre-Yves Schmid, 43 ans, directeur du salon de la haute précision «La précision, c’est la recherche de la perfection» Pour la première fois en mai 2012, les professionnels des microtechnologies et de la haute précision, issus de l’horlogerie-joaillerie ainsi que des technologies médicales et électrotechniques, ont été réunis dans les halles de Beaulieu à Lausanne. Dirigé par Pierre-Yves Schmid, le salon de la haute précision Lausannetec se voulait une plateforme de visibilité des meilleures nouveautés disponibles sur le marché. Les 150 exposants, allant des fournisseurs aux sous-traitants, en passant par les développeurs de
matériaux, composants ou appareils de mesure et de contrôle, ont rivalisé d’exactitude. «Tous les participants du salon sont concernés par la précision, analyse l’organisateur, à qui il a aussi fallu une bonne dose de minutie pour mettre en place un événement d’une telle envergure en douze mois seulement. L’amour du travail bien fait et la recherche de la perfection s’observent à tous les niveaux. En finalité, elle est la même pour tous. Même si son application possède des enjeux différents: la précision d’une montre et celle d’appareil médical ou électrotechnique ont d’autres conséquences pratiques.»
Tiffany Géroudet, 25 ans, championne européenne d’escrime «Lorsqu’on est imprécis, c’est la défaite» L’escrimeuse valaisanne Tiffany Géroudet a un emploi du temps minuté. Nous l’avons rencontrée entre ses cours de technologie du vivant à la HES-SO Valais Wallis de Sion et ses entraînement de préparation pour les Jeux olympiques. Mais la précision temporelle – qu’elle considère comme un sacrifice – n’est pas celle qui intéresse le plus la jeune femme. La passion de l’escrime l’anime depuis l’âge de 5 ans. A son palmarès, un titre de championne du monde junior en 2006 et un autre de championne d’Europe en 2011. «Il faut répéter les mêmes actions inlassablement pour atteindre un bon niveau de précision dans les gestes. Nous ne touchons l’adversaire qu’avec la pointe de l’épée et sur des cibles aussi petites que les pieds. Il faut donc intégrer l’exactitude dans tous ses réflexes et jusqu’au bout de ses doigts.» Tiffany Géroudet explique que la stratégie de l’escrimeur doit être minutieuse: «Il faut analyser très rapidement la situation et réagir au quart de tour pour exploiter les faiblesses ou les déséquilibres de l’adversaire.» Pour l’athlète, l’imprécision est synonyme d’échec: «Il y a des jours où tout passe à côté, où «on n’a pas la pointe». On est soit trop près, soit trop loin. Lorsqu’on est imprécis, c’est la défaite.»
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PORTRAITS
Un rapport individualisé à la précision
Florence Pasche Guignard, 31 ans, historienne des religions «Etudier les religions exige une grande précision» La première chose qu’évoque la précision à Florence Pasche Guignard, historienne des religions assistante à l’Université de Fribourg, c’est la rigueur scientifique. «Nous ne recherchons pas des atomes. Mais nous nous trouvons face à des actions humaines et à des productions culturelles qui exigent qu’on les décrypte avec une grande précision. Cette rigueur commence par nous-mêmes pour éviter un point de vue ethnocentré. Et une minutie dans l’analyse des données: on ne travaille pas un texte religieux traduit, il faut connaître sa langue originelle dans les moindres détails pour en tirer quelque chose de solide.» Spécialiste de l’hindouisme et des religions grecques antiques, la jeune femme observe dans certains textes une précision remarquable dans la description des dieux et de leurs attributs. Les rituels, comme le mariage, sont également marqués par une succession de gestes minutieux. «Chaque élément a sa place. Mais cela ne signifie pas que ces rites n’évoluent pas avec le temps: les gens ont une marge d’interprétation.» En Occident également, sous couvert d’hétérogénéité, la chercheuse observe des comportements codés lors des célébrations rituelles comme la naissance ou le mariage. «On choisit son partenaire, mais le déroulement de la cérémonie comporte de nombreuses étapes précises, que cela soit
conscient ou non.» Florence Pasche Guignard note encore que «pour le grand public, la religion est souvent associée à des notions floues, qui donnent lieu à des débats polarisés. C’est parce que des termes comme «musulman» ou «chrétien», pris dans leur ensemble, sont très imprécis. Ils ne tiennent pas compte de l’histoire des différents groupes et individus, de leur évolution temporelle et biographique particulière.»
Christophe Boy, 44 ans, président de l’Ordre vaudois de la chambre fiduciaire «Dans certains cas, on ne peut pas calculer un chiffre absolu» La précision constitue un prérequis dans l’image que le public se fait de la profession d’expert-comptable. Mais pour être le meilleur analyste, il faut aussi du pragmatisme et un bon jugement professionnel, selon Christophe Boy, président de l’Ordre vaudois de la chambre fiduciaire et directeur de Multi fiduciaire Léman. «Dans certains cas, on ne peut pas calculer un chiffre absolu. Il faut alors estimer un montant au plus juste en interprétant des données qui sont issues d’interprétations», relève-t-il. Hormis ces situations
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exceptionnelles, la démarche professionnelle obéit à une rigueur systématique. La précision des calculs se fait au centime près. A force d’éplucher les comptes d’entreprises et de particuliers, l’expert accorde tout autant d’importance à l’exactitude des nombres dans sa vie privée. Il calcule et planifie tout sous forme de budgets. «Cela ne veut pas dire que je suis avare. J’ai simplement en tête certaines dépenses auxquelles tout le monde ne pense pas, tels les coûts induits par l’achat d’une voiture ou les intérêts débiteurs élevés des crédits de consommation», confirme le spécialiste, tout en admettant qu’il ne collectionne pas les calculatrices et n’est pas un surdoué du calcul mental, Excel étant à ce jour le meilleur outil pour s’approcher du chiffre vrai.
TYPOGRAPHIE
Au pays de la rigueur graphique Le style suisse a longtemps été considéré comme un modèle par les designers américains et européens. Après un passage à vide, cette approche moderniste revient en force. Analyse d’un phénomène avec François Rappo1. INTERVIEW |
Pierre Grosjean
François Rappo a pris l’habitude d’observer la signalétique, même dans les forêts et les montagnes les plus reculées. «Récemment, je suis allé faire du vélo du côté du Sanetsch et j’ai été étonné par ces panneaux qui mentionnent les arrêts des cars postaux, raconte-t-il. Ils sont mieux entretenus que ceux qu’on trouve au centre-ville, alors qu’ils signalent des endroits perdus en pleine nature, de vagues lieux-dits. Leurs noms n’avaient peut-être même jamais été écrits avant d’être appliqués sur ces plaques de métal, qui respectent scrupuleusement la typographie d’Adrian Frutiger utilisée par les services postaux. Un soin du détail typiquement suisse! Aucun pays au monde n’organise son territoire avec une telle minutie.» Professeur de typographie et responsable du master en art direction à l’ECAL, François Rappo est bien placé pour parler du Swiss style, ce savoir-faire dont la rigueur a placé le pays à l’avant-garde du graphisme après la Seconde Guerre mondiale. Il l’enseigne avec passion à ses étudiants, convaincu que cette approche systématique, développée à l’âge du plomb, 1
Professeur de typographie à ECAL/Haute école d’art et de design Lausanne.
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TYPOGRAPHIE
Rencontre avec François Rappo
bus ont soutenu l’exposition de Max Bill, Die Gute Form, en 1949. Autre exemple, le fabricant de montres Zenith a été une des premières marques au monde à développer une identité visuelle cohérente.
garde tout son sens à l’heure du design interactif des visualisations numériques. Le style graphique suisse s’est fait connaître dans le monde entier pour sa précision. Comment a-t-il acquis cette réputation? Pendant la dernière guerre, la Suisse a bénéficié de son statut d’îlot protégé, un îlot où le modernisme s’est poursuivi alors que l’Europe s’effondrait, ce qui lui a permis d’acquérir une haute culture des techniques et du savoir-faire. Des typographes qui fuyaient leurs pays sont venus s’y réfugier pour continuer leurs recherches, si bien qu’en 1945, le graphisme suisse avait de l’avance sur celui des pays voisins. Le même phénomène s’était produit au XVIe siècle, quand des maîtres typographes comme Robert Estienne avaient été accueillis dans la Genève protestante. Dans les deux cas, le contexte politique de l’Europe a entraîné une concentration de compétences en Suisse.
Et les institutions publiques? Elles ont investi des efforts importants dans la signalétique, à l’image des CFF, qui ont mandaté Josef Müller-Brockmann pour leur communication visuelle. La Suisse a pu se permettre de dépenser beaucoup d’argent pour perfectionner son design. Résultat: nous avons aujourd’hui, dans notre environnement visuel, une cohérence graphique comme peu de pays au monde. Ce savoir-faire se retrouve dans les entreprises. Exemple, quand la Coop a changé de logo en 2001, tout a été remplacé en deux semaines! La tradition moderniste est-elle surtout liée à la culture alémanique? Au milieu du XXe siècle, les professionnels romands développaient plutôt un artisanat d’art, ce qui a créé des scissions au sein du Werkbund. Les Alémaniques, eux, s’investissaient à fond dans le modernisme. Ils étaient formés dans les écoles spécialisées, où de fortes personnalités comme Johannes Itten assuraient la transmission du savoir. Le professeur Hans Finsler, par exemple, a joué un rôle déterminant à Zurich en intégrant la photo dans les courts d’arts graphiques. Quant à l’Ecole de design de Bâle, elle a développé avec Emil Ruder une approche pédagogique de haut niveau. Tout cela était très organisé. Ce n’est que vers les années 1960 que la Romandie a fait sa mise à jour, notamment avec l’Exposition nationale de 1964.
Quelle était la particularité de ce graphisme suisse? Alors que dans les pays voisins, la culture graphique était essentiellement centrée sur le livre, les Suisses ont déployé beaucoup d’efforts pour l’étendre à d’autres domaines, notamment aux techniques industrielles et aux arts plastiques. Des personnalités très polyvalentes, Max Bill, Richard Paul Lohse et d’autres, ont créé des liens entre le graphisme, l’art, l’architecture, le design de lampes, de meubles, etc. Ces domaines se sont enrichis mutuellement. Dans le même temps, des associations comme le Werkbund se sont constituées avec toujours le même but: la promotion de la qualité. C’est grâce à ces liens et à cet objectif commun que le style suisse a acquis une identité forte.
Cette scène graphique était-elle homogène? Non, elle était souvent traversée par des controverses. La plus spectaculaire a opposé Max Bill à Jan Tschichold. Le premier poursuivait une approche moderne et généraliste du design alors que le second, davantage lié à l’univers du livre, était revenu à un certain classicisme. Ces deux figures s’affrontaient au travers de textes très virulents dans les revues spécialisées. Leur débat a enrichi la culture typographique du pays, en obligeant les professionnels à se positionner et à imaginer de nouvelles synthèses.
Les entreprises ont-elles joué un rôle dans ce développement? Oui, car elles devaient rivaliser avec les géants industriels des pays voisins. La qualité du design graphique a constitué pour elles un élément différenciateur: elles ont développé des stratégies de communication visuelle très cohérentes, jusqu’au packaging, aux brochures, à la signalétique, etc. Ce qui a créé une forte demande en graphisme. Les entreprises s’impliquaient dans des projets de design: les magasins Glo-
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TYPOGRAPHIE
Rencontre avec François Rappo
Le typographe François Rappo explique le succès de la police Helvetica par sa polyvalence et son objectivité, qui lui permettent d’être efficace dans une infinité de contextes différents.
Le style suisse est lié à l’usage des caractères sans serif, en forme de bâtons, comme le célèbre Helvetica. Ces caractères sont appelés grotesk en Allemagne et même gothic aux Etats-Unis. Pourquoi des adjectifs aussi bizarres pour un style qui se veut si précis? Les Français appelaient cette famille de caractères les «antiques», ce qui me paraît beaucoup plus logique, car son apparition est directement liée à celle du néoclassicisme en architecture à la fin du XVIIIe siècle. On y retrouve l’idée du temple grec et du primitivisme. Au XXe siècle, les graphistes modernes, qui voulaient éviter les ornements, ont plébiscité ces caractères sans empattements, notamment
l’Akzidenz-Grotesk, qui a été énormément utilisé, et dont beaucoup de caractéristiques se retrouvent dans l’Helvetica. Vos recherches ont permis de rétablir la vérité sur l’origine de cette famille de caractères. Dans quel contexte? Une légende laissait entendre que l’AkzidenzGrotesk avait été créé par la maison allemande Berthold, qui l’avait commercialisé en 1896. Or en lisant une interview du dernier directeur artistique de cette entreprise, j’ai appris que le caractère provenait en fait d’une fonderie moins connue, la Königliche Giesserei, de Ferdinand Theinhardt, que Berthold avait rachetée. L’origine de ce fameux caractère, qui
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s’appelait à l’origine Royal Grotesk, était donc plus ancienne que ce que l’on croyait. Qui était Ferdinand Theinhardt? Une typographe d’une ouverture extraordinaire, qui avait créé les hiéroglyphes typographiques allemands avec Richard Lepsius, l’«inventeur» du Livre des morts, ainsi que le premier sanskrit typographique. Le fait de découvrir que l’Akzidenz-Grotesk provenait de la fonderie d’un personnage comme lui changeait radicalement l’image que l’on pouvait se faire de cette famille de caractères, et de l’univers culturel dans lequel elle est née.
Quatre dessins apparemment semblables, mais différents à l’échelle micrographique
La police Helvetica partage donc un peu de cet ADN. Elle fait aujourd’hui l’objet d’un vrai culte. Plusieurs livres et un documentaire lui ont été consacrés. Comment expliquez-vous ce succès? Cette typographie a une espèce de polyvalence qui lui permet d’être efficace dans une infinité de contextes différents. Je ne parlerais pas de «neutralité», car ce terme a été utilisé de manière péjorative par les post-modernistes. Je préfère celui d’«objectivité».
Terminaison des courbes radiales, dessin linéaire avec un empattement courbe, Theinhardt Grotesk (Fonderie Ferdinand Theinhardt vers 1880, version digitale développée par François Rappo, Fonderie Optimo 2007) Inflexion encore calligraphique du trait diagonal, tracé linéaire, Akzidenz-Grotesk (Fonderie Theinhardt vers 1880 puis Fonderie Berthold)
Pour sa nouvelle maquette, qui a été très remarquée, le magazine Bloomberg Businessweek l’a adoptée dans sa version originelle de 1957. Un choix de puriste… Cette nouvelle popularité de l’Helvetica est significative. Le style suisse avait connu un immense succès dans les années 1950 et 1960; il était enseigné dans les écoles américaines, c’était l’époque où Massimo Vignelli pouvait travailler à la fois pour le Piccolo Teatro de Milan et pour le métro de New York. Et puis, ce style est passé de mode. Il a été très critiqué, d’abord par le mouvement pop, puis par les post-modernistes. Il a dû s’adapter mais il a conservé ses fondements, sa rigueur. C’est sans doute cette rigueur que recherchent aujourd’hui les jeunes graphistes. J’y vois un effet de la crise des subprimes, un besoin de reconstruire quelque chose sur un cadre stable, tout en s’ouvrant à la versatilité extraordinaire des modes de communication actuels. Back to basics, en quelque sorte.
Liaison organique et dynamique des différentes courbes, Helvetica (Max Miedinger, Fonderie Haas 1957, version digitale 2009) Une simplification générique des caractéristiques précédentes pour la fonte Arial (Monotype 1982)
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Theinhardt Grotesk
Akzidenz-Grotesk
Helvetica
Arial
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PHOTOGRAPHIE
La nostalgie du cliché raté La mode est au rétro, y compris en photo. Faux polaroïds et prises de vue sépia remplissent les magazines de mode et les albums des jeunes urbains. D’où vient cette envie d’images retouchées? TEXTE
| Benjamin Bollmann
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PHOTOGRAPHIE
La nostalgie du cliché raté
les gens essaient en quelque sorte d’intégrer de la poésie et du lyrisme dans leurs photos.»
Jaunie, les coins noircis, la photo évoque un toast grillé. C’est pourtant un iPhone tout neuf qui l’a générée. L’application Instagram permet de retoucher ses clichés. Entrée de lumière, halo de flou, couleur sépia, coupe au carré: une fois ces effets appliqués, les images ressemblent à de vieux polaroïds ratés.
Le pouvoir du flou
L’art contemporain, terrain d’expérimentation, s’est aventuré dans l’imprécision bien avant l’apparition des filtres vieillissants – et en a déduit certaines leçons. Le photographe allemand Thomas Ruff a produit des grands tirages d’images hautement compressées au format JPEG. Vues de loin, ces photos semblent normales. Or, au fur et à mesure que le spectateur s’en rapproche, elles se transforment en amas de pixels méconnaissables. Une fois devant, il ne remarque plus que les approximations de l’algorithme de compression. Dans une autre série datant de 2003, Thomas Ruff exploite le potentiel de transformation du flou. Son sujet: la pornographie sur internet, caractérisée par des gros plans impersonnels, à l’éclairage quasi clinique. L’artiste montre comment le simple fait de rendre floues ces images peut changer leur sens; les faire évoquer davantage un rêve, un fantasme, qu’une orgie en haute définition.
Le paradoxe est frappant: l’imagerie approximative d’antan connaît un énorme succès, à l’heure même où les appareils photo n’ont jamais été aussi précis et performants. Facebook n’a pas hésité à débourser 1milliard de dollars pour s’offrir lnstagram, la petite startup de 13 employés. Moins de deux ans après son lancement, l’application a déjà attiré près de 30 millions d’utilisateurs, qui chaque jour vieillissent artificiellement et partagent plus de 5 millions de clichés. Son concurrent Hipstamatic, qui simule les prises de vue de vieux appareils en plastique, revendique 4 millions de téléchargements. «Ces applications font appel aux codes visuels de nos anciens albums de famille, analyse le photographe Mathieu Bernard-Raymond, qui enseigne à l’Ecole supérieure d’arts appliqués de Vevey. Leurs photos renvoient au côté rassurant de l’enfance et des grands-parents. Elles évoquent aussi le sentiment d’insouciance et de liberté des années 1970.» En somme, il suffit d’un clic pour que n’importe quelle image gagne en valeur sentimentale et nostalgique.
Dans un registre plus élégant, Hiroshi Sugimoto, photographe japonais connu pour son extrême méticulosité technique, a capturé des images floues d’emblèmes de l’architecture moderne, des œuvres de Peter Zumthor, Le Corbusier ou encore Luis Barragán. «Ici le flou apporte une information supplémentaire, estime Pierre Fantys. Il nous fait découvrir la ligne générale du bâtiment. Le détail peut parfois parasiter la vision.»
En toile de fond, ce mouvement s’appuie sur la démocratisation des appareils numériques et des smartphones, poursuit Mathieu BernardRaymond: «A l’époque de la pellicule, chaque photo était comptée. Aujourd’hui, tout le monde a accès à des appareils haute définition, avec un nombre illimité de clichés à disposition. Du coup, les gens se mettent à expérimenter, notamment avec des effets visuels. La pratique s’est vraiment décomplexée.» Pierre Fantys, professeur à l’ECAL/Haute école d’art et de design Lausanne et directeur de l’Ecole romande d’arts et communication (Eracom), observe également l’arrivée en force de logiciels de traitement d’image conçus pour «ramener de l’âme» aux clichés digitaux: «En rendant les images floues et en utilisant des effets imprécis,
L’idée est en réalité très ancienne. Au XIXe siècle, Eugène Delacroix, illustre peintre français et représentant majeur de l’école du romantisme, emploie des photographies de femmes nues comme modèles préparatoires pour ses dessins et ses tableaux. En 1859, irrité par la précision des clichés commerciaux de l’époque, il écrit dans son journal: «Les photographies qui saisissent davantage sont celles où l’imperfection même du procédé laisse certaines lacunes, certains repos pour l’œil.» Il demande alors à son photographe d’accentuer le flou des tirages, une manière de stimuler son imagination. Une fois sur la toile, les femmes apparaissent drapées et ornées de divers accessoires.
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La nostalgie du cliché raté
Au début du XXe siècle, le concept incarne même un courant esthétique appelé «pictorialisme». En 1888, l’industriel américain George Eastman dévoile le tout premier appareil photo à pellicule destiné au grand public, sous la marque Kodak (une entreprise aujourd’hui au bord de la faillite). Son slogan: You press the button, we do the rest. Cette vague de démocratisation pousse les professionnels à vouloir se démarquer des amateurs, et à donner à leur photographie le statut d’œuvre d’art, au même titre que la peinture. «Les pictorialistes se sont mis à manipuler leurs négatifs, explique Pierre Fantys. Ils faisaient appel à toutes sortes d’effets vaporeux.» Leur marque de fabrique: des contours flous et les tonalités estompées, non sans rappeler l’esthétique d’Instagram. Ils introduisent des encres de couleurs autres que le noir et blanc. Certains illuminés donnent même des coups de pinceau à leurs clichés. Tous s’accordent sur une idée: une photo doit transmettre une émotion plutôt qu’une reproduction fidèle de la réalité.
Photo, reflet d’une réalité brute? Dans les années 1970, l’artiste japonais Hiroshi Sugimoto s’intéresse à l’hypothèse culturelle selon laquelle la photographie témoigne toujours d’une vérité. Il présente alors des clichés d’animaux empaillés pris dans des musées d’histoire naturelle. A première vue, le spectateur est piégé: il croit qu’il s’agit d’animaux vivants. Or, lorsqu’il regarde l’image avec attention, il se rend compte du leurre: les bêtes se trouvent trop proches de l’objectif, l’image est trop détaillée. Typiquement, les photos animalières sont capturées de loin et, contrairement à ces œuvres, possèdent un fond flou. Les artistes zurichois Taiyo Onorato et Nico Krebs questionnent eux aussi l’idée du réalisme en photographie. (Sur leur site web, la page donnant leurs coordonnées comporte une image de deux jeunes employés de commerce en costume. S’agit-il vraiment d’eux?) En 2009, les photographes publient un livre comportant des images de la campagne américaine prises lors de différents road-trips. L’ouvrage mélange des photographies construites et des montages avec des clichés laissés intacts. «La présence des photos manipulées induit le spectateur à se demander si les autres ne sont pas elles aussi truquées, explique Nico Krebs. Cela le pousse à questionner la réalité.»
The Great Unreal
Cette imperfection volontaire disparaît dès les années 1920, époque où l’esthétique industrielle s’impose dans l’art et l’architecture. La photographie se tourne alors vers la quête de l’objectivité et de la perfection technique. «Les artistes de cette période recherchent des images à caractère documentaire, dénuées d’expressivité», explique le professeur de l’ECAL. Un mouvement prend racine à Düsseldorf en Allemagne, où Bernd et Hilla Becher enseignent la photographie. Le couple se fait connaître pour ses captures d’installations industrielles, toutes similaires, neutres, cataloguées selon un rituel rigoureux. «Cette prétendue objectivité est une imposture totale, conteste Pierre Fantys. Ce n’est qu’une signature. L’objectivité n’existe pas en photographie. Une prise de vue, aussi nette soit-elle, implique des choix comme le cadrage et l’instant précis. Il s’agit toujours d’une distorsion, puisqu’on projette sur un papier ou un écran des objets réels en trois dimensions.» Avec leurs clichés éloignés de la réalité, les adeptes d’Instagram semblent bien l’avoir assimilé.
Photographies par Taiyo Onorato et Nico Krebs. Editions Patrick Frey, 2009.
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L’artiste contemporain allemand Thomas Ruff a volontairement pixelisé cette photo de forêt à l’aide d’un algorithme de compression JPEG. Le tirage original fait plus de 2 m de hauteur.
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MUSIQUE
Le son de l’imprécision Au cours du XXe siècle, l’électroacoustique, la musique spectrale et les autres formes d’avant-garde ont fait évoluer la notation musicale, ajoutant des zones d’imprécision dans un système qui devenait toujours plus riche en détail. TEXTE
| Sylvain Menétrey
de musique de Genève – HEM. On arrive ainsi jusqu’aux exigeants Ligeti et surtout Ferneyhough qui ont poussé la notation au-delà du jouable.
Les partitions de Brian Ferneyhough ou de György Ligeti sont susceptibles de causer des maux de tête. Les pages sont noires de notations. A chaque note correspondent plusieurs étages de nuances et de rythmes quasiment impossibles à lire. «On atteint avec eux un point culminant, l’écriture est tellement poussée que la pièce devient injouable», commente le compositeur genevois Rainer Bösch.
Composées vers 1970, les œuvres de Brian Ferneyhough n’avaient pas pour but de brimer les musiciens. «A 50 ans, Ferneyhough a réinventé la virtuosité instrumentale. La difficulté phénoménale de la notation conduit le musicien à l’énergie d’une intense improvisation où chaque détail serait proposé directement», commente le compositeur Jonathan Harvey dans son introduction à l’œuvre du compositeur anglais. L’exigence des pièces de Ferneyhough comme son Quatuor à cordes no 2 est telle que les musiciens n’ont d’autre choix que d’inventer des parades, et de véritablement interpréter la partition. Au prix d’un effort quasi surhumain, l’instrumentiste touche à une forme de liberté. «Richard Strauss avait le même discours. Lorsqu’on lui objectait qu’on ne pouvait pas jouer ce qu’il écrivait, il répondait qu’il écrivait non pas comment cela devait se jouer, mais comme cela devait sonner», indique Rainer Bösch.
Apparue au IXe siècle, lorsque les moines, qui avaient alors l’habitude de se transmettre les chants liturgiques oralement, ont été forcés par la multiplication des mélodies de se faire des pense-bêtes, la notation musicale n’a cessé de se raffiner. Les religieux ont d’abord créé les neumes, un système qui donne une idée d’accentuation des syllabes et de ligne mélodique, mais pas de hauteur. Deux siècles plus tard, les premiers éléments de solfège apparaissent avec Guido d’Arezzo à qui l’on doit la notation de hauteurs sur les portées. Cette méthode de composition, d’enregistrement et de transmission des œuvres s’impose définitivement à la Renaissance. Au fil des siècles, de Haendel à Mozart, les zones d’imprécision se réduisent. «Cette évolution va de pair avec la séparation des métiers de compositeur et de musicien. Leur spécialisation respective a permis d’aller vers plus de complexité», analyse Rémy Campos, responsable de la recherche à la Haute Ecole
En apparence aux antipodes de cette écriture surcodée, la notation graphique, qu’on a vu apparaître dans l’après-guerre, participe d’une même remise en question de l’écrit. Tout en utilisant des moyens opposés, les deux phéno-
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Le musicologue Rémy Campos explique que la sophistication de la notation musicale au fil des siècles va de pair avec la séparation des métiers de compositeur et de musicien.
MUSIQUE
Le son de l’imprécision
Le musicien de jazz Earle Brown est l’un des premiers à se poser la question de l’écrit en musique. Ses partitions se présentent comme une série de segments verticaux ou horizontaux, de longueurs et d’épaisseurs variables. Elles donnent des informations minimales à l’interprète: un canevas rythmique ou une intensité.
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MUSIQUE
Le son de l’imprécision
mènes participent de ce que le compositeur français Fabien Lévy définit comme «la crise de la graphémologie traditionnelle» dans sa thèse Complexité grammatologique et complexité aperceptive en musique. La série des Folio d’Earle Brown est l’une des premières occurrences de notation graphique. Musicien de jazz, donc familier de l’improvisation, Earle Brown s’est posé la question de l’écrit et de la dose d’informations à fournir à un instrumentiste. Cette réflexion se matérialise sous la forme de October 52, November 52 et December 52 (les Folio), des pièces musicales affectées par des absences comme l’élision des clefs, puis la suppression des portées; diverses opérations qui rendent l’interprétation plus aléatoire. Earle Brown va jusqu’au bout de sa logique avec December 52, une œuvre qui se présente graphiquement comme une série de segments verticaux ou horizontaux de longueurs et d’épaisseurs variables. Le compositeur américain dit avoir été marqué par la spontanéité de la peinture de Jackson Pollock. Sa musique pourrait être rapprochée de l’expressionnisme abstrait. Le travail d’interprétation consiste à improviser tout en respectant les informations minimales données par la partition, qui posent un canevas rythmique, indiquent des hauteurs, ou une intensité.
sique, puisqu’ils la créaient en direct», explique Rainer Bösch.
Certains travaux de Karlheinz Stockhausen laissent une marge d’interprétation plus grande encore. Ecrites en mai 1968, les pièces réunies sous le titre Aus den sieben Tagen (Des sept jours) n’affichent plus de signes traditionnels, mais se présentent sous forme de textes. Le premier de cette série de 15 pièces, Richtige Dauern (Bonne Durée), ressemble à un hybride de poème à tendance méditative. Stockhausen demande à son lecteur-interprète de jouer un son aussi longtemps qu’il en ressent la nécessité, de jouer lorsqu’il a des auditeurs ou encore de ne pas répéter. On est alors proche des protocoles de performances d’art contemporain. Cette liberté d’exécution ne va pas sans créer un débat. «Pour l’Exposition universelle d’Osaka en 1970, où il a fait construire la première salle de concert sphérique, Stockhausen touche un million de droits d’auteur. L’importance de la somme a nourri des jalousies chez les musiciens qui se sentaient davantage auteurs de la mu-
L’invention de la bande magnétique, l’arrivée de genres musicaux atonaux, la découverte de musiques extra-européennes, la montée en puissance du son, sont autant de phénomènes qui ont convergé au XXe siècle pour saper l’autorité de la notation musicale et promulguer un retour de l’oral et de l’improvisation. «On n’est plus tributaire du solfège. On parle aujourd’hui de matériau concret. La démarche est à l’inverse de ce qu’on a connu dans les siècles passés, avec une part d’improvisation, un geste qui va vers l’oreille», acquiesce Nicolas Sordet, professeur d’informatique musicale à la Haute Ecole de musique de Genève – HEM. D’une grammaire rigide, la notation musicale s’est reconfigurée en une multitude de langages, chaque compositeur développant sa propre écriture. Cet éclatement a conduit à une radicalisation, avec des compositeurs qui vont jusqu’à indiquer des éléments extra-musicaux comme la qualité de l’acoustique et de l’improvisation.
L’arrivée de l’électronique, employée la première fois par Pierre Schaeffer en 1948 lorsqu’il transcrit des éléments de composition sur bande magnétique, joue un rôle central dans l’évolution de la notation musicale. L’électroacoustique entérine le passage de la note au son. Or un son, cela ne s’écrit plus. Rainer Bösch présente en 1968 Désintégration, la première pièce à allier électronique et instruments acoustiques. Alors que les lignes des 12 clarinettes sont écrites d’une manière traditionnelle sur des portées, celle de la bande magnétique consiste en des oscillations. Dans les années 1970-80, la musique spectrale développe ce genre d’écriture en ondes plus proches de l’idée de son. Plus tard, Rainer Bösch compose Schriftzeichen für Kathrin (Idéogrammes pour Kathrin), un concerto où, par moments, il improvise au piano, tandis que l’orchestre écoute avant d’être invité à rejouer la boucle du pianiste. «Au niveau de l’écriture, j’y faisais coexister des éléments écrits et d’autres laissés blancs. Ce qui me préoccupe, c’est d’être le chroniqueur de mon temps et de faire se rencontrer des choses très éloignées pour que les gens se demandent ce que ça vient faire là.»
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PORTFOLIO
Un atelier de bobinage chez Dassym. «Chacun de nos micromoteurs contient une bobine entièrement réalisée chez nous. C’est l’unique moyen d’assurer des pièces parfaitement précises», explique David Voegeli, l’un des fondateurs de de l’entreprise. «Nous avons développé des micromoteurs sans charbon, destinés à l’industrie dentaire. Il s’agit de tous ces instruments que l’on déteste lorsqu’on va chez le dentiste!» L’assemblage de ces micromoteurs capables de résister à de multiples stérilisations et composés de pièces parfois inférieures à 1 mm, se fait occasionnellement sous la loupe.
CHRONOMÉTRIE
A la conquête du temps Le point commun entre la chronométrie marine du XVIIIe siècle et les montres à quartz d’aujourd’hui? La précision du temps… Leur marge d’erreur se situe à moins d’une seconde par jour. TEXTE
| Emilie Veillon
Si les appareils de mesure du temps trouvent leur origine dans l’Egypte ancienne, la première horloge mécanique à pendule ne date que du XVIIe siècle. D’abord munis d’une seule aiguille qui achevait le tour du cadran en 24 heures, ces modèles se sont plus tard enrichis des minutes, puis des secondes, avec l’amélioration des technologies et de la précision.
Les champions de la précision
Le professeur François Goetz raconte qu’au XVIIIe siècle, l’horlogerie a contribué à la découverte et à la cartographie du monde.
«Au XVIIIe siècle, l’horlogerie a gagné en précision et elle a ainsi pu contribuer à la découverte et à la cartographie du monde», raconte François Goetz, professeur à la Haute Ecole Arc (HE-Arc). Les navigateurs savaient depuis longtemps comment mesurer leur latitude, à savoir leur position nord-sud. Par contre, leur longitude, position est-ouest, était plus difficile à estimer. L’enjeu était la mesure du temps: déterminer l’heure locale de l’endroit à situer pour la comparer à l’heure au même instant au port de référence. Des méthodes basées sur des observations astronomiques pour déterminer sa longitude avec précision étaient déjà connues avant 1700, mais elles étaient impraticables sur un bateau en tangage et en roulis. Cette impossibilité de bien connaître sa position a été la cause de naufrages et de décimations par le scorbut d’équipages entiers, perdus en haute
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A l’occasion du 50e anniversaire du Musée de l’horlogerie du Locle en 2009, l’idée de relancer le concours de précision de la chronométrie, tombé en désuétude depuis le succès des montres à quartz, s’est concrétisée par une première édition, puis une seconde en 2011. Plus sévère que ses prédécesseurs des années 1960, le concours teste des montres emboîtées, et non plus uniquement des mouvements, afin de se rapprocher du produit de l’utilisateur. «Les montres subissent trois séries d’épreuves en suivant la norme ISO 3159 qui permet d’obtenir le titre de chronométrie, confirme Yvan Terés, membre du comité d’organisation du concours et responsable des «agressions» appliquées à la HE-Arc. Pendant ces mesures, elles sont exposées à des différences de température. En plus, des agressions semblables à celles de la vie courante, telles que des champs magnétiques et chocs appliqués à l’aide d’un robot, leur sont infligées.» Au final, les performances sont traduites en notes et un lauréat est désigné. «Une bonne montre avec le titre de chronomètre doit avoir une marche moyenne comprise entre -4 et +6 secondes par jour, se réjouit Yvan Terés. Chez certaines marques de haute horlogerie, la précision est un critère marketing fort. Le concours a donc un effet très motivant pour les maîtres horlogers.»
Les chronomètres marins ne datent que du milieu du XVIIIe siècle. Auparavant, les navigateurs possédaient des méthodes moins précises et parfois impraticables sur un bateau, comme celles basées sur les observations astronomiques. Cet extrait de l’Harmonia Macrocosmica d’Andreas Cellarius date de 1660. Il montre les signes du zodiaque et le système solaire avec la Terre en son centre.
CHRONOMÉTRIE
Histoire d’une conquête du temps
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CHRONOMÉTRIE
Histoire d’une conquête du temps
mer. «Les marins naviguaient de nombreuses semaines, voire des mois, donc les erreurs de calculs se cumulaient, commente Yvan Terés, professeur d’horlogerie à la HE-Arc. A titre d’exemple, après soixante jours, une minute d’erreur représente plusieurs kilomètres, puisqu’une seule seconde correspond déjà à 464 m sur l’équateur.» A la suite d’un naufrage survenu en 1707 lors duquel la flotte anglaise perdit le fleuron de sa marine de guerre, la Couronne et le Parlement lancèrent un concours pour récompenser celui qui inventerait une méthode pour déterminer une longitude exacte même en haute mer. Astronomes et horlogers s’attelèrent à la tâche. Les seconds cherchèrent à construire un chronomètre capable d’indiquer l’heure avec une précision de l’ordre de quelques secondes, malgré un voyage de plusieurs semaines dans des conditions de température, d’humidité et de ballotage très hostiles. Le premier chronomètre à remplir ces conditions a été mis au point par John Harrison, un ébéniste anglais autodidacte passionné d’horlogerie, après trente ans de recherche et de développement de prototypes. De la taille d’une grande montre de poche, le modèle qu’il nomma H4 obtint une prime offerte par le gouvernement britannique après un voyage jusqu’en Jamaïque en 1761. «Muni d’un balancier rapide contrôlé par un ressort spiral avec compensation thermique, ce chronomètre avait un retard de 5 secondes après ce voyage qui dura 62 jours», précise François Goetz.
En comparaison avec la navigation, la précision de la seconde a perdu son importance pour les utilisateurs terrestres. La haute horlogerie a surtout été influencée par des enjeux liés à la fonctionnalité des garde-temps, comme en témoigne le développement des montres-bracelets lors de la Première Guerre mondiale. «Les montres de poche pendaient dans la gadoue des tranchées, illustre Yvan Terés. C’est ainsi que sont apparues les montres-bracelets, plus pratiques. Par la suite, ces dernières ont été stimulées par la quête esthétique des marques. Au fil des décennies, les collections se sont développées en phase avec les avancées technologiques et l’utilisation de nouveaux matériaux, tels les métaux précieux, l’acier, le carbone ou le cuir.»
A cette même période, l’artisanat de la montre de poche naissait en Suisse. Il allait marquer profondément l’identité nationale. «Cloîtrés dans leur ferme pendant les longues soirées d’hiver, de nombreux paysans se sont mis à fabriquer des montres. C’est ainsi que sont nées, dans le siècle qui a suivi, la plupart des grandes marques qui existent encore aujourd’hui, telle Audemars Piguet», note Yvan Terés. Si la production dépendait de ces maîtres horlogers dans des petits ateliers jusqu’à la moitié du XIXe siècle, elle a pris ensuite le virage de la production en grandes séries des composants, notamment par le biais des manufactures qui développaient et commercialisaient leurs propres mouvements.
Remplacées par les montres à quartz, plus pratiques et jusqu’à 10 fois plus précises, lorsque ces dernières sont apparues sur le marché à la fin des années 1960, les montres mécaniques connaissent un regain d’intérêt croissant depuis une vingtaine d’années. Les amateurs de haute horlogerie sont sensibles aux caractéristiques techniques des mouvements et aux grandes complications. A l’image d’un cœur qui bat, le balancier oscillant est souvent visible à travers l’habillage. «La relation qui se lie avec une montre mécanique est très différente d’un modèle à quartz, observe Yvan Terés. La première doit être portée pour se recharger, voire même remontée manuellement, sinon elle s’arrête. Leurs propriétaires en prennent grand soin.»
Yvan Terés a participé à la renaissance du concours de chronométrie du Musée de l’horlogerie du Locle, tombé en désuétude depuis le succès des montres à quartz.
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John Harrison (1693 - 1776) Cet ébéniste et horloger autodidacte britannique est l’inventeur du chronomètre de marine. Cette invention à marqué l’histoire de la navigation en améliorant la précision des approches et en diminuant le risque d’échouage.
HORLOGERIE
«La précision est une tentative d’approcher la perfection» En horlogerie, Dominique Loiseau se situe tout en haut de la pyramide. Ses créations se vendent plusieurs millions de francs et nécessitent des années de développement. Rencontre avec ce maître horloger philosophe. TEXTE
| William Türler
lions de francs. Ce sera un électrochoc: il s’agira d’un record inégalé en ce milieu des années 1980, qui plus est pour une pièce constituée d’or et d’acier et ne comprenant aucune pierre précieuse. Cette vente contribuera à redonner un sérieux coup de fouet à l’intérêt porté au niveau international à l’horlogerie mécanique, encore moribonde à l’époque.
Perpétuer le savoir-faire des horlogers «complets» des siècles passés, capables de réaliser une montre dans sa totalité. Voilà l’objectif du maître horloger Dominique Loiseau. Après des études de philosophie à Paris, ce Français de 63 ans se spécialise dans la restauration de montres anciennes, une passion qui le conduira au début des années 1970 à La Chaux-de-Fonds, puis à Neuchâtel. Il se lance alors dans une série de projets qui feront date dans l’histoire horlogère. Allant complètement à contre-courant de la tendance de l’époque vers le tout électronique, il crée une montre de poche mécanique extrêmement compliquée baptisée «Renaissance». Une démarche que l’on n’avait plus osé entreprendre depuis près d’un demi-siècle.
Dominique Loiseau se lance par la suite au côté de Jean-Claude Biver, alors actif chez Blancpain, dans un autre projet hallucinant: la 1735, qui constituait avec ses six complications (automatique, tourbillon, chronographe, rattrapante, quantième perpétuel, répétition minute) la montre-bracelet la plus complexe de cette fin de XXe siècle. Réalisé en 30 exemplaires, vendu 1 million de francs pièce, ce modèle a nécessité pas moins de deux ans de développement. L’artisan en a réalisé lui-même 14 en huit ans, soit une moyenne de sept à huit mois par montre.
Il enchaîne avec un autre exploit: la pendulette «Rose des temps» dont les pétales s’ouvrent et se referment toutes les demi-heures, tout en pivotant sur elles-mêmes en 24 heures, dévoilant un tourbillon volant. Muni de 16 modules faisant référence à des thèmes philosophiques, son socle intègre 32 fonctions, du réveil à l’état du ciel dans différentes capitales du monde.
En 2003, il entreprend un nouveau défi, encore plus fou. La 1f4, sa propre marque, qui est le résultat de six ans de recherche et développement, huit brevets déposés et comprend 891 composants. Fabriquée en deux exemplaires pour un prix de vente de 2 millions de francs pièce, elle représente un «condensé» du savoirfaire acquis au fil des ans par le maître horloger.
Ce bijou de savoir-faire horloger réalisé en un an avec l’aide d’une équipe de sept personnes fera le tour du monde et sera vendu au sultan de Brunei pour la somme astronomique de 4,9 mil-
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HORLOGERIE
Dominique Loiseau, maître philosophe
Pour Hémisphères, il a accepté de s’exprimer depuis son atelier de Montreux sur son travail et sur le concept de précision, incontournable pour tout horloger digne de ce nom.
Dominique Loiseau en dates
Après des études en philosophie, comment en êtes-vous venu à vous intéresser à l’horlogerie? J’ai terminé mes études à Paris durant la période de Mai 68. C’était une époque de remise en question fondamentale. Je me suis rendu compte que j’avais besoin de travailler avec mes mains. Comme on dit, la philosophie mène à tout à condition d’en sortir! J’ai décidé de suivre une école de restauration d’horloges et de montres anciennes à Dreux en France, ce qui m’a permis d’acquérir une solide connaissance de l’horlogerie du XVIe au début du XXe siècle. Pour moi, le travail manuel représente en quelque sorte un prolongement du cerveau. Pouvoir réaliser soi-même exactement ce que l’on a en tête est un sacré aboutissement. En tant qu’horloger, ma démarche est similaire à celle d’un sculpteur. Cependant, à cette époque, il me manquait encore la maîtrise de l’horlogerie contemporaine.
1969 Etudes horlogères à l’Ecole d’horlogerie d’Anet à Dreux. Technicum de La Chaux-de-Fonds
1949 Naissance à Paris
1973 Nommé à la tête du département de restauration du Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds 1979 Lauréat de la Fondation de la vocation à Paris 1981 Premières créations propres de pièces de haute horlogerie L’objectif de Dominique Loiseau est de réaliser des montres de plus en plus précises, mais aussi de plus en plus belles.
Ce qui vous a conduit tout naturellement en Suisse… Tout à fait. La Suisse représentait pour nous l’eldorado horloger. J’ai donc décidé de poursuivre ma formation à La Chaux-de-fonds. Lorsque je suis arrivé au début des années 1970, le secteur était effondré, chacun pensait que les montres mécaniques allaient disparaître au profit du quartz, qui permet des coûts de production très bas et n’implique pas de problèmes d’entretien puisque les montres fonctionnent à l’aide d’une pile. Il ne faut pas oublier que dans les années 1980 la plupart des grandes marques avaient converti le 80% de leur production au quartz. Une proportion qui s’est aujourd’hui inversée. J’ai toujours été convaincu que le mécanique avait un avenir radieux: l’électronique est évidemment plus précis, mais ne représente pas un moyen d’expression.
lois de la physique tout en restant dans le domaine de la création. C’est cela qui apporte une véritable valeur ajoutée. Cela dit, j’ai toujours su que le secteur ne pourrait survivre qu’à la condition d’innover, d’éblouir, de créer un intérêt auprès du public. C’est cette envie de création qui m’a poussé à laisser la restauration de côté pour créer mes propres modèles de montres. Le problème de la restauration est que l’on doit une fidélité absolue aux créateurs, ce qui peut devenir frustrant. C’est un travail extrêmement rigoureux. Que représente pour vous, en tant qu’horloger, la notion de précision? Une tentative de s’approcher de la perfection. Je tends vers toujours plus de perfection. La beauté des montres mécaniques est qu’elles restent dans le domaine de l’art. Je considère que l’être humain a besoin d’un espace de liberté où il ne subit pas les contraintes de la précision. S’il souhaite une précision absolue, il peut toujours
Que voulez-vous dire par là? Les montres mécaniques représentent à la fois un art de vivre et une science. Elles doivent intégrer la précision des mathématiques et des
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1984 Lancement mondial de la «Rose des Temps» à Interlaken 2010 Rencontre avec Daniel Montandon. Ils fondent ensemble l’Atelier Loiseau, la 1f4 en est le premier fleuron
HORLOGERIE
1f4: un condensé de précision La dernière création de Dominique Loiseau, qui tire son nom d’une fameuse ouverture d’échecs inventée par Henry Edward Bird, ne compte pas moins de… 32 fonctions réunies sur deux cadrans réversibles. Le tout dans un boîtier d’une épaisseur de 16,64 mm pour un diamètre de 45,2 mm. Elle donne la phase de lune, les années bissextiles, le jour, le mois, la date, l’heure et la minute d’un deuxième fuseau horaire. Elle compte au total 16 aiguilles pour moins de 1000 composants. L’ensemble des fonctions de cette montre est régulé par un tourbillon volant d’une fréquence de 21’600 alternances par heure. Dominique Loiseau a consacré 15’000 heures à son développement.
Dominique Loiseau, maître philosophe
lours avec un grain très profond. Il faut savoir que ces techniques datent de la naissance de l’horlogerie. Et il ne faut pas oublier que pour restaurer des montres anciennes on doit être capable de savoir refaire chacun des éléments qui les constituent.
se tourner vers les montres atomiques… Jamais les montres mécaniques ne pourront atteindre ce niveau de précision, ni celui de l’électronique. Mon but est de réaliser des montres de plus en plus précises, mais aussi de plus en plus belles. Pour moi, réaliser une montre complexe est comme une partie d’échecs: ce qui est difficile, c’est d’anticiper, de déplacer mentalement chacun des éléments constituant la montre.
Vous considérez-vous comme un gardien d’un savoir-faire qui tend à se perdre? Je l’espère. A l’époque, on réalisait des chefsd’œuvre sans avoir les connaissances des mathématiques ou de la physique que l’on a aujourd’hui. Au départ, il faut expérimenter, ne pas avoir peur de bidouiller. Les canons et les standards n’existent pas en horlogerie. Bien sûr, dans mon optique, je ne vise pas la quantité. Les grandes marques sont tenues de faire du qualitatif dans les limites de leurs machines. Ma liberté de création est plus grande. Malheureusement et c’est fort dommage, ce type de savoir-faire se perd. Aujourd’hui, la spécialisation est poussée à l’extrême en horlogerie. On ne trouve presque plus d’horlogers complets, capables de tout faire.
Quel rapport plus philosophique entretenez-vous avec la mesure du temps, avec la précision? La mesure du temps s’apparente à la liberté dont elle est une forme d’expression. Or comme il existe plusieurs formes de temps, il y a aussi plusieurs formes de liberté et inversement! La précision est une codification spécifique du temps, d’un temps, une expression pratique, concrète de sa mesure. Toute autre forme de son expression est abstraite et seulement philosophique. Que représente pour vous l’art horloger? L’art horloger a accompagné les grands courants de l’histoire entre la Renaissance et la fin du XVIIIe siècle, jouant en cette période un rôle considérable. C’était de l’Art avant tout. Dès la fin du XVIIIe la technique se développe amenant la précision, qui l’emportera sur l’Art des débuts.
Parlez-nous de la 1f4, votre dernière création. En quoi cette montre a-t-elle représenté un challenge particulier pour vous en termes d’horlogerie et de précision? C’est la montre la plus compliquée que j’ai réalisée. Il m’a fallu huit ans de développement, l’utilisation de la 3D et huit brevets. C’est un résumé, un condensé, de tout ce que j’ai pu faire par le passé. Nous terminons actuellement deux exemplaires. Cette montre est entièrement mécanique, aussi bien pour le mouvement que pour la sonnerie. Elle dispose de deux cadrans instantanément réversibles dans lesquels sont réparties 32 fonctions. Il faut pour intervertir les cadrans tirer de chaque côté du bracelet. J’ai voulu procéder ainsi car je considère que lorsque autant de fonctions sont réunies sur un seul cadran, on perd en visibilité. Une autre grande difficulté a consisté à rendre visible la masse oscillante en la situant sur le pourtour de la montre, puisqu’il est impossible de la situer au centre de gravité en raison des deux cadrans. Cette année, nous avons poursuivi la production des modèles à Bâle sur notre stand, avec l’équipe de quatre horlogers qui constitue notre atelier.
Quelle place occupe la technologie dans votre démarche très artisanale? Les techniques restent les mêmes que celles qui étaient en cours dans le XVIIe ou le XVIIIe siècle, mais les outils sont plus précis. Plus l’espace est petit, plus la tolérance est réduite. J’utilise par exemple une machine à pointer qui permet de retranscrire des coordonnées cartésiennes et qui offre une précision de l’ordre de 2 à 3 microns. En revanche, je conserve des méthodes extrêmement artisanales qui tendent malheureusement à disparaître, notamment en ce qui concerne le traitement des surfaces et les finitions. J’utilise dans ce domaine la pierre du Levant que l’on trouve dans l’Arkansas et qui, broyée très fine et mélangée à de l’huile, donne aux surfaces un aspect mat, très clair et aérien que l’on ne peut obtenir avec une machine. Cela leur donne un aspect comparable à du ve-
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CHIRURGIE
Innovations high-tech au service du chirurgien Caméras 3D, imagerie et radiation: des technologies toujours plus sophistiquées s’installent dans les blocs opératoires. Pour cerner avec davantage de précision où, quand et comment opérer. TEXTE
| Melinda Marchese
les radiographies traditionnelles. Un diagnostic plus pertinent peut ainsi être établi avant même d’intervenir sur le patient.
Les grosses cicatrices disgracieuses appartiennent définitivement au passé: pour observer, puis intervenir à l’intérieur du corps humain, des innovations technologiques permettent aujourd’hui aux chirurgiens de travailler de manière beaucoup moins invasive. Tour d’horizon d’avancées spectaculaires en matière de chirurgie high tech.
Opérer sans incision
Au niveau des opérations, des avancées technologiques réduisent la taille des incisions… Jusqu’à la rendre nulle. L’appareil Gamma Knife, développé à l’origine par un neurochirurgien suédois, permet d’éradiquer une lésion (tumeur, malformation…) à l’intérieur du cerveau, sans ouvrir le crâne: il envoie des rayons sur la pathologie, ainsi traitée en moins de deux heures. «Contrairement à la chirurgie ouverte, cette intervention n’endommage pas les tissus sains environnants, détaille Marc Levivier, neurochirurgien au CHUV, seul hôpital suisse à disposer de la machine. Par ailleurs, une anesthésie générale n’est pas nécessaire, ce qui diminue les risques de complication habituellement associés à la chirurgie. Le patient peut quitter l’hôpital le jour même de l’intervention.»
Imagerie ultra-précise
«La phase pré-opératoire a nettement été améliorée grâce aux progrès extraordinaires de l’imagerie médicale ces dix dernières années, souligne Nicolas Demartines, chef du Département de chirurgie viscérale au CHUV. Je pense notamment au «Pet-CT» (pour «positron emission tomography»), une méthode qui permet de mesurer en trois dimensions l’activité métabolique d’un organe, ainsi qu’au CT–scan et à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), pour reconstruire des images des structures anatomiques, en 2D ou 3D et de haute résolution. En combinant ces trois méthodes non invasives, des opérations extrêmement complexes peuvent être préparées, puis réalisées, avec minutie.»
Cibler le meilleur moment
Le logiciel RPO (pour Respiratory Phase Optimizer), mis en place à Genève, vise à améliorer le traitement du cancer du poumon: il permet de définir le meilleur moment respiratoire pour irradier la tumeur, mobile à cause du mouvement de l’organe en action.
Ces images sophistiquées – pouvant indiquer des détails jusqu’à moins de 1 mm – rendent visibles des points imperceptibles jusqu’alors sur
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CHIRURGIE
Innovations high-tech
Robot miniature, développé par le professeur zurichois Brad Nelson, capable de transporter des substances actives jusqu’à l’emplacement exact à soigner dans le corps.
Les avancées technologiques permettent une chirurgie de moins en moins invasive et réduisent énormément la taille des incisions.
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CHIRURGIE
Innovations high-tech
précision remarquable, note Nicolas Demartines. De nouvelles améliorations seront encore possibles avec le développement des caméras et des écrans 3D, en plein essor.»
Anatomie virtuelle
Un nouveau logiciel permet d’augmenter la qualité de la pose de prothèse de la hanche: il s’appelle Hip-Plan et permet de reconstruire informatiquement en 3D l’anatomie du patient. Le chirurgien peut ainsi placer une première fois virtuellement l’implant dans le fémur, avant d’intervenir réellement. Cette préparation garantit un positionnement idéal de l’implant à l’intérieur de l’os. La société Symbios Orthopédie, spécialiste des prothèses de la hanche qui a développé le logiciel, a fait appel à la Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud – HEIG-VD pour l’optimiser. «Notre objectif a été d’automatiser certains opérations, pour rendre l’utilisation du logiciel plus rapide, plus intuitive et plus attractive», note Alexandre Knob, responsable du projet. La Haute Ecole de Santé Vaud – HESAV a contribué au logiciel, en élaborant des solutions pour minimiser les doses ionisantes administrées lors des examens de scanner, indispensables à la préparation informatisée.
Chirurgie robotique
Comme dans de nombreux secteurs, en chirurgie aussi, les bras de l’homme peuvent être remplacés par ceux d’un robot. La seule machine répandue aujourd’hui sur le marché mondial reste le médiatique Da Vinci de la société américaine Intuitive Surgical, un imposant appareil composé de bras, équipés d’instruments chirurgicaux. Le praticien les dirige depuis une console, dotée d’une vision 3D du champ opératoire. Salué en tant qu’avancée technologique dès son lancement dans les années 1990, le Da Vinci ne satisfait pas entièrement tous les spécialistes. «La diminution du temps d’hospitalisation, la précision et autres avantages qu’on lui attribue, n’ont jamais été prouvés dans la pratique, constate Nicolas Demartines. C’est avant tout un outil marketing, mais aussi une étape obligatoire dans le développement de la chirurgie de demain. De futurs robots s’inventent aujourd’hui au Japon, en Italie et en Allemagne notamment. On souhaite qu’ils soient plus légers, plus maniables et qu’ils intègrent l’imagerie de pointe, pour des résultats toujours plus avantageux, tant pour le patient que pour le chirurgien.»
Nanocapsules
«L’un des objectifs prioritaires aujourd’hui dans le domaine médical est de cerner le plus précisément possible la zone à traiter», note Brad Nelson, professeur en robotique et systèmes intelligents à l’EPFZ. Avec son équipe, il développe des robots miniatures capables, une fois introduits dans le corps humain, de transporter des substances actives jusqu’à l’emplacement à soigner. «Une aiguille permettra d’introduire la nanocapsule, puis elle se dirigera, grâce aux champs magnétiques, vers la pathologie et diffusera le médicament. Nous connaissons les effets secondaires de la chimiothérapie sur l’ensemble du corps humain. Avec ces mini-robots, seule la partie malade sera atteinte.»
La Xbox au bloc opératoire Grâce à la Kinect, une caméra de reconnaissance des mouvements déjà utilisée pour la console de jeux Xbox 360, le chirurgien peut consulter et faire défiler l’ensemble des images de son patient, durant l’intervention, par simple gestuelle et sans quitter le champ opératoire. Kinect fait partie de l’ingénieuse application KiOP, mise en place par Victor Dubois-Ferrière, chirurgien au Service d’orthopédie et traumatologie de l’appareil moteur aux HUG, et Francis Klumb, professeur de la filière Technique en radiologie médicale à la Haute Ecole de Santé Genève.
Ecrans 3D
Toujours très employée en chirurgie viscérale, en gynécologie et en urologie, la laparoscopie (une méthode qui permet d’opérer en introduisant des instruments et caméras à travers de minuscules incisions) bénéficie également d’un progrès majeur: le perfectionnement des appareils optiques. «Les images haute définition actuelles nous donnent une qualité de contraste, de netteté et de profondeur de champ d’une
Encore en phase de perfectionnement, l’application a remporté le Trophée de l’innovation HUG 2011. Des étudiantes et des étudiants de la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève, dirigés par Francis Klumb, ont également contribué au projet. «Aujourd’hui, plusieurs écrans installés dans le bloc permettent d’afficher une série d’images choisies avant l’intervention, explique Victor Dubois-Ferrière. Si pendant l’opération le chirurgien souhaite en voir d’autres, il doit demander de l’aide, ce qui crée des ralentissements. Il ne peut manipuler lui-même les images, sans se destériliser.» Avec KiOP, nul besoin de quitter la zone stérile. «Le chirurgien peut consulter jusqu’à 1000 images d’un simple geste, gagnant ainsi en liberté, précision et sécurité. Cette innovation, peu onéreuse, répond à une véritable demande de la part du monde chirurgical.»
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AUTISME
Le potentiel inexploité des autistes La société et le marché découvrent peu à peu qu’ils pourraient tirer parti d’une particularité des autistes, notamment des personnes atteintes du syndrome d’Asperger: leur extrême méticulosité. TEXTE
La spécialiste de l’autisme Evelyne Thommen note que, lorsqu’ils ont été bien soutenus, certains autistes font des carrières dans la recherche, sans même avoir été diagnostiqués.
Des Asperger célèbres Albert Einstein, Glenn Gould, Bill Gates, John Forbes Nash, Wolfgang Amadeus Mozart, Ludwig Wittgenstein, Marie Curie, Georg Mendel, Béla Bartok…
| Catherine Riva
bilité, droit, recherche, traduction, traitement du signal, mécanique de précision, contrôle qualité… «J’ai eu l’occasion d’accompagner un apprenti cuisinier autiste, raconte Judith Sitruk. Comme a pu le constater son chef, il était complètement dépassé en cas de «coup de feu», mais capable de confectionner 500 canapés tous identiques et impeccables, et il éprouvait un profond plaisir à le faire.»
Certains secteurs économiques, surtout l’informatique, ouvrent peu à peu leurs portes aux autistes, notamment aux personnes atteintes du syndrome d’Asperger. Motif: les «Aspies» ont beau avoir du mal avec les interactions sociales et être facilement déstabilisés par les situations imprévues, en matière de persévérance, de méticulosité et d’aptitude à repérer les erreurs ou les anomalies, ils sont très souvent meilleurs que ceux qu’ils surnomment les «neurotypiques» (comprenez: les gens normaux).
Rigueur et perfectionnisme dans un domaine d’élection spécifique sont donc des traits que ces autistes semblent avoir en commun, au-delà de leur individualité. «Le déficit des Asperger, c’est l’implicite, résume Annie Raymond, mère d’un jeune Asperger de 18 ans. Leur besoin d’explicitation est donc absolu. La connaissance hyperdétaillée des systèmes et des règles, c’est pour eux le seul moyen de rendre le monde intelligible et d’avancer.»
Si certains secteurs ont déjà réalisé qu’ils pouvaient tirer profit de ces qualités pour améliorer leurs produits et leurs services, les compétences des Asperger restent largement méconnues et sous-exploitées. C’est ce qu’affirme Judith Sitruk, qui les coache pour qu’ils réussissent leur entrée dans le monde du travail: «Lorsqu’ils ont la possibilité de travailler dans leur domaine d’expertise et de prédilection, et si le cadre tient compte de leurs particularités, ils peuvent abattre des quantités de travail exceptionnelles, avec une qualité remarquable.»
Cette particularité serait liée au système cognitif des Asperger: «Le traitement des informations sensorielles est très perturbé chez les autistes, tantôt hypersensibles, tantôt hyposensibles, précise Evelyne Thommen, professeure à la Haute Ecole de travail social et de la santé – EESP Lausanne. Ainsi, certains autistes peuvent discriminer des éléments que nous sommes incapables d’identifier, comme les quarts de ton en musique,
Par ailleurs, le projet Opportunité Asperger de l’association Compagnie des TED à Grenoble, auquel collabore Judith Sitruk, souligne que les secteurs potentiellement «Aspie-compatibles» sont très nombreux: dessin technique, compta-
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AUTISME
Un potentiel inexploité
Gregory Blackstock est né à Seattle en 1946, avant que le terme autiste ne soit connu. Il avait alors été diagnostiqué «schizophrène paranoïaque», puis envoyé dans un internat spécialisé dans les enfants difficiles. Après avoir travaillé durant toute sa vie adulte en tant que distributeur de journaux, puis en faisant la plonge, il s’est mis à la peinture après sa retraite. Depuis onze ans, il passe ses journées à créer des dessins qui cataloguent le monde. Le monde de Gregory Blackstock est concret et factuel. Il ne perçoit pas la nuance ou l’ironie. Le Musée de l’art brut de Lausanne a consacré une exposition à son œuvre l’hiver dernier.
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AUTISME
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AUTISME
Un potentiel inexploité
individuelle, afin d’identifier le plus tôt possible les potentiels de l’enfant. «Des personnes en souffrance gagneraient à mettre un nom sur leurs difficultés pour mieux évoluer, estime Véronique Zbinden Sapin, professeure à la Haute Ecole fribourgeoise de travail social. Les professionnels, pédiatres et enseignants, psychologues, logopédistes et psychomotriciens travaillant dans les services scolaires, devraient mieux connaître ce syndrome. Sur ce plan, comme pour l’intégration et l’exploitation du potentiel des autistes, le travail à accomplir reste énorme.»
certaines nuances de couleur, ou les figures cachées dans des graphies complexes. Alors que le neurotypique a une pensée globale, en vertu de laquelle le tout est plus que la somme des parties, l’autiste, lui, pense en détails et pour lui, le tout n’est que la somme des parties.» Autre particularité: les Asperger auraient un déficit de la «théorie de l’esprit». Il leur manquerait donc la capacité d’identifier les sentiments des autres, et donc l’effet qu’ils ont sur eux. Un déficit très handicapant, étant donné l’importance des interactions sociales pour être accepté. Un entraînement spécifique vise à leur faire apprendre par cœur le répertoire des expressions et leur signification respective: regarder son interlocuteur dans les yeux, dire bonjour, bref, «huiler les rouages».
Les parents d’enfants autistes sont très seuls aujourd’hui, et régulièrement confrontés à l’ignorance et au manque de souplesse de l’environnement médical et scolaire. Résultat: des diagnostics erronés ou tardifs, une pénurie de dispositifs de soutien et la rigidité des institutions éducatives, qui peinent à composer avec ces enfants particuliers.
Cette adaptation, qui suppose une impressionnante mémoire à long terme, capable d’emmagasiner une foule de détails, est d’ailleurs sans doute la stratégie compensatrice spontanément adoptée depuis longtemps par les Asperger non diagnostiqués, ayant trouvé leur place dans certaines niches professionnelles. «Ceux qui ont été bien soutenus par un enseignant ou un mentor sans être diagnostiqués font parfois des carrières, dans la recherche ou en indépendants, confirme Evelyne Thommen. Leurs compétences permettent de faire passer au second plan leur inadéquation relationnelle.»
Pourtant, les autistes de haut niveau ne cessent de marteler la nécessité de les envisager sous l’angle de leur potentiel et non de leur déficit. Sans nous, affirment-ils, les arts et les sciences n’existeraient pas. Comme l’a exprimé Temple Grandin avec son franc-parler légendaire: «Si l’autisme avait été éradiqué de la surface terrestre, les hommes seraient encore en train de bavarder devant un feu de bois à l’entrée d’une caverne.» D’aucuns pensent que même le premier feu, c’est à un autiste que l’humanité le doit.
Mais les Asperger qui s’en sortent sans diagnostic, ou les autistes exceptionnellement brillants comme Daniel Tammet ou Temple Grandin, ne doivent pas faire oublier tous ceux qui sont en difficulté aujourd’hui, faute d’avoir été identifiés de manière adéquate. «Actuellement, tous les Asperger adultes ne sont pas employables, souligne Judith Sitruk. Nombre d’entre eux ont eu un parcours difficile. En plus d’avoir vécu le rejet et le harcèlement sans avoir les moyens de se défendre au cours de leur scolarité, ils n’ont pas été soutenus correctement sur la base de leur potentiel et de leurs aptitudes. Ces personnes doivent d’abord se reconstruire.»
Le syndrome d’Asperger en 5 points Forme d’autisme sans déficience intellectuelle ni retard de langage, qui fait partie des TED (troubles envahissants du développement). Désordre du développement d’origine neurobiologique qui concerne plus fréquemment les garçons que les filles. Affecte la manière dont ces personnes interagissent avec les autres. Décrit pour la première fois en 1943 par le pédiatre viennois Hans Asperger, remis en valeur par la psychiatre Lorna Wing en 1981 et reconnu officiellement en 1994 par le DSM IV (manuel de diagnostic de l’association psychiatrique américaine).
De fait, les spécialistes s’accordent aujourd’hui sur les avantages d’un diagnostic précoce permettant de mettre en place une prise en charge
Prévalence: 1 à 250 pour 10’000 enfants, voire 1 enfant pour 300 selon les estimations.
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Entreprises misant spécifiquement sur le syndrome d’Asperger: Asperger Informatik, Zurich www.aspergerinformatik.ch Passwerk, Berchem, Belgique www.passwerk.be Specialisterne (DK, GB, CH, IS, A, USA) specialisterne.com
La professeure Véronique Zbinden Sapin constate qu’un diagnostic précoce permet aux autistes de mieux évoluer.
CARTOGRAPHIE
Les cartographes suisses apprivoisent la 3D A partir de 2013, l’Atlas géologique de la Suisse au 1:25’000 sera disponible en version numérique. Il couvrira l’ensemble du territoire. Visite dans les locaux de Swisstopo, où des cartographes achèvent ce travail de haute précision. TEXTE
Le savoir-faire de Swisstopo est mondialement reconnu en matière de cartographie, notamment pour la précision avec laquelle sont reproduits les paysages rocheux et montagneux. Swisstopo a collaboré aux cartes du Mont Everest et du Mont McKinley.
| Bertrand Beauté
récolter toutes ces informations n’est pas très difficile. Mais dans les Alpes, cela s’avère plus complexe.»
Qu’elles soient routières ou topographiques, nombreuses sont les cartes qui représentent le territoire suisse. Enfin sa surface. Jusqu’ici, la géologie n’y avait pas droit à une large échelle. Une lacune qui s’apprête à être comblée avec la mise à disposition en 2013 de jeux de données géologiques vectorielles pour chaque carte nationale au 1:25’000. Ces données proviennent à la fois de l’Atlas géologique de la Suisse, qui contient actuellement 140 feuilles, et de nouvelles recherches. Au total, 220 feuilles cartographiant enfin l’ensemble de la Suisse.
Une fois réalisés, ces manuscrits sont envoyés à Wabern (BE), en périphérie de la capitale. C’est là qu’une dizaine de collaborateurs établissent les cartes géologiques au sein de Swisstopo, qui compte en tout près de 340 employés. De renommée internationale, le complexe bernois abrite différents départements (géodésie, topographie, cartographie et géologie, notamment) ainsi qu’une imprimerie. D’anciennes cartes et autres appareils de mesure ornent les couloirs du bâtiment de verre et de béton que des centaines de visiteurs souhaitent visiter chaque année (il y a un an de liste d’attente!).
Mais comment s’établissent ces cartes? «Swisstopo ne fait pas les relevés sur le terrain. Ce travail est dévolu à des chercheurs des hautes écoles (EPF, HES, unis), ainsi qu’à des géologues confirmés que nous mandatons», répond Olivier Lateltin, responsable du service géologique national à l’Office fédéral de topographie (Swisstopo). Un travail de fourmi. «Pour réaliser une carte de 200 km2, les personnes mandatées passent 400 à 500 jours sur le terrain pour récolter les données, auxquels s’ajoutent trois mois de dessin à la main, estime Yves Gouffon, rédacteur à la cartographie géologique chez Swisstopo. Chaque carte compte 80 à 120 couleurs, chacune représentant un type de roche ou de sol. Sur le plateau suisse,
«Une fois que nous avons reçu les données relevées sur le terrain, la première étape pour nous consiste à contrôler qu’elles sont exactes», raconte Yves Gouffon. Cette vérification se fait en superposant les cartes numérisées à un modèle numérique du terrain et à des photographies aériennes prises par des avions, à 4’000 m d’altitude. Une trentaine de clichés permettent ainsi de composer une carte au 1:25’000. Il en faut 7000 pour couvrir toute la Suisse. «Mais la principale vérification reste l’œil du géologue,
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CARTOGRAPHIE
La Suisse en 3D
tempère Olivier Lateltin. Grâce à leur expérience, ils réussissent à détecter des incohérences à l’œil nu.» Les cartes sont ensuite redessinées à l’ordinateur, sous forme vectorielle, puis imprimées. Swisstopo conçoit, dessine et imprime ainsi chaque année une centaine de cartes en tout genre, vendues à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. Ces dernières années, toutes les cartes ont vécu un profond bouleversement avec la démocratisation des nouvelles technologies: elles se déclinent désormais sur CD et DVD, se consultent sur internet et feront leur apparition ces prochaines années sur les smartphones et autres tablettes. Mais à quoi servent au juste les cartes géologiques? Un des objectifs de Swisstopo est de sensibiliser le grand public à la géologie. «Jusqu’ici, nos clients sont principalement l’administration (50% du chiffre d’affaires), les hautes écoles (HES, EPF, unis) et les privés, révèle Olivier Lateltin. Mon objectif est de faire passer la part du grand public à 50%, en proposant des cartes simplifiées. Nous travaillons actuellement sur des apps androïd pour smartphones et sur 150 itinéraires géologiques. Il y a une grosse demande des touristes pour ces produits.»
Cet extrait du nouvel Atlas géologique de la Suisse représente la ville de Berne et ses alentours. Chaque carte nécessite un travail de fourmi et compte de 80 à 120 couleurs, représentant un type de roche ou de sol.
Mais l’intérêt des cartes géologiques demeure bien entendu la construction: «Bien connaître la structure géologique de notre territoire permet de mieux appréhender l’avenir, affirme Olivier Lateltin. Pour exploiter le sol, prévenir les catastrophes naturelles et adapter notre milieu de vie dans une perspective durable.» Concrètement, la conception des grandes infrastructures (tunnels, parking souterrain, etc.) nécessite de très bien connaître les propriétés géologiques du sous-sol. Dans le domaine de l’écologie, les connaissances géologiques sont importantes notamment pour la protection des eaux souterraines, ainsi que pour l’exploitation de l’énergie géothermique, le stockage du CO2 dans des roches profondes et même des déchets nucléaires, comme expérimenté actuellement dans le laboratoire du Mont-Terri (JU). «Dans ce domaine, des modèles tridimensionnels (3D)
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CARTOGRAPHIE
La Suisse en 3D
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CARTOGRAPHIE
La Suisse en 3D
sont réalisés à partir des cartes géologiques corrélées à des carottes de forage, explique Olivier Lateltin. Ils permettent de visualiser des structures géologiques complexes avec l’avantage de présenter à la fois la surface et le sous-sol.»
Genève en 3D Le canton de Genève se dévoile désormais en trois dimensions. Plus de 70’000 bâtiments sont accessibles sur le cadastre en trois dimensions «Geo 3D». Retour en arrière: depuis 1985, le canton accumule un grand nombre de données géographiques 2D accessibles gratuitement (www.sitg.ch). Grâce à un partenariat avec le pôle de recherche de la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture – hepia, Genève, ces données 2D ont été transformées en profil tridimensionnel. Cette nouvelle visualisation permet de mieux appréhender les projets de développement urbain.
A l’Université de Lausanne, l’équipe du professeur François Marillier vient de réaliser des cartes géologiques tridimensionnelles de l’ensemble du bassin molassique suisse, c’està-dire une région de 700 km longeant les Alpes. «Nous avons utilisé les données des compagnies pétrolières, qui ont réalisé dans la région de nombreux forages et échographies du sol à partir des années 1970, explique François Marillier. En réunissant toutes ces informations, nous avons dessiné des cartes qui donnent une bonne connaissance du sous-sol jusqu’à 7’000 m de profondeur. Ce travail reste essentiellement scientifique, puisqu’il nous permet de mieux connaître la géologie suisse dans son ensemble.» Les cartes pourraient même à l’avenir afficher quatre dimensions, puisqu’une donnée importante de la géologie est le temps: comment était un sous-sol il y a cent ans, comment est-il maintenant et comment sera-t-il dans un siècle? Une question importante avant de stocker en grande profondeur des déchets nucléaires dont la radioactivité perdurera pendant des millions d’années.
Densifier les villes sous terre?
«Nous pouvons faire de la cartographie sur demande.» Des chercheurs collaborent avec Swisstopo dans différents domaines. C’est le cas de François Gervaix1, spécialiste en image géomatique, qui a développé un système basé sur des robots-imageurs. Par Geneviève Ruiz
En quoi consistent vos robots-imageurs? Ces robots sont des drones qui permettent de faire de la cartographie sur demande et rapidement. Notre objectif consiste à rendre les données géographiques plus accessibles en rapprochant, dans le temps et dans l’espace, l’acquisition de l’utilisation. Ce projet, R-Pod, a débouché sur la création d’une start-up, Easy2map. Quelles sont vos principales réalisations? Nous avons modélisé en 2D ou 3D de nombreux villages ou quartiers de ville en mutation, ainsi que la banquise éphémère du lac de Neuchâtel. Nous avons aussi fait le suivi de grands chantiers, cartographié des zones inaccessibles et documenté l’évolution au fil du temps de la plaine de l’Asse (montage et démontage du Festival Paléo). Quel est l’avantage de votre système? Les interventions ponctuelles permettent de documenter des phénomènes plus éphémères et plus locaux avec un grand niveau de détails (quelques centimètres). Cette imagerie ne permet pas de cartographier le sous-sol, mais les manifestations en surface, telles que glissements de terrain, affleurements et dolines.
Ces cinquante dernières années, les villes suisses se sont développées de manière spectaculaire. D’après les prévisions de l’Office fédéral de la statistique, la population de Genève augmentera selon les scénarii de 13 à 33% d’ici à 2040. Idem dans le canton de Vaud où le nombre d’habitants devrait atteindre 940’000 personnes en 2040, soit une progression de 33% par rapport à 2010. Comment loger et faire travailler tous ces habitants sans transformer les villes en petits Shanghai? L’une des possibilités serait d’exploiter davantage le sous-sol. C’est la conclusion du projet Deep City, mené dans le cadre du Programme national de recherche 54 (PNR54), auquel participent plusieurs HES. Il n’est pas question ici de construire des habitations et bureaux sous la surface, la lumière du jour étant capitale au bien-être des personnes. Mais en plus des parkings souterrains, il serait possible d’implanter sous la surface du sol des commerces et des bâtiments récréatifs tels que les salles de sport, les cinémas et les théâtres. Un gain d’espace qui nécessitera une connaissance approfondie du sous-sol.
1 Professeur d’imagerie géomatique à la Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud – HEIG-VD.
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PORTFOLIO
Préparation avant le montage de micromoteurs chez Dassym. «Dans les casiers blancs, chaque ligne correspond aux composants d’un moteur, qui contient environ 80 pièces, raconte David Voegeli, cofondateur. Sur la photo, certains éléments sont déjà préassemblés. Cette organisation permet d’éviter d’oublier un composant du moteur et, comme nous sommes une petite entreprise, de gérer les stocks de façon visuelle.» (Lire aussi page 42)
LASER
La maîtrise infinie de la lumière L’invention du laser, à la fin des années 1950, constitue l’une des plus grandes découvertes de l’histoire. Elle a propulsé le travail de précision et la métrologie dans l’ère du nanomètre. TEXTE
| Francesca Sacco
Le laser est un amplificateur de lumière: il la rassemble et la projette en faisceau. On peut le comparer à un ampli audio, c’est-à-dire à une chaîne hifi, dont la sortie – le haut-parleur – est branchée sur l’entrée – le micro: un bruit, même petit, sera capté par le micro et amplifié avant d’être émis par le haut-parleur, puis capté et amplifié à nouveau. «Dans le cas du laser, la lumière est piégée à l’intérieur d’un résonateur, entre deux miroirs, où elle est amplifiée dans un milieu qui peut être solide, comme un rubis, gazeux ou même liquide, explique le professeur Yves Salvadé, chercheur à la Haute Ecole Arc Ingénierie (St-Imier). Ce milieu est préalablement «excité», par exemple par une lampe flash pour le rubis.»
La précision du laser est de l’ordre du millimètre lorsqu’il s’agit de mesurer la distance qui sépare la Terre de la Lune. Et si le calcul n’est pas tout à fait exact, ce n’est pas la faute du laser mais des mouvements lunaires. Dans le domaine de la chirurgie et des soins dentaires, où il a remplacé le bistouri et la fraise, la finesse du faisceau avoisine le millième de millimètre. Dès son invention à la fin des années 1950, le laser s’est révélé capable de grandes performances. En 1965, il permettait déjà d’usiner un perçage de quelques millimètres de diamètre dans du diamant et, dès que l’homme a installé l’équipement requis sur la Lune en 1969, il rendait possible, à une quinzaine de centimètres près, le calcul de la distance qui sépare cet astre de la planète bleue. Il existe une quantité d’autres applications, couvrant pratiquement tous les domaines technologiques, où le laser a permis des avancées majeures: l’impression et la photocopie, la cartographie, l’optique, la lecture de Compact Discs et de codes-barres, les radars routiers, le micro-usinage de pièces horlogères, la soudure et la découpe industrielles, la détection d’empreintes en criminalistique, l’épilation définitive, les spectacles son et lumière, la sécurité aéronautique, les télécommunications… Le nombre de brevets déposés se chiffre en milliers.
Gordon Gould, ou la reconnaissance tardive de l’inventeur du laser C’est Einstein qui découvre, en 1917, que la lumière absorbée peut être «inversée» de manière à fournir un type d’émission contrôlé et puissant. Mais c’est Gordon Gould, en 1957, qui décrit les principes de fonctionnement du laser ou «Laser Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation». Gordon Gould se fera couper l’herbe sous le pied par d’autres chercheurs, dont Charles Townes, avec lequel il a collaboré, en ne déposant sa demande de brevet qu’en 1959. Ce sont donc Townes, Prokhorov et Basov qui recevront le Prix Nobel en 1964 pour leur travail théorique dans le domaine. Jusqu’en 1987, Gordon Gould mènera l’une des plus fameuses guerres des brevets, pour obtenir finalement la reconnaissance de ses multiples inventions. Il mourra multimillionnaire en 2005.
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LASER
Une maîtrise infinie
Ce laser est émis depuis la base aérienne de Kirtland au Nouveau Mexique. Il permet d’éliminer les distorsions atmosphériques pour obtenir de meilleures images de l’espace.
Le chercheur ci-dessous porte un équipement de protection lors de l’expérimentation d’un nouvel outil pour la fusion nucléaire, qui utilise des rayons laser.
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LASER
Une maîtrise infinie
mesureront la température d’un pipeline à 100 km de distance. La gravure des circuits électroniques et la transmission d’informations via fibres optiques font également partie des applications pressenties. «L’une des choses fascinantes dans l’histoire du laser, c’est que la presse a tout de suite senti l’intérêt de cette invention, note Benoît Deveaud-Pledran. Celle-ci a fait la Une du New York Times à une époque où l’on ne pouvait même pas deviner, en regardant l’appareil, qu’il s’agissait d’un laser.»
En fait, ce sont les ondes constitutives de la lumière (visible ou invisible) qui sont piégées et amplifiées. Toutes celles du spectre peuvent être utilisées, des rayons ultraviolets aux ondes infrarouges, en passant par les rayons X, les ondes radiophoniques et les micro-ondes. Le rayonnement peut ainsi être plus ou moins puissant, et donc dangereux. Lorsqu’il émet une chaleur importante, il devient possible de détruire les taches de vin en dermatologie ou de découper des pièces dans les ateliers de micro-usinage. Sur les routes, le laser lidar fonctionne comme le sonar des chauves-souris. Il émet des salves successives d’ondes qui lui reviennent en retour après avoir atteint la cible. En se basant sur le temps de l’aller-retour de ces impulsions, l’appareil calcule la vitesse de déplacement du véhicule. Le fonctionnement du lidar est similaire à celui du radar, sauf qu’il utilise des ondes lumineuses au lieu d’ondes radio. La précision est de 1 km/h pour un véhicule circulant à une vitesse inférieure à 100 km/h. Au-delà, il faut compter avec une marge d’incertitude de 10 km/h. Dans le domaine des opérations militaires, le laser est utilisé comme aiguilleur pour les bombes ou les missiles, en éclairant la cible. La précision de ces armes guidées est d’environ 5 m.
Des petits trous, encore des petits trous «Le laser nous offre la possibilité extraordinaire de jouer avec des motifs en 3D dans la création de tissus. Avant, nous n’avions pour ainsi dire que la broderie, le jacquard et le gaufrage pour les travailler», explique Valentine Ebner, professeure à la Haute Ecole d’art et de design de Genève (HEAD). Grâce à une table de découpe intégrant une pointe laser, il est possible d’ajourer les tissus, soit pour leur faire prendre du relief, soit tout simplement pour créer des motifs: «C’est comme si l’on donnait des coups de cutter dans la matière, avec une précision qui va au-dessous du millimètre.» On peut ainsi obtenir des effets de type «vitrail» ou décoration du Pays-d’Enhaut: «On pourrait même tout à fait reproduire le motif d’une broderie de Saint-Gall», ose Valentine Ebner. Graver les tissus devient également faisable, en modifiant la puissance de la pointe laser. Cette dernière remplace alors le burin: «Avant l’ère du laser, ce n’était envisageable qu’avec le cuir.» Seuls inconvénients: le prix du tissu une fois travaillé (quelque 600 francs le mètre pour une création de la maison suisse Jakok Schlaepfer) et la difficulté d’obtenir une lisière propre dans le coton, du fait de la brûlure.
Les scientifiques développent actuellement des lasers aux impulsions plus brèves – de l’ordre de la femtoseconde – soit un millionième de milliardième de seconde – et aux fréquences plus précises. On parle alors de laser en peigne, car la retranscription graphique, sous forme de pics et de creux, des ondes émises, évoque cet outil. En 1999, les Prix Nobel de chimie et de physique ont été attribués à Ahmed Hassan Zewail pour ses recherches sur les impulsions très courtes, et Ted Hänsch pour ses travaux sur les peignes de fréquence. «Cette nouvelle génération de lasers, dits à ultra-haute résolution, permettra de mesurer la distance Terre-Lune avec une précision au billionième ou au billiardième de mètre», ajoute Benoît Deveaud-Pledran, doyen pour la recherche à l’EPFL. Certains de ces lasers serviront à améliorer la précision des horloges et des GPS. D’autres seront utilisés pour déterminer la concentration de gaz carbonique dans l’air. D’autres encore
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Une souris qui ira loin A la Haute Ecole Arc Ingénierie (Saint-Imier), les professeurs Yves Salvadé (ci-dessus) et Sébastien Le Floch développent une technologie de codage optique extrêmement précis, inspiré du principe de la souris d’ordinateur laser. Celle-ci permet de contrôler un curseur grâce à des capteurs qui éclairent le plan sur lequel on la déplace. Les irrégularités de la surface, enregistrées à cadence régulière, servent de points de référence pour déterminer la position du curseur. «Aussi bien théoriquement que pratiquement, nous avons démontré qu’en utilisant un système optique approprié, on peut obtenir des résolutions inférieures au micromètre, affirme Yves Salvadé. Une lumière de type laser permet de détecter beaucoup plus facilement les grains de la rugosité d’une surface.» Parmi les applications industrielles: la mesure des axes de translation (déplacement vertical ou horizontal) des machinesoutils et des palpeurs mécaniques, par exemple.
PORTFOLIO
La précision dans le désordre apparent? «Il s’agit de notre stock de pièces pour réparer les iPhone et iPad, explique Matthias Studer, créateur de l’entreprise Macianer en 2005. Nos réparations sont généralement effectuées dans un laboratoire, car elles nécessitent une propreté impeccable.» C’est lorsqu’il était encore étudiant en microtechnique que Matthias Studer a lancé ses services à côté de ses études. "Réparer ces appareils, c’est de la pure microtechnique. De nombreux composants ont la taille d’un cheveu.»
ART
La mécanique subtile de l’art suisse Un humour pince-sans-rire et une créativité encadrée par des règles mathématiques: en Suisse, même dans l’art, rien ne semble être laissé au hasard. TEXTE
| Sylvain Menétrey
Renaissance. Le romantisme, l’avènement de la photographie et l’évolution du système de l’art ont modifié les critères de son application. Au XXe siècle, elle s’est affirmée comme l’expression d’un choix esthétique. L’artiste français Robert Filliou posait ainsi dans une série d’œuvres des années 1970 le principe d’équivalence entre le «bien fait», le «mal fait» et le «pas fait». A la même époque, Gerhard Richter reproduisait des photos sur des toiles avec une extrême précision, laissant parfois douter le spectateur de la nature picturale de ses œuvres. Aux EtatsUnis, on a parlé de Finish Fetish pour décrire les œuvres minimalistes aux surfaces parfaitement finies, colorées et brillantes d’artistes californiens des années 1960-1970 comme John McCracken.
Au premier abord, le terme peut paraître trop technique. La méticulosité semble s’opposer à une certaine représentation de l’artiste démiurge et adepte du geste expressionniste. On craindrait que parler de précision reviendrait à ôter sa qualité d’œuvre à un travail artistique trop bien fait. Pourtant, du lièvre d’Albrecht Dürer aux sculptures à la perfection industrielle de Donald Judd, les œuvres minutieuses abondent. Notamment parce qu’à une certaine époque, l’art avait une fonction utilitaire. Quand les peintres travaillaient pour des commanditaires, leur mission consistait, par exemple, à reproduire au plus proche le portrait de leur modèle. La précision d’exécution et le réalisme du trait étaient alors des qualités rémunérées. Mais l’argent n’explique pas tout, car depuis l’observation méthodique de la nature, jusqu’au positivisme du modernisme, d’autres genres que le portrait semblent afficher une grande précision formelle. «A mon avis, la précision dépend beaucoup de la maîtrise technique et d’une forme d’obsession de l’artiste», esquisse Jean-Luc Manz, artiste et enseignant en Master à la HEAD-Genève. Maestria et monomanie, deux qualité qu’on rattache assez logiquement à l’artiste.
Et en Suisse? Terre d’horlogers, de typographes et de formule magique, le pays a indéniablement un penchant naturel pour le bien fait et le précis, qu’il valorise notamment à travers l’enseignement. «Les écoles d’art suisses sont tributaires du système des Hautes écoles techniques», rappelle Julien Fronsacq, enseignant à l’ECAL et commissaire d’exposition au Palais de Tokyo à Paris. Cette tradition instaure une proximité entre étudiants en arts visuels et en arts appliqués. «Sous l’ère de Pierre Keller, l’ECAL s’est engagée dans la forme plutôt que dans ce que l’ancien directeur appelait le bavar-
Cela dit, la précision n’a plus aujourd’hui tout à fait le même sens ni la même implication qu’à la
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ART
Les Suisses ne laissent rien au hasard
NIELE TORONI La précision digitale Empreintes de pinceaux n° 50 répétées à intervalles réguliers de 30 cm. Comme l’indiquent leurs titres, les œuvres de Niele Torini sont les résultats d’actions précises et répétitives où la subjectivité de l’artiste est exclue. Engagé avec Daniel Buren, Olivier Mosset et Michel Parmentier au sein de l’éphémère groupe BMPT (1966-67) dans l’interrogation critique du sens de l’activité picturale, l’artiste tessinois s’est tenu depuis cette époque à la même technique. Sa démarche minimaliste et conceptuelle consiste à chercher ce qu’il appelle le «degré zéro de la peinture» en créant des empreintes de couleurs sur des surfaces à l’aide de pinceaux d’épaisseur fixe. L’artiste place chaque empreinte à équidistance, créant ainsi des patterns uniformes. Seule variable de cet exercice radical: la surface. Toroni peut intervenir sur des toiles, des murs, des chutes de papier et quantité d’autres supports en fonction des lieux qu’il investit. Cette infatigable approche sérielle pourrait paraître monotone si l’empreinte, cette unité de base choisie par Toroni, n’avait la poésie de la neige qui tombe. Il n’y a en effet pas plus d’empreintes de pinceau similaires que de flocons de neige similaires.
FELICE VARINI La précision de la perspective Felice Varini est un digne héritier des peintres abstraits des années 1950 comme Ellsworth Kelly, dans sa volonté d’autonomie de la peinture, d’effacement de la subjectivité de l’artiste et de suppression du cadre. C’est ainsi qu’il applique son vocabulaire de formes géométriques non pas sur des toiles, mais directement sur l’architecture, à la manière de tags éphémères. Ses formes (lignes, ellipses, triangles, etc.) le plus souvent peintes en rouge, vert, jaune, bleu ou blanc se distinguent à première vue par leurs aspects fragmentaires et disloqués. C’est que Felice Varini est l’un des maîtres contemporains de l’anamorphose, cette figure en trompe-l’œil inventée à la Renaissance qui consiste à déformer optiquement une image qui n’apparaît distinctement que selon un point de vue précis. Auteurs de projets à échelle monumentale comme une intervention sur les toits d’entrepôts au port de Saint-Nazaire en 2007, Felice Varini prépare son travail à la manière d’un géomètre. Il détermine un point à partir duquel son œuvre sera perçue sans déformation. Il travaille ensuite à l’aide de rubans adhésifs, de fil de plomb ou de rayons lumineux pour tracer le dessin de l’œuvre en lien avec l’architecture.
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Les Suisses ne laissent rien au hasard
dage théorique», ajoute Julien Fronsacq. Une approche pragmatique se transmet d’une section à l’autre et conditionne certaines pratiques de professeurs et d’étudiants en art. «Il y a chez des artistes comme John Armleder, Francis Baudevin ou Stéphane Dafflon une culture du projet qu’on croyait propre au design industriel. Avant de réaliser une œuvre, ces artistes évaluent l’état d’un contexte, les obstacles, les facilités, le temps pour réaliser la pièce, etc.», analyse Julien Fronsacq.
est un bon exemple. Pendant trente minutes, une série d’objets sont mis en action par différents moyens tels que le feu, l’eau et la loi de la pesanteur. Le mouvement de l’un entraîne l’autre par un effet de domino qui, par instants, semble prêt à s’enrayer. Lors de ces hoquets momentanés, la farandole court le risque de l’échec, la précision de n’être plus assurée. C’est peut-être dans ce dosage homéopathique de doute sur la pérennité du système et de gestion du hasard que les artistes suisses s’avèrent le plus précis.
Une manière de rationaliser la conception artistique qui n’est pas sans rappeler le projet de l’art concret. Selon son manifeste, l’art concret devait se différencier de l’art appliqué dans sa fonction, mais pas dans sa méthode, ni dans son exécution. Les représentants zurichois du courant, Max Bill en tête, ont ainsi cherché à systématiser leurs compositions géométriques sur la base de lois mathématiques. Leurs peintures étaient à l’image d’une nouvelle société techniciste: basées sur la raison et la logique. Co-commissaire de l’exposition Swissmade. Précision et folie. Art suisse de Hodler à Hirschhorn au Kunstmuseum de Wolfsburg en 2007, Julia Wallner ne réduit pas le goût de la précision à ce mouvement. «Il s’agit d’une caractéristique basique de n’importe quelle forme d’art de qualité. Même le chaos peut être très précis. Christoph Büchel, Thomas Hirschorn ou Adolf Wölfli travaillent de manière aussi précise que Max Bill, bien que leurs œuvres apparaissent différentes.» On évitera d’opposer à la féconde tradition géométrique, celle, plus surréaliste, incarnée par des artistes comme Jean-Frédéric Schnyder, Roman Signer ou Fischli et Weiss. Plutôt que de la refuser, ces adeptes de l’humour se limitent à mettre en danger la précision dans leur travail qui se présente parfois comme une modulation burlesque autour de rouages suisses bien huilés. «Leur travail peut renvoyer une forme d’ironie et de critique envers la Suisse et ses clichés. Mais il y a aussi chez eux une estime du passé et un sens poussé de la précision. Ils incluent l’histoire dans leur œuvre plutôt que de la nier», commente Julia Wallner. La fameuse vidéo Le Cours des choses (Der Lauf der Dinge, 1987) du duo bâlois Fischli et Weiss
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Les Suisses ne laissent rien au hasard
NORM La précision dans la déglingue
ROMAN SIGNER La précision du prestidigitateur Avec les moyens du bord, une tondeuse à gazon, un parapluie, des chaises, des balles de pingpong, de la farine et de la dynamite, Roman Signer imagine des œuvres qui font en apparence la part belle à l’aléatoire, au farfelu, au fiasco poétique. En apparence seulement, car ce physicien émotionnel, selon l’appellation qu’il se donne, calcule tout, prévoit tout et met parfois en place des moyens techniques et conceptuels colossaux pour réaliser ses sculptures événements. Ainsi lors de la 8e Documenta de Kassel en 1987, il a propulsé dans l’espace un mur constitué de milliers de feuilles de papier qui sont retombées ensuite en planant sur le sol. Chacune de ses sculptures, qu’elle soit à base d’explosif ou non, est assimilable à un feu d’artifice fait maison, qui nécessite une parfaite gestion des risques, une connaissance des matériaux et un sens de l’anticipation des mouvements. «Il y a dans ce type d’humour une retenue, qu’on retrouve aussi chez Jean-Frédéric Schnyder et Fischli et Weiss. L’art helvétique est plein d’humour, mais celui-ci est tenu, cadré, ce qui donne à ces artistes un côté pince-sans-rire», note Julien Fronsacq.
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Dimitri Bruni et Manuel Krebs, les graphistes de Norm, racontent qu’ils ont redécouvert dans leur atelier zurichois un livre en arabe sur Bruce Lee. Les circonstances qui leur ont permis d’entrer en possession de l’ouvrage ne sont plus très claires. Peut-être l’ont-ils acheté un jour à Beyrouth, peut-être leur en a-t-on fait cadeau. Peu importe. La consultation de cette biographie illustrée du roi du kung-fu leur fait l’effet d’un choc esthétique. Le livre viole un nombre affolant de règles du bon usage graphique. Effets de moiré, contrastes trop importants, recadrages hasardeux, noirs pas assez chargés à l’impression: les images du livre semblent avoir subi les pires traitements imaginables. «Cette attitude brutaliste nous a donné envie de republier le livre», expliquent les designers. Une démarche teintée d’humour mais menée dans le plus grand sérieux. Norm met son goût de l’expérimentation et sa rigueur professionnelle au service de l’imitation d’une esthétique dont la radicalité trash les a séduits. Un exemple emblématique de la minutie du duo, capable de passer son temps à mal faire avec le plus d’exactitude possible. Une minutie qui a valu à Dimitri Bruni et Manuel Krebs de gérer des sujets complexes comme la création des nouveaux billets de banques suisses, le développement d’une typographie pour l’aéroport de Cologne ou pour la marque horlogère Omega.
THÉÂTRE
«L’improvisation nécessite précision et minutie» Le philosophe autrichien Jens Badura1 est spécialiste des domaines artistique et culturel. Pour lui, les arts représentent une manière de comprendre le monde, au même titre que la science. Propos recueillis par Melinda Marchese
Sur scène, est-ce que chaque geste d’un artiste, qu’il soit danseur ou acteur, est minutieusement réglé? Reste-t-il une part d’improvisation? Il arrive que l’improvisation naisse face au public, mais je dirais que même l’improvisation nécessite précision et minutie. Tout au long de sa formation, qui dure plusieurs années, un danseur apprend à maîtriser le temps. Lorsqu’il se produit sur un morceau de treize minutes par exemple, il doit s’y tenir à la seconde près. Chacun de ses gestes respecte un laps de temps. En fait, le but d’un artiste est de parvenir à réaliser, en direct et très précisément, l’idée qu’il a longuement imaginée.
nous permet de rationaliser nos perceptions, mais nous sépare en même temps du monde compris comme un espace des possibles de l’existence humaine». La capacité du sensible est donc tout aussi importante que la capacité d’une conceptualisation rationnelle du monde. Le travail de l’artiste consiste à capter à quel moment précis et par quel moyen il peut déclencher un tel savoir sensuel. Pourquoi est-il si important de cultiver notre savoir sensuel? Il représente une manière de comprendre le monde. Malheureusement, dans notre culture, la priorité en la matière est donnée à la science… Vous êtes, avec Alex Barchiesi, responsable de la coordination de Sinlab, ce nouveau laboratoire qui vise à faire collaborer la science et les arts de la scène. Ces deux mondes si différents sont-ils compatibles? Il est vrai que la recherche scientifique diffère de l’artistique. La première utilise une méthodologie établie, alors que l’autre ne se base sur aucune méthodologie préexistante. Les artistes réunissent des informations pour créer un résultat qui correspond à ce qu’ils ont imaginé. Mais l’artiste, l’ingénieur et le scientifique partagent un point commun: ce sont des explorateurs. L’un et l’autre souhaitent découvrir et
L’artiste est-il donc constamment en quête de précision? Oui, il recherche la précision à la manière d’un savoir transmissible par les sens. Le terme «sens» ne se réduit pas à la dimension physiologique; cela pourrait se traduire par l’ensemble des impressions que suscite en nous une œuvre d’art. Dans ce contexte, toute tentative de rationaliser par des mots ces perceptions devient réductrice. Comme le disait le fondateur de l’esthétique Alexander Baumgarten, «l’abstraction 1
Coordinateur du projet Sinlab à La Manufacture – Haute Ecole de théâtre de Suisse romande.
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THÉÂTRE
Jens Badura
inventer quelque chose de nouveau. De ce point de vue, ils peuvent s’enrichir mutuellement, même s’ils emploient des langages différents et que la précision recherchée n’est pas la même. Concrètement, comment peuvent-ils collaborer? Prenons un exemple: aujourd’hui les danseurs contemporains s’intéressent à la choréophonie. Cette discipline se base sur une technologie qui permet de capter les mouvements et les gestes sur scène, pour les transformer en information digitale, puis en musique par exemple. Autrement dit, le danseur peut composer de la musique. Cette technologie peut aussi servir à mettre en place de nouvelles relations entre la scène et le public: les réactions du public peuvent être captées et intégrées dans les langages esthétiques sur scène pour susciter de nouvelles formes d’interactivité. Pour réaliser cela, les artistes ont besoin du savoir technologique et des compétences des scientifiques et ingénieurs. De leur côté, les scientifiques et les ingénieurs profitent des danseurs: ils représentent d’excellents cobayes, puisqu’ils connaissent très bien leur corps et la manière de le mouvoir. Ils peuvent articuler des besoins très précis et défient donc l’état actuel du savoir et de la science.
Sinlab: quand l’art rencontre la science Un centre de compétences unique en Suisse a été inauguré en début d’année 2012 au sein de la Manufacture - Haute Ecole de théâtre de Suisse romande. Baptisé Sinlab, ce projet, dirigé par Jeffrey Huang, professeur à l’EPFL, allie arts de la scène et nouvelles technologies. Sinlab a d’ailleurs été créé conjointement par des grandes écoles de ces deux domaines, la Manufacture, l’EPFL, la Haute Ecole des arts de Zurich et le Département d’études théâtrales de l’Université de Munich. Des danseurs, des musiciens, des scénographes, des scientifiques et des ingénieurs unissent leurs compétences dans le but de développer de nouvelles technologies et susciter des productions artistiques nouvelles. Comment toute la machinerie théâtrale peut-elle faire naître une nouvelle relation entre le plateau et le public? Comment rendre visible l’invisible physiologique? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles les acteurs de Sinlab tentent de répondre. www.sinlab.ch
Ne craignez-vous pas que les nouvelles technologies n’envahissent la scène? Les machines ne doivent pas être des gadgets sur scène qui servent à en mettre plein la vue au public. Le projet artistique doit rester la motivation première. Les technologies doivent jouer un rôle, par exemple transformer l’espace scénique afin d’amplifier sa force expressive. En fait, le théâtre a toujours été considéré comme un microcosme de la société, qui permet à l’homme de s’auto-explorer. Faire intervenir sur scène des interfaces peut déclencher des réflexions, à travers une démarche esthétique, sur le rapport entre l’homme et les machines. C’est dans ce sens que l’art permet de comprendre et d’accéder au monde: en explorant l’esthétique d’un phénomène – la place toujours plus grande que prennent les nouvelles technologies dans notre vie – le spectateur peut changer sa perception et faire évoluer les choses.
Pour le philosophe Jens Badura, les ingénieurs, scientifiques et artistes peuvent s’enrichir mutuellement. Même s’ils emploient des langages différents, ils souhaitent tous découvrir quelque chose de nouveau.
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GASTRONOMIE
La gastronomie, entre plaisir et précision Les règles en matière d’arts de la table et d’œnologie ne manquent pas. Toutefois, trop d’attention apportée aux détails peut nuire. Explications. TEXTE
| William Türler
Cependant rien n’est immuable en matière de service. La créativité est même de mise, selon Christophe Laurent, à condition de ne jamais choquer et de respecter des règles d’or: techniques (toujours servir les boissons avant la nourriture car celle-ci influence le goût du vin, servir le froid avant le chaud, etc.) et humaines ou de protocole (les femmes, les personnes âgées ou titrées doivent être servies en premier, etc.)
«Dans les hôtels et dans les restaurants, le service ne doit pas être trop rigide. Les détails ne doivent pas tuer le plaisir: les gens sortent avant tout pour passer du bon temps!» Professeur d’arts de la table à l’Ecole hôtelière de Lausanne - EHL, Christophe Laurent ne renie pas les règles élémentaires en matière de service. En revanche, elles ne doivent pas mettre mal à l’aise ou stresser les convives, pris d’angoisses devant une table de musée ajustée au millimètre.
«Aujourd’hui, on utilise souvent un seul verre passe-partout plutôt qu’un verre différent pour chaque type de vin, note Christophe Laurent. Faire flamber les bananes devenant un peu dépassé, on peut les remplacer par des mangues et utiliser du rhum blanc.» Tout comme la cuisine, le service doit évoluer. Les plats changent, mais conservent les mêmes techniques: les chariots qui servent à apporter les desserts ou les fromages peuvent être utilisés aujourd’hui pour présenter des amuse-bouches, en début de repas.
Comme pour tout art, il faut être un expert pour se permettre de «jouer» avec les codes. Et en matière d’arts de la table, ce ne sont pas les règles qui manquent. Ne dit-on pas que la surface pour chaque invité dans un banquet doit représenter 80 cm ou que le verre doit se placer exactement dans la prolongation de la pointe du couteau? Beaucoup de ces règles proviennent du soin apporté au confort et à la sécurité du client. D’autres sont liées à des us et coutumes historiques. Dans la tradition française, on place les dents de la fourchette et la pointe de la cuillère contre la nappe, car les orfèvres inscrivaient les armoiries à l’envers des couverts. Leurs confrères anglais procédaient de manière inverse et donc, dans la tradition anglaise, cuillères et fourchettes sont placées avec les pointes vers l’extérieur.
Et bien sûr, il y a autant de règles qu’il y a de régions. En Asie, il est possible d’utiliser les mêmes baguettes pour tous les plats. En Afrique noire, la sagesse prime sur le sexe. Tout ne doit donc pas être appliqué à la lettre, avec une précision militaire: il faut s’adapter au moment et au client. On parle ainsi de plus en plus de
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Le spécialiste des arts de la table Christophe Laurent estime que la créativité a sa place dans le service, à condition de bien maîtriser certaines règles d’or.
PORTFOLIO
Une bombonne utilisée pour un prototype chez VocScan. Thierry Zesiger, cofondateur de VOCscan, a utilisé cette bombonne pour tester l’un de ses appareil. Sa startup est spécialisée dans l’analyse des substances organiques volatiles. En associant la spectrométrie de masse à la chimiométrie, elle est en mesure de comparer toute sorte d’échantillons, notamment dans les secteurs agroalimentaire et pharmaceutique, plus rapidement que ses concurrents sur le marché.
GASTRONOMIE
De la vigne à la table en détail
fooding (contraction de food et feeling), soit le fait de faire entrer l’émotionnel, le plaisir, le sentiment dans les arts de la table. «Les restaurants qui marchent aujourd’hui sont très attentifs à cet aspect, relève Christophe Laurent. Auparavant, on partait de l’extérieur pour arriver au centre de l’assiette. Aujourd’hui, on assiste au processus inverse: la question est de savoir comment présenter au mieux la nourriture.» Et qu’en est-il du sourire? De moins en moins présent en Europe, il reste indispensable selon le spécialiste. En faisant attention toutefois de ne pas tomber dans certains travers superficiels, comme aux Etats-Unis, où la motivation du personnel est avant tout financière, pourboire oblige…
une composition en sucres, acides, tannins ou anthocynes différente. «On ne voit pas non plus des vignes bâchées en cours de journée sous prétexte qu’elles auraient reçu une durée suffisante de soleil, poursuit Jean-Philippe Burdet. Les seuls actes effectués dans le cadre de la culture de la vigne et de l’élaboration du vin qui exigent de la précision sont l’apport de divers intrants: la fumure, le dosage des produits de protection des plantes, le dosage de dioxyde de soufre ou l’apport d’oxygène.» Les méthodes utilisées pour l’analyse des vins exigent aussi un degré élevé de précision. Il convient donc en œnologie de privilégier des notions comme le soin, la propreté et la maîtrise apportés à la vigne et au vin, et qui auront une influence décisive sur leur qualité. «La maîtrise en viticulture peut être vue comme la bonne gestion: du sol, du climat, des portegreffes, des cépages, de l’entretien du sol, des soins aux ceps, des questions à l’entrée en cave, des opérations de débourbage, de fermentation, de l’élevage des vins et du conditionnement», énumère Jean-Philippe Burdet.
L’œnologie, une science non exacte La fabrication du vin est davantage concernée par la maîtrise et l’exigence que par la précision.
En ce qui concerne les évolutions technologiques récentes, elles ont eu moins d’importance que les découvertes scientifiques, telles que les travaux de Louis Pasteur, qui ont permis d’expliquer les processus fermentaires et les causes de déviations dépréciant la qualité du vin. Ces travaux sont à l’origine d’évolutions dans le choix des matériaux des cuves, dans le soin apporté à des travaux de vinification et dans la mise en place de mesures d’hygiène. Des évolutions qui ont permis d’obtenir une plus grande régularité dans la qualité des vins.
Comme pour les arts de la table, en œnologie la notion de précision n’est pas un paramètre central: «Le vin est un produit vivant, qui évolue au cours du temps et qui est issu d’une transformation naturelle, celle des sucres en alcool ou en vinaigre, d’un produit naturel, le raisin», explique Jean-Philippe Burdet, professeur à l’Ecole d’ingénieurs de Changins – EIC. Dès lors, comme on ne peut exiger d’une plante ou d’un animal qu’ils soient précis dans leur conception ou leur croissance, on ne peut pas attendre de la production de raisins ou de l’élaboration d’un vin qu’elles répondent à des équations précises.
«Il est possible d’élaborer d’excellents vins sans recourir à des technologies pointues», résume Jean-Philippe Burdet. L’apport des technologies innovantes est principalement observé dans les appareils d’analyse des vins et pour améliorer le fonctionnement de machines telles que les pressoirs, les filtres ou les groupes pour la mise en bouteilles des vins. En définitive, l’apport de technologies permet d’industrialiser le processus, de le rendre plus sûr, mais n’est en aucun cas une garantie pour produire un vin inoubliable…
La destinée naturelle du raisin est donc d’évoluer en vinaigre et l’homme interfère avec ce processus pour le bloquer et l’engager dans une autre voie. «Cet acte est d’ordre éducatif: il n’y est pas question de précision, mais d’exigence et de maîtrise», poursuit le spécialiste. Le vin ne compte pas de date limite de conservation ou de consommation. Un raisin d’un même cépage, issu d’une même parcelle et cultivé par le même vigneron aura d’un millésime à l’autre
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Jean-Philippe Burdet considère qu’il est possible d’élaborer d’excellents vins sans recourir à des technologies pointues.
GASTRONOMIE
De la vigne à la table en détail
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FINANCE
Finance: l’illusion de la précision La finance quantitative commande désormais les marchés, mais est plus souvent mal comprise que bien maîtrisée. Des spécialistes appellent à un renouveau des sciences économiques pour mieux intégrer le facteur humain. TEXTE
| Daniel Saraga
Mars 2011. Une vingtaine de chercheurs en finance lancent un appel: il faut «renouveler la recherche et l’enseignement afin de mieux servir le bien commun». Le texte publié par l’Observatoire de la finance dénonce les limites de la «pensée dominante en matière économique». Cette finance orthodoxe basée sur une vision mathématique de l’Homme et des marchés financiers a montré ses limites lors de la crise financière de 2007.
Des outils trop complexes
«Les outils de modélisation ne doivent pas faire croire à une sécurité absolue, souligne Rajna Gibson. Au contraire, il faut systématiquement indiquer l’imprécision qui les accompagne.» Un modèle quantitatif n’est pas un outil de décision, mais un outil d’aide à la décision, rappelle Olivier Scaillet de l’Université de Genève: «Il est nécessaire de l’interpréter, ce qui exige d’en connaître les limitations. Un modèle n’est jamais la réalité.» C’est l’un des problèmes centraux causé par la mathématisation de la finance: peu de professionnels comprennent ces produits complexes. «Les connaissances restent segmentées, poursuit Olivier Scaillet. Souvent mal formés, les gens prennent rarement du recul.»
L’appel ne vient pas d’anticapitalistes ou de personnes allergiques aux mathématiques – les signataires incluent la directrice du pôle national de recherche Finrisk, Rajna Gibson, ou encore Marc Chesney, spécialiste du marché des options à l’Université de Zurich. S’ils se font du souci, c’est parce qu’ils voient des dangers dans un marché financier devenu trop complexe pour assurer sa mission première: servir l’économie réelle et non la spéculation.
Comme tout outil, le danger des produits financiers vient de la manière dont on les utilise. «On l’oublie souvent, mais les CDS (credit-default swap) au cœur de la crise des subprimes de 2007 avaient été développés pour se protéger d’un risque de faillite, rappelle Walter Farkas, professeur de finance quantitative à l’Université de Zurich. Par la suite, des traders ont utilisé ces produits à des fins spéculatives.» Ironiquement, ce qui avait pour but de réduire les risques a finalement contribué à l’une des plus grandes catastrophes financières.
Avec ses méthodes mathématiques sophistiquées, la finance quantitative devrait permettre de maîtriser les outils financiers, mais semble nourrir une dangereuse illusion du contrôle et une situation dans laquelle des spécialistes aveuglés par des chiffres finissent par perdre la vision d’ensemble.
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Options exotiques Les options exotiques sont des produits financiers dérivés complexes, comme par exemple une option dont la valeur est définie par l’historique du produit sous-jacent ou dont le sousjacent est luimême une autre option. Selon le financier William Margrabe, «une option exotique est comme la littérature pornographique: on ne sait pas bien la définir, mais on la reconnaît quand on la voit».
CDS Un CDS offre une assurance pour protéger ses titres contre le risque de faillite de l’entreprise les ayant émis. En 2007, le marché des CDS a dépassé les 50’000 milliards de dollars, soit 2 fois celui des actions américaines. La bulle des CDS est considérée comme l’une des causes de la crise de 2007.
FINANCE
L’illusion de la précision
Malgré ces dangers, Olivier Scaillet refuse l’idée d’une interdiction. «C’est comme pour l’automobile: on ne va pas interdire les Ferrari parce qu’il y a des conducteurs maladroits.» Mais même autorisées, les voitures puissantes doivent respecter le code de la route. Alors que les marchés financiers encouragent toujours l’utilisation de produits financiers complexes.
Finance à haute fréquence Le High Frequency Trading (HFT) comprend des ordres boursiers passés en quelques millisecondes par des algorithmes automatiques. En 2011, le HFT a représenté plus de 50% des transactions boursières américaines.
La crise financière a tout de même eu un impact: l’utilisation des produits très complexes (ou «exotiques») s’est fortement réduite, selon Walter Farkas. «Les petits clients, en particulier, ne veulent plus de produits impossibles à comprendre.» Mais l’émergence de la finance à haute fréquence génère de nouvelles inquiétudes. Cette pratique se base sur des transactions exécutées en moins de quelques millisecondes par des algorithmes automatiques. Livrés à euxmêmes, ils pourraient s’emballer comme lors du flash crash du 6 mai 2010.
Le flash crash de 2010 Le 6 mai 2010, la valeur de certaines actions américaines tombe à pratiquement zéro – alors que d’autres s’envolent au-delà des 100’000 dollars. Après une intervention des autorités boursières, les cours se rétablissent un quart d’heure plus tard.
Le profit avant la prudence
Censée éviter les grandes pertes, la gestion du risque a elle aussi montré ses limites en 2007. Malgré des outils quantitatifs précis, les banques se sont précipitées dans un gouffre financier. «Les modèles de risque ne savent pas bien prendre en compte les événements extrêmes et les effets de masse qui génèrent des corrélations fortes pendant les phases de crise, explique Rajna Gibson. A l’inverse, une erreur courante est de se contenter d’une analyse de risque globale en oubliant de regarder certaines positions individuelles.»
Gestion du risque Les spécialistes du risque doivent identifier tous les risques pesant sur une entreprise. Sur le plan financier, ils doivent s’assurer d’une bonne diversification (géographique, par secteur industriel ou par produit financier) afin d’éviter qu’un événement unique ne puisse mettre en péril l’entreprise.
En pratique, l’efficacité du contrôle des risques est dépendante de l’orientation stratégique d’une banque. «Le plus souvent, le spécialiste des risques se trouve au même niveau hiérarchique que le chef du trading, souligne Olivier Scaillet. Leur supérieur aura tendance à écouter le trader, car c’est lui qui rapporte. Pour une bonne maîtrise des risques, il est crucial que le risk manager se trouve tout en haut du management, comme c’est le cas, rarement, dans certaines banques.» Les problèmes viennent d’un cloisonnement entre les différentes disciplines. «Les traders devraient parler aux spécialistes des risques qui possèdent une vision plus large, note Walter Farkas. Mais les risk managers
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Les Madame Soleil de la conjoncture
«Zéro positif» (28.12.2011), «A nouveau négatif» (27.01.2012), «Recul enrayé» (29.02.2012). Les prévisions conjoncturelles (croissance, chômage, exportations…) se succèdent – et se contredisent – à un rythme mensuel. Malheureusement, l’exercice est des plus imprécis, comme l’a montré une étude d’Aurelio Mattei, professeur HEC à l’Université de Lausanne. Entre 1977 et 2006, les prévisions annuelles de croissance du PNB suisse ont affiché une erreur relative moyenne de 1 point – une prévision de 1% de croissance pouvait aussi bien se traduire par une hausse de 2% que par une complète stagnation. «Les erreurs les plus marquées concernent les changements de tendance – à savoir les situations où elles seraient vraiment utiles», commente Aurelio Mattei. Avec une telle incertitude, une prévision donnée avec une décimale (comme par exemple +1,9%) fait croire à une précision qu’elle ne peut livrer. Dans le Beobachter de février 2009, le directeur de l’institut de conjoncture BAK Urs Müller soutenait que ses clients «veulent avoir des chiffres précis», confondant allégrement précision avec nombre de décimales. Aurelio Mattei dit ne pas croire à une amélioration de ces prévisions. Son travail est d’ailleurs relativement rare: les instituts de conjoncture helvétiques ne se penchent guère sur leur propre performance. «Cela demande beaucoup de travail», argumentait Willy Roth du KOF dans le Beobachter. C’est bien dommage, car sans admettre ses erreurs, quelle chance de s’améliorer?
FINANCE
L’illusion de la précision
rieures pour leur exposition au risque», ajoute Walter Farkas. Mais cela ne suffit pas toujours selon le chercheur zurichois. Le trader londonien qui a fait perdre 2 milliards à UBS en 2011 semble avoir déjoué les dispositifs d’alarme grâce à des mots de passe qu’il avait obtenus lors d’une précédente activité au sein d’UBS.
devraient aussi s’intéresser aux aspects opérationnels pour confronter leurs théories. L’humain n’est pas rationnel
Dans tous ces modèles, le grand absent est l’être humain. «Les outils de modélisation financière sont utiles, mais l’économie reste une science où l’aspect humain joue un rôle important», souligne Rajna Gibson. Les théories standards de l’économie – celles que dénonce l’appel de mars 2011 – voient l’homme comme un agent purement rationnel, un homo economicus qui opte toujours pour la maximisation de ses profits. Mais ce modèle ne décrit pas la réalité: l’homme possède des «biais cognitifs». Il suit son intuition, préfère ne pas gagner une certaine somme que de la perdre et s’accroche à une action qui a chuté. Etonnamment, ce n’est pas la théorie qui est jugée comme invalide, mais l’humain qui, faute de se conformer aux modèles théoriques, se voit décrit comme étant «biaisé».
Les limites de la précision
L’espoir d’éviter tout risque financier paraît utopique. «Les banquiers doivent faire face à des exigences contradictoires, souligne Walter Farkas. Les clients et les autorités demandent que les banques diminuent les risques et continuent à générer de bons profits.» De même, une science économique exacte semble difficilement réaliste. Rajna Gibson prévient: «Il est crucial de nourrir une vision critique sur la manière dont la recherche en économie progresse.»
«La prévision financière n’est pas une science exacte»
Ces biais cognitifs sont connus des psychologues depuis des décennies et n’ont eu pratiquement aucun impact sur la pratique financière. «Il existe un grand écart entre les outils mathématiques très précis et la grande part jouée par l’intuition dans les métiers financiers, relève Olivier Scaillet. On voit souvent des banquiers incapables de justifier leur choix.» Les banquiers parlent peu aux chercheurs, qui eux ne partagent pas toujours leurs connaissances. «Les travaux de psychologie ont de la peine à se faire une place dans le monde de la finance quantitative», ajoute Thorsten Hens de l’Université de Zurich. «C’est l’un des objectifs de l’appel de mars 2011, souligne Rajna Gibson: faire converger analyse quantitative et finance comportementale.»
Le professeur Jean-Michel Sahut estime qu’une refonte des concepts de l’analyse économique est nécessaire dans le contexte actuel. TEXTE
| Geneviève Ruiz
Dans quelle mesure la finance basée sur une vision mathématique des marchés financiers a-t-elle montré ses limites? La crise financière de 2007 et la crise de l’euro qui a suivi à l’été 2011 ont démontré l’inefficience des marchés, avec des niveaux de volatilité très élevés des indices boursiers. On assiste donc, depuis quatre ans, à une crise de confiance. Les outils de gestion de portefeuille et des risques, même les plus sophistiqués mathématiquement, ont été davantage des instruments de cette perte de confiance qu’une cause. Cette angoisse dans laquelle sont plongés les investisseurs se traduit par des niveaux de volatilité élevés. Ils ne savent plus à quels indicateurs économiques se référer.
L’analyse de risque, elle aussi, peine à intégrer le facteur humain. «Nous devons réaliser des progrès au niveau des risques opérationnels, c’est-à-dire liés aux fautes humaines, poursuit Rajna Gibson. Cela passe par des changements de gouvernance interne et par le développement d’une culture d’intégrité – des aspects qu’on ne peut pas chiffrer.» «Les grandes institutions telles que Credit Suisse ont fait d’énormes efforts pour améliorer leurs systèmes de contrôle interne et définir des limites supé-
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Professeur à la Haute Ecole de gestion HEG – Genève
FINANCE
L’illusion de la précision
Pourquoi n’est-il pas possible, même grâce aux modèles mathématiques, de faire des prévisions sûres à 100%? La prévision financière, encore plus que la prévision météo, n’est pas une science exacte. Les prévisions boursières à court terme sont fiables lorsque l’environnement financier est stable. Mais quelle que soit leur sophistication, leur capacité de prévision reste limitée. C’est pourquoi les praticiens les considèrent comme difficilement implémentables dans leurs processus de gestion. Ils préfèrent adapter les modèles existants, en rajoutant par exemple aux extrémités de la courbe de Gauss (la loi normale qui est censée décrire les rendements boursiers) un coefficient appelé Kurtosis afin d’intégrer une certaine occurrence d’événements extrêmes. Maintenant, si on s’interroge sur la question de la prévisibilité des crises, mon avis est que la plupart sont prévisibles à partir d’une analyse approfondie de l’environnement économique. Car elles résultent d’une conjonction de facteurs économiques négatifs qui apparaissent progressivement. Généralement, le facteur déclenchant la crise n’est que marginal dans cette succession. Dans le cas de la crise des subprimes, dès le début de l’année 2007, des personnalités fortes de la finance comme Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne ou Alan Greenspan, l’ancien patron de la Banque centrale américaine (FED) dénonçaient déjà certains risques. Mais les banquiers et les investisseurs continuaient à affirmer que tout allait bien. Sauf qu’avec la faillite des grandes banques américaines, ils se sont rendu compte de leurs erreurs. Et cette crise est logique, car depuis 2003, les banques dégageaient des taux de rentabilité de 20% alors que les économies des pays occidentaux affichaient des taux de croissance de 2 à 4%. Le monde de la finance était déconnecté de l’économie réelle.
Jean-Michel Sahut explique que le concept de l’homo economicus s’est avéré utile dans la construction des théories économiques et qu’on ne peut pas le rejeter sans nuance.
pas jeter le bébé avec l’eau du bain» et être capable de prendre du recul afin de faire avancer la science économique. En finance, on assiste à cette dualité entre l’utilité du concept homo economicus et sa remise en cause dans les modèles comportementaux. Les auteurs du courant de la finance comportementale développent des modèles du comportement des opérateurs pour expliquer l’évolution des cours boursiers. Ils utilisent des règles qui excluent la connaissance du modèle de formation des prix et introduisent l’hypothèse de bulles irrationnelles ou rationnelles. Selon eux, dans certains segments du comportement humain siégerait une rationalité, tandis que dans d’autres, dont la prévision, régnerait une douce anarchie. Même s’il est vivement critiqué, le concept d’homo economicus est donc loin d’être mort. Mais une refonte des concepts de l’analyse économique s’avère de plus en plus nécessaire afin de mieux rendre compte de la réalité.
Va-t-on vers la fin de l’homo economicus? L’homo economicus, cet être rationnel, qui ne modifierait jamais ses préférences, est un mythe. Il s’est avéré utile dans la construction des théories économiques et reste prédominant pour expliquer celle du consommateur en microéconomie. Il faut donc prendre garde à «ne
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BIBLIOGRAPHIE
Références sur la précision Une liste de quelques ouvrages pour ceux qui souhaitent approfondir les sujets abordés par Hémisphères dans ce dossier.
Autisme
Finance
Horaires
Je suis né un jour bleu,
Inefficience et dynamique des marchés financiers, Sahut JM., Jawadi F., L’Harmattan, 2009
Modélisation et optimisation de la gestion opérationnelle du trafic ferroviaire des circulations en cas d’aléas,
Introduction to Behavioural Finance, Shleifer A., Clarendon
Gély L., thèse de doctorat, Université de Bordeaux, 2010
Tammet D., J’ai Lu, 2009
Les Emotions chez l’enfant, Thommen E., Belin, 2010
Une Anthropologue sur Mars, Grandin T., Seuil, 1996
Press, 2000
Bureaucratie
Quelques Mythes et réalités sur la crise des subprimes,
Allègement administratif des entreprises, Secrétariat
Sahut JM., Mili M., Gestion 2000, n°6, Décembre 2009
d’Etat à l’économie, 2011
Gastronomie
Mesure des coûts de la réglementation pour les PME suisses, USAM, 2010
Chronométrie La Mesure du temps en mer et les horlogers suisses, Fallet E., L’Homme et le temps, 1995
The Quest for Longitude,
Service: A guide for professionals, Cartlgruber M.,
Railway Timetable & Traffic. Analysis - Modelling – Simulation, Hansen I., Pachl J., Eurailpress, 2008
Laser Les Lasers, principe et fonctionnement, Dändliker R., Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 1989
Cartlgruber H., Gutmayer W., Lenger H., Lenger R., Siegel L., Siegel S., Stickler H., Trauner Verlag+Buchservice, 1999
Speckle pattern simulations for in-plane displacement measurements, Salvadé Y.,
Histoire
Bonjour R., Proc. SPIE 8083, 80830H, 2011
Comment la Suisse est devenue une place financière internationale, Guex S.,
Nanotechnologies
Andrewes W., Toppan Printing, 1993
Référence 13, 1999
James Bond contre - ou pour?
A fully sealed luminescent tube based on carbon nanotube field emission,
Design
Guex S. et Haver G., In HacheBissette Françoise, Boully Fabien, Chenille Vincent (eds.), James Bond (2)007. Anatomie d’un mythe populaire, Belin, Paris, pp. 330-338, 374, 2007
Growth of carbon nanotubes characterized by field emission measurements, Bonard
Esthétique industrielle, Von Maus S., Pro Helvetia/ Desertina, 1992
Helvetica Forever, Masly V., Lars Müller Publishers, 2009
Swiss graphic design, Hollis R., Laurence King Publishing, 2006
We make fonts, Rappo F., Heiz A.V., JRP|Ringier, 2006
Croci M., Arfaoui I., Stöckli T., Chatelain A., Bonard J.-M., Micro-electronic Journal, 2003
Humair C., Tissot L., Antipodes, 2011
J.-M., Croci M., Klinke C., Conus F., Arfaoui I., Stöckli T., Chatelain A., Physical Review B, 2003
L’Image de la Suisse,
Théâtre
Le Tourisme suisse et son rayonnement international,
Haver G., LEP, 2011
L’Ordre du temps. L’invention de la ponctualité au XVIe siècle, Engammare M., Droz, 2004
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Entanglement. Technology and the transformation of performance, Salter C., MIT Press, 2010
Francesca Sacco Journaliste formée à l’ATS, indépendante depuis 1992 et spécialisée dans l’investigation, Francesca Sacco travaille pour une demi-douzaine de médias romands. La précision, dans son métier, c’est la valeur suprême du travail d’écriture. Pour ce dossier, elle s’est intéressée au laser.
Leonello Zaquini D’origine italienne, ce professeur à la Haute Ecole Arc Ingénierie (Le Locle) est arrivé à Neuchâtel il y a quinze ans. Il a été séduit par l’esprit particulier qui règne dans la région, en lien avec l’amour de la micromécanique. Il a crée son entreprise Caravelcut en 2009, un site internet qui propose des logiciels destinés aux entreprises actives dans la microprécision. Au moyen d’un abonnement, ses clients peuvent accéder à des solutions pour résoudre des problèmes d’usinage ou d’optimisation des paramètres de coupe.
Précision neuchâteloise
Bulletin, page 13
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Clémence Anex Graphiste chez LargeNetwork, Clémence a étudié aux Beaux-arts de Toulouse et à l’Eracom à Lausanne. Pour elle, la précision serait l’attention rigoureuse portée à ce que l’on réalise, définit ou dit. Cette attitude exigeante nécessite de la concentration, de l’organisation et un certain perfectionnisme, mais c’est elle qui fait la différence au niveau du résultat.
Précision neuchâteloise
Dorothée Baumann Cette artiste plasticienne, qui travaille à Genève depuis 2006 et enseigne la photographie à la HEAD, a réalisé le portfolio du Dossier. Pour elle, la notion de précision est une forme de culte qui s’inscrit dans une histoire progressiste de l’Occident, ici en particulier la Suisse.
Serge Maillard Journaliste à LargeNetwork, Serge Maillard a décrit dans ce numéro les imprécisions juridiques qui font de la Suisse un nirvana pour les parias du web. A ses yeux, la précision reflète une pensée ou une démarche arrivée à maturité.
Julie Zaugg Julie Zaugg travaille comme correspondante free-lance à Londres depuis fin 2011. Elle est auparavant passé par les rédactions de L’Hebdo, de LargeNetwork et de l’ATS. Son aventure britannique lui a permis de mesurer à quel point la précision est une vertu toute helvétique, synonyme de travail bien fait et de rigueur. Pour Hémisphères, elle a interrogé Jean-Luc Heeb sur les nouvelles formes de précarité. Bulletin, page 8
Matthias Studer Le fondateur de l’entreprise Macianer à Neuchâtel à participé au portfolio. Passionné de microtechnique, il a été le premier en Suisse à proposer un service de réparation pour les tablettes et les smartphone, dont certains composants ont la taille d’un cheveu. Précision neuchâteloise
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Emilie Veillon Depuis la fin de ses études en psychologie et sociologie des médias à Lausanne, puis Londres, cette journaliste free-lance travaille pour le quotidien Le Temps et pour LargeNetwork. Dans ce numéro, elle s’est penchée sur l’histoire de la chronométrie. Pour elle, la précision, c’est trouver les mots justes pour retranscrire une émotion. Page 44
François Rappo Dans son interview, ce professeur de typographie à l’ECAL explique les particularités du graphisme suisse. Elles résident notamment dans les efforts qui ont été déployés pour étendre une culture graphique centrée sur le livre aux techniques industrielles et aux arts plastiques.
Pierre Grosjean Pierre Grosjean, cofondateur de l'agence LargeNetwork, apprécie la précision des graphistes suisses de l'après-guerre. C'est pour mieux comprendre leur héritage qu'il interviewé François Rappo, responsable du master en Art Direction à l’ECAL. Page 31
Mirko Croci Ce spécialiste du Centre d’études et de transferts technologiques de la HEIG-VD raconte que les nanotechnologies sont simplement des objets constitués de quelques milliers d’atomes et caractérisés par des diamètres de l’ordre du nanomètre. Page 18
Page 31
Evelyne Thommen Certains autistes sont capables de discriminer des éléments que nous sommes incapables d’identifier, comme les quarts de ton en musique. C’est ce qu’explique cette experte de l’autisme, professeure à la Haute Ecole de travail social et de la santé – EESP – Lausanne. Page 53
CONTRIBUTIONS
Jean-Michel Sahut Professeur à la Haute Ecole de gestion HEG-Genève, Jean-Michel Sahut s’interroge sur les limites des capacités de prévision des modèles mathématiques sophistiqués en finance. Pour lui, une refonte des concepts de l’analyse économique s’avère de plus en plus nécessaire dans le contexte actuel. Page 76
Alexia Payot Réunies autour d’une passion commune pour la langue française, Alexia et Samira Payot ont créé le petitcorrecteur.com. Ces deux correctrices chevronnées se considèrent comme un 3e œil et travaillent dans l’ombre du journaliste. «Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, Polissez-le sans cesse, et le repolissez» est leur devise, à la manière d’un artisan horloger qui tend à la précision et à l’harmonie.
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Bertrand Beauté Journaliste pour LargeNetwork, il s’est rendu pour ce numéro dans les locaux de Swisstopo, où sont réalisées les cartes topographiques et géologiques suisses. En tant que journaliste scientifique, il connaît l’importance d’être précis, mais ne cesse de s’interroger: pourquoi cette précision brutale qui maltraite nos incertitudes? Pages 18, 57
Siège Haute Ecole Spécialisée de Suisse occidentale HES-SO Rue de la Jeunesse 1 Case postale 452 CH-2800 Delémont +41 32 424 49 00 www.hes-so.ch
Directions cantonales
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Haute Ecole Arc Ingénierie – HE-Arc Ingénierie Haute école de gestion Arc – HEG Arc Haute Ecole Arc Conservation-restauration Haute Ecole Arc Santé – HE-Arc Santé Haute Ecole de Musique de Genève HEM – Site de Neuchâtel
Haute école de gestion de Fribourg – HEG-FR Ecole d’ingénieurs et d’architectes de Fribourg – EIA-FR Haute école de santé Fribourg – HEdS-FR Hochschule für Gesundheit Freiburg Haute Ecole fribourgeoise de travail social – HEF-TS
Design et Arts visuels Haute Ecole de Musique de Lausanne HEMU – Site de Fribourg
Economie et Services Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud – HEIG-VD
Ingénierie et Architecture
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Musique et Arts de la scène
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Santé
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Travail social
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Siège HES-SO DELÉMONT
Haute Ecole de Musique de Genève – HEM-GE Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève – hepia JURA
Haute Ecole de Santé Genève – HEdS
BERNE
Haute école de travail social Genève – HETS-GE
NEUCHÂTEL FRIBOURG
Ecole d’ingénieurs de Changins – EIC
VAUD
Ecole hôtelière de Lausanne – EHL
HES-SO//Master
Haute école de théâtre de Suisse romande – HETSR – La Manufacture
VALAIS GENÈVE
HES-SO//Master
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Couverture: Yearbook of the United States Department of Agriculture, Plate XLVII,
p. 5 p. 6
1901 © Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève Rabat gauche: James Balog Rabat droite: Thomas Pennant, History of quadrupeds, 3rd ed. London: B.&J. White, 1793. p.188 Fig. 41/crédit: Bibliothèque du Muséum d’histoire naturelle de la Ville de Genève MHN Thierry Parel Flickr_Yanfoto Jakob Amiet, Der Siegreiche Kampf der Eidgenossen Gegen Jesuitismus und Sonderbund, 1848
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p. 12 p. 13 p. 15 p. 16 p. 17 p. 19 p. 20 p. 21
Modèle géologique 3D de la Feuille géologique Sion en Valais © Crealp & Swisstopo 2011 Gérard Pétremand Airesdales, Gregory Blackstock © Garde Rail Gallery Roman Signer, Florian Bachmann © Art: concept, Paris Christian Bili DR DR DR Breguet DR DR DR DR Reuters Victorinox The Stranger, 1946, Orson Wells / Newscom The Maltese Falcon, 1941, John Huston / Newscom Lola rennt, 1998, Tom Tykwer/Newscom Wall Street, 1987, Oliver Stone/Newscom DR Sébastien Fourtouill Gérard Pétremand Gérard Pétremand DR Dorothée Baumann Jean-Luc Cramatte Christian Bili et Sébastien Fourtouill
p. 23 Christian Bili et Sébastien Fourtouill p. 24 Jean-Luc Cramatte p. 25 Dorothée Baumann p. 27 Bertrand Rey p. 28 Anthony Leuba p. 29 Anthony Leuba Anthony Leuba p. 30 Anthony Leuba Anthony Leuba p. 33 Bertrand Rey p. 35 Bertrand Rey p. 36 DR p. 38 Taiyo Onorato et Nico Krebs p. 39 Thomas Ruff © Mai 36 Galerie, Zurich p. 40 Thierry Parel
ICONOGRAPHIE
p. 41 4 Systems, excerpt from Folio (1952/53) and 4 Systems (1954), 11 15/16 x 16 ¾ inches © 1961, Associated Music Publishers Print Courtesy The Earle Brown Music Foundation p. 43 Dorothée Baumann p. 44 Jean-Luc Cramatte p. 45 Antikythera Mechanism Scenographia Systematis Mvndani Ptolemaici – Scenography of the Ptolemaic Cosmography,
p. 46 p. 47 p. 51 p. 53 p. 54
Johannes van Loon, ca. 1611–1686. Jean-Luc Cramatte Dominique Loiseau © atelier-loiseau DR CEMCAV Bertrand Rey Trogons, Gregory Blackstock ©Garde Rail Gallery Building, Gregory Blackstock © Olivier Laffely/Collection de l’art brut, Lausanne
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p. 55 Beetles, Gregory Blackstock © Olivier Laffely/Collection de l’art brut, Lausanne Weathers, Gregory Blackstock © Garde Rail Gallery Ravens, Gregory Blackstock © Olivier Laffely/Collection de l’art brut, Lausanne p. 56 Jean-Luc Cramatte p. 58 Modèle géologique en 3D de la région bernoise couplé avec swiss BUILDINGS3D © Swisstopo 2012 p. 60 Dorothée Baumann p. 63 Starfire © Directed Energy Directorate, US Air Force Gordon Gould © Keystone Laser Megajoule laser beam © Keystone p. 65 Anthony Leuba Jean-Luc Cramatte p. 65 Dorothée Baumann p. 68 Magnum Photos Marie Clerin p. 69 NORM Florian Bachmann/ Art: concept, Paris p. 71 Bertrand Rey p. 72 Bertrand Rey p. 73 Dorothée Baumann p. 74 Anthony Leuba p. 82 Thierry Parel Dos de couverture: Yearbook of the United States Department of Agriculture, Plate XLVII, 1901
© Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève p. 83 Dorothée Baumann DR Thierry Parel Thierry Parel DR Dorothée Baumann DR Dorothée Baumann p. 84 Bertrand Rey Thierry Parel Jean-Luc Cramatte Bertrand Rey Thierry Parel DR Anthony Leuba
HÉMISPHÈRES La revue suisse de la recherche et de ses applications www.revuehemispheres.com Edition HES-SO Siège Rue de la Jeunesse 1 2800 Delémont Suisse T. +41 32 424 49 00 F. +41 32 424 49 01 hemispheres@hes-so.ch Comité éditorial Rico Baldegger, Luc Bergeron, Claudio Bolzman, Philippe Bonhôte, Jean-Michel Bonvin, Rémy Campos, Annamaria Colombo Wiget, Angelika Güsewell, Lysianne Léchot Hirt, Philippe Longchamp, Max Monti, Vincent Moser, Anne-Catherine Sutermeister, Marianne Tellenbach Réalisation éditoriale et graphique LargeNetwork Press agency Rue Abraham-Gevray 6 1201 Genève Suisse T. +41 22 919 19 19 info@LargeNetwork.com
IMPRESSUM Responsables de la publication Pierre Grosjean, Gabriel Sigrist Direction de projet Geneviève Ruiz Rédaction Bertrand Beauté, Benjamin Bollmann, Albertine Bourget, Geneviève Grimm-Gobat, Pierre Grosjean, Camille Guignet, Melinda Marchese, Sylvain Menétrey, Catherine Riva, Geneviève Ruiz, Francesca Sacco, Daniel Saraga, William Türler, Emilie Veillon Images Ludivine Alberganti, Reto Albertalli, Dorothée Baumann, Jean-Luc Cramatte, Anthony Leuba, Fred Merz, Thierry Parel, Bertrand Rey, René Ruis Maquette & mise en page Clémence Anex, Sandro Bacco, Diana Bogsch Relecture Alexia Payot, Samira Payot www.lepetitcorrecteur.com Couverture Illustration de pomme MacIntosh Yearbook of the United States Department of Agriculture, Plate XLVII, 1901 © Conservatoire et Jardin Botanique de la Ville de Genève
N° ISSN 2235-0330
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La présente revue a été imprimée en mai 2012 sur les presses de Staempfli SA à Berne. Le caractère Stempel Garamond (serif) est basé sur le travail que le graveur Claude Garamond (1480-1561) effectua lors de la création de la célèbre Garamond. Le caractère Akzidenz-Grotesk (linéale) a été créé par la fonderie H. Berthold AG en 1896. Le papier est un FSC Edixion offset blanc 100 g/m2 et 250 g/m2. La revue a été tirée à 14’000 exemplaires. Imprimé en Suisse.
Représentation
Classification
Au lieu de le saisir au téléobjectif dans son environnement naturel, comme on le fait généralement pour les espèces menacées, le photographe américain James Balog a offert à ce mandrill un traitement de superstar. Il l’a shampouiné, brossé, éclairé en studio... Une manière provocatrice de mettre en valeur, avec une précision clinique, sa beauté et sa singularité.
Cette créature appartient au genre mandrillus, lequel appartient à la sous-famille des cercopithécinés, laquelle appartient à la famille des cercopithécidés, laquelle appartient à l’ordre des primates, lequel appartient à l’infraclasse des placentaires, laquelle appartient à la sous-classe des thériens, laquelle appartient à la classe des mammifères, laquelle appartient au sous-embranchement des vertébrés, lequel appartient à l’embranchement des chordés, lequel appartient au règne animal.
VOLUME III JUIN 2012
LA REVUE SUISSE DE LA RECHERCHE ET DE SES APPLICATIONS
HES-SO
LA NOUVELLE PRÉCISION SUISSE
Design et Arts visuels Economie et Services Ingénierie et Architecture Musique et Arts de la scène Santé Travail social
LA REVUE SUISSE DE LA RECHERCHE ET DE SES APPLICATIONS HÉMISPHÈRES
CHF 9.– E7.– N°ISSN 2235-0330
VOLUME III
HAUTE ÉCOLE SPÉCIALISÉE DE SUISSE OCCIDENTALE HES-SO UNIVERSITY OF APPLIED SCIENCES WESTERN SWITZERLAND