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Edition du 28 Mai 2015
Mad Max : Fury Road Blind Broadway Therapy Hyena Connasse, princesse des cœurs Uranus (1948) Would You Believe (2006) Metal Machine Music (1975) Tapped Out Debug La French
Edition du 28 Mai 2015 Numéro 117
REDAC' CHEF Fabi
REDACTEURS
Clode Djee Igor Le Loup Céleste Pheroe Pravda Saint-John Poivrot d’Arvor Sergent Pepper
MISE EN PAGE Laric
CORRECTIONS Fabi
SOUTIEN ET PUBLICATION Laric - Syntaxeror
Edité par l’association HomeCinema FRancophone (HCFR) association loi 1901 (JO 13/04/2002) siège social : 21, rue de Fécamp 75012 PARIS SIREN : 444 601 892 00029
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SOMMAIRE A L’AFFICHE Djee, Igor et Le Loup céleste - George Miller - Mad Max : Fury Road Clode - Eskil Vogt - Blind
Sergent Pepper - Peter Bogdanovich - Broadway Therapy
Clode - Gerard Johnson - Hyena
Le Loup Celeste - E. Lang, N. Saglio - Connasse, princesse des cœurs
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SORTIES CINEMA Christina Noble, À court d’enfants, Trois souvenirs de ma jeunesse Un voisin trop parfait, Irvin Yalom, La Thérapie du bonheur À la poursuite de demain
A
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A LIRE Pravda - Marcel Aymé - Uranus (1948)
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MUSIQUE Saint-John Poivrot d’Arvor - Billy Nicholls - Would You Believe (2006) Pheroe - Lou Reed - Metal Machine Music (1975)
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BLU-RAY Le Loup céleste - Allan Ungar - Tapped Out
Le Loup céleste - David Hewlett - Debug
Le Loup céleste - Cédric Jimenez - La French
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A l’affiche
Djee, Igor et Le Loup céleste
Mad Max : Fury Road
George Miller
H
anté par un lourd passé, Mad Max estime que le meilleur moyen de survivre est de rester seul. Cependant, il se retrouve embarqué par une bande qui parcourt la Désolation à bord d’un véhicule militaire piloté par l’Imperator Furiosa. Ils fuient la Citadelle où sévit le terrible Immortan Joe qui s’est fait voler un objet irremplaçable. Enragé, ce Seigneur de guerre envoie ses hommes pour traquer les rebelles impitoyablement… Date de sortie : 14 mai 2015 (2h0min) Réalisé par : George Miller Avec : Tom Hardy, Charlize Theron, Zoë Kravitz Genre : Action , Science fiction Nationalité : Australien , américain
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Mad Max(s) J’ai rêvé d’un Mad Max réalisé par Gus Van Sant. Tourné en un seul plan-séquence, avec un caméscope vintage, pour choper l’incroyable grain des lumières naturelles sur le désert rouge , avec que des mecs qui portent des cuirs à même la peau, partout. C’était même en Odorama, vachement contemplatif, super propre, filmé à hauteur d’homme, mélancolique bien comme il faut, mais j’avoue, c’était tellement mou que je me suis endormi dans mon rêve à un moment. Je me souviens quand même d’une longue scène, LA scène pour ainsi dire, où Matt Damon, qui jouait Max, nettoyait sa Ford Falcon Coupé avec la langue. Ça s’appelait «Maxou» et ça faisait l’ouverture du Festival de Cannes, t’imagines ? C’est pour ça que je sais que c’était un rêve. Je lui ai mis la note de 2.
J’ai rêvé d’un Mad Max réalisé par Martin Scorsese, période avec la barbe. C’était une fresque post-nuke sensible mais avec des couilles quand même. Le héros, Max, joué par Nicolas Cage, avait bouffé son chien le jour où il s’était rendu compte que le clébard était plus intelligent que lui. Pour confirmer, il avait fait un feu car il aime la bidoche archi cuite mais avait été repéré par les méchants. Des adorateurs de chiens. Le méchant en chef, Immortan Joe, joué par Daniel Day Lewis, avait donc décidé, sur les conseils de son nain de fils (joué par un Robert DeNiro qui avait vécu avec des nains pendant sept semaines et avait décidé de se couper les jambes pour le rôle), de bouffer le Max en représailles. Pour lui apprendre que ça se fait pas de bouffer les chiens, la putain de sa race. C’était sauvage mais classieux. Dans une scène, Scorsese avait accroché Clapton avec des élastiques sur un camion et Eric jouait «Wonderfull Tonight» en fermant le yeux pendant la poursuite finale. Comme c’était un Martin période avec la barbe, j’ai mis 9. Obligé. J’ai rêvé d’un Mad Max réalisé par Gaspar Noé. Tout en voix-off monocorde, avec une caméra greffée au front d’un Philippe Nahon qui se trimbale en
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string de cuir dans la nuit désertique, t’as vu, en mode «je vais tout défoncer parce qu’un gang de mutants de Ménilmontant a laissé pour mort mon kangourou», le dernier de son espèce à la con, après l’avoir sodomisé à la chaîne dans l’éprouvant plan fixe long de 19 minutes et 54 secondes qui ouvre le film. Du coup le Max, toujours aussi fou et toujours en slip, part dans une sorte de croisade apocalyptique où il tue les méchants à coup de bistouquette et où personne n’en réchappe. Et c’est tant mieux. Dans le combat final, Max mange les yeux du fils attardé du méchant, joué par un lutteur qui était dans Astérix, mais il ne le tue pas. Il a pour projet de lui apprendre à sauter, pour en faire son kangourou perso. J’avais trouvé ça culotté de violer le mythe avec des sous-entendus homos. Surtout que Van Sant l’avait déjà fait. Dans mon rêve, j’ai quand même mis 8 car j’adore Philippe Nahon en slip. J’ai rêvé d’un Mad Max réalisé par Christopher Nolan. C’était beau parce qu’il y avait Matthew McConaughey dedans et que ce mec, il faut le savoir, il rend beau tout ce qu’il touche. Un peu comme moi. Il n’y avait plus d’eau sur la surface du
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globe et jusqu’à ce qu’il ait soif, Max, il s’en foutait. Il est fou alors il a essayé de boire du gazoline mais c’était pas top. À un moment, il a tellement soif qu’il est à deux doigts de boire son pipi mais son Interceptor se met à lui causer, du coup ça le chamboule. On voit sa pomme d’Adam monter et redescendre le long de son cou, un machin gros comme un poing d’enfant, pendant qu’il essaie de déchiffrer le tac tac touc tic tac tac de son V8. De deux choses l’une, soit des extraterrestres essaient de communiquer avec lui par le biais de sa caisse pour lui demander une information relative à la police vu qu’il était dans la maréchaussée avant que tout parte à vau l’eau, soit il est con. C’était du Nolan pur jus, avec le flashback explicatif qui vient à point nommé, histoire de te dire ce que t’as pas
compris bien que tous les persos en jactent depuis une plombe. C’est romantique aussi, parce que l’amour, il n’y a que ça de vrai. Le méchant, qui est le soleil dans ce film, était joué par Michael Caine et cabotinait un max. Dans mon rêve j’ai mis 6 parce qu’en fait c’était que le rêve d’un autre mec qui rêvait dans ma tête. Je ne sais pas si tu vois le sans-gêne des gens d’aujourd’hui. Puis, j’ai vu Fury Road. J’ai entendu le métal hurler et Max ronger son frein devant l’émergence d’un personnage destiné à l’égaler dans son univers. J’ai retrouvé le fantôme solitaire, le guerrier de la route voué à errer sur tout ce qui supportera sa carcasse, loin
des hommes. Mais j’ai vu la Ford Falcon mythique balayée, recyclée au service d’Immortan Joe. Abandonnée. Et j’ai pleuré. J’ai vu le torpillage pyrotechnique, l’antre de la secte, les ceintures de chasteté, l’orgie mécanique. J’ai vu cette scène d’action de deux heures, quasi ininterrompue, le chaos de la décadence, j’ai ressenti les décharges d’adrénaline frelatée. J’ai vu l’orage mécanique gronder, Max se consumer et renaître de ses cendres. Et j’ai pleuré car Miller l’a fait.
Djee
Journal d’un fou Max a pris trente piges de solitude introspective pour fomenter son come-back en fanfare et en annonces grandiloquentes. Il a travaillé son retour à l’excès, soigné son image et s’est offert Tom Hardy. Il a surtout réappris à se taire, à parler peu et même pas bien comme la sale teigne introvertie qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être, laissant le soin à son loquace entourage de blablater l’apocalypse et l’inespoir, les vils penchants humains et autres obsessions de son créateur. Max porte un lourd passé et le poids d’attentes qu’il semble inconcevable de décevoir, prisonnier créatif d’un carcan séculaire, ombre des aînés, passion à double tranchant d’un public impitoyable. Il ne faillira pas, ne déviera d’un iota d’une ligne de conduite énoncée
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de longue date. Bien malin, sans rien réinventer, il offre les moyens du jour à son monde dévasté. Cette terre morte s’en voit vivifiée, elle gagne en mystère et en profondeur ce qu’elle perd parfois en cachet. Un peuple s’anime, vivote de rage en surface et dans les airs, éternelle bataille absurde, vaine cavalcade mécanique assumée dont la vacuité s’avère la plus grande force. Et les moteurs s’ébrouent. Pour ne plus jamais s’apaiser. Car Max a poussé ses premiers vagissements cinématographiques à l’heure bénite des grands road-movies et n’a jamais oublié les Duel et autres Vanishing Point, métaphores cyniques, faciles et jouissives, asphalte brûlant d’une vie rêvée, tranches d’existences aussi éphémères et condamnées qu’exaltantes. Max sait que s’arrêter c’est périr. Max ne s’arrête jamais, accélère jusqu’au tournis, à la surchauffe, traînant avec lui sa bien étrange troupe qui jamais ne figure et se taille une belle part de ce sanglant gâteau, jouant à fond le jeu morbide et ses règles assassines. Max est revenu tel qu’il fallait revenir. Sans fard, avec son temps sans renier celui d’avant. Il a de nouveau taillé un monde à sa mesure. Un monde unique aux limites incertaines et aux questions Numèro 117 - HCFR l’Hebdo
sans réponse où les V8 boivent goulûment quand les hommes s’étripent pour une goutte d’eau, où les femmes sont mères et soldats, où l’on muselle l’ennemi qui nourrit. Où rien n’a de sens. Où la rédemption passe par la folie. Igor Trente ans après le dernier volet, le metteur en scène visionnaire George Miller rallume le moteur de la saga post-nuke culte «Mad Max» avec ce trip motorisé déchaîné et visuellement renversant qui n’actionne jamais la pédale de frein et tient parfaitement la route. La bande-annonce promettait une claque et force est d’avouer qu’elle ne mentait pas sur la marchandise car le film est une déflagration telle qu’il écrase tous les blockbusters d’action de ces dernières décennies. Certes le scénario est simpliste et les dialogues rarissimes mais l’intrigue toujours en mouvement, ode vrombissante au féminisme, se joue durant une course-poursuite hallucinante de deux heures où l’émotion et les enjeux slaloment par les regards et la gestuelle de ses personnages hauts en couleurs (le badass Max, l’impératrice
rebelle Furiosa, le psychotique Nux, le chef de guerre tout-puissant Immortan Joe) plutôt que par la parole. Les nombreuses prouesses techniques servent une réalisation à la folie visuelle époustouflante, les montées de vitesse rythment le tsunami de capots enflammés, de cascades spectaculaires et de carambolages débridés qui tiennent lieu de scènes d’action démentielles, l’univers étrange et fou de la série est dépeint à travers la customisation délirante des véhicules (le camion-citerne «War Machine», le double coupés Cadillac «Gigahorse», le véhicule à chenilles «Peacemaker», le camion Man «Doof Wagon»), le look improbable des protagonistes, l’inventivité du mode de vie des survivants (les War Boys, les mères nourricières) et la beauté grandiose des paysages désertiques, et le score tribal composé par Junkie XL est entêtant. Veuillez donc attacher votre ceinture pour suivre ce pétage de plombs plein de bruit et de fureur qui nous invite à une partie de jantes en l’air mémorable réinventant rien de moins que le cinéma d’action (comme le premier épisode en son temps). Le chef-d’œuvre absolu du genre ! Le Loup Celeste
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A l’affiche
Sergent Pepper
Broadway Therapy
Peter Bogdanovich
L
orsqu’Isabella rencontre Arnold, un charmant metteur en scène de Broadway, sa vie bascule. À travers les souvenirs – plus ou moins farfelus – qu’elle confie à une journaliste, l’ancienne escort girl de Brooklyn venue tenter sa chance à Hollywood, raconte comment ce « rendez-vous » lui a tout à coup apporté une fortune, et une chance qui ne se refuse pas... Tous ceux qui se trouvent mêlés de près ou de loin à cette délirante histoire vont voir leur vie changer à jamais dans un enchaînement de péripéties aussi réjouissantes qu’imprévisibles. Personne n’en sortira indemne, ni l’épouse d’Arnold, Delta, ni le comédien Seth Gilbert, ni le dramaturge Joshua Fleet, pas même Jane, la psy d’Isabella... Date de sortie : 22 avril 2015 (1h33min) Réalisé par : Peter Bogdanovich Avec : Imogen Poots, Owen Wilson, Illeana Douglas Genre : Comédie dramatique Nationalité : Américain
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Coups de queue sur Broadway Broadway Therapy plagie tellement, dès son générique, les films de Woody Allen (Jazz, New York, références à outrance, jusqu’à Owen Wilson qui jouait parfaitement son petit Woody illustré dans «Midnight in Paris») qu’on ressent d’emblée à son endroit un certain malaise : celui de retrouver la même rengaine un peu rance, la même autocitation qui se mord la queue et qu’on retrouve chaque automne avec les marronniers. Après des débuts un peu laborieux accusant un certain manque d’énergie et de fluidité, le film décolle véritablement grâce à l’arrivée de Jennifer Anniston en psy névrosée : répliques au cordeau, screwball pétillant, Bogdanovich semble enfin à l’aise et entraîne son spectateur. L’univers, résolument décontracté, joue des coïncidences et du vaudeville sur fond de Broadway (en gros, un Birdman qui ne se prendrait jamais au sérieux, ce qui peut occasionner une véritable détente…) multiplie les ficelles assumées du vaudeville, sans toujours atteindre sa cible. Tous les couples infidèles, que les hasards entremêlent se retrouvent dans le même hôtel ou l’identique couloir d’hôtel, et la pyramide des échos s’échelonne avec une certaine jubilation. Les portent claquent et cachent les amants illégitimes, les claques sont distribuées avec équité, et des chiens s’invitent à la danse.
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La difficulté d’un tel ballet est d’en maintenir le rythme et l’harmonie, ce qui n’est hélas pas toujours le cas. Tous les gags ne font pas mouche et les comédiens sont diversement impliqués, souffrant clairement des modèles à qui on ne cesse de les comparer ex-
plicitement, entre Lubitsch et Hawks notamment. Difficile de rivaliser avec la fraîcheur et l’impertinence de Paper Moon...
Mais c’est peut-être là que le vétéran cinéphile Bogdanovich s’en sort le mieux : par la construction d’un récit sous forme de flashback qui reconnaitraît sa propension à embellir l’histoire pour en imprimer la légende, sa réflexion sur l’illusion et la légitimité du mensonge depuis l’âge d’or d’Hollywood, She’s Funny That Way (titre original de cette insipide «traduction» française) est une lumineuse déclaration d’intention. La référence constante au splendide Clunny Brown de Lubitsch le confirme : film hommage, nostalgique, regard sur le passé qui craquelle par moments la naphtaline qui risquait de le figer, il est certes bancal, mais touchant dans sa candeur et son enthousiaste érudition.
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A l’affiche Clode
Hyena Gerard Johnson
M
ichael Logan est un mélange complexe d’alcoolique occasionnel et d’officier de police corrompu. Mais l’univers sinistre dans lequel il évolue est en pleine mutation. L’arrivée en masse de gangsters sans pitié venus d’Albanie menace de bouleverser le paysage criminel londonien. Jusqu’ici son instinct lui avait toujours donné une longueur d’avance, mais son comportement de plus en plus autodestructeur et la brutalité des nouveaux chefs de gangs vont le plonger dans une spirale de peurs et de doutes.
Date de sortie : 6 mai 2015 (1h52min) Réalisé par : Gerard Johnson Avec : Peter Ferdinando, Stephen Graham, Neil Maskell Genre : Policier , Drame Nationalité : Britannique
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Machettes albanaises pour policiers corrompus «Le futur du thriller à un nom : Hyena.» Cette vision prophétique sous forme de slogan publicitaire du génial Nicolas Widding Refn s’étale crânement sur les affiches bleutées de ce film anglais. Et il faut dire que la filiation avec le réalisateur danois nous saute rapidement à la tronche. Un peu trop, d’ailleurs. Pour son deuxième film, Gerard Johnson s’embarque dans un trajet direct et sans escale de Pusher à Only God Forgive. L’univers bien crade, bien brutal et bien dense de Pusher perdu dans le monde fluorescent d’Only God Forgive. Le style bien rudimentaire, bien sec et bien brut de Pusher entrecoupé de longs plans géométriques à la Only God Forgive. Une plongée dans le monde criminel des bas-fonds londoniens, où la morale a été crevée à coup de coutelas. Michael Logan, tronche mal rasée encadrée de cheveux gras, aspirateur nasal surmonté de deux tranchées de cernes, bedaine épanouie escortée par une large paire d’épaules, est un policier corrompu à la tête d’une division corrompue traquant des criminels corrompus, dans la jungle urbaine londonienne. Une hyène dans un monde de charognards. Un bon flic. Un flic violent, qui boit, qui fume, qui frappe, qui
de plus en plus rapprochés, de plus en plus violentes. Hyena pu le sang coagulé, le wiskhy-coca et les relents de pisse froide.
vole, qui deale, en se bourrant le pif de coke. Mais un flic qui a des résultats. Un flic criminel, un criminel flic qui à force de mensonges, de manipulations et de magouilles se met tout le monde à dos. Un homme dépassé qui s’enfonce un peu plus dans la merde à chaque décision qu’il prend, emportant avec lui les rares personnes à qui il tient. Des albanais qui palpent des millions dans des survets en polyester à dix balles. Une plongée en enfer radicale, froide et brutale, portée par un réalisme âpre. Des antihéros détestables et ventripotents, des ordures qui ressemblent à des ordures. Des quartiers poubelles, enchevêtrement de tours grisâtres, de magasins puants et de bars miteux. Des nuits interminables criblées de néons, baignées de lumières fluorescentes. Une succession de situations malsaines et de réalités révoltantes entrecoupées d’explosions soudaines de violence. Un rythme en forme de rafales de coups de matraque,
Une réalisation caméra à l’épaule efficace, non tremblotante -alléluia - entrecoupée de plans fixes immortalisant l’aberrance tout en béton et en néons de l’urbanisme moderne. Une réalisation au plus proche des personnages, de leurs visages, de leurs réflexions, de leurs réactions, de leurs rages, de leurs peines, de leurs cruautés, de leurs fragilités, de leurs haines. Une réalisation minimaliste de laquelle émergent quelques moments de grâce, comme cette petite fillette, que l’on suit de dos, pendant qu’elle dance dans une tenus traditionnelles sur fond de musique folklorique. Hyena c’est le banal qui émerge de l’horreur, l’onirisme du cauchemardesque, le sublime du crade.
Dans cette partie pourrie de Londres, dans cette bouillie ethnique, dans cette macédoine de tronches, dans ce gruau de criminels et de policiers corrompus, dans cette soupe de vice copieusement saupoudrée de grosses pelletées de poudre blanche, personne ne laisse rien passer, personne n’oublie, personne ne pardonne. Dans ce monde sans morale, pas de demi-mesure. On adhère ou on décroche. Classique, efficace, brutale. Comme une machette aiguisée entre les mains d’anciens paramilitaires albanais.
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A l’affiche Clode
Blind Eskil Vogt
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ngrid vient de perdre la vue. Elle quitte rarement son appartement mais se rappelle encore à quoi ressemble l’extérieur. Les images qui étaient autrefois si claires se remplacent lentement par des visions plus obscures. Elle soupçonne son mari Morten de mentir quand il dit aller travailler. Est-il dans l’appartement avec elle à se cacher et l’observer en silence ? Ecrit-il à son amante quand il prétend envoyer des emails à ses collègues ?
Date de sortie: 29 avril 2015 (1h31min) Réalisé par: Eskil Vogt Avec: Ellen Dorrit Petersen, Henrik Rafaelsen, Vera Vitali Genre: Drame , Thriller Nationalité: Norvégien
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La vie sans la vue Pour son premier film, Eskil Vogt, scénariste de Joachim Trier et du très beau Oslo, 31 août, s’offre un sujet en or. Potentiellement passionnant mais particulièrement casse dent. Retranscrire la cécité sur grand écran, par l’intermédiaire d’Ingrid, professeure mariée, dont la vie a été bouleversée par la perte de la vue. L’entrée en matière est passionnante dans sa façon de retranscrire la vie sans la vue. Cloîtrée chez elle, par peur, par honte, ou un peu des deux, Ingrid essaye de se souvenir de certaines formes simples, basiques. Un arbre et ses feuilles dansant au rythme du vent, un chien trempé aux poils dégoulinant ou encore les couleurs les plus élémentaires. Les lieux eux sont plus compliqués à se remémorer. Pour représenter l’absence de vision, Eskil Vogt fait le choix intéressant de ne filmer que de très gros plans, coupant tout ce que l’on voit à l’écran de son environnement, proche et lointain. Tout ce qu’elle touche pour se repérer, se déplacer, se diriger du reste des pièces où elle se déplace. Toutes les expressions de son visage des bruits qui l’entourent, qu’elle essaye d’identifier, de localiser, de se représenter. Bruitages amplifiés, dont on ignore, nous aussi, l’origine et qui nous poussent à essayer d’en identifier la source et la signification. Qui nous poussent à réfléchir, à projeter, à imaginer. Comme Ingrid.
énième relecture de la solitude de la Face à cette condition qui l’a cou- vie citadine contemporaine éclipse pée du monde, de son monde, ce- le sujet et le postulat de base. Pourlui qu’elle s’était construit, elle va en tant passionnant. bâtir un autre, en se recroquevillant dans son esprit. Ingrid ne vit pas Le cul entre deux chaise, Eskil Vogt cloîtrée dans son appartement mais glisse lentement de chacune d’entre dans sa propre tête, dans le monde elles, jusqu’à ce que l’inévitable se de ses pensées. Un monde imagi- produise. Il n’a plus aucune prise, ni naire gravitant autour de son mari, sur l’une, ni sur l’autre, et fini par se dont elle imagine la vie en dehors casser la gueule, l’arrière-train gende son appartement et de deux per- timent amorti par sa belle réalisasonnages de sa propre création. Un tion. monde imaginaire dans lequel elle va projeter toute ses peurs, toutes ses craintes, toutes ses angoisses. Un monde imaginaire dans lequel le jeune réalisateur danois va perdre pied, au côté de sa charmante héroïne, et diluer tous les bonnes idées du premier quart d’heure dans un flot de banalités. L’idée est pourtant bonne, comment le handicap peut-il être surmonté par la force de l’imagination ? Mais l’imagination d’Ingrid n’est pas bien novatrice, On passe un bon moment, on réfléAdultères, sites de rencontres et les tromperies de son mari, la jeune chit, on est touché, on rigole aussi, pornographie mère divorcée avec garde internée parfois. Mais on ne peut s’empêcher complètement isolée, l’homme d’être profondément déçu, encore solitaire qui assouvit ses pulsions marqué par la grâce simple et sinsexuelles grâce à la merveilleuse cère des premières minutes, dont diversité des sites pornographiques l’ombre écrasante plane ensuite sur et la magie des sites de rencontres. chaque développement, chaque siMalgré quelques moments d’hu- tuation, chaque plan. mour décomplexés et une réalisation douce, parfois poétique, cette Numèro 116 - HCFR l’Hebdo
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A l’affiche
Le Loup céleste
Connasse, princesse des cœurs
Eloïse Lang, Noémie Saglio
C
amilla, 30 ans, Connasse née, se rend compte qu’elle n’a pas la vie qu’elle mérite et décide que le seul destin à sa hauteur est celui d’une altesse royale.
Date de sortie: 29 avril 2015 (1h20min) Réalisé par: Eloïse Lang, Noémie Saglio Avec: Camille Cottin Genre: Comédie Nationalité: Français
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Transposées de la mini-série de Canal+ au cinéma, les tribulations de la reine des connasses aux séquences tournées en caméra cachée est une comédie irrévérencieuse et jamais vulgaire à mourir de rire, dont l’audace de Camille Cottin et la folie déjantée de la plupart des sketches permettent de passer outre quelques problèmes de rythme. Jubilatoire !
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Christina Noble Date de sortie: Mercredi 20 Mai 2015 (1h 40mn ) Réalisé par Stephen Bradley Avec Deirdre O’Kane, Sarah Greene, Gloria Cramer Curtis, B. Coyle, M. Huberman Drame irlandais Lorsqu’elle arrive au Vietnam - un pays qu’elle n’aurait pas su situer sur une carte - Christina ignore ce qu’elle vient y chercher. Guidée par une intuition , cette irlandaise de caractère pressent qu’ici sa vie va changer. Sa rencontre avec deux petites orphelines livrées à elles-mêmes va la renvoyer à son propre passé. Celui d’une gamine des quartiers déshérités de Dublin, qui, elle aussi, a connu la pauvreté, la violence, l’abandon... Pas d’hésitation: la main qu’on ne lui a pas tendue à l’époque, elle va la tendre maintenant à ces fillettes et leur rendre leur enfance. Ce qu’elle ignore encore, c’est qu’il y en aura bientôt des milliers. Pour tous ces enfants, Christina va devenir «Mama Tina»...
À court d’enfants Date de sortie: Mercredi 20 Mai 2015 (0h 42mn ) Réalisé par Marie-Hélène Roux Avec Marie Bunel, Vincent Winterhalter, Louzolo Mahonga-Morillon, Délixia Perrine, Françoise Bertin Film français Genre Drame Inspiré d’un fait réel, communément appelé Les Réunionnais de la Creuse, ce film retrace le parcours d’un enfant réunionnais, Camélien 10 ans et de sa sœur Lenaïs 5 ans, arrachés à leur mère afin de contribuer à la politique de repeuplement des campagnes françaises. Nous sommes l’hiver 1963 dans une ferme isolée de la Creuse…
Trois souvenirs de ma jeunesse Date de sortie: Mercredi 20 Mai 2015 (2h 0mn ) Drame français d’Arnaud Desplechin Avec Quentin Dolmaire, Lou Roy Lecollinet, Mathieu Amalric, Dinara Droukarova, Cecile Garcia Fogel Le film est présenté dans la sélection «La Quinzaine des Réalisateurs» au Festival de Cannes 2015.Paul Dédalus va quitter le Tadjikistan. Il se souvient… De son enfance à Roubaix… Des crises de folie de sa mère… Du lien qui l’unissait à son frère Ivan, enfant pieux et violent… Il se souvient… De ses seize ans… De son père, veuf inconsolable… De ce voyage en URSS où une mission clandestine l’avait conduit à offrir sa propre identité à un jeune homme russe… Il se souvient de ses dix-neuf ans, de sa sœur Delphine, de son cousin Bob, des soirées d’alors avec Pénélope, Mehdi et Kovalki, l’ami qui devait le trahir… De ses études à Paris, de sa rencontre avec le docteur Behanzin, de sa vocation naissante pour l’anthropologie… Et surtout, Paul se souvient d’Esther. Elle fut le cœur de sa vie. Doucement, « un cœur fanatique ».
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Un voisin trop parfait Date de sortie: Mercredi 20 Mai 2015 (1h 31mn ) Réalisé par Rob Cohen Avec Jennifer Lopez, Ryan Guzman, Ian Nelson, John Corbett, Kristin Chenoweth Film américain Genre Thriller Une mère, récemment divorcée, a une aventure avec un jeune homme de son quartier. Quand ce dernier sympathise avec son fils et qu’elle décide de mettre fin à leur relation, les problèmes commencent...
Irvin Yalom, La Thérapie du bonheur Date de sortie: Mercredi 20 Mai 2015 (1h 17mn ) Réalisé par Sabine Gisiger Avec Irvin D. Yalom, Marilyn Yalom, Susan K. Hoerger, Larry Hatlett, Eve Yalom Film américain Genre Documentaire Irvin Yalom, professeur émérite de psychiatrie à l’Université de Stanford est également auteur de nombreux romans pédagogiques, devenus des best-sellers. Nous suivons Irvin Yalom dans son quotidien, dans son rôle de mari, de père et également en sa qualité de psychothérapeute. Irvin Yalom revendique une thérapie existentielle, nous éclairant sur nos doutes, nos angoisses, notamment sur notre rapport à la mort et sur le sens de la vie, questions à la fois intimes, personnelles mais néanmoins universelles et nous guide, en instaurant une relation forte avec son patient, vers le bonheur.
À la poursuite de demain Date de sortie: Mercredi 20 Mai 2015 (2h 10mn ) Réalisé par Brad Bird Avec George Clooney, Hugh Laurie, Britt Robertson, Raffey Cassidy, Tim McGraw Film américain Genre Science fiction Casey, une adolescente brillante et optimiste, douée d’une grande curiosité scientifique et Frank, un homme qui fut autrefois un jeune inventeur de génie avant de perdre ses illusions, s’embarquent pour une périlleuse mission. Leur but : découvrir les secrets d’un lieu mystérieux du nom de Tomorrowland, un endroit situé quelque part dans le temps et l’espace, qui ne semble exister que dans leur mémoire commune... Ce qu’ils y feront changera à jamais la face du monde… et leur propre destin ! Numèro 117 - HCFR l’Hebdo
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A LIRE Pravda
Uranus (1948)
Marcel Aymé
Système sommaire Roman bien trop méconnu de Marcel Aymé, Uranus est une oeuvre provocatrice et audacieuse encore plus lorsque l’on voit sa date de parution : 1948, soit juste après la guerre et la libération qui en est la période traitée. Dans une petite ville de province, Blémont, Aymé dépeint avec justesse et férocité cette période de l’histoire. Des personnages et des situations nuancés, aucune place pour le manichéisme, ici il y a des «méchants» des deux côtés, mais surtout beaucoup de gens qui ont fait ce qu’ils avaient à faire pour vivre / survivre, que ce soit par conviction, fatalisme ou lâcheté. Prônant un Pétainisme forcené pendant la guerre et essayant maintenant de passer la brosse à reluire aux communistes qui, pour faire avancer le parti, sont prêts à user de toutes les combines, même les plus viles. Il n’y a plus de place pour les personnages entiers, forts en gueule et trop francs comme Léopold, l’ancien lutteur devenu cafetier, féru d’Andromaque et de vin blanc. Sacré personnage qui paiera le prix à ne vouloir entrer dans aucun moule.
De la place il en reste pour ceux qui comme Monglat retournent leur veste plus vite qu’Arturo Brachetti au mieux de sa forme. Lui qui est passé de modeste patron d’une distillerie à millionnaire en acceptant de fournir à l’envahisseur tout ce dont il avait besoin, moyennant finance bien sur, passe maintenant le plus clair de son temps à chercher un moyen de justifier tout cet argent qui dort dans son coffre, ne pouvant le dépenser à son aise sans trahir ses anciens agissements. De ce fait, aigri et solitaire, il ne trouve du plaisir que dans la délation d’anciens collabos beaucoup moins zélés qu’il ne le fut et de supposés opposants au parti communiste. Mais la plupart des personnages naviguent entre ces deux eaux, ils n’ont pas choisi de camp par conviction, seulement cherché à passer entre les mailles du filet, que ce soit lors de la guerre ou maintenant que les dénonciations, des plus sérieuses aux plus folles ou intéres-
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sées, pleuvent. Du coup tout le monde marmonne, mais plus personne ne conteste quoi que ce soit et on ment, aux autres comme à soi-même. Avec son style simple et direct, Aymé comme semblant étouffé de toute cette hypocrisie ambiante jette un pavé dans la mare et force une France qui n’y était sûrement pas préparée à se regarder en face, avec toutes ses contradictions et ses lâchetés. Ce dernier n’a jamais cherché à brosser personne dans le sens du poil ce qui lui vaut peut-être d’être encore aujourd’hui bien trop laissé de côté alors qu’il est pour moi l’un des auteurs français les plus intéressants du vingtième siècle. Ah, et vous vous demandez peut-être, pourquoi «Uranus» ? Lisez donc Marcel pour le savoir ! Non mais. www.homecinema-fr.com - Mai 2015
Les podcasts HCFR, A écouter ! Depuis octobre 2013, HCFR vous propose des émissions podcastées sur les thèmes du cinéma, du jeu-vidéo & des technologies du Home-cinéma et de la HiFi. C’est avec une grande joie que nous abordons cette seconde saison de podcasts, avec un beau programme à la clef. Si vous ne connaissiez pas l’existence de ces émissions audio web-diffusées, alors il faut absolument que vous y jetiez une oreille. Lancées il y a un an, nous cumulons plus de 21h de programmes et 10 000 écoutes. Avec Xavier, nous lançons donc la saison 2 d’HCFR le Podcast Cinéma, émission dédiée, comme son nom l’indique, au 7ème Art. Après six premiers épisodes, nous souhaitons vous proposer toujours plus de contenu avec cette année de nouveaux thèmes et plein d’invités. Le premier épisode de cette seconde saison était l’occasion de faire le bilan des films sortis au cinéma cet été. Nous vous proposerons en novembre prochain une émission spéciale films comics. Pour ce qui est du Podcast Jeux-vidéo, après deux premiers épisodes d’actualité dédiés à l’E3 et la gamescom, nous avons travaillé avec BennJ et JulianF le concept de l’émission et nous vous proposerons désormais un épisode tous les mois. Actualité, tests de matériels divers et de jeux, dossiers et débats seront de la partie. Enfin, dans la continuité du Podcast Tech, nous allons avec Patrice (Laric) vous proposer une émission sur les installations dédiées fin-novembre. Nous enchaînerons avec un épisode sur la HiFi avec Stéphane (StephHifi) où nous débattrons d’un sujet déterminé avec différents invités. Pour conclure cette fin d’année, nous vous proposerons une émission spéciale, hors-série, entièrement dédiée au dématérialisé, qui conclura l’année 2014 des Podcasts d’HCFR. Bref, un beau programme en perspective, que nous tenions à vous présenter. Merci pour votre fidélité et à très vite ! Pour écouter nos émissions, flashez le QR Code ci-dessus ou rendez-vous sur http://www. homecinema-fr.com/podcast/ SnipizZ
MUSIQUE Saint-John Poivrot d’arvor
Would You Believe (2006)
Billy Nicholls
Le manège enchanté Le White Album, Odessey & Oracle, The Village Green Preservation Society, S.F Sorrow, Present Tense, The Smoke, Aerial Ballet, Beggars Banquet, Give Me Take You ou encore The Further Adventures of Charles Westover... Que peuvent bien avoir en commun tous ces albums ? Vous ne devinez pas ? Déjà, ils sont merveilleux, il faut le noter, mais qui plus est, le hasard ou la coïncidence a voulu qu’ils paraissent tous la même année : c’est à dire en l’an de grâce 1968. Que de splendeurs pour une seule année serait-on alors tenté de penser. Cela est certes vrai, et la litanie se révèle d’autant plus étourdissante lorsque l’on sait que tous ces trésors ne représentent encore que la partie émergée de l’iceberg, et que toute une ribambelle de disques aux charmes indéniables et variés reposent encore dans les profondeurs, seulement célébrés par une poignée d’initiés ici et là, des ardents prosélytes, brûlant de convertir les foules païennes à l’objet de
leur culte. Et c’est précisément dans cette catégorie que l’on peut trouver notre jeune ami Billy Nicholls et son «Would You Believe», dont je m’offre d’être le prosélyte enfiévré sur ce site de type communautaire. Tout commence avec George Harrisson. En 1966, ce dernier fait la rencontre d’un jeune blondinet tout juste âgé de 16 ans, le genre prodige : Billy Nicholls, qui lui présente quelques unes de ses démos. Georgie se montre alors enthousiaste et même impressionné. Il décide de le présenter à Andrew Loog Oldham, le manager des Stones, qui s’était justement mis en quête d’un jeune freluquet talentueux avec l’espoir d’en faire la nouvelle star psyché, et aussi l’ambition de dégainer une réponse britannique au «Pet Sounds» des garçons de plage. Ainsi débute la collaboration entre les deux hommes ; le projet «Would You Believe» est mis à flot. Des pointures sont même dégotées pour enregistrer la galette : Steve Marriott, Nicky Hopkins et John Paul Jones sont notamment de la partie. Les sessions s’avèrent productives, si bien que douze chansons d’un psychédélisme baroque splendide sont prêtes à aller enrichir le répertoire déjà éblouissant des sixties. Sauf que l’album ne paraîtra jamais. Du moins pas avant 1999, soit plus de trente piges plus tard. La faute à un cruel manque de fonds du label Immediate Records pour financer le pressage et la promotion de cette collection de titres pourtant fantastique. Seuls une dizaine d’exemplaires seront distribués aux radios
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et DJ, qui aujourd’hui encore valent une petite fortune en dollars. Pendant trente ans donc, le disque maudit fut escorté par une réputation plus qu’élogieuse, d’autant plus alléchante que peu de personnes se trouvait en mesure de se forger une véritable opinion de la chose ; le vinyle tant convoité demeurant quasi introuvable. La légende enfla comme une bauduche jusqu’à la fin du siècle dernier, où l’occasion fut saisie d’en proposer une ré-édition (tout simplement une première édition en fait). Les amateurs purent alors constater avec joie que la rumeur ne mentait pas, et profitèrent de l’occasion pour s’ébaubir tout leur saoul devant cette pochette conjuguant habilement la déformation photographique de Rubber Soul et les couleurs de Pet Sounds. «Would You Believe» était bien le chef d’oeuvre tant vanté durant toutes ces années. Et s’il n’atteint pas la grâce miraculeuse d’un «Odessey & Oracle» par exemple, il n’en www.homecinema-fr.com - Mai 2015
demeure pas moins un savant mélange de ce qui se faisait de mieux en matière de pop des deux côtés de l’Atlantique, ainsi qu’un passage obligé pour tous les adorateurs sachant apprécier les délices du psychédélisme baroque en gourmet. Bien qu’à peine majeur, Billy y fait déjà l’étalage de toute son aisance vocale et de tout son talent mélodique. Sa voix d’angelot se meut avec délicatesse entre les envolées enchanteresses des chœurs et les harmonies solaires baignant tout l’album, donnant à l’ensemble une impression de grande légèreté en dépit de tout l’apparat et de tout le faste mise en oeuvre par Oldham dans sa production. Les graciles
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clavecins s’en donnent à coeur joie, les cordes cascadent avec inspiration sur quasiment tous les morceaux que comprend l’album. Les ritournelles lumineuses s’enchaînent très agréablement, donnant la sensation d’avoir à faire au Sagittarius de Curt Boettcher auquel on aurait appliqué le fameux Mersey Beat. Aucune chanson ne dépareille, l’hybridation américano-britannique fonctionne à merveille : les Beach Boys (Daytime Girl) y côtoient les Kinks (Question Mark) qui envoyent des pokes à Sagittarius (Life Is Short, Feeling Easy) qui demandent Syd Barrett en ami (London Social Degree, autrement dit LSD), le tout s’accomplissant sous le regard bienveillant et approbateur des Beatles.
Et alors qu’il aurait pu consteller le firmament pop de l’année 68 d’une nouvelle étoile avec cette brillante galette, Billy Nicholls s’en retournera pourtant anonyme, occupant la suite de sa carrière à composer des chansons pour d’autres artistes, parmi lesquels on peut notamment compter Del Shannon, Roger Daltrey ou encore Phil Collins. Il publiera également par la suite une poignée d’albums qui rencontreront tous l’insuccès commercial, malgré quelques bons moments, comme ce «Love Songs» de 1974, qui contient quelques petites pépites acoustiques n’ayant rien à envier à leurs éclatantes aînées.
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MUSIQUE Pheroe
Metal Machine Music (1975)
Lou Reed
Art concept-truelle Comme je vous comprends. Dans l’hypothèse effarante où vous ne deviez emmener qu’un seul et unique disque sur la fameuse île déserte, il est vraisemblable que le Metal Machine Music de Lou Reed n’entre pas dans vos priorités. Logique : qui pourrait avoir envie de se farcir les myosotis pour le restant de sa vie avec 64 minutes (et 4 secondes) de feedbacks et de bruits blancs ? Car c’est très exactement ce que contient ce «disque»... Mais imaginez, pauvres de vous, que, par une soudaine et cruelle bifurcation du destin, les choses en viennent au point où vous n’ayez pas d’autre possibilité, ou, mieux encore, que suite à une obscure malédiction qui frappe votre lignée depuis des temps immémoriaux, un démon sadique vous contraigne au dilemme consistant à choisir entre cet album inécoutable et n’importe quel disque pourrave de n’importe quel groupe pourrave — mettons, le dernier CD du Zizi Band (oui, ça existe) —, renonceriez-vous encore à la chose qu’a exsudée le cerveau pervers d’un Lou Reed cramant ses derniers neurones dans une ultime provocation punk ? Zizi Band versus Metal Truc Machin.
Alors, on fait moins les mariolles ? Avouez. Toutefois, au terme de quel raisonnement saugrenu pourriez-vous décider in fine de trancher ce dilemme hardcore en faveur de l’inénarrable Zizi Band ? Car il faut choisir. Peut-être, vaincu et résigné, tenteriez-vous désespérément de vous persuader qu’avec le temps vous pourriez bel et bien finir par trouver quelques qualités à leur CD, ou que, faisant abstraction des paroles ineptes de leurs chansons grotesques, certains passages, ici ou là, pourraient, à la longue, et après moultes efforts, commencer à éveiller en vous le souvenir ému des musiques que vous avez jadis aimées au plus haut point. Je vois ça d’ici. Vous, seul sur votre île, face à l’océan immense, vibrant d’une authentique émotion musicale, à deux doigts de l’extase... en écoutant le Zizi Band. Comment en êtes-vous arrivés là ? Il y a des degrés de déchéance que le sens de l’honneur et de la dignité ne saurait supporter longtemps sans dommage irréversible pour la psyché humaine. Nom d’un chien : n’eut-il pas été infiniment plus classe de vivre ce moment grandiose en compagnie
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de Lou Reed ? Voilà qui aurait eu de la gueule. Mais en admettant que vous acceptiez de reconsidérer votre décision, serez-vous assez fort pour relever le défi, faire de nécessité vertu et réussir l’exploit d’aimer ce double album conçu de part en part pour ne pas l’être ? On connaît l’histoire : durant l’année 1975, Lou Reed, en plein trip seul contre tous, décide de placer deux guitares entre les baffles de sa sono et de pousser tous les potards à donf. Résultat : 4 plages de purs larsens, chacune de 16 minutes et une seconde (!). Le tout accompagné de notes de pochette d’une prétention vertigineuse. Bien sûr, l’album s’est fait déniaper par la critique (suicide commercial, foutage de gueule, canular pas drôle, etc.) et, hormis notre bon Lester Bangs (qui poussa l’humour jusqu’à parler de «plus grand disque jamais enregistré»), il ne s’est trouvé personne pour le défendre. Aujourd’hui, quelques âmes bien intentionnées voient en lui un digne précurseur du noise et du rock bruitiste. Et vous ? www.homecinema-fr.com - Mai 2015
Le fait est que, en tant qu’«œuvre musicale», Metal Trucmuche Zizic ne vaut pas tripette. Même d’un point de vue expérimental, il y a nettement plus stimulant (chez des musiciens comme Sun Ra, Archie Shepp, etc.). En revanche, en tant que «geste artistique», c’est sans aucun doute l’un des plus beau FUCK adressé à tout le business de l’industrie musicale et à toute la production rock de l’époque, qui connait alors un net ramollissement et dont le punk secouera vigoureusement les synapses l’année suivante. Au fond,
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Lou Reed n’a-t-il pas commis un geste conceptuel du même acabit que le fameux 4’33» de John Cage ? Or si ce dernier peut faire figure de «carré blanc sur fond blanc» de l’avant-garde musicale, ne faut-il pas voir dans Metal Bidule Music le «carré noir sur fond noir» du rock ‘n’ roll ? Il n’est sans doute pas inutile de rappeler à ce propos que toute œuvre d’art prend son sens, en grande partie, dans le dialogue qu’elle instaure avec les autres œuvres du même contexte historique et culturel. On peut bien canarder tant qu’on veut sur 4’33» (à juste titre), il reste que cette plage de silence apparaît aussi comme une réponse cinglante à la sophistication et la complexification de plus en plus poussées des compositions dodécaphoniques de l’après guerre et, plus précisément, des œuvres qui relèvent de la grammaire du sérialisme intégral (Boulez en tête) — sans même parler de la rivalité larvée entre l’Amérique et la vieille Europe. En un sens, et à un premier niveau de lecture, il semble légitime de percevoir dans 4’33» un simple et radical : «vos gueules !». De même que (puisqu’on en est à papoter sur ces œuvres extrêmes) l’illustre urinoir de
Marcel Duchamp (Fontaine) pouvait se comprendre comme un geste punk avant l’heure qui ne disait d’abord rien d’autre que quelque chose du genre : «je vous pisse dessus»... Bref, il serait judicieux de ne pas aller trop vite en besogne. Oh, certes, on ne vous vendra pas Metal Meta Zicmu comme un chef d’œuvre. Ce n’est peutêtre même pas une œuvre — plutôt un geste. Mais comment ne pas se réjouir qu’un tel bazar existe ? Juste «existe». Et puisque ce disque mérite légitimement et sans conteste chacune des notes comprises entre 0 et 10 — les chiffres négatifs étant réservés au Zizi Band —, autant voir les choses en grand et lui attribuer la note maximale, pour sa perfection gestuelle et le formidable éclat de rire qu’elle appelle irrésistiblement. Après tout, sur votre île déserte, personne ne vous force à l’écouter. Zizi Band : http://www.deezer.com/artist/148543 Metal Machine Music : https://www.youtube.com/results?search_query=metal+machine+music
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Blu-ray
Le Loup Celeste
Tapped Out Allan Ungar
J
eune prodige des arts martiaux, Michael Shaw est envoyé dans une école de karaté délabrée pour un travail d’intérêt général. Lors d’un tournoi de combat libre, il reconnaît sur le ring l’homme qui a tué ses parents des années plus tôt. Il se met alors en tête de s’entrainer pour l’affronter au prochain évènement de MMA... Nationalité : Canadien Genre : Arts martiaux, Drame Année : 2014 Durée : 108 min Réalisateur : Allan Ungar Acteurs : Cody Hackman, Michael Biehn, Jess Brown, Krzysztof Soszynski, Anderson Silva
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Ce “Karaté Kid” de la génération MMA, qui met en scène plusieurs superstars de la UFC, est un film d’arts martiaux du même calibre que les prods du genre des années 80/90. Le scénario est donc
ultra-prévisible avec les étapes routinières pour arriver à la victoire ainsi que les bons sentiments qui vont avec, la réalisation est juste fonctionnelle et les acteurs (endehors du vétéran Michael Biehn)
Le Blu-ray Image Malgré de petites traces de compression sur quelques arrière-plans, ce transfert HD est très bon dans tous les domaines.
Audio Axées à l’avant lors des moments calmes et très enveloppantes lors des combats dans la cage (les encouragements et applaudissements de la foule), ces deux pistes sonores sont aussi dynamiques lors des envolées du score, puissantes lors des coups portés et chargées en basse lors de deux ou trois passages bien senties.
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sont assez fades, mais les séquences d’apprentissage tout comme l’ensemble des affrontements sont efficaces et c’est là ce qu’on demande à ce type de production. Récréatif !
Fiche technique Format vidéo 1080p24 (VC-1) / [2.35] Pistes sonores Anglais Dolby TrueHD 5.1 Français (VFQ) Dolby TrueHD 5.1 Sous-titres Anglais et Français Région : A, B, C (Canada) Éditeur : VVS Films Date de sortie : 24 juin 2014
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Blu-ray
Le Loup Celeste
Debug
David Hewlett
U
n groupe de hackers surdoués est envoyé en mission sur une station-prison abandonnée, dont le système a été infecté par une intelligence artificielle désirant évoluer au stade biocybernétique...
Nationalité : Canadien Genre : Science-fiction, Horreur Année : 2014 Durée : 86 min Réalisateur : David Hewlett Acteurs : Jeananne Goossen, Adam Butcher, Jason Momoa, Adrian Holmes, Sidney Leeder
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Parvenant à dépasser ses limites budgétaires si ce n’est du côté des CGI plutôt visibles et débordant d’idées alléchantes (les implants oculaires permettant d’échanger des données visuelles en temps réel), “Debug” avait vrai-
ment les moyens de se démarquer du survival spatial lambda. Fâcheusement, le thème trop classique de l’intelligence artificielle tueuse, la présence des clichés du genre (la caractérisation des personnages), la prestation en demi-
teinte des acteurs et l’esthétique trop aseptisée des décors (une habitude dans le domaine) n’en font rien de plus qu’une petite curiosité pour les fans de science-fiction.
Le Blu-ray Image
Des contrastes ardents, une luminosité éclatante, des noirs pénétrants, des couleurs (oranges et bleues) vives et une définition appliquée. Même s’il ne s’agit pas véritablement d’un défaut, les détails peuvent varier sensiblement d’un plan à l’autre (parfois au sein d’un même plan) lorsqu’il s’agit de reproduire les images captées à l’aide des caméras de sécurité de la station spatiale.
Audio
Une piste anglaise immersive qui donne l’impression de se trouver au plus près des futures victimes. Le caisson de grave soutient activement les scènes d’action, les informations relayées par les HUD utilisent pleinement l’ouverture de la scène avant, le bourdonnement incessant de la station prend possession de toutes les enceintes, comme la musique d’ailleurs, et les voix humaines ou digitalisées sont d’une grande clarté. Numèro 117 - HCFR l’Hebdo
Fiche technique Format vidéo 1080p24 (AVC) / [1.78] Pistes sonores Anglais DTS-HD Master Audio 5.1 Allemand DTS-HD Master Audio 5.1 Sous-titres Anglais et Allemand Région : B (Allemagne) Éditeur : Pandastorm Pictures Date de sortie : 14 avril 2015
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Blu-ray
Le Loup Celeste
La French
Cédric Jimenez
M
arseille, 1975. Pierre Michel, jeune magistrat venu de Metz avec femme et enfants, est nommé juge du grand banditisme. Il décide de s’attaquer à la French Connection, organisation mafieuse qui exporte l’héroïne dans le monde entier. N’écoutant aucune mise en garde, le juge Michel part seul en croisade contre Gaëtan Zampa, figure emblématique du milieu et parrain intouchable. Mais il va rapidement comprendre que, pour obtenir des résultats, il doit changer ses méthodes...
Nationalité : Français Genre : Polar Année : 2014 Durée : 135 min Réalisateur : Cédric Jimenez Acteurs : Jean Dujardin, Gilles Lellouche, Céline Sallette, Mélanie Doutey, Benoît Magimel, Guillaume Gouix
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Fort d’une reconstitution magistrale du Marseille des années 1970, d’une mise en scène racée, d’un duel au sommet entre Jean Dujardin et Gilles Lellouche (aussi
imposant et charismatique l’un mension humaine certaine n’a rien que l’autre), d’une intrigue palpi- à envier à l’œuvre (mafieuse) de tante à la précision d’orfèvre et de Scorsese. Un coup de maître ! séquences d’action sèches, cette grande fresque criminelle à la di-
Le Blu-ray Image
Un tournage en 35mm transcendé par ce transfert HD absolument sublime où la précision des détails, la finesse des textures, la beauté vintage (70’s) des couleurs chaudes, la nuance des contrastes, la fermeté des noirs et l’élégance du grain argentique en mettent plein la vue.
Audio
Si la VF multicanale n’avait été encodée aussi bas, nous aurions eu une piste sonore du tonnerre. Une fois le volume réglé bien plus haut que la moyenne pour palier ce défaut, il faut néanmoins reconnaître que nous sommes en présence d’un mixage d’un réalisme scotchant. La dynamique frontale est effective, les voix ont une belle présence, les ambiances naturelles (les calanques) ou non (la boîte des 80’s le Krypton) sont enveloppantes, les coups de feu sont percutants et la musique envahit l’espace d’écoute avec beaucoup de justesse.
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Fiche technique Format vidéo 1080p24 (AVC) / [2.39] Pistes sonores Français DTS-HD Master Audio 5.1 Français DTS-HD Master Audio 2.0 Français en Audiodescription Sous-titres Français pour malentendants Région : B (France) Éditeur : Gaumont Date de sortie : 03 avril 2015
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La Semaine Prochaine
L’Hebdo L’actualité des sorties cinéma ...
De nouvelles critiques sur le 7ème Art, la musique ou des livres... Mais aussi des surprises, des coups de coeur et encore plus d’articles divers. Rendez-vous le 5 Juin 2015 pour...
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En plus du site web et surtout de ses forums, HCFR s’est diversifié grâce au travail de Fabi et son équipe avec la mise en place du magazine HCFR l’Hebdo Depuis 2013, SnipizZ, avec la participation de nombreux invités, vous propose des émissions audio podcastées sur les thèmes du cinéma, du jeu-vidéo & des technologies du Home-cinéma et de la HiFi.