Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier - Rapport d’études
La ruine comme support de création architectural & pictural
Hugo Ferlet - Licence 3 - Professeur référent: Hélène Guérin - Juin 2019
Page de couverture : photographie personnelle, Lodève, Juillet 2017
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier - Rapport d’étude
La ruine comme support de création architectural & pictural
Hugo Ferlet - Licence 3 - Professeur référent: Hélène Guérin - Juin 2019
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La ruine comme support de création architectural & pictural
SOMMAIRE
INTRODUCTION
UNE PREMIÈRE RENCONTRE
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8-13
Le paysage et la ruine ................................................... 8 La ruine s’adresse au présent ................................... 11
UN THÉÂTRE DE SENS ET D’HISTOIRE
14-18
Le support de création .................................................. 14 La ruine est-elle architecture ? ................................. 16
UN FONDEMENT POUR COMPOSER
19-25
La ruine passe de décor à sujet .......................... 19 Réagir à l’obsolescence de la ville ...................... 23
CONCLUSION
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RESSOURCES & DOCUMENTATIONS
35-39
Bibliographie .......................................................................... 35. Webographie ......................................................................... 37.
photographie personnelle, Lodève, avril 2017
La ruine comme support de création architectural & pictural
INTRODUCTION
Le mot ruine signifierai « l’effondrement partiel ou total d’une construction à la suite d’une dégradation naturelle d’une destruction volontaire ou accidentelle. » (1.) Il puise ces origines latines du verbe « ruere » signifiant tomber, s’écrouler, cette vision s’ancre alors dans un rapport au temps et à la fatalité de chuter. En Allemand le terme « die ruine » fait également référence à la question des restes, des fragments, gravas abandonnés par l’Histoire. A l’opposé l’édification connote non l’acte de la déconstruction mais de « l’action d’édifier de construire » ce sens architectural peut également s’étendre dans le sens religieux issu du latin oedificatio « action de porter à la vertu, l’action d’éduquer, d’instruire ». La ruine est un objet de fascination, témoin du temps et reflet de son époque, sa relation avec l’architecte reste étroite, un paradoxe s’installe lorsque l’on contemple la ruine. N’est-il pas du devoir de l’architecte que cela n’arrive pas ? La chute d’un bâtiment serait également le synonyme d’une rupture de sa fonction initiale, de sa solidité ainsi que de son esthétique. Se soucier de la ruine, c’est se soucier du futur, de la fin, de la mort. Son caractère instable et éphémère nous rappelle la vanité de la vie. Synonyme d’exutoire un temps, de peur, de frayeur d’indifférence ou d’horreur à cause des guerres c’est à la Renaissance que le goût des ruines se manifeste par une lignée d’artistes, d’architectes qui élaborent une esthétique propre à ce thème. Pour Auguste Perret « l’architecture c’est ce qui fait de belles ruines », même proche de l’anéantissement, la ruine réussit à conserver en mémoire un principe de construction, elle témoigne d’une ordonnance, d’un dessein, de proportions, de matières et d’intentions. Son aura est-elle qu’elle marqua mon enfance, et peut être me conduisit inconsciemment à entreprendre un métier tourné vers l’acte de bâtir. Ainsi c’est la ruine qui représenta longtemps pour moi l’architecture par ses nombreuses subtilités. C’est au travers de cet écrit appuyé sur la ruine que je vais entreprendre une rétrospection portée sur mes études à l’ENSA de Montpellier et également sur ce qui a participé aujourd’hui à ce que je suis, et qui pourrai inspirer demain, ce que je serai.
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Définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicale (CNRTL)
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La ruine comme support de création architectural & pictural
UNE PREMIÈRE RENCONTRE
LE PAYSAGE ET LA RUINE Ce n’était pas la première fois que je m’initiais à saisir le sens d’un mot sans en rechercher sa véritable signification. Mais j’étais loin de m’imaginer à cette jeune période de ma vie, que l’architecture pouvait dissimuler autant de subtilité. Petit, l’architecture était une notion qui me paraissait abstraite, mon entourage et moi-même ne cessaient de vulgariser ce terme en toute simplicité pour qualifier des constructions remarquables ou pour caricaturer les folies naissantes de certains architectes. Il s’avérait tout et rien définir dans le langage courant, ces nuances m’étaient encore inconnues. C’est au cours de mon enfance que mon goût prononcé pour la nature semblait se dessiner petit à petit que je grandissais. De la fenêtre de ma chambre je percevais la lisière d’une grande forêt, la curiosité de la franchir, de pousser sa limite ne tarda pas à s’imposer.
« Je ressens une forme d’apaisement à la lisière de la ville lorsque je franchir cette épaisse forêt qui méprise encore l’homme. Le bruit s’éloigne, la ville s’efface, tout semble s’éteindre et j’apprends à redécouvrir mes sens. De nouvelles perspectives s’ouvrent dans le paysage, des pleins, des vides, des masses végétales, des clairières, le chant d’un oiseau, le bruissement des feuilles, un craquement de bois mort. Malgré les tracés de terre bordées de pierres sèches, l’empreinte artificielle de la ville dans laquelle j’ai grandi s’estompe et je retrouve petit à petit la part d’un paysage sauvage à explorer. C’est alors, loin des sentiers battus, que je l’aperçus, aussi calme et tapissé que l’environnement, la ruine. Au loin, sa forme rectiligne et son élancement vertical assurait son contraste formel dans l’environnement. Ces nuances étaient accordées aux couleurs environnantes, le granit, le bois, le végétal. Je prends soudainement conscience de l’acte de bâtir, de la transformation d’un paysage, de l’impact de créer des murs et un toit pour habiter un environnement. » 1
C’est peut-être déjà ça, l’architecture ? me dis-je. Une transformation de l’environnement, un acte qui engage des matières qui se trouvent dans le paysage pour assurer dans un premier temps la fonction primaire de s’abriter. L’environnement urbain s’aseptise, l’architecture se banalise dans l’image de la façade, on n’y prête plus vraiment attention. Noyé dans la ville on finit par oublier la véritable force de construire et de l’empreinte qu’on va laisser peut-être pour une décennie. La découverte de cette ruine cadrée par la nature fut en l’état un manifeste de l’acte de bâtir. La dominance du béton sur la nature dans la ville nous fait oublier que les premières bâtisses s’étalaient dans un paysage naturel. C’est alors qu’après s’être plongé dans des sentiers sauvages, d’écouter et de s’abandonner au paysage que l’apparition du bâti prends alors un nouveau sens, et ainsi, m’aspire d’une nouvelle obsession.
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Retranscription personnelle d’un souvenir, à Mende , non daté,
Une première rencontre - le paysage et la ruine
« C’est nourri par la curiosité de s’en approcher, de l’appréhender et peut être de saisir un bout de son histoire que j’entame mon approche vers la ruine. La forme qui s’en dégage évoque l’imaginaire de la maison, son pignon morcelé repose sur des murs lourds de granites. Des questions inondent mes pensées :un jour qui a habité ici ? pourquoi cette vie s’est soudainement arrêtée ? Ces interrogations se nouent habilement autour de ces pierres granitiques qui semblent endormis sur le sol dans un coussin de mousse. Une grande partie de la bâtisse s’est éventrée, laissant fleurir en son sein un arbre. J’ai l’impression d’assister à un arrêt sur image, hors du temps, mais de contempler pourtant un état instable, éphémère, qui mènera fatalement à l’éboulement entier de cette bâtisse. Les claquements d’un filet d’eau qui s’égoutte sur un ancien abreuvoir métallique me ramène au présent. Je longe ce mur en pierres, je m’arrête et j’observe derrière ce cadre, une ouverture qui semble être une fenêtre sur la nature, le toit s’étant effondré la nature a repris ses droits sur la ruine. Enveloppé par le lierre un talus de décombres, de vieux bois et de vieilles affaires se décomposent sous une couche de terre surement portée par le vent. A travers ce cadre, je distingue difficilement une ancienne pièce à vivre, j’observe en réalité une lisière bien particulière, entre la ruine et la végétation qui lutte à l’intérieur. Les plantes sont si denses et les débris tellement tassés au abord des ouvertures que j’ai l’impression de ne pas avoir le consentement du propriétaire pour accéder à cet intérieur. Comme si la nature habitait la ruine depuis que les murs en pierres ne soutiennent plus de toiture. » 1
Que serais ma chambre s’il celle-ci n’avait pas de toit pour l’abriter ? la nature reprendrai-t-elle ses droits ? pourrai-t-on encore distinguer le dedans et le dehors ? Je me rends compte du caractère éphémère d’un lieu habité, et à quel point la ruine distille l’ambiguïté sur les notions d’intérieur et d’extérieur. Je prends conscience de la notion d’espace, celui-ci n’est pas forcement couvert mais il est cernée d’une limite physique.
« A quelques pas de là, je perçois la partie la plus solide de la ruine encore couverte d’ardoises anthracites. Une large ouverture soutenue par un fort linteau en bois de chêne semble caractérisée l’entrée de cette partie de la ruine montée d’une charpente. Je me penche et j’observe la double hauteur certainement causé par un effondrement qui me permet de percevoir l’ossature de la toiture. Ces fines fermettes semblent toujours soutenir une toiture très ancienne, c’est fascinant. C’est en franchissant d’un pas assuré l’ouverture que je pris conscience d’un élément qui est cher à l’architecture, celui des ambiances. J’ai ressentis lors de mon entrée, après le long périple sous le soleil, un changement net de température. Je viens de franchir une limite, de passer le seuil du bâtiment, une nouvelle ambiance se génère par la forte inertie de la pierre, je suis à l’intérieur. Le bruit de l’abreuvoir semble loin, le chant des oiseaux envolés, l’acoustique est complètement différente, calme et plate.
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Suite de la retranscription personnelle d’un souvenir, à Mende , non daté,
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La ruine comme support de création architectural & pictural
Je prends conscience d’éléments forts qui caractérisent me semble-t-il la composante de l’architecture, et le tout dans un lieu abandonné de toute modernité et de ses gadgets. La lumière semble tamisée, une fine ouverture au nord à quelques mètres au-dessus de moi assure l’éloquence de l’espace intérieur, et la double voire la triple hauteur de la pièce amène mes yeux à se perdre dans ce grand volume. En baladant mon regard de part et d’autre j’ai comme l’impression de rentrer dans l’intimité de la bâtisse, Comment tient-elle ? Sur quoi repose-t-elle?Quels indices témoignent de son histoire ? L’état de ces pierres et la force de la charpente traduisent un véritable manifeste de l’acte de construire. La terre battue, la paille ainsi que les objets rouillés témoignent de ce qui a abrité il y a tant d’années une activité agricole. » 1
L’état de délabrement de la ruine m’a permis d’observer sans filtre, à nue la manière dont la toiture, la charpente, les tuiles, et la massivité de la pierre participaient à l’équilibre structurel de l’édifice. Toutes ces caractéristiques sont souvent cachées et enveloppées dans les bâtiments actuels pour épurer les intérieurs, Cela va de même pour les ambiances thermiques ou lumineuses qui sont artificialisées. La massivité de la pierre continue avec la ruine d’offrir des qualités d’insonorisation et de thermique. La diffusion de la lumière naturelle grâce aux ouvertures existantes proposent également une véritable leçon d’architecture sur les nuances de l’obscurité Cette première approche de la ruine fut une expérience importante, le théâtre des sens qui a rythmé sa découverte et la mise à nue de cette bâtisse a constitué ma vision de ce qu’était pour moi l’architecture, c’est-à-dire l’art de bâtir. Cette découverte a dans un premier temps accompagné mon envie de franchir les limites pour voir analyser au-delà d’une apparence un édifice. Cela a également affiné mon attention sur la ruine et les bâtisses abandonnés dans le paysage urbain et rural. La ville nouvelle reste un manifeste de l’art de vivre et de la mise en tension des architectures, mais la ruine est plus fascinante encore. On peut la contempler comme un objet que l’on a arraché du temps,Elle fascine par son délabrement, sa patine, le craquellement de sa peinture, la mise à nue de sa structure, son interdit de la franchir. Ce culte de la ruine fut l’une des obsessions qui me mena à revenir, explorer et à saisir sur l’instant ces bâtisses toujours avec un médium. Le vestige moderne et son caractère éphémère suscitaient de plus en plus ma curiosité. La photographie, la peinture aérosol puis le dessin ont pris de plus en plus de sens avec mon entrée à l’école d’architecture de Montpellier en 2016
Insertion de la ruine, Carnet de croquis, non daté
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1 Suite et fin de la retranscription personnelle d’un souvenir, à Mende , non daté,
Une première rencontre
Expression de la ruine, Carnet de croquis personnel, non datĂŠ
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La ruine comme support de création architectural & pictural
LA RUINE S’ADRESSE AU PRÉSENT
«Chateaubriand déclare : «Tous les hommes ont un secret attrait pour les ruines, ce sentiment tient à la fragilité de notre nature, à une conformité secrète entre ces monuments détruits et la rapidité de notre existence.» Les ruines offrent un témoignage historique et culturel à l’architecture, elles témoignent de l’impuissance des hommes devant l’usure et la dévastation. Cette tension autour de l’écoulement du temps évoque les deux extrêmes de la vie entre naissance et mort. La ruine rappelle également la fatalité de la « lutte » contre la nature, malgré la dégradation celle-ci est chargée d’un témoignage précieux, exploitable et représentable par le dessin. La ruine alors anciennement associée à un sentiment de peur, de terreur et de crainte en référence notamment à la guerre va devenir un modèle positif. C’est à la Renaissance que l’homme change son regard avec la redécouverte de l’esthétique des vestiges de l’Antiquité. En Occident les premières descriptions des ruines datent de l’Antiquité et témoignent d’une gloire passée, ce sont les découvertes et le début des fouilles qui donneront naissance à l’archéologie mais surtout aux premiers relevées architecturaux. Ces premiers relevés d’architecture vont constituer la base d’une nouvelle culture architecturale à la Renaissance. C’est à Rome au XVe siècle que les vestiges architecturaux de l’antiquité vont inspirer des modèles culturels et artistiques qui se diffuseront sur le continent. Les humanistes de l’époque vont alors composer un ensemble de méthodes savantes pour relever les vestiges. Ces méthodes destinées à l’étude historique des ruines passent par l’observation, l’archivage et l’identification des restes monumentaux (temples, tombeaux, thermes, palais)., Giovanni Dondi dell’orogio est considéré comme un précurseur avec son voyage Eomaint (1375) dans lequel il décrit l’aspect des ruines. Un nombre grandissant d’architectes se penchent alors sur l’étude des vestiges Romain.
1. & 2.
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Antonini, Rome, Ex incertis quibusdam Romani antiquitatis
Une première rencontre - la ruine s’adresse au présent
L’intérêt que suscitent les vestiges se corrèle avec la fascination esthétique du passage du temps, ils représentent un canon de beauté que les architectes et les artistes de la Renaissance vont s’efforcer de reproduire. Les techniques du relevé architectural se perfectionne. Sous l’impulsion de Francesco di Giogio Martini, Giuliano da Sangallo et de Simone Pollailo un archivage systématique des monuments antiques est effectué. Poursuivant l’œuvre d’Alberti, la théorie architecturale antique se redessine avec une nouvelle valeur de vérité rendu possible par l’immense répertoire des ruines. Les dessins gagnent en précision : les schémas sont établis selon des normes isométriques, les indications cotées se normalisent, les techniques de relevés, de figuration, en plan, en coupe, et par élévation sont mises au point. On rend compte pour la première fois sur les deux dimensions d’une feuille de papier la volumétrie d’un bâtiment avec exactitude sans déformations. Cet état des lieux est le point de départ d’une redéfinition stylistique. Les vestiges de Rome induiront alors une production de corpus qui va prospérer à travers les siècles. Brunelleschi s’inspire alors du Panthéon pour la coupole de Florence. Alberti établit les principes de l’architecture classique, toutes ces reconfigurations du langage et des techniques d’architecture vont prospérer tout au long du XVIe comme vont en témoigner les réalisations d’Andrea Palladio. On assiste donc à cette époque au première pratique du relevé d’architecture aspirée par la fascination de la ruine. C’est en analysant les vestiges de l’Antiquité grâce à ces nouvelles méthodes que les artistes se forment architectes, et interrogent le passé pour nourrir leurs apprentissages. C’est en s’intéressant au passé qu’ils développent la rigueur graphique si spécifique à l’architecture, et à postériori servira de base pour projeter de nouveaux édifices. La ruine à l’origine comme support esthétique va devenir une véritable « voie maîtresse » pour la mise au point du dessin d’architecture. Il se place comme une pratique incontournable entre recherche archéologique et création architecturale. Le dessin de l’architecte se différencie de celui du peintre, et les grands écrits de Leon Battista Alberti définit en pratique « incontournable » l’utilité de ces relevés du passé. Tout au long du XVe et XVI siècle l’étude des vestiges romains s’impose progressivement comme partie intégrante à la formation de l’architecte. S’élevant en échos aux traités architecturaux de l’époque, elles participent également à la formation théorique de « l’ars aedificatoria », l’art de bâtir. C’est cet art de concevoir qui se joue sous mes yeux dans mes promenades. Lorsque mon regard se porte sur un élément qui soutient l’enveloppe d’une ruine, j’essaie de comprendre l’importance de sa position, de sa dimension, de son épaisseur et de sa matière. L’apprentissage des codes de la représentation architecturale en première année a considérablement nourrit la manière dont je percevais un bâtiment. L’importance du trait et de son épaisseur, de ce qu’il pouvait traduire dans la réalité une fois sorti du papier. Une menuiserie, une poutre, un mur plein, une cloison tout se composent dans la logique d’établir la restitution d’un existant que l’on pourrait archiver pour reproduire des décennies plus tard. Cette assimilation des règles est une étape importante qui permet de représenter justement ce qui se joue devant nos yeux. L’ordre de la restitution n’empêche pas de transmettre sensiblement une esthétique. Et parfois, de nous échapper volontairement des codes pour traduire des ambiances, tordre des réalités et générer un imaginaire qui nous saisit dans l’instant. C’est ce basculement entre l’ordre mathématique et la souplesse d’une esthétique qui a accompagné mon apprentissage de l’architecture à Montpellier. La ruine se conjugue à mon parcours, lorsque je la traverse, les fragments qui l’assemble témoignent d’un ordre technique et d’une esthétique de la patine.
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La ruine comme support de création architectural & pictural
UN THÉÂTRE DE SENS ET D’HISTOIRE
LE SUPPORT DE CREATION Face aux spectacles des temples abattus, des colonnes décapitées et des palais effondrés, l’aura des ruines eu l’effet de révéler aux humanistes de l’Antiquité la fatalité du temps, la faiblesse de la mémoire et la force de l’ordre romain. Représentant un véritable support esthétique singulier, c’est dès le début du XV siècle que ce nouvel idéal artistique se diffuse en Europe,Peintres et sculpteurs se déplacent à Rome pour y compléter leurs apprentissages. Soucieux de témoigner de la mise en scène des vestiges Antique, ils vont constituer un véritable patrimoine pictural. Poètes et hommes de lettres s’attachent à composer la ruine comme un système hors du temps, aux vers qui portent le désespoir et la mélancolie. Les thèmes tendent à représenter Rome sous la lente érosion des forces naturelles. Inspirant la méditation pour l’artiste, son esthétique sera traduite à travers les siècles qui suivront la Renaissance jusqu’à aujourd’hui. Les peintures témoignent d’une architecture diluée dans un paysage, entre nature et culture, rocs et ruines. Cette tension entre l’orgueil du passé et l’environnement dominant est un symbole de la métamorphose de la civilisation. Ce charme des vestiges s’ajoute au XVIIIe siècle à un rapport plus intime pour les ruines où l’artiste projette le spectateur dans un état d’âme, une rêverie entre plaisir et mélancolie. (Claude Lorrain, pastoral landscape) L’image tourmenté, au caractère fantastique se développe au XIXe siècle avec les écrivains et peintres romantiques tel que Friedrich (klosterruine Eldena) ou Turner. Cet imaginaire va prospérer jusqu’au XXe où les thèmes de la fragilité et de la désolation des ruines se réfèrent au pressentiment du désastre. De nombreux artistes, photographes ou cinéastes réinvestissent à leurs manières l’univers de la ruine. Profondément marqué par des conflits et des destructions fatales du monde moderne, la subtile érosion des architectures antiques se substitue à l’image d’un futur angoissant. (Œuvre de fiction, la jetée, chris marker, destruction de paris, 3ème guerre mondiale) Au de-là des détournements subjectifs, la ruine est un support de création « in situe » qui traverse les âges.
3.
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C.D. Friedrich, ruines du monastère d’Eldena, 1774
PANNINI Giovanni Paolo, 1733, Rome
4.
Un théâtre de sens et d’histoire - le support de création
Au cour de mes promenades, ma retranscription par le dessin et la photographie prends un sens à mon parcours. L’esthétique générée par les ambiances d’une ruine est une force qui stimule l’inconscient et l’imaginaire. Ce qui me paraissait être un manifeste délaissé de l’art de bâtir semble constituer pour l’architecte et l’artiste, bien plus qu’un objet du déni, c’est un lieu du possible. De l’artiste à l’architecte en passant par l’écrivain, la méditation d’un espace est un moment essentiel. Se poser et contempler presque pendant des heures son sujet pour en découvrir toutes ses subtilités permet de comprendre et d’appréhender le sujet. Le tracé du crayon s’enclenche naturellement. Que l’on souhaite se rapprocher de la réalité ou se diluer dans l’imaginaire, nous devons maîtriser cet art de l’observation face au sujet. La pratique du dessin « in situ » a été l’un des exercices fondateurs à ma formation d’architecte à l’ENSAM. Le premier exercice entrepris dans le cadre de mon atelier architectural se résumait à la consigne suivante : choisir un endroit où se poser, et patienter au moins 3 heures dans le cadre d’une restitution sensible et technique de l’environnement. L’intérêt de cet étrange demande prenait sens dans l’idée de supprimer les premiers a priori de la perception d’un sujet ou d’un espace. De chercher à comprendre sur la durée ce qui véritablement nous fascine, nous effraie, nous dérange dans ce que nous observons. Dessiner le détail de l’ombre qui va venir à différentes heures de la journée sublimer une architecture ou la faire disparaître. D’être témoin du nombre de couples ou de personnes âgées que ce banc allaient accueillir dans l’après-midi. De prendre conscience de l’agitation, puis du calme, du bruit des enfants aux bruissements des feuilles d’un arbre. Se poser des questions jusqu’au dimensionnement et la hauteur du banc sur lequel nous étions assis, de la largeur de l’allée qui traverse ce paysage. Cette idée de poser notre conscience dans un état de méditation de l’espace en éliminant nos a priori m’a permis dans un premier temps de réinventer ma manière d’observer. « Lorsque que vous sentez qu’il n’y a plus rien à observer c’est qu’il va se passer quelque chose » nous assuraient nos encadrants. C’est dans cet état de contemplation que nous engagions ensuite d’entreprendre le dessin « in situ ». C’est également dans le cadre des cours d’art que nous travaillions le sujet sur place et non à partir de la simple image mentale ou à partir de photographies. C’est alors que nos encadrants de dessin ont mis en place une série de carnets de dessin que l’on devait tenir à raison d’une dizaine de dessins par semaine, passant de notre tasse de café à la maison de nos grands-parents. L’observation était alors de symbiose avec la pratique du dessin, que le résultat soit plus ou moins détaillé ou véritable n’était pas important. L’objectif était de nous habituer à saisir un instant, une émotion, un détail, une obsession. Mes premiers sujets étaient la ville et sa vie, complexe à saisir par son agitation, ses formes hétérogènes, ses ambiances cycliques,C’est une scène de théâtre où l’imaginaire n’a pas sa place tant les informations sont précises. Pourtant la pratique de la ville est formatrice, et donne plus de sens encore aux espaces de creux, espaces de non-lieu, abandonnés ou en friche. Les promenades dans des lieux dépourvus de fonctions où le temps se fige, où la ruine excelle, la vie s’éteint, on discerne le moindre son, on s’abandonne à se reconstruire les formes effacées et on tamise des ambiances plus primaires.
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La ruine comme support de création architectural & pictural
« sans titre », écrit personnel, avril 2019
Loin de la folie de la ville, Des échos saillants de la vie, Se recueille un divin reliquat. Sous les branches claires des tilleuls, Se meurt sur une sèche mare de pierres, Une veuve de son piédestal. Sa patience de marbre, Et son corps taillé de pierre, Saisisse le temps. Témoin des Hommes qui t’on abandonnée Sous le ciel anthracite, Ton enveloppe se patine. C’est ainsi, descendue de ton socle, Que tu sembles te rhabiller pour t’enfuir. Le bassin où tu as siégé se fracture, Le temps s’est écoulé, Tu t’efface dans un tableau délaissé. Je saisis alors mon fusain, Soucieux de ta beauté, Pour que tu persistes à vivre, Sans compter tes lendemains.
Expression du reliquat,carnet de croquis, avril 2019
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Un théâtre de sens et d’histoire - le support de création
L’observation d’une sculpture résolument livrée à la lente érosion et corrosion de sa roche par son environnement naturel a constitué un modèle de dessin. Celle-ci arraché de son piédestal patiente lentement dans une propriété endormie par laquelle une promenade en forêt m’a un jour amené. Ce fragment d’art a représenté un modèle pour le travail du dessin in situ. L’environnement étant complètement isolé de la ville et son accès limité à la dérive d’une longue promenade en forêt, sa découverte fut autant poétique qu’effrayante. Pourtant comme convoqué à l’épier malgré ses faiblesses et son mauvais état, la beauté de l’équilibre entre cet objet et son environnement fut absolument fascinant. Comme pour une ruine architecturale, cet objet figé dans le temps, m’a permis avec l’outil de la représentation in situ de saisir les subtilités des formes qui régissent son architecture. Cette muse pourrait un jour subitement disparaître, s’effondrer par la chute, ou s’émanciper vers un acheteur,Pourtant sa restauration n’a pas été décidé par le propriétaire et ce, depuis un grand nombre d’années. La patine de ses épaules témoigne de ces longues années de patience pour lesquels les marques du temps prennent petit à petit le dessus comme cela se fait pour la ruine, autant qu’un bâtiment ou un être vivant. Le dessin et l’écriture peuvent néanmoins redonner une vie au sujet, imaginer son passé et romancer son avenir. L’outil de la photographie permet une projection de la ruine au cœur de sa mélancolie, du spleen du temps, de l’autorité de la nature et de l’impuissance du bâti à s’auto suffire sans l’habiter. Ainsi des scénarios filent dans des ambiances théâtrales, romantiques où l’auteur de la série photographique manipule son appareil pour vous plonger sur un détail en particulier, sur une couleur, sur une vue en vous obstruant de tout ce qui nuirait à son imaginaire.
« Cela fait un moment que je marche le long de ce chemin bordé d’une ancienne rigole de pierres brutes, voilà qu’elles s’effacent de nouveau sous la terre. Balayant du regard sous ces amas d’arbres, les verticales se mélangent, se ressemblent et perturbe mon horizon. Je me demande combien de chemins suis-je encore capable d’emprunter avant de me sentir entièrement perdu. Lorsque sa silhouette aux travers des mailles végétales me délivra enfin le sourire que j’espérai, effacée entre les pins, drapée de lierres, à la peau ternis par le temps, elle se dévoile enfin pour me faire face. Ce monolithe de béton présente un mur pignon méprisé par la végétation, et une partie ajourée d’ouvertures régulières. Une fenêtre aux volets de lierres, protège peut-être une ancienne chambre d’enfant aux murs encore étoffés d’éclats de peinture. Me faufilant dans l’intimité de la bâtisse je suis attiré par les murs ornés où les motifs s’estompent et se mélangent dans des couleurs vivent sous la défiance d’une fissure filante. Un sol voûté de gravats éveille la vigilance, une faille sur l’un des murs s’efface quelques mètres plus haut, laissant apparaître un immense vide sous une toiture inexistante. C’est une véritable fenêtre sur le ciel, un puit de lumière pour mettre en scène les restes fragmentés d’une histoire effacée. »
Les séries photographiques des excursions permettent de traduire des scènes, des arrêts sur détails, des immersions en couleurs. Une justesse qui peut nuire à l’imaginaire comme le mettre au premier plan. Laissant le regard vagabonder sur les rodages du temps en conflit avec l’œuvre de l’homme est d’une beauté pittoresque. La corrosion de la matière, est une véritable leçon pour le bâtisseur. Cette image de patine témoigne de la réaction d’un matériau avec son environnement et laisse finalement tout projet à un stade évolutif, en perpétuelle mouvance. Cela ouvre certaines réflexions pour les choix des matériaux lorsque l’architecte imagine une conception. Ne nous demandons pas assez comment cela va-t-il vieillir ? Les choix portés sur les matériaux assureront ils leurs fonctions structurelles aussi longtemps qu’il le faudra ? Ses couleurs s’effaceront dans le paysage ou feront-elles tâche ?
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Retranscription personnelle d’un souvenir, à Lodève , juillet 2017
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La ruine comme support de crĂŠation architectural & pictural
Photographies personnelles, Lodève, avril 2019
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Un théâtre de sens et d’histoire - le support de création
La question de la ruine croise celle de l’art dans de nombreux domaines, au-delà des représentations picturales nous retrouvons son utilisation dans le cinéma pour générer une ambiance souvent post apocalyptique. Des scénarios qui relèvent du désastre, des ravages souvent irrémédiables dans lesquels les histoires mettent en scènes des survivants. Dans le cadre du court métrage « la jetée », chef d’œuvre de fiction tournée en 1962, Chris Marker va utiliser habilement l’outil de la photo. Le médium est mis bout à bout pour établir un photo-roman dans lequel une troisième guerre mondiale qui a détruit Paris oblige les rescapés à survivent dans les souterrains de la ville. Des clichés de ruines prises au lendemain de la seconde guerre mondiale établissent le contexte futuriste apocalyptique dans lequel son personnage va se projeter comme le héros qui peut sauver le présent. Compromis entre cinéma et littérature le mystère s’installe par une série de plans immersifs où notamment les photos d’archives d’une ville en ruine pose le contexte d’un Paris qui se vit sous terre. Je trouve que le lyrisme de l’image et le pessimisme du scénario ainsi que la poésie du narrateur se mêlent habilement. Ce court métrage représente selon mon opinion le premier concept d’une fiction apocalyptique qui en inspira par la suite un grand nombre, notamment des réalisations contemporaines cette fois-ci filmée. Dans « the world the flesh and the devil » de Ranald Mac Dougal, New York n’a pas besoin de s’effondrer pour se faire ruine mais transmet cette image par sa désertification, l’absence de vie et la place au vide et aux échos des seuls personnages qui résonnent d’une tour à l’autre. Certain de ces plans étirent l’interminable verticalité des architectures New-Yorkaise tel que l’Empire State Building. La mise en scène de cette architecture dénuée de vie présentée comme une pyramide pointant le soleil, semble être le vestige d’une société capitaliste érodée. De nombreux artistes vagabonds ou officiel ont requalifiés ces espaces abandonnés en de véritables galeries d’expression. Les expérimentations avec la ruine se profilent de multiples manières tout en gardant à l’esprit l’état éphémère de ces interventions, par la faiblesse de son support. Ces requalifications ponctuelles peuvent s’associer au grand public comme à Montréal avec une installation dans le silo n°5 situé dans un grand complexe industriel abandonné depuis 1994. Le collectif THE USER composée d’artistes et d’architectes ont transformé l’ex silot en un instrument de musique. Des microphones au bord du quai active des hautparleurs nichés dans le cylindre. Ce « silophone » peut être utilisé à tout instant sur le vieux port de Montréal, la voix de celui qui l’utilise raisonne au loin dans l’immensité du complexe abandonnée situé en face du quai. C’est une manière amusante de requalifier un élément du décor méprisé par la ville et les gens. La ruine est alors support de création dans le sens où l’artiste joue avec d’elle et renouvelle ce qu’elle pourrait être. Lors des rencontres de la photographie d’Arles en 2007, le jeune artiste photographe JR, qui expose sauvagement dans les rues du monde entier, propose une exposition de son travail directement dans l’atelier de la forge encore en ruine dans le parc des Ateliers. L’artiste propose une rétrospective d’un travail réalisé sur le mur de séparation entre d’Israël et la Palestine. Le projet face2face, 1500 m² de posters collés sauvagement sur cette frontière tristement célèbre, ainsi que dans 8 villes Israélo- Palestiniennes, des portraits expressifs de deux peuples qui peuvent enfin se regarder « face à face » dans le calme. Utilisant alors la ruine du parc de l’atelier comme un support de collage JR va mettre en scène son travail mélange d’art d’action et d’engagement. Les spectateurs se jettent alors avec l’ambiance de la ruine dans les sourires et les grimaces des habitants bordant l’une des tensions modernes les plus anciennes.
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La ruine comme support de création architectural & pictural
L’artiste clandestin Britannique Banksy s’est rendu dans les ruines de Gaza en 2015 pour manipuler ces outils de prédilection le pochoir et la bombe de peinture pour redonner vie aux décombres qui abritent encore, pour certains des habitants. Sa discrétion ne se tient que pour son passage à l’acte car ses interventions artistiques sont ensuite largement relayées. Dans une video posté par l’artiste, présenté comme le trailer d’une destination touristique « make this the year YOU discover a new destination », on le voit emprunter un réseau de tunnels clandestins pour parvenir à cette cité en ruine. C’est sur une porte encore debout, coincé entre deux fines rangées de parpaing qu’il s’adonne à peindre la posture du penseur de Rodin, une main couvrant son visage, cette fois, plus proche de la honte que de la pensée. Sur le profil d’un mur meurtri par les bombardements, on distingue un chat blanc au nœud papillon rose jouant habilement avec une boule de ferraille au pied du mur. Son travail in situ à selon l’artiste permit de dénoncer les terribles conditions de vie et délivrer un message de paix. L’artiste joue de sa popularité pour alerter l’opinion publique sur les conséquences d’un tel conflit en utilisant la ruine à la fois comme témoin et toile de son art. C’est ce lien unique que l’œuvre entretien avec son contexte, de la subtile poésie de la mise en scène in situ du travail de Banksy qui a inspiré une série de réalisations urbaines que j’ai pu entreprendre dans et hors du cadre scolaire au lycée. De la ruine à la rue, j’ai expérimenté le processus de création d’un projet, de la pensée à sa réalisation. Le processus du projet d’architecture fonctionne sur le même principe, nous établissons un site, un lieu. Puis nous cherchons à identifier un besoin, et enfin nous proposons une réalisation. Curieux de la technique du pochoir et de la rigueur de sa préparation, j’ai au premier abord identifié un thème qui m’a toujours fait face. Certainement inspirée par les images de vestiges ensevelis par la nature et condamnés à un destin éphémère, j’ai souhaité représenter les premières « dégradation » du temps, et l’imposante force de la nature sur le bâti par un symbole poétique. « The roses » est un projet qui a dans un premier lieu été réalisée sur un mur pignon en lisière de forêt. A hauteur d’Homme, une rose pousse saillante du sol pour s’imposer face à celui qui la découvrira en se promenant, première esquisse dans son milieu naturel d’un rapport de force de la nature sur un existant. Une autre rose poussa en ville, sur le pignon d’une ruine, le caractère urbain bétonné du passage et son délaissement m’inspira à la faire jaillir en ce lieu où la patine du temps a effacé la peinture initiale du mur. S’en est suivit la série « birds » où une envolée d’oiseaux sortis du chapeau d’une petite fille à l’entrée de la ville se dispersent dans toute la densité urbaine, ruines et existant confondus, dans une série de pochoirs. Cet imaginaire sous-entend une tension perpétuelle entre l’existant et son devenir.
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Un théâtre de sens et d’histoire - le support de création
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Banksy, Gaza, avril 2015
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Banksy, Gaza, avril 2015
« Birds » , Mende, juin 2015 « The roses » , Mende, mai 2015
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La ruine comme support de création architectural & pictural
LA RUINE EST-ELLE ARCHITECTURE ?
Comprendre la ville c’est la traverser de long en large en dérivant dans toutes ces nuances, tel était la pensée de « portrait de ville ». Cette matière proposée en première année d’architecture avait comme but d’identifier à travers des parcours dans l’espace urbain et péri-urbain un panel d’ambiances que nous devions ensuite retranscrire. Il s’agissait de proposer et de pratiquer 3 parcours de 8 km à pied en groupe. C’est ainsi que nous découvrîmes un espace « hors du temps », le domaine Bonnier de la Mosson, référencé par la ville comme un parc. « L’entrée du parc se matérialise seulement par une simple porte, forgée de barreaux verticaux. Après l’étouffement des derniers grincements hostiles de la ferraille rongée par le temps, nous franchissons ce qui ressemble de loin rejeter toutes les caractéristiques de la typologie d’un parc. Une longue allée goudronnée délimite d’imposants murs en calcaires drapés d’une végétation proliférante. Sommes-nous dans un autre Montpellier ? tout est calme, vide, rien ne perturbe l’horizon, seul cette ligne couleur bitume se dessine encore. Nous l’empruntons calmement alors que d’étonnantes bâtisses laissées à l’abandon dorment peut-être depuis des dizaines d’années le long de cette allée. Les fenêtres et les portes sont condamnées de parpaings, les portails filés de lourds cadenas et la patine se profile sans restriction sur les façades. Une mélancolie s’installe le long de ce chemin, laissant place à la tristesse lorsque nous découvrons dans cette dimension vide et morte un vestige magnifique méprisée de tous. Desservis par un chemin boueux, nous sommes accueillis par la façade du château du domaine Bonnier. Ce qui fut jadis le plus beau palais de la province conserve tout de même son imposant ordre architectural et ces statues couvertes de lierres. Nous sommes à la fois ébahis par ce spectacle, et consternés par l’abandon de cet ouvrage condamné par de verticaux panneaux métalliques. Certaines parties de la façade où le calcaire est plus clair semble avoir été restauré. Pourtant une ambiance pesante se confirme lorsque nous apercevons au bout du domaine, un homme étendant sa lessive sur des branches d’arbres tout près d’une petite tante couleur kaki. Cet homme vit dehors alors que ces bâtiments sont inoccupés, peut être y a t’il un paradoxe ou alors, l’architecture est réduite au rang de sculpture. Nous poursuivons notre chemin guidé par les échos d’un écoulement bruyant, nous foulons alors le pas sur une berge fleurie d’une nouvelle perspective. Un pont de pierres datant de plusieurs siècles lutte encore dignement à quelques mètres au-dessus de la bruyante Mosson. Après vérification il s’agit du pont Roman érigé en 1150, il permettait de traverser la Mosson pour rejoindre Montpellier, et nous assurerait aujourd’hui, d’accéder royalement à notre destination finale : Juvignac. Après une périlleuse entraide sur ce vestige nous finalisons notre périple tous ensembles de l’autre côté de la rive » 1 Comment établir la différence entre un lieu abandonné et une ruine ? et quand est-il de l’ordre du vestige ? Un lieu abandonné est un bâti méprisé par la vie, il n’assure plus sa fonction est peut encore être en bon état. Une ruine ajoute à son vide fonctionnel sa fragilité, elle met l’accent sur un état de délabrement, un effondrement, elles conservent une trace de sa forme, de son ordre de ce qu’elle a un jour été.
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Retranscription personnelle d’un souvenir, à Montpellier, octobre 2016
Un théâtre de sens et d’histoire - la ruine est-elle architecture ?
Un vestige (du latin vestigium signifiant « empreinte de pas ») est une ruine à laquelle on associe une notion forte de souvenir, de trace, de reste, d’histoire. Quant à lui, le monument peut se définir comme un vestige restauré ou qui a persisté en l’état, (def : Ouvrage architectural qui suscite l’intérêt par sa taille et remarquable pour son intérêt historique ou esthétique, par sa valeur religieuse ou symbolique) . Ces qualificatifs font tous références à une empreinte matérielle et concrète du passé. Cette expérience m’a permis de remettre en lumière plusieurs questions: la ruine est elle toujours une architecture ? Pour le premier théoricien en architecture, Vitruve, auteur du célèbre traité De architectura , il énonce les principes constitutifs d’un édifice avec la célèbre triade : utilitas (aspect fonctionnel), firmitas (aspect structurel), venustas (aspect esthétique). Ces objets du passé qui ont marqué cette promenade n’ont pas d’usage, ils sont délaissés voire condamnés. Obsolètes sur de nombreux points, leurs délabrements en font des non-lieux, et le décalage entre les normes actuelles les rends inhabitables sauf sous le couvert d’un grand investissement. L’image d’un simple objet s’oppose au premier principe de l’architecture. Le bâtiment lorsqu’il perd son vivant, se confronte fatalement au temps qui amène son délabrement, puis la ruine. C’est alors que le second principe de Vitruve s’érode, la résistance d’un bâtiment à lui-même et à son environnement. Les murs se fissurent, l’eau s’infiltre, les poutres se moisissent et le processus de « ruinification » est inévitable au même caractère que la vieillesse chez l’homme. Vient ensuite un changement esthétique de la bâtisse, l’intérêt sensoriel et visuel que prône le troisième principe de Vitruve pour l’architecture est objectivement remis en question. La ruine est esthétiquement un contre-exemple de la rigueur d’un ordre esthétique, d’un matériau soigneusement entretenu en façade ou encore de la vivacité visuelle des ambiances intérieures. Les critères de beauté évoluent cependant avec le temps et l’affect de la ruine porte un message qui diffère. Certains y verront une éloquente poésie du temps et de l’histoire d’un lieu, considérant la patine comme un élément architectural à part entière définissant une l’esthétique. En opposition à ceux qui les ont peut-être habités, associant par la subjectivité de leurs vivants le traumatisme de la perte d’un être, de l’abandon d’un paysage autrefois familier ou encore d’un effrayant témoin de la guerre.
Photographies parc du domaine Bonnier , Montpelier, octobre 2016
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La ruine comme support de création architectural & pictural
Un non-lieu public, domaine de Bonnier, 2016
Traversée de la Mosson, pont Roman, 2016
C’est au-delà du questionnement autour des usages, des fonctions structurelles et de la disparité de son esthétique, que la ruine se fait architecture. C’est à sa manière de nous témoigner d’une histoire, de nous transmettre un héritage matériel et un camaïeu d’ambiances et d’ordres, ce pour quoi elle fut longtemps l’objet de fascination pour l’artiste et de manifeste pour l’architecte. L’émotion qui traverse tous hommes modernes quel que soit le corps social ou intellectuel à la vue d’un vestige, témoigne de la force encore intacte de ce qui l’a un jour défini comme architecture. C’est en ces faits que la valeur historique et esthétique de l’ancien à pousser l’homme à conserver ce qui lui semble être des symboles. La notion de patrimoine apparaît alors explicitement lors de cette promenade dans ce domaine. Autrefois habité d’une fonction, un besoin pour une génération, ces vestiges comme au domaine de Bonnier de la Mosson sont conservés voire restaurés pour étendre une valeur de remémoration du passé tel un monument. La notion de patrimoine fait appel à l’héritage du passée, cette appellation qui émerge au siècle des lumières se réfère en premier lieu aux œuvres d’art (tableaux, écrits et sculptures). Ce n’est qu’au milieu du XIXe que se met en place une politique patrimoniale autour de bâtiments remarquables nécessitant une protection. La création des Monuments historiques va permettre de sensibiliser l’avenir de vestiges en perdition en obtenant un budget de restauration. Au sens le plus ancien, le patrimoine est un monument de la main l’homme destiné à être protégé pour son intérêt historique, artistique architectural mais aussi technique et scientifique. Prosper de Mérimée va démontrer que la sauvegarde du patrimoine est un enjeu économique et social et sa liste non exhaustive des quelques 880 monuments inspirèrent des architectes qui se dédieront entièrement à la pratique de la restauration. L’architecte Eugène Viollet le Duc (1814-1879) sera le premier à établir un véritable système de restauration, qui s’oppose à la simple conservation ou reconstruction. « Réparer un édifice ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné » Sauver la ruine en l’habillant de son sens premier, l’architecture. C’est par le relevé et l’enquête historique du rapport que le monument entretien avec les hommes, qu’il va donner « une forme vivante au patrimoine » dépassant ainsi la ruine pour la « ré-architecturer »
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Un théâtre de sens et d’histoire - la ruine est-elle architecture ?
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La ruine comme support de création architectural & pictural
UN FONDEMENT POUR COMPOSER
LA RUINE PASSE DE DÉCOR À SUJET C’est à la croisée d’un regard parfois historique, matériel, artistique à l’esthétique fragmenté, que la vision « dés-architecturée » sur un existant fascine, il peut être considéré comme une matière brute ou un idéal de pensée pour l’architecte. Gordon Matta-Clark (1943-1978), expérimente le bâtiment dans sa « ruinification ». Ses interventions visent à transformer des bâtisses abandonnées en objet d’art par leurs destructions. Ce jeune artiste Américain, à peine diplômé en architecture est largement influencé par les positions du land art, notamment dans le processus de modification et de dégradation d’un environnement pour le reconstituer en œuvre éphémère. Rejetant complètement les pensées architecturales de son temps, il refusa de poursuivre la philosophie architecturale de sa ville, New York, toujours plus dense et répétitive. C’est ainsi que l’architecture froide moderniste du paysage urbain va servir au jeune artiste pour procéder à une anatomie du corps urbain, qu’il souhaite réinventer. Ainsi il découpe, démantèle les structures du bâtiment, et exprime ainsi sa rébellion contre le modernisme. Son travail emblématique sur « l’anarchitecture » synonyme d’une déconstruction volontaire va influencer de nombreux mouvements. Notamment toute une génération de jeunes architectes, comme les adeptes de l’esthétique déconstructiviste tel que l’architecte Frank O’Gehry, Peter Eisenman ou encore le collectif coop Himmelbiau. Le déconstructivisme considère l’architecture comme l’aboutissement d’une démarche de travail tournée sur le déraisonnable, qui n’aurait pas de système clos ou d’ordre clair.
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8.
Gordon Matta Clark, jeux de paume,New york,
7.
Gordon Matta Clark, jeu de paume, Paris, 1975
Un fondement pour composer - la ruine passe de décor à sujet
« sans titre », écrit personnel, avril 2019
Enveloppée d’un châle de braise, Son symbole pointe d’une faiblesse. L’Insoignable désarchitecture, S’étale dans le silence et les larmes. La ruine se forme dans la tristesse, Sous des yeux gorgés de haine. Révolté de ma fascination, Inculpé par ma passion, Criminel de mon intérêt. C’est le cœur lourd que je la trouve, Au lendemain, sous la pluie Parisienne, Proche de la seine, au chevet de sa peine. Dans mon tort de l’admettre, Je condamne son destin, Notre dame, notre drame, Je suis noir de chagrin.
Dessins personnels, carnet de croquis, 16 avril 2019
Si pour Aldo Rossi « L’histoire est un matériau pour l’architecte », les vestiges qu’elles nous laissent posthumes sont matières à désaccord. Les attitudes du possible sont divergents. Conserver sous cloche pour témoigner de l’histoire, rebâtir à l’identique pour oublier la tragédie, ou composer différemment pour prolonger une existence marquée de son temps ? Le concours international lancée par l’Etat à la suite de l’incendie de Notre-Dame évoque entièrement ces perspectives. Les questions soulevées sont fascinantes et constituent selon moi l’un des exercices les plus périlleux pour l’architecte contemporain.
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La ruine comme support de création architectural & pictural
Un paradoxe s’initie dans l’acte de création dans l’objet déconstruit,Bâtir avec cette réalité fragile est plus difficile que de simplement anéantir mais cette contrainte est source de créativité. La ruine se transforme en une matière brute, elle et son contexte coexiste dans une sorte de symbiose mutuelle. Cette connexion est une niche du devenir, un biotope, un lieu du possible pour le geste architectural. Les stratégies à terme peuvent dépasser la simple échelle de la parcelle ou du reste d’un bâtiment. On ne se limite plus à la ruine pour composer, mais au paysage avec lequel la symbiose se mue, ainsi, les actions soulevées avec le projet architectural sont de l’ordre de l’utopie. L’ouverture de nouvelles perspectives d’usage et de requalification d’un existant est alors mis en scène avec une recherche par le geste architectural. C’est au cours de ma deuxième année d’architecture que j’ai eu l’opportunité de composer autour de ces problématiques dans le village abandonné de Celles et son utopie collaborative. Le village de Celles, au abord du Lac Salagou dans l’Hérault, est un petit bourg abandonné depuis une cinquantaine d’années. Son histoire quelque peu singulière commence lorsque le gouvernement décide à la fin des années 60 de construire le barrage du Salagou. Le petit hameau vivant de la simple culture de la vigne autour du ruisseau du Salagou voit ces parcelles agricoles concernées par l’emprise de la future réserve d’eau. Le rachat de ces terres par les pouvoirs publics n’empêche pas la vie du bourg située à 143 m d’altitude de continuer. Ces quelques 80 habitants attachés à leurs terres et à leur village se sentirent subitement en alerte après la mise en eau du barrage. En 1969 des pluies torrentielles remplissent la moitié de la retenue en seulement trois jours,C’est dans l’urgence que les habitants du petit village de Celles furent expropriés par la frayeur de voir un jour leur hameau ensevelit par les eaux du Salagou. Ce n’est qu’après trois ans que le lac du Salagou se stabilise entièrement à 139m d’altitude, soit à quelques mètres de la place de l’église. L’ex village qui a toujours conservé son statut de commune est déshabillé de sa vie, ôter de ses habitants depuis de nombreuses années cependant son statut de ruine n’a cessé de s’affirmer au fil des années. Souffler par le temps, piller par des bricoleurs du dimanche, et squatté par une communauté de hippie dans les années 70, Celles n’a jamais perdu la singularité de son histoire et de l’estompe de ses ruines dans le paysage. Mêlée à la ruffe, une terre rouge sanguine, et aux nuances d’une eau reflétant les humeurs du ciel, le dialogue du petit hameau persiste dans temps. Les murs s’écroulent, les toits se fendent, les sols se fracturent, tout se mue comme en symbiose avec les reliefs montagneux qui bordent le lac. Un imaginaire se profile, on dit que le pic d’un ancien château pointe au milieu du lac et qu’on ne peut que le percevoir lorsque la brume et le niveau de l’eau s’abaissent. Quand on évoque le village de Celles, on parle d’un village fantôme, d’une mémoire noyée dans la vallée, d’habitants déchirés par l’expropriation.
Croquis d’ambiance insertion du village de Celles, rendu,Birgen Birce- Ferlet hugo -Poujol Julie (S3)
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Un fondement pour composer - la ruine passe de décor à sujet
Ce traumatisme poétiquement matérialisé par les restes des murs de pierres volcaniques sont maintenant entourés de hauts grillages comme mis « sous cloche », et ainsi fait office de support. Ce musée à ciel ouvert sur le temps à servit de décors de cinéma, et plus tard d’une dynamique collective qui visa à maintenir le statut de commune, et la conservation des bâtiments communaux jusqu’à les réhabiliter. Seul la mairie et l’église sont dans les années 90 restaurés, et depuis une dizaine d’années les ambitions sont nombreuses dans le but de redynamiser le hameau pour y accueillir des habitants permanents. C’est dans ce cadre à la frontière entre l’histoire, la matière, les restes d’un temps et l’environnement singulier que nous nous étions engagés dans l’ambition de composer le projet architectural. La ruine passe alors de décors à sujet, séparé en îlots. Le petit hameau devait s’imaginer comme une utopie participative intergénérationnelle. Pour cela deux studios architecturaux prirent le sujet en main, proposant alors aux étudiants de composer sur la parcelle de leur choix en commun accord pour que tous les îlots soient travaillés. Malgré les ambitions collectives et les discussions-débats avec les initiateurs du projet utopique, la réflexion et la conception se voulaient individuelle dans le cadre de Matière l’exercice. Les premières étapes du projet furent d’appréhender sensiblement notre interprétation du site qui donna lieu à une représentation sensible du village et de Renouveau ses affects. C’est en prenant en compte l’importance des ruines et l’histoire du contexte, que nous avons avancé tout de suite notre volonté de conserver l’empreinte matérielle du passé. Dans un second temps, pour amorcer la démarche du projet, l’objectif était d’expérimenter les postures de notre intervention à travers le dessin conceptuel et la maquette miniature. Au travers du mode de pensée diagrammatique j’ai alors développé plusieurs hypothèses de travail basé sur notre manière d’aborder la ruine en ces trois axes, la matière, le programme et l’habité. Une fois les Memoire intentions mises en évidence nous pouvions passer à la conception du projet architectural. Ancrage
MATIERE
MATIERE MATIERE MATIERE
Matière Renouveau Matière Renouveau
Matière Renouveau
L’existant Implantation Entre deux Reflexion Implantation Reflexion
Implantation Reflexion
Memoire Ancrage Reflexion Transformation
L’existant Entre deux
Insertion Relationnel
Matière Renouveau
Adaptation Reflexion
Lier Matérialité
Insertion Relationnel
Lier Matérialité
Memoire de manière à créer un Ancrage S’intégrer dialogue avec l’existant. Memoire Ancrage Implantation Reflexion L’existant Entre deux L’existant Entre deux
S’intégrer de manière à créer un dialogue avec l’existant. Reflexion Transformation Reflexion Transformation
Cour
Habitat
Passage
Insertion Relationnel Insertion Relationnel
Lier Matérialité
S’intégrer de manière à créer un dialogue avec l’existant.
Lier Matérialité Lier Matérialité
Passage
S’intégrer de manière à créer un dialogue avec l’existant. Reflexion S’intégrer de manière à créer un Transformation dialogue avec l’existant.
L’existant Entre deux
Adaptation Reflexion Adaptation Reflexion
Cour
Habitat
Adaptation Reflexion
Imp Refle
Planche matière, réflexion sur le jeu de tension entre l’architecture et la ruine (S3) Cour
Habitat Habitat
Passage
Cour
Passage
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A LA CROISEE DES REGARDS La sociale ruine etcomme support de création architectural D’une interaction participative aux rapports extimes des traverses
& pictural
A LA CROISEE DES REGARDS D’une interaction sociale et participative aux rapports extimes des traverses
A LA CROISEE DES REGARDS D’une interaction sociale et participative aux rapports extimes des traverses
Plan de masse et plan de rdc (S3) PLAN RDC 1/100e
PLAN RDC 1/100e
PLAN MASSE 1/200e
PLAN MASSE 1/200e
Le projet envisagé se situe dans l’ilot central du petit hameau de Celles, son enclavement entre deux espaces publics (l’un existant et l’autre projeté) m’a confronté dans l’idée PLAN RDC 1/100e de jouer dans l’esprit de traverse. La base sur laquelle pousserait le projet serait les ruines PLAN MASSE 1/200e existantes. Un volume en ossature bois se pose directement sur les murs existants réglés intentionnellement comme un socle et une fondation. Cette ruine aurait une partie habitée et une partie aménagée en traverse publique incorporant une boulangerie avec sa terrasse. Deux Qualité olfactive voûtée, et la seconde plus axes se dessinent alors, l’un public affirmée par une ancienne porte DIAGRAMMES intime au nord. La deuxième plus étroite projette les habitants dans un patio central niché au cœur de la ruine par lequel s’agence ensuite les habitats collectifs. Quatre logements traverInsertion sant s’organisent alors autour de ce patio, des scénarios de vie nous avaient été distribués pour réaliser des typologies spécifiques aux usages de ces familles. PLAN R+1 1/100e Qualité olfactive
Insertion
Dialogue
Qualité olfactive
DIAGRAMMES
Insertion
Dialogue DIAGRAMMES Le programme se voulait simple, s’adapter à la ruine pour y abriter des logements qualitatifs, insérer un caractère de repères et de rencontres dans le projet pour les habitants avec la boulangerie, le tout en graduant l’intimité sur la même parcelle. Enfin incorporer au projet une dimension prospective en proposant une parcelle auto constructible pour chaque famille sur la toiture du projet. Laisser l’opportunité d’ériger un espace supplémentaire non rePLAN R+1 PLAN R+1 1/100e liée à l’habitat pour favoriser la rencontre sur les toitures terrasses était un moyen de « laisser le temps » faire son travail. A l’opposée de la « ruinification », laisser le projet dans unAppropriation stade inachevée face au temps pour induire les habitants à co-construire leur avenir. Dialogue
1/100e
Auto-construction collective
COUPE AA’ 1/50e
A partir des contraintes générées par la morphologie des implantations existantes, de la matérialité très marquée du contexte et sans oublier la prise en compte de la mémoire collective qui couve la poésie du lieu j’ai eu l’occasion de composer pour la première fois avec la ruine. Cette expérimentation utopique réalisée dans le cadre de mes études futAppropriation enrichissante quant à la manière d’aborder un héritage et d’en faire projet comme fondation de toute intention. L’histoire serait un matériau et ses vestiges une matière avec laquelle se développe l’interrogation du projet d’architecture . COUPE AA’ 1/50e Auto-construction collective
Appropriation
Auto-con collectiv
COUPE AA’ 1/50e ELEVATION OUEST 1/50
ELEVATION OUEST 1/50
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HUGO FERLET Studio Y.HOFFERT
HUGO FERLET Elevation projetée du projet (S3) Studio Y.HOFFERT
URE
Un fondement pour composer - l’obsolescence de la ville
L’OBSOLESCENCE DE LA VILLE
Aujourd’hui le dilemme pour l’architecte n’est pas de pratiquer l’utopie de la ruine, mais d’anticiper et d’agir sur le parc existant avant que l’irrémédiable travail du temps ne le condamne. Les friches et les espaces à l’abandon marquent le paysage urbain et rural, leurs histoires corrèlent avec le passage des crises économiques et de l’inflation. A l’échelle du particulier ou de l’entreprise un grand nombre d’édifices deviennent obsolètes vis-à-vis de l’évolution des usages ainsi que des nouvelles normes ou réglementations thermiques. Le parc existant s’affaiblit, la ville se ruinifie, certains de ces espaces attendent leurs démolitions ou de nouvelles réaffectations. Pourtant des tragédies témoignent encore du mépris de cette urgence surtout quand il habite encore la vie, comme nous le rappellent le tragique effondrement des immeubles rue d’Aubagne à Marseille fin 2018. Les disparités de ces « ruines modernes » contrastent avec les quelques 458 100 nouvelles constructions chaque année rien que pour le secteur du logement. (Chiffre INSEE publiée en 2018). La postérité du parc obsolète pose alors pour l’architecte un dilemme : faut-il réhabilité, démolir ou restaurer ? La restauration désigne une reconstruction architecturale du bâtiment dans le but de révéler le plus fidèlement possible l’ensemble des caractéristiques qu’il la un jour définit comme architecture, au sens de son histoire, de sa matière et d’une technique constructive. La démolition s’oppose à la conservation ainsi qu’a une quelconque trace du passé, de matière ou de savoir-faire dans l’intention de bâtir nouvellement en faisant abstraction totale du passé. Enfin la réhabilitation est un renouvellement contemporain de l’objet architectural dans le respect des caractéristiques principales du bâtiment dans le but de préserver les cohérences d’une esthétique du passé tout en affirmant des qualités contemporaines. Ce sont ces notions qui ont accompagnées les réflexions du projet architectural dans le village de Celles mais également en troisième année dans le cadre d’une expérimentation sur la revitalisation d’un centre bourg. Le petit village de Sainte-Lucie-de-Porto-Vecchio fondé à l’origine par des bergers pour les pâturages, offre un surprenant paysage bordé par la mer et les montagnes. Cet Hameau est au départ une façade littorale pour la commune de Zonza nichée en altitude dans les montagnes. Ainsi la petite urbanisation de St-lucie-de-Vecchio concerne principalement des habitations secondaires de la population de Zonza, une annexe de la mairie est installée ainsi qu’une école. Au carrefour entre les plaines, les montagnes et le littoral, St-Lucie-de-Porto-Vecchio se stratifie dans le temps sous l’image d’une ville que l’on traverse sans s’y arrêter, reliant Bastia et Bonifacio et amèrement connu pour ses heures d’embouteillage inévitable. Son urbanisation toujours axée sur la route a défiguré toute centralité du bourg. Aujourd’hui ce petit village s’est agrandi avec de nombreuses résidences secondaires qui s’étalent en périphérie du croisement. Ainsi détaché de l’axe routier,on retrouve pourtant les édifices d’ordre politique, religieux et culturel. La petite église d’une capacité de 40 personnes tourne le dos à une esplanade bitumée fracturée par une route accumulant des kilomètres de bouchons en période estivale.
Prise de vue photographique de St-Lucie sur le toit de l’ancienne école.
31 OUEST vers Zonza
La ruine comme support de création architectural & pictural
Croquis ambiance vue de l’esplanade de l’ancienne école.
Fenêtre sur cour, une vue à l’étage
Autour de cette esplanade au abord de l’Eglise nous retrouvons la mairie ainsi que l’ancienne école délaissée depuis quelques années. Ce bâtiment granitique conserve en mémoire le passage d’un grand nombre de générations, la vie qu’elle accueillait participant à la centralité du petit hameau. Cependant la faiblesse de l’équipement scolaire du fait de son manque de place, de l’obsolescence des anciennes normes et du manque certain de sécurité a poussé les pouvoirs publics à ériger une nouvelle école située à un demi kilomètre de là. La Mairie a alors proposé de requalifier cette ancienne école en un centre culturel, investissant alors les anciennes salles de classe par des espaces de pratiques artistiques recevant la jeune population du village de temps en temps. Cependant sans intervention sur le bâti existant l’ex école n’a fait face qu’a une requalification d’usage au détriment de la qualité de certaines pratiques comme la danse, le théâtre, ou le chant. Notre pratique du projet architectural s’organise autour de l’ancienne école, avec lequel nous avons l’ambition de restituer une centralité pour St-lucie-de-Porto-Vecchio. Dans un premier temps au sein de l’atelier architectural, nous nous sommes répartis les différents thèmes d’analyse. Notre groupe s’est occupé de la partie historique, d’un report photographique ainsi qu’une restitution de témoignages. Nous avons interrogé les habitants sur le rapport qu’ils entretenaient avec le village ainsi qu’avec son ancienne école. Il est évident que la reconversion ou le changement de destination de cette école en centre culturel est une opportunité S5 CUSY - LA LISIÈRE - BOUSCAREN - BAJJAJI - FERLET positive pour la petite commune de St-Lucie. C’est dans ce sens qu’avec mon équipe de travail nous décidions d’étendre l’emprise du centre culturel dans une chênaie au Nord. Nous souhaitions relier les deux forêts de chênes au nord proche de l’ancien bâtiment et au sud vers la mairie avec une promenade architecturée.
COUPE CENTRE-CULTUREL - 100
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Coupe sur la réhabilitation projetée du centre culturel(S5)
DETAIL FACADE - 50
S5laCUSY Un fondement pour composer - réagir à l’obsolescence de ville.
- LA LISIÈRE - BOUSC
Ainsi s’étire une ligne matérielle qui serpente au sol entre l’église et le centre culturel pour générer un cloître par sa volumétrie pouvant accueillir le marché. Cette traverse publique vient ensuite transpercer le centre culturel pour s’élancer dans la chênaie à hauteur des feuillages pour atterrir sur une extension aménagée en salle de musique. Notre approche dans la réhabilitation de cette ancienne architecture sans la détruire dénote d’autres propositions. Nous avons libéré les espaces intérieurs en de larges plateaux pour les pratiques artistiques mais également refermé certaines ouvertures existantes en meurtrières pour amplifier les émotions lors de la traverse entre les espaces. Notre volonté de faire traverser le public dans cette ancienne école fait appel à la mémoire collective d’un temps.
Le contraste généré par l’ossature bois de la traverse avec la massivité de l’existant invite au regard et à la curiosité d’emprunter ce chemin. C’est par la place générée par la USY - LA LISIÈRE -forme BOUSCAREN - BAJJAJI - RAINEVAL de cloître entre l’église -etFERLET le centre culturel que nous espérions participer à un point de repère pour les habitants du village. Les projets à l’échelle du studio architectural proposaient des postures très différentes allant du démantèlement entier de l’ancien édifice à la surélévation en conservant le bâtiment comme un socle, chaque projet mettant en valeur des qualités et des messages différents. COUPE CENTRE-CULTUREL
- 100
Perspective de la ligne qui s’extrude du centre culturel.(S5)
COUPE CLOÎTRE
- 200
COUPE PÔLE PERFORMANCE
- 200
LAN MASSE - 500
Point de vue du cloître accueillant le marché
Fenêtre réhabilitée en meurtière
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La ruine comme support de création architectural & pictural
Lors de mon stage au Conseil d’Architecture de l’Environnement et d’Urbanisme de la Lozère en 2019 j’ai eu l’occasion de me rendre compte du choix pertinent de certaines communes vis-à-vis du devenir de bâtiments obsolètes. Dans le cadre d’une classification exhaustive du recensement d’édifices qui pourraient être retenus pour le label patrimoine XXe, j’ai mené une investigation sur le devenir des « mille-clubs » dans le département de la Lozère. De 1967 à 1982 le ministère de la jeunesse et des sports lance l’opération des « mille-clubs de jeunes » dans un contexte de modernisation de la vie rurale à l’échelle de du territoire national. Ainsi c’est 1000 modèles en kits à construire qui vont être distribués dans toute la France, modèle qui résulte d’un concours d’architecture. Le modèle devait s’adapter aux critères de la production de masse, la standardisation des techniques constructives et l’assemblage d’éléments préfabriqués faisant notamment référence au travail de Jean Prouvé. L’objectif de ces équipements étaient de laisser l’opportunité aux jeunes de construire leurs propres lieux de vie sociale en auto-construction sous la directive d’agents techniques. Ainsi le programme initial des « mille-clubs » se résumait le plus souvent à de grands espaces appropriables n’excédant pas 150m², d’un bar, vestiaire et sanitaires. Malheureusement cette opération fut dans de nombreux cas un échec sur plusieurs points. Selon une enquête de 1992 retrouvé dans les archives départementales de la Lozère, ce programme a été imposé trop rapidement pour certains bourgs où ces « mille-clubs » ont été greffé sur un tissu associatif inexistant, ce qui a entraîné un arrêt de leurs entretiens et une mauvaise gestion du fonctionnement des locaux. Dans certain cas les « mille-clubs » se serait transformé en foyer, lieux de rencontrex sans véritable animations et des témoignages relatent de soucis de petite délinquance qui entraîna leurs fermetures définitives.
Mille-club d’Auroux avant son démantellement, modèle SEAL et sa couverture amiantée.
Réhabilitation du Mille-club de Villefort, couverture bac-acier, photo Caroline Entraygue
Réhabiliation du Mille-club de Château-neuf-de-randon, couverture bardeau de bois.
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Un fondement pour composer - réagir à l’obsolescence de la ville.
Aujourd’hui la plupart de ces clubs de jeunes seraient détruits, détournés vers d’autres fonctions ou sujet à la restauration pourtant certains demeurent en état de délabrement total voire de destruction par la faute du peu d’archives relatant de leurs histoires. J’ai eu l’opportunité de récupérer un recensement de 1992 des « locaux-clubs » Lozérien,J’ai alors contacté les communes et entrepris des recherches pour déterminer s’ils avaient des modèles qui auraient survécus au passage du temps. Quelques communes étaient fières de m’annoncer qu’ils avaient « libérée la place » a grand coups de bulldozer, alors que certains bourgs ont activement participés à une restauration voire une réhabilitation intelligente. En réalité le modèle le plus répandu en Lozère était composée d’une couverture d’amiante bleuté, ce qui obligea les communes à choisir rapidement entre le démantèlement ou la réhabilitation. Là où certains non pas hésité à choisir la simplicité d’autres ont esthétiquement habillé la toiture de matériaux en bardeaux de bois locaux ou encore en zinc. Aujourd’hui ces locaux accueillent des fêtes, des ateliers associatifs, des rassemblements à l’échelle du village. Peu de personnes ont connaissance de leurs histoires ce qui en fait un patrimoine très exposé à la destruction et au mépris. J’ai même passé une nuit dans un mille club en toute ignorance avant que mon stage me pousse à reconsidérer leurs valeurs. Ces vestiges d’une architecture avant-gardiste sont le témoin de l’évolution d’une technique constructive, d’une politique sociale et culturelle. C’est dans cet esprit que le label patrimoine XXe siècle pourrait leurs être distribués comme il l’a déjà été pour ceux de la région de la Côte d’Or. Sans imposer de statut juridique de conservation, ce label se dessine dans le but d’identifier à l’attention du public un édifice remarquable, d’archiver un recensement à l’échelle nationale, et de débloquer peut-être des aides pour les restaurer.
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La ruine comme support de création architectural & pictural
CONCLUSION
Les recherches menées lors de la mise en structure de mes travaux dans ce rapport se sont corrélés avec un sujet qui me tenais à cœur. Ce temps de respiration et de recul sur la manière dont mes études ont participé à ce que je suis aujourd’hui m’a apporté plus de clarté sur mon parcours mais peut être encore plus de questions sur ce que je tends à devenir. L’architecture me passionne dans ce qu’elle est et peut être, de la déconstruction à la conservation, de la réhabilitation à la construction ex-nihilo,C’est l’acte de bâtir et de composer qui transcende mon caractère. Le projet peut s’étirer avec un bout d’histoire ou en faire totale abstraction, sans perdre de vue ce qui la pousse à faire matière avec le paysage dans le même imaginaire de l’effacement de la ruine dans son contexte. Ce que nous apprends la ruine dépasse de loin ce que la ville laisse paraître, Je me suis constitué au premier abord une profonde curiosité pour les vestiges et les rouages du temps. La contemplation des fragments d’une matière, d’une technique et d’une histoire ont sans arrêt nourrit mon imaginaire et mon ambition de bâtir à mon tour plus qu’une rêverie, une empreinte qui profite à l’usage aussi longtemps qu’elle le pourrait. C’est dans ces retranscriptions les plus expérimentales, que la ruine assure son rôle de support de création par les innombrables contraintes et témoignages qu’elle porte avec elle. Les éléments que les vestiges laissent transparaître ont longtemps participé à ma définition de l’architecture, C’est au travers de la représentation et l’expérimentation de médiums tel que le dessin ou encore la photographie que j’ai appris à saisir le sens des ambiances, ainsi que des détails qui me sont précieux lorsque je compose un projet. Les doutes qui ont participé à l’évolution de ma manière de comprendre et d’appréhender l’architecture ont été dans le bénéfice de mon apprentissage à l’école nationale supérieure d’architecture de Montpellier. Les expérimentations pour le projet architectural autour du caractère historique d’un lieu ou du reste d’une bâtisse ont constamment nourrit la création du projet. Mes expériences personnelles et les stages ont également participé à établir un premier dialogue avec les perspectives du parc existant ou des nouvelles constructions. Le constat des possibles et la réappropriation de l’identité architecturale, culturelle ou historique de certains bâtiments méprisés par la vie pour en faire de nouvelles architectures durables et fonctionnelles. C’est dans le sens d’une confrontation au temps, à la dégradation de la matière en passant par la modularité fonctionnelle que nous devons peut-être envisager les futures constructions ou réhabilitations de demain. Si l’architecture nouvelle se plonge dans un état de symbiose comme le fait la ruine et son contexte nous ne parlerons plus d’urbanités mais de paysages.
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La ruine comme support de création architectural & pictural
RESSOURCES & DOCUMENTATIONS
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Ouvrages Forero-Mendoza Sabine (2013) Le Temps des ruines :Le goût des ruines et les formes de la conscience historique à la Renaissance. Editions Champ Vallon. Egaña Miguel, Schefer Olivier (2016). Esthétique des ruines. Poïétique de la destruction. Collection Arts contemporains. Presses du service reprographique de l’université Rennes 2. De Montclos Claude (1992).La mémoire des ruines. Anthologie des monuments disparus en France. Editions Mengès.75002 Paris. Riegl Alois (2016). Le culte moderne des monuments. Sa nature et ses origines. Editions Allia. Paris. Renard Thomas (2016) Ruines et vestiges. Le remous des temps au présent. Revue culturelle des pays de la Loire. Editions 303. Hldik Murielle (2008) Traces et fragments dans l’esthétique Japonaise, édition Mardaga, p27-33
WEBOGRAPHIE Sites de références https://www.cnrtl.fr/lexicographie/ruine https://www.cnrtl.fr/definition/vestige https://www.ille.uha.fr/ruines-et-vestiges/ https://www.fabula.org/actualites/ruines-et-vestiges_77636.php https://www.fabula.org/actualites/la-ruine-et-le-geste-architectural_14925.php http://museefabre.montpellier3m.fr/layout/set/print/Accueil_4_focus/Poetique_des_ruines https://imagesdelaculture.cnc.fr/-/metaphore-de-la-ruine-moderne-comme-horizon-poetique-et-politique-de-l-architecture?inheritRedirect=true https://balises.bpi.fr/arts/les-ruines-ou-la-figure-du-temps http://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Monuments-historiques-Sites-patrimoniaux-remarquables/Presentation/Monuments-historiques 38
Ressources & documentations
ICONOGRAPHIE
1.
-https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/2521/?offset=#page=12&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=
2.
-https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/2521/?offset=#page=16&viewer=picture&o=bookmark&n=0&q=
3.
-https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Caspar_David_Friedrich_-_Klosterruine_Eldena_(ca.1825). jpg?uselang=fr
4.
-http://museefabre.montpellier3m.fr/Accueil_4_focus/Poetique_des_ruines
5.
-http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/02/27/banksy-a-gaza-pour-denoncer-la-destruction-de-la-ville/
6
-https://mrmondialisation.org/quand-banksy-sinfiltre-dans-la-bande-de-gaza
7.
-http://www.jeudepaume.org/?page=article&idArt=3000
8.
-http://bas-rhin.foxoo.com/video,projection-trois-films-gordon-matta-clark,strasbourg,nx13092415310422567.html Toute autre illustration est issue de d’archives personnelles.
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Pour Auguste Perret « l’architecture c’est ce qui fait de belles ruines », même proche de l’anéantissement, la ruine réussit à conserver en mémoire un principe de construction, elle témoigne d’une ordonnance, d’un dessein, de proportions, de matières et d’intentions. Son aura est-elle qu’elle marqua mon enfance, et peut être me conduisit inconsciemment à entreprendre un métier tourné vers l’acte de bâtir. Ainsi c’est la ruine qui représenta longtemps pour moi l’architecture par ses nombreuses subtilités. C’est au travers de cet écrit appuyé sur la ruine que je vais entreprendre une rétrospection portée sur mes études à l’ENSA de Montpellier et également sur ce qui a participé aujourd’hui à ce que je suis, et qui pourrai inspirer demain, ce que je serai. Hugo Ferlet, étudiant en licence 3 Un rapport d’études sous la direction de Hélène Guérin À l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier Juin 2019
LA RUINE COMME SUPPORT DE CREATION ARCHITECTRAL & PICTURAL
La ruine est un objet de fascination, témoin du temps et reflet de son époque, sa relation avec l’architecte reste étroite, un paradoxe s’installe lorsque l’on contemple la ruine. N’estil pas du devoir de l’architecte que cela n’arrive pas ? La chute d’un bâtiment serait également le synonyme d’une rupture de sa fonction initiale, de sa solidité ainsi que de son esthétique. Se soucier de la ruine, c’est se soucier du futur, de la fin, de la mort. Son caractère instable et éphémère nous rappelle la vanité de la vie. Synonyme d’exutoire un temps, de peur, de frayeur d’indifférence ou d’horreur à cause des guerres c’est à la Renaissance que le goût des ruines se manifeste par une lignée d’artistes, d’architectes qui élaborent une esthétique propre à ce thème.
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier - Rapport d’étude
La ruine comme support de création architectural & pictural
Hugo Ferlet - Licence 3 - Professeur référent: Hélène Guérin - Juin 2019