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sept points d’interrogation sur l’architecture
2011-2014 ensa paris la villette rapport de licence de STATHATOS iason
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préface Avant de commencer mes études, je pensais que ce que l’architecture devait faire était de donner des réponses. Cependant, très vite j’ai compris que ce qu’on fait essentiellement dans une école d’architecture est de poser des questions. En plus, au sein de l’école on a vu qu’ au cours du siècle précédent, des réponses directes et violentes des manifestes ont conduit à des mouvements qui n’ont pas duré plus que quelques années. En communiquant avec d’autres étudiants et en ayant de vifs débats avec eux, j’ai compris par la pratique qu’on pouvait se rapprocher des bonnes réponses uniquement par la discussion. Le but de ce rapport de licence n’est pas d’exposer la totalité des questions posées au cours de ces trois années mais par contre de traiter quelques idées qui sont allées au-delà de la réflexion nécessaire pour la validation des cours. Pourtant, ces questions sont nées de façon plus ou moins directe par des cours de l’école mais aussi des livres, des voyages ou événements simples qui m’ont préoccupé pendant des périodes considérables de cette licence. En tout cas, même si les dialogues ont leurs 3
racines dans des événements réels et ponctuels, leur développement ici se nourrit de l’accumulation de toutes les trois années d’études en architecture. Quelques idées ont trouvé leur chemin dans des textes et des projets et d’autres sont toujours ouvertes à une future réinterprétation. Le dialogue a été choisi comme la forme d’écriture mais aussi le moyen qui arrive à faire la meilleure stimulation des processus complexes qui ont lieu au cours d’une recherche personnelle: accords, désaccords, allers et retours. Les dialogues présentés ici semblent faire partie des discussions qui ont déjà démarré avant qu’on rencontre les personnages. On peut suivre leur évolution à partir du moment que la question qui nous intéresse se pose. Le fait qu’il ne s’agit pas d’une retranscription des discussions réelles se rend visible par la langue qui est utilisée et qui met les personnages en distance, lesquels au niveau de l’image devraient ressembler à des acteurs d’une représentation de Robert Wilson. Les personnages, toujours deux, au cours de la discussion restent concentrés au monde de leurs idées et leur identification est un travail très difficile même pour moi. Dans le texte il n’y a pas d’ autre ponctuation que les points d’interrogation. Ainsi, le texte devient plus intense et finalement rapproche plus la réalité de ma pensée. Ayant en tête que c’est le voyage qui compte, provoquer le débat est une des raisons principales de la redaction de ces dialoques. Tout désacord de la part des lecteurs est plus que bienvenue. Chaque dialogue est accompagné d’une première image, qui illustre un aspect de la pensée exposée au cours de la discussion. En plus, avant qu’on lise le texte, on s’informe sur les cours de l’école qui sont en liaison directe avec le dialogue et on peut lire un petit extrait du travail relatif. Le contexte spatial des dialogues, souvent en relation proche avec le contenu, ne se révèle pas, mais pourtant il y a toujours des éléments du paysage incorporés au texte. L’espace où la discussion a lieu va se révéler après la lecture du dialogue. L’ensemble de ces sites sont des lieux qui m’ont marqué au cours de ces trois années et très souvent, ce sont des perpétuelles références de ressourcement en architecture. 4
sommaire 1 Et vous monsieur, vous aimez les gens?
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2 Et s’il devrait exister une seule architecture?
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3 Est-ce qu’on peut transformer l’architecture en un outil d’exaltation pour les êtres humains?
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4 Croyez-vous valeureux de trouver des rapports entre notre vie quotidienne actuelle et la mort ?
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5 Et si on faisait disparaître l’architecture?
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6 Croyez-vous vraiment que l’architecture est violente?
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7 Est-ce qu’on peut fabriquer une architecture de symbiose? 54
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Moriato a 20 ans et elle habite dans son quartier depuis son enfance. Pour elle, « Le maire est bête » et elle en a marre d’habiter à Aubervilliers. Elle pense qu’il y a rien pour la jeunesse ici. Par exemple, le nouveau conservatoire n’est pas destiné aux jeunes du quartier parce que c’est trop cher de suivre les cours là. Elle, personnellement, voudrait bien apprendre à jouer du piano mais elle n’a pas assez d’argent.
premier jour à l’école 2011 projet d’architecture 2013 6
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- Et vous monsieur, vous aimez les gens ? - Vous parlez de quels gens des gens qui sont proches de moi et ma famille car moi je suis quelqu’un de très dédié à mes amis - Non au contraire je parle des gens que vous ne connaissez pas [silence]
- Je ne comprends pas - Pour que vous soyez ici j’imagine que vous ne vouliez devenir ni peintre ni plasticien ou même ingénieur alors si la récompense d’argent ou la réussite professionnelle ont joué un rôle dans votre décision je vais vous aider ce serait mieux si vous partiez maintenant sinon éclairez-moi en disant pourquoi vous êtes devant nous aujourd’hui [silence]
- Je suppose parce que je ne peux pas m’arrêter de penser que les choses qui nous entourent peuvent être différentes, meilleures, plus belles - Les beaux mots ne vont pas vous aider énormément à atteindre vos buts ici 9
- Je dis ce que je ressens - Mais vous devez être très égoïste pour vouloir tout changer juste pour vous corrigez-moi si je me trompe - Mais il ne s’agit pas d’une question personnelle - Développez s’il vous plaît - Nos villes sont produites d’une longue procédure qui est souvent douloureuse nous sommes bien d’accord mais cela ne constitue pas un prétexte pour leur transformation en un monde à deux vitesses une ville-vitrine et une ville… [avec impatience]
- Et quand vous parlez de la ville, ne vous référez-vous pas aux gens? - une ville-impasse qui ne fait qu’empêcher les gens à vivre comme ils le méritent [en souriant]
- Il y a peut-être ici une part de vérité malgré ça avant même de pouvoir toucher de telles questions vous devez malheureusement ou heureusement commencer par des choses beaucoup plus humbles - C’est à dire? [ceux qui étaient à la cafétéria viennent]
- Pour le moment parcourez du regard la moindre poignée d’une porte le placard le plus bas de la cuisine l’étagère du bureau,trouvez comment quelqu’un peut laisser plus confortablement son manteau et n’oubliez pas que quand on précise la moindre même dimension on influence la vie d’une personne qui marche cuisine dort se réveille habite ici [avec méfiance]
- Et tout ça dépend de moi ? - Non mais il dépend de vous qu’on obtient le résultat désiré - Et si finalement les gens ne m’intéressent pas d’ailleurs ce qui compte est de donner à la société ce qu’elle veut de belles façades de toute façon personne ne va apprécier un travail invisible comme celui que vous décrivez 10
- Il n’y a alors aucune raison d’inquiétude vous pouvez toujours devenir un architecte diplômé vous pouvez même avoir une carrière être bien recherché et gagner une grande somme d’argent mais vous n’arriverez jamais à devenir un bon architecte. - Mais... [il tourne sa tête ailleurs]
- On est en retard allons-y
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sur les ruines confortables de la cour de l’Êcole
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Hésiode, dans la Théogonie, écrit que la trinité primaire était: Chaos, Terre et Eros. Eros n’accouche pas comme Chaos et Terre, mais il émet une force d’attirance tout puissante qui pousse les autres forces à la création. Dès très tôt les hommes de la mer ont adoré la femme et son corps qui porte la graine de l’espoir et du renouvellement de la vie. La vie naît et accouche. L’art avance. la Vierge assise et Jesus 1600 après J-C figurine des Cyclades 2.800 - 2.300 av J-C
théories de l’architecture et de la ville 2012
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- Et s’il devrait exister une seule architecture? - Vous savez il y a plusieurs personnes qui ont soutenu le point de vue selon lequel tous les projets peuvent être analysés comme des compositions des éléments architecturaux qui ne changent pas ou changent très peu au cours des siècles par exemple les portes les murs et les fenêtres - Je ne crois pas pouvoir être en désaccord avec vous surtout en ce qui concerne l’existence d’un vocabulaire commun de l’architecture mais ce qui m’intéressait davantage c’était à quelle mesure le manque d’ invention et l’apothéose de la reinvention en architecture sont liés à la substance même de l’existence du projet architectural [il s’arrête un peu mais bientôt il continue de marcher]
- Vous me permettez de faire un passage par le monde de l’art pour que je puisse repérer ce auquel vous vous référez? - Je vous en prie mais avant voulez-vous qu’on s’asseoie un peu ici où il y a de l’ombre? [après s’être assis] 17
- Ce qui est vivement gravé dans ma mémoire c’est la première fois que j’ai vu l’ Οrigine du monde de Gustave Courbet comme je ne pouvais pas m’arrêter de penser aux dames de Knossos au torse nu me souriant je me suis dit que finalement il y a quelqu’un qui a compris quelqu’un qui a divinisé la nature de la femme après trois milles cinq cent ans en nous offrant une sensualité sincère sans être provocante ou immorale - Courbet a pu décoder cette substance secrète de l’art celle qui existe à l’intérieur de l’homme et qui est capable d’offrir de la grandeur mais qui est aussi responsable de son destin tragique - Aujourd’hui il y a d’autres artistes qui le font noter par exemple Jan Fabre et comment il réussit dans une cérémonie presque sacrificielle d’interroger la mort le sexe et les différentes valences du regard en nous faisant penser à l’art archaïque - C’est ce qu’on appelle “Mnémé” c’est-à-dire la mémoire trouver quelque chose et se rendre compte plus tard que quelqu’un d’autre l’avait inventé avant toi. - Quand plus d’un million des refugiés de l’Asie Mineure sont arrivés en Grèce après la Grande catastrophe de 1922 l’état n’avait pas les moyens pour construire des logements suffisants en conséquence les gens ont construit eux-mêmes des baraques dont les plans et de façon impressionnante semblaient beaucoup aux plans du Mégaron des Mycènes [en souriant]
- Mais les refugiés n’ étaient pas des architectes - Exactement mais ils savaient ce dont une maison avait besoin par rapport au climat et le sol d’un pays qui ressemblaient beaucoup aux lieux de leurs origines [il montre du doigt les pierres sur lesquelles il est assis]
- Nous pouvons alors lier l’architecture au sol dont les entrailles naît mais aussi à l’espace qu’elle occupe - Bien sûr mais au-delà de ça j’aimerais qu’on la lie à quelque chose de plus pouvez-vous me dire à quoi s’il vous plaît - Mais à l’homme bien sûr - Des milliers d’années sont passées mais les besoins de l’homme 18
n’ont pas changé et ses préoccupations concernant la vie et la mort sont les mêmes pourquoi alors l’architecture doit-elle changer des cibles? - Mais comment pourrions-nous expliquer l’existence de tous ces styles architecturaux qui sont nés les derniers milliers d’années à tous les points de la planète? - Il faudra ici distinguer d’un côté les multiples et différents aspects d’une conception qui est le résultat de vrais besoins qui peuvent être autant que les endroits que nous aurons jamais bâtis et de l’autre côté les dits “styles” architecturaux factices qui sont créés parce que les gens aiment les plaisirs superflus et la démonstration de leur richesse acquise. - Vous savez que peut-être on ne voit plus tant de pagodes quand on visite Pékin, cependant on voit des milliers de maisons en bois americaines qui se sont multipliées après la prédominance du modèle occidental à ce coin du monde. - L’ignorance et la spéculation ont pu remplacer l’originalité et la variation d’échelles d’une architecture qui ouvre les horizons par la monotonie et la standardisation mais quand tout cela va-t-il s’arrêter ? - Quand les architectes commenceront à voir dans l’histoire la suite essentielle de l’une seule architecture véritable.
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au long d’un chemin quelque part à la mer Egée
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Tous les gens parlent des langues diffĂŠrentes Mais il y une langue commune Ă tous La promenade architecturale comme le battement du coeur
projet d’architecture 2012 22
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- Croyez-vous qu’on puisse transformer l’architecture en un outil d’exaltation pour les êtres humains? - C’est cet espace qui a fait naître cette question chez vous - Je crois que cette question existait quelque part chez moi et elle a tout simplement émergé dans cet espace [grande pause]
- Alors il est nécessaire que vous m’exposiez votre regard sur cette salle - Voulez-vous que je vous décrive ce que je vois de la façon la plus précise possible? - Non non mon ami je ne vous torturais pas en vous demandant quelque chose de si ennuyeux quelque chose qu’on pourrait lire dans tous les livres cependant peu nombreux qui se réfèrent à cet espace magique par contre je préfère que vous me parliez de ce que vous ressentez - J’essaie depuis quelque temps d’avoir une approche psychologique et une compréhension presque chrétienne des gens qui s’y sont accourus venant de tous ces lieux lointains pour satisfaire un fou désir qu’on leur a promis 25
- Croyez-vous que nous puissions soutenir qu’ils ont été dupés? - Μais bien sûr il s’agit des victimes tragiques d’un complot bien élaboré - Et l’architecture n’y a-t-elle pas été complice? [il baisse le ton de sa voix]
- Oui mais comme je vous connais bien je vous devance en disant que nous ne pourrons pas nous appuyer sur cet incident particulier pour en tirer des conclusions plus générales ici nous parlons d’une architecture clairement dépassée qui peut utiliser tout moyen pour atteindre ses buts rusés - Ecoutez de toute façon et du moment que l’architecture s’approche de la logique ou la non logique du théâtre mais aussi des autres arts de représentation il est inévitable qu’à un moment elle soit elle aussi dépassée mais ce qui importe c’est ce que chaque génération architecturale laisse derrière elle sur lequel nous pouvons nous baser et aller plus loin [petite pause]
- Si nous concevons la question de cette façon il faudra alors que j’admette qu’il y a en effet un élément que nous pouvons retenir de tout cet effort - Dites-moi - Il s’agit de l’expérience en architecture - Cette chambre sombre mais aussi la grande salle hypostyle dans l’enceinte d’Amon-Rê à Karnak et la mosquée Khirki à Delhi sont tous des résultats extrêmes on dirait d’un langage commun qui conçoit l’architecture comme une expérience que notre corps est invité à partager - L’exaltation humaine est ici réalisée parce que l’architecture réussit à nous faire croire à une idée plus grande et précise - Le dieu la connaissance l’harmonie la beauté [en avançant vers le fond de la salle]
- Pour réaliser l’expérience souhaitée ceux qui ont bâti ces espaces peut-être même qu’ils ne se voyaient pas comme des architectes ont pu dépasser la distinction psychologique entre solides délimités et espaces illimités montrant que le monde 26
physique forme un continuum parfaitement rempli dans lequel les objets s’imbriquent comme les pièces d’un puzzle - Vous avez raison mais cela ne suffit pas comme on a besoin des liaisons entre ces pièces un fil conducteur qui nous raconte une histoire peut-être notre histoire dès le début jusqu’à son aboutissement [en touchant la roche]
- Voilà l’obligation et la nécessité les plus importantes pour notre métier - Je vous trouve un peu romantique il y a tant d’autres paramètres même techniques qui sont plus importants quand on travaille sur un projet - Aujourd’hui il y a beaucoup de gens avec des connaissances impressionnantes qui pourraient bâtir nos édifices alors si on a toujours des architectes ils doivent sûrement aller au-delà d’une résolution simple de la complexité du programme montrant que les bonnes réponses architecturales sont caractérisées plus par leur sens que par leur technicité rigide - Je pense qu’ en suivant votre logique et à la manière que vous décrivez les choses on pourrait arriver très facilement à des concepts facilement consommés par un public non-initié mais qu’ils pouvaient devenir finalement abstraits et flous même dangereux pour l’architecture - Mon cher ami c’est possible de créer un événement contrôlé en architecture mais il doit être suivi par une procédure rigoureuse d’expériences spatiales qui auraient comme but de réussir à reproduire l’ambiance souhaitée si bien sûr elle est clairement précisée d’avance - De la même façon dont Bruce Nauman travaillait sur ses oeuvres d’art spatiales - Exactement - Et si il n’y pas le temps nécessaire pour construire avec cette procédure? [il commence à monter l’escalier]
- Il faut le trouver
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dans la salle souterraine de l’oracle des morts à Acheron
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Le passĂŠ, le prĂŠsent et le futur forment un continuum.
perception et langage plastique 2012 30
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- Croyez-vous valeureux de trouver des rapports entre notre vie quotidienne actuelle et la mort ? - Vous savez une fois je me suis trouvé à un repas familier qui a eu lieu sur la tombe d'un membre bien aimé de la famille qui m'avait accueilli bien sûr je ne me trouvais pas sur ce continent [quelqu'un qui fait du roller attire les regards]
- Nous par contre nous avons renvoyé nos morts le plus loin de notre vie pour qu'ils ne nous rappellent pas notre nature fragile - Le désir de l’immortalité est une de plus anciennes psychoses de l’être humain et tant que les années passent la manie pour notre domination absolue sur le temps grandit aussi bien que notre fatuité - Le refus de la mort a été même projeté sur nos matériaux sur lesquels on a interdit la possibilité d’un vieillissement naturel comme par exemple l’acier qui doit être maintenant soit inoxydable soit déjà oxydé en essayant d’éliminer toute altération possible des choix de l’architecte - Tandis qu'on refusait au temps toute valeur d’enrichissement en 33
même temps on devenait les témoins d'une architecture qui s'intéressait de plus en plus au vivant quelque chose qui pourrait être positif s'il n'était pas accompagné de fortes intentions formelles et d'une réduction d'une conception qui était peut-être plus mystérieuse et difficile mais elle était plus profonde - Comme quand nous sommes passés des icônes byzantines à la perspective et à l’oeil cartésien - Je ne sais pas si je suis d'accord avec votre exemple mais en tout cas j'ai l'impression qu'une vraie architecture qui capte les signes de vie devrait tout d'abord dire la vérité à l'homme en le regardant dans les yeux n'est-ce pas? - Vous avez quelque chose en tête - Un cimitière [il tourne vers lui]
- Juste ici?
- Mais regardez tout autour vous vous trouvez au cœur d’un des quartiers les plus historiques de cette ville et vous êtes entouré par des institutions importantes et prestigieuses qui sont occupées par des gens dont la plupart et même juste à cause de leur poste de travail et leur position correspondent à la mentalité qu’on a évoquée plus tôt - De ce que je comprends selon votre point de vue on pourrait alors imaginer un haut fonctionnaire d'une de ces institutions sortir dans la rue et voir quelque chose qui lui rappellerait sa nature mortelle [en souriant]
- Il s'agit d'une approche assez simpliste mais je l'accepte - J'aimerais alors maintenant vous exprimer ma plus grande inquiétude qui est liée au grand manque d'espaces verts et de lieux de loisirs dans cette ville si dense par conséquent prendre un espace qui est en effet très peu aménagé mais par contre bien habité par les habitants et les touristes et le transformer en un lieu mort tant au sens propre qu'au sens figuré avec le but des symbolismes secrets ne me paraît pas très justifié comme choix 34
- Mais je ne vous ai pas encore dit le plus important il s'agit d'un cimitière qui d'un côté est en pleine fonction mais de l'autre côté et en même temps non seulement il ne supprime pas l'espace public mais en plus il fonctionne en ayant un contact essentiel avec lui [il change de position sur le sol]
- Expliquez-moi s'il vous plaît - Imaginez qu’au-dessous du niveau auquel on se trouve maintenant il y aura tous les espaces dédiés aux proches mais les prolongations de tombeaux dépassent le sol en une variation d’hauteurs en créant une scène pour les jeux d’enfants et un espace de détente pour les adultes - Il ne faudra même pas nous séparer de ceux qui font du roller [en riant]
- Bien-sûr mais par contre j’aimerais bien voir qui va financer ce projet ambitieux - D’abord le profil socio-économique des gens qui vont vouloir s’enterrer ici au centre de Paris sous le regard de tous est une question cruciale mais puis pour le sujet du financement on doit pousser l’idée encore plus loin alors ironiquement on va placer les grandes marques de vêtements comme développeurs du projet en imaginant qu’ elles vont demander d' ajouter de grandes affiches avec des publicités à côté des noms des morts - Croyez-vous que votre proposition soit liée à vos complexes personnels vos expériences d'ailleurs ce ne serait pas la première fois que les architectes nous imposent de vivre dans leurs propres vécus - C'est possible mais je crois qu’il s’agit juste des fantasmes d’un architecte qui rêve d’avoir la possibilité d’utiliser la programmation pour influencer l’éthique de l’homme d’aujourd’hui
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dans la cour d’honneur du Palais Royal
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Les messages que nous recevons du monde extérieur vers l’intérieur, sont très importants. Cette transition n’est pas un obstacle. Bien au contraire. La connaissance de soi-même ne viendra pas seulement par la recherche de soi, mais aussi par notre contact avec les autres personnes.
projet d’architecture 2012 38
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- Et si on faisait disparaître l’architecture ? - Vous ne pourriez pas faire une telle chose [il boit une goutte de café]
- Il y a déjà des gens qui réalisent ça [il rit]
- Attendez-vous que je croie qu’il y a des architectes professionnels qui renient eux-mêmes leur propre magnifique statut social - Le moment est peut-être arrivé et il est nécessaire que quelque chose comme ça soit fait vous savez d’ailleurs très bien qu’il n’y avait pas toujours des architectes qui sont eux aussi un produit de la Renaissance dont tant de miracles nous avons laissé derrière nous [il soupire]
- Mais quelle idée fixe vous a-t-elle encore obsédé je ne comprends pas pourquoi nous ne pouvons pas boire calmement notre café et nous réjouir de cette belle journée - Mais il s’agit d’un sujet auquel nous pouvons nous référer tout à fait calmement je sais d’ailleurs très bien que vous vous y
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intéressez alors dites-moi si pendant les six siècles environ de leur existence les architectes étaient au service de l’homme - Ils étaient au service de quelques hommes - Vous savez un Américain nous avait jadis caractérisés comme des prostituées de haute classe [il soulève les paupières]
- Exagéré
- Vous voulez peut être dire que ceux qui payaient ont toujours constitué la plus haute priorité des architectes corrigez moi si j’ai mal compris - Il est difficile de croire que l’intérêt commun est plus important que l’intérêt personnel en tout cas vous avez dit que c’était l’architecture qui doit disparaître et pas les architectes il s’agit tout simplement d’une proposition provoquante? - Mon intention n’était pas qu’elle paraisse comme telle - Alors - Je veux en effet dire qu’il est nécessaire que l’architecture existante disparaisse mais cela est faisable à la condition de la réalisation de deux critères distincts mais successifs dont le premier concerne... - Nous - L’ ego peut être acceptable pour d’autres groupes sociaux mais il est impardonnable pour les architectes puisque il opprime toute une société et il ne peut pas continuer à exister si nous voulons que le détournement absolu de notre mission s’arrête mais dites-moi quel est le deuxième critère - Si je suppose bien qu’il est en corrélation avec le premier je devrai répondre alors que s’il n’y a plus l’ego la forme architecturale peut enfin se libérer et obtenir de nouveaux modes d’expression sans que notre critère soit plus une jolie photo sur la page d’une revue spécialisée [il se lève]
- Ayant la perception de l’espace comme une sorte de liquide qui prend la forme du récipient dans lequel il est versé les 42
architectes ont réussi à créer de beaux récipients - Un ensemble d’ objets bien délimités de belles boîtes tandis qu’en même temps la conception architecturale ne pouvait jamais dépasser les limites étroites du terrain - Des objets-miracles posés sur un sol avec lequel ils n’ont aucune relation - La nouvelle architecture qui sera née après la fin de notre fatuité aura de profondes racines dans la terre qui l’a créée elle sera transparente humble presque inexistante - Elle aura comme point de référence les éléments de base de la nature en prouvant que le développement et la relation équilibrée de l’homme avec l’environnement ne sont pas des termes contradictoires - Et que va-t-il se passer avec l’architecture déjà existante? - Mais ce sera elle qui va constituer la matière première de la nouvelle puisque ce sont les limites les barrières de la ville et de son cadre bâti qui vont disparaître - Ainsi le paysage perd son organisation traditionnelle stérile et il devient sculpté en offrant aux habitants une nouvelle vue mais aussi une nouvelle pratique de leur quartier en faisant disparaître les limites sociales - Resterez-vous fidèle à cela dans dix ans? - Ni dans dix jours
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sur la pelouse du parc de la Villette
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Le but d’enlever l’identité des visiteurs des bâtiments modernes en les rendant un “ballet mécanique”, ne peut pas réussir, car la vie qui ressemble à une maison vide, est triste.
sociologie 2012 46
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- Mais croyez-vous vraiment que l’architecture est violente? - Je m’étonne de votre surprise cher ami vous ne pouvez d’ailleurs pas ignorer que tout simplement et depuis très longtemps la violence est un plaisir pour l’homme et qui de toute façon existe dans tous les autres aspects de sa vie - Je ne peux pas être d’accord avec vous - Il suffit de regarder le superbe film Ben Hur pour comprendre ce que je veux dire -
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[il s’arrête de marcher pour quelques instants]
Je ne peux pas dire que vous avez tort concernant la nature extêmement violente et animale de notre société mais je ne peux pas être d’accord que notre mission est celle-ci c’est à dire d’offrir plus de violence aux gens Dommage vous me faites m’ennuyer terriblement je suppose alors que vous avez vous aussi l’ambition de devenir un de ces architectes dont le but est d’offrir le relax visuel absolu aux visiteurs 49
- Je parle surtout d’une purification du corps et de l’esprit - Par conséquent alors la violence est pour vous “un corps étranger” une tache sale qui nous énerve et qui doit être nettoyée [gêné]
- Ecoutez je ne peux pas croire que vous êtes un défenseur de la violence physique mais si cela est vrai je crois qu’il est nécessaire que vous m’expliquiez ce que vous voulez dire en utilisant ce terme - Voulez-vous qu’on s’assoie ici un peu sur l’herbe et discuter avant d’entrer? - Je préfère qu’on fasse le tour d’abord - Superbe [ils tournent à gauche ayant au fond le Bacchiglione]
- Mais ne trouvez-vous pas vraiment merveilleuse cette patine du temps qui s’est accumulée sur toutes les surfaces? - J’attendais avec impatience que vous disiez une telle chose vous savez qu’être impressionné c’est la première étape quand on se trouve en face de tels objets d’art c’est même peut-être ce qu’on aurait lors de notre arrivée au palais de Versailles mais laissons ce sentiment particulier d’attraction faire son travail et nous dévoiler la maestria de l’architecte - Et que va-t-il suivre? - Mais ce qui se passe avec tous ces bâtiments qu’on appelle sadiques c’est à dire ceux qui présentent une vive intention de transformer la visite à une torture spatiale - Ceci est donc un parmi ceux que vous venez de décrire? [en souriant]
- Ce qui est peut-être le plus important en ce moment c’est qu’on est dominé par la magie de la pondération des volumes et des dimensions un travail sûrement merveilleux mais bientôt la recherche du reste du bâtiment et la multiplication d’un seul visage nous rendront les victimes d’un décor presque sadique - Et quand nous serons entrés? - Après être hypnotisés par la disposition des espaces on fera 50
des tours autour du centre sans qu’il y ait de manière de nous échapper puisque on sera désormais tombés au piège - Par conséquent si je comprends bien vous percevez cette violence architecturale comme un genre de pression de la part de la géométrie des lieux sur le corps humain - Mais il ne faut pas ignorer que l’existence de cette pression est à une certaine mesure normale mais aussi voulue quand il y a une confrontation de notre corps avec une composition volumétrique il faut noter aussi que depuis très longtemps elle est utilisée comme une arme puissante par les architectes non au service de la composition mais contre nous et en ayant comme but le plein contrôle de nos mouvements et c’est ici alors que cette relation devient violente - Et pourquoi les architectes feraient-ils une chose pareille? - La plupart des espaces que nous avons jusqu’aujourd’hui créés ont échoué à percevoir le corps humain comme leur partie intégrante ainsi les gens finissent à être des intrus à une géométrie équilibrée seulement intérieurement pour laquelle les architectes sont particulièrement heureux [terminant le second tour]
- Par conséquent le mieux qu’ils puissent faire c’est de contrôler le moindre mouvement de chaque visiteur insoupçonné qui se contente d’autres modes d’impression moins chers - Parlez-moi donc de votre purification - De ce qui a précédé nous comprenons qu’il s’agit d’une intention extrêmement hypocritique puisque non seulement elle refuse la véritable complexité de notre cosmos en ignorant les superbes occasions qu’elle pourrait nous offrir mais par contre elle se contente d’une harmonie factice qui est en réalité extrêmement violente - Pouvons-nous entrer? - Après vous je vous prie
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devant la Villa Rotonda
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Un passage de la ville à ses racines. Une surface mince, courbée par la nécessité de faciliter l’accès à la Tour de Londres, définit un cadre contemporain pour admirer le monument à travers un nouvel espace public intime, offrant une nouvelle image mais aussi une nouvelle pratique de la Tamise.
concours prix W 2014 54
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- Est-ce qu’on peut fabriquer une architecture de symbiose? - Je pourrais vous répondre ayant en tête l’exemple de Paris et je vous dirais qu’une telle chose serait plutôt impossible d’être réalisée tant que nous avons des villes qui essaient de glisser sous le tapis leurs problèmes structurels et tandis qu’elles prennent soin de la préservation d’un centre historique réservé aux touristes et en même temps elles croient qu’une œuvre d’art peut changer un quartier de banlieue détruit par les changements innombrables du 20ème siècle - Et quoi de plus on pourrait dire en regardant vers le sud du continent où la crise sociale et économique continue de détourner les vies des groupes sociaux importants qui vivent dans la misère à cause des programmes d’austérité d’une part regardez en Turquie où un couple peut être verbalement insulté à cause justement d’un baiser public et d’autre part regardez la Grèce où le taux du chômage des jeunes va monter au 60% au cours de cette année - Est-ce que le moment est approprié pour aborder encore plus 57
de problèmes qui concernent la ville d’ailleurs l’espace qui nous entoure est théoriquement “collectivement” produit n’est-ce pas ? - Reste à savoir pour le bonheur de qui et par qui car donner la parole aux usagers risque de briser un discours dominant conçu dans un cercle bien précis des architectes-célébrités - Ces phenomènes existent mais je peux dire qu’on est à la fin d’une ère alors heureusement que la Biennale de 2012 “Common Ground” a annoncé le début d’une autre - Nous serons d’accord que c’est le moment de parler de l’architecture et pas des architectes - Préféreriez-vous peut-être qu’on prenne le bateau pour avancer d’ailleurs l’arrêt n’est pas loin - Comme vous voulez [Ils tournent à droite dans une ruelle et traversent un petit pont]
- Vous voyez très clairement qu’on est dans une ville où si on exceptait les parvis des églises il serait resté très peu d’espace public mais même comme ça la ville a acquis une cohérence remarquable - Rappelez-vous que dans un archipel l’eau unifie et ne divise pas d’ailleurs on est à la ville paradigme de l’archipel - Vous pensez alors qu’il a des enseignements à tirer même si cette ville est un cas unique? - En effet il y en a trois allons-y alors aujourd’hui l’espace public est clairement assiégé par le quasi espace public et en regardant le passé de cette ville avec sa dite démocratie et ses espaces publics contrôlés on ne pourrait que remarquer quelques parallélismes utiles - Il faut ajouter à notre réflexion le fait que les événements récents à Istanbul montrent que l’architecture concerne beaucoup plus de personnes que les lecteurs limités des périodiques spécialisés et ils nous montrent clairement que l’architecture est tout d’abord un acte politique - Je suis content de vous avoir écouté vous référer à un tel incident comme il faut noter qu’on est témoins d’un changement 58
magnifique car les manifestations à Istanbul ont rendu évident maintenant que les moyens contemporains de connectivité nous offrent des chances jamais vues pour discuter directement de nos problèmes - Vous voulez alors faire une analogie des liens cohésifs qui sont créés par les réseaux sociaux dans les sociétés contemporaines avec le rôle important d’innombrables canaux dans cette ville a part la poussée que la technologie peut donner à l’éveil social je crois que notre attention doit être concentrée sur l’aménagement de l’espace public - En une période alors où la demande pour une démocratie plus directe est plus à jour que jamais l’espace public devrait devenir le véhicule grâce auquel l’homme contemporain va comprendre son rôle en tant que citoyen dans l’environnement urbain - En fait il s’agit d’une sorte de renouveau de l’Agora, avec en parallèle sa déconnexion de la fonction de la diffusion de l’information du moment qu’elle est faite par les réseaux sociaux - Le but est d’arriver à l’apparition d’une expression démocratique pure qui comprend même les manifestations et qui est directement liée à un espace où l’homme n’est pas sans visage il n’est pas un grain de sable sur une plage il est responsable par ses choix pour le futur - On a besoin alors de l’expérience d’une architecture de nouveau type qui conçoit chaque homme comme un être autonome avec sa propre personnalité dans un espace qui n’est pas statique mais il se transforme graduellement quand quelqu’un y entre - De cette façon l’être humain peut redevenir la force motrice de l’architecture tandis que l’espace se transforme en une onde qui passe par les visiteurs il dépend d’eux et il ne peut pas exister sans eux [le vaporetto se rapproche et les gens se rasseblent]
- Faudra-t-il alors travailler avec toute cette foule? - J’espère le plus vite possible
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à campo Santa Maria Nova à Venise
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