L’APPROCHE PAR COMPÉTENCES DANS LES MÉTIERS ET LES SERVICES DE PROTECTION DE L’ENFANT Pour son intégration au cœur des orientations, des directives, des décisions, des planifications et des programmes liés aux professions et aux services de protection de l’enfant.
REMERCIEMENTS
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’élaboration de cette publication relative à l’intégration de l’approche par compétences au cœur des orientations, des directives, des décisions, des planifications et des programmes des professions et des services de protection de l’enfant a été rendue possible grâce à la participation et au soutien de partenaires de tous horizons, à qui le Bureau international des droits des enfants (ci-après « l’IBCR » ou « le Bureau ») souhaite exprimer sa plus profonde gratitude. Le Bureau tient notamment à remercier chaleureusement l’Organisation internationale de la Francophonie pour son appui technique et financier tout au long du processus.
Le Bureau souhaite aussi remercier les membres de son conseil d’administration, notamment Joanne Doucet, Théophane Nikyèma, Jean-Claude Legrand et Ghizlane Benjelloun, pour leur forte mobilisation au cours de cet exercice, qui a favorisé un regard croisé sur les pratiques entre l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient et les Amériques. Merci enfin à l’équipe du Bureau qui s’est mobilisée sur ce projet, soit Guillaume Landry, Martin Causin, Dimitrina Raby, Daredjane Assathiany, Geneviève Trépanier, Mahamadi Oubda, Cécile Bettega, Marielle Collet, Daniel Karama et Maeva Alysson Gueremodongou.
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L’IBCR remercie également l’ensemble des institutions partenaires qui ont pris part à ce processus : Alliance for Child Protection in Humanitarian Action, Penal Reform International, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, l’UNICEF, le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence contre les enfants, Terre des Hommes et le Working Group on Justice for Children.
Il importe aussi de souligner la contribution significative de nombreuses autres organisations non gouvernementales, de directions étatiques de nombreux pays ainsi que de spécialistes de la protection de l’enfant, tous secteurs confondus. Provenant de 19 pays, ceux-ci ont généreusement pris part à cette réflexion et à la rédaction de ce rapport.
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TABLE DES MATIÈRES 04 - AVANT-PROPOS
07 - PARTIE 1 LE CONTEXTE DE L’APPROCHE PAR COMPÉTENCES
10 - PARTIE 2 L’APPROCHE PAR COMPÉTENCES
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La notion de compétence-clé
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Pourquoi définir des compétences-clés ?
14 - PARTIE 3
23 - PARTIE 4 L’INTÉGRATION D’UNE APPROCHE PAR COMPÉTENCES DANS LES MÉTIERS ET LES SERVICES DE PROTECTION DE L’ENFANT
24 Les différents usages des compétences-clés 35 Les facteurs à prendre en compte pour réussir l’intégration de l’approche par compétences
43 - PARTIE 5 FEUILLES DE ROUTE POUR HUIT PAYS D’AFRIQUE FRANCOPHONE
50 - PARTIE 6 ANNEXES
AUX ORIGINES DE L’APPROCHE PAR COMPÉTENCES
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16 Les forces de sécurité
52 Des pratiques prometteuses provenant de
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Les professions du secteur social
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Le personnel de la justice
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Le personnel travaillant auprès des enfants privés de liberté
20 Quatre secteurs, quatre piliers de la protection de l’enfant
Quelques ressources pratiques relatives aux compétences-clés divers horizons
54 Glossaire 58 À propos de l’IBCR 59 Publications de l’IBCR 60 Textes relatifs à la protection de l’enfant 62 Liste des personnes ayant pris part à la consultation
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AVANT-PROPOS Organisation internationale de la Francophonie
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’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) œuvre à la promotion et à la protection des droits de l’enfant dans l’espace francophone, en veillant au respect et à la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE). Elle soutient notamment, et depuis plusieurs années, la formation et le renforcement des capacités des professionnelles et des professionnels chargés de l’application effective de ce texte. C’est ainsi qu’elle accompagne le travail remarquable réalisé par le Bureau international des droits des enfants dans sa démarche globale de développement et d’utilisation d’une approche par compétences au sein des métiers et des services de protection de l’enfant. Après avoir identifié, entre 2009 et 2020, les compétences-clés des forces de sécurité, des professions du secteur social et de la justice et du personnel travaillant auprès des enfants privés de liberté, conformément aux pratiques et aux procédures décrites dans les normes internationales en matière de protection de l’enfant, l’OIF souhaitait s’associer à cette réflexion pour mieux intégrer
ces compétences aux orientations, aux directives, aux décisions, aux planifications ou encore aux programmes des professions et des services de protection de l’enfant. Le présent rapport répond à l’enjeu majeur de l’intégration des référentiels de compétences existants, tant au niveau technique et opérationnel que de la direction. La force de ce rapport est d’aller au-delà de la définition de compétences pour un secteur déterminé afin d’identifier des synergies, des outils et des pistes réalistes pour renforcer une approche adaptée à l’enfant, notamment dans sa notion de multisectorialité. L’OIF souhaite que ce rapport puisse précisément servir à celles et à ceux en charge de la protection de l’enfant dans le monde entier, pour consolider les dynamiques et les stratégies de renforcement des capacités de tous les professionnels, hommes ou femmes, intervenant auprès des enfants, y compris dans les dimensions fondamentales que sont la participation de l’enfant, le respect de son intérêt supérieur et la prise en compte de ses besoins spécifiques. L’OIF se félicite de cette nouvelle collaboration avec le Bureau international des droits des enfants, et encourage tous ses partenaires à fixer de nouvelles feuilles de route ou de nouveaux plans d’action pour intégrer concrètement l’approche par compétences dans les services et les métiers liés à la protection de l’enfant, en s’inspirant des propositions et des expériences présentées dans ce rapport.
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C’est une étape supplémentaire pour assurer la promotion et la protection des droits de l’enfant, ainsi que le respect des droits de l’Homme.
Antoine Michon Directeur des affaires politiques et de la gouvernance démocratique Organisation internationale de la Francophonie
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Bureau international des droits des enfants
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n matière de protection de l’enfant, un défi majeur et global persiste : comment rendre des comptes à celles et à ceux que l’on est censés protéger ?
Aux quatre coins du monde, ministères, directions et équipes cherchent à optimiser leurs façons de faire pour gagner en efficacité en respectant des contraintes (financières, politiques, etc.). Mais à force d’optimisation, il est facile de perdre de vue l’essentiel : quelle est la réalité des enfants qui entrent en contact avec les institutions ? L’expérience d’un enfant au contact des services judiciaires ou sociaux ou des forces de sécurité, est déterminante dans son développement. Ils doivent donc être pensés pour respecter ses droits et ses spécificités. Le temps passé au contact des institutions ne représente pourtant qu’une fraction de la vie d’un enfant, de son quotidien et de son histoire. Il est donc primordial de s’intéresser à sa réalité pour lui proposer un accompagnement adapté.
forces de défense et de sécurité (2011), le secteur social (2017), celui de la justice (2019) et le personnel œuvrant auprès des enfants privés de liberté (2020), fruit d’un travail collaboratif entre de nombreux acteurs des secteurs visés, à l’initiative de l’IBCR, et en partenariat avec l’Organisation internationale de la Francophonie. Cette collaboration se poursuit aujourd’hui encore, avec en ligne de mire l’intégration de l’approche par compétences au sein des professions et des services avec lesquels les enfants entrent en contact. Comment chaque organisation peut-elle faire évoluer ses pratiques et sa culture afin d’intégrer la redevabilité envers les enfants dans ses missions fondamentales ? Telle est la question qui a guidé notre réflexion cette année. Nos pistes de réponses sont présentées dans ce rapport, pensé pour tirer profit des leçons apprises et des expériences vécues.
Placer l’enfant au cœur des services censés le protéger est une nécessité. Pour que cette protection soit efficace, un savoir-faire spécifique et une révision en profondeur des façons de faire sont requis. Il faut, entre autres, évaluer et prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant, lui permettre de participer aux décisions qui le concernent sans lui faire prendre de risque, adapter son langage et les outils mobilisés à ses capacités, ou encore adopter une culture de travail dans laquelle l’enfant se sente protégé et en mesure de signaler une violence ou un abus sans compromettre son bien-être. Tout cela nécessite l’implication de personnes formées et de mécanismes appropriés ; ces compétences sont des aptitudes qui s’apprennent, se développent, et ne s’improvisent pas. Depuis plus de 10 ans, le Bureau international des droits des enfants œuvre pour le renforcement des services destinés aux enfants dans le monde entier. Cet engagement s’est notamment traduit par la définition de compétences-clés en matière de protection de l’enfant pour les
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Théophane Nikyèma Président du conseil d’administration Bureau international des droits des enfants
Guillaume Landry Directeur général Bureau international des droits des enfants
Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies chargée de la question de la violence contre les enfants
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es enfants de tous âges peuvent être amenés à entrer en contact avec les systèmes de protection, notamment lorsqu’ils sont à risque ou confrontés à la violence, en qualité de victimes, de témoins ou d’auteurs de délits. Dès lors, les personnes qui travaillent avec les enfants (membres du corps policier, de la gendarmerie, du personnel soignant ou du personnel éducatif, juges, procureures et procureurs, praticiennes et praticiens du domaine social, et le personnel travaillant auprès des enfants privés de liberté, etc.) doivent être sensibilisées, outillées, encadrées et formées en conséquence. Cela prend la forme d’un processus continu, qui consiste à construire des pratiques et des savoirs communs, et surtout à veiller à ce que ceux-ci soient réellement intégrés aux interventions, afin qu’elles soient respectueuses des droits de l’enfant.
La protection de l’enfant repose essentiellement sur la disponibilité, l’accessibilité, l’adaptabilité, l’acceptabilité et la qualité des services offerts aux enfants, répondant à leurs besoins dans le respect de leurs droits et de leur intérêt supérieur. Ce rapport aborde l’ensemble de ces questions capitales. À partir des exemples issus des feuilles de route présentées plus bas et des usages proposés des référentiels de compétences, en tenant compte des facteurs de changement mentionnés, j’encourage les États à investir dans la valorisation et la professionnalisation de leur personnel en contact avec les enfants.
En tant que Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies chargée de la question de la violence contre les enfants, je crois fermement à la nécessité de développer des cadres de référence, basés sur les bonnes pratiques et les bonnes expériences, qui permettent de mieux relever les défis liés à la mise en place de systèmes intégrés de protection de l’enfant, adaptés à son âge et à ses besoins, centrés sur l’enfant, et dans lesquels il est considéré comme sujet de droit à part entière. Les référentiels de compétences-clés définis grâce au travail du Bureau international des droits des enfants sont une contribution de qualité au développement de ces cadres de référence, et le présent rapport franchit une étape supplémentaire en proposant des pistes concrètes pour que les gestionnaires et les responsables des services de protection puissent prendre des mesures pour rendre effectif l’exercice des droits de l’enfant, dans le monde entier, et en toutes circonstances.
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Najat Maalla M’jid Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies chargée de la question de la violence contre les enfants
01 LE CONTEXTE DE L’APPROCHE PAR COMPÉTENCES
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DÉFINITION DE RÉFÉRENTIELS DE COMPÉTENCES POUR QUATRE SECTEURS DE LA PROTECTION DE L’ENFANT Depuis 2009, le Bureau international des droits des enfants a mené plusieurs processus consultatifs avec l’appui de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et de centaines d’expertes et d’experts du monde entier, qui ont permis d’élaborer quatre référentiels internationaux en matière de compétences nécessaires à la protection de l’enfant. En 2011, ces consultations ont permis la définition des compétences-clés des forces de sécurité, pour leur permettre d’adapter leurs pratiques aux droits de l’enfant. En 2016, les réflexions se sont centrées autour des rôles et des responsabilités des professions du secteur social, dans le cadre de leurs interactions avec des enfants. Puis, en 2018, le Bureau a poursuivi avec l’identification des compétences-clés du personnel de la justice, et enfin, en 2020, celles du personnel œuvrant auprès des enfants privés de liberté. Chacune de ces consultations a donné lieu à la publication d’un rapport permettant la diffusion du référentiel déterminé. Ces quatre référentiels ont une portée mondiale, et se veulent suffisamment inclusifs pour que divers ministères, agences, organisations et institutions puissent les utiliser pour guider leurs efforts de formation des personnels
visés. Ils s’inscrivent dans une démarche de renforcement des compétences des praticiennes et des praticiens qui entrent chaque jour en contact avec des enfants, et permettent de traduire les nombreux principes, lois et normes en vigueur en protection de l’enfant en compétences concrètes. Leur impact est déjà visible dans tous les pays dans lesquels ils sont utilisés, de l’Angola au Bénin en passant par Madagascar, le Honduras, la Jordanie, l’Afghanistan, le Canada, le Burkina Faso, la République démocratique du Congo ou encore la Tunisie. Sur la base de ces référentiels, et de l’approche par compétences sur laquelle ils reposent, le Bureau a formé plus de 60 000 praticiennes et praticiens techniques et membres des instances décisionnelles. Un renforcement qui a permis de générer des changements dans les pratiques et les interactions entre les professions visées et les enfants avec lesquels elles sont en contact. Des partenaires de la première heure comme l’UNICEF, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, Save the Children, Terre des Hommes, le Comité des droits de l’enfant, Défense des enfants international ou encore le Département des opérations de paix des Nations Unies, s’appuient désormais sur ces référentiels dans leurs propres exercices de renforcement des capacités.
« Tout personnel en contact avec un enfant doit le considérer en tant que sujet de droit à part entière, dont tous les droits doivent être garantis en tout temps, quelles que soient les circonstances. Cette idée est au cœur des référentiels sur les compétences-clés des acteurs du système de protection de l’enfant. » - François Crépeau, Professeur en droit international public à l’Université McGill, Canada (2020)
INTÉGRER L’APPROCHE PAR COMPÉTENCES AU NIVEAU DÉCISIONNEL Fort de ces résultats significatifs, le Bureau a souhaité franchir une autre étape en 2021 en transposant les quatre référentiels existants en feuilles de route pratiques ciblant les décideuses et les décideurs, les gestionnaires, les directions, ou encore les responsables de services, afin que ces derniers mesurent l’importance d’intégrer une approche par compétences dans leurs orientations et leurs directives et amorcent concrètement des changements significatifs et durables au sein de leurs équipes.
Dans toutes ses interventions, l’IBCR promeut une approche globale du renforcement du système de protection de l’enfant, qui repose sur l’idée que la somme des interventions de chaque acteur – agente de police, travailleur social, magistrate, personnel pénitentiaire, etc. – dépasse les résultats accomplis de façon indépendante dans chaque secteur. Il ne suffit donc pas de renforcer les compétences, de revoir le cadre de travail ou les
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procédures d’un corps professionnel de façon isolée par rapport à un autre. Pour que les enfants puissent vraiment accéder à des services de qualité, adaptés à leurs droits et à leur expérience, c’est tout le système qu’il faut repenser. En ce sens, les décideuses et les décideurs, les gestionnaires, les directions et les autorités sont la pierre angulaire de cette transformation profonde. Le renforcement
des compétences en matière de droits de l’enfant des services dits « de première ligne », soit les services directement en contact avec les enfants, passe par l’appropriation d’une vision forte et structurante des instances responsables de la promotion de l’approche par compétences. Il importe donc de cerner plus précisément comment les décisions, le suivi, la planification, et la façon d’aborder et d’impulser cette approche impactent l’effet escompté.
› Une concertation internationale Dans cette optique, le Bureau a mobilisé près de 40 spécialistes de la protection de l’enfant en octobre 2021 afin de mener une réflexion, de partager des expériences et de proposer des pistes d’actions concrètes sur l’intégration de l’approche par compétences et au sein des métiers et des services dédiés aux enfants et de traduire les référentiels existants en feuilles de route pratiques. Cette mobilisation a pris la forme1 d’un atelier en ligne réunissant des membres d’organisations nationales et d’institutions internationales de protection de l’enfant de 11 pays, permettant de réfléchir à la manière dont les partenaires techniques et les bailleurs de fonds peuvent promouvoir l’intégration de l’approche par compétences dans les projets et les programmes développés, mis en œuvre, financés ou soutenus. En complément des consultations en ligne, un atelier présentiel a également été organisé à Ouagadougou (Burkina Faso), et rassemblé des professionnelles et
des professionnels décisionnaires, gestionnaires, ou encore cheffes et chefs de service dans l’un des secteurs concernés par les référentiels, venus de 8 pays d’Afrique francophone (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, République démocratique du Congo, Sénégal, Togo et Tunisie). Cet atelier a permis d’élaborer des recommandations pour favoriser l’intégration de l’approche par compétences dans les équipes et les programmes des services de protection de l’enfant des pays concernés. Les échanges ont permis d’aborder divers sujets au regard des référentiels de compétences existants – tels que l’organisation du travail, la formation, la nécessité de créer des modes collaboratifs de travail, la multisectorialité, la reddition de compte, ou encore les mesures de protection de l’enfant – et de préparer une planification réaliste des changements escomptés. Ces différents éléments sont présentés dans le présent document.
« Comment un[e] policier[ère] peut-il mieux interagir et communiquer avec l’enfant et les acteurs de son milieu familial et communautaire ? Comment un[e] travailleur[se] social[e] peut-il adapter son intervention aux besoins et à la situation de l’enfant ? Comment procureur[e]s et juges peuvent-ils adapter leurs procédures relatives à l’enfant selon ses besoins, son niveau de développement et sa situation ? Et comment le personnel travaillant auprès d’enfants privés de liberté peut-il mieux protéger et sécuriser ceux-ci afin de prévenir les risques de préjudices ? Ce sont autant de questions que l’approche par compétences permet de traiter et d’intégrer au cœur des pratiques des acteurs de la protection de l’enfant ». - Joanne Doucet, Experte en renforcement des systèmes de protection de l’enfant et membre du conseil d’administration du Bureau international des droits des enfants (2021)
1.
Voir p.62 pour consulter la liste des expertes et des experts qui ont pris part à cette mobilisation.
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02 L’APPROCHE PAR COMPÉTENCES
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LA NOTION DE COMPÉTENCE-CLÉ2 Le terme « compétence » englobe l’ensemble des connaissances, des expériences, des aptitudes et des comportements requis pour avoir un rendement efficace dans un emploi, un rôle ou une situation. Les compétences représentent un ensemble de caractéristiques, d’attitudes, de capacités ou de comportements qu’une personne possède ou peut acquérir. Le terme « compétence » regroupe en effet trois types de savoirs : » Le savoir, qui correspond aux connaissances, à une notion que l’on peut apprendre. Cela signifie CONNAÎTRE une loi, une disposition juridique, une procédure, un concept, un mécanisme, un partenaire, un principe, une structure ou encore une obligation. Connaître quelque chose permet d’être plus habile. C’est le point de départ de la capacité d’agir de toute professionnelle et professionnel. Parmi les savoirs que doivent posséder les personnes œuvrant dans le domaine de la protection de l’enfant, on retrouve la connaissance des différentes phases du développement de l’enfant, des dispositions relatives à la justice pour enfants dans une convention internationale particulière, ou encore la définition des concepts d’intérêt supérieur ou de participation de l’enfant. » Le savoir-faire (ou compétence technique) est la capacité d’agir sur la base de ses connaissances et de les appliquer de manière concrète (synonyme
SAVOIR
d’habileté). Cela signifie savoir COMMENT appliquer concrètement une loi, une disposition juridique, une procédure, un concept, un mécanisme, un partenariat, un principe ou encore une obligation. Savoir faire quelque chose relève de la capacité à exécuter, à maîtriser une pratique au quotidien. Pour développer un savoir-faire, la formation ne doit pas se limiter à la théorie et doit préparer aux problèmes spécifiques de la pratique sur le terrain. Parmi les savoir-faire que doivent maîtriser les personnes œuvrant dans le domaine de la protection de l’enfant, on peut citer la capacité à mener un entretien avec un enfant, à impliquer adéquatement la famille dans le suivi du dossier d’un enfant ou à référer un cas spécifique à une ou un autre professionnel lorsque nécessaire. » Le savoir-être correspond à l’ensemble des qualités, des ATTITUDES et des comportements qui peuvent être innés ou s’acquérir en suivant une formation ou encore avec l’expérience. Cela signifie adopter une posture, une attitude qui facilite l’application d’une loi, d’une disposition juridique, d’une procédure, d’un concept, d’un mécanisme, d’un partenariat, d’un principe ou encore d’une obligation. Adopter un savoir-être précis relève de la capacité d’une personne à adapter son approche, son langage verbal et non verbal et la façon avec laquelle ses compétences sont appliquées. L’empathie, l’écoute ou encore le respect constituent des exemples de savoir-être.
SAVOIR-FAIRE
SAVOIR-ÊTRE
COMPÉTENCE
2. Les définitions ci-après sont proposées dans le but de faciliter la compréhension de ce rapport, mais ne représentent pas forcément des acceptions conventionnelles. Certaines sources sont utiles, comme le Dictionnaire Larousse, www.icem-pedagogie-freinet.org, ou encore la construction des compétences, www.pedagogie.ac-nantes.fr (2012).
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L’identification de compétences-clés dans un secteur consiste à dresser une liste de compétences professionnelles devant être acquises afin de pouvoir accomplir des tâches de la façon la plus satisfaisante qui soit, selon une analyse rigoureuse de la situation de travail. Une attention particulière doit être portée à la formulation, afin que le langage soit adapté, mais aussi que la compétence et
sa description couvrent les trois types de savoirs selon une grille cohérente. C’est la combinaison de ces compétences qui permet d’obtenir un ensemble cohérent et complet pour qu’une professionnelle ou un professionnel puisse véritablement jouer son rôle, notamment dans l’adaptation de ses pratiques aux droits de l’enfant.
POURQUOI DÉFINIR DES COMPÉTENCES-CLÉS ?
« La protection et la prise en charge des enfants reposent essentiellement sur la qualité et la disponibilité de services répondant à leurs besoins dans le respect de leurs droits et de leur intérêt supérieur. Pour ce faire, les praticiens[ne]s intervenant[e]s auprès des enfants doivent être adéquatement formé[e]s et outillé[e]s pour savoir interagir avec les enfants, adapter et coordonner leurs interventions aux besoins, aux profils et aux situations des enfants dont ils assurent la prise en charge. Investir dans le savoir-agir, le savoir-interagir et le savoir-réagir face aux divers parcours et profils des enfants, dans le respect de leurs droits et de leur intérêt supérieur, est capital pour renforcer les systèmes de protection de l’enfant.» - Najat Maalla M’jid, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies chargée de la question de la violence contre les enfants (2020)
L’établissement d’un référentiel de compétences-clés peut s’avérer très utile et permettre, par exemple, aux instances chargées de l’embauche de mieux définir les descriptifs de poste, d’évaluer les qualités que doivent posséder les candidates et les candidats, ou encore de permettre aux superviseures et aux superviseurs d’accompagner leur personnel dans le renforcement de ses capacités, pour optimiser ses performances. Des compétences-clés claires permettent en effet de définir et d’alimenter des programmes d’enseignement adéquats, et de mesurer l’impact des formations dans l’accompagnement des enfants et dans leur parcours au contact du système de protection. Elles instaurent également une norme dans la prestation de services, pour mieux protéger le public, évaluer les services, réformer les façons de faire et, ici, replacer l’expérience et l’intérêt supérieur de l’enfant au cœur de l’organisation du travail et des services. L’adoption d’un référentiel de compétences-clés permet à un corps
professionnel de structurer et de normaliser son intervention auprès de l’enfant, notamment pour assurer sa participation. Enfin, l’approche par compétences permet de renforcer efficacement les capacités des professionnelles et des professionnels en matière de droits de l’enfant. Bien que le canevas de compétences varie d’un corps de métier à l’autre, il existe un socle commun que l’on retrouve pour toutes les professions du système de protection de l’enfant. En matière de respect et d’application des droits de l’enfant, tous les métiers impliqués ont un rôle essentiel à jouer dans le parcours de l’enfant. Tous ont le même objectif final, quel que soit le domaine d’intervention : préserver l’intérêt supérieur de l’enfant. Il est donc important que les personnes qui interviennent auprès d’un enfant agissent selon une méthodologie établie afin de prendre en compte ses besoins spécifiques et de veiller au respect de ses droits à tous les niveaux dans leurs interventions.
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03 AUX ORIGINES DE L’APPROCHE PAR COMPÉTENCES
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Les systèmes de protection de l’enfant Communauté internationale, avec les normes internationales, les actrices et acteurs humanitaires et de développement international, les organes de surveillance des Nations Unies sur les droits de la personne, les organisations régionales et internationales, etc. Institutions nationales, comme les ministères de la Santé, de l’Éducation, de l’Intérieur, des Affaires sociales, les coalitions d’ONG, les comités thématiques de lutte contre diverses formes d’exploitation, les médias, les syndicats, les ordres professionnels, la loi, le parlement et le cabinet du chef de l’État, etc. Communauté, allant des brigadiers scolaires aux commerçants, en passant par les membres du corps policier ou du corps enseignant, le personnel des services sociaux, les procureurs, le voisinage, les chauffeurs d’autobus, les infirmières et les infirmiers, les acteurs communautaires ou les leaders religieux. Familles Enfants
Pairs, frères et sœurs
Quel que soit l’endroit où l’on se trouve dans le monde, chaque enfant évolue au sein d’un système de protection, composé de filles et de garçons, de femmes et d’hommes ayant des rôles et des responsabilités au sein d’un environnement protecteur. En tant que défenseurs de leurs propres droits, les enfants sont au cœur même de ce système, dans lequel interviennent la famille, la communauté, l’État et la communauté internationale, de façon formelle et informelle. Toute démarche de renforcement des systèmes de protection de l’enfant doit prendre en compte ces différentes sphères d’intervenantes et d’intervenants et les outiller pour que chaque acteur – le commerçant, les grands-parents, la sœur ou le frère, le législateur, l’enseignante, le voisin, le policier, l’avocate, le chef traditionnel ou religieux ou encore la journaliste – joue pleinement son rôle de promotion et de protection des droits de l’enfant.
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our accompagner l’enfant dans le respect de ses droits et de son intérêt supérieur, il est nécessaire que les professionnelles et les professionnels de la protection de l’enfant soient adéquatement formés et possèdent les capacités et les connaissances pertinentes
en matière de respect des droits de l’enfant. Dans cette optique, le Bureau a conduit depuis 2009 un travail de réflexion sur les compétences que devraient maîtriser les acteurs de quatre secteurs-clés de la protection de l’enfant pour adapter leurs pratiques aux droits de ce dernier.
Les cinq documents présentés ci-après sont disponibles en ligne sur le site internet de l’IBCR en français, en anglais et en espagnol3 : www.ibcr.org/publications.
3. Le guide dédié aux forces de sécurité n’est disponible qu’en français et anglais.
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LES FORCES DE SÉCURITÉ En novembre 2009, à l’occasion du 20e anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant, des membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), de Francopol, de l’IBCR ainsi que d’une dizaine d’écoles de police et de gendarmerie d’Afrique francophone se sont réunis à Ouagadougou, au Burkina Faso. Cette rencontre avait pour but de sensibiliser les personnes participantes aux droits de l’enfant en général, notamment à l’application du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la pratique policière. Ce colloque a permis de comprendre que, si les forces policières semblaient, dans
l’ensemble, maîtriser le vocabulaire et la terminologie associés aux droits de l’enfant, elles présentaient certaines lacunes quant à la compréhension de leur signification, de leur application et à leur adhésion aux principes qui en découlent. Des lacunes en partie dûes au manque de formations sur les droits de l’enfant disponibles, les seules formations offertes étant ponctuelles, courtes et non évaluées et sans effet apparent quant à l’intégration des droits de l’enfant dans le travail des corps de police et de gendarmerie.
› Les ateliers régionaux et les rencontres de spécialistes Forts de ces observations, les trois organisations ont poursuivi le processus avec la tenue, en 2010 à Cotonou au Bénin, d’un atelier régional rassemblant des décisionnaires et des personnes formatrices d’une douzaine de pays dans le but d’analyser les cadres de formation des forces de sécurité en matière de droits de l’enfant. Cette analyse a permis de développer un référentiel de compétences-clés applicables aux forces de sécurité, validé en 2011 par des spécialistes du secteur (psychologues, membre de services de sécurité, représentantes et représentants des Nations Unies, de la société civile et des autorités publiques) et adopté la même année par une soixantaine de directions d’écoles de police et de gendarmerie.
Le référentiel établi a ensuite été présenté sous forme de rapport détaillé, mis à la disposition de toutes et tous afin de faciliter l’intégration de l’approche par compétences en matière de droits de l’enfant dans les cadres de formation des forces de sécurité des pays intéressés. Depuis, il a permis d’appuyer le travail du Bureau et celui de nombreuses autres organisations internationales spécialisées dans la promotion des droits de l’enfant au sein des systèmes de justice et de protection de l’enfant. Cette réflexion autour des compétences-clés des forces de sécurité a été la première étape d’une série de consultations similaires dans différents domaines de la protection de l’enfant, et de l’intégration de l’approche par compétences comme clé de voute des interventions du Bureau international des droits des enfants.
LES COMPÉTENCES-CLÉS DES FORCES DE SÉCURITÉ
1|
Connaissance, promotion et mise en pratique des droits de l’enfant
2 | Connaissance et mise en pratique des règles d’éthique et de la déontologie
3 | Connaissance de l’enfant 4 | Interactions et communication avec l’enfant et les acteurs de son milieu familial et communautaire
5 | Collaboration avec tous les intervenants formels et informels pour une bonne coordination de l’intervention
6 | Utilisation efficace des outils de travail adaptés aux enfants
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LES PROFESSIONS DU SECTEUR SOCIAL Entre 2014 et 2016, le Bureau s’est associé à l’UNICEF, Terre des Hommes et Service social international pour entreprendre une démarche similaire à celle menée avec les forces de sécurité, mais portant cette fois sur le secteur social. Un premier atelier d’échanges a été organisé au Sénégal en 2014 pour permettre aux diverses agences participantes de faire part de leurs approches et de leur compréhension des enjeux relatifs à ce champ professionnel. Des études de cas ont ensuite été réalisées dans divers pays pour mieux cerner le cadre de formation et les compétences des travailleuses et des travailleurs sociaux.
LES COMPÉTENCES-CLÉS DU SECTEUR SOCIAL
1|
Promouvoir et appliquer les droits de l’enfant
2 | Intervenir avec éthique et dans le
respect des règles déontologiques
3 | Interagir et communiquer
En 2016, un atelier régional organisé à Cotonou au Bénin, réunissant des représentantes et des représentants d’une dizaine de pays et des quatre organisations à l’origine du processus, a permis de valider une série de compétences-clés propres aux professions du secteur social dans leurs interventions auprès d’enfants. Depuis, le Bureau a pu étoffer ce cadre de référence et le détailler en termes de savoir, de savoir-faire et de savoir-être, et le diffuser dans une dizaine de pays dans lesquels des réformes institutionnelles sont en cours pour consolider la professionnalisation des praticiennes et des praticiens du secteur social.
efficacement avec l’enfant
4 | Pouvoir adapter l’intervention aux
besoins et à la situation de l’enfant
5 | Collaborer avec les autres acteurs et coordonner les interventions
6 | Utiliser adéquatement les
instruments de travail propres au travail social
7 | Communiquer et travailler avec les familles, les groupes et les communautés
LE PERSONNEL DE LA JUSTICE L’expérience du Bureau en matière de renforcement de la formation du personnel de justice dans plusieurs pays a permis de révéler l’absence d’un consensus clair sur les connaissances et les compétences devant être développées. C’est dans ce contexte qu’un exercice de réflexion a été mené dès 2016. Divers ateliers ont été organisés dans trois pays ayant entamé une révision de la formation du personnel judiciaire en matière de droits de l’enfant, à savoir le Burkina Faso, le Costa Rica et la République démocratique du Congo. Ce travail préliminaire a mobilisé des juges, des procureures et des procureurs ainsi que d’autres intervenantes et intervenants des systèmes de
justice pour enfants de ces pays pour éclairer cette réflexion avec leurs besoins et leurs expériences. Ainsi, une première liste de compétences-clés a pu émerger. En 2018, des professionnelles et professionnels de la justice et de la protection de l’enfant ont été conviés à prendre part à un atelier à Ouagadougou au Burkina Faso, visant à améliorer et valider le travail préliminaire du Bureau sur l’identification des compétences-clés, pour ensuite les décliner en termes de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être. La diversité des nationalités (19 pays représentés), des formations professionnelles
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(droit, sécurité, travail social, psychologie et santé) et des structures présentes (société civile, gouvernement et organisations internationales) a favorisé la multiplicité des points de vue et permis de veiller à la complémentarité
des apports. Ces diverses rencontres ont permis la création d’un rapport détaillé sur les compétences-clés des procureures et des procureurs et des juges en matière de droits de l’enfant, publié en 2018.
« Les magistrat[e]s sont les chefs d’orchestre qui chapeautent toutes les procédures judiciaires concernant les enfants. Développer leurs compétences, cerner les meilleures pratiques professionnelles qu’ils peuvent incarner, faire appel à leur engagement et à leurs responsabilités personnelles sont des ingrédients essentiels à une justice adaptée aux enfants ». - Philip Jaffé, Directeur du centre interfacultaire en droits de l’enfant, Université de Genève, et membre du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies (2018)
LES COMPÉTENCES-CLÉS DU SECTEUR DE LA JUSTICE
1|
Interagir et communiquer de manière adéquate avec l’enfant
2 | Adapter les procédures relatives à l’enfant selon ses besoins, son niveau de développement et son contexte
3 | Interpréter les règles de droit en recourant à la jurisprudence et
aux instruments juridiques nationaux, régionaux et internationaux relatifs à l’enfant
4 | Agir pour la promotion et la protection effective des droits de l’enfant
5 | Optimiser la collaboration avec les acteurs formels et informels des systèmes de protection pour enfants
6 | Intervenir avec éthique et respecter la déontologie judiciaire appliquée à l’enfant
LE PERSONNEL TRAVAILLANT AUPRÈS DES ENFANTS PRIVÉS DE LIBERTÉ Fort des expériences menées auprès des forces de sécurité, de la justice et du travail social, l’IBCR a amorcé, en 2020, un quatrième volet de son travail de réflexion sur la détermination de compétences-clés, en s’intéressant cette fois au rôle du personnel œuvrant auprès des enfants privés de liberté. 70 personnes travaillant dans ce secteur et dans le domaine de la protection de l’enfant ont été conviées à prendre part à un processus consultatif
afin de déterminer les compétences-clés nécessaires à l’encadrement de leur pratique. Suivant un format hybride inédit, les échanges ont pris la forme d’une série de consultation en ligne réunissant des expertes et des experts d’une trentaine de pays et d’un atelier présentiel à Ouagadougou, au Burkina Faso rassemblant des spécialistes du terrain provenant de huit pays d’Afrique francophone (Burkina Faso, Sénégal, Mali, Niger, Togo, Bénin,
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Côte d’Ivoire et Tchad). Durant cette semaine de consultation, les échanges ont permis de cerner les circonstances dans lesquelles les enfants peuvent être privés de liberté, les lieux dans lesquels s’exerce cette privation, les personnes travaillant auprès d’eux, leurs rôles et leurs responsabilités, ainsi que les facteurs à prendre en considération dans le contexte de la privation de liberté des enfants. Les discussions ont donné lieu à l’identification de huit compétences-clés permettant d’adapter la pratique du personnel travaillant auprès des enfants privés de liberté aux droits de ces derniers. Un rapport détaillant ces compétences et leur déclinaison en termes de savoir, de savoir-faire et de savoir-être, a ensuite été publié.
LES COMPÉTENCES-CLÉS DU PERSONNEL TRAVAILLANT AUPRÈS DES ENFANTS PRIVÉS DE LIBERTÉ
1|
Connaître et appliquer les textes nationaux et internationaux relatifs à la privation de liberté chez les enfants
2 | Savoir individualiser l’intervention selon les
droits et la trajectoire de chaque enfant privé de libertés
3 | Créer un environnement qui favorise une
communication et des interactions efficaces avec l’enfant
4 | Protéger et sécuriser l’enfant privé de liberté et prévenir les risques de préjudices
5 | Adapter à l’enfant privé de liberté les outils, les
procédures et les systèmes propres à la privation de liberté
6 | Favoriser et faciliter la réinsertion, la
réintégration et la réhabilitation de l’enfant dans chaque intervention
7 | Collaborer avec tous les acteurs formels et informels, institutionnels, familiaux et communautaires afin de coordonner efficacement les interventions
8 | Connaître et respecter l’éthique et les règles de déontologie relatives au personnel en contact avec un enfant privé de liberté
« Pour moi, en tant que représentante d’une ONG sud-américaine qui travaille sur la formation des acteurs du système de protection de l’enfant, ces processus ont été une opportunité unique d’échange et de partage avec des acteurs des systèmes en Amérique, mais aussi en Afrique. Ils ont permis de reconnaître les similitudes dans les efforts que nous faisons toutes et tous, et aussi les difficultés communes. La méthodologie utilisée pour la construction des référentiels de compétences est un exercice nécessaire pour aboutir à un consensus pour un modèle susceptible d’être utilisé dans d’autres contextes. » - Andréa Querol, Présidente de CHS Alternativo, Pérou (2020)
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QUATRE SECTEURS, QUATRE PILIERS DE LA PROTECTION DE L’ENFANT Bien que les compétences-clés varient d’un secteur à l’autre, tous les métiers du système de protection de l’enfant ont un rôle à jouer dans le parcours de ce dernier, et tous ont le même objectif final, quel que soit le domaine d’intervention : préserver l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Bureau a ainsi conçu un guide regroupant les compétences-clés des quatre secteurs ciblés, permettant de prendre conscience de la similarité des connaissances, des habiletés et des attitudes nécessaires à la protection de l’enfant, et appuyant l’importance d’une collaboration multisectorielle.
Fruit d’un travail collectif, les grilles de compétences présentées ci-avant4 se veulent complètes, universelles, et applicables à toutes et à tous, mais peuvent et doivent être adaptées au contexte et à la réalité de chaque pays. Dans beaucoup de pays, l’une des principales difficultés n’est pas l’absence de textes juridiques, mais plutôt l’absence d’un cadre spécifique expliquant comment appliquer ces textes de manière concrète. Les lois étant souvent écrites de manière très générale, l’application des
mêmes dispositions peut varier selon l’interprétation de chaque personne. Les référentiels créés à l’initiative du Bureau permettent de poser un cadre clair professionnaliser les interventions, adapter les pratiques et respecter les droits de l’enfant au quotidien dans les quatre secteurs visés. Il ne s’agit pas d’un « idéal », mais d’une synthèse des compétences-clés permettant aux personnes travaillant auprès des enfants de jouer pleinement leur rôle et de remplir leurs fonctions de manière adéquate.
4. Le détail de chaque compétence en matière de savoir, savoir-faire et savoir-être est disponible dans chaque rapport sectoriel et dans le rapport regroupant les quatre référentiels de compétences (en ligne sur le site de l’IBCR www.ibcr.org/publications en français, en anglais et en espagnol).
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› Historique des ateliers consultatifs menés par l’IBCR
2009
5e ATELIER DE RÉFLEXION SUR L’INTÉGRATION DES COMPÉTENCES-CLÉS ADAPTÉES AUX DROITS DE L’ENFANT DANS LA FORMATION ET LA PRATIQUE DES POLICIERS ET GENDARMES EN AFRIQUE
FORMATION ET PRATIQUES POLICIÈRES EN MATIÈRE DE DROITS DE L’ENFANT – Ouagadougou, Burkina Faso
2010
– Abidjan, Côte d’Ivoire
RÉUNION DE TRAVAIL SUR LA FORMATION POLICIÈRE EN AFRIQUE DE L’OUEST ET DU CENTRE À L’APPLICATION DES NORMES INTERNATIONALES EN MATIÈRE DE JUSTICE JUVÉNILE
2014
– Cotonou, Bénin
2011
ATELIER RÉGIONAL SUR LES COMPÉTENCES-CLÉS ET LE RENFORCEMENT DES PRATICIENNES ET DES PRATICIENS DU DOMAINE SOCIAL POUR LA PROTECTION DE L’ENFANCE – Dakar, Sénégal
ATELIER D’EXPERTS SUR LA FORMATION DES AGENTS DES FORCES DE SÉCURITÉ AUX DROITS DE L’ENFANT EN AFRIQUE FRANCOPHONE
2016
– Dakar, Sénégal
ATELIER DE RÉFLEXION RÉGIONAL SUR LES COMPÉTENCES-CLÉS ET LE RENFORCEMENT DES RESSOURCES HUMAINES POUR LA PROTECTION DE L’ENFANCE EN AFRIQUE DE L’OUEST ET DU CENTRE – Cotonou, Bénin
ATELIER RÉGIONAL DE VALIDATION DES RESPONSABLES DE FORMATION DES FORCES DE SÉCURITÉ
2018
– Niamey, Niger
2012
– Ouagadougou, Burkina Faso
4e ATELIER DE RÉFLEXION SUR L’INTÉGRATION DES COMPÉTENCES-CLÉS ADAPTÉES AUX DROITS DE L’ENFANT DANS LA FORMATION ET LA PRATIQUE DES POLICIERS ET GENDARMES EN AFRIQUE, AU MOYEN-ORIENT ET EN HAÏTI
2020
PROCESSUS CONSULTATIF SUR LES COMPÉTENCES-CLÉS DU PERSONNEL TRAVAILLANT AUPRÈS DES ENFANTS PRIVÉS DE LIBERTÉ – Atelier régional à Ouagadougou, Burkina Faso - Consultation internationale en trois langues (français, anglais, espagnol), en ligne
– Lomé, Togo
2013
ATELIER D’EXPERTS SUR LES COMPÉTENCES-CLÉS DU PERSONNEL DE JUSTICE
INITIATIVE RÉGIONALE DE SOUTIEN À LA JUSTICE POUR MINEURS AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD, PARTICULIÈREMENT AUX UNITÉS DE POLICE SPÉCIALISÉES POUR LA PROTECTION DE LA FAMILLE ET DE L’ENFANT
2021
– Amman, Jordanie
PROCESSUS CONSULTATIF SUR L’INTÉGRATION DE L’APPROCHE PAR COMPÉTENCES AU CŒUR DES ORIENTATIONS, DES DIRECTIVES, DES DÉCISIONS, DES PLANIFICATIONS ET DES PROGRAMMES DES PROFESSIONS ET DES SERVICES DE PROTECTION DE L’ENFANT – Atelier régional à Ouagadougou, Burkina Faso - Consultation internationale en ligne
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› Pays impliqués (délégations) dans l’élaboration des compétences-clés
CANADA
SUÈDE
ÉCOSSE BELGIQUE ALLEMAGNE LUXEMBOURG FRANCE
AUTRICHE
SUISSE
SERBIE
ÉTATS-UNIS ESPAGNE
ITALIE
TERRITOIRES LIBAN PALESTINIENS OCCUPÉS
TUNISIE
MAROC
IRAK
JORDANIE LIBYE
BAHREÏN ÉGYPTE ÉMIRATS ARABES UNIS
MAURITANIE HONDURAS
HAÏTI GAMBIE
GUATEMALA
MALI
NIGER
GUINÉE-BISSAU
GUINÉE
SIERRA LEONE
YÉMEN
TCHAD
SÉNÉGAL
SOUDAN
BURKINA FASO TOGO CÔTE BÉNIN D’IVOIRE GHANA
NIGÉRIA
ÉTHIOPIE
RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE CAMEROUN
COLOMBIE
GABON CONGO
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
KENYA RWANDA BURUNDI TANZANIE
PÉROU
COMORES ANGOLA ZAMBIE
MALAWI MADAGASCAR
NAMIBIE CHILI SWAZILAND
AFRIQUE DU SUD URUGUAY ARGENTINE
Afrique du Sud, Allemagne, Angola, Argentine, Autriche, Bahreïn, Belgique, Bénin, Burundi, Burkina Faso, Cameroun, Canada, Chili, Colombie, Comores, Côte d’Ivoire, Écosse, Égypte, Émirats Arabes Unis, Espagne, États-Unis, Éthiopie, France, Gabon, Ghana, Gambie, Guatemala, Guinée, Haïti, Honduras, Irak, Italie, Jordanie, Kenya, Liban, Libye, Luxembourg, Madagascar, Malawi, Mali, Maroc, Mauritanie, Namibie, Niger, Nigeria, Pérou, République centrafricaine, République démocratique du Congo, République du Congo, Rwanda, Sénégal, Serbie, Sierra Leone, Soudan, Suède, Suisse, Swaziland, Tanzanie, Tchad, Territoires Palestiniens occupés, Togo, Tunisie, Uruguay, Yémen, Zambie - 22 -
04 L’INTÉGRATION D’UNE APPROCHE PAR COMPÉTENCES DANS LES MÉTIERS ET LES SERVICES DE PROTECTION DE L’ENFANT
L
• De développer des procédures • D’établir des normes de services • De mettre en place des mécanismes de surveillance et de plainte • Etc.
’approche par compétences peut être intégrée de multiples façons dans les métiers et les services impliquant un contact avec les enfants.
Elle permet, entre autres : • De mieux définir les termes de référence et les spécifications qui encadrent le travail quotidien de chaque catégorie professionnelle • D’élaborer des descriptions de poste • De mieux cibler les stratégies de recrutement • D’évaluer les compétences lors du processus d’embauche • De concevoir des plans de renforcement des capacités du personnel • De développer des plans, des stratégies et des outils de formation initiale, continue et spécialisée adaptés • De mesurer les résultats de chaque formation • De mesurer la qualité et les effets des interventions auprès des enfants
Cette section propose une description de quatre utilisations concrètes de l’approche par compétences et des référentiels associés, ainsi qu’une réflexion sur les facteurs de changements à prendre en compte pour perfectionner des plans d’action existants. Elle présente donc une feuille de route complète, pensée pour permettre aux structures de protection de l’enfant de repenser leurs pratiques et leurs cultures de travail afin d’intégrer la redevabilité envers les enfants dans leurs missions fondamentales et d’aller plus loin dans la professionnalisation des services directement en contact avec les enfants.
LES DIFFÉRENTS USAGES DES COMPÉTENCES-CLÉS L’usage des référentiels de compétences-clés dans les domaines de la justice, des forces de sécurité, du travail social et de la privation de liberté des enfants, doit permettre d’améliorer les pratiques des professions et des services liés, en faveur des enfants. Plusieurs leviers d’actions ont ainsi été identifiés, qui peuvent être actionnés de façon complémentaire ou isolée, dans l’objectif de rendre le système de protection de l’enfant :
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• Plus disponible, notamment en développant des modes de saisine connus et adaptés aux différents services • Plus accessible pour tous les enfants, sans discrimination et indépendamment de leur situation physique, de leurs ressources économiques, de leur langue ou de toute autre considération personnelle ou sociale • Mieux adapté aux droits et aux réalités spécifiques des enfants, notamment ceux en situation de vulnérabilité • Plus respectueux des enfants, et leur permettant de se sentir en sécurité, d’être traités avec dignité et de faire entendre leur voix auprès de professionnelles et de professionnels formés • Plus responsable, notamment en offrant des recours aux enfants en cas de violations ou de non-respect de leurs droits Pour arriver à cet ensemble, quatre usages des compétences-clés ont été identifiés (liste non exhaustive) : les descriptions et l’organisation des services, la formation du personnel, son évaluation et l’établissement de normes de services. - 24 -
// Les descriptions de poste et l’organisation des services // Le bon fonctionnement d’un service de protection de l’enfant passe tout d’abord par sa conception, aussi bien dans son organisation interne, dans la création des profils de poste, que dans le recrutement du personnel. Les référentiels de compétences peuvent permettre de guider les décideuses et les décideurs sur ces trois aspects.
Il est nécessaire de définir qui fait quoi, ainsi que les standards à établir au sein du système et de ses différentes unités. Dans l’organisation des services, la disponibilité d’un service ou d’un département spécifique doit être connue pour y référer les enfants concernés. Un enjeu d’apparence simpliste, pourtant primordial. Enfin, s’appuyer sur les procédures et les façons de faire existantes plutôt que créer quelque chose de toutes pièces est à privilégier, afin de faire des économies d’énergie et de ressources, mais aussi de limiter la résistance au changement.
« L’approche par compétences permet de recruter du personnel de qualité adapté au poste et aux besoins du service lié à l’enfant. Notre rôle, en tant que décideuses ou décideurs, est de favoriser une bonne appropriation du poste par le personnel recruté, pour une mise en application de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui doit être placé au cœur de toutes les interventions de nos agentes et de nos agents ». - Agnibi Hortence Kpidi, Coordinatrice genre de la Police nationale Direction générale de la Police nationale de Côte d’Ivoire (2021).
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Un service de protection doit en premier lieu être pensé en fonction des services réels qu’il doit délivrer et du public qui les recevra. Dans le cas présent, il doit donc être structuré selon les attentes des enfants et dimensionné en fonction, tant au regard des profils sélectionnés, que du nombre de personnes mobilisées. Il est également important de veiller à ce que les rôles et responsabilités de chaque personne soient clairement et précisément définis à l’interne, ce qui fait souvent défaut. Par ailleurs, une action concertée entre tous les acteurs impliqués est nécessaire, tant pour l’implantation d’un nouveau service que pour la révision d’un service existant.
Au-delà de l’organisation globale, chaque service de protection de l’enfant devrait disposer de profils de poste, selon son organigramme. De nombreuses expériences de pays associés à ce processus témoignent de l’inexistence de tels profils dans les métiers et les services dédiés aux enfants. Pourtant, il est essentiel pour chaque personne d’avoir un guide indiquant précisément ses tâches et les procédures à suivre pour se sentir responsabilisée, pour prévoir un plan de travail et agir efficacement au quotidien dans sa mission de protection de l’enfant. Disposer d’un profil de poste permet également d’être valorisé dans sa fonction et dans sa mission. C’est d’autant plus important que les unités et les services travaillant avec les enfants sont souvent perçus de façon négative, par méconnaissance de leur mission. Les profils de poste participent ainsi à la reconnaissance et la revalorisation des fonctions en lien avec la protection de l’enfant. La concertation est clé dans le développement des profils de poste : échanger avec d’autres services et corps de métiers, ou encore avec la société civile, permet de concevoir un poste avec une vision globale et d’inclure toutes les compétences nécessaires à la réalisation des tâches définies. Ce dialogue permet d’établir des profils orientés vers la mise en œuvre et le respect des droits de l’enfant, et de favoriser des actions de protection structurées et formelles, permettant aux enfants de bénéficier d’un service identique, quelle que soit la personne en fonction à ce moment précis.
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En matière de recrutement du personnel, il est nécessaire d’avoir des pratiques claires, standardisées et connues par tous les membres d’un service, pour un processus efficace. La rédaction de l’offre, l’expression des compétences en fonction du profil de poste établi, l’affichage ou encore la diffusion sont des éléments clés pour le recrutement de profils adaptés aux missions de protection de l’enfant.
de l’enfant, ainsi que son ouverture d’esprit et sa capacité d’adaptation en fonction des nouveaux enjeux et des thématiques émergentes, revêt une grande importance pour s’assurer de son engagement sur le long terme. Ces pratiques devraient contribuer à réduire le roulement du personnel, un défi majeur qui fragilise le processus de protection de l’enfant.
Des outils (tests écrits et grille d’entretiens), basés sur les référentiels de compétences, doivent également être mobilisés afin de favoriser la sélection des bonnes personnes pour travailler avec des enfants. Au-delà de l’expérience et des connaissances techniques, les notions de savoir-être et de savoir-faire doivent être intégrées aux grilles d’analyse des capacités du personnel en cours de recrutement. Il est indispensable d’évaluer les candidates et les candidats en fonction des compétences concrètes dont elles doivent être dotées pour l’exercice efficace du poste concerné. Le recrutement doit aussi être l’occasion de prévoir des formations à l’entrée et/ou des formations continues pour la spécialisation des professionnelles et des professionnels qui travaillent avec les enfants, afin d’améliorer leurs capacités à interagir avec eux et à les accompagner. Enfin, le recrutement repose aussi sur l’intérêt de la personne candidate à travailler directement avec les enfants. Bien que souvent occulté, c’est pourtant un prérequis indispensable. Détecter la capacité et la motivation d’une personne à s’engager dans une carrière liée aux droits
Un exemple concret au Nigeria
« Dans de nombreux pays, la mobilité et le roulement des personnes travaillant avec les enfants sont élevés. Cela peut parfois être décourageant. Mais utiliser l’approche par compétences pour développer des formations pour les professionnelles et les professionnels travaillant avec les enfants permet d’aller au-delà du partage de certaines connaissances et de contribuer à changer les esprits et les comportements de ces personnes lorsqu’elles travaillent avec les enfants. Intégrer ce type de formation dans les cursus permet alors de générer des changements concrets dans les pratiques, qui perdurent même si les personnes formées changent d’emploi ». - Jean-Claude Legrand, Spécialiste en protection des enfants et membre du conseil d’administration du Bureau international des droits des enfants (2021)
Ces dernières années, avec un plan sur trois ans, le gouvernement nigérian a massivement investi dans une stratégie de recrutement du personnel : les candidates et les candidats devaient postuler de la même façon pour être sélectionnés, et devaient s’engager à rester en fonction un minimum de deux ans. Cela a permis de valoriser les unités de protection de l’enfant et s’est directement reflété dans la qualité des services reçus par les enfants.
DES EXEMPLES D’ACTIONS CONCRÈTES • Créer des profils et des fiches de poste en lien avec les référentiels de compétences • Fidéliser les carrières en protection de l’enfant, afin de lutter contre la déperdition des compétences • Créer davantage de services spécialisés dans la protection de l’enfant : brigades policières de protection de l’enfant, juges des enfants, centres d’accueil et de réinsertion pour enfants, unités spéciales pour l’accès des enfants à la justice, etc. • Rendre plus attractifs les métiers et les services de protection de l’enfant
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// La formation du personnel // « La démarche menant à la détermination des compétences clés du personnel de justice en matière de droits de l’enfant m’a permis de mieux comprendre mon travail de juge et surtout d‘avoir une méthodologie pour accomplir les tâches requises ».
De façon évidente, les référentiels de compétences doivent servir à la formation du personnel. En effet, en fonction du public visé par la formation, il est recommandé d’en développer le contenu dans le but de doter les personnes apprenantes de l’ensemble des compétences identifiées comme nécessaires pour des interventions efficaces et respectueuses des droits de l’enfant. Utiliser les référentiels de compétences permet de penser des modules qui couvrent l’ensemble des champs d’action des personnels visés. La formation doit être adaptée, qu’elle soit initiale, spécialisée ou continue, c’est-à-dire qu’elle doit permettre aux personnels formés de reconnaître les droits de l’enfant, d’en faire la promotion, de les protéger de façon concrète et d’avoir la capacité de prendre en compte les spécificités de chaque enfant. Elle doit être axée sur la reconnaissance des enfants en tant que sujets de droit et en tant qu’acteurs de leur développement et de leur protection, en adaptant les services à leurs droits, à leurs besoins et à leurs intérêts et en rendant leur participation effective dans les procédures les concernant. De plus, la formation doit être la plus exhaustive possible et donner les outils les plus complets au personnel qui sera sur le terrain. Dans le cas du secteur de la justice, la formation doit aborder aussi bien les droits liés à la procédure régulière au civil ou au pénal, mais aussi ceux existants dans tout autre mécanisme de justice, y compris ceux de justice coutumière et religieuse, les juridictions internationales, ainsi que les résolutions alternatives et réparatrices des conflits.
- Chrystelle Adonon, Juge, tribunal de Cotonou, Bénin (2018)
Une formation axée sur les compétences devrait nécessairement répondre à un certain nombre de critères, dont voici quelques exemples : • Formuler des objectifs de formation clairs, faisant spécifiquement référence à l’acquisition des connaissances, des compétences et des attitudes requises • Articuler les activités durant l’exercice de formation sur l’intégration mesurable de ces savoirs, savoir-faire et savoir-être • Rappeler dans les messages-clés l’importance de la cohérence dans la combinaison des différents savoirs, savoir-faire et savoir-être spécifiquement visés par cette activité ou ce module • Équilibrer l’énergie et le temps consacrés à la transmission de chaque compétence-clé dans le but de renforcer l’adaptation des pratiques du personnel travaillant auprès des enfants privés de liberté • Orienter les diverses dimensions de l’évaluation autour de la mesure du changement afin de constater l’acquisition non seulement des connaissances, mais également des capacités et des attitudes requises
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Les personnes participantes aux formations peuvent aussi devenir des acteurs de changement au sein de leur communauté. En prenant conscience de leur rôle dans la promotion et la protection des droits de l’enfant en milieu communautaire, familial ou professionnel, elles adoptent de nouvelles attitudes à cet égard et mettent en œuvre leurs nouvelles compétences au-delà de leur secteur d’activité. Enfin, deux aspects importants sont liés à la formation : elle doit toujours être évaluée et les directions de services doivent se donner les moyens pour mesurer l’impact de la formation dispensée sur les prestations offertes aux enfants.
« Le secteur de la protection de l’enfant repose essentiellement sur les ressources humaines. Des ressources humaines qualifiées, disposant des compétences et des outils adéquats, sont mieux à même de répondre aux besoins des filles et des garçons de manière efficace. Les bons comportements ainsi que les compétences et les attitudes à adopter face aux questions de violence contre les enfants sont primordiaux dans l’accompagnement de l’enfant. Tout cela a un impact sur la confiance des enfants, des familles et des communautés envers les prestataires de services ». - Francesco Cecon, Child Protection Advisor, International Programmes, Save the Children Espagne (2021)
DES EXEMPLES D’ACTIONS CONCRÈTES • Créer des formations à partir des référentiels internationaux de compétences-clés • Articuler la formation autour de l’approche multisectorielle, pour favoriser dès le début un esprit de coopération entre les différents services et secteurs et un accompagnement harmonisé • Prévoir différents cadres de formation : la formation initiale (ciblant les nouvelles recrues), spécialisée (ciblant les unités spécialisées ou les fonctions de rang supérieur) et continue (ciblant le personnel actuellement en service) • Placer l’andragogie au cœur de la formation en mettant en avant la participation de la personne apprenante, en se basant sur l’expérience ou les compétences des élèves, pour développer et renforcer leurs connaissances, leurs aptitudes et leurs attitudes • Certifier des formatrices et des formateurs nationaux qui seront alors en mesure de former à leur tour les intervenantes et les intervenants de leurs secteurs respectifs
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• Associer les enfants au développement du contenu des formations, comme du matériel audiovisuel conçu avec des enfants, ou des ateliers pratiques, afin de créer un environnement d’enseignement riche et interactif, allant au-delà de la simple acquisition de connaissances, pour faciliter l’intégration et le développement de compétences complètes et concrètes
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ÉTUDE DE CAS
République démocratique du Congo (RDC) En République démocratique du Congo, entre 2015 et 2020, un travail a été mené à partir de l’approche par compétences pour mieux adapter les pratiques de la police, de la justice et du travail social aux réalités des enfants et à leurs droits. Des résultats probants ont été observés : • L’opinion des enfants est désormais davantage prise en considération, en tenant compte de leur âge et de leur degré de maturité. • Les trois secteurs rapportent une plus grande valorisation de la participation des enfants. • La discrétion et la confidentialité ont été améliorées dans les cas impliquant des enfants : › Les professionnelles et les professionnels prennent soin de protéger l’enfant du regard des autres et de ne pas l’exposer durant les différentes étapes de son parcours au sein du système de justice › Des salles d’écoute et d’entretien sont aménagées dans les escadrons de police afin de garantir le respect de la confidentialité des échanges lors du traitement d’un dossier impliquant une fille ou un garçon › Les tribunaux isolent davantage l’enfant lors des audiences ayant lieu au sein des prisons, tandis que dans le secteur du travail social, des mesures de protection sont mises en place pour garantir la confidentialité et le respect de la vie privée des enfants • L’implémentation de nouvelles formations professionnelles a permis de déconstruire certains préjugés qui pouvaient biaiser les interventions des métiers visés, notamment sur les questions de classe économique ou de genre. • Les interventions sont maintenant harmonisées et standardisées pour tous les profils d’enfants, sans distinction, tout en tenant compte de leurs sexospécificités et du principe de non-discrimination. Ces nouvelles pratiques sont aujourd’hui portées et diffusées par des agentes et des agents-relais formés par le projet, des « champions » qui ont été certifiés en droits de l’enfant. C’est aussi une façon d’assurer la pérennité des actions de renforcement des capacités.
Le besoin de formation sur mesure pour les professionnel[le]s en contact avec les enfants est très bien identifié [...] d’autant plus qu’eux-mêmes le demandent continuellement. Mais ils demandent des programmes bien conçus qui apportent une réelle valeur ajoutée à leur travail quotidien. Si nous n’investissons pas dans la professionnalisation réelle des services et du personnel qui s’occupe des enfants [...], nous manquerons, en tant que praticien[ne]s, à notre obligation envers les enfants eux-mêmes» - Marta Gil, Coordinatrice de programme MENA – Accès à la justice, Terre des Hommes (2020)
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« Nous nous sommes tous entendus sur le fait que la formation spécialisée du personnel, la collaboration et les plans de réintégration sont essentiels pour fournir les meilleurs soins et la meilleure assistance à tous les enfants. Nous croyons fermement que cet effort de collaboration apportera un changement positif […] au niveau international ». - Capitaine Marwa Alabbassi, Officier de police au centre de soins pour mineurs, ministère de l’Intérieur du Royaume de Bahreïn (2020)
// L’évaluation du personnel // L’évaluation du personnel est un enjeu majeur pour garantir le succès des actions de protection de l’enfant et s’assurer que les pratiques ont été réellement améliorées grâce à l’utilisation des référentiels de compétences. Il est important de replacer la mission de protection de l’enfant au cœur de l’évaluation et de ne pas en faire un moment de « surveillance » ou un simple mécanisme de progression de carrière.
© IBCR
Pensée ainsi, l’évaluation permet de mettre en avant la notion de reconnaissance : reconnaître les bons comportements et les bonnes attitudes, l’effort fourni par une ou un professionnel pour adapter ses pratiques à l’enfant, souligner un savoir-faire ou un savoir-être… Autant de techniques d’évaluation qui permettent de valoriser le
travail de protection de l’enfant et surtout d’encourager à l’amélioration des pratiques en faveur des enfants. Cette culture de l’évaluation tournée vers le service à délivrer aux enfants est encore trop peu répandue. Les référentiels de compétences invitent donc à créer une grille objective, centrée sur les pratiques du terrain et avec des modalités d’évaluation clairement définies et connues. Cela permet également de créer des outils d’évaluation liés à la mise en œuvre des compétences, et d’avoir des procédures définies, pour créer des plans de renforcement des capacités à partir des évaluations. Pour savoir si une personne possède ou non une compétence, il est important de fixer des objectifs et des cibles par l’entremise d’une grille d’évaluation. On se réfère ainsi à son rendement professionnel, mais aussi à son comportement. Pour ce faire, il est possible de recourir à différentes méthodes : • Indiquer les comportements attendus de la part du personnel (en se basant sur les référentiels de compétences) • Préciser les différents comportements correspondant au niveau de responsabilité de la fonction – avec trois niveaux : élémentaire, intermédiaire et avancé (c’est l’approche adoptée par le Child Protection in Emergencies Competency Framework produit par l’Alliance pour la protection des enfants dans l’action humanitaire5) • Indiquer les comportements satisfaisants, répondant à la compétence énoncée et ceux qui ne le sont pas (approche adoptée dans les documents Humanitarian Coordination Competencies ou Alaskan Core Competencies for Direct Care Workers in Health and Human Services6) • Décomposer chaque compétence en savoir, savoirfaire et savoir-être (comme cela se fait dans le cours du programme « techniques policières » selon l’approche par compétences au Collège Maisonneuve7)
5. Voir : https://alliancecpha.org/fr/child-protection-online-library/cadre-de-competences-pour-la-protection-des-enfants-dans-laction 6. Pour connaître le texte intégral, voir : http://annapoliscoalition.org/?portfolio=471 7. Voir : http://www.enpq.qc.ca/futur-policier/programme-de-formation-initiale/approche-par-competences.html
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Exemple d’éléments à évaluer en matière de considération et de respect de l’intérêt supérieur de l’enfant par le personnel face à un cas de violence domestique8 : • L’intérêt supérieur de l’enfant a-t-il été la préoccupation centrale de l’agente ou de l’agent ? • Lors de l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant, l’agente ou l’agent a-t-il tenu compte de l’existence de ce contexte de violence domestique ? • L’agente ou l’agent a-t-il supervisé efficacement les contacts entre le parent violent et l’enfant ? • Le droit de l’enfant d’être entendu a-t-il été respecté ?
• Tous les enfants ont-ils pu y accéder, sans discrimination et indépendamment de leur situation physique, de leurs ressources économiques, de leur langue ou de toute autre condition personnelle ou sociale ? • Tous les obstacles qui empêchent les enfants d’accéder à la justice ont-ils été éliminés ?
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Exemple d’éléments à évaluer en matière d’accessibilité des services de justice pour les enfants9 :
• Des procédures et des recours physiques et/ou virtuels ont-ils été mis à la disposition des enfants qui n’étaient pas en mesure d’accéder aux mécanismes traditionnels de justice ?
DES EXEMPLES D’ACTIONS CONCRÈTES • Intégrer officiellement la culture de l’évaluation au sein des métiers et des services de protection de l’enfant • Développer des outils d’évaluation en lien avec les référentiels de compétences • Fixer des plans de travail et des objectifs clairs aux professionnelles et aux professionnels de la protection de l’enfant
« Dans le cadre de la promotion et de la protection des droits de l’enfant, une approche basée sur les compétences est fondamentale pour que les praticiennes et les praticiens de la protection de l’enfant au niveau national puissent faire valoir leurs arguments à tous les stades de la programmation, de l’identification, de l’analyse, de la conception à la mise en œuvre, mais aussi et surtout pour le suivi et l’évaluation du personnel ». - Jean-François Basse, représentant de l’UNICEF à Madagascar (2021)
8. Exemple tiré du Guide pratique sur l’accès à la justice, la prévention et la réponse à la violence contre les enfants, élaboré en 2021 par le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies chargée de la question de la violence contre les enfants 9. Exemple tiré du Guide pratique sur l’accès à la justice, la prévention et la réponse à la violence contre les enfants, élaboré en 2021 par le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies chargée de la question de la violence contre les enfants
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// L’établissement de norme de services // L’approche par compétences offre la possibilité aux professionnelles et aux professionnels de discuter de leurs propres pratiques, des défis auxquels ils sont confrontés et de la manière dont ils les relèvent, dans le respect des droits de l’enfant. C’est un élément fondamental dans la démarche consistant à établir des normes de service connues, acceptées et appliquées par toutes et par tous. Cette approche permet de mettre en place, de diffuser et d’intégrer dans les pratiques des outils (tels que des modes opératoires) qui viennent énoncer et décrire les normes minimales à suivre au sein d’un service, d’un corps
professionnel ou d’un système en matière de respect des droits et de la protection de l’enfant, en précisant comment mener des interventions efficaces et conformes aux normes internationales et aux droits de l’enfant. Il s’agit ainsi de définir le plus clairement possible qui fait quoi, avec qui, où, pour qui, pourquoi, à quel moment et comment. De tels outils s’élaborent dans un large processus participatif et consultatif, et sont ensuite diffusés à l’échelle nationale pour favoriser leur appropriation par le plus grand nombre.
UN EXEMPLE CONCRET : LES NORMES DE SERVICE PROPRES AUX RECOURS OFFERTS AUX ENFANTS Le droit pour les enfants de disposer de recours clairs et efficaces en cas de violations présumées de leurs droits est essentiel. Dans ce cas, les normes de services doivent clarifier et faciliter la gestion de ces recours éventuels. D’un côté en favorisant une prise de conscience et une sensibilisation de tous les acteurs du système de protection et, de l’autre, en réduisant les conséquences de la violation commise sur la vie l’enfant. Cela demande des normes pour restituer, indemniser, réadapter, et accompagner l’enfant, le tout de façon rapide, holistique, et proportionnée à la gravité du préjudice subi, tout en tenant compte de l’avis de l’enfant, de sa sécurité, de sa dignité et de son intégrité.
« Les enfants vulnérables et les enfants qui ont été victimes de négligence, d’abus et de violence, y compris de violences sexuelles, ont besoin d’un accompagnement professionnel. Mais ils ont également besoin d’un environnement stimulant, où des adultes prennent soin d’eux et sont attentifs à leur situation et à leurs sentiments. C’est l’une des principales valeurs ajoutées de l’approche par compétences : permettre aux personnes travaillant avec des enfants de mieux comprendre leurs émotions, leurs besoins de développement ainsi que leur droit d’être respectés et d’être correctement accompagnés ». - Jean-Claude Legrand, Spécialiste en protection des enfants et membre du conseil d’administration du Bureau international des droits des enfants (2021)
L’approche par compétences permet aussi aux professionnelles et aux professionnels d’adapter leurs interventions aux situations particulières qui affectent les enfants. Les filles, les enfants autochtones ou les enfants atteints de déficiences mentales notamment, peuvent être particulièrement vulnérables et exposés à certaines formes de violence. Ces enfants doivent avoir accès à des services adaptés à leur situation, qui tiennent compte des facteurs de discrimination et de marginalisation dont ils sont victimes, ce qui nécessite des normes de services spécifiques. De façon plus globale, l’approche axée sur les compétences, lorsqu’elle est ajustée au contexte, aux spécificités
socioculturelles locales et centrée sur l’expérience des enfants, permet de s’adapter au caractère changeant des formes et des manifestations des inégalités et des violations spécifiques des droits de l’enfant. Cette approche permet aux prestataires de service, civils ou étatiques, d’acquérir les compétences et les attitudes nécessaires pour adapter adéquatement leurs pratiques et agir de façon professionnelle face à des situations diverses, mais faisant appel au même registre de compétences transversales. C’est un élément central d’une vision structurante à long terme, en particulier dans des contextes instables dans lesquels de nouvelles menaces et de nouvelles réalités en lien avec les enfants émergent.
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Enfin, un service adapté aux droits de l’enfant doit être doté d’une politique de protection de l’enfant, contenant des mécanismes de surveillance et de plainte. Pourtant fondamental, c’est un aspect qui reste encore trop souvent négligé, même au sein des structures de protection de l’enfant. Ces politiques et outils ont pour objectif principal de préserver et de promouvoir les droits, la sécurité
et la dignité des enfants concernés par les services de protection. Ensuite, l’élaboration et l’utilisation de mécanismes de signalement et de renvoi, comme la définition de responsabilités précises confiées à certains membres du personnel en cas de soupçons, de plaintes ou de non-respect de cette politique, sont essentielles pour assurer cette protection de l’enfant.
L’exemple du Burkina Faso Au Burkina Faso, entre 2015 et 2021 l’IBCR a défini, en collaboration étroite avec les institutions burkinabè, une trajectoire commune pour accompagner les enfants en contact avec la justice, afin qu’ils bénéficient d’un accompagnement respectueux de leurs droits et de leurs besoins. Afin de permettre aux professionnelles et aux professionnels chargés de cet accompagnement de connaître leurs rôles et leurs responsabilités, quatre guides de procédures – aussi appelés modes opératoires – ont été produits et diffusés au cours des six années du projet, et sont respectivement destinés aux forces de défense et de sécurité, aux travailleuses et aux travailleurs sociaux, aux magistrates et aux magistrats ainsi qu’aux gardes de sécurité pénitentiaire. Ces outils novateurs définissent une trajectoire complète pour l’enfant en contact avec la justice, qui n’existait pas jusqu’à présent. Ils garantissent ainsi un accompagnement harmonisé, clair et respectueux des droits de l’enfant à toutes les étapes de la procédure, depuis son entrée en contact avec le système de justice jusqu’à la décision finale le concernant, en passant par les phases d’enquête et, le cas échéant et en dernier recours, de retenue ou de garde à vue. De façon complémentaire, six formations complètes en matière de droits de l’enfant et de pratiques adaptées à l’enfant lors des interventions ont été conçues, dont les modules ont été intégrés, de façon permanente et évaluée, au sein des cursus des écoles de formation professionnelle des métiers visés par le projet. Les professionnelles et les professionnels actuels et en devenir des secteurs visés bénéficient désormais de formations complètes, adaptées et concrètes sur les droits de l’enfant et les meilleures façons d’interagir avec lui au quotidien. Deux réussites majeures de ce projet sont à souligner : 1. Le recours aux travailleuses et aux travailleurs sociaux dans les commissariats et les maisons d’arrêt et de correction ainsi que leur collaboration avec la justice dans les cas impliquant des enfants sont de plus en plus courants. Cette collaboration accrue permet notamment la systématisation et l’amélioration des enquêtes sociales visant à connaître le contexte de vie des enfants, qui sont plus précises et rigoureuses, et la réduction des délais de traitement des dossiers. Cette avancée a notamment été permise en se basant sur le référentiel des compétences-clés du secteur social. 2. La signature des préfaces des modes opératoires, de directives ou de notes techniques par les ministres ou les directions des secteurs concernés, portant adoption officielle des pratiques promues, et leur diffusion au niveau national placée sous la responsabilité de l’État burkinabè. Tout cela témoigne de la prise de conscience de l’État burkinabè de la nécessité de faire évoluer les pratiques de protection de l’enfant, et de sa volonté d’officialiser les nouvelles pratiques promues auprès de ses agentes et de ses agents. Cela garantit également l’utilisation réelle de ces outils et documents, et démontre l’importance de l’implication des décisionnaires pour générer des changements concrets en faveur des enfants.
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DES EXEMPLES D’ACTIONS CONCRÈTES • Énoncer et décrire les normes minimales à suivre au sein d’un service, d’un corps professionnel ou d’un système en matière de respect des droits et de la protection de l’enfant • Assurer aux enfants des recours en cas de violations présumées de leurs droits • Avoir des procédures et des pratiques qui permettent aux professionnelles et aux professionnels d’adapter leurs interventions aux droits spécifiques des enfants • Intégrer des politiques de protection de l’enfant au sein de tout service offert aux enfants
PARTAGE D’EXPÉRIENCE La mise en œuvre du modèle québécois d’intervention en matière de jeunes contrevenants et l’approche par compétences Au début de ma pratique à la Chambre de la Jeunesse de Montréal dans les années 1980, chacun[e] des intervenant[e]s, pour la plupart des professionnel[le]s (avocat[e]s de la défense, travailleurs[euses] sociaux, criminologues, juges, agent[e]s de probation, procureur[e]s etc.) fort compétents dans leurs disciplines respectives, avaient du mal à se comprendre les uns des autres. Ainsi, malgré le fait que toutes et tous avaient à cœur l’intérêt et les besoins des enfants et des adolescent[e]s, peu de situations se résolvaient de manière harmonieuse et efficace. Chaque discipline se heurtait à l’incompréhension de l’autre et, en fin de compte, cette situation desservait l’objectif primordial d’assurer à la fois la protection de la société et celle des besoins des adolescent[e]s. Constatant la complexité des situations à résoudre et l’inefficacité du travail en silo, les différentes organisations ont mis sur pied plusieurs formations communes basées sur des situations de travail parfois très complexes. Chacune pouvait donc bénéficier, à coûts presque nuls, des connaissances disciplinaires, des savoirs et savoir-faire provenant de différentes organisations qui œuvraient au sein de la Chambre de la jeunesse. Les procureur[e]s de mon équipe et moi-même étions très motivé[e]s par cette approche qui permettait de nous développer rapidement par des mises en situation très concrètes et dans l’action, ce qui augmentait de beaucoup notre efficacité. C’est aussi par cette approche que nous avons été initiés aux caractéristiques spécifiques du modèle québécois d’intervention. Apprendre le langage et certaines connaissances disciplinaires d’autres métiers au moyen de ces formations pratiques et communes fut donc une immense valeur ajoutée. On a ainsi observé, au fil des ans, qu’un socle commun de connaissances et de compétences fondamentales avait un effet durable dans le traitement efficace des dossiers impliquant des adolescent[e]s. Aujourd’hui, devant la complexité grandissante des situations auxquelles les professionnel[le]s sont confronté[e]s, force est d’admettre qu’il n’est pas possible pour les différentes professions et services dédiés aux enfants d’atteindre un niveau élevé de savoir-faire et de savoir-être sans intégrer l’approche par compétence qui s’avère être simple, efficace, concrète et peu coûteuse, et qui s’appuie sur la combinaison et la mobilisation efficace d’un nombre varié de ressources pertinentes au sein d’une organisation commune du travail. Il devient donc nécessaire et important pour les organisations d’intégrer cette approche pratique dans les différents programmes et aspects du développement en continu de leurs membres.
- Annick Murphy, ancienne directrice adjointe des poursuites criminelles et pénales du Québec et membre du conseil d’administration du Bureau international des droits des enfants - 34 -
LES FACTEURS À PRENDRE EN COMPTE POUR RÉUSSIR L’INTÉGRATION DE L’APPROCHE PAR COMPÉTENCES
// La volonté politique // L’accès à des services de protection de l’enfant de qualité nécessite un leadership et une volonté politique de prévenir, de contrer et d’éradiquer les violations des droits de l’enfant. Cette volonté politique se manifeste à travers des cadres législatifs, stratégiques et juridiques complets, ainsi que par une organisation optimale des services, des politiques et des budgets dédiés à la protection de l’enfant. Si les stratégies, les plans et les politiques sont indispensables pour donner une impulsion et un cadre aux acteurs du système de protection, le défi principal est de s’assurer de leur contextualisation aux réalités vécues par les enfants et de leur traduction sur le plan local et au niveau des compétences des professionnelles et professionnels. Une stratégie est efficace si elle est flexible, adaptée au contexte, pragmatique et évaluable.
d’action, mais aussi leurs compétences. D’où l’importance des liens entre référentiels de compétences, organisation des services et stratégies nationales. La volonté politique passe aussi par des actes forts en matière de respect des cadres juridiques et politiques, afin que la protection des enfants puisse être réelle dans la pratique. L’État doit s’acquitter de son devoir de diligence raisonnable. Cela passe par l’obligation d’enquêter sur l’existence de manquements, de négligences ou d’omissions de la part des autorités publiques dans le cadre de leurs missions de protection des droits de l’enfant. Cette volonté doit aussi s’illustrer dans la lutte contre l’impunité des auteurs de violations des droits de l’enfant.
« Les référentiels de compétences seront des excellents outils de réflexion, de discussion et de pression sur les États. » - Denisse Araya Castelli, directrice de l’ONG Raíces au Chili (2020)
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Bien que la volonté politique soit souvent liée aux financements, il est important que les gouvernements prennent leurs responsabilités en s’engageant dans les programmes de développement et de professionnalisation des métiers et des services de protection de l’enfant, même à la mesure des moyens disponibles. Une stratégie sera plus performante, mieux acceptée et mieux mise en œuvre si les agentes et les agents chargés de son opérationnalisation ont le sentiment que les axes et les actions proposés sont en phase avec leurs réalités, leurs moyens
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« L’approche par compétences dans les métiers et services en faveur des enfants répond à la nécessité pour les États d’adapter, de formaliser et de standardiser les moyens et mécanismes de protection, notamment la législation et les politiques stratégiques ». - Mahamadou Nazir Sani Djibo, officier de police, adjoint de la cheffe de la Division de protection des mineurs et des femmes de la Police nationale - ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation du Niger (2021)
ÉTUDE DE CAS
Costa Rica Le Bureau international des droits des enfants s’est impliqué au Costa Rica entre 2015 et 2018 afin de renforcer la lutte contre la traite des personnes. Les actions ont été menées avec une approche participative favorisant le dialogue intersectoriel et interinstitutionnel auprès des policières et policiers et du personnel de justice qui interagissent, dans le cadre de leurs fonctions, avec des enfants et des personnes victimes de traite. Les acteurs visés, dont les enfants, ont pu contribuer activement au renforcement de leurs propres capacités en matière de lutte contre la traite de personnes et l’exploitation sexuelle à des fins commerciales. Ce renforcement s’est basé sur les référentiels de compétences, adaptés au contexte du Costa Rica grâce à une collaboration continue avec l’ensemble des agences publiques membres de la Coalition nationale contre le trafic illicite de migrants et la traite des personnes (CONATT), le pouvoir judiciaire ainsi que les écoles et les unités de formation des secteurs de la police (police routière, frontalière, touristique, de migration et de surveillance aérienne). Si les compétences-clés se veulent universelles et permettent aux professionnelles et aux professionnels de la protection d’accompagner les enfants dans tout contexte, il est toujours souhaitable et même nécessaire de les adapter au contexte national. Dans le cadre de la conception d’outils de formation, les différents milieux de pratique doivent pouvoir s’approprier ces compétences et les rendre opérationnelles aux niveaux légal, institutionnel, politique, social, communautaire, religieux, etc. Enfin, la traite des personnes constituant un crime national et transnational, le projet a misé sur les échanges en termes de bonnes pratiques et de défis à relever ainsi que sur le partage de connaissances et d’expérience entre les pays de la région. Cette prise en compte du contexte régional a été essentielle dans le développement de nouvelles formations en droits de l’enfant adaptées aux réalités du Costa Rica.
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// L’octroi de budget // Une protection efficace des droits de l’enfant requiert aussi un financement adéquat et durable, alloué à la mise en œuvre de la législation au niveau national et local. Un budget insuffisant peut limiter la mise en œuvre des plans d’action et par conséquent entraîner un nonrespect des droits de l’enfant. L’enjeu pour les acteurs des systèmes de protection est de convaincre les décideuses et les décideurs que les budgets attribués aux structures travaillant avec les enfants sont un investissement obligatoire au regard des engagements pris pour la protection de ces derniers.
« Aujourd’hui plus que jamais […] nous allons surtout mettre l’accent sur la politique sensible au genre pour que chaque institution alloue des ressources pour mieux protéger les enfants. Le plus important, c’est la conscience individuelle et collective de l’ensemble de la population sur notre engagement individuel et collectif à promouvoir les droits des enfants au Burkina Faso »
Comme mentionné plus haut, la clé n’est pas forcément davantage de moyens, mais plutôt de définir un budget adapté aux objectifs fixés en termes de pratiques attendues et de changements souhaités. L’amélioration des budgets alloués à la protection de l’enfant peut passer par une budgétisation sensible aux droits de l’enfant au sein de l’ensemble des ministères, l’identification et l’implication de personnalités de premier plan au niveau du plaidoyer, mais aussi la définition d’une feuille de route claire. La réussite d’un plaidoyer budgétaire passe ainsi par un message fort, simple et ciblé auprès des décisionnaires afin de les sensibiliser.
- Hélène Marie Laurence Ilboudo née Marchal, ministre de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire du Burkina Faso, à l’occasion de la commémoration du 30e anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant, novembre 2019
// L’identification et l’appui de « championnes et de champions » internes //
Cela va de pair avec la sensibilisation aux missions des métiers et des services de protection de l’enfant. Les institutions gouvernementales et la société civile doivent ainsi mettre en place des programmes de sensibilisation du public et des acteurs du système de protection de l’enfant, afin de faire évoluer les attitudes et de soutenir les changements de comportement et de pratiques en faveur des enfants.
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La promotion et le respect des droits de l’enfant nécessitent aussi de s’appuyer sur des personnes-ressources nationales ayant les compétences attendues en matière de protection de l’enfant et une expérience crédible en termes de résultats obtenus. Tout système de protection doit s’appuyer sur sa communauté en incluant ces personnes-ressources chevronnées et reconnues, mais aussi des leaders communautaires (personnes d’influence, guides religieuses et religieux, personnes issues du monde du spectacle ou du milieu sportif, etc.) susceptibles de véhiculer des changements auprès des communautés. Identifier ces personnes et en faire des alliées en termes de plaidoyer permet ainsi de promouvoir plus largement et plus efficacement des avancées en faveur des droits de l’enfant.
Enfin, pour faire le lien avec l’usage des référentiels de compétences dans le cadre de la formation, les personnes apprenantes ont aussi besoin d’être guidées, d’avoir une supervision pendant la formation qui leur donne envie de s’engager, au-delà de la seule maîtrise des compétences-clés. Les jeunes professionnelles et professionnels peuvent bénéficier de la présence d’une ou d’un leader au sein de leur service ou de leur corps professionnel, auquel ils peuvent s’identifier et se référer au besoin. Cela peut participer à réduire la résistance au changement des intervenantes et des intervenants, en leur permettant de se sentir compris et soutenus par leur institution. Être appuyé par des « championnes et des champions » en interne peut faire une différence et permet aux personnes formées de consolider leurs apprentissages à long terme.
« L’approche la plus efficace et ayant un impact sur la réalité des enfants à long terme est la formation de formatrices et de formateurs. Elle permet d’avoir des ressources nationales capables de transmettre des pratiques améliorant les interventions et, surtout, qui sont adaptées au contexte. Cela contribue directement aussi à lutter contre la résistance au changement » – Ghizlane Benjelloun, Pédopsychiatre au Centre hospitalier universitaire Ibn Rochd au Maroc et membre du conseil d’administration du Bureau international des droits des enfants (2021)
// La participation de l’enfant // Les référentiels de compétences-clés permettent également de faire en sorte que les interventions des acteurs de protection de l’enfant soient réellement durables et répondent aux préoccupations et aux attentes exprimées par les enfants. Il est essentiel de valoriser le droit des enfants d’exprimer librement leur opinion et d’être acteurs de leur propre développement, tout en tenant compte de leur capacité évolutive, de leur bien-être et de leur intérêt supérieur. L’enfant n’est pas seulement spectateur de sa protection et de ses droits, il en est aussi pleinement acteur. Capable de comprendre et de se positionner pour les décisions qui le concernent, il peut réellement prendre part aux projets et actions visant à mieux respecter ses droits et ses besoins. L’éducation et la formation sont ainsi des outils importants pour donner aux enfants les moyens de revendiquer leurs droits. Par ailleurs, tout système de protection a pour but de
mieux protéger les enfants et leurs droits, c’est donc aussi à eux qu’il faut rendre des comptes. La trajectoire des enfants et leur expérience doivent donc être placées au cœur des changements de pratique, avec une approche participative. C’est pourquoi il est essentiel d’impliquer davantage les enfants dans les activités de protection et dans le suivi des actions, en allant au-delà de la simple consultation. Processus en constante évolution, la participation des enfants doit être réfléchie, inclusive, modulable, adaptée, et avoir du sens pour eux. Les acteurs des systèmes de protection de l’enfant doivent être plus que jamais à leur écoute, tout en veillant à leur protection, en tout temps, dans le cadre de leur participation. Concrètement, chaque État, chaque structure, chaque acteur doit déterminer comment accroître la mobilisation et la contribution des enfants en tant que véritables sujets de droit, afin qu’ils deviennent acteurs du changement, et soient perçus et traités comme tels par les autres composantes du système de protection.
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UN EXEMPLE CONCRET : LE PLAN STRATÉGIQUE 2021-2024 DE L’IBCR UNE AMBITION : « S’ÉLEVER À LA HAUTEUR DES ENFANTS » L’un des grands principes des droits de l’enfant, introduit par le docteur Janusz Korczak, pédiatre, écrivain et pionnier de ces droits, est le fait de ne pas se rapetisser pour se mettre au niveau – physique – d’un enfant, mais au contraire de s’élever, pour aller à la rencontre de ses capacités, de ses sentiments et de ses droits. Les enfants sont le présent, ils sont capables, dès aujourd’hui, de prendre en main leurs droits, de s’exprimer, de se positionner et bien plus encore. « S’élever à la hauteur des enfants » est une ambition de l’IBCR, depuis ses débuts et pour les années à venir, afin de replacer les enfants au cœur de leur protection et d’amener toutes les organisations, les institutions et les populations à faire de même. Le plan stratégique et la théorie du changement sont disponibles sur le site Internet de l’IBCR : www.ibcr.org/publications
« Trop souvent, les formations sur les droits de l’enfant s’attardent sur les savoirs acquis, mais trop peu sur le savoir-faire et le savoir-être. J’ai pu constater que la démarche des dernières années du Bureau a été de définir les compétences-clés en matière de protection de l’enfant avec les professionnelles et professionnels euxmêmes afin de les faire progresser de façon durable dans leurs pratiques quotidiennes. Évidemment cet exercice prend tout son sens si les enfants peuvent constater que les intervenantes et les intervenants leur garantissent un environnement plus sécuritaire et protecteur même dans un contexte difficile. Leur participation est donc essentielle dans le travail de suivi et d’évaluation et heureusement, les outils permettant d’assurer ce suivi-évaluation sont intégrés dans les stratégies d’interventions basées sur les référentiels de compétences-clés. »
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- Joanne Doucet, experte en renforcement des systèmes de protection de l’enfant et membre du conseil d’administration du Bureau international des droits des enfants (2021)
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// L’établissement d’indicateurs et de mesures de suivi // Pour un système de protection de l’enfant efficace, il est essentiel de formuler des indicateurs permettant de mesurer les effets des actions menées, afin de trouver un équilibre entre les objectifs fixés et les activités mises en œuvre. Ces indicateurs peuvent se retrouver dans les stratégies nationales, les plans d’action, ou encore les objectifs de chaque service. Cela permet in fine de relever et de tirer des leçons des expériences vécues, positives comme négatives, pour les intégrer dans la restructuration et les changements visés en faveur des enfants. C’est en s’appuyant sur des données fiables et sur des résultats concrets que les services et les métiers de
protection de l’enfant pourront davantage se développer et renforcer leurs compétences. Les systèmes de protection doivent donc se doter de mécanismes de collecte et d’analyse des données liées aux droits de l’enfant, en adoptant idéalement une approche globale et transversale à divers secteur (justice, police, secteur social, pénitentiaire, santé...). Des données représentatives de la réalité permettront d’étayer les plaidoyers, de définir les plans de renforcement des capacités, de formaliser de nouvelles procédures, mais aussi de documenter les manquements institutionnels ou les situations dans lesquelles les droits de l’enfant sont bafoués ou menacés.
// L’approche multisectorielle et la décentralisation des services // favorise la concertation multisectorielle lorsqu’une décision doit être prise concernant un enfant, rendant le processus participatif et collectif. L’accompagnement de l’enfant est ainsi plus fluide, et la coordination entre les diverses professions permet un traitement des cas impliquant des enfants plus adapté et plus rapide.
« Nous évoluons encore trop souvent d’une manière désordonnée, alors que l’accompagnement de l’enfant impose aux acteurs de travailler en synergie. [...] je suis convaincu que l’intersectorialité et la synergie permettront de faire un bond en avant dans le système congolais de la protection de l’enfant. »
L’approche multisectorielle est d’autant plus importante qu’elle permet aux services d’agir au plus près des enfants. En effet, même si tous les secteurs ne sont pas représentés ou opérationnels face à une situation vécue par un enfant, le secteur présent aura les compétences requises pour émettre un signalement et référer l’enfant à ses collègues au besoin. Des capacités d’adaptation et de réaction d’autant plus pertinentes en contexte de crise sanitaire ou humanitaire dans laquelle les vulnérabilités rencontrées par les enfants sont exacerbées et évoluent constamment.
- Hilaire Ngoie, Président du tribunal pour enfants de Bukavu à l’est de la RDC (2017)
La collaboration multisectorielle entre tous les secteurs impliqués dans la protection de l’enfant est fondamentale pour prévenir et lutter efficacement contre les violations des droits de l’enfant. Cette approche implique en premier lieu de penser les formations des acteurs de la protection de l’enfant avec cette dimension multisectorielle. Une évolution qui peut être appuyée par l’application des pistes identifiées plus haut dans ce rapport. Au niveau opérationnel, cela implique également d’accompagner les professionnelles et les professionnels, mais aussi les enfants, en les familiarisant avec les services disponibles et avec les étapes de la trajectoire d’accompagnement. Enfin, l’adoption de protocoles et de modes opératoires peut être nécessaire pour clarifier les différentes étapes du processus de protection afin de garantir la collaboration effective entre les secteurs et les métiers qui fournissent des services aux enfants. Les procédures multisectorielles facilitent les échanges entre secteurs afin d’optimiser les interventions. Cette approche globale
Cela nous rappelle également que, quel que soit l’endroit où il se trouve dans le monde, chaque enfant évolue au sein d’un système de protection, composé de filles et de garçons, d’hommes et de femmes ayant des rôles et des responsabilités au sein d’un environnement protecteur. En tant que défenseurs de leurs propres droits, les enfants sont au cœur même de ce système, dans lequel interviennent la famille, la communauté, l’État et la communauté internationale, de façon formelle et informelle. L’approche multisectorielle consiste à prendre en compte ces différentes sphères, à les outiller et à les renforcer pour que chaque acteur, depuis la commerçante ou le commerçant du quartier jusqu’au grand-parent, en passant par la fratrie, la législatrice ou le législateur, le corps enseignant, le voisinage, la policière ou le policier, l’avocate ou l’avocat, la ou le juge, la travailleuse ou le travailleur social, la ou le chef traditionnel ou religieux ou encore la ou le journaliste, joue pleinement son rôle de promotion et de protection des droits de l’enfant.
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« Les processus consultatifs autour des référentiels de compétences m’ont poussée à réfléchir à l’aspect humain des structures et des systèmes destinés aux enfants et, par conséquent, sur la nécessité de définir les compétences essentielles des ressources humaines y travaillant. Ces processus m’ont également aidée à voir clairement l’importance d’une approche intersectorielle pour améliorer les systèmes de justice et de protection des enfants ». - Daniela Baro, Protection de l’enfance, Bureau régional de l’UNICEF pour l’Afrique centrale et de l’Ouest (2020)
ÉTUDE DE CAS
Honduras À la suite d’une analyse participative menée conjointement avec les structures étatiques et avec la société civile, le Bureau mène depuis 2019 un travail qui vise à améliorer la réponse des autorités honduriennes à la traite des personnes, au niveau institutionnel et communautaire. Il a notamment pour objectif de renforcer le système actuel de réaction à la traite et l’exploitation d’êtres humains, dirigé par la Commission interinstitutionnelle contre l’exploitation sexuelle commerciale et la traite des personnes (CICESCT), et ses membres (tels que le ministère du Travail, le bureau du procureur, le pouvoir judiciaire ou les forces de police) au niveau national et local. L’approche par compétences est intégrée ici dans la dimension multisectorielle de l’action menée en faveur de la protection des droits de l’enfant au Honduras.
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Plus spécifiquement, au niveau communautaire, une approche participative a été développée pour renforcer les connaissances et les capacités des membres des municipalités et de la société civile à identifier les menaces de traite et à mettre en place des mécanismes d’alerte rapide. De leur côté, les compétences des fonctionnaires des institutions honduriennes (police, justice, ministère du Travail et CICESCT) en matière de poursuite des délits de traite et d’exploitation de personnes ont été renforcées. Le Honduras est un très bel exemple d’utilisation de l’approche par compétences pour renforcer l’action multisectorielle, notamment en intégrant des secteurs souvent négligés en matière de protection de l’enfant.
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Pour conclure, une intégration réussie de l’approche par compétences repose sur la mobilisation de nombreux acteurs de changement. Ce sont des personnes dont la profession, la position hiérarchique ou sociale, le domaine d’intervention ou encore la capacité d’influence permettent de générer des changements dans la société et plus précisément dans le domaine de la protection de l’enfant. Sont inclus toutes les praticiennes et tous les praticiens évoluant au contact des enfants, les membres des institutions, les leaders d’opinion ou religieux, mais aussi toute personne faisant partie du système de protection de l’enfant formel et non formel, pouvant être sensibilisée et mobilisée pour devenir vecteur de changement. C’est la somme de la mobilisation de toutes et de tous qui fera évoluer les normes sociales et les perceptions en matière de droits de l’enfant, favorisant l’évolution des cadres légaux, économiques et politiques, et permettant de construire un système de protection de l’enfant adapté et respectueux de ses droits, de façon durable. Renforcer les compétences de tous les acteurs du système de protection de l’enfant, y compris ceux plus souvent négligés, et améliorer les procédures qui gouvernent leurs interactions permet de mettre en valeur leur contribution et d’améliorer la richesse du tissu social censé protéger les enfants.
« La mise en place de ces compétences-clés permet d’harmoniser la prise en charge des enfants au niveau mondial. »
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- Issoufou Alkassoum, directeur des alternatives à l’incarcération et de la réinsertion au Niger (2020)
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05 FEUILLES DE ROUTE POUR HUIT PAYS D’AFRIQUE FRANCOPHONE
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L
ors de l’atelier de Ouagadougou, organisé en octobre 2021 dans le cadre de la consultation sur l’intégration de l’approche par compétences dans les métiers et les services de protection de l’enfant, des représentantes et des représentants de huit pays d’Afrique francophone ont travaillé sur des feuilles de route nationales reprenant des objectifs concrets pour leur système de protection de l’enfant.
feuilles de route, elles fournissent également des outils concrets permettant d’améliorer ses pratiques et repenser sa culture afin d’intégrer le principe de redevabilité envers les enfants dans ses missions fondamentales.
Ces feuilles de route sont proposées à titre indicatif et sont destinées aux autorités, aux gestionnaires, aux directions et aux responsables de services afin de leur donner des pistes concrètes pour intégrer l’approche par compétences dans leurs politiques, leurs stratégies, leurs orientations et leurs directives et de leur permettre de disposer d’une approche pratique pour amorcer des changements significatifs et durables au sein de leurs équipes. Ces feuilles de route sont des propositions concrètes, réalistes, liées aux stratégies nationales actuelles et mesurables, qui peuvent appuyer la professionnalisation des services de première ligne (directement en contact avec les enfants) des pays concernés, en adoptant une vision forte et structurante des instances chargées de la protection de l’enfant. Pour les organisations de ces pays, comme pour d’autres qui souhaitent s’inspirer de ces
« Les référentiels de compétences […] sont d’un grand apport dans l’élaboration de programmes ou de politiques continentales pour la protection des enfants. Le renforcement des compétences du personnel œuvrant auprès des enfants est une priorité de l’Union africaine, et nous recommandons aux États membres de l’Union de s’approprier ces référentiels pour accélérer les démarches de professionnalisation et d’encadrement, dans le but de mieux respecter les droits de l’enfant. » - Mariama Mohamed Cissé, directrice des affaires sociales de la Commission de l’Union africaine en Éthiopie (2020)
Voici les grandes lignes des huit feuilles de route, présentées par ordre alphabétique, des pays concernés.
BURKINA FASO {
Élaborer et mettre en œuvre un plan de dissémination des référentiels de compétences-clés auprès des acteurs de la protection de l’enfant
{
Élaborer, harmoniser et diffuser des outils de suivi, de supervision et d’encadrement en matière de protection de l’enfant
{
Renforcer l’appropriation et l’utilisation du système de collecte de données QoS (Quality of Service), en tant qu’outil national de suivi de la qualité des services de protection de l’enfant
{
Élaborer un plan de renforcement de capacités des acteurs de la protection de l’enfant à partir des compétences-clés déterminées
{
Organiser des sessions de formation de formatrices et formateurs en vue de constituer un bassin de personnes formatrices expertes sur les enjeux majeurs de la protection de l’enfant
{
Mettre en place un plan de renforcement des capacités du Parlement des enfants (formation en leadership, renforcement des textes, renouvellement des instances)
{
Faire un plaidoyer pour la spécialisation en protection de l’enfant de la magistrature, des OPJ (officières et officiers de la police judiciaire), et du personnel pénitentiaire
{
Mettre en place un plan de carrière motivant pour les agentes et les agents spécialisés dans le domaine de la protection de l’enfant
- 44 -
CÔTE D’IVOIRE Organiser des sessions de formation continue pour les professionnelles et professionnels chargés de la protection de l’enfant à partir des référentiels de compétences, dans les zones à forte prévalence de violences faites aux enfants définies dans l’enquête sur la violence faite aux enfants et aux jeunes (VACS)
{
Organiser des sessions de formation basées sur les référentiels de compétences pour les points focaux des bureaux d’accueil genre de la Police nationale et de la gendarmerie
{
Vulgariser les référentiels de compétences-clés auprès des enseignantes et des enseignants des écoles de formation professionnelles des métiers de la protection de l’enfant
{
Renforcer la synergie entre les différents mécanismes sectoriels existants
{
Redynamiser les bassins de formatrices et de formateurs au sein de la police et de la gendarmerie
{
Réviser les modules de formation pour les forces de police et les gendarmes en y intégrant les violences sexuelles et sexistes
{
Harmoniser les mécanismes de collecte de données entre les services de police et de gendarmerie au niveau interne et externe
{
Organiser des sessions de formation conjointes entre les membres de la police et de la gendarmerie, le personnel de justice et celui du secteur social sur les nouvelles dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale relatives à la gestion des cas des enfants au contact du système judiciaire
{
Renforcer les capacités opérationnelles des services de protection spécialisée pour les enfants des localités à forte prévalence de violences faites aux enfants définies dans l’enquête VACS
{
Renforcer les capacités opérationnelles des bureaux d’accueil genre de la police et de la gendarmerie
{
Renouveler les instances du Parlement des enfants
{
Proposer une circulaire pour la formalisation de la Cellule de coordination genre de la Police nationale
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{
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MALI Réviser le code de protection pour faire adopter la loi sur la protection de l’enfant
{
Élaborer des modules de renforcement des capacités multisectorielles (protection, justice, sécurité, santé, secteur social) sur la protection de l’enfant
{
Mettre en place un bassin de formatrices et de formateurs nationaux pour démultiplier la formation au niveau régional et local
{
Former des gestionnaires sur les outils harmonisés en gestion de cas d’enfants
{
Poursuivre la mise en place des comités et des réseaux de protection de l’enfant avec les enfants et les communautés
{
Renforcer les capacités des structures d’accueil des enfants pour prendre en charge leurs besoins, y compris les besoins de ceux qui sont en situation de handicap
{
Renforcer les cadres de concertation multisectoriels de tous les intervenants (structures étatiques, société civile, partenaires techniques et financiers, ONG/associations, institutions de prise en charge…)
© Pexels
{
NIGER {
Faire une mise à jour de la stratégie nationale de protection de l’enfant en l’adaptant au contexte actuel et aux quatre référentiels de compétences-clés
{
Appuyer techniquement les différents comités de protection de l’enfant
{
Tendre vers une budgétisation sensible à la protection des droits de l’enfant
{
Créer un bassin de formatrices et de formateurs multisectoriels experts en droits de l’enfant
{
Accélérer l’adoption du Code de l’enfant
{
Renforcer les capacités du Parlement des enfants
{
Développer un plan RH pour spécialiser (fidéliser) les différents acteurs de la protection de l’enfant
{
Encourager l’harmonisation et l’utilisation des outils et du système de collecte de données en matière de droits de l’enfant
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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
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SECTEUR SOCIAL {
Recruter des paratravailleuses et paratravailleurs sociaux et renforcer leurs capacités
{
Redynamiser et adapter le logiciel destiné à la Direction des interventions sociales pour la protection de l’enfant (DISPE)
{
Mener un plaidoyer pour un mécanisme allégé d’inscription à l’Institut national des travailleurs sociaux
{
Obtenir un décret en faveur de la création du parlement des enfants en 2022
{
Élaborer le plan stratégique et les documents de politiques nationales sur la protection de l’enfant
{
Plaider pour l’augmentation du budget de la protection à 2 % en 2022
SECTEUR DE LA JUSTICE {
Mettre en place un programme national de réinsertion sociale des enfants en conflit avec la loi
{
Doter les établissements de garde de lignes budgétaires
{
Intégrer les modules de formation sur la protection de l’enfant au sein de l’Institut national de formation judiciaire (INAFORJ) destinés aux agentes et aux agents de la Direction de la protection de l’enfant
SECTEUR DE LA POLICE {
Faire connaître la loi portant protection de l’enfant
{
Élaborer un plan d’action pour la protection de l’enfant
{
Amener le Département de protection de l’enfant au niveau d’une Direction
MULTISECTORIEL {
Harmoniser et fusionner les différents outils entre les trois secteurs afin de n’en créer qu’un seul et le diffuser largement
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SÉNÉGAL Mettre en place un plan national de renforcement des compétences des intervenantes et des intervenants de la protection de l’enfant
{
Mettre à jour les modules de formation sur les droits de l’enfant dans la formation initiale et continue des fonctionnaires de police
{
Renforcer les capacités des agentes et des agents de l’administration pénitentiaire sur les droits de l’enfant, en intégrant la prise en charge psychosociale
{
Généraliser la formation sur les droits de l’enfant à tous les agentes et les agents de l’administration pénitentiaire
{
Mettre en place un bassin multisectoriel de formatrices et de formateurs
{
Améliorer le dispositif national de protection de l’enfant
{
Octroyer un budget conséquent aux comités départementaux de protection de l’enfant
{
Mettre en place un système informatique multisectoriel intégré de prise en charge des enfants
{
Mettre en place et opérationnaliser des bases de données nationales fiables
{
Augmenter les budgets alloués à la protection de l’enfant
{
Impliquer les maires dans la protection des enfants de leur localité en les incitant à adopter une budgétisation sensible aux droits de l’enfant dans leurs collectivités
{
Procéder au recrutement d’une équipe pluridisciplinaire pour le personnel de la brigade des mineurs
{
Fidéliser le personnel chargé de la protection de l’enfant
{
Harmoniser le cadre juridique et institutionnel de la protection de l’enfant
{
Créer un Conseil supérieur de l’enfant rattaché à la Présidence de la République, chargé d’assurer le suivi de la situation de l’enfant dans le pays et de coordonner les programmes des différents départements, structures et institutions qui s’occupent de l’enfant
{
Adopter le Code de l’enfant
{
Instituer une ou un défenseur des enfants
{
Renouveler le Parlement des enfants et assurer le renforcement de capacités des enfants parlementaires en termes de participation
{
Intégrer la protection en ligne dans les programmes de protection de l’enfant et de sensibilisation des populations
{
Renforcer les cadres de coordination
{
Renforcer les synergies d’interventions des acteurs avec des modes opératoires normalisés
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{
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TOGO Renforcer la coordination et la complémentarité entre les acteurs au moyen d’une plus grande synergie d’action (intégrer les modes opératoires)
{
Réorganiser la Direction de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion
{
Vulgariser les référentiels de compétences auprès des services chargés de la protection de l’enfant dans les ministères
{
Valider et adopter la stratégie nationale de justice juvénile
{
Renforcer les mécanismes communautaires de protection
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{
TUNISIE {
Opérationnaliser le Conseil supérieur de la protection de l’enfant
{
Finaliser et mettre en place la Politique intégrée de la protection de l’enfant
{
Réviser le Code de protection de l’enfant avec une approche participative de tous les acteurs et des enfants
{
Réviser la loi organique de la magistrature (vers la spécialité)
{
Élaborer et mettre en œuvre une stratégie de plaidoyer en faveur des alternatives à la détention des enfants
{
Renforcer la coordination entre les différentes sphères du système de protection de l’enfant, par la création de nouveaux protocoles de collaboration, d’un comité central et de comités régionaux de coordination
{
Développer un système d’information spécifique aux enfants en contact avec la loi et créer des rapports périodiques partagés à tous les ministères
{
Renforcer les capacités des acteurs en charge de promouvoir les alternatives à la détention des enfants
{
Développer de meilleurs outils de planification
{
Développer et mettre en œuvre un système de suivi et d’évaluation des plans d’action
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06 ANNEXES
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QUELQUES RESSOURCES PRATIQUES RELATIVES AUX COMPÉTENCES-CLÉS
UN GUIDE PRATIQUE SUR L’ENTRETIEN ET L’ACCOMPAGNEMENT DE L’ENFANT VICTIME DE VIOLENCE L’Organisation internationale de la Francophonie a élaboré un guide pratique sur l’entretien et l’accompagnement de l’enfant victime de violences avec l’aide de spécialistes d’une dizaine de professions liées aux enfants (médecins, psychiatres, pédiatres, assistantes et assistants sociaux, institutrices et instituteurs, policières et policiers, procureures et procureurs, magistrates et magistrats, membres de la Commission nationale des droits de l’homme, défenseurs des enfants, ONG) issus de plusieurs pays francophones. Consacré aux techniques d’entretien et d’accompagnement de l’enfant victime de violences, il est destiné aux professionnelles et aux professionnels de la police et de la justice.
PROTÉGER LES DROITS DES ENFANTS DANS LES SYSTÈMES DE JUSTICE PÉNALE Un manuel de formation et un point de référence pour les professionnels et les décideurs politiques (en anglais), de Penal Reform International10.
GUIDE D’AUTO-ÉVALUATION DU PERSONNEL CHILDREN’S RIGHTS BEHIND BARS Réinsertion et droits de l’enfant dans une perspective participative de Défense des enfants International (DEI) Belgique11.
BRIGHT SPOTS PROGRAMME Une systémisation d’exemples incorporant les perspectives des enfants dans les services fournissant des soins alternatifs12.
10. Disponible en ligne : https://cdn.penalreform.org/wp-content/uploads/2013/11/Childrens-rights-training-manual-Final%C2%ADHR1.pdf 11. Disponible en ligne : http://www.childrensrightsbehindbars.eu/images/DEI_EU-handbook_FR_LowRes-interactif.pdf 12. Disponible en ligne : https://coramvoice.org.uk/for-professionals/bright-spots/bright-spots-programme/
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FOUNDATIONS FOR YOUNG PEOPLE’S BOARD Un exemple de jeunes impliqués dans des conseils d’administration stratégique13.
CRITÈRES POUR LA CONCEPTION ET L’ÉVALUATION DES PROGRAMMES DE RÉFORME DE LA JUSTICE JUVÉNILE14
RESSOURCE DE SOUTIEN PSYCHOLOGIQUE DANS LES CONTEXTES D’URGENCE15
DES PRATIQUES PROMETTEUSES PROVENANT DE DIVERS HORIZONS
› Des outils pour mieux défendre les droits des enfants victimes et témoins d’actes criminels Le 22 juillet 2005 marque l’adoption des Lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels par le Conseil économique et social des Nations Unies. Dès lors, un accord tripartite entre l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), l’UNICEF et l’IBCR a mené à la création de divers documents de vulgarisation portant sur ces Lignes directrices, parmi lesquels : • La version dans un langage adapté aux enfants des Lignes directrices de l’Organisation des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels, qui permet d’illustrer et d’expliquer la nature et la portée de chacun des dix droits énoncés • Le Manuel sur les enfants victimes et témoins d’actes criminels, qui explique aux professionnelles et aux
professionnels de la justice comment appliquer les Lignes directrices sur les enfants victimes en loi et en pratique • Le Livret d’introduction, qui présente les Stratégies et mesures concrètes types des Nations Unies relatives à l’élimination de la violence à l’encontre des enfants dans le contexte de la prévention du crime et de la justice pénale en décrivant les 17 stratégies et des mesures pour les mettre en œuvre • Le Programme de formation pour les juges, les procureures et les procureurs en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels, qui facilite la planification et la formation, y compris la formation des formatrices et formateurs
13. Disponible en ligne : https://www.chip-partnership.co.uk/2016/08/08/young-peoples-board/ 14. Disponible en ligne : https://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/crimeprevention/Criteria_E_book.pdf 15. Disponible en ligne : https://www.who.int/teams/mental-health-and-substance-use/treatment-care/equip-ensuring-quality-in-psychological-support et https://whoequip.org
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› En France, une application « mobile learning » pour mieux agir face aux enfants victimes de traite Dans le cadre du projet européen ReACT, co-financé par la Commission européenne, l’ONG ECPAT France a développé en 2017 une application « mobile learning » disponible sur l’App Store ou sur Google Play en tapant « ECPAT France ». Cette application permet d’accéder facilement à des formations en ligne (mode hors-ligne, possibilité de suivre la formation en plusieurs temps) et à tout moment de la journée. Les formations sont ludiques et interactives
(jeux, vidéos d’experts, fiches thématiques, etc.) et permettent de compléter des formations en présentiel. L’application comporte aujourd’hui une formation sur la traite des enfants en France à destination, notamment, des avocates et des avocats et des tutrices et des tuteurs. D’autres modules, sur d’autres thèmes et pour différents actrices et acteurs, sont en cours de développement.
› Pérou : le réseau national de magistrature De plus, les membres peuvent ainsi coordonner leurs actions et leurs stratégies conjointes en vue de défendre les droits humains, particulièrement ceux des femmes, des enfants et des adolescentes et des adolescents victimes de violence sexuelle, de traite, de migration, de trafic et d’exploitation sexuelle. Les magistrates et les magistrats faisant partie du réseau ont leurs propres façons de se concerter et de se soutenir, grâce aux courriels, à des groupes WhatsApp et à des conférences téléphoniques. Ces échanges sont rendus possibles en raison des relations qui se sont développées au fil de ces rencontres depuis plusieurs années. Cette expérience a permis de démontrer à quel point il est important de créer des opportunités d’échanger des informations et d’apprendre dans le but d’améliorer la défense des droits fondamentaux de l’ensemble des victimes d’actes criminels.
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En 2013, CHS Alternativo, une organisation issue de la société civile péruvienne, a milité en faveur de la création d’un réseau national de magistrature luttant contre la traite de personnes. Depuis, le réseau a sélectionné les acteurs impliqués dans la justice (procureures et procureurs, juges, policières et policiers ainsi que les personnes chargées de la défense des victimes) les plus motivés et engagés, qui ont pris part à divers exercices de renforcement des capacités. Le réseau comptait au départ 35 membres et en compte aujourd’hui plus de 120, provenant des quatre coins du Pérou. Ils sont invités au moins deux fois par an à prendre part à des ateliers de formation qui leur permettent non seulement de renforcer leurs capacités, mais également de consolider la coopération entre eux.
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GLOSSAIRE › Âge minimum de responsabilité pénale L’âge minimum de responsabilité pénale est « l’âge minimum en dessous duquel les enfants sont présumés n’avoir pas la capacité d’enfreindre la loi pénale »16. Ce seuil minimum, établi par la loi, signifie que seuls les enfants ayant atteint, ou dépassé cet âge au moment où ils auraient commis un crime peuvent être soumis à des procédures pénales et reconnus coupables. Le Comité des droits de l’enfant encourage les États à fixer l’âge de responsabilité pénale à 14 ans, au minimum17. › Approche multisectorielle Approche qui consiste à prendre en compte l’ensemble des différentes sphères d’intervenants du système de protection de l’enfant, à les outiller et à les renforcer pour que chaque acteur puisse, de façon complémentaire, jouer pleinement son rôle de promotion et de protection de l’enfant. › Approche par compétences Une approche qui vise à renforcer les capacités de personnes en matière de protection et de mise en œuvre pratique des droits de l’enfant. Avec pour but la maîtrise des compétences-clés préalablement identifiées, cette démarche consolide les attitudes, les aptitudes et les connaissances qu’une personne possède déjà ou aura à acquérir afin d’agir de manière adaptée et adéquate lorsqu’elle interagit avec un enfant. › Détentrices et détenteurs d’obligations en droits de l’enfant Les premiers responsables de la garantie, de la protection, et du respect des droits de l’enfant sont les gouvernements et les prestataires de services étatiques qui mettent en œuvre des actions au niveau législatif, politique, structurel, culturel économique et social, en faveur du respect des droits de l’enfant. Plus généralement, les adultes qui détiennent des responsabilités envers un enfant ont également l’obligation de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits de l’enfant.
› Enfant L’enfant est tout être humain âgé de moins de 18 ans, à moins que la majorité soit légalement acquise plus tôt18. › Enfant en conflit avec la loi Un enfant en conflit avec la loi est tout enfant suspecté, accusé ou trouvé coupable d’avoir commis une infraction pénale19. L’enfant en conflit avec la loi est présumé innocent tant qu’un tribunal indépendant et impartial n’a pas légalement établi sa culpabilité. Selon la situation, ces enfants peuvent également être victimes ou témoins d’actes criminels20. › Enfant en contact avec la justice Par « enfant en contact avec la justice » ou « en contact avec la loi », on se réfère à tout enfant qui est confronté au système judiciaire que ce soit en matière pénale, à titre de victime, de témoin, ou parce qu’elle ou il est en conflit avec la loi, ou en matière civile (dans un contexte familial, d’adoption ou de protection, etc..), ou encore pour des raisons administratives (enfant déplacé, en demande de statut migratoire, etc.)21. › Forces de défense et de sécurité Personnels étatiques ayant reçu le mandat de garantir la sécurité de l’État, la défense de ses intérêts et la protection de ses citoyens et territoires vis-à-vis de toute menace. Selon le modèle administratif de chaque État, cela regroupe les forces armées, mais aussi les forces de police et de gendarmerie, les gardes nationaux, les forces paramilitaires (garde-frontières, garde-côtes, sapeurs-pompiers…) et les services de renseignements et autres organes similaires. › Formation en droits de l’enfant Formation qui consiste à doter le personnel d’un secteur du système de protection de l’enfant des compétences-clés indispensables pour mener une interaction professionnelle et respectueuse des droits de l’enfant. La formation doit être adaptée au contexte et au public cible, recourir à des principes de pédagogie participative destinée aux adultes, et être évaluée. Elle peut être
16. Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), 1577 UNTS 3, art. 40, paragr. 3, alinéa c). 17. Comité des droits de l’enfant, Observation générale no 24 sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour enfants, 18 septembre 2019 (CRC/C/GC/24), par. 22 18. Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), 1577 UNTS 3, art. 1er 19. ONU Assemblée générale, Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) : résolution adoptée par l’Assemblée générale, 29 novembre 1985, A/RES/40/33, disponible en ligne: https://www.refworld.org/docid/3b00f2203c. html, Règle 2.2 c 20. [Traduction libre] UNICEF, Toolkit on Diversion and Alternatives to Detention, « Full glossary of terms », disponible en ligne: https://sites.unicef.org/ tdad/index_56042.html 21. Assemblée générale des Nations Unies, Stratégies et mesures concrètes types des Nations Unies relatives à l’élimination de la violence à l’encontre des enfants dans le contexte de la prévention du crime et de la justice pénale (2014), A/RES/69/194 art. 6c ; Lignes directrice ECJ AIMJF.
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initiale (ciblant les nouvelles recrues), spécialisée (ciblant les unités spécialisées ou les professionnels de rang supérieur) et continue (ciblant le personnel actuellement en service).
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› Institutions de privation de liberté pour enfants Les institutions de privation de liberté réfèrent à « tous les établissements publics ou privés ne relevant pas du système judiciaire ou de l’administration pénitentiaire, dans lesquels des enfants peuvent être privés de liberté. Il peut s’agir entre autres, mais pas uniquement, d’orphelinats, de centres éducatifs renforcés (reform schools), de foyers fermés (closed remand rooms) ou d’autres institutions correctionnelles, d’établissements destinés aux enfants handicapés, aux enfants atteints de problèmes de santé (par exemple, d’établissements de traitement des troubles du comportement, d’établissements psychiatriques), ou encore aux enfants ayant une dépendance à la drogue, à l’alcool ou une autre forme de dépendance, d’établissements chargés de la protection des victimes de maltraitances, notamment de la traite, ou accueillant des enfants privés de protection parentale, dont les intéressés ne sont pas autorisés à sortir à leur gré22».
› Intérêt supérieur de l’enfant L’intérêt supérieur de l’enfant est un concept qui vise à assurer la réalisation effective des droits de l’enfant ainsi que son développement global. C’est un droit de fond dans la mesure où tout enfant a le droit à ce que son intérêt supérieur soit évalué et constitue une considération primordiale pour toute décision qui le concerne. C’est aussi un principe d’interprétation juridique à prioriser par rapport aux autres interprétations possibles. En outre, c’est une règle de procédure puisque tout processus décisionnel doit comporter une évaluation des impacts positifs et négatifs sur l’enfant ou les enfants concernés. Par conséquent, l’intérêt supérieur de l’enfant se détermine au cas par cas en fonction de la situation particulière de l’enfant ou des enfants concernés, selon les circonstances, le contexte et les besoins des intéressés23. › Justice réparatrice La justice réparatrice est une approche alternative à la procédure judiciaire selon laquelle la personne victime ou survivante, l’auteur d’un crime et, dans certains cas, d’autres personnes affectées par le crime, participent activement, ensemble, à la résolution des problèmes découlant du crime, généralement avec l’aide d’une médiatrice ou d’un médiateur24. C’est une approche qui offre la possibilité aux personnes victimes d’obtenir réparation, de se sentir davantage en sécurité et de trouver l’apaisement tout en permettant à l’auteur du crime de prendre conscience des causes et des effets de son comportement ainsi que d’assumer sa responsabilité de manière constructive25. › Modes opératoires L’ensemble des cahiers des charges, des procédures internes et des protocoles intersectoriels (souvent appelés en anglais « Standard Operating Procedures »), qui dictent et formalisent les façons de procéder au sein d’un service, d’un corps professionnel ou d’un système, en précisant comment mener des interventions efficaces et conformes aux normes internationales. › Participation de l’enfant La participation de l’enfant renvoie aux « processus continus qui comprennent le partage d’information et le dialogue entre enfants et adultes, sur la base du respect mutuel et par lesquels les enfants peuvent apprendre
22. Questionnaire de l’Étude mondiale sur les enfants privés de liberté, 2016. p.5, disponible en ligne : https://childrendeprivedofliberty.info/wp-content/ uploads/2018/07/GlobalStudyCDL_Questionnaire_FR.pdf 23. Comité des droits de l’enfant, Observation générale n°14, sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, 29 mai 2013 (CRC/C/GC/14). 24. [Traduction libre] UNICEF, Toolkit on Diversion and Alternatives to Detention, « Definition », disponible en ligne : https://sites.unicef.org/tdad/index_56040.html 25. Conseil économique et social des Nations unies (CESNU), Principes fondamentaux relatifs au recours à des programmes de justice réparatrice en matière pénale : résolution / adoptée par le Conseil économique et social, 24 juillet 2002, E/RES/2002/12, disponible en ligne : https://www.refworld. org/docid/46c455820.html, Préambule
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comment leur vue et celle des adultes sont prises en compte et influent sur le résultat de ces processus»26. Ces processus de participation de l’enfant doivent nécessairement être transparents et instructifs, volontaires, respectueux, pertinents, adaptés à l’enfant, inclusifs, sûrs et tenant compte des risques, responsables et enfin, menés par des adultes formés27. › Personnel œuvrant auprès d’enfants privés de liberté Toute personne dont le mandat est de veiller à la surveillance et au bien-être des enfants privés de liberté sur ordre d’une autorité judiciaire, administrative ou autre autorité publique. Ce personnel travaille dans des centres ou établissements, publics ou privés, de détention ou de placement d’enfants ainsi que tout autre lieu duquel l’enfant n’est pas autorisé à sortir selon sa volonté.
› Réadaptation La réadaptation est la phase suivant la remise en liberté d’un enfant ou la fin d’une peine, au cours de laquelle il continue d’être suivi et supervisé, qui vise à soutenir le retour d’un enfant dans sa communauté et à réduire les risques de récidive30. Les mesures de réadaptation peuvent inclure la probation, le conseil et l’inscription dans un programme d’aide à la communauté, ou d’autres formes d’engagements. Les termes « réintégration » ou « réinsertion » sont généralement préférés à celui de « réadaptation », car ce dernier fait abstraction des facteurs externes et de responsabilités qui participent de sorte qu’un enfant entre en conflit avec la loi31.
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› Privation de liberté La privation de liberté correspond à toute forme de détention, d’emprisonnement ou de placement d’un enfant dans un établissement public ou privé dont il n’est pas autorisé à sortir à volonté et où la liberté de circulation est substantiellement entravée, sur ordre d’une autorité judiciaire, administrative ou autre autorité publique28. La détention de l’enfant peut prendre plusieurs formes incluant celle au titre d’administration de la justice, d’enfants vivant en prison avec leur pourvoyeur primaire de soins, par le placement en institution, dans le cadre de conflits armés, pour des motifs de sécurité nationale ou de rétention en contexte migratoire29.
› (Ré)intégration ou (ré)insertion La réintégration, ou réinsertion, est un processus qui permet aux enfants de prendre ou de reprendre leur place dans la société. Celui-ci implique une réintégration sociale, économique et politique, par exemple par le rétablissement des liens familiaux, des relations avec les pairs et avec les membres de la communauté. Il suppose également la participation à des activités éducatives ou de subsistance, à des activités culturelles et de loisirs et à des processus décisionnels. L’article 40 de la CDE rappelle que tout enfant en conflit avec la loi doit être traité d’une manière qui tienne compte de l’opportunité de promouvoir sa réintégration et d’assumer un rôle constructif dans la société32.
26. Comité des droits de l’enfant, Observation générale n°12, sur le droit de l’enfant d’être entendu, 20 juillet 2009 (CRC/C/GC/12), par. 3 27. Tiré de l’Observation générale n°12 du Comité des droits de l’enfant, 20 juillet 2009 (CRC/C/GC/12), par. 134. 28. Règles de La Havane, art. 11(b). Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté; Haut-Commissariat Des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Principes directeurs relatifs aux critères et aux normes applicables à la détention des demandeurs d’asile et alternatives à la détention, 2012, disponible en ligne : https://www.refworld.org/docid/503489533b8.html 29. ONU Assemblée générale, Étude mondiale sur les enfants privés de liberté, 11 juillet 2019, A/74/136, disponible en ligne : https://undocs.org/ fr/A/74/136 30. UNICEF et PRI, La justice pour mineurs Manuel de formation, 2013, disponible en ligne : https://cdn.penalreform.org/wp-content/uploads/2013/06/ full-doc-in-french.pdf 31. [Traduction libre] UNICEF, Toolkit on Diversion and Alternatives to Detention, « Full glossary of terms », disponible en ligne : https://sites.unicef.org/ tdad/index_56042.html 32. Ibid.
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› Services adaptés aux enfants Des services accessibles, respectueux et inclusifs, qui sont pertinents pour les droits, besoins et réalités des enfants, et qui garantissent la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, de son opinion et son droit à la participation. Ils permettent un traitement équitable et qui protège la survie et le développement de l’enfant, conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant. › Système de protection de l’enfant Tout enfant évolue au sein d’un environnement dans lequel chacune des personnes, des organisations et des institutions possède un rôle et des responsabilités afin de lui permettre de voir ses droits respectés et de s’épanouir pleinement. En tant qu’acteurs premiers de la défense de leurs propres droits, les enfants sont au cœur de ce système, auquel prennent part leur famille et leur collectivité, l’État et la communauté internationale, et ce, selon des structures formelles ou informelles. Ce « système de protection » englobe une multiplicité et une diversité de microsystèmes, et est encadré par des lois, des politiques ainsi que des normes sociales et culturelles.
› Victimisation secondaire La victimisation secondaire réfère à la victimisation qui ne résulte pas directement d’un acte criminel, mais de la réaction d’institutions et de particuliers envers l’enfant victime35. C’est une atteinte indirecte qui fait suite à l’atteinte initiale commise contre l’enfant et réfère aux « attitudes et comportements de culpabilisation de la victime ainsi que les pratiques engagées par les fournisseurs de services communautaires ayant pour conséquence un traumatisme supplémentaire […]». La victimisation secondaire peut également s’entendre comme la réaction sociale négative par rapport à l’atteinte initiale, qui est vécue par les victimes comme une atteinte supplémentaire36.
› Travailleuses et travailleurs sociaux Toute personne ayant une formation professionnelle axée sur la protection sociale, dont les champs d’intervention concernent l’accompagnement des enfants, des familles, des groupes et des communautés afin d’améliorer durablement le bien-être et la situation des personnes, tout en renforçant leur pouvoir d’agir tant au niveau individuel que social. Le personnel de travail social rassemble par exemple les travailleuses et travailleurs sociaux, les assistantes et assistants sociaux, les intervenantes et intervenants sociaux, les éducatrices et éducateurs spécialisés ou d’autres dénominations équivalentes en fonction du contexte de chaque pays. › (Re)victimisation Par revictimisation, on entend une situation dans laquelle un enfant est victime de plusieurs incidents criminels pendant une période déterminée33. Cela inclut toute forme d’abus, de harcèlement ou d’agression physique ou psychologique perpétrée à la suite de la victimisation initiale. Ce concept réfère à la tendance statistiquement prouvée selon laquelle un enfant ayant été victime d’abus ou d’un crime risque de l’être à nouveau, à court terme ou à l’âge adulte34.
33. UNODC, Justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels : Loi type et commentaire, 2009, p. 5, disponible en ligne : https://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/ModellawFR.pdf 34. Groupe de Travail Interinstitutionnel sur l’exploitation sexuelle des enfants 2016, Guide de Terminologie pour la Protection des Enfants contre l’Exploitation et les abus sexuels, 2016, p. 91, disponible en ligne : https://www.ohchr.org/Documents/Issues/Children/SR/TerminologyGuidelines_fr.pdf 35. UNODC, Justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels : Loi type et commentaire, 2009, p. 5, disponible en ligne : https://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/ModellawFR.pdf 36. Groupe de Travail Interinstitutionnel sur l’exploitation sexuelle des enfants 2016, Guide de Terminologie pour la Protection des Enfants contre l’Exploitation et les abus sexuels, 2016, P. 92, disponible en ligne : https://www.ohchr.org/Documents/Issues/Children/SR/TerminologyGuidelines_fr.pdf
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À PROPOS DE L’IBCR Fondé en 1994, le Bureau international des droits des enfants – aussi appelé « le Bureau » ou « l’IBCR » – est une organisation non gouvernementale internationale dont la mission est de contribuer au respect et à la promotion des droits de l’enfant, conformément aux engagements prescrits par la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) et ses protocoles facultatifs. Animé par la volonté de participer à la création d’un monde dans lequel chaque enfant jouit de l’intégralité de ses droits, sans discrimination et en toute circonstance, le Bureau contribue à renforcer les systèmes de protection de l’enfant et les compétences de celles et de ceux qui œuvrent directement auprès des enfants. Son approche repose sur les quatre grands principes de la CDE : la prise en considération systématique de l’intérêt supérieur de l’enfant, la non-discrimination, le droit à la vie, à la survie et au développement, ainsi que le respect de l’opinion de l’enfant et de son droit à la participation. Depuis sa création, le Bureau est intervenu dans près de 50 pays et a transmis son expertise en 7 langues, à plus de 64 000* intervenantes et intervenants formés pour mieux protéger les droits de millions d’enfants.
• Écouter et impliquer les enfants • Outiller et former durablement les personnes qui travaillent au contact des enfants • Accentuer le partage des responsabilités et la collaboration entre acteurs au sein des projets • Mobiliser et valoriser les acteurs de changement Le plan stratégique et la théorie du changement sont disponibles sur le site Internet de l’IBCR : www.ibcr.org/publications. Depuis 2015, le Bureau met en œuvre des projets multisectoriels et pluriannuels, avec l’ouverture de bureaux satellites et le déploiement d’équipes de terrain en République démocratique du Congo, au Burkina Faso, au Sénégal, au Costa Rica et au Honduras. Ces projets, dont la mise en œuvre se développe sur une période de trois à cinq ans, ont permis un renforcement des capacités en profondeur pour les forces de sécurité, le secteur du travail social et le secteur de la justice dans les cinq pays concernés. Ces projets sont menés en partenariat avec les gouvernements locaux et avec le soutien financier d’Affaires mondiales Canada et de l’UNICEF. Des volontaires viennent enfin compléter l’équipe opérationnelle des projets du Bureau et sont déployés dans 11 pays, auprès de 35 partenaires. *Les nombres présentés ici évoluent chaque année. En cas de doute, référez-vous à la brochure de l’IBCR, disponible en ligne sur son site internet.
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Le Bureau international des droits des enfants s’est doté en 2021 d’un nouveau plan stratégique, destiné à orienter ses activités et ses projets pour les quatre années à venir autour d’une ambition : « S’élever à la hauteur des enfants ». Dans un monde où la protection de l’enfant ne figure pas toujours dans les priorités de nombreuses institutions pourtant imputables en matière de droits de l’enfant, l’IBCR renforce son action pour générer des changements concrets dans la façon dont les enfants
sont accompagnés et protégés au quotidien. Cette nouvelle stratégie institutionnelle s’articulera ainsi autour de quatre piliers d’action :
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PUBLICATIONS DE L’IBCR
Un guide en matière de droit international humanitaire et de droit international des droits de la personne (2010)
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Atelier des experts sur la formation des forces de sécurité aux droits de l’enfant (Dakar, Sénégal, 2011)
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Initiative régionale de soutien à la justice pour mineurs au MoyenOrient et en Afrique du Nord (Amman, Jordanie, 2013)
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Cinquième atelier sur l’intégration des compétences-clés adaptées aux droits de l’enfant dans la formation et la pratique des forces de sécurité (Abidjan, Côte d’Ivoire, 2013
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Guide de référence sur les normes et les lois régionales et internationales pertinentes dans le cadre de la pratique policière en Afrique (2014)
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Évaluation des changements dans les attitudes, les connaissances et le comportement des forces de défense et de sécurité (2014)
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Paroles de jeunes et participation au processus de justice: trajectoires judiciaires de victimes et de témoins d’actes criminels au Québec (2017)
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Les compétences-clés des procureures et des procureurs et des juges en matière de droits de l’enfant – pour une adaptation des pratiques des magistrates et des magistrats aux droits de l’enfant (2018)
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Les compétences-clés des travailleuses et des travailleurs sociaux en matière de droits de l’enfant – pour une adaptation des pratiques des professionnelles et des professionnels du secteur social aux droits de l’enfant (2020)
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Les compétences-clés en matière de droits de l’enfant – pour une adaptation des pratiques du secteur de la justice, du travail social, des forces de sécurité et du personnel travaillant auprès des enfants privés de liberté en matière de droit de l’enfant (2020)
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Les compétences-clés du personnel travaillant auprès des enfants privés de liberté - Pour que la pratique du personnel travaillant auprès des enfants privés de liberté s’adapte aux droits de l’enfant (2021)
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TEXTES RELATIFS À LA PROTECTION DE L’ENFANT
Règles de Beijing : Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (1985)
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Règles de Tokyo : Règles des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (1990)
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Principes directeurs de Riyad : Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (1990)
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Règles de La Havane : Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (1990)
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Directives de Vienne : Directives relatives aux enfants dans le système de justice pénale (1997)
Les principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire (2002)
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Déclaration de Lilongwe sur l’accès à l’assistance juridique dans le système pénal en Afrique (2004)
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Résolution 2005/20 : Lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels (2005)
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Observation générale n° 10 portant sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs (2007)
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Approche de la justice pour les enfants commune aux entités du système des Nations Unies (2008)
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Règles de Bangkok : Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes et commentaires (2010)
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Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants (2010)
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Directives relatives à une action en faveur des enfants dans le système judiciaire en Afrique (2011)
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Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, OPIC (2011)
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Déclaration de Munyonyo sur la justice des mineurs en Afrique (2012)
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Standards minimums pour la protection de l’enfance dans l’intervention humanitaire (2012)
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Résolution 25/6 du Conseil des droits de l’homme : accès à la justice (2014)
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Résolution 69/194 : Stratégies et mesures concrètes types des Nations Unies relatives à l’élimination de la violence à l’encontre des enfants dans le contexte de la prévention du crime et de la justice pénale (2014)
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Règles Nelson Mandela : Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (2015)
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Lignes directrices sur les conditions d’arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (25 avril 2015)
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Lignes directrices de l’Association internationale des magistrats de la jeunesse et de la famille (AIMJF) sur les enfants en contact avec la justice (2016)
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Étude mondiale des Nations Unies sur les enfants privés de liberté (2019)
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Résumé exécutif de l’étude mondiale des Nations Unies sur les enfants privés de liberté (2019)
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LISTE DES PERSONNES AYANT PRIS PART À LA CONSULTATION
AUTRICHE Anna Giudice, spécialiste de la prévention du crime et de la justice pénale - Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC)
Caragh Beth Aylett, équipe de protection de l’enfant Département des opérations de paix des Nations Unies Daredjane Assathiany, coordonnatrice des expertises, spécialiste justice pour enfants – Bureau international des droits des enfants (IBCR)
BÉNIN Mana Assiah, responsable du Centre d’accès au droit et à la justice pour les enfants (CADJE) - ministère de la Justice
Dimitrina Raby, directrice adjointe aux opérations – Bureau international des droits des enfants (IBCR)
BURKINA FASO Blaise Pascal D. Kaboré, agent à la Direction de la justice juvénile – ministère de la Justice et des Droits Humains Boureima Nikiéma, agent à la Direction générale de l’administration pénitentiaire – ministère de la Justice et des Droits Humains Danfoui Bonkian, chef de la brigade régionale de protection de l’enfant – ministère de la Sécurité Josué Ango, spécialiste protection de l’enfance - Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) Mahamadi Oubda, expert en protection de l’enfant – Bureau international des droits des enfants (IBCR) Martin Causin, représentant régional Afrique - Bureau international des droits des enfants (IBCR) Martin Sanou, directeur de la protection de l’enfant – ministère de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire Michel Palé, agent à la Direction générale des études statistiques et sectorielles – ministère de la Sécurité N. Olivier Ouoba, agent à la Gendarmerie nationale – ministère de la Défense nationale et des Anciens Combattants Soumèla Sakho, directeur général de la famille et de l’enfant – ministère de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire Théophane Nikyèma, président du conseil d’administration du Bureau international des droits des enfants (IBCR) et ancien directeur exécutif du Forum africain sur la politique de l’enfance CANADA Annick Murphy, membre du conseil d’administration du Bureau international des droits des enfants (IBCR)
Geneviève Trépanier, chargée de projet – Bureau international des droits des enfants (IBCR) Guillaume Landry, directeur général – Bureau international des droits des enfants (IBCR) Joanna Wedge, coprésidente du groupe de travail CPMS - Alliance pour la protection de l’enfant dans l’action humanitaire - UNICEF Joanne Doucet, experte en renforcement des systèmes de protection de l’enfant et Membre du conseil d’administration du Bureau international des droits des enfants (IBCR) Maeva Alysson Gueremodongou, consultante pour le Bureau international des droits des enfants (IBCR) CÔTE D’IVOIRE Agnibi Hortence Kpidi, coordinatrice genre de la Police nationale - Direction générale de la Police nationale Issa Koné, spécialiste en protection de l’enfant – ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, Direction de la Protection de l’Enfant Soumahoro Gbato, conseiller en protection de l’enfant UNICEF ÉCOSSE Jennifer Davidson, professeure et directrice exécutive - Inspiring Children’s Futures / Justice for Children, Justice for All / University of Strathclyde ÉGYPTE Rana Youssef, spécialiste en justice pour enfants – UNICEF ESPAGNE Francesco Cecon, conseiller en protection de l’enfant, Programmes internationaux – Save the Children
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NIGER Fatima Saley Madougou, divisionnaire de la Protection judiciaire juvénile – ministère de la Justice
ÉTATS-UNIS Edith Barrel, conseillère en protection de l’enfant – Bureau de la Représentante spéciale chargée de la question de la violence à l’encontre des enfants – Organisation des Nations Unies
Mahamadou Nazir Sani Djibo, officier de police, adjoint de la cheffe de la Division de protection des mineurs et des femmes de la Police nationale – ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation
Najat Maalla M’jid, représentante spéciale chargée de la question de la violence à l’encontre des enfants Organisation des Nations Unies
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO Laurent Kidinda Kizeza, chef de division, chargé de la protection de l’enfant à la Direction des interventions sociales pour la protection de l’enfant – ministère des Affaires sociales et de l’Action humanitaire
FRANCE Cédric Foussard, spécialiste justice pour enfants - Terre des Hommes Delphine Couveinhes Matsumoto, spécialiste du programme « Droits de l’Homme », Direction affaires politiques et gouvernance démocratique (DAPG) Organisation internationale de la Francophonie (OIF)
Placide Kabeya Mutombo, chef adjoint du département de la Protection de l’enfant et Prévention des violences sexuelles du Commissariat général de la police – Police nationale congolaise
Jean-Claude Legrand, spécialiste en protection des enfants et Membre du conseil d’administration - Bureau international des droits des enfants (IBCR)
Wiles Egide Mutamba, chef de bureau à la Direction de la protection de l’enfant, des victimes et de l’assistance judiciaire – ministère de la Justice
JORDANIE Emad Al-Quraan, Programme régional MENA – Access to Justice – Terre des Hommes
SÉNÉGAL Florence Mendy, cheffe de la brigade des mineurs de Dakar - Direction générale de la Police nationale
Marta Gil Gonzalez, coordonnatrice de programme MENA – Access to Justice – Terre des Hommes Taghreeb Jaber, directeur régional pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord – Penal Reform International MADAGASCAR Jean-François Basse, représentant – UNICEF
Ramatoulaye Ndao Diouf, coordonnatrice de la Cellule d’appui à la protection de l’enfance, conseiller spécial de Monsieur le Président de la République – ministère de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des Enfants Samba Diouf, chef de division de la législation, des statistiques et des établissements pénitentiaires – Direction de l’administration pénitentiaire
MALI Ibrahim dit Sory Kandia Sako, directeur adjoint du Centre des mineurs de Bamako – Direction de l’administration pénitentiaire
SERBIE Ines Cerovic, conseillère en protection de l’enfant – UNICEF
Nafatouma Diamoutene, agente à la brigade chargée de la protection des mœurs et de l’enfance – Direction générale de la Police nationale
TUNISIE Makrem Jelassi, chef du bureau de soutien à la justice juvénile – ministère de la Justice
MAROC Ghizlane Benjelloun, pédopsychiatre (enfants victimes de violences physiques psychologiques et sexuelles) Centre Hospitalier Universitaire Ibn Rochd / Membre du conseil d’administration - Bureau international des droits des enfants (IBCR) Hala Hatmi, équipe de la Direction générale de l’administration pénitentiaire – ministère de la Justice - 63 -
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Youssouf Bagayoko, directeur national de la promotion de l’enfant et de la famille - ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille
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