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LA TRAITE DES PERSONNES - contexte et défis

// Portrait d’un enjeu protéiforme //

Selon le rapport mondial de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) sur la traite des personnes, la moitié des victimes détectées en 2018 ont été soumises à la traite à des fins d’exploitation sexuelle, et 38 % à des fins de travail forcé1. Le recrutement au sein d’activités criminelles, à des fins de mendicité forcée ou encore de trafic d’organes sont également des modalités d’exploitation liées à la traite des personnes. Les estimations de la fondation Walk Free, de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour l’année 2021 montrent que 50 millions de personnes dans le monde sont en situation d’esclavage moderne, obligées de travailler contre leur gré, ou se trouvent dans un mariage forcé. On dénombre ainsi plus de 11 millions de femmes et de filles astreintes au travail forcé, et plus de 3 millions d’enfants au total – des chiffres en hausse depuis 20162. Il est à noter que, bien que les hommes et les garçons restent minoritaires dans les statistiques relatives à la traite des personnes, notamment à des fins d’exploitation sexuelle, il est pro - bable que les stéréotypes sociaux liés à la masculinité les empêchent de dénoncer leur situation et de chercher ou d’obtenir de l’aide, ce qui contribue ainsi à leur invisibilité.

Les Facteurs De Vuln Rabilit

Plusieurs facteurs interviennent dans la vulnérabilité face à la traite des personnes. Le genre tout d’abord : entre 2016 et 2019, 72 % des filles victimes de traite l’étaient à des fins d’exploitation sexuelle, contre 23 % des garçons. Inversement, 66 % des garçons étaient victimes de traite à des fins de travail forcé, contre 21 % des filles. L’âge, ensuite : les enfants représentent un tiers des victimes à l’échelle mondiale3, et jusqu’à la moitié des victimes en Amérique centrale. Le statut socio-économique enfin : les enfants les plus susceptibles d’être victimes de traite sont ceux qui sont issus de familles pauvres ou de familles dites dysfonctionnelles ainsi que les enfants privés de soins parentaux4. L’ONUDC identifie également un

1. UNODC. (2020). Global Report on Trafficking in Persons. https://www.unodc.org/unodc/en/data-and-analysis/glotip.html

2. OIT, Walk Free, OIM. (2022). Estimations mondiales de l’esclavage moderne : Travail forcé et mariage forcé. https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/ public/---ed_norm/---ipec/documents/publication/wcms_854796.pdf lien entre la situation économique, sociale et politique d’un pays ou d’une région et les flux liés à la traite des personnes5. Ces dernières années, l’intensification des conflits et des mouvements migratoires, ainsi que la crise liée à la pandémie de COVID-19 ont accentué la vulnérabilité de nombreuses personnes et communautés et peuvent avoir contribué à une augmentation sensible de la traite des personnes6

3. Ibid.

4. Ibid.

// Cadre juridique de la lutte contre la traite des personnes //

L’adoption du Protocole additionnel de Palerme7 en l’an 2000 a permis la définition d’un cadre légal en matière de lutte contre la traite des personnes au niveau international. Ce cadre définit la traite des personnes et renforce la réponse qui lui est opposée, tant sur la manière de la prévenir et de la combattre que sur la coopération internationale nécessaire pour l’endiguer, mais aussi sur les aspects relatifs à la protection, à l’assistance et à la réhabilitation des victimes. Il met ainsi en avant l’obligation des États de veiller au respect des droits des victimes de traite des personnesun aspect jusque-là négligé.

Il fournit également la première définition internationalement acceptée de la traite des personnes. Selon le Protocole, la traite des personnes « désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes8 ».

L’adoption du Protocole de Palerme a également été le point de départ d’un processus d’adaptation des cadres juridiques nationaux aux normes internationales.

// La traite des personnes au Costa Rica et au Honduras //

Les pays d’Amérique centrale se trouvent dans une zone géographique stratégique en matière de flux migratoire, en particulier vers les États-Unis, favorisant la création de « couloirs » pour la traite des personnes. Le Honduras fait ainsi partie, avec le Salvador et le Guatemala, du « Triangle du Nord de l’Amérique centrale », une région fortement touchée par la traite des personnes depuis des décennies9.

6. Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies (2021) Effets de la maladie à coronavirus 2019 sur les différentes formes de vente et d’exploitation sexuelle d’enfants : https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G21/014/48/PDF/G2101448.pdf?OpenElement

7. Pour référence, consulter : Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/ instruments/protocol-prevent-suppress-and-punish-trafficking-persons

8. Ibid.

9. IPS. (2019). Central America – Fertile Ground for Human Trafficking. http://www.ipsnews.net/2019/11/central-america-fertile-ground-human-trafficking/

En 2018, les femmes et les filles constituaient la grande majorité (79 %) des victimes de traite des personnes détectées en Amérique centrale et dans les Caraïbes. Parmi ces victimes, la part des filles (40 %) était la plus élevée au monde. La traite à des fins d’exploitation sexuelle constitue 81 % des cas, également l’un des taux les plus élevés dans le monde, contre 13 % à des fins de travail forcé et 6 % à d’autres fins10. En 2018, on estimait à 3,6 millions le nombre de personnes soumises au travail forcé dans les Amériques11

Les pays de la région ont depuis plusieurs années identifié la traite des personnes comme étant un problème d’ampleur dépassant les frontières nationales et justifiant des mesures ciblées et coordonnées au niveau régional. Depuis 2011, tous, incluant le Honduras et le Costa Rica, travaillent ensemble au sein de la Coalicion Regional contra la Trata de Personas y el Trafico Ilicito de Migrantes12 (CORETT). La CORETT joue un rôle de prévention, de détection, de renvoi et de poursuite des crimes liés à la traite des personnes et au trafic de personnes migrantes, et s’efforce de fournir un accompagnement adapté aux victimes. Par ailleurs, chaque pays a mis en œuvre des actions plus ou moins significatives pour lutter contre la traite des personnes au sein de son territoire. Bien que ces mesures aient permis d’augmenter le taux de condamnation pour les crimes liés à ce phénomène ces dernières années, il reste malgré tout en dessous de la moyenne mondiale.

10. UNODC. (2020). Global Report on Trafficking in Persons. https://www.unodc.org/unodc/en/ data-and-analysis/glotip.html

11. OIT, Walk Free, OIM. (2022). Global Estimates of Modern Slavery: Forced Labour and Forced Marriage. https://www.ilo.org/global/topics/ forced-labour/publications/WCMS_854733/ lang--en/index.htm

12. Coalition régionale contre la traite des personnes et le trafic de personnes migrantes

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