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DES CHANGEMENTS SIGNIFICATIFS

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au Costa Rica*2

au Costa Rica*2

L’accompagnement offert aux victimes de traite est plus adapté et respectueux des droits de chaque personne

La vision de la lutte contre la traite des personnes se diversifie et intègre la perspective de la victime

Avant la mise en œuvre des projets, les secteurs visés considéraient que la lutte contre la traite des personnes passait avant tout par la poursuite des auteurs du crime. En articulant les outils et les formations développés autour de l’accompagnement de la victime, cette dernière a pu être intégrée pleinement dans la lutte contre la traite des personnes, ce qui a permis d’accroître l’efficacité des interventions. Au Honduras, les procédures définies en partenariat avec les forces de police et la CICESCT requièrent ainsi dorénavant que tout membre de la police confronté à un cas de traite contacte systématiquement le service de réponse immédiate40 de la CICESCT.

Quant aux formations dispensées favorisant le développement de savoir-faire et de savoir-être au-delà de l’acquisition de simples connaissances, et remettant l’expérience des personnes apprenantes et des victimes au centre de l’apprentissage, elles permettent aux professionnelles et aux professionnels de mieux intégrer la perspective des victimes dans leur pratique.

Un changement de pratique et d’approche a donc été initié au sein des institutions étatiques afin de favoriser des interventions plaçant la victime et ses droits au cœur des préoccupations, au-delà de son statut de preuve à conviction. À terme, cela pourra également participer d’une amélioration progressive de la confiance des communautés envers ces institutions.

88 % des professionnelles et des professionnels des institutions étatiques visés par le projet au Honduras affirment désormais, grâce aux actions menées, fournir une première assistance aux victimes de traite des personnes appropriée et dans le respect de leurs droits.

100 % des professionnelles et des professionnels des institutions étatiques visés par le projet au Honduras déclarent désormais intégrer une approche de genre dans leur pratique professionnelle et utiliser des techniques de communication appropriées avec les victimes de traite des personnes.

Ce que je retiens de cette formation, c’est l’approche et la conscientisation qui doivent se faire par rapport aux victimes. Cela nous rend plus humains de ne pas penser seulement à condamner l’individu accusé des faits, mais d’essayer d’en apprendre davantage sur la victime, sur son parcours et son histoire.

- Juge d’un tribunal pénal, Costa Rica

Le cours ne porte pas sur la froide réglementation que nous lisons et que nous ne comprenons pas, mais met plutôt en évidence le caractère humain lorsque nous abordons un cas d’application […]. C’est une valeur ajoutée très importante.

- Juge de première instance, Costa Rica

Les professions visées par le projet reconnaissent mieux les situations de discrimination

Si les victimes de traite des personnes ont des profils variés, elles tendent cependant à faire partie de groupes ou de communautés faisant davantage face à de la discrimination ou à de l’exclusion, tels que les enfants, les femmes, les personnes d’ascendance africaine, les peuples autochtones, les membres de la communauté LGBTQI+ ou encore les personnes en mouvement, entre autres. Grâce aux formations développées dans le cadre des projets, les professionnelles et les professionnels des secteurs ciblés ont amorcé une réflexion pour repérer et éviter les pratiques discriminatoires, notamment en prenant conscience des préjugés qui orientent leurs perceptions et leurs actions. Ils peuvent également désormais s’appuyer sur des outils permettant de mettre en œuvre une approche différenciée, c’est-à-dire qui tienne compte des caractéristiques d’une personne ou d’un groupe lorsqu’on intervient auprès d’eux.

Grâce aux actions menées dans le cadre du projet, 94 % des professionnelles et des professionnels des institutions étatiques visées par le projet estiment savoir désormais identifier les situations à risque et le profil des personnes à risque face à la traite des personnes.

Des membres de l’École nationale de police du Costa Rica suivant une formation pour être certifiés aptes à dispenser le cours conçu dans le cadre du projet, San José, février 2018

Les risques de victimisation secondaire sont réduits

L’approche par compétences, favorisant le développement de compétences pratiques plutôt que la seule compréhension théorique, est particulièrement importante pour éviter la victimisation dite secondaire des victimes (voir définition ci-dessous). À l’instar des situations de discrimination, ces compétences permettent de développer une conscience du phénomène lors des interventions et d’acquérir les outils pour éviter de faire subir aux victimes une « double peine ». Par exemple, les formations développant les techniques de communication, le langage non verbal, ciblant les réactions à éviter ou encore l’identification des besoins de la victime (s’assurer qu’elle dispose d’habits confortables, solliciter l’appui d’une ou d’un interprète au besoin, etc.) favorisent des interventions plus respectueuses des droits de la victime et limitent les situations de victimisation secondaire.

Toutefois, la pratique seule des intervenantes et des intervenants ne suffit pas à diminuer la victimisation secondaire, car celle-ci est aussi une conséquence du système dans son ensemble. La clarification des procédures et des responsabilités des différents acteurs impliqués dans l’accompagnement d’une victime participe donc également de la réduction des risques de victimisation secondaire. Ainsi, en permettant à la victime d’être référencée auprès des services adéquats et en lui évitant de devoir répéter son histoire, les procédures définies dans le cadre des projets menés contribuent également à relever ce défi.

95 %

des professionnelles et des professionnels des secteurs ciblés au Honduras affirment désormais savoir comment éviter de faire subir une victimisation secondaire aux victimes de traite des personnes.

Formation de personnes formatrices pour l’École de la magistrature du Costa Rica, San José, juillet 2018

VICTIMISATION SECONDAIRE

La victimisation secondaire réfère à la victimisation qui ne résulte pas directement d’un acte criminel, mais de la réaction d’institutions et de particuliers envers la victime41, c’est-à-dire toutes « les attitudes et [tous les] comportements de culpabilisation de la victime ainsi que les pratiques engagées par les fournisseurs de services communautaires ayant pour conséquence un traumatisme supplémentaire […] ». La victimisation secondaire peut également s’entendre comme la réaction sociale négative par rapport à l’acte subi par la victime, qui est vécue comme une deuxième violence42.

[…] Souvent, on oublie ces personnes, les victimes de la traite, surtout celles qui sont victimes de violences sexuelles. Dans ces cas, il devient important de garantir à la victime tous les droits que la loi lui confère pour éviter une victimisation secondaire, ce qui signifie notamment, ne pas la placer dans des situations où elle doit répéter ce qu’elle a vécu et ne pas lui faire subir des épreuves préjudiciables durant le processus de justice.

- Juge d’application des peines, Honduras

Formation de personnes formatrices pour l’École nationale de police du Costa Rica, San José, février 2018

La parole des victimes est réhabilitée

La participation de la victime est considérée comme un aspect incontournable de la procédure de poursuite d’un crime et de l’accompagnement des victimes. Or, l’un des grands défis dans l’accompagnement des victimes de traite des personnes est le manque de valeur accordée à leur parole et à leur opinion par les différents acteurs du système de protection.

Pour remédier à cela, les formations conçues et dispensées dans le cadre des projets, tant au Costa Rica qu’au Honduras, insistent sur l’importance de valoriser la parole de la victime. Elles ont ainsi permis aux professionnelles et aux professionnels visés de développer les compétences nécessaires pour mettre une personne victime en confiance et l’encourager à communiquer et à faire part de son avis sur les décisions qui la concernent directement. Dès lors, le climat d’écoute instauré permet d’obtenir des informations utiles et nécessaires à la procédure : informations sur d’autres victimes potentielles pour les personnes chargées de l’enquête de police ou le ministère du Travail et de la Sécurité sociale ; nouveaux éléments permettant de faire la lumière sur les faits et de rendre justice pour la magistrature.

En plus des compétences nécessaires développées grâce aux outils de formation, les pratiques d’écoute sont également généralisées avec la définition de procédures claires. Ainsi, au Honduras, la procédure définie pour le secteur de l’inspection du travail a formalisé l’intervention des acteurs impliqués à la suite de l’identification

d’un cas de traite des personnes, assurant que la victime puisse s’exprimer librement et soit consultée sur ses besoins, notamment sanitaires, psychologiques, sociaux et de sécurité. La prise en compte de la parole de la victime permet, par ailleurs, de la référer aux services pertinents selon ses besoins.

L’année passée, notre équipe d’inspection a identifié un cas de traite dans un restaurant et a mis en œuvre [la procédure]. En plus de réformer la manière d’interroger les victimes, les inspectrices et les inspecteurs savent désormais ce qu’ils doivent faire lorsqu’ils identifient un cas : comme le fait qu’ils doivent alerter les acteurs-clés pour assurer un accompagnement et une attention holistique aux victimes de traite.

- Inspecteur du travail – ministère du Travail et de la Sécurité sociale , Honduras

Formation de personnes formatrices pour l’École de la magistrature du Costa Rica, San José, juillet 2018

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