6 mai 2011 07h17 | Par BERNARD BROUSTET
Le numérique au secours de l'Histoire Le projet Arkhopole vise à utiliser les techniques sophistiquées de l'image de synthèse et du Web pour faciliter le rapport à l'histoire, à la culture et à l'écrit.
Les technologies numériques, mises au service du patrimoine, peuvent puissamment aider le public à découvrir ou redécouvrir le monde et le passé. Elles peuvent aussi donner lieu à la naissance d'une véritable filière industrielle reposant entre autres sur la mise en scène d'une matière première infinie, incluant entre autres les vieilles pierres, les collections des musées, les fonds des bibliothèques et ceux des éditeurs. Tel est en tout cas la base du projet Arkhopole, né en Gironde de l'initiative conjointe des groupements Heritage Prod et Polinum. Rassemblant divers acteurs (lire ci-contre), ces deux groupements ont pour chef de file les entreprises Axyz et i2S. La première s'adonne notamment à la restitution du patrimoine archéologique en images en trois dimensions. Par son intermédiaire, les visiteurs du Musée historique de Nantes peuvent faire, comme s'ils y étaient, une promenade virtuelle dans la ville du XVIIIe, dont une bonne partie a été détruite entre-temps. De même a-t-elle réalisé un film en trois dimensions sur Chambord, qui raconte avec une grande qualité d'image et en restant fidèle à l'histoire les étapes de la construction et de la vie du château.
Un projet avancé Sous l'égide de i2S, Polinum rassemble, parmi ses membres fondateurs, les sociétés Amanager, Arkhenum et Exalead, ainsi que le laboratoire Labri. Heritage Prod regroupe, outre Axyz, les sociétés AMakArt Graphique et Patrimoine, At Once, BDL Systèmes et GMT Editions, ainsi que l'université Bordeaux 3 et l'École nationale supérieure de cognitique, pépite de l'enseignement supérieur girondin. Les composantes de l'Arkhopole ont déjà reçu de substantiels concours financiers publics émanant notamment de la Région et de l'Europe.
Axyz et les partenaires qu'elle rassemble au sein d'Heritage Prod
ont récemment lancé un projet beaucoup plus ambitieux, baptisé B3D (comme Bordeaux en trois dimensions), qui permettra d'ici à la fin de l'année une promenade numérisée dans la métropole girondine. En louant une tablette de type iPad à l'office de tourisme, les visiteurs pourront, au gré de leur parcours, faire ressusciter sur les écrans les monuments détruits, ainsi que des scènes anciennes et des morceaux d'histoire liés aux lieux où ils se trouvent. Le Palais de l'Ombrière (Parlement sous l'Ancien Régime), les ports galloromains et médiévaux apparaîtront par exemple sur leurs écrans en lieu et place des bâtiments qui les ont remplacés au fil des siècles. Numérisation et scénarisation Mais l'histoire et le présent ne se résument pas aux pierres et aux paysages. Ils se composent aussi de milliards de signes écrits (livres, journaux), de tableaux, de gravures, etc.). La mise au point de techniques de valorisation de ce patrimoine en deux dimensions est le domaine du consortium Polinum, dont le chef de file, i2S, s'est taillé une réputation dans la numérisation (scannage) de documents anciens et fragiles comme le manuscrit « De l'esprit des lois » de Montesquieu. Au-delà de cette technique, i2S et ses partenaires de Polinum s'emploient à développer des procédés qui permettent à l'internaute sédentaire ou mobile de rechercher, au gré de ses curiosités, de façon aussi rapide et aussi efficace que possible, les contenus écrits numérisés des éditeurs, des bibliothèques et archives. Pour Jean-Luc Rumeau et Jean-Pierre Gérault, patrons respectifs d'Axyz et de i2S, l'ensemble de ces savoir-faire, regroupés au sein de l'Arkhopole, ouvre d'immenses horizons, à condition d'y associer une scénarisation. Elle permet de donner un attrait supplémentaire à la représentation de ce patrimoine en le faisant revivre de façon plus incarnée, sans trahir pour autant la vérité historique. Aux yeux des deux hommes, les débouchés dans les lieux touristiques déjà réels, à Chambord et Nantes, peuvent être considérables. Redécouvrir l'Histoire Pour les fondateurs de l'Arkhopole, les espoirs et les perspectives ouverts par les mariages de ces savoir-faire sont d'autant plus consistants que le développement foudroyant des smartphones et des tablettes, conjugué à la géolocalisation, est propice à la confrontation sur un même lieu de la vision du présent et de la réalisation virtuelle du passé. Au surplus, la logique du Web et de ses liens infinis (hypertexte) peut permettre, à partir d'une représentation scénarisée en deux et trois dimensions, de multiplier les recherches, voire les achats de contenus (films, hyperlivres). Mais au-delà de ces perspectives économiques qu'ils estiment très prometteuses, les pères de l'Arkhopole sont convaincus que le détour par le numérique et par la scénarisation rapprocherait les jeunes de l'histoire et de la géographie, tout en permettant à leurs aînés une découverte ou une redécouverte de pans entiers de notre riche patrimoine.
© www.sudouest.fr 2011