Mémoire de recherche Autisme et Architecture Inès Champenois

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École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon

Présenté et soutenu par : CHAMPENOIS Inès

Mémoire d’initiation à la recherche en architecture

AUTISME ET ARCHITECTURE Les conditions de création d’un outil d’aide à la conception d’espaces adaptés aux personnes avec des troubles du spectre autistique Date de soutenance : 24 juin 2022 Directeur d’étude mémoire : COURTEIX Stéphan




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RÉSUMÉ Les particularités sensorielles des personnes avec autisme rendent leur appréhension du monde et de l’espace différente de celle des non-autistes. En effet, du fait d’un traitement de l’information sensorielle atypique, les personnes présentant des Troubles du Spectre Autistique (TSA), ne perçoivent pas l’espace et les informations émises par les différents canaux sensoriels de la même manière qu’une personne dite « neurotypique ». Des études montrent que l’environnement peut nuire au confort et au bien-être des personnes autistes, lorsque ce dernier n’est pas adapté. Pourtant, la majorité des espaces publics ou des structures d’accueil existantes sont conçues sans réelle connaissance des besoins atypiques de cette population. Plusieurs travaux s’accordent à dire que l’adaptation de l’espace se traduit à la fois par le contexte bâti ou encore par la morphologie de l’espace - telle que l’échelle, les volumes, les hauteurs, les formes, les dimensions -, et par des facteurs d’ambiance comme la lumière, l’acoustique, les couleurs, les matériaux, les odeurs. Il s’agit alors en tant qu’architecte de parvenir à intégrer cette perception et compréhension atypique lors du processus de conception. Néanmoins aujourd’hui, rares sont les architectes formés aux TSA et conscients des nécessités relatives à l’espace et à son aménagement, que requièrent ces personnes. D’autre part, il existe peu de travaux de recherches apportant des connaissances sur l’architecture adaptée à l’autisme. Toutefois, face à un cadre de vie globalement inadapté, il existe des dispositifs hypostimulants pour limiter la pression environnementale sur les personnes porteuses de TSA, en grande majorité hyposensorielles. Ce travail de recherche consiste en une réflexion méthodologique portant sur la création d’un catalogue raisonné sur ces dispositifs hypostimulants, qui à la fois puisse servir d’outil d’aide à la décision dans le domaine de la pratique soignante et pouvant aider les architectes dans la conception d’environnements adaptés. À travers ce travail, il est question de diffuser la connaissance sur l’autisme et des adaptations spatiales qu’il requiert, afin de favoriser pleinement l’inclusion de ces personnes dans notre société, à travers une conception adaptée de notre cadre de vie.

ABSTRACT The sensory particularities of people with autism make their apprehension of the world and space different from that of non-autistic people. Indeed, due to an atypical processing of sensory information, people with autism spectrum disorders (ASD) do not perceive space and the information emitted by the different sensory channels in the same way as a socalled «neurotypical» person. Studies show that the environment can be detrimental to the comfort and well-being of people with autism when it is not adapted. However, most public spaces or existing reception structures are designed without any real knowledge of the atypical needs of this population. Several studies agree that the adaptation of space is reflected both by the built context or by the morphology of the space - such as scale, volumes, heights, shapes, dimensions - and by ambient factors such as light, acoustics, colors, materials, odors. As an architect, it is then a question of managing to integrate this atypical perception and understanding into the design process. Nevertheless, today, few architects are trained in ASD and are aware of the needs of these people in terms of space and its design. On the other hand, there is little research work providing knowledge on 2


architecture adapted to autism. However, in the face of a generally unsuitable living environment, there are hyper stimulating devices to limit the environmental pressure on people with ASD, the vast majority of whom are hypo sensory. This research work consists of a methodological reflection on the creation of a reasoned catalog on these hypo stimulating devices, which can be used as a decision support tool in the field of care practice, and which can help architects in the design of adapted environments. Through this work, it is a question of disseminating knowledge about autism and the spatial adaptations that it requires, to fully promote the inclusion of these people in our society, through an adapted design of our living environment.

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MOTS-CLEFS Autisme Architecture Environnement Conception Catalogue Outil scientifique Inclusivité Hypostimulation

KEYWORDS Autisme Architecture Environment Design Catalogue Scientific tool Inclusion Hypostimulation

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REMERCIEMENTS Je tiens tout d’abord à adresser un grand merci à Stephan Courteix, architecte et docteur en psychopathologie clinique, pour m’avoir encadré durant ce mémoire d’initiation à la recherche. Je vous remercie pour votre disponibilité et vos précieux conseils. Je souhaite aussi remercier Estelle Morlé et Cécile Regnault, qui, tout au long de l’année, ont permis un cadre expérimental participant à cette étude. J’adresse également mes remerciements à mes camarades Julie Belpois et Clémence Thiriot pour cette collaboration et les bons moments que nous avons passés ensemble. Évidemment, j’adresse ces remerciements aux équipes des établissements de la clinique des Campilles ainsi qu’à l’IME de la Roussille, qui ont accepté de nous accueillir et de participer à cette étude. Leur implication a permis la concrétisation des premières expérimentations ayant conduit à ce travail d’initiation à la recherche et pour cela, je les en remercie. Merci à Beate, ma mère, qui m’a été d’une précieuse aide pour la relecture de ce mémoire.

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GLOSSAIRE ADAPEI : Association Départementale d’Amis et Parents d’Enfants Inadaptés ANCRA : Association Nationale des Centres de Ressources Autisme ANESM : Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux ALD : Affection Longue Durée ASD : Autistic Spectrum Disorders CNSA : Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie CRA : Centre de Ressources Autisme ENSAL : Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Lyon FAM : Foyer d’Accueil Médicalisé FEGAPEI : Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragiles GPS Autisme : Groupement des Priorités de Santé Autisme HAS : Haute Autorité de Santé IME : Institut Médicoéducative LAF : Laboratoire d’Analyse des Formes MAS : Maison d’Accueil Spécialisée OMS : Organisation Mondiale de la Santé TED : Troubles envahissants du développement TSA : Trouble du Spectre Autistique

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PRÉAMBULE À la rencontre de trois étudiantes de dernière année d’études en architecture, qui ont appris à se connaître et à travailler ensemble, autour d’une volonté commune, de concevoir avec la différence et la compréhension de l’autre. 1. Présentation du terrain d’étude Le Domaine d’Étude Master, Expérimentation Collaboratives (ExCo), au sein du cursus de 2e cycle des études d’architecture, dans lequel nous avons choisi de nous inscrire, s’attache à explorer la pluralité des métiers liées à la conception et d’ainsi proposer de nouvelles manières de concevoir l’architecture. Trois notions principales sont convoquées au sein d’ExCo, soit, le partage, l’innovation et l’expérimentation. En faisant le choix de s'investir dans la thématique de l’autisme, notre recherche s’inscrit au cœur du domaine d’étude ExCo et des trois thèmes convoqués. Nous mobilisons la notion de partage par le biais d’une méthodologie de recherche s’appuyant sur la collaboration avec différents corps de métiers issus à la fois du domaine de la conception, ainsi que du domaine du soin et de la santé. La participation de cette multitude d’acteurs, nous permet d’approcher, de comprendre la sensorialité et le fonctionnement des personnes avec autisme sur différents niveaux. Ceci représente un volet essentiel de cette recherche. Nous considérons la notion d’innovation comme une toile de fond, souvent présente dans la pratique de l’architecte. Ici, elle est aussi induite à travers la création d’un prototype de dispositif d’hypostimulation sensorielle à destination des personnes autistes. Nous nous inscrivons, à travers ce travail, dans une mouvance de recherche quant à la thématique d’une architecture inclusive et adaptée aux TSA. L'apprentissage par l’expérimentation nous semble être une étape essentielle au sein de cette étude, notamment en raison de la différence de perception de l’environnement, existante entre un concepteur neurotypique et un usager autiste. Ainsi, mettre en pratique nos apprentissages et la théorie permettrait de les valider ou à l’inverse de les remettre en question par le biais de test in-situ avec les usagers concernés. Notre étude se caractérise également par notre collaboration avec trois partenaires. La Clinique des Campilles à Thuir accueillant un public d’autistes adultes et l’institut Médicoéducatif de La Roussille à Vertaizon recevant de plus jeunes autistes, en ce qui concerne les partenaires issus du domaine du soin. Ces partenariats sont caractérisés par une opportunité, celle de la conception d’un abri d’hypostimulation sensorielle ayant pour vocation d’être mis à disposition et testé dans l’un des deux établissements accueillant des personnes avec TSA. Nous avons alors eu l’occasion, lors de la conception de notre prototype et de la réflexion quant à ce dernier sur les différents aspects techniques, de recevoir une aide précieuse, celle d’un troisième partenaire, un menuisier. En attendant de créer ou de modifier un bâtiment dans son entièreté, nous nous sommes attachées à concevoir et réaliser un espace hypostimulant permettant le repli des personnes autistes, notamment en cas d’agitation ou de manifestation des troubles 8


autistiques par des crises. Les dispositifs de calme-retrait avec une recherche d’hypostimulation nous apparaissent être une piste intéressante pour le bien-être et l’apaisement des personnes autistes. Ils semblent pouvoir permettre leur intégration au sein de certains lieux initialement non adaptés à leurs particularités sensorielles et cognitives. Pour la réalisation de ce dispositif, nous avons mis en place différentes expérimentations. Celles-ci avaient pour but de contribuer, grâce à la collaboration avec les équipes de professionnels de la santé des deux établissements partenaires, à mieux connaître les objectifs principaux à respecter lors de la conception d’un dispositif d’hypostimulation sensorielle. 2. Un contexte d’étude commun, trois sujets d’études différents et complémentaires Nous avons pu mener à bien cet exercice de conception d’abri hyposensoriel et de son prototypage, grâce à la force de travaux de recherche complémentaires réalisés en partie de façon commune. En amont de la conception, dans le but d’acquérir de façon efficace des connaissances sur les besoins des personnes autistes et sur les critères auxquels doit répondre notre prototype, nous bénéficions du travail de Clémence Thiriot qui s'intéresse aux diverses méthodes d’enquête sur le recueil du besoin, et sur le développement du prototype. Ces outils et méthodes concernent la visite immersive du site hospitalier occupé, la communication avec les différents partenaires et acteurs de la conception du prototype, la fabrication du prototype et sa phase test. Inès Champenois, quant à moi, je m’oriente sur le questionnement quant à la méthodologie de création d’un catalogue raisonné, recensant des dispositifs d’hypostimulation sensorielle. Je poursuis ainsi, par le biais de ce catalogue, l’ambition de mettre à disposition des architectes, un outil d’aide à la conception d’espaces adaptés aux TSA et vecteurs d’inclusivité, mais aussi d’offrir aux professionnels de l’autisme un outil d’aide à la décision. Mon étude interroge le savoir scientifique d’un catalogue raisonné et comment produire ce savoir de manière à le rendre efficient dans le monde professionnel lié à l’autisme et lié à la conception d’espaces. Enfin, Julie Belpois se concentre sur la question des ambiances au sein de l’architecture et des répercussions sur les manifestations des troubles autistiques. Son étude évoque plus précisément la question de la perméabilité ou imperméabilité de l’espace et des conséquences que cela peut avoir sur les personnes atteintes de troubles autistiques. Elle s’attèle à observer des paramètres architecturaux et fait appel à l’avis des professionnels partageant le quotidien de personnes atteintes d’autisme. Son travail interroge l’adaptabilité de l’architecture existante sur la question de la perméabilité spatiale et les possibles pistes d’améliorations dans l’application des recommandations faites par les chercheurs, par les architectes concepteurs.

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TABLE DES MATIÈRES RÉSUMÉ _______________________________________________________________ 2 MOTS-CLEFS ____________________________________________________________ 4 REMERCIEMENTS ________________________________________________________ 6 GLOSSAIRE _____________________________________________________________ 7 PRÉAMBULE ____________________________________________________________ 8 INTRODUCTION ________________________________________________________ 14 PARTIE I : L’AUTISME ET SA PRISE EN COMPTE DANS L’ENVIRONNEMENT, UN CHAMPS DE RECHERCHE À SES PREMICES ______________________________________________ 18 I.1 Troubles du Spectre Autistique ________________________________________ 18 a. Qu’est-ce que l’autisme ? ___________________________________________ 18 b. Les particularités cognitives et caractéristiques sensorielles chez la personne autiste ____________________________________________________________ 19 c. Conséquences de ces particularités sensorielles sur le rapport à l’environnement __________________________________________________________________ 24 I.2 Le rapport à l’espace des personnes avec TSA et sa prise en compte dans la conception architecturale : Les prémices d’une recherche d’inclusivité architecturale au service de l’autisme ___________________________________________________ 27 a. Le rôle de l’environnement dans les situations vécues de handicap __________ 27 b. La recherche en matière d’autisme et son lien à l’architecture ______________ 30 c. Problématisation : comment réinvestir ces travaux dans le travail de catalogage ? __________________________________________________________________ 43 I.3 Les dispositifs d’hypostimulation sensorielle _____________________________ 45 a. Nécessité de penser les dispositifs d’hypostimulation sensorielle ___________ 45 b. Recommandations nationales en matière d’hypostimulation : HAS, ANESM ___ 51 c. Peu de travaux scientifiques sur la caractérisation et l’efficience de ces dispositifs __________________________________________________________________ 53 PROBLÉMATIQUE _______________________________________________________ 55 ANNONCE PLAN ET MÉTHODE DE RECHERCHE ________________________________ 58 PARTIE II : CATALOGUE RAISONNÉ : SA MÉTHODOLOGIE ET SON APPLICATION DANS LE CADRE DE CETTE RECHERCHE SUR LES DISPOSITIFS D’HYPOSTIMULATION SENSORIELLE ______________________________________________________________________ 59 II.1 Pourquoi un catalogue raisonné ? _____________________________________ 59

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a. Objectifs et intérêts d’un catalogue raisonné____________________________ 59 b. Définition du catalogue raisonné comme outil scientifique ________________ 60 c. À qui serait destiné le catalogue raisonné et quelles en sont les limites ? _____ 64 II. 2 Un protocole expérimental en plusieurs phases : Phase 1, l’élaboration des expérimentations _____________________________________________________ 65 a. Définition du corpus d’étude ________________________________________ 65 b. Choix des expérimentations _________________________________________ 70 c. Préparation des supports d’expérimentations : le photo-questionnaire, les motsclefs méthode KJ revisitée ____________________________________________ 72 II.3 Un contexte expérimental en plusieurs phases : Phase 2, le déroulé des expérimentations _____________________________________________________ 77 a. Présentation des protocoles d’expérimentation, leurs objectifs _____________ 78 b. Le récit des expérimentations _______________________________________ 80 c. Le décalage avec les attendus ________________________________________ 81 PARTIE III : UNE ANALYSE CRITIQUE DES CONDITIONS DE LA MISE EN ŒUVRE EXPERIMENTALE DU CATALOGUE ET LES RÉSULTATS DÉGAGÉS ___________________ 84 III.1 La restitution des résultats d’expérimentation ___________________________ 84 a. Expérimentation 1, photo-questionnaire : les résultats et leur mise en forme pour restitution _________________________________________________________ 84 b. Expérimentation 2, mots-clefs : les résultats et leur mise en forme pour restitution __________________________________________________________________ 94 c. Prise de recul critique quant aux résultats et identification des biais des expérimentations ___________________________________________________ 97 III.2 Transposer les résultats au sein du catalogue raisonné ___________________ 100 a. Identifier les critères principaux à prendre en compte dans l’évaluation de dispositifs ________________________________________________________ 101 b. Identifier les dispositifs sensoriels intégrant le catalogue raisonné _________ 106 c. Classer les spécimens par typologie et mettre en forme le catalogue ________ 112 III.3 Rendre le catalogue efficient et produire un savoir pouvant être réinvesti ____ 116 a. Poursuivre les expérimentations ____________________________________ 116 b. Compléter avec la théorisation sur l’autisme ainsi que des explications ______ 118 c. Aspect expérimental des tests in-situ pour une efficience optimale _________ 119 CONCLUSION _________________________________________________________ 128 TABLE DES FIGURES ____________________________________________________ 133 BIBLIOGRAPHIE________________________________________________________ 136 12


SITOGRAPHIE _________________________________________________________ 137 ANNEXES _____________________________________________________________ 142

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INTRODUCTION En France, environ 12 Millions de citoyens sont en situation de handicap, dont 700 000 personnes étant atteintes d’un Trouble du Spectre Autistique (TSA), parmi lesquelles 60 000 personnes autistes. D’après l’INSERM, 8 000 enfants autistes naissent chaque année, ce qui correspond à 1 personne sur 100 1. Les chiffres sont conséquents, pourtant, la question de l’autisme, bien que mise en avant par les différents « plans autisme » déployés par le gouvernement, semble rester fortement en retrait des préoccupations politiques sur certains sujets. Et c’est plus particulièrement la question d’une pratique architecturale adaptée aux TSA qui reste sans doute un des éléments les plus délaissés en termes de réflexion visant à l’inclusion des personnes avec autisme. Aujourd’hui existent des stratégies, notamment politiques visant à reconnaître ce handicap et sensibiliser le plus grand nombre aux TSA, c’est notamment la visée des plans gouvernementaux Autisme (2005-2007, 2008-2010, 2013-2017, 2018-2022), avec la mise en place dans chaque région d’un Centre de Ressource Autisme et l’élaboration de recommandations professionnelles pour « former massivement l’ensemble des professionnels » ainsi que « mieux repérer les troubles neurodéveloppementaux au sein desquels figure l’autisme, diagnostiquer et intervenir plus tôt »2, favorisant ainsi une meilleure insertion scolaire et professionnelle. Alors qu’en 2005, le premier plan autisme fait suite à la première condamnation de la France par la Cour Européenne pour le nonrespect des personnes autistes, c’est seulement en 2012 que l’autisme est déclaré grande cause nationale. Pourtant, cela n’empêchera pas le Conseil de l’Europe à condamner au total, cinq fois (2004, 2007, 2008, 2012, 2014) la France pour discrimination à l’égard des enfants autistes, pour défaut d’éducation, de scolarisation, et de formation professionnelle.3 Ces différentes condamnations mettent en lumière une apparente insuffisance des actions et de la recherche scientifique sur le sujet. Ainsi en 2022, les efforts ne doivent pas être relâchés et au contraire le sujet demande à être pris davantage en compte au sein des différents domaines qu’il convoque. En effet, dans le domaine de la recherche en architecture, le savoir reste à ses prémices et demande à être étayer. Ce mémoire d’initiation à la recherche, s’inscrit ainsi pleinement dans une démarche visant à enrichir ce savoir pour mieux agir et explorer des dispositifs à vocation inclusive. Les différentes statistiques évoquées appuient aussi la nécessité d’une recherche pluridisciplinaire, pour comprendre les mécanismes et améliorer le quotidien et la prise en charge de ce handicap. Ces usagers sont notamment à prendre entièrement en compte dans la pratique de l’architecture et dans le processus de conception d’espaces, qu’ils soient de nature privée ou publique. De la même manière qu’on ne créé pas l’espace de 1

cf. INSERM, (2022), en ligne: https://www.inserm.fr/dossier/autisme/. Consulté le 12/01/2022. cf. SECRETARIAT d’Etat chargé des personnes handicapés, (2018), Autisme. Stratégie nationale pour l'Autisme au sein des troubles du neuro-développement, en ligne : https://handicap.gouv.fr/IMG/pdf/strategie_nationale_autisme_20 18.pdf. Consulté le 12/01/2022. 3 Ibid., consulté le 12/01/2022. 2

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façon identique pour des enfants que pour des séniors, concevoir des lieux adaptés à des personnes avec des TSA, au regard des quelques travaux scientifiques existants sur la question, se révèlerait bien différent de la conception d’espaces pensés de manière neurotypique pour des neurotypiques. Le terme de neurotypique, récurrent au sein de cette étude, est un néologisme utilisé dans la communauté autistique pour désigner les personnes qui ne se situent pas dans le spectre de l’autisme. Ces personnes sont caractérisées par un système neurologique « typique », pour ne pas utiliser le terme « normal », afin d’éviter toute connotation de valeur. Ce travail d’initiation à la recherche a pour objectif de conduire une étude axée sur l’une des solutions spatiales qui semblent pouvoir répondre aux différents besoins convoqués par les Troubles du Spectre Autistique que sont les dispositifs de calme-retrait et d’apaisement sensoriel autrement dit, des dispositifs d’hypostimulation sensorielle. Il s’agit de contribuer à mieux connaître ces derniers, pour permettre d’évaluer leur bénéfice en matière d’inclusion d’une personne avec autisme, dans un environnement non nécessairement pensé pour ses particularités sensorielles et cognitives. Afin d’établir une démarche de conception adaptée à ces différents troubles, il est essentiel de comprendre dans un premier temps, comment les personnes avec des TSA appréhendent l’espace et l’environnement qui les entourent. L’autisme semble présenter nombre de particularismes qui entraînent des conséquences au quotidien et notamment dans la perception et le vécu de leur environnement. Ainsi, l’objet de ce travail consiste à comprendre ces différentes dynamiques induites et d’identifier l’intérêt de dispositifs censés en minorer les impacts négatifs. Les particularités sensorielles des personnes avec TSA rendant leur vécu de l’espace différent de celui des non autistes, ce travail a pour ambition d’ouvrir la voie à une réflexion plus large ; comment répondre aux besoins et aux différents usages induits en créant un environnement qui soit inclusif et qui s’adapte ainsi aux différents types de profils sensoriels des personnes avec autisme ? Particulièrement touchée par le lien entre les domaines de la psychologie et de la sociologie et l’architecture, ma démarche de recherche s’inscrit dans une volonté de comprendre comment concevoir un environnement adapté aux personnes souvent laissées en retrait dans les processus de conception, celles en situation d’handicap, ici avec le cas de l’autisme tout particulièrement. Ayant toujours eu un attrait pour l’humain et son fonctionnement psychique, lorsque j’ai débuté mes études d’architecture, très vite, l’une de mes préoccupations a été d’essayer de comprendre et d’analyser dans quelles mesures il est possible de mettre la conception architecturale au service du soin et du bien-être des personnes fragiles et ainsi d’allier ces deux disciplines qui m’animent tant. Comme en témoigne mon rapport d’étude, axé sur la volonté de définir un type d’habitat adapté au bien-être des habitants qui concorderait aussi avec les enjeux urbains, l’architecture au service du bien-être de la personne est, et ce depuis plusieurs années, au cœur de mes préoccupations de future architecte. Les dysfonctionnements des mécanismes sensoriels et cognitifs entraînent, pour la personne avec TSA, une incompréhension du monde qui l’entoure et influence ses comportements face aux stimuli de l’environnement et en présence d’autres individus. Il m’est donc apparu 15


nécessaire de comprendre ce qui impacte le fonctionnement sensoriel, afin d’adapter l’environnement des personnes avec TSA. Ces personnes, se trouvant bien souvent en difficulté par leur fonctionnement sensoriel et cognitif différent, il semble essentiel que les architectes n’accentuent pas cette situation en créant des espaces inadaptés qui viendraient les perturber davantage. Selon différents travaux sur le sujet de la pression et de l’impact environnemental sur les troubles autistiques, il m’apparaît être du devoir de l’architecte, de se sensibiliser à ces différentes questions de manière à les intégrer dans sa démarche de projet. Aux prémices de ce travail, et face à ce constat, plusieurs questions ont alimenté ma réflexion. Dans un premier temps nous pouvons identifier certains questionnements d’ordre méthodique. En effet, il est pertinent de se demander, en tant qu’architecte, quelles pourraient-être les ressources à notre disposition afin d’aider à l’intégration de ces personnes et l’amélioration de leur bien-être ? Comment à travers l’architecture et la conception des lieux de vie, est-il possible de compenser les difficultés de personnes avec des TSA ? L’architecture, peut-elle seulement contribuer au soin de ces personnes et si oui avec quels outils et quelles méthodes ? Dans un second temps, se posent les questions quant à ces dispositifs créés pour le bien-être des personnes avec autisme : Ces dispositifs de calme-retrait et d’apaisement sensoriels sont-ils une solution viable et inclusive face à ces troubles ? Enfin, nous identifions des questions d’ordre méthodologique quant à l’évaluation de ces derniers : Quelle pourrait-être une méthode pertinente pour évaluer l’efficience de ces dispositifs au regard de l’inclusivité ? Comment déterminer les paramètres à respecter dans la création de dispositifs adaptés aux personnes présentant des TSA ? Tandis que les domaines du soin et du bien-être psychologique sont encore trop peu étudiés dans les écoles d’architecture, ce travail poursuit la volonté d’explorer une méthode d’élaboration d’un outil qui permettrait d’aider les concepteurs à adapter les espaces de vie du quotidien, au bien-être de personnes présentant des troubles neurologiques, pouvant altérer leur perception de l’espace et de ce fait aussi leur vécu. Cette interrogation relève d’une prise de conscience de la difficulté quotidienne que rencontre un grand nombre de personnes. Alors que peu de travaux scientifiques existent sur la caractérisation d'une architecture adaptée à la symptomatologie autistique, d’autant plus qu’il existe autant d’autismes que d’autistes, il semble pertinent, si ce n’est essentiel, de se questionner sur la manière d’enrichir le sujet. De plus, aujourd’hui la pratique architecturale en matière d’inclusivité en reste à ses prémices. Cependant, bien que très peu nombreux, il existe des exemples d’espaces pensés pour les personnes avec TSA, qu’ils soient de l’ordre de l’architecture mais aussi de dispositifs sensoriels plus modestes, sur lesquelles cette recherche s’appuie. Ce mémoire s’attache à étudier des dispositifs d’hypostimulation sensorielle permettant l’inclusivité au sein de différents milieux du cadre ordinaire. Cette recherche porte alors sur l’élaboration d’un outil de caractérisation raisonnée et d’une réflexion méthodologique sur cette dernière. Afin de mettre en lumière un objet vecteur d’inclusion au sein de l’environnement, nous allons étudier une méthode qui consisterait à mettre en œuvre un catalogue raisonné, recensant ce qu’il existe en matière 16


de dispositifs adaptés aux personnes avec TSA, et qui permettrait d’identifier quels critères seraient essentiels à prendre en compte lors de la conception de tels espaces. Dans ce mémoire, nous nous attacherons, dans une première partie, à développer la question de l’autisme et de ses particularités sensorielles afin de comprendre quelles en sont les conséquences au regard de la perception de l’espace et ainsi sa prise en compte au sein d’un processus de conception architecturale. La seconde partie de cet écrit porte sur les objectifs et intérêts d’un catalogue raisonné ainsi que sur son contexte expérimental de réalisation. Enfin, la troisième et dernière partie nous permettra de discuter la méthode de constitution d’un tel outil afin de le rendre le plus efficient possible.

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PARTIE I : L’AUTISME ET SA PRISE EN COMPTE DANS L’ENVIRONNEMENT, UN CHAMPS DE RECHERCHE À SES PREMICES Dans cette première partie, nous nous attacherons à poser le contexte actuel quant à la recherche sur les Troubles du Spectre Autistiques à travers un état de l’art axé sur l’Autisme et son lien à l’architecture. Dans un premier temps, nous ferons le point sur les définitions de l’Autisme et sur ce que l’on en sait dans ses particularités sensorielles et cognitives et de leurs conséquences sur la perception de l’environnement. Dans une seconde partie, nous étudierons le rapport à l’espace des personnes avec TSA et les prémices de sa prise en compte dans la conception architecturale au service de l’autisme. Puis, dans une troisième et dernière partie, nous focaliserons notre attention sur les dispositifs de calme-retrait et d’apaisement sensoriel au service du bien-être des personnes présentant des TSA dans le milieu ordinaire en introduisant ainsi la problématique de ce travail d’initiation à la recherche.

I.1 Troubles du Spectre Autistique Cette partie s’attache à définir l’autisme d’une manière générale afin d’en comprendre les différents ressorts. À la suite de l’identification des paramètres sensoriels et cognitifs de la personne autiste, nous étudierons les caractéristiques intrinsèques à l’autisme en lien avec l’environnement.

a. Qu’est-ce que l’autisme ? L’autisme, dans la Classification Internationale des Maladies (CIM 10) apparaît dans la catégorie « Trouble Envahissant du Développement » (TED). C’est un trouble d’origine neurologique, apparaissant très souvent dès la petite enfance et persistant tout au long de la vie. La description des caractéristiques est relativement récente : en effet, introduit par Eugen Bleuler en 1911, le terme « autisme », dérivé du terme grec « Autos » signifiant « soi-même », était utilisé pour décrire ce qui était considéré à tort comme une psychose infantile. Ce n’est qu’en 1943 que le psychiatre américain d’origine autrichienne Léo Kanner décrit sous le nom d’ « autisme infantile» des particularités de comportement de certains enfants comme une tendance à l’isolement, un besoin d’immuabilité et un retard de langage4. Les caractéristiques fondamentales mises en évidence par L. Kanner restent en partie toujours valables de nos jours. Cependant, au cours du temps, la liste des 4

cf. KANNER Léo, (1943), Troubles autistiques du contact affectif. Dans Enfant nerveux : Journal de psychopathologie, psychothérapie, hygiène mentale et orientation de l'enfant 2, pp. 217–50.

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caractéristiques impliquées dans l’autisme s’est considérablement enrichie. En effet, ces dernières sont actuellement reconnues comme particulièrement diversifiées. Leur intensité est très variable d’une personne à une autre, il est donc préférable de parler de Troubles du Spectre Autistique (TSA), chaque individu se situant ainsi à un degré différent du spectre. Au sein du spectre, certains autistes auraient un « haut niveau de fonctionnement » tandis que d'autres seraient pourvus d’un « bas niveau de fonctionnement » : ceci fait référence à des personnes avec autisme ayant plus ou moins les capacités de compenser leurs difficultés, mais aussi à leur capacité intellectuelle. Alors que certains sont dotés d’une intelligence qui se démarque, d’autres présentent au contraire une déficience intellectuelle plus ou moins prononcée. « Troubles du Spectre Autistique » est une terminologie, recensée au sein du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux5 - appelé DSM-5, qui est davantage représentative de la diversité des formes induites par l’autisme. Parmi les manifestations les plus récurrentes de ces troubles, on retrouve une altération dans la capacité à communiquer et établir des interactions sociales. Des anomalies comportementales telles que des gestes parasites ou stéréotypés et des perceptions sensorielles inhabituelles font aussi partie des caractéristiques de ces troubles. D’autre part, la personne autiste semble présenter des difficultés à développer une orientation dans l’espace, ce qui peut être à l’origine d’une source de stress continue. Pour compenser cette déficience, les personnes concernées par ces troubles affichent une forte nécessité de créer des repères autour d’elles, notamment par le biais de rituels. 6 À l’origine de ces perceptions problématiques, on trouve un appareil sensoriel et cognitif complexe et atypique, dont nous allons détailler les fonctionnements ci-après.

b. Les particularités cognitives et caractéristiques sensorielles chez la personne autiste Fonctionnement neurotypique Tout d’abord, nous distinguons plusieurs types de sensations, telles que nous les rapportent S. Bekier et M. Guinot 7. Les plus connues sont les sensations extéroceptives : elles proviennent de l’environnement et concernent les organes des sens. Les sensations proprioceptives correspondent quant à elles à la sensibilité profonde du corps. Ces deux premiers types de sensations constituent ce que l’on nomme la sensibilité somatique. Puis sont rapportées les sensations viscéroceptives, aussi appelées intéroceptives. Ces dernières proviennent des organes internes. Nous considérerons donc sept systèmes sensoriels : les systèmes tactile, olfactif, gustatif, auditif, visuel, vestibulaire et proprioceptif. Le système vestibulaire se rapporte à l’oreille interne, permettant de 5

cf. DSM-5®, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, (2013). American Psychiatric Association. En ligne : https://www.accueilpsy.fr/articles/parents-et-handicap/les-troubles-sensoriels-chezles-personnes-autistes. Consulté le 15/02/2022. 6 Données INSERM, op.cit., consulté le 15/02/2022. 7 cf. BEKIER S. et GUINOT M., dans FINO Johanna, (2017) Particularités sensorielles et perceptives chez la personne présentant un trouble du spectre autistique : réflexion sur la place de la psychomotricité dans la prise en soin, Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme d’Etat de Psychomotricien, en ligne : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01562085/document, consulté le 15/01/2022.

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percevoir les changements de position de la tête dans l’espace et de contrôler les équilibres statiques et dynamiques, ainsi que l’oculomotricité. 8Le système proprioceptif permet quant à lui de percevoir la position et les mouvements du corps dans l’espace, les récepteurs étant situés au niveau des muscles, des tendons et des articulations. Ce fonctionnement de l’appareil sensoriel, que nous venons d’exposer synthétiquement, est commun à la fois aux personnes neurotypiques et à celles avec TSA. Fonctionnement atypique Face au tableau précédent, plusieurs témoignages de personnes avec TSA mettent en évidence des ressentis différents de ceux des personnes neurotypiques. Ces derniers semblent notamment exacerbés et douloureux chez la personne avec autisme. Mary Temple Grandin, autiste de haut niveau et professeur à l’Université du Colorado, explique en effet : « quand j’étais enfant, la cloche de l’école me rendait complètement folle. Je la sentais comme la roulette du dentiste. Sans exagération : le son provoquait une sensation à l’intérieur de mon crâne comme la douleur qui vient de la roulette du dentiste. »9 Brigitte Harrisson est une auteur et conférencière, elle-même atteinte de troubles du spectres autistiques. Cette dernière consacre sa carrière à témoigner de ce qu’est l’autisme, en décrivant ses ressentis et en les expliquant d’un point de vue neurologique. Celle-ci témoigne également : « Les bruits non réguliers comme celui d’un système d’alarme provoquent énormément de douleur à l’intérieur de la tête, à un endroit précis, plus loin que l’oreille (...) la zone de la tête où j’associe visuellement les informations sonores à leur source. Comme il me faut voir le bruit, le fait qu’il ne soit pas régulier pose problème : ça fait trop d’informations distinctes à traiter en même temps ».10 De même pour les stimuli visuels, « toute stimulation instable, ou irrégulière (...) peut fortement incommoder l’autiste. Par exemple, un luminaire fluorescent produit un spectre mixte et non pas un spectre continu de lumière. La lumière sinueuse qui en résulte est captée de façon constante par le cerveau en sur-connectivité, ce qui peut épuiser considérablement la personne autiste sans qu’elle comprenne pourquoi » (HARRISSON, 2020, p. 69). Ainsi, bien qu’une personne neurotypique et une personne autiste possèdent le même appareil sensoriel, ces dernières ne traitent pas les informations issues de ces stimuli de la même manière. Ceci peut s’expliquer par un processus neurodéveloppemental différent chez la personne avec TSA. En effet, certaines structures et fonctions neurologiques ne permettent pas de traiter la diversité des informations sensorielles, ni de les hiérarchiser comme le ferait un cerveau au fonctionnement neurotypique. Le 8

L’oreille interne, appelée également labyrinthe, contient deux organes sensoriels aux fonctions différentes : l’organe de l’audition, et l’organe de l’équilibre. Les structures de l’oreille interne nécessaires au sens vestibulaire sont le saccule, l’utricule et les canaux semi-circulaires du labyrinthe osseux. 9 TEMPLE GRANDIN Mary, Traduction de la citation suivante When I was a kid, the school bell made me absolutely crazy. I felt like a dentist’s drill. No exageration: the sound caused a sensation inside my skull like the pain from a dentist’s drill. Dans Comprendre l’autisme. La perception sensorielle. En ligne : https://comprendrelautisme.com/le-fonctionnement/la-perception-sensorielle/. Consulté le 30/04/2022. 10 HARRISSON B. & ST-CHARLES L., (2020). L’autisme expliqué aux non-autistes. Mieux comprendre pour mieux répondre à leurs besoins au quotidien, Editions Marabout Hachette, p. 55.

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traitement des informations sensorielles se fait différemment au niveau cognitif. Effectivement, le cerveau autistique « doit traiter chaque bribe d’information de manière consciente, une bribe à la fois, à l’aide d’une gymnastique cognitive, ce qui explique entre autres les longs délais de traitement de l’information ».11

Figure 1. HARRISSON B. & ST-CHARLES L., 2020, « Le traitement d’information par le cerveau neurotypique et par le cerveau autistique ».

Aussi, le fonctionnement sensoriel de la personne autiste peut « monopoliser » l’attention du cerveau autistique, et gêner l’entrée d’autres informations : « le cerveau perceptif prend trop d’informations et n’arrive pas à les dégager de sa pensée. Il doit apprendre à ajuster l’entrée de l’information en fonction de la surcharge sensorielle »12. Afin de compenser les différentes difficultés inhérentes à l’autisme, la personne met en place un mécanisme de rééquilibrage sensoriel - qui se manifeste notamment sous la forme de comportements stéréotypés -. Il est supposé que les gestes autistiques observables, par exemple le battement des mains ou le balancement du corps d’avant en arrière, sont « des manifestations du corps qui viennent en aide au cerveau »13. Par exemple, « le hand flapping pourrait être vu comme une manifestation du corps qui vient aider le cerveau à capter une manifestation positive, la joie, émotion qui nourrit la communication » (HARRISSON, 2020, p. 59). De plus, la confusion constante chez la personne autiste peut notamment s’expliquer par une faiblesse de « cohérence centrale », théorie avancée par Uta Frith en 1989, qui désigne l’incapacité à élaborer une conception globale des informations provenant de l’environnement.14 La personne autiste aurait plutôt tendance à faire une fixation sur un traitement local des détails mais sans possibilité d’accéder à l’étape qui permettrait de les rassembler en un tout cohérent. Ce phénomène est décrit par Olga Bogdashina 15 sous la dénomination de « perception fragmentée ». Comme en témoigne l’auteure Donna Williams16 : « Les objets m’apparaissaient parfois réduits à leurs plus simples caractéristiques, à leur couleur, à leur son, à leur toucher, […] Je voyais le monde par bribes et par petits bouts. Je ne percevais que des figures géométriques aux motifs attrayants : des triangles verts, des carrés dorés, ou tout simplement du bleu dans lequel mon regard 11

HARRISSON B. & ST-CHARLES L., (2020), op.cit., p. 91. HARRISSON B. & ST-CHARLES L., (2020), op.cit., p. 33. 13 HARRISSON B. & ST-CHARLES L., (2020), op.cit., p. 57. 14 cf. FRITH Uta, (1989), Autism: Explaining the Enigma. 2nd edition. Edition Wiley-Blackwell. 15 BOGDASHINA Olga est une enseignante, conférencière et chercheur, avec un intérêt particulier pour les troubles de la communication et les problèmes sensoriels et perceptifs dans l'autisme. Elle est aussi mère d'un fils avec autisme. 16 WILLIAMS Donna est une auteure présentant des troubles du spectre autistique. 12

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se noyait avec délectation. »17 Ou encore à travers cette citation « Alors que quelqu'un d’autre aurait vu une « foule », je voyais un bras, une personne, une bouche, un visage humain, une chaise, une personne, un œil. Je voyais 1000 images, là où quelqu'un d’autre n’en voyait qu’une. » (citée par BOGDASHINA, 2012, p. 93) Les profils sensoriels O. Bogdashina en 2012 répertorie les différents styles de traitements de l’information sensorielle en trois typologies : l’hypersensibilité, hyposensibilité et le traitement monosensoriel18. L’hypersensibilité correspond à une sensibilité accrue aux flux sensoriels de l’environnement tandis qu’à l’inverse l’hyposensibilité relève d’une sensibilité réduite à ces derniers. Temple Grandin, dans son ouvrage Ma vie d’Autiste19, témoigne de son hypersensibilité sonore : « Pour moi, entendre, c’est comme avoir une prothèse auditive avec le volume bloqué à fond. C’est comme un micro ouvert, qui ramasse tout. J’ai deux choix : ouvrir le micro et être submergée par un déluge de sons ou le fermer complètement »20. À travers ce propos, cette dernière nous fait part d’un réflexe – comportement autistique rythmique et stéréotypé - souvent présent chez les personnes avec des TSA afin de se protéger de leur environnement et des stimuli émis, celui de se couper sensoriellement de l’extérieur. Ceci explique en grande partie la sensation que les personnes neurotypiques ont à l’égard des personnes avec TSA quand elles les qualifient « dans leur monde / bulle ». Dans le cas d’un traitement mono-sensoriel, la personne autiste ne peut traiter que les informations provenant d’une modalité sensorielle à la fois. Pour certaines personnes avec TSA, le traitement mono-sensoriel revêt un rôle d’adaptation permettant d’éviter une surcharge sensorielle, ou de réaliser une action. 21 Il arrive donc fréquemment qu’une personne autiste, de manière à comprendre l’information émise lors d’une conversation par exemple, ferme les yeux ou baisse la tête de manière à se concentrer uniquement sur le message transmis par la parole de son interlocuteur, et ainsi filtrer les informations visuelles qui lui nécessiteraient trop de temps à être traitées. Certaines personnes, « hypersensorielles », lorsqu’elles se sentent trop agressées par les stimuli environnants, cherchent même à se replier dans un espace calme.

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WILLIAMS Donna, cité dans REY-FLAUD Henri, (2010), L'enfant qui s'est arrêté au seuil du langage : comprendre l’autisme, en ligne : https://books.google.fr/books?id=Cx3eZM0IWfMC&pg=PT31&lpg=PT31&dq#v=onepage&q&f=false, consulté le 14/01/2022. 18 cf. BOGDASHINA Olga, (2012), Questions sensorielles et perceptives dans l’autisme et le syndrome d’Asperger : des expériences sensorielles différentes, des mondes perceptifs différents. 2è édition traduit par Mme Dufrenoy. Extrait en ligne : https://www.autismediffusion.com/Files/21499/EXTRAITquestions2emeed.pdf, consulté le 14/01/2022. 19 cf. TEMPLE GRANDIN Mary, (1994), Ma vie d’Autiste, Edition Odile Jacob. 20 TEMPLE GRANDIN, cité dans WOZNIAK Tiffany, Les aspects sensoriels et perceptifs dans l’autisme, Centre des Ressources Autisme Alsace/ CRA, particularités sensorielles – copie.ppt, en ligne : http://cra-alsace.fr/wpcontent/uploads/RESEAUX/PROF_68/particularites_sensorielles.pdf, consulté le 14/01/2022. 21 cf. Centre Ressources Autisme (CRA) / Centre Hospitalier Rouffach / Association Adèle de Glaubitz, (2018), Autisme et sensorialité, guide pédagogique et technique pour l’aménagement de l’espace. En ligne : https://cra-alsace.fr/autisme-et-sensorialite-guide-pedagogique-et-technique-pour-lamenagement-delespace/. Consulté le 14/01/2022.

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À l’inverse, une personne « hyposensorielle », qui « manque » de stimuli, sera à la recherche de stimuli extérieurs.22 Le cerveau cherche en effet à compenser l’état intérieur de la personne autiste, modifié par ses perceptions, en provoquant des comportements spécifiques. Les diverses caractéristiques sensorielles et cognitives inhérentes au développement neuronal atypique - au-delà d’un traitement des informations particulier - induisent, chez la personne avec autisme, des perceptions différentes de l’environnement qui l’entoure. Dans un premier temps, nous notons que les perceptions environnementales passent essentiellement par le sens de la vue. Temple Grandin en témoigne : « Ma pensée est entièrement visuelle. Si je dois me souvenir d'un concept abstrait, je « vois » dans ma tête la page du livre ou mes notes et je « lis » les informations qui s'y trouvent. [...] Je me souviens très peu de ce que j'entends sauf si c'est quelque chose qui me touche sur un plan émotionnel ou si je peux m'en former une image visuelle. Pour réfléchir à un concept abstrait, comme celui des relations humaines, j'utilise des symboles visuels ». 23

Figure 2. Comparaison d’un scan du cerveau de Temple Grandin et celui d’une personne neurotypique. Photo © Walt Schneider, Université de Pittsburg.

Ci-dessus, le scan du cerveau de Temple Grandin, à gauche, comparé à celui d’une personne neurotypique, à droite. Ce dernier est réalisé dans le cadre d’une étude à l’université de Pittsburg, portée par Walt Schneider et visant à montrer les différences du système de pensée d’une personne neurotypique et d’une personne avec autisme. Nous observons que la zone impliquée dans le traitement des informations visuelles perçues chez Temple Grandin est bien plus large que celle observée chez la personne neurotypique. Ceci témoigne d’une plus importante focalisation quant aux informations et stimulations visuelles, aux dépens d’une diminution de la capacité d’attention et de capacité du traitement du message verbal. Ainsi, les personnes avec autisme présentent des difficultés de concentration et de focalisation durant les échanges sociaux, ce qui

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D’ailleurs, lors de notre visite en immersion sur le site partenaire hospitalier des Campilles à Thuir, nous avons par exemple pu observer des personnes avec autisme qui se plaquaient le long d’un poteau métallique et tapaient dessus pour en ressentir les vibrations. 23 TEMPLE GRANDIN M., cité dans OVERBLOG - Au fil des jours, je vous parlerai de … Camille, (2011), Extrait du livre « Ma vie d’autiste », en ligne : http://www.camilletedautisme337.com/article-extraits-du-livre-detemple-grandin-ma-vie-d-autiste-84060102.html, consulté le 06/03/2022.

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souvent se traduit par un « évitement visuel » de manière rester focalisé sur l’interaction sans être perturbé par les stimuli visuels. D’autre part, la personne autiste n’apprécie pas ne pas percevoir les sources des stimuli qui lui parviennent. B. Harrisson témoigne elle aussi de sa pensée visuelle : « Tout entre par les yeux, que ce soit le toucher, l’image ou le son » 24 ; « si un toucher n’est pas vu et que le cerveau ne peut pas associer une image à la sensation physique ressentie, il ne peut pas être enregistré et cause alors un réel malaise ». Ainsi, lorsqu’une autre personne pose la main sur son dos ou son épaule, la sensation pour la personne autiste peut être très désagréable et lui rester un long moment, même après que l’autre personne a levé sa main. Ceci explique que les personnes autistes aiment souvent porter des vêtements bien couvrants, avec des manches longues par exemple, pour diminuer la sensation envahissante du toucher non visualisé. Le tissu des vêtements doit également être confortable pour limiter les sensations de frottement sur la peau. Josef Schovanec, philosophe et écrivain français autiste, explique lors d’une interview qu’il préfère la texture de certains tissus à d’autres, et qu’il porte son tee-shirt à l’envers sous ses chemises « pour ne pas être gêné par les coutures » 25. Brigitte Harrisson témoigne quant à elle : « mon cerveau refusait de traiter un habillement fait de deux tissus différents, de textures différentes ».26 Le traitement de différentes textures et les situations qui permettent peu de contrôle visuel semblent alors représenter des difficultés dans l’environnement des personnes autistes.

c. Conséquences de ces particularités sensorielles sur le rapport à l’environnement Ces perceptions, différant de celles des personnes neurotypiques, induisent donc des interactions particulières avec l’environnement à la fois social et spatial. Environnement social Un des premiers obstacles à l’interaction de la personne autiste avec son environnement social est celle de la difficulté de communication. En effet, le langage peut, dans certains cas, se révéler trop complexe pour le cerveau autistique. Certaines personnes atteintes de TSA sont non-verbales, ce qui rend la communication avec les neurotypiques d’autant plus complexe. Pour cela, des langages adaptés ont été mis en place : le Langage SACCADE Conceptuel (LSC), ou PECS, constitués de pictogrammes ou images. Les interactions sociales sont également complexifiées par le traitement perceptif du cerveau autistique. En effet, « le cerveau perceptif priorise (…) les informations concrètes, tout ce qui est non social ou axé sur les détails » ; « Les autistes sont des aveugles sociaux

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cf. HARRISSON B. & ST-CHARLES L., (2020), op.cit. cf. BARRET Anne-Laure, Article Josef Schovanec, autiste, philosophe et globe-trotter. Dans Le Journal du Dimanche, publié le 29 mars 2015, modifié le 20 juin 2017, en ligne : https://www.lejdd.fr/Societe/JosefSchovanec-autiste-philosophe-et-globe-trotter-725216. Consulté le 30/04/2022. 26 HARRISSON B. & ST-CHARLES L., (2020), op.cit., p.91. 25

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de naissance, à divers degrés » (HARRISSON, 2020, p. 36). Certaines personnes présentant des troubles autistiques ne comprennent pas toujours le sens social des comportements d’autrui, devinent rarement les émotions de leurs interlocuteurs et ne semblent que très peu intégrer la notion de la pudeur. Enfin, ils ne cherchent pas forcément l’interaction sociale, ce qui peut alors donner l’impression qu’ils vivent dans leur « bulle ».27

Figure 3 : Imagerie cérébrale fonctionnelle en TEP (Transmission par Emission de Positrons) des bases cérébrales d’enfants autistes et d’enfants contrôle, lors de la perception de la voix humaine par rapport à d'autres sons, comme des animaux, cloches, voitures. © Imagerie biomédicale au CEA (Commissariat à l’Energie Atomique)

Cet IRM a permis de révéler la dimension neurologique de l'autisme qui se traduit par une incapacité des personnes avec TSA à activer les aires cérébrales spécifiques de la reconnaissance de la voix humaine (cf. figure 3). Des anomalies de l’activation du sillon temporal supérieur et des régions cérébrales impliquées dans l’analyse des intentions des autres individus à notre égard (analyse du regard ou de l’expression du visage, reconnaissance de la voix humaine, langage) ont été observées chez des sujets autistes au cours de tâches impliquant des interactions sociales. Les personnes avec des TSA, présentent alors divers fonctionnements cognitifs différents et atypiques, au niveau des habilités relationnelles, des interactions sociales.28 Environnement spatial Les perceptions occupent une place trop importante dans le traitement de l’information, et le repérage dans l’espace est donc également plus difficile. Afin de décoder l’espace, il est capital d’intégrer les données issues des capteurs sensoriels des différents systèmes, apportant chacun des informations nécessaires à la compréhension globale de l’espace qui nous entoure. Ces données, appelées « stimuli sensoriels », comme le bruit, la lumière, les odeurs sont alors transformées en messages nerveux traités par des zones cérébrales spécifiques qui, dans le cas de l’autisme, dysfonctionnent. Cette difficulté à traiter 27

HARRISSON B. & ST-CHARLES L., (2020), op.cit., p.43. cf. Annexe n°1. BIELLO David, (2005), illustration « Certaines des aires cérébrales touchées par les déficits en neurones miroirs dans l’autisme » dans CHARRAS K., (2008), p. 153. 28

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l’information sensorielle s’accompagne bien souvent d’une sensation de gêne, de confusion créant chez la personne en question une certaine détresse voire une angoisse permanente. Ainsi, ce fonctionnement atypique entraîne, chez la personne avec autisme, une difficulté à décoder l’espace, son sens et sa fonction, de même que de le repérer et l’explorer. Pour certaines personnes, l’exploration se limite à des déplacements dans « l’environnement immédiat », elles doivent alors « toucher les murs et les meubles en se déplaçant à la périphérie des pièces »29. D’autres éprouvent le besoin de garder dans leur main un petit objet, cette sensation leur permettant de mieux s’ancrer dans leur « réalité physique tout en permettant aux fonctions cognitives d’être mobilisées ailleurs » : « il s’agit [...] d’un marqueur ou d’une mesure stable qui [les] aide à repérer [leur] propre corps se déplaçant dans l’espace ». (HARRISSON, 2020, p. 60) Le changement d’ordre temporel - pour l’heure du repas par exemple - implique également un manque de stabilité. Ainsi, pour compenser les difficultés de repérages et améliorer la sensation de contrôle sur son environnement, la personne avec TSA a tendance à créer des rituels liés à l’espace. Il peut notamment arriver que la personne autiste aligne des objets : « l’autiste donne ainsi un sens à son environnement ». (HARRISSON, 2020, p. 65) Tous ces éléments qui aident la personne autiste à ressentir un contrôle sur son environnement la rassurent et favorisent un comportement davantage exploratoire de l’espace qui l’entoure. D’autre part, la limite entre le soi et l’extérieur semble difficile à différencier chez la personne autiste, ce qui accentue le manque de stabilité ressentie face à l’environnement varié. Cette « limite floue » avec l’extérieur donne des sensations de fusion avec l’environnement.30 Ainsi, pour compenser cette fusion et ce sentiment d’éparpillement, la personne autiste aime à se sentir contenue dans son environnement.

29

HARRISSON B. & ST-CHARLES L., (2020), op.cit., p.33 COURTEIX Stéphan, (2009), Troubles envahissants du développement et rapports à l’espace, LAF-ENSAL, Lyon, inédit, 35 p., p.13. En ligne : https://docplayer.fr/24526260-Troubles-envahissants-du-developpementet-rapports-a-l-espace.html. Consulté le 03/03/2022. 30

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I.2 Le rapport à l’espace des personnes avec TSA et sa prise en compte dans la conception architecturale : Les prémices d’une recherche d’inclusivité architecturale au service de l’autisme Cette partie s’attache à comprendre l’importance de la prise en compte des déficiences exposées plus haut lors de la conception de l’espace architectural. Dans un premier temps, nous verrons dans quelle mesure l’environnement joue un rôle crucial dans la manifestation du handicap. Puis, dans un second temps, nous développerons la manière dont ce handicap peut être atténué en adaptant l’espace bâti de façon à être inclusif à l’autisme. Pour cela, nous nous appuierons sur un certain nombre de travaux scientifiques sur la thématique de l’autisme et de son lien à l’espace architectural.

a. Le rôle de l’environnement dans les situations vécues de handicap Différentes évolutions ont vu le jour entre les définitions de Kanner en 1943 et la façon dont était appréhendé l’autisme tel un syndrome, puis la compréhension actuelle de l’autisme dans un rapport prenant en compte les dimensions sociétales et environnementales. Il est nécessaire de notamment convoquer la définition contemporaine du Handicap, à l’origine de ces changements de compréhension de ces troubles. C’est seulement à partir des années 1980 que la compréhension du Handicap, de la façon dont on l’entend aujourd’hui, commence à s'édifier. À la même période, nous notons également l'apparition du terme Trouble Envahissant du Développement (TED) dans les classifications internationales (en 1975 dans la CIM 9 et en 1980 dans le DSM-III). La prise en compte de l’impact d’une déficience sur la qualité de vie d’une personne, est en effet, relativement récente. Cela fait l’objet d’un long processus de réflexion au niveau international au sein de l’OMS qui aboutit à une première définition en 1981, appelé la Classification Internationale des Maladies (CIM). Cette dernière montrait que toute maladie, ou tout traumatisme ne pouvant pas toujours être guéri ni compensé, pouvait se traduire par de véritables incapacités pour la personne concernée, à être intégrée et performante dans les différents volets de sa vie et activités normales. Ceci, l’empêchant alors de tenir le rôle qui est sien au sein de la société se caractérise alors par un désavantage et par conséquent, un handicap. Dès lors, cet enchaînement « déficience, incapacités et désavantages »31 caractérise une situation de handicap. Enfin, en 1996 les TSA font leur entrée dans la Classification Internationale des Handicaps (CIH).

31

cf. WHO, (1980), International Classification of Impairments, Disabilities and Handicaps. A manual of classification relating to the consequences of disease, Geneva WHO edition. Traduite en français en 1988 sous le titre : Classification Internationale des Handicaps : déficience, incapacités et désavantages. Un manuel de classification des maladies.

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La place de l’environnement dans la caractérisation du handicap Au printemps 2001, la Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé est adoptée par l'assemblée générale de l'OMS (CIF 2001).32 La CIF propose de ne plus déployer un processus causal, partant d'une cause, la maladie, à ses conséquences, le handicap (comme la CIH), mais plutôt de développer des outils pour décrire la vie quotidienne des personnes, leur bon ou mauvais fonctionnement dans une perspective plus contextuelle.

Figure 4. Schéma de la caractérisation du Handicap selon la CIF, Illustration OMS.

Dans la CIF, la complexité du handicap se traduit par un modèle (représenté par le schéma ci-dessus), qui analyse notamment le fonctionnement et le handicap comme le résultat d'une interaction entre un problème de santé et des facteurs contextuels à la fois personnels et/ou environnementaux. Ce schéma, dans sa double lecture verticale et horizontale, renforce une conception large de la santé, en explicitant les définitions du fonctionnement et du handicap (absence de fonctionnement), comme états multidimensionnels, physiologique, individuel et social, résultant d'une interaction non prédéfinie entre un problème de santé, des facteurs personnels et des facteurs environnementaux.33 Ainsi, c’est seulement depuis 2001, qu’il est reconnu que le Handicap peut en partie être dû ou renforcé par l’environnement et le contexte. Par conséquent, si l’environnement est adapté aux déficiences, incapacités et désavantages, cela pourrait permettre de minimiser, voire de pallier tout ou partie de la situation d’handicap. Au contraire, un contexte environnemental (architectural, urbanistique etc.), non adapté peut accroître cette situation de handicap.34

32

cf. OMS, (1988), Classification Internationale des Handicaps : déficience, incapacités et désavantages. Un manuel de classification des maladies, n°9. 33 OMS, n°9, op.cit., p. 223. 34 cf. Annexe n°2, Historique de l’évolution de la notion de handicap.

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Son application dans les textes législatifs C’est dans la continuité de ces observations et de cette évolution scientifique qu’en 2005 en France, est promulguée la loi « Pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » (Loi 2005-102 du 11 Février 2005, Article L.111-7.)35 Celle-ci propulse dans le code de la construction une loi fondamentale de la prise en compte des déficiences de tout type pour éviter d’un point de vue environnemental des situations de handicap. Cette dernière stipule : « Art. L. 111-7. - Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d'habitation, qu'ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique, dans les cas et selon les conditions déterminés aux articles L. 111-71 à L. 111-7-3. Ces dispositions ne sont pas obligatoires pour les propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage ». Cet article de loi défend le principe selon lequel chaque lieu et environnement de la vie quotidienne recevant du public, doit être conçu pour tous, c’est-à-dire en prenant en compte les différents handicaps éventuels des usagers, dont l’autisme fait partie, afin d’offrir une expérience vécue du lieu aussi qualitative à ces personnes qu’aux personnes non handicapées. Cette dernière part du principe que les préconisations relatives à la population présentant un handicap physique ou sensoriel n’apportent que plus de confort à toute personne ne présentant aucun handicap. La loi 2005-102 permet d’accentuer la prise de conscience au niveau sociétal et des aménageurs du cadre de vie, de la responsabilité environnementale sur le handicap. La question du Handicap, telle que développée ici, met aux prises un individu avec des particularités et son environnement. En effet l’environnement peut engendrer une pression supplémentaire sur ce dernier ou au contraire faciliter l’interaction espaceindividu. Bien que les capacités d’insertion sociale diffèrent d’un individu concerné par les TSA à l’autre, les troubles engendrés par ce handicap peuvent être atténués notamment par un aménagement environnemental adapté. C’est pourquoi il semble essentiel de se pencher sur certains travaux convoquant la psychologie environnementale.

35

cf. LOI 2005-102 du 11 Février 2005, Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (1), Article L.111-7, en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000809647/#:~:text=245%2D1.,%C2%AB%20Art.,%C3%A0%20la%20prestation%20de%20compensation. Consulté le 25/02/2022.

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Les apports de la psychologie de l’environnement En effet, la psychologie environnementale « vise à la compréhension des rapports entre l’individu, la société et l’environnements. [Elle] examine à tour de rôle les relations de l’individu aux différents espaces qui l’entourent et qu’il fréquente ».36 Dans sa thèse présentée en 2006, Isabelle Léothaud37 se penche entre autres sur la question du lien entre l’autisme et son environnement. Sa thèse de doctorat38 porte sur les liens entre les ambiances architecturales et les comportements psychomoteurs d’enfants autistes dans des structures pédopsychiatriques (« Ambiances architecturales et comportements psychomoteurs : de l’observation à l’aide à la conception, le cas de structures pédopsychiatriques »). Elle y explique que la construction psychique se fait en interaction avec l’environnement, d’où l’importance de l’étude. « Les configurations spatiales, visuelles et sonores d'un site permettent aux usagers de choisir leur place (physique, matérielle, psychologique et sociale) les uns par rapport aux autres : loin de, à côté de, à proximité mais hors du champ de vision de, à l'opposé de etc. Elles jouent donc un rôle important dans la construction du Moi, dans la connaissance de l'individu par lui-même et dans sa reconnaissance dans le groupe, par les autres. »39 Pour vérifier dans quelle mesure ceci s’observe, elle étudie sur divers sites le lien entre les caractéristiques de l’espace et les comportements des résidents. D’après I. Léothaud, lumière, acoustique, volume et contenance, hauteurs sous plafond, formes des parois, couleurs et matériaux utilisés, sont autant de critères à prendre en compte dans la conception d’un environnement adapté aux personnes avec autisme. Nous évoquerons, les expérimentations et résultats concernant ces paramètres en particulier ci-après. Ainsi, le handicap est souvent en lien avec la dimension environnementale, et celle-ci, lorsqu’elle correctement appréhendée peut positivement influencer le bien-être de la personne en situation de handicap. De cette manière, il nous semble dès à présent pertinent de poursuivre cette réflexion avec la notion d’inclusivité architecturale.

b. La recherche en matière d’autisme et son lien à l’architecture Alors que l’autisme interroge depuis des décennies, rares sont les travaux de recherches scientifiques sur le sujet des TSA et de l’impact de l’environnement architectural sur ces troubles. En effet, malgré des préoccupations de plus en plus partagées, il apparaît que parmi la littérature existante sur le sujet, un grand nombre d’entre elles s’appuient 36

cf. MOSER Gabriel, (2009), Psychologie environnementale. Les relations hommes-environnements, édition De Boeck, collection : ouvertures psychologiques, 298p. 37 Étudiante à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, elle effectue un doctorat encadré par le laboratoire au Centre de Recherches Méthodologiques d’Architecture et d’Aménagement (CERMA) à l’école d’architecture de Nantes et l’Ecole polytechnique de l’Université de Nantes, en Sciences pour l’ingénieur et architecture 38 cf. LEOTHAUD Isabelle, (2006). Ambiances architecturales et comportements psychomoteurs, Ecole doctorale mécanique, thermique et génie civil de Nantes. En ligne : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel00399049/document, consulté le 18/11/2021. 39 LEOTHAUD Isabelle, (2006), op.cit., p. 295.

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davantage sur des retours d’expérience, de conseils, d’intuitions ou d’aprioris que sur des méthodes scientifiquement recevables et fiables. Néanmoins, les travaux scientifiques sur le sujet en France s’enrichissent les uns les autres et s’inscrivent dans une mouvance de réflexion commune. Une mouvance de recherche marquée par la pluridisciplinarité D’autre part, nous notons que ce sujet convoque plusieurs disciplines comme celles de l’architecture, la psychologie, la psychologie environnementale ou encore des sciencescognitives, comme peuvent en témoigner les différents parcours des chercheurs impliqués. En effet, nous nous intéresserons notamment aux travaux de Kevin Charras et ceux d’Isabelle Léothaud, davantage axés sur une approche mobilisant la psychologie environnementale, mais aussi à ceux d’Estelle Demilly, qui quant à elle inscrit ses travaux dans une recherche architecturale. Nous notons néanmoins la pluridisciplinarité de certains chercheurs, comme Stéphan Courteix, à la fois architecte et docteur en psychopathologie et psychologie clinique. D’autre part, certains chercheurs ayant traité le sujet, inscrivent leurs travaux dans une démarche collaborative et pluridisciplinaire. Parmi les travaux les plus récents sur la thématique du lien entre autisme et environnement architectural en France, nous pouvons notamment citer les thèses d’Estelle Demilly40 et de Lucie Longuépée41 s’inscrivant dans une recherche pluridisciplinaire. Les travaux de recherche d’Estelle Demilly sont menés dans le cadre scientifique du LAF/LAURE42 de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon (ENSAL). Ces derniers portent sur l’aspect architectural de la question avec pour thématique de thèse Autisme et Architecture, Relations entre les formes architecturales et l’état clinique des patients. Concernant un aspect davantage porté sur la psychologie, nous nous appuierons sur la thèse de Lucie Longuépée, Autisme et architecture : l’exploration des troubles du spectre autistique en relation avec les paramètres architecturaux de leurs lieux de vie, réalisée au Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition (LPNC), du département de psychologie de l’Université de Savoie. Ces deux thèses portent sur l’impact du cadre architectural sur des sujets adultes présentant un trouble du spectre autistique.43 Ce projet de recherche pluridisciplinaire,

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Thèse soutenue le 24 juin 2014 par Estelle Demilly, alors doctorante de 3ème cycle universitaire. Thèse encadrée par François Fleury, enseignant-chercheur du laboratoire. Autre figure importante du projet, le référent coordinateur du volet architectural du projet de recherche, Stéphan Courteix architecte et docteur en psychopathologie et psychologie clinique. 41 Thèse soutenue le 27 février 2015 par Lucie Longuépée, alors doctorante de 3ème cycle universitaire. Thèse encadrée par Martine Bouvard, professeure de psychologie. Autre figure importante du projet, la référente coordinatrice du projet du volet clinique du projet de recherche, Dr Brigitte Assouline responsable de la Structure Interne Autisme du CRA Rhone-Alpes. 42 LAURE (Lyon Architecture Urbanisme Recherche) créé en 2014, anciennement LAF (Laboratoire d’Analyse des Formes) lui créé en 1986. Le LAURE, dirigé par Phillipe Dufieux, constitue une composante de l’unité de recherche – UMR 5600 « Environnement, Ville et Société » du CNRS. 43 Ces recherches, explicitées dans le rapport final à la Caisse Nationale de la Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) - financeur du projet – sont portées à la fois par le Centre de Ressources Autisme (CRA), par le LAF (Laboratoire d’Analyse des Formes), aujourd’hui appelé LAURE et par le Laboratoire de Psychologie et Neuro Cognition (LPNC).

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porté par des équipes dont les expertises sont variées, illustre un intérêt particulier pour la question de l’impact de l’architecture sur les personnes avec TSA. Approches méthodologiques Afin de produire un savoir scientifique pertinent et recevable, les chercheurs s’appuient sur une méthodologie de recherche précise. Cette dernière, souvent constituée de différentes étapes, comprend des expérimentations prenant appui sur un protocole de recherche conçu en amont. L’observation est une méthode transversale à toutes les études qui font le lien entre les troubles du spectre autistiques et l’environnement. Certains chercheurs, comme Isabelle Leothaud44, Estelle Demilly45 ou encore Lucie Longuépée46, font le choix de cette méthodologie, afin d'atténuer les biais de la méthode d’investigation du site et de préserver le public étudié d'une intervention perturbatrice. I. Leothaud fait le choix d’un relevé ethnographique qui passait en premier lieu par une phase d’acceptation de sa présence sur le site par les enfants atteints d’autisme. Ces observations sont retransmises sous forme de schémas de parcours commentés sur plan.

Figure 5. Plan du chemin parcouru de l’enfant dans LEOTHAUD Isabelle (2006).

Divers lieux spécialisés sont étudiés. « Sur trois hôpitaux, la méthode comprend de longues campagnes d’observations ethnographiques des enfants dans leur milieu d’accueil, des 44

cf. LEOTHAUD Isabelle, (2006), op.cit. cf. DEMILLY Estelle, (2014). Autisme et architecture. Relation entre les formes architecturales et l’état clinique des patients. Ecole Nationale d'Architecture. En ligne : http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2014/demilly_e/pdfAmont/demilly_e_these.pdf, consulté le 01/11/2021. 46 cf. LONGUEPEE Lucie, (2015). Autisme et architecture : L’exploration des troubles du spectre autistique en relation avec les paramètres architecturaux de leurs lieux de vie. Université Grenoble Alpes. En ligne : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01691650/document, consulté le 15/11/2021. 45

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relevés architecturaux et des mesures d’ambiance ainsi que diverses discussions avec les professionnels [de santé]. » (LEOTHAUD, 2006, p. 2) Des facteurs et combinaisons de facteurs sont étudiés (visuel, sonore, olfactif, social, etc.) au sein d’ambiances diverses, et les résultats visent à mettre en évidence l’impact de « critères pertinents, comme par exemple, la lisibilité des espaces, la solidité de l’enveloppe spatiale, l’aménagement de transitions à différentes échelles du projet ». (LEOTHAUD, 2006, p. 2) Dans la même dynamique, Estelle Demilly s’attache quant à elle à faire des observations axées sur l'espace. Pour cela, elle réalise un relevé architectural qui lui permet de définir des variables spatiales précises. Elles sont par la suite mises en relation avec les manifestations des troubles autistiques examinés dans les différents espaces. Certains chercheurs explorent d’autres méthodologies afin d’approcher l’autisme et les ressentis sensoriel et spatiaux, en contournant la non-verbalité, caractéristique de ce public, par la collaboration avec les personnes de leur entourage (soignants, encadrants, parents etc.). Les travaux de M. Mostafa47, par exemple, illustrent une méthodologie de recherche axée sur la collaboration. Ses recherches, portant sur le lien entre performances cognitives et espace bâti, se tournent vers une étude réalisée auprès d’enfants et adolescents avec des TSA, notamment au sein du cadre scolaire. En effet, les caractéristiques architecturales et environnementales semblent susceptibles d’impacter les capacités d’apprentissage des enfants atteints de Troubles du Spectre Autistique. L’hypothèse est la suivante : les performances cognitives des élèves atteints de TSA peuvent être renforcées dans des environnements physiques appropriés. Pour répondre à ses hypothèses, M. Mostafa met en place une phase d’enquête collaborative consistant à déterminer les paramètres architecturaux les plus influents sur le comportement des enfants autistes à l’aide de questionnaires distribués à un échantillon de soignants, d’enseignants ou de familles. Le protocole expérimental de M. Mostafa consiste à fournir un référentiel qu’elle nomme « Sensory Design Matrix » (cf. Figure 6), pour dégager quelques recommandations quant à l'élaboration d'un cadre de vie adapté aux spécificités sensorielles des personnes atteintes de TSA. Ce référentiel est une sorte d’organigramme visant à faire le point sur les relations complexes et dynamiques entre les caractéristiques sensorielles de l'environnement bâti et le spectre des particularités sensorielles des personnes atteintes de TSA.

47

cf. MOSTAFA Magda, (2010). Housing adaptation for adults with autistic spectrum disorder. Open house international, 35 (1), pp. 37-48.

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Figure 6 : Traduction personnelle du tableau référentiel Sensory Design Matrix de M.Mostafa 48

Enfin, nous distinguons une dernière catégorie de méthodologie adoptée par certains chercheurs, se voulant plus interventionniste. Nous nous intéresserons dans ce cadre, plus particulièrement au travail de Kevin Charras49. En effet, pour vérifier de façon expérimentale les hypothèses issues de ses observations et échanges, il propose de moduler l’espace existant et d’observer l’impact de ces changements sur les personnes avec autisme. Des espaces collectifs ouverts ont donc été fragmentés, au moyen de cloisonnements, sur une période de 3 mois. Il observe alors une diminution sur les échelles des troubles de l’orientation, troubles de l’attention, craintes et obsessions, troubles de l’énergie, troubles gastro-intestinaux et troubles neurologiques ainsi qu’une « diminution significative sur l’item « se taper, se cogner la tête ou le corps » », et ces troubles reviennent davantage à l’issue de l’expérience après le retrait des cloisons. (CHARRAS, 2008, p.285) Cette méthode, certes très intéressante, engendre néanmoins un changement conséquent dans l’environnement du public étudié. Or, dans ses travaux, Stéphan Courteix nous informe d’un besoin d’immuabilité important, « tout changement, vécu passivement, génère un vécu angoissant car les mettant à la merci de l’évènement, va consister à lutter contre la tendance naturelle d’évitement de tout changement, de toute expérience de rencontre du nouveau ».50 Cette méthode interventionniste demande donc un effort d'adaptation qui peut être vécu difficilement par les personnes autistes.

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cf. Annexe n°3, tableau référentiel Sensory Design Matrix M.Mostafa. cf. CHARRAS Kévin, (2008). Environnement et santé mentale : Des conceptions psycho-environnementales de la maladie d’Alzheimer à la définition de paramètres environnementaux pour une prise en charge adaptée des personnes avec autisme. Université René Descartes, Paris 5U.F.R de psychologie. 50 COURTEIX Stéphan, (2009), op.cit., p. 15. 49

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Pour poursuivre l’exploration des différents travaux de recherches sur le sujet des troubles du spectre autistique et leur lien à l’environnement architectural, nous allons à présent exposer certains résultats découlant des travaux que nous venons d’évoquer. Les résultats de recherches exploratoires : les paramètres architecturaux principaux Dans un premier temps, nous présenterons quelques résultats émanant de notre corpus concernant les dimensions spatiales et physiques telles qu'elles sont identifiées par Isabelle Léothaud, provoquant la manifestation des troubles autistiques. « La dimension spatiale d’un lieu se réfère non seulement à son architecture, ses volumes, son organisation spatiale mais aussi à son aménagement, les matériaux mis en œuvre, les matières etc., tandis que la dimension physique évoque à la fois l’acoustique, la lumière, la thermique etc. » (LEOTHAUD, 2006, p. 337) ▪

La dimension spatiale

Ainsi, la dimension spatiale, telle qu’évoquée par Isabelle Léothaud, concerne à la fois l’architecture, les volumes, leur forme, les différents aménagements ainsi que les matériaux. Concernant le rapport à la forme, K. Charras a notamment étudié la question de la contenance, et les espaces collectifs destinés à la prise en charge de personnes autistes. Il déduit que « la limitation des stimuli et le volume des pièces, le contrôle de l’environnement, le confinement des espaces, semblent être retenus par beaucoup […] comme ayant une influence sur le comportement des personnes avec autisme » ; « les espaces trop grands et trop hauts rendent difficile la centration » ; un espace « ne doit pas être trop ouvert car [il] ne laisse pas de contrôle sur ce qui se passe », le manque de contenance et la fréquentation de nombreux individus sans assez de barrières physiques peut « provoquer un excès de stimulation qui, de par la confusion / désorientation qu’elle provoquerait, donnerait lieu à des comportements non-organisés, une aggravation des troubles inhérents à la symptomatologie autistique et un amoindrissement des comportements adaptatifs à la situation ». (Dans COURTEIX, 2009, p. 14) Pour ce qui est des aménagements, M. Mostafa démontre que la compartimentation a un impact positif sur le comportement des personnes autistes. Une salle de classe a été réorganisée et réaménagée, avec des espaces délimités visuellement, dédiés chacun à une activité différente. Un espace « échappatoire », vide, a été aménagé à proximité de l’espace central collectif ; il s’agit d’un espace de retrait qui donne visuellement sur l’espace collectif. Après ce réaménagement avec séquençage spatial, « une amélioration générale [de la capacité d'attention] a été observée »51, ainsi qu’une « baisse des comportements d’autostimulation »52. En effet, dans ce nouvel aménagement compartimenté, « la perméabilité visuelle était minimisée […] et […] les interactions avec l’extérieur aussi […] [l’enfant] est devenu plus attentif et concentré avec la baisse de cette 51

cf. MOSTAFA, M., (2008). An architecture for autism: Concepts of design intervention for the autistic user. ArchNet-IJAR: International Journal of Architectural Research, 2 (1), p.200: [traduction libre] In tracking the progress of attention span in the study group after implementation of the spatial sequence intervention, a general pattern of improvement was observed. 52 MOSTAFA, M., (2008), op.cit., p.200: [traduction libre] Behavioral Temperament: a decrease in selfstimulatory behavior.

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distraction. »53 De plus, « lorsqu’un enfant voit la disposition, couplée aux délimitations physiques et visuelles, il peut prédire quelle activité s’y déroulera ».54 En ce qui concerne l’espace dit « échappatoire », il est souligné qu’au bout de quelque temps, « l’enfant utilisait cet espace de moins en moins […] mais regardait par-dessus son épaule pour vérifier qu’il était toujours disponible. [L’enfant] est devenue plus concentrée […] comme si l’existence de l’option de l’échappatoire suffisait […] et son besoin de s’échapper diminuait, maintenant qu’elle savait que cette option était constante ».55 L’impact de la colorimétrie dans la manifestation de troubles du spectre autistiques a été étudié par certains chercheurs. Nous exposons ici les résultats d’Estelle Demilly, pour illustrer ce paramètre. Elle évoque qu’une « quantité de teintes ou des changements de couleurs importants (sur les sols et sur les murs) dans une même pièce semblent être des facteurs aggravant de plusieurs catégories de troubles et ce dans plusieurs pièces. […] des murs et des portes de couleur foncée et dans des tons saturés seraient des facteurs de troubles […]. L’obscurité minimum des sols et la saturation minimum de ces derniers quant à elles varient toujours en sens inverse des troubles. [...] la saturation des sols et celle des murs pourrait être problématique (donc le contraste entre les deux). » 56 ▪

La dimension physique

Concernant la dimension physique, telle qu’elle est identifiée par Isabelle Léothaud, sont à prendre en compte notamment les facteurs acoustiques et lumineux. En effet, l’acoustique est un paramètre architectural jugé responsable de certaines manifestations des troubles autistiques. Nous pouvons évoquer notamment les travaux de M. Mostafa desquels en résulte que l’acoustique appartient aux deux critères les plus évoqués par le public interrogé. M. Mostafa a, pour poursuivre ses recherches, dans une seconde phase expérimentale, appliqué ces stratégies de conception architecturale et différents critères identifiés, lors d’un projet d'adaptation d’un établissement pour des personnes adultes atteintes de TSA aux Pays-Bas (Charis Workhome). Lors de tests portés sur « l’impact de l’acoustique sur le comportement autistique dans l’acquisition de la parole et du langage »57, où une salle de thérapie de langage est insonorisée (sol, murs, plafond), il est observé que la capacité d’attention, le temps de réponse, et le tempérament comportemental sont modifiés. Pour ce qui est de la capacité d’attention, « les enfants étaient davantage capables d’identifier, reconnaître, imiter, et verbaliser dans la salle insonorisée. En moyenne, la capacité de 53

MOSTAFA, M., (2008), p. 201: [traduction libre] In the new layout, […] visual accessibility would be minimized […] and […] outside interaction was to be minimized. […] He became more attentive and focused with this decrease in distraction. 54 MOSTAFA, M., (2008), op.cit., p. 202: [traduction libre] When a child sees the arrangement, coupled with the physical and visual boundaries of the compartment, he can predict what activity will take place. 55 MOSTAFA, M., (2008), op.cit., p. 201: [traduction libre] […] child used the space less and less […] however that she constantly looked over her shoulder, checking to make sure it was still available. She became slightly more focused […] as if the mere presence of the option to escape was sufficient, and her need to escape decreased, now that she was comfortable with the fact that there was constancy in that escape opportunity. 56 DEMILLY Estelle, (2014), op.cit., p. 223. 57 MOSTAFA, M., (2008), pp.193-199: [traduction libre] The first test analyzes the impact of acoustics on autistic behavior in speech and language acquisition.

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concentration du groupe étudié a été multipliée par plus de trois »58. Ils avaient alors tendance à « répondre plus vite et étaient capables de fournir ces réponses rapides de façon plus fréquente et sur des plus longues durées. »59. Enfin, « le tempérament comportemental des élèves du groupe d’étude s’est également amélioré, avec une occurrence moyenne de comportement auto-stimulant à la baisse. »60 Dans la même dynamique, Estelle Demilly aboutit à des résultats venant confirmer les propos de M. Mostafa. Dans les salles d’activités manuelles par exemple, elle observe que « plus le temps de réverbération moyen est élevé (c’est-à-dire plus le son met du temps pour décroître) et plus l’on note des troubles dans les domaines suivants : la recherche d’isolement, le contact visuel, l’auto-agressivité, la réactivité sensori-motrice, les stéréotypies, les autostimulations et la réactivité au changement et à la frustration. »61 D’autre part, nous notons que d’une manière générale dans sa thèse de doctorat, Estelle Demilly s’inscrit dans la continuité des travaux de M. Mostafa et R. Khare dans l’identification des principaux paramètres comme ayant un impact sur la qualité de vie des personnes atteintes de troubles autistiques. Un des paramètres essentiels semblant être à l’origine d’un lien de cause à effet entre le cadre bâti et TSA est celui de la lumière, que cette dernière soit naturelle ou artificielle. Les résultats que nous pouvons convoquer à propos de l’éclairage sont extraits de l’étude de Leothaud. Il semble en effet avoir un impact sur le bien-être de l’enfant : « nous avançons l'hypothèse qu'un espace à faible éclairement, mais non obscur, est propice aux conditions d'isolement. L'espace est reposant (réduction des sensations visuelles), limite la perception visuelle que l'enfant peut avoir de son environnement mais reste sécurisant. »62 La question de la lumière naturelle quant à elle semble récurrente dans les entretiens de K. Charras menés auprès des professionnels. En effet, ces derniers témoignent de la source de stimulation que représente cette dernière : « la lumière est stimulante »63; « les raies de lumière pouvant provoquer des maniérismes ». (CHARRAS, 2008, p. 235). D’autres part, les professionnels interrogés dans le cadre de ses travaux témoignent de l’importance de ce paramètre en indiquant les adaptations stratégiques mises en place pour limiter les effets décrits : « Elles consistent souvent à occulter les sources de stimulations : « rideaux » ; [...] « occultation des vitres pour enlever certaines angoisses », ou encore à éviter d’en créer de nouvelles pouvant détourner l’attention de la personne avec autisme en cherchant à les contrôler ou à en donner le sentiment : « anticiper les

58

MOSTAFA, M., (2008), op.cit., p.198: [traduction libre] The children were better able to identify, recognize, imitate and verbalize in the soundproofed speech room. On average the study group exhibited an increase of more than 3 times their original attention spans. 59 MOSTAFA, M., (2008), op.cit., p.198: [traduction libre] The students of the study group were seen to respond faster and were able to sustain that quick response more frequently and for longer periods of time. 60 MOSTAFA, M., (2008), op.cit., p.199: [traduction libre] The behavioural temperament of the study group students was also seen to improve, with the median occurrence of self-stimulatory behaviour in the study group decreasing. 61 DEMILLY, E., (2014), op.cit., p. 228. 62 LEOTHAUD Isabelle, (2006), op.cit. p.297 63 CHARRAS Kevin, (2008), op.cit. p.234

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stimulations » ; « mettre de la lumière indirecte » ; « la lumière doit pouvoir être variable ». (CHARRAS, 2008, p. 235) Ces différents résultats montrent un lien de cause à effet entre le cadre architectural et les troubles du spectre autistique, néanmoins il faut de préciser que ce dernier semble différer selon le contexte et l’usage des espaces. Estelle Demilly précise notamment que les résultats de ses travaux « confirment l’existence d’un lien entre les troubles des personnes atteintes de TSA et leur environnement bâti »64 mais qu’ils « ne sont pas identiques d’une pièce à l’autre ». Effectivement, certains chercheurs se sont attachés à observer les différents paramètres spatiaux et physiques d’une pièce à l’autre afin de déterminer quelles seraient les variables intervenantes. E. Demilly identifie notamment les variables dites « locales » qui concernent l’espace architectural et ses ambiances. Poursuivre les expérimentations Dans leurs conclusions respectives, les différents chercheurs semblent appuyer la possibilité de procéder à la confirmation de ces résultats en poursuivant les expérimentations. E. Demilly et L. Longuépée, dans les conclusions de leur thèses respectives, amorcent notamment une possible continuité de ces travaux avec une deuxième phase expérimentale à visée confirmatoire. Cette dernière consisterait à tester les hypothèses exploratoires observées en modifiant un environnement d’accueil de façon à adapter les paramètres architecturaux (« atténuation des variables ayant un impact négatif et/ou renforcement des variables ayant un impact positif »65) afin de vérifier et mesurer des changements au niveau de l’expression clinique des troubles autistiques chez les personnes adultes atteintes de TSA (hypothèse à priori d’une diminution des troubles autistiques observés). D’autre part, I. Leothaud propose, elle aussi, une poursuite de ses recherches sur l’existence d’une architecture qui « ne renfermerait pas l’humain dans un fonctionnalisme sectorisé mais qui, grâce à un potentiel d’ambiance riche et ouvert, serait offerte à la liberté d’usages variés et caractérisés ».66 Ainsi, ces premiers résultats restent hypothétiques et dans l’attente d’une corroboration à la fois par une poursuite expérimentale mais aussi par la mise en application dans le cadre bâti. De ces premiers résultats scientifiques exploratoires, certains chercheurs en extraient des pistes de réflexions, qui visent à orienter la conception architecturale et sa mise à l’épreuve. Néanmoins, il semble fondamental de préciser que ces dernières restent de l’ordre de l’intuition et ne voient nullement leur efficience confirmée. Premières recommandations temporaires issus des résultats Nous nous focaliserons sur l’exposition les pistes principales de préconisations spatiales. Dans ce cadre, nous pouvons citer le travail de Stéphan Courteix qui s'attache à étudier comment l’architecture et ses composantes pourraient atténuer et compenser les 64

DEMILLY, E., (2014), op.cit., p. 220. LONGUEPEE Lucie (2015), op.cit., p. 392. 66 LEOTHAUD Isabelle, (2006), op.cit., p. 342. 65

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difficultés des personnes avec autisme au sein du cadre de vie quotidien. Cette réflexion sur les préconisations spatiales adaptées à la prise en charge de personnes avec autisme est notamment recensée sous forme d’un référentiel au sein de l’article scientifique Troubles envahissants du développement et rapports à l’espace.67 Comme l’indique S. Courteix, ce travail ne s’inscrit pas dans une démarche visant à déterminer une architecture thérapeutique mais davantage dans un processus d’identification de paramètres environnementaux pouvant participer au mieux-être de la personne présentant des troubles en étudiant différents travaux scientifiques sur le sujet. Au niveau des dimensions spatiales tout d’abord, nous pouvons rapporter la nécessité d’éviter l’élaboration d’espaces « totalement dégagés (grandes pièces rectangulaires, longs couloirs) » qui seraient sources d’une perméabilité visuelle trop importante. Au contraire, il s’agirait de privilégier « des espaces contenants où le contact visuel est plus cadré ». (COURTEIX, 2009, p. 18) Dans cette même perspective, Magda Mostafa évoque l'importance de cloisonner les espaces. Ces derniers doivent faire « référence à des activités clairement définies dans un lieu et séparées des autres. Ce faisant, les utilisateurs seront plus susceptibles d'être en mesure de se concentrer et d'exécuter leur activité. [...] Les espaces de circulation [quant à eux] doivent contenir des repères visuels. Les schémas de circulation doivent être simples et bien agencés selon le zonage sensoriel des espaces dans tout le bâtiment. » Enfin, « l’aménagement mobilier des espaces joue un rôle important dans la compartimentation au sein des espaces. Ainsi, au sein des espaces collectifs, ces arrangements peuvent encourager les interactions sociales ou permettre de se retirer en périphérie pour observer. Des espaces de stockage doivent être disponibles et bien organisés. » 68 À propos de l’espace tactile et des matériaux, il semble que les personnes avec autisme recherchent la « sensation de dureté […] car elle répond comme par "prothèse" aux déficits d’un corps appréhendé comme mou, non maintenu (cf. les travaux de G. Haag) et non contenu (cf. le Moi-Peau) » (dans COURTEIX, 2009, p. 18). Néanmoins, S. Courteix relève l’importance de « proposer des « ambiances » tactiles diversifiées permettant au sujet de faire l’expérience de sensations tactiles et kinesthésiques variées ». (COURTEIX, 2009, p. 18) Paradoxalement, E. Demilly émet une recommandation selon laquelle « Il semblerait préférable d’utiliser peu de revêtements de sols et de matériaux sur les murs différents. Il faudrait utiliser des matériaux homogènes avec peu de différences de textures, de dureté et de changements de température. »69 Ce constat témoigne que malgré des consensus sur certaines généralités concernant l’environnement bâti, le manque d’aboutissement expérimental dans les différentes démarches scientifiques engendre des orientations pas encore scientifiquement avérées.

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cf. COURTEIX Stéphan, (2009), op.cit. cf. MOSTAFA Magda, traduit par LONGUEPEE E., (2014), op.cit., p.144. 69 DEMILLY, E., (2014), op.cit., p. 223. 68

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Au-delà des formes et dimensions spatiales, les caractéristiques physiques bénéficient également de recommandations. Stéphan Courteix par exemple préconise d’assurer efficacement le confort acoustique grâce à une « insonorisation des lieux notamment collectifs (avec limitation des configurations et des choix de matériaux réverbérant) et l’isolation acoustique des espaces privatifs (chambres). » 70 En effet, ce dernier explique que la personne autiste ayant souvent des difficultés à localiser la source sonore, une acoustique mal gérée et trop perméable, contribuerait à un univers « pénible et potentiellement terrifiant pour elle » ; maîtriser l’environnement sonore afin de d’apporter un confort sur ce plan apparaît essentiel. Pour les murs externes, Mostafa recommande l’utilisation de « techniques d'insonorisation telles que les parpaings creux, les systèmes de murs creux, l'augmentation de la section et de la réflectance du son (...) en particulier dans les zones adjacentes à des sources de bruit élevées »71 À l’inverse, les parois intérieures et plafonds devraient être « traités pour réduire la perméabilité, en particulier dans les aires sensibles au bruit comme les chambres et les salles de thérapie de parole »72 par exemple à l’aide de panneaux acoustiques. En ce qui concerne la perméabilité sonore induite par les ouvertures, « il serait préférable de réduire les ouvertures en nombre aussi bien qu’en taille. » 73 La lumière est un paramètre récurrent dans les études scientifiques. Ainsi, Stéphan Courteix s’attache à en tirer des préconisations. Selon ses conclusions, les ambiances lumineuses doivent « impérativement amener à proscrire les dispositifs luminescents instables, types éclairages fluorescents »74 afin d’éviter une « excitation fovéale intense due à l’effet stroboscopique »75 généré qui provoquerait un inconfort important chez la personne autiste. L’auteur recommande l’utilisation d’éclairage de type incandescent étant plus chaleureux. D’autre part, un « éclairage indirect (appliques, plutôt que plafonnier) permettra de limiter les situations d’éblouissement, lié aux conduites d’évitement visuel et/ou à l’adoption d’une position allongée au sol fréquente chez ce type de personnes, et permettra de créer des ambiances lumineuses diversifiées. »76 De plus sont conseillés des équipements lumineux permettant la variation de l’ambiance lumineuse tels que des variateurs d'intensité, des veilleuses, des occultations.

70

COURTEIX Stéphan, (2009), op.cit., p. 17. MOSTAFA, (2010), op.cit., p. 42: [traduction libre] Sound-reducing techniques such as hollow block-work, cavity wall systems, increased cross-section and sound reflection were recommended for external walls particularly in areas adjacent to high noise sources. 72 MOSTAFA, (2010), op.cit., p.42: [traduction libre] Internal walls should be treated to decrease permeation, particularly in sound sensitive areas like bed- rooms and speech therapy rooms. Any form of acoustical paneling in walls and ceilings putting sound within 125-4000 Hz is acceptable. 73 MOSTAFA, (2010), op.cit., p.42: [traduction libre] If the space in question is an area requiring high acoustical quality such as a bedroom or speech therapy room, it may be preferable to reduce the openings in number as well as in size. The windows themselves should be double or triple glazed. Sound-traps- louvered fins covering the opening- may also be used to reduce noise permeability. Heavy curtains using fabrics such as velvet or thick gauzy cotton may also be used. 74 COURTEIX Stéphan, (2009), op.cit., p. 18. 75 Ibid., p. 18. 76 Ibid., p. 18. 71

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Magda Mostafa conclut sur une recommandation similaire qui appuie les propos de Stéphan Courteix concernant l’environnement lumineux : « L'éclairage fluorescent devrait être évité ; les gradateurs d’éclairage sont un moyen efficace de contrôler l'intensité lumineuse pour s’adapter aux profils sensoriels des utilisateurs ; la lumière naturelle est préférable, mais doit être utilisée de manière indirecte de façon à minimiser les distractions visuelles. »77 D’autre part, concernant la colorimétrie, d’après les résultats de ses études, E. Demilly estime qu’il « faudrait éviter les couleurs trop foncées et saturées (en particulier sur les murs et les portes) et les ambiances trop contrastées »78 afin d’éviter un surplus de stimulation visuelles. Les différentes recommandations que nous venons d’explorer semblent parfois mettre en avant des hypothèses différentes et contradictoires : ceci met en lumière l’aspect incertain de ces intuitions et ainsi la nécessité de poursuivre les travaux exploratoires autour du sujet. Néanmoins, certaines de ces premières intuitions comme celles de Stéphan Courteix ont permis à des organismes nationaux et d’autorités à vocation scientifique et prescriptive en France, comme notamment la Haute Autorité de Santé (HAS) ou encore l'agence nationale de l'évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) d’émettre certaines préconisations et recommandations concernant un environnement adapté à des personnes autistes.

Un manque d’application de ces procédés à travers la conception architecturale Au sein de la pratique architecturale, différents procédés visant à l’inclusion des personnes avec TSA sont explorés. Certains architectes ont pour ambition de développer et diffuser la conception d’une architecture dite, adaptée à l’autisme. Parmi les projets s’inscrivant dans cette démarche inclusive, le projet de maison d’accueil pour autistes, l’Éveil du scarabée réalisé en 2014 par l’Atelier français Archivision, celui de centre thérapeutique Fun Maze pour enfants autiste par l’Atelier Caracas au Venezuela ou encore celui de réhabilitation de l’hôpital de jour Chevilly-Larue par l’agence française Tolila + Gilliland.79 Ces projets se veulent innovants, progressistes et adaptés à ce public. Pourtant, lorsqu’on observe les caractéristiques spatiales de ceux-ci, ces dernières semblent en incohérence avec le savoir scientifique existant sur la question et les premières pistes de réflexion qui s’en dégagent.80 Les différents travaux de recherche cités précédemment s’accordent, en effet, sur la question des stimulations sensorielles, en précisant qu’il est important de veiller à ne pas surcharger l’espace architectural de stimuli et d’informations sensorielles.

77

MOSTAFA, (2010), op.cit., p.43: [traduction libre] Fluorescent lighting should be avoided […] A dimmer switch is also an effective means of controlling light intensity […] to provide for varying sensitivities of users. Natural light is preferable but should be utilized in an indirect fashion to reduce distractibility. 78 DEMELLY Estelle, (2014), op.cit., p. 228. 79 cf. CHRONIQUES d’ARCHITECTURE, (2021), Hôpital de jour Chevilly-Larue par Tolila + Gilliland, en ligne : https://chroniques-architecture.com/hopital-de-jour-chevilly-larue-tolila-gilliland/, consulté le 20/01/2022. 80 N.B. D’ailleurs, dans le cadre des expérimentations que nous avons conduit dans notre protocole de recherche, nous avons soumis ces projets à une réflexion par des professionnels de l’autisme, qui confirmera un certain nombre des intuitions portées ici.

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Comme évoqué plus tôt, cela signifie de limiter les stimulations visuelles, lumineuses, les couleurs trop vives ou encore les motifs, et prêter attention à la lisibilité et compréhensions des espace en réduisant la perméabilité, les ouvertures et privilégier des espaces contenant. Néanmoins, ces différents projets semblent mettre en avant une architecture souvent très ouverte, colorée, parfois à motifs, avec des espaces peu délimités, privilégiant souvent des grands axes etc.

Figure 6. Centre éveil du scarabée photographie par ©Archivision

Figure 8. Centre éveil du scarabée photographie par ©Archivision

Figure 9. Hôpital de jour Chevilly-Larue ©Phillipe Ruault

Figure 10. Centre pour enfants autistes Fun Maze ©Atelier Caracas

Le constat qui semble émerger est celui d’une production architecturale ne prenant pas ou que très peu en compte les travaux scientifiques s’attachant à étudier le sujet de l’architecture adaptée aux besoins inhérents aux TSA. La démarche de conception de ces bâtiments restant très floue, il apparaît pertinent de se questionner sur les méthodes de conception mises en place pour ces projets. Y’aurait-il éventuellement eu une réelle scientificité dans leur démarche ? Existe-t-il des retours scientifiques sur l’efficience de ces architectures, dont ils se réclament ? D’une part, les différents concepteurs affirment l’efficience d’une architecture scientifiquement conçue, il n’est donc pas impossible que ces derniers s’appuient sur un certain nombre de travaux ou de recommandations. Néanmoins, leur propos ne semble pas traduire cet appui scientifique ni une méthodologie confirmatoire de l’efficience de leur architecture. À notre connaissance, il n’y a en effet pas de travaux corroborant les résultats et objectifs atteints par ces architectures. En prenant appui sur les différentes ressources scientifiques présentées au préalable, il semble essentiel de se questionner sur un certain nombre de sujets que 42


mobilisent ces exemples architecturaux, comme la pression environnementale, l’abaissement des stimulations sensorielles, etc. Pour Jean-Michel Hus, cadre de Santé au Centre Expertise Autisme, le constat est similaire, « il existe des cahiers des charges […] sur la réalisation de telle structure et pourtant les aménagements ne sont pas toujours adaptés ».81 On observe alors qu’il existe certes des architectes semblant engagés dans un processus d’inclusion des personnes avec TSA au sein de leur pratique architecturale, néanmoins, ces derniers ne prenant que très rarement appui sur les différents travaux scientifiques sur le sujet, les résultats architecturaux restent bien souvent trop proches d’une appréhension neurotypique de la problématique. Ainsi, le manque de scientificité et de recul au sein des projets de conception architecturale se voulant inclusifs aux TSA fait ressortir l’écart qui se creuse entre la théorie scientifique exposant les attentes et besoins précis avec les propositions architecturales réalisées. Face à ce constat alarmant, il s’agit de trouver une solution afin de diffuser le savoir scientifique sur ces sujets aux concepteurs et architectes. Quel outil pourrait-être mis en place pour permettre une approche scientifique de projets sur lesquels on s’interroge ? Dans le cadre d’une thèse en architecture ou d’une habilitation à diriger des recherches, ce questionnement pourrait être le point de départ d’une ambition de création d’un catalogue d’architectures adaptées à l’autisme. Cette recherche permettrait de questionner les conditions d’élaboration d’une connaissance scientifique sur l’architecture produite. Dans le cadre de ce mémoire d’initiation à la recherche, de manière plus modeste, nous nous attacherons à élaborer une méthode d’essai d’un catalogue raisonné portant sur l’évaluation de dispositifs plus réduits : les dispositifs spatiaux de calme-retrait hypostimulants.

c. Problématisation : comment réinvestir ces travaux dans le travail de catalogage ? À travers un travail de catalogage, les résultats des travaux de recherche existants, et ces différentes recommandations qui en forment le prolongement, peuvent notamment servir de point de départ pour le repérage et la réflexion quant aux paramètres d’évaluation des différents dispositifs d’hypostimulation sensorielle qui constituent ce catalogue raisonné. C’est un point sur lequel nous reviendrons plus tard au sein de ce travail. Ces recherches ont en commun l’objectif d’accroître la connaissance sur les liens entre l’architecture et l’environnement spatial et un individu présentant des troubles du spectre autistique afin de définir, par une expertise multidisciplinaire, un début de consensus entre professionnels sur les règles à suivre dans l’aménagement d’espaces adaptés à des 81

HUS Jean-Michel, (2013), Autisme et Architecture. Le centre Expertise Autisme Adultes…une expérience singulière ! Dans Le bulletin scientifique de l’arapi, n° 31, 9e journée régionale de l’arapi : Rendre la cité accessible aux personnes avec autisme. Vie privée, vie sociale, vie professionnelle, p.21, en ligne : https://site.arapi-autisme.fr/wp-content/uploads/2020/06/arapiBS31.pdf, consulté le 20/02/2022.

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personnes avec TSA. Toutefois, on peut noter la rareté de ces travaux, en France notamment, la majorité des travaux sur le sujet étant anglais ou nord-américains. De plus, les travaux s’appuyant sur des expérimentations précises et méthodiques comme le projet commun du CRA, LAF et LPNC, sont très limités, la majorité étant essentiellement réalisés à partir de connaissances empiriques, témoignages et retours d’expériences. D’autre part, nous pouvons noter qu’une grande majorité des travaux sur le sujet s’attachent à étudier l’impact environnemental chez l’enfant, notamment dans un cadre scolaire et peu d’études sont orientées sur l’autiste adulte dans son environnement quotidien. Cette observation, semble être partagée par Stéphan Courteix, qui met en lumière la difficulté à réunir les savoirs sur le sujet : « Cet état des savoirs est cependant difficile à réaliser, tant les informations sont rares et éparses ; les travaux pour l’essentiel centrés sur l’autisme (le plus souvent sur l’enfant), bien que rares en la matière, sont les seuls présents dans la littérature en lien avec la question architecturale. Constat que semble confirmer K. Charras (2008) qui s’est heurté, dans sa tentative de dresser un état des lieux de la recherche européenne et nord-américaine sur la problématique environnementale en lien avec les TED et l’autisme, à de nombreux obstacles, dus pour l’essentiel à une grande rareté des travaux sur le sujet, et à un manque de structuration du champ de la recherche et de diffusion de l’information. » 82 Ainsi nous pouvons constater que depuis plusieurs années, les chercheurs se consacrant à ce sujet font face à des difficultés importantes dues à la fois à une rareté des productions mais aussi au manque de diffusion des travaux existants, rendant par ce fait, le travail scientifique d’autant plus complexe. Le travail d’initiation à la recherche, que nous poursuivons au sein de ce mémoire, s’inscrit dans la continuité des travaux d’Estelle Demilly et Lucie Longuepée. En effet, ces deux thèses, ayant démontré qu’il existe un large nombre de variables, de paramètres et ainsi une grande complexité à aborder la question de l’autisme dans la recherche en architecture ; ce travail plus modeste, s’attache alors à des objets de taille plus réduite, afin de tenter de mieux en maîtriser les contours. Effectivement, les dispositifs d’hypostimulation sensorielle sur lesquels s’appuie ce travail, semblent davantage permettre de maîtriser les paramètres impliqués. D’autre part, l’intérêt d’une architecture très spécifique à l’autisme, telle qu’étudiée au sein des recherches de E. Demilly et L. Longuepée, relève d’une architecture s’intéressant uniquement à un milieu institutionnel très spécialisé. Dans le cadre de ce mémoire, nous poursuivons la perspective plus large d’une architecture inclusive en milieu ordinaire. Cette dernière apparaît davantage accessible et maîtrisable à petite échelle avec une bonne compréhension des dispositifs d’hypostimulation sensorielle, qui semblent avoir l’avantage à la fois de répondre avec efficience aux besoins des milieux très spécialisés mais aussi des milieux ordinaires.

82

COURTEIX Stéphan, (2009), op.cit., p. 2.

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D’autre part, sur le plan de l’inclusion, ces derniers se présentent comme des outils palliatifs intéressants face à une architecture qui semble encore loin d’être adaptées à ces personnes. Les résultats de ma recherche auront pour objet de donner une indication éventuelle sur la performance de ces dispositifs pour rendre inclusifs des espaces qui ne le sont pas.

I.3 Les dispositifs d’hypostimulation sensorielle a. Nécessité de penser les dispositifs d’hypostimulation sensorielle Selon Olga Bogdashina « l’environnement sensoriel est très important pour les personnes autistes. Il leur manque la capacité de s’adapter aux agressions sensorielles que les autres gens supportent sans problème. Si nous leur donnons satisfaction et essayons de proposer un environnement clair afin de répondre à leurs besoins très spéciaux, leurs problèmes de comportement s’amoindriront ». (BOGDASHINA, 2013) Pourtant, comme nous venons de l’observer, la majorité des espaces conçus dans l’optique d’offrir un cadre bâti adapté aux personnes avec des TSA, et qui par ce fait favoriseraient l’inclusion, semblent relativement loin des attentes spécifiques que requièrent les particularités sensorielles et cognitives des personnes avec Autisme. Ainsi il s’agit de réfléchir à des solutions spatiales qui puissent faire office d’alternative en matière d’inclusion. Une manière d’approcher cette inclusivité d’un point de vue de la problématique autistique consisterait à intégrer des dispositifs d’hypostimulation sensorielle au sein des espaces en apparence trop peu adaptés. Cela permettrait à ces personnes de se sentir davantage inclues en proposant un espace d’hypostimulation se voulant rassurant dans un environnement qui initialement ne l’est pas nécessairement pour elles. D’autre part, nombre de chercheurs portent l’accent sur les notions de contenance et de retrait afin de favoriser à la fois l’apaisement sensoriel et émotionnel mais aussi pour aider les personnes présentant des troubles à les dépasser en se sentant à l’aise, c’est notamment ce que défend Kevin Charras dans ses travaux de recherches (2008) : « Des environnements contenants permettraient à l’individu avec autisme de s’y sentir suffisamment à l’aise et sécurisé pour pouvoir adopter des comportements exploratoires ».83 Cette hypothèse est partagée par Stephan Courteix « L’amélioration de la contenance des espaces partagés semble donc constituer un axe fort du travail de conception architecturale, afin de contrer les effets anxiogènes de la vie en collectivité, susceptible de produire certains gains sur le plan neurobiologique et comportemental ».84 Les dispositifs d’hypostimulation sensorielle apparaissent comme étant une option intéressante sur différents aspects évoqués. Ces dispositifs font références à des espace plus ou moins clos permettant le repli et l’apaisement aux personnes atteintes de troubles 83 CHARRAS Kévin, p. 265, cité dans COURTEIX Stéphan, (2009), 84

op.cit., p.14.

COURTEIX Stéphan, (2009), op.cit., p. 22.

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autistiques, notamment en cas d’agitation ou de manifestations de troubles. Les dispositifs d’hypostimulation sensorielle sont de ce fait une piste intéressante pour le bien-être des personnes autistes, leur offrant ainsi une intégration au sein de certains lieux initialement non adaptés à leurs particularités sensorielles et cognitives. D’autre part, ces abris peuvent être installés dans de multiples environnements, ce qui permet aussi d’accompagner la personne avec autisme dans son quotidien en répondant à son besoin de retrait et d’apaisement. Ces derniers semblent à la fois pouvoir apporter du bien-être dans des environnements inadaptés, mais aussi renforcer les bienfaits d’une architecture elle-même bienveillante et adaptée pour les personnes autistes. Nous supposons que ces dispositifs permettraient à travers leur contenance et leur système d’hypostimulation, à la fois une meilleure maîtrise des informations sensorielles mais aussi une régulation au sein d’un espace collectif, des interactions sociales. À l’origine de ces objets, l’une des premières solutions qui permettrait à la fois le retrait, la contenance et l’apaisement sensoriel que la personne autiste recherche, est celle de la machine à serrer - parfois appelée machine à câlins- conçue par Mary Temple Grandin. Un des sens que cette dernière particulièrement en avant est notamment celui de la sphère tactile, en effet : « un jupon qui frotte devenait comme du papier de verre qui poncerait une peau mise à vif ». Selon elle, « la pression doit être forte pour stimuler les récepteurs profonds. Il faut éviter le toucher léger qui ne fait qu’augmenter l’éveil et exciter le système nerveux. […] L’application lente, constante d’une pression me procurait un effet tranquillisant ; et un mouvement soudain et saccadé m’excitait »85. Pour donner suite à ces différentes constatations, cette Temple Grandin imagine une machine qui aurait la capacité de lui apporter l’apaisement et réconfort dont elle a besoin au quotidien. Dans son ouvrage Ma vie d’autiste publié en 1994, elle qualifie cette machine d’ « appareil de mis en pression » et insiste sur la volonté, à travers ce dispositif d’être soulagée, ce qui par ailleurs lui permettrait de se sentir « moins différente »86. Après avoir expérimenté différentes solutions éphémères comme s’envelopper dans du plastique ou encore se glisser sous des meubles, elle conçoit cette machine dans l’optique de « satisfaire [son] besoin irrépressible de [se] faire étreindre ». La machine fonctionne avec un système d’air comprimé mettant sous pression le revêtement intérieur en mousse, ce qui vient alors effectuer une étreinte des deux côtés du corps de l’utilisateur à l’aide de deux panneaux formant un « V » autour de ce dernier. Le dispositif présente un système de commande permettant à la personne de contrôler le niveau de serrage effectué.

85

TEMPLE GRANDIN, cité dans AUTISME ALSACE, Temple Grandin 1, Temple Grandin : Mes expériences avec les problèmes sensoriels : la pensée visuelle et les difficultés de la communication. En ligne : http://www.autismealsace.org/les-personnes-avec-autisme/les-autistes-celebres/temple-grandin-1/ Consulté le 17/03/2022. 86 cf. TEMPLE GRANDIN Mary, p. 81, dans COUTEIX Stéphan, (2009), op.cit.

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Figure 11. Machine à serrer, Temple Grandin.

« La machine à serrer est entièrement doublée de mousse de caoutchouc épaisse, recouverte de tissu d’ameublement à envers plastifié. Elle serre l’utilisateur très fermement, pourtant elle soulage et réconforte. Le rembourrage est conçu pour se mouler au corps de l’utilisateur pour que la pression ne soit jamais inégale par endroits. La sensation de pression vous enveloppe tout entier et crée un environnement qui soulage. Au même moment, le cerveau reçoit d’importantes stimulations par pression. La pression appliquée par la machine stimule les récepteurs de pression des prolongements nerveux de la moelle épinière. Quand l’utilisateur est serré par l’appareil, il ne peut ni reculer ni se raidir pour éviter la sensation de se sentir maintenu. Il est extrêmement important que l’utilisateur contrôle la machine. Il doit pouvoir manœuvrer les commandes et être capable de relâcher la pression à tout moment. Au bout d’un séjour dans la machine de dix à quinze minutes à une pression constante, l’effet de soulagement s’estompe à mesure que le système tactile de l’utilisateur s’habitue. Pour maintenir l’effet de soulagement réconfortant, l’utilisateur doit réduire très lentement la pression et puis la faire augmenter très lentement jusqu’à un niveau où il ressent de nouveau un soulagement. »87

Figure 12. Schéma machine à serrer, Temple Grandin. 87

TEMPLE GRANDIN M., dans BIDON-LEMESLE Céline, (2011), Les Troubles sensoriels chez les personnes autiste. En ligne : https://www.accueilpsy.fr/articles/parents-et-handicap/les-troubles-sensoriels-chez-lespersonnes-autistes, consulté le 26/03/2022.

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Figure 13. Squeeze chair, Temple Grandin et Wendy Jacob

Figure 14. Réédition de la squeeze chair de T. Grandin et W. Jacob

Cette machine sera revisitée quelques décennies plus tard en 1995 par Temple Grandin et Wendy Jacob avec la « Squeeze Chair » pour en faire un objet plus simple d’utilisation tout en conservant la sensation de pression sur le haut du corps. Cette dernière est depuis, déclinée de différentes manières comme notamment avec le Fauteuil OTO conçu par Alexia Audrain qui permet une étreinte actionnée par télécommande.

Figure 15. Fauteuil Oto, Alexia Audrain.

Ici, les dispositifs explorés relèvent davantage d’objets individuels, mais il existe également des espaces plus clos de l’ordre de la microarchitecture pouvant répondre à des problématiques similaires. C’est notamment ce qui semble être plausible à travers des dispositifs d’hypostimulation sensorielle. Ces derniers, également appelés espaces de calme-retrait et d’apaisement, permettent, selon les définitions de l’ANESM, de rompre avec l’environnement physique et social habituel de la personne lorsqu’elle-même et son entourage n’ont plus les ressources nécessaires à son apaisement dans le cadre habituel. Par ailleurs ces dispositifs apportent une réponse à une surcharge sensorielle due à des difficultés de modulation et d’intégration qui provoquent une hyperréactivité aux stimuli 48


de l’environnement en offrant un moyen alternatif qui a pour effet de favoriser le retour au calme, l’autorégulation et l’équilibrage des sens. 88 Ces dispositifs peuvent faire l’objet d’une prescription thérapeutique, l’hypostimulation sensorielle en tant que telle étant un dispositif de soin. D’après Claire Degenne-Richard 89, intégrer un dispositif d’hypostimulation sensorielle qui permettrait le retour au calme, l’autorégulation et l’équilibration des Sens de la personne avec TSA est primordial dans la prise en charge. En effet, « la prévention des comportements-problèmes en proposant à la personne des temps d’Hypostimulation Sensorielle en dehors des moments de comportements-problèmes » permettrait « d’anticiper les situations de surcharge sensorielle en proposant des temps - et espaces d’hypostimulation aménagés en amont de l’apparition du (ou des) comportement(s)problème(s) ». (DEGENNE-RICHARD, 2014, p. 200) Il ne s’agit donc pas d’une réponse uniquement dédiée « aux situations de crise et aux comportements-problèmes » mais d’une « modalité d’intervention supplémentaire qui peut s’avérer pertinente, y compris dans son utilisation allégée dans la vie quotidienne » (DEGENNE-RICHARD, 2014, p. 201). Ainsi, permettre un espace dédié à cet effet est primordial. Dans la même perspective, Recordon-Gaboriaud, « préconise d’aménager des espaces apaisants au sein des lieux de vie des personnes atteintes de troubles autistiques. Ces espaces doivent être proposés pour « favoriser une certaine forme d’hypostimulation des sens quand le chaos devient trop imposant »90. Les espaces de calme-retrait et d’apaisement, comme énoncé par L’ANESM, ne sont pas nécessairement des pièces à proprement parler, ils peuvent correspondre à des espaces « repérés et identifiés au sein des établissements pouvant répondre à différentes fonctions (exclusive ou cumulative) » 91 : ▪

▪ ▪

À visée préventive, qui consiste à permettre à la personne évoluant dans un environnement collectif de trouver un lieu pour se retirer du collectif, se mettre à l’écart. À visée préventive, lorsque le professionnel repère des signes annonciateurs ou d’aggravation du « comportement-problème ». En réponse à « la mise en danger », il s’agit alors de disposer d’un espace garantissant la sécurité de la personne ainsi que celle des

88

Haute Autorité de Santé (HAS), (2017), Les espaces de calme-retrait et d’apaisement, volet 3 – Les recommandations Les comportements-problèmes : prévention et réponses au sein des établissements et services intervenant auprès des enfants et adultes handicapés. En ligne : https://www.hassante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-03/rbpp_les_espaces_de_calme_retrait.pdf, consulté le 18/02/2022. 89 cf. DEGENNE-RICHARD Claire, (2014), Evaluation de la symptomatologie sensorielle des personnes adultes avec autisme et incidence des particularités sensorielles sur l’émergence des troubles du comportement, Thèse pour l’obtention du grade de Docteur en Psychologie à Université Paris Descartes – Sorbonne Paris Cité Institut de Psychologie. En ligne : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01037912/document, consulté le 18/02/2022. 90 RECORDON-GABORIAUD Séverine, (2009), cité dans DEGENNE-RICHARD Claire, (2014), op.cit., p. 201, consulté le 18/02/2022. 91 HAS, (2017), op.cit., p.10, Consulté le 18/02/2022.

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personnes qui l’entourent (autres personnes accompagnées et professionnels). À travers les différentes fonctions énoncées, les dispositifs de calme-retrait et d’apaisement sensoriel semblent poursuivre les objectifs suivants : ▪

Permettre une rupture avec le fonctionnement habituel afin de permettre à la personne de la rendre, après un temps donné, de nouveau accessible du fait de son apaisement. Pouvoir remobiliser la personne peu à peu dans son environnement habituel tout en lui donnant la possibilité d’avoir recours à l’hypostimulation sensorielle quand cela lui semble nécessaire. Accéder à ce dispositif en dehors des situations de crise, (l’hypostimulation étant envisagée avant tout comme un moyen préventif aux troubles).

Le témoignage de Biette, mère de Marie présentant des TSA, confirme l’importance d’espaces dédiés au retrait sensoriel des personnes avec autisme dans une démarche d’inclusion des personnes atteintes de troubles autistiques. Cette dernière témoigne du recours à ces espaces dans l’accompagnement de sa fille et déclare que « Ces temps de ressourcement (qui sont perçus à tort comme de l’isolement) ou de recul (qui sont perçus à tort comme un retrait) lui sont vitaux. Il est de notre devoir de les lui offrir, que ce soit dans l’aménagement de sa journée ou dans celui de l’espace. Nous les avons toujours en tête quand nous organisons des activités. Il est à mon avis essentiel que « sa carte sensorielle » soit comprise par tous. […] Elle progresse, tout en « fabriquant ses propres aménagements ». Je suppose que c’est pour elle très fatigant. Nous devons tenir compte des situations sensorielles dans son emploi du temps. Parfois gérer bruit de fond et densité humaine suffiront à son programme ! » 92 Les espaces d’hypostimulation sensorielle, ainsi considérés en partie comme des espaces de mise en retrait par rapport au groupe, étant aménagés de façon à préserver un lien visuel avec l’extérieur, créent un environnement offrant « un espace de liberté contenu et contenant ». 93 De ce fait, l’organisation d’un espace se voulant inclusif doit permettre une alternance entre des moments de lien social et des temps de retrait. Il s’agit de trouver un équilibre, souvent complexe, entre le besoin de communiquer avec les autres et celui de se « protéger » des autres. Cet équilibre semble atteignable à travers l’intégration de dispositifs d’hypostimulation sensorielle au sein de l’environnement quotidien et collectif.94 En permettant aux personnes avec autisme la gestion des « agressions sensorielles » quotidiennes par la présence d’espaces d’hypostimulation sensorielle dans les lieux et 92

BIETTE Sophie. Dans Le bulletin scientifique de l’arapi, n°23, (2009), Témoignages de parents concernant les particularités sensorielles de leur enfant, Dossier : Les particularités sensorielles, p.22, En ligne : https://site.arapi-autisme.fr/wp-content/uploads/2020/06/BS23interieur.pdf, consulté le 19/01/2022. 93 COURTEIX Stéphan, (2009), op.cit., p.13. 94 cf. Centre Ressources Autisme (CRA) / Centre Hospitalier ROUFFACH / ASSOCIATION ADELE DE GLAUBITZ, (2018), op.cit., consulté le 16/01/2022.

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l’environnement quotidien, l’inclusion de ces dernières est favorisée. En effet, ces dispositifs, offrant ainsi un cadre sécurisant, apaisant et dénué de stimulation sensorielle, permettent aux personnes avec autisme d’améliorer la qualité de l’expérience vécue d’un environnement et ainsi amoindrir l’écart creusé entre elles et les personnes neurotypiques. Ainsi, ces espaces souvent assimilés à une cabane ou encore un abri, permettraient l’inclusion des personnes atteintes de troubles autistiques au sein d’environnements pas toujours adaptés à leurs besoins spécifiques.

b. Recommandations nationales en matière d’hypostimulation : HAS, ANESM Cette nécessité d’inclusion par le biais de dispositifs d’hypostimulation sensorielle est principalement appuyée par différentes recommandations nationales et guides relatifs aux TSA. Ces espaces d’hypostimulation sensorielle s’apparentent notamment aux lieux de calmeretrait, d’apaisement évoqués dans le cadre des recommandations de l’Agence Nationale de l'évaluation et de la qualité des Etablissements et services Sociaux et Médico-sociaux (ANESM 2009 et 2017), tels qu’ils sont préconisés dans les structures médico-sociales. En effet, divers rapports émanant de recommandations nationales (ANESM, HAS), abordent depuis plusieurs années, les aspects environnementaux concernant la compréhension de certaines spécificités inhérentes aux TSA et les interventions environnementales pouvant en découler. Ainsi, l’ANESM (2009) recommande « la prise en compte du fonctionnement de la personne en interaction avec son environnement ».95 En 2009, l’ANESM évoquait déjà la concrétisation de ces temps de retrait par un aménagement de l’espace adapté : « Afin d’aider la personne à faire face au stress […] Il s’agit également de penser l’aménagement des locaux de façon à garantir la sécurité des personnes, tout en rendant possibles des moments individuels, et en permettant le retrait ou le repli volontaire de la personne par rapport à son groupe de vie et à l’espace collectif. »96 Le rapport de la Haute Autorité de Santé (HAS, 2010), préconise quant à lui de recourir à une approche multidimensionnelle incluant un aspect environnemental, pour l’évaluation des « comportements problèmes » fréquemment observés chez les personnes atteintes de TSA, en soulignant que « le fait qu’ils apparaissent dans certains contextes et pas dans d’autres, constitue une indication précieuse qui permet d’en comprendre la raison d’être

95

ANESM (2009). Recommandation de bonne pratique. Pour un accompagnement de qualité des personnes avec autisme ou autre troubles envahissants du développement. En ligne : https://www.hassante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-03/reco_autisme_anesm.pdf, consulté le 13/01/2022. 96 ANESM (2009), op. cit. p.19.

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ou la fonction. Celle-ci peut être double : obtenir des événements désirables ou éviter des événements indésirables ». 97 À la suite de ces constats, différentes recommandations concernant les espaces de calmeretrait et d’apaisement font leur apparition. En 2017, l’ANESM met en place un guide portant principalement sur ces espaces de calme-retrait et d’apaisement sensoriel98. Dans ce dernier « Les « espaces de calme-retrait et d’apaisement » sont définis en fonction des besoins, de la connaissance de la personne, etc. » De plus, « Il existe ainsi différents types d’espaces de calme-retrait et d’apaisement répondant à des stratégies individuelles d’accompagnement définies et co-construites en équipe pluridisciplinaire (espace aménagé, chambre de la personne, accompagnement à l’extérieur, espaces aménagés mais non spécifique etc.). » D’autre part, ces espaces spécifiques peuvent s’apparenter à « une pièce ou d’un espace au sein d’une même pièce (aires cloisonnées, alcôves, tentes, mezzanine, petit salon etc.). » Néanmoins, « l’emplacement de l’espace doit être réfléchi. Ces stratégies de retrait du groupe sont utilisées lorsqu’il n’y a pas de mise en danger. L’aménagement de l’espace dépendra des besoins de la personne et des éléments identifiés lors des différentes évaluations effectuées. »99 Cet espace d’hypostimulation sensorielle doit être un lieu de vie différent du cadre habituel, sécurisé, d’aspect neutre et donc dépendant de la singularité de la personne. Cet espace doit répondre à certains critères : des locaux neutres dans leur aspect, sans mobilier ou objet autre que fonctionnel, une qualité de lumière évitant les reflets, plutôt atténuée. Les ouvertures quant à elles doivent être non-accessibles et ne donnant pas sur un extérieur trop animé. Une stabilité thermique, une isolation phonique ainsi qu’une neutralité olfactive sont également exigés pour ce type d’espaces. Ce lieu permettrait d’avoir le contrôle sur les différentes stimulations sensorielles tout en les réduisant. D’autre part, l’ANESM souligne l’importance qui réside dans une utilisation de ces dispositifs de manière encadrée par une procédure d’utilisation et un protocole individualisé à chaque usager afin d’offrir une expérience adaptée à chacun. Les recommandations de l’ANESM au sujet des enjeux de ces dispositifs et espaces de calme-retrait et d’apaisement sont les suivants : ▪ ▪ ▪

« L’aménagement par la structure de différents espaces dédiés à l’apaisement » « L’organisation et le repérage des espaces » « La sécurisation des espaces »

97

Haute autorité de santé - HAS. (2010) Autisme et autres troubles envahissants du développement – État des connaissances hors mécanismes physiopathologiques, psychopathologiques et recherche fondamentale. Édition Paris : HAS, 2010. En ligne : www.hassante.fr/portail/jcms/c_935617/autisme-et-autres-troublesenvahissants-dudeveloppement, Consulté le 18/02/2022. p.66 98 ANESM (2017). Les espace de calme-retrait et d’apaisement. Volet 3 – des recommandations Les comportements-problèmes : prévention et réponses au sein des établissements et services intervenant auprès des enfants et adultes handicapés. En ligne : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-03/rbpp_les_espaces_de_calme_retrait.pdf . Consulté le 12/01/2022. 99 ANESM (2017), op. cit. p.19.

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« La reconnaissance, l’autorisation et l’encouragement du besoin de retrait par autorégulation (la personne demande elle-même à se retirer). »100

Le guide de la FEGAPEI, 101 relatif aux « Solutions d’accompagnement pour les personnes avec autisme et autres TED » élaboré par le GPS Autisme (Groupement des Priorités de Santé), recommande la mise en place de ces lieux d’hypostimulation qui doivent être petits et nombreux au sein des lieux de vie des personnes avec autisme. Sont identifiés différents types d’espaces dont : ▪

Un espace dénué de toute stimulation, tel que nous l’avons décrit précédemment, souvent utilisé dans le cadre de la situation de crise. Il s’agit d’espaces dont l’usage est défini selon des indications précises et des protocoles rigoureux ; Un espace qualifié de « ressourcement » dans lequel la personne peut se rendre d’elle-même entre deux activités par exemple, afin de s’extraire quelques instants des stimulations environnementales. La gestion autonome de cet espace est privilégiée quand cela est possible.

Néanmoins, une étude réalisée dans quatre régions françaises portant sur le recours aux lieux de calme-retrait et d’apaisement, montre la nécessité de mieux encadrer cette démarche.102 En effet, cet état des lieux permet de constater que l’usage des lieux de calme-retrait/d’apaisement reste peu encadré et protocolisé car il existe peu de connaissance sur ces derniers. La création d’un catalogue raisonné permettrait alors en recueillant du savoir sur ces dispositifs, de définir des protocoles d’utilisation de ces dispositifs par le biais d’expérimentations in-situ et à terme d’intégrer des témoignages quant à l’utilisation de ces derniers.

c. Peu de travaux scientifiques sur la caractérisation et l’efficience de ces dispositifs Malgré les quelques travaux de recherches sur le sujet de l’impact du cadre architectural sur les Troubles du Spectre Autistique, ces derniers restent insuffisants pour étayer la compréhension de la conception architecturale adaptée à ces profils non neurotypiques. La recherche menée ici sur l’élaboration d’un outil, en partie, d’aide à la conception, a pour ambition de produire un savoir fiable et utile à la compréhension de tout un chacun sur le sujet de ces dispositifs.

100

ANESM (2017), op. cit. p.19. GPS Autisme sous la coordination de la Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragiles (FEGAPEI) (2012), Solutions d’accompagnement pour les personnes avec autisme et autres TED. En ligne : https://sesameautisme-fc.fr/wp-content/uploads/2016/10/guide_autisme_vi_02_sans_page_blanche.pdf Consulté le 19/02/2022. 102 cf. ACEF S., LOUIS B. et DEGENNE C., (2013), dans DEGENNE-RICHARD Claire, (2014), op.cit. 101

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En effet, comme nous venons de l’observer, des recommandations au sujet des dispositifs d’hypostimulation sensorielle, aussi appelés dispositifs de calme-retrait et d’apaisement, existent, néanmoins leur utilité n’est que très peu, voire jamais évoquée au sein de la recherche scientifique. Or, apporter de la scientificité à cette réflexion permettrait de rendre ces dispositifs d’autant plus légitimes dans leur utilisation, de même que de diffuser la connaissance sur ces dernier pour ainsi favoriser l’inclusion des personnes avec autisme dans différents environnements apparaissant non adaptés à leurs particularités cognitives et sensorielles. D’autant plus, cette production scientifique permettrait alors de dégager un protocole d’utilisation de ces dispositifs de manière qu’ils soient les plus efficients possible et intégrés dans un processus de soin au sein des établissements de santé accueillant un public avec autisme. Il s’agit alors de créer un savoir scientifique sur ces dispositifs en convoquant à la fois les différentes recommandations nationales, des témoignages ainsi que des travaux de recherches sur le confort spatial des personnes avec autisme. Il semble alors nécessaire de se poser la question suivante : Comment produire un savoir scientifique portant sur la réflexion sur les dispositifs d’hypostimulation sensorielle ? Cette préoccupation fait suite à l’observation approfondie de la réalité au sein des établissements accueillant des personnes avec autisme ainsi que de nombreux témoignages de professionnels de la santé observant ce décalage entre la scientificité du sujet et la mise en pratique dans le quotidien de cette dernière. Le protocole exploré lors de ce travail de recherche est, comme évoqué précédemment, l’élaboration d’un catalogue raisonné comme véritable outil scientifique, regroupant un certain nombre de dispositifs d’hypostimulation sensorielle évalués au regard de la documentation sur le sujet et de différentes expérimentations scientifiques. L’élaboration d’un tel outil permettrait de regrouper les savoirs quant à ces dispositifs et de les diffuser au sein du domaine de la conception mais aussi au sein du domaine du soin.

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PROBLÉMATIQUE Alors que différentes recommandations existent aujourd’hui concernant les espaces de calme-retrait et d’apaisement sensoriel, rares sont les dispositifs existants. Dans la plupart des cas, ces espaces sont aménagés à l’improviste au sein d’un espace déjà occupé, et semblent s’avérer peu efficients. Parmi le peu de dispositifs déclarés comme tel nous retrouvons l’abri-sensoriel d’Handi’Apt ou encore le dôme acoustique de Créobois. Handi’Apt 103 est une association qui prône l’inclusivité, et « accompagne et imagine des lieux accessibles à tous pour favoriser le bien vivre ensemble ». L’abri sensoriel d’Handi’Apt est un dispositif coconçu avec des personnes en situation d’handicap mental, cognitif et psychique, en vue de permettre à ces personnes, quelques instants à l’écart des flux et autres nuisances qui affectent leur quotidien. Le premier prototype sensoriel d’Handi’Apt permet l’accueil de plusieurs personnes et est installé dans le métro toulousain et son double au sein d’un établissement scolaire. Cet abri, est présenté comme un lieu de repli et de pause. Celui-ci est aussi décliné en prototype individuel, installé au sein de la clinique des Campilles à Thuir, au service des personnes autistes.

Figure 16. Abri sensoriel Handi’Apt 1ère génération ©Handi’Apt

Figure 17. Abri sensoriel Handi’Apt 2mee génération © Image personnelle

103

Nouvellement renommée Inclus & Sens, cette association est composée d’une équipe pluridisciplinaire portée par des architectes.

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Figure 18. Dôme acoustique Créobois ©Créobois

Créobois est une marque française proposant des solutions d’hypostimulation sensorielle pour les centres médicaux-sociaux et hospitaliers. Le dôme acoustique est décrit comme un « produit » permettant d’apporter « une solution d’hypostimulation sensorielle pour un moment de calme et de retrait »104. Ces dispositifs présentés comme innovants, conçu avec l’intention d’être hypostimulant, semblent à la fois très peu diffusés au sein des établissements accueillant un public avec des Troubles du Spectre Autistique, mais aussi auprès des métiers de la conception comme chez les architectes. En effet, lors des différents échanges avec les professionnels de la santé, ces derniers apparaissent en difficultés quant aux choix de dispositifs pouvant aider à la prise en charge d’une personne autiste. D’autre part, certains dispositifs sensoriels ne semblent pas être efficients dans une démarche d’hypostimulation et ainsi en décalage avec les attentes des professionnels du milieu de la santé. Ce manque d’efficience des dispositifs semble en grande partie lié au manque de travaux scientifiques sur le sujet sur lesquels les concepteurs pourraient s’appuyer durant le processus de création. Le regret principal concerne notamment l’apparent manque d’information et de compréhension de la part des concepteurs de ce qu’implique un environnement adapté pour les personnes avec autisme, dont la nécessité de s’affranchir des attentes neurotypiques. En effet, concevoir pour des personnes avec des Troubles du Spectre Autistique signifie pour les architectes d’apprendre à se détacher de tout ce qu’il leur a été inculqué et réfléchir d’une manière davantage en corrélation avec l’appréhension neuro-atypique des personnes avec TSA. Les professionnels de la santé regrettent le manque d’accompagnement approfondi par des professionnels de la conception qui seraient en mesure de les éclairer sur les différents sujets mobilisés par la problématique spatiale liée aux TSA, et ainsi dans le choix de dispositif sensoriel le plus adapté à leur situation et au contexte spatial dans lequel ce dernier prendra place. 104

cf. CREOBOIS. En ligne : https://creobois.fr/boutique/dome/.

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Néanmoins, rares sont les architectes en mesure d’effectuer cet accompagnement dû au manque de connaissance quant à la thématique de l’Autisme et ce qu’elle implique dans le processus de conception. Cette recherche s’inscrit dans la continuité de ce constat, la démarche initiale étant de combler ce manque et accompagner à la fois les professionnels de la conception, comme les architectes, et les professionnels de la santé et de l’autisme. En effet, ce travail de recherche s’oriente vers la mise en œuvre d’une méthode d’élaboration d’un catalogue raisonné qui puisse à la fois sensibiliser et former les architectes aux problématiques autistiques tout en servant d’appui aidant à la décision dans le choix d’un dispositif dans le domaine de la santé. À travers cette recherche exploratoire, il s’agit d’identifier et comprendre les ressorts requis et la méthode claire à employer dans l’élaboration d’un catalogue raisonné efficient dans l’optique d’en tirer des enseignements. Comment serait-il possible de mettre en place un catalogue qui puisse faire office d’outil scientifique raisonné ? Sur quels critères faut-il porter une expertise pour que ce catalogue soit porteur d’enseignement dans le cadre de la conception d’un dispositif ou d’un espace qui soit adapté à la demande spécifique des TSA ? Ce catalogue raisonné serait élaboré à la fois avec un regard à partir de la documentation théorique mais aussi avec un recul critique lié à diverses expérimentations afin de s’assurer de l’efficience de chaque dispositif recensé. La démarche générale consiste à regrouper les dispositifs existants aujourd’hui, questionner les sachants de l’autisme et recueillir leur avis sur ces derniers, de manière à mettre les résultats obtenus au service de la connaissance à la conception. Créer un outil qui regroupe à la fois les dispositifs d’hypostimulation ainsi que des pistes de réflexion pour une conception future davantage efficiente, semble pertinent et indispensable dans une démarche visant à améliorer les conditions de travail des professionnels de la santé et le bien-être sensoriel des personnes avec TSA. Cette démarche de recensement critique porte à la fois sur une visée instructive, avec un apport de connaissance sur le sujet, ainsi qu’une visée d’inspiration à l’innovation avec son rôle d’outil d’aide à la conception. Ainsi la création d’un catalogue raisonné permettrait la diffusion de dispositifs d’hypostimulation et des pistes de conception pour de futures solutions d’hypostimulation pouvant s’intégrer dans de multiples environnements initialement non nécessairement adaptés aux troubles du spectre autistique et de ce fait favoriser une inclusion à une échelle plus large. Cette recherche s’appuie sur la question suivante : Dans le cadre de la mise en place d’un catalogue raisonné, quelles peuvent être les méthodes de production d’un savoir scientifique sur l’efficience des dispositifs d’hypostimulation sensorielle ?

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ANNONCE DU PLAN ET MÉTHODE DE RECHERCHE Cette recherche a pour objectif de questionner la méthode d’élaboration d’un outil raisonné d’évaluation de dispositifs hyposensoriels. Pour présenter ce travail exploratoire et les résultats qui en découlent, ce dernier est structuré de la façon suivante : Les parties II.1/2/3 portent une réflexion générale sur la méthodologie du catalogue raisonné et son application dans le cadre de cette recherche. Puis une troisième et dernière partie, III.1/2/ 3, visant à faire l’analyse critique des conditions de sa mise en œuvre expérimentale et les résultats dégagés. La recherche poursuivie consiste à établir les conditions requises pour la création d’un catalogue raisonné afin que la connaissance produite soit utile et efficiente. Pour ce faire, cette dernière s’appuie sur plusieurs expérimentations et collaborations ayant eu lieu au cours de l’année dans le cursus du domaine d’étude de master Expérimentation Collaboratives (ExCo) Définition du corpus d’étude Le corpus d’étude sera composé des spécimens retenus pour intégrer au sein du catalogue raisonné. Ces derniers sont limités aux dispositifs de calme-retrait et d’apaisement sensoriel conçus pour personnes avec TSA ou pouvant être employés à cet effet. Méthodologie de recherche La méthodologie de recherche repose sur différentes expérimentations mises en application à la fois dans le milieu hospitalier au sein de la Clinique des Campilles au CHU de Thuir (66) et dans le secteur médico-social à l’IME de la Roussille à Vertaizon. L’ensemble des expérimentations suivantes sont conçues et menées par mes camarades Clémence Thiriot, Julie Belpois et moi-même dans le cadre de nos recherches communes, plus précisément d’un workshop d’étude prenant place en décembre 2021. Les deux expérimentations collaboratives suivantes sont menées dans le cadre de tables rondes avec pour participants, différents professionnels du domaine de la santé et de l’Autisme. o Expérimentation collaborative n°1 : Photo questionnaire, évaluation des dispositifs sensoriels : Cette expérimentation permet dans le cadre de la recherche autour du catalogue raisonné de contribuer à mieux connaître l’efficience des dispositifs présentés au regard de différents paramètres proposés. o Expérimentation collaborative n°2 : Mots-clefs, méthode KJ adaptée : Cette expérimentation permet d’identifier de nouveaux paramètres à prendre en considération dans l’évaluation des dispositifs intégrant le catalogue raisonné. Une autre phase de la collaboration consiste à s’entretenir avec les professionnels de la santé de manières variées, que ce soit sous formes d’échanges informels, d’entretiens téléphoniques ou visioconférences, ou encore de réunions planifiées sur un ou plusieurs thèmes ciblés à l’avance. 58


PARTIE II : CATALOGUE RAISONNÉ : SA MÉTHODOLOGIE ET SON APPLICATION DANS LE CADRE DE CETTE RECHERCHE SUR LES DISPOSITIFS D’HYPOSTIMULATION SENSORIELLE Au sein de cette partie, nous nous attacherons à définir les objectifs d’un catalogue raisonné, ainsi que les modalités contextuelles qui entrent en compte dans son élaboration. Dans un premier temps, nous exposerons les intérêts et les ambitions d’un tel outil et nous nous attacherons à en définir les usages espérés ainsi que les limites de ce dernier. Dans un second temps, nous explorerons la première phase expérimentale ; la préparation en amont des expériences, avec la mise en place des protocoles et ce que cela implique. Puis, nous poursuivrons avec la seconde phase de l’expérimentation : la réalisation de cette dernière et son déroulé.

II.1 Pourquoi un catalogue raisonné ? a. Objectifs et intérêts d’un catalogue raisonné L’objectif majeur de la création d’un tel outil est de recenser les dispositifs de d’hypostimulation sensorielle existants et permettre leur caractérisation à partir d’une évaluation raisonnée. Un environnement architectural adapté serait, selon les différents travaux sur le sujet, essentiel au bien-être de la personne avec TSA. Néanmoins, il reste élémentaire de se demander, comment l’architecte, possédant rarement les connaissances requises sur le sujet, peut-il concevoir un espace adapté ? À travers une démarche d’élaboration d’un catalogue raisonné, l’ambition est de mettre à disposition, un outil scientifique facilement appropriable notamment lors de la conception d’espaces adaptés et inclusifs ou dans le choix de dispositifs. Ainsi, le recensement des différents spécimens existants permettrait de dégager les axes forts et créer une base de données utile dans un processus de conception. D’autre part, l’intérêt d’un tel outil réside aussi dans la volonté de créer du lien entre ceux qui utilisent les dispositifs et ceux qui les conçoivent et ainsi faire ressortir la dimension collaborative entre les usagers et les concepteurs du cadre de vie. Ce recueil a aussi pour objectif d’intégrer, non seulement les dispositifs conçus dans l’optique de favoriser le retrait et l’apaisement des personnes avec autisme, mais aussi de convoquer des spécimens externes comme des œuvres artistiques, de designs, des prototypes etc., qui auraient un potentiel de ce point de vue-là.

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b. Définition du catalogue raisonné comme outil scientifique Qu’est- ce qu’un catalogue raisonné ? D’après le dictionnaire de l’académie française, un catalogue raisonné est un « ouvrage qui dresse l’inventaire le plus complet possible des œuvres peintes, dessinées, sculptées ou gravées d’un même artiste ».105 Par ailleurs, une autre définition consiste à qualifier un catalogue raisonné comme une compilation méthodique, descriptive et critique de l’œuvre entier d’un artiste ou d’une forme d’art. Ainsi, les catalogues raisonnés « répertorient, décrivent, situent dans le temps, classent et, si possible, reproduisent, toutes les œuvres connues des artistes en question » d’après François Duret-Robert dans son Droit du marché de l’art.106 Les catalogues raisonnés existent déjà dans plusieurs domaines, notamment dans le milieu artistique. La publication numérique de catalogues raisonnés d’artistes ont pris une grande ampleur sur internet ces dernières années, notamment aux États-Unis où certains éditeurs se sont spécialisés dans le domaine, de même que des fondations ou des musées. Dans le milieu artistique Certains catalogues portent sur la personne dans sa globalité, comprenant ainsi sa vie personnelle et ses travaux. Nous pouvons notamment citer le catalogue en ligne recensant les œuvres du célèbre artiste -peintre Raphaël The Raphael project par la National Gallery.107 En effet, ce-dernier fait l’inventaire de l’œuvre artistique du peintre tout en y ajoutant un certain nombre d’informations sur ce dernier et ses créations. On y retrouve également des écrits et lettres lui appartenant, l’objectif étant de dresser un profil complet de l’homme, de sa vie personnelle afin de déterminer de ce que cela pouvait impliquer dans son œuvre artistique. D’autres catalogues raisonnés disponibles sur internet s’attachent à poursuivre des travaux entamés avant l’apparition de cette opportunité de diffusion en ligne. Ces derniers s’inscrivent dans la continuité de travaux scientifiques portant sur le recensement et la compréhension analytique des œuvres de certains artistes. Nous pouvons notamment mentionner celui de la RKD Netherlands Instutute for Art Story, dont la publication a démarré en 2018, qui s’attache à répertorier l’œuvre de Piet Mondrian.108 Ce site numérique présente une vue générale et approfondie de son œuvre avec des 105

ACADEMIE FRANCAISE, définition catalogue raisonné. En ligne : https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Musees/Les-musees-en-France/Les-collections-des-musees-deFrance/Decouvrir-les-collections/Catalogues-raisonnes-numeriques-d-artistes. Consulté le 18/01/2022., consulté le 18/01/2022. 106 cf. DURET-ROBERT François, Droit du Marché de l’art (Dalloz), dans PIERRAT Emmanuel, (2014), Catalogue raisonné (fr), La grande bibliothèque du droit, en ligne : https://www.lagbd.org/Catalogue_raisonn%C3%A9_(fr), consulté le 18/01/2022. 107 cf. NATIONAL GALLERY, The Raphael projet, en ligne : https://cima.ng-london.org.uk/documentation/, consulté le 18/01/2022. 108 cf. MONDIAN Piet, (2018), Catalogue raisonné, RKD Netherland institute for art story, en ligne : http://catalogue.pietmondrian.nl/, consulté le 18/01/2022.

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descriptions, explications et analyses scientifiques de même que des illustrations de plus de 1500 peintures, dessins, aquarelles, croquis et quelques éléments de design. Ce catalogue s’inscrit dans la continuité de celui de Robert P. Welsh publié en 1998 : Piet Mondrian : Catalogue Raisonne (1998) en y apportant en complément plusieurs dizaines de nouvelles œuvres ainsi que de nouvelles informations, à la fois axées sur les expositions, mais aussi sur les ventes des œuvres et la littérature à ce sujet. Toujours avec la même méthode de conception, nous relevons celui dédié à Hyacinte Rigaud, crée par Stéphane Perreau en 2016 109, et toujours alimenté d’actualisations à ce jour. En effet, ordonné de manière scientifique, ce site reprend un catalogue raisonné entamé il y a plus de vingt ans, en partie publié en 2013 sous forme d’un catalogue concis110 en mettant à jour au fur et à mesure des découvertes. De plus, ce travail a été précédé en 2004 par une monographie que les auteurs du site et du catalogue raisonné de 2013 ont voulu entièrement consacrer à l'artiste réunissant pour la première fois plus de 200 de ses chefs-d’œuvre, reproduits en couleur. Ainsi, ce site numérique propose un inventaire complet de l’œuvre de Rigaud, composé de peintures, dessins ou encore gravures. D’autre part, au-delà de recenser l’œuvre de l’artiste, ce catalogue permet également la diffusion autour d’évènements ou expositions qui auraient lieu à ce sujet. Dans le milieu de l’architecture Dans le domaine architectural, parmi des catalogues raisonnés en ligne français que nous pouvons citer, se trouve notamment celui qui retrace l’œuvre architecturale et de design de Le Corbusier tenu et créé par la fondation Le Corbusier 111. Ce dernier est alimenté régulièrement des actualités concernant l’architecte et son œuvre, notamment concernant les expositions, conférences ou évènements sur le sujet. Nous retrouvons également la biographie de l’architecte ainsi que la mission et l’histoire de la fondation. D’autre part, ce catalogue, au-delà de faire l’inventaire complet de l’œuvre de l’architecte, récence également l’ensemble des publications et archives sur Le Corbusier, ses travaux et diverses productions.

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cf. PERREAU Stéphane, L’œuvre de Hyacinte Rigaud, en ligne : http://www.hyacinthe-rigaud.com/, consulté le 18/01/2022. 110 cf. PERREAU Stéphane, (2013), op.cit., consulté le 18/01/2022. 111 cf. FONDATION LE CORBUSIER, (1968), Œuvre de Le Corbusier. En ligne : www.fondationlecorbusier.fr, consulté le 18/01/2022.

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Figure 19. Capture d’écran du site numérique de la fondation le Corbusier.

Dans les définitions communément admises, et à travers ces quelques exemples, les catalogues raisonnés, relativement monographiques, font référence au travail d’une seule personne en particulier, souvent un artiste. Dans le cadre de ce mémoire, le terme catalogue raisonné correspond à un ensemble de spécimens davantage hétérogène, ayant des objectifs et caractéristiques communs mais dont les concepteurs varient. Dans le cadre de ce travail de recherche Les spécimens intégrés au sein du catalogue raisonné et étudiés dans le cadre de ce travail d’initiation à la recherche se limitent néanmoins aux dispositifs d’hypostimulation sensorielle, conçus à cet effet ou pouvant être employés comme tels auprès de personnes avec TSA. En revanche, aucune limite spatio-temporelle n’est retenue comme critère d’intégration au corpus car il existe en réalité très peu de dispositifs de ce type-là. ▪

Méthodes d’élaboration de catalogue raisonné hétérogène

Rares sont les catalogues raisonnés conçus dans une démarche similaire, visant à étudier la diversité de spécimens quant à un thème précis. Parmi les rares travaux inscrits dans cette méthode de recherche au sein du domaine architectural, nous retrouvons le mémoire de Ivan Marinov.112 Dans son mémoire d’étude soutenu en 2008 à l’Université de Montréal, ce dernier s’attache à recenser l’ensemble des monuments funéraires thraces découverts sur le territoire de la Bulgarie à partir de la fin du XIX -ème siècle. Audelà de cet inventaire, ce dernier porte également son étude sur l’analyse architecturale 112

MARINOV Ivan, (2008), Les monuments funéraires thraces, catalogue raisonné et analyse architecturale, mémoire d’étude de l’université de Montréal. En ligne : https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/8247/Marinov_Ivan_2009_memoire.pdf?s equence=1&isAllowed=y, consulté le 18/01/2022.

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détaillée de chacun des composants de son catalogue. Le catalogue, créé en parallèle de son écrit, est accompagné de l'analyse architecturale synthétisée et « se veut un outil de base - le seul en langue occidentale - pour toute recherche plus approfondie portant sur les monuments funéraires thraces généralement datés de l'époque hellénistique. » (MARNIOV, 2008, p. 4) Dans le milieu de la recherche scientifique architecturale, les catalogues raisonnés et la réflexion sur ces derniers, restent cependant assez rares. Nous pouvons toutefois nous pencher sur les travaux de Grégoire Chelkoff 113 et sur son catalogue raisonné au sujet des prototypes sonores. Pour accompagner ce catalogue raisonné et s’assurer de sa fiabilité, ce dernier développe une recherche scientifique sur la méthodologie pour la création d’un catalogue raisonné et des expérimentations constructives. Ce travail scientifique autour du catalogue raisonné s’attache à rendre compte des principaux résultats au regard de deux objectifs : celui de « tester l’élaboration d’un catalogue raisonné de situations de références sonores archétypiques autour de catégories choisies » et celui de « mettre au point une méthodologie d’expérimentation de prototypes à l’échelle du corps et d’évaluation par l’usage dans le cadre d'ateliers de fabrication, d'enseignement et de création (les Grands Ateliers de l’île d'Abeau ou GAIA) en montrant la nature de certains liens entre les deux phases de travail. » (CHELKOFF, 2011, p. 14) Comme Chelkoff, à travers ses travaux scientifiques sur les prototypes sonores, ce travail d’initiation à la recherche poursuit la volonté de mobiliser une réflexion méthodologique portant sur la création d’un catalogue raisonné sur des dispositifs d’hypostimulation sensorielle. Ainsi, de la même manière que celle de G. Chelkoff, cette étude s’inscrit dans une démarche visant à définir comment entreprendre les investigations et en rendre compte. De plus, ce dernier met en lumière la nécessité de s’appuyer sur une évaluation des prototypes à travers l’usage pour l’efficience des résultats apportés au catalogue. Ceci est un point que nous aborderons également au sein de notre étude. D’autre part, Grégoire Chelkoff, en posant la problématique d’un catalogue raisonné, précise que « Le projet de catalogue vise à offrir un outil de réflexion et un stimulant pour la conception, ce qui implique qu’il ne soit pas établi comme un catalogue de recettes s’appuyant sur une logique causaliste dont on connaît les méfaits dans le domaine de la conception architecturale et urbaine ». (CHELKOFF, 2011, p. 15) Cette citation pourrait aussi bien concerner ce mémoire d’initiation à la recherche que nous présentons ici, tant la démarche est similaire. En effet, comme chez Chellkoff, la présente recherche considère que l’objectif n’est pas tant l’énumération de données mais davantage la mobilisation 113

CHELKOFF Grégoire avec la collaboration de P. Liveneau, J.L Bardyn, R. Thomas, N. Remy, (2011), Prototypes sonores architecturaux : méthodologie pour un catalogue raisonné et des expérimentations constructives, laboratoire CRESSON – UMR CNRS 1563, Ecole d’Architecture de Grenoble. En ligne : https://cressound.grenoble.archi.fr/fichier_pdf/librairie_ambiance/Chelkoff_2003_prototypes_sonores.pdf. Consulté le 18/02/2022.

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pertinente qui en est faite en aval, d’où l’intérêt de requestionner le contexte d’élaboration d’un tel outil et le processus d’investigation mis en place, de manière à favoriser la diffusion du savoir. Toutefois, nous notons qu’aujourd’hui rares semblent être les travaux existants sur la méthodologie de création d’un catalogue raisonné dans le domaine de l’architecture ainsi que les catalogues ayant vu le jour ; encore moins en ce qui concerne des dispositifs adaptés aux personnes autistes. Il existe des catalogues commerciaux recensant un certain nombre de références, néanmoins, aucun catalogue à notre connaissance portant sur un recueil de ces dernières consistant à élaborer scientifiquement une connaissance sur ces objets. Ainsi, ce constat nous amène à nous questionner sur la manière d’investiguer les différents spécimens réaccueillis ainsi que sur la façon de présenter les résultats en découlant au sein du catalogue raisonné.

c. À qui serait destiné le catalogue raisonné et quelles en sont les limites ? Le catalogue raisonné, dans un premier temps, est conçu dans l’optique de servir aux architectes et designer dans un processus de conception. En effet, un tel outil permettrait à la fois, d’expliquer les particularités sensorielles et cognitives de l’autisme liées à la thématique de l’environnement architectural, tout en identifiant des caractéristiques spatiales adaptées aux Troubles du Spectre Autistique. Les architectes pourraient alors s’en servir comme aide durant la conception de lieux de vie dits « inclusifs » à l’Autisme, mais aussi, dans le cadre d’une conception plus localisée et ponctuelle comme celle de dispositifs d’hypostimulation sensorielle. Effectivement, pour la conception de ce type d’espaces, s’appuyer sur un corpus de spécimens exposant les différentes caractéristiques et l’efficience de ces derniers au regard de l’autisme pourrait favoriser l’optimisation d’une conception ultérieure. Cet outil serait aussi à destination des sachants de l’autisme, notamment aux professionnels de la santé, dans une démarche d’aide à la décision quant au choix des dispositifs à intégrer au sein de leur établissement et protocole thérapeutique. Pour ce faire, le catalogue raisonné s’attacherait à présenter à la fois, l’importance d’un cadre architectural et environnement adapté, tout en signifiant quels dispositifs sembleraient être adéquats selon la situation et le contexte environnemental ou parfois thérapeutique. Ces deux catégories de destinataires, par leurs compétences et champs d’activité, ne recherchent néanmoins pas la même chose à travers l’utilisation de cet outil. Leurs perceptions et leurs besoins varient en fonction du regard porté sur ce dernier. Il s’agit alors de se questionner sur la faisabilité d’un tel outil qui à la fois répond aux besoins des sachants de l’Autisme et du soin et à ceux de l’architecture et de la conception spatiale. Est-il seulement possible de créer un outil destiné à la fois aux soignants et aux architectes ? Comment mettre en place ce catalogue raisonné de manière organisée et cohérente dans une volonté de le mettre à disposition du plus grand nombre ? Quelles seraient-alors les conditions d’élaboration d’un tel dispositif ?

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D’autre part, au-delà des limites évoquées, il semble pertinent de se questionner sur l’intérêt de concevoir un tel outil hybride dans son utilisation. En effet, ne serait-il pas plus opportun de concevoir deux catalogues raisonnés distincts, chacun en fonction des spécificités que requièrent ses utilisateurs ? Cette interrogation n’est pas résolue, en revanche, le choix de conserver un unique catalogue à destination des architectes et des professionnels de la santé découle d’une volonté d’offrir un outil facile d’utilisation et qui soit également aisément accessible. Enfin, ceci permettrait aux usagers et aux concepteurs de se retrouver autour d’un même support d’échange, portant sur leurs champs de compétences respectifs. Le risque, en démultipliant cet outil, serait d’offrir un trop large choix d’outils et ainsi isoler les professionnels du soin et de l’aménagement du cadre de vie, là où pourtant, force est de constater, le manque de lien et de transdisciplinarité dans la réflexion et dans la recherche. L’enjeu qui se dessine alors est le suivant : prendre en considération les différents besoins que requièrent ces deux catégories d’utilisateurs du catalogue et en rendre compte dans une organisation cohérente et réfléchie de ce dernier.

II. 2 Un protocole expérimental en plusieurs phases : Phase 1, l’élaboration des expérimentations Dans le cadre de notre étude sur la méthode d’élaboration d’un catalogue raisonné concernant les dispositifs d’hypostimulation, nous nous sommes appuyées sur différentes expérimentations à réinvestir ultérieurement. Ces dernières ont été définies par un certain nombre de critères que nous étudierons ici. Dans un premier temps, il s’agissait de définir le corpus de spécimens sur lequel allaient s’appuyer les différentes expérimentations. Dans un second temps, il était question de définir quelles expérimentations conduire afin d’obtenir les réponses recherchées. Enfin, la dernière phase pré-expérimentale consistait à préparer les différents supports sur lesquels nous allions nous appuyer durant les expérimentations.

a. Définition du corpus d’étude Le choix du corpus d’étude est une étape essentielle au sein du processus de recherche puisqu’il définit le périmètre de l’étude. Dans le cadre de cette recherche, le corpus d’étude regroupe des dispositifs d’hypostimulation sensorielle, aussi appelés espace de calme-retrait et d’apaisement sensoriel, sans limite géographique ou encore de date de conception, ces derniers étant rares. Pour la préparation de l’expérimentation, le corpus d’étude doit être circonscrit, de manière à pouvoir évaluer en détail chacune des références identifiées comme spécimens d’étude. Le choix d’intégrer ou non certaines références au sein du corpus d’étude exercera une influence directe sur les résultats du catalogue. Ainsi, la sélection de ces dernières n’est pas une étape à négliger dans un processus de recherche. 65


En effet, parmi une trentaine de références identifiées comme intéressantes à observer (cf. Figure 20), dans le cadre de cette étude méthodologique portant sur la création d’un catalogue raisonné, nous avons fait le choix d’en conserver huit, afin de proposer une analyse approfondie de chacune d’entre elle et recueillir des avis détaillés sur celles-ci en peu de temps. Comment procéder au tri de références ? Dans le cadre de cette étude de cas, le tri des références à ériger au statut de spécimen à travers leur étude, s’est effectué d’une manière que, dans un contexte de recherche autour d’une méthodologie efficiente, nous pouvons considérer comme critiquable. Cette étape s’est déroulée en peu de temps sur des critères possiblement insuffisamment fondés. Nous avons, à titre d’exemple, focalisé le choix sur les dispositifs paraissant le plus évident, comme ayant déjà servis dans le cadre d’une utilisation pour personnes avec TSA ou s’en réclamant adaptés. Ont également été écartés du corpus, les dispositifs dont peu d’informations était à disposition. Un critère de sélection sur lequel nous nous sommes appuyés consistait à retenir les dispositifs les plus facilement appréhendable de l’extérieur à partir d’une photographie. Enfin, nous avons retenus des dispositifs assez hétérogènes de façon à varier les possibilités, de formes, couleurs, matériaux et ainsi faciliter la compréhension portant sur l’appréciation des différentes caractéristiques. Bien que cette étape ait été portée par un certain nombre de motivations et de réflexions, nous pouvons néanmoins appuyer la nécessité d’un questionnement davantage poussé et méthodique concernant la sélection des spécimens d’étude dans un cadre scientifique de l’élaboration d’un catalogue raisonné efficient.

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Figure 20. Références identifiées comme éventuellement éligibles à intégrer un corpus de spécimens.

Quels spécimens retenus ? Ainsi, après définition des critères retenus dans le cadre de cette étude de cas, les

Figure 21. Abri sensoriel d’Handi’Apt ©Handi’Apt

Figure 22. Cellule d’Absalon ©Grappa-Studio

spécimens intégrant cette étude sont les suivantes : L’abri sensoriel d’Handi’Apt (cf. Figure 21), déjà évoqué précédemment, a été retenu au sein de ce corpus d’étude car ce dernier propose un apaisement des sens à travers son dispositif imaginé pour les personnes avec un handicap, dont les personnes avec autisme. La cellule d’Absalon (cf. Figure 22), quant à elle, figure dans ce corpus pour d’autres raisons. En effet, cette œuvre artistique n’a pas été créée dans l’optique de favoriser une quelconque inclusion, mais sa forme induisant une forte contenance semblait pouvoir faire émerger de possibles solutions quant aux paramètres à prendre en compte dans ce type de dispositifs.

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Figure 23. Dôme acoustique, Créobois ©Créobois

Figure 24. Espace de retrait à l’université de l’Utah Valley, par Curtis Miner Architecture ©Curtis Miner Architecture

Le dôme acoustique de Créobois (cf. Figure 23), a été conçu dans une démarche d’inclusion des personnes en situation d’handicap mental, psychique, cognitif et sensoriel et notamment pour les personnes autistes. Ainsi, il est intéressant de pouvoir évaluer son efficience à travers les différentes expérimentations. L’espace de retrait (cf. Figure 24), se situe au sein de l’université de l’Utah, qui dans son architecture intègre des moments de calme et de repos pour les personnes qui en ressentiraient le besoin. Sa place parmi le corpus semble pertinente puisque sa forme plus ouverte pourrait faire émerger de nouvelles questions et pistes de réflexion sur ces dispositifs de retrait et d’apaisement sensoriel.

Figure 25. Igloo / cocon par Créobois ©Créobois

Figure 26. Espace de retrait au Flower Kindergarten par Jungmin Nam ©Jungmin Nam

L’igloo (cf. Figure 25), également appelé cocon, est un dispositif déployé par Créobois et de la même manière que pour le dôme acoustique ce dernier est conçu avec pour objectif d’apporter un espace d’apaisement aux personnes avec autisme (notamment). Ici encore, le choix réside dans la volonté d’évaluer la pertinence et l’efficience d’un dispositif conçu 68


avec l’intention d’être mis à disposition des personnes présentant des troubles autistiques. L’espace de retrait ci-dessus (cf. figure 26) se situe au sein d’une école primaire, cette dernière offre à différents endroits des « cachettes » pour offrir aux enfants un contrôle des interactions qu’ils peuvent avoir avec leur environnement. Ces cachettes peuvent en l’occurrence favoriser l’apaisement lorsque le besoin se fait ressentir. Ce choix semble intéressant à étudier, notamment pour obtenir des évaluations quant aux matériaux utilisés mais aussi pour son aspect « sous pente », assez original mais d’un premier abord semblant en cohérence avec le besoin de contenance des personnes avec autisme.

Figure 27. Buzzinest Pod par Fleexpert ©Fleexpert

Figure 28. Caisson d’isolation sensorielle par John Cunningham Lilly ©Médical Expo

Le Buzzinest Pod (cf. Figure 27), développé par Fleexpert, est un dispositif conçu pour favoriser la concentration au sein d’espaces de co-working. L’ajout de cet élément au corpus découle de l’idée, que ce dernier, grâce à ses capacités d’isolation phonique, pourrait être décliné en un dispositif permettant le retrait des personnes avec autisme dans des espaces accueillant du monde. C’est pourquoi il semble opportun de le soumettre aux différentes expérimentations. Pour finir, le caisson d’isolation sensorielle par John Cunningham Lilly (cf. Figure 28), d’apparence très différente des autres spécimens, est un dispositif favorisant l’apaisement des sens à travers la thérapie de flottaison. Ce choix pour le corpus est notamment justifié par la capacité de ce dispositif à détendre l’utilisateur et d’isoler de toute stimulation sensorielle. Ainsi, il serait intéressant de déterminer si oui ou non un tel dispositif pourrait être pertinent dans un processus d’hypostimulation sensorielle destiné aux personnes avec autisme. Les différents spécimens du corpus que nous venons de présenter n’ont pas tous été conçu avec pour intention d’apporter de l’inclusion à la personne avec autisme, en 69


proposant un dispositif hypostimulant. En revanche, tous semblent présenter de potentiels éléments de réponse dans le cadre de la création de nouveaux dispositifs d’autant plus adaptés. En intégrant des dispositifs différents les uns des autres et issus de contextes différents, l’ambition est de sortir de la sphère médicale habituelle, afin d’éventuellement trouver des inspirations dans d’autres domaines, comme celui des arts. Ce corpus, composé de huit dispositifs constitue l’objet de l’étude. En effet, ces spécimens servent d’appui à la réflexion dans le cadre des différentes expérimentations que nous allons détailler ci-après et qui nous permettront d’apporter une réponse à la problématique.

b. Choix des expérimentations Pour déterminer le choix des expérimentations, nous avons dans un premier temps requestionné leurs objectifs et les réponses recherchées à travers ces dernières. Dans le cadre de la création d’un catalogue raisonné, nous estimons que les expérimentations pourraient amener un premier aperçu des critères dont devraient tenir compte des dispositifs d’hypostimulation sensorielle adaptés aux personnes autistes. Dispositif expérimental 1 : le photo-questionnaire La première expérimentation réside dans la volonté de recueillir des informations sur les dispositifs semblant correspondre ou non, aux besoins des professionnels de la santé spécialisés dans l’autisme et ses troubles. En déterminant ainsi ce qui semble fonctionner au regard des particularités de l’autisme, les informations réaccueillies pourront servir à nourrir la réflexion pour une conception future. Pour ce faire, cette expérimentation prend la forme d’un photo-questionnaire à l’aide d’un outil essentiel : la grille d’évaluation. Cette dernière, déclinée pour chaque dispositif, est composée de différents paramètres architecturaux, définis au préalable selon des conditions sur lesquelles nous reviendrons dans la suite de ce travail. Chaque paramètre est soumis à une évaluation allant de 0 à 10. Pour permettre l’évaluation, chaque spécimen est représenté par une photographie accompagnant la grille d’évaluation. Comme consigne, il est indiqué aux participants, premièrement, de ne pas communiquer les uns avec les autres afin de procéder à une évaluation individuelle, puis deuxièmement, que cette dernière se fait uniquement au regard d’une hypostimulation supposée. Cette expérimentation répond notamment au besoin de recueillir des avis personnels afin de favoriser des informations non biaisées par un phénomène « d’avis de groupe ». D’autre part, cet outil de grille d’évaluation permet un recueil rapide sur une importante quantité d’informations. Nous cherchons à obtenir des avis sur des critères précis concernant les dispositifs d’hypostimulation sensorielle. Pour cela, nous faisons appel à une forme d’entretien directif : « L’entretien directif, ou le questionnaire, est souvent l'outil d'une enquête quantitative. Les questions sont entièrement formulées à l’avance avec un ordre à respecter avec parfois des questions ouvertes. Le questionnaire offre peu de liberté à l’enquêteur comme à l’enquêté. Cependant, il permet une codification

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immédiate et de mesurer, de dénombrer les opinions et les pratiques, d’obtenir un chiffre sur les réalités sociales (Abrial et al., 2011). » 114 Dispositif expérimental 2 : la recherche de mots-clefs La seconde expérimentation se base sur la méthode KJ revisitée. Cette dernière est une méthode de brainstorming, inventée dans les années 1960 par l’ethnologue Jiro Kawakita, visant à analyser et synthétiser en groupe des données, avec pour objectif d’en dégager des convergences et des priorités pour la résolution de problèmes. Ici, l’expérimentation vise à récolter des idées, souvent non conscientisées, des professionnels de la santé concernant les besoins en termes d’espace adapté aux personnes avec autisme. Pour ce faire, chaque participant (toujours les professionnels de l’autisme) dispose d’une feuille sur laquelle il inscrit des critères qui lui semblent important à prendre en compte dans la conception d’espaces et/ou dispositifs spatiaux adaptés aux personnes autistes, dans le cadre d’une hypostimulation des sens. La consigne assignée est la suivante : chacun, de manière individuelle, écrit sur la feuille les critères lui paraissant fondamentaux dans le cadre d’un dispositif d’hypostimulation sensoriel à destination de personnes autistes. Le choix de ces deux expérimentations découle de plusieurs raisons. Dans un premier temps, nous avons pris le parti d’élaborer des expérimentations qui soient peu chronophages, tout en nous permettant de recueillir un maximum d’informations à réinvestir. Dans un second temps, il s’agissait aussi d’imaginer un protocole qui soit facilement accessible et aisément compréhensible. D’autre part, nous voulions quelque chose de ludique, qui puisse intéresser les participants. Enfin, ces expérimentations concernent la relation de la personne autiste à l’espace, or, les participants issus du monde de la santé et du soin sont en effet des sachants de l’autisme mais ne connaissent pas forcément les termes spécifiques à l’architecture. Là aussi, il était question d’adapter le vocabulaire, le protocole et le support de manière à veiller à la bonne compréhension des attendus, afin de favoriser l’accessibilité de cette expérimentation. En préparant ces différentes expérimentations, nous nous sommes en effet interrogées sur la manière d’atteindre nos objectifs et récolter des réponses assez précises tout en s’adaptant à un public qui n’est pas forcément sachant de ces questions liées à l’environnement. C’est ce que nous allons développer dans la partie suivante. Il reste néanmoins important à noter que les expérimentations exposées ci-avant ne constituent pas l’entièreté du protocole qui permettrait de faire émerger un catalogue raisonné efficient. En revanche, elles correspondent davantage à des situations d’essais de mise en place de premiers jalons d’expérimentation qui permettraient d’y parvenir, dans le cadre d’un travail ultérieur plus approfondi.

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cf. ABRIAL. S., Rapport Espace public : méthodes pour observer et écouter les usagers. Affaire suivie par CORBILLE Marie-Aude. Cité dans CEREMA Centre-Est, (2020), p. 27, en ligne : https://www.cerema.fr/system/files/documents/2020/07/ceremace_methodes_pour_observer_et_ecoute r_rapport_juillet_2020.pdf, consulté le 10/03/2022.

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c. Préparation des supports d’expérimentations : le photo-questionnaire, les mots-clefs méthode KJ revisitée Après avoir défini les objectifs et attendus des expérimentations, il s’agit de préparer les supports de ces dernières. Pour cela, il est important de porter sa réflexion à la fois sur la forme et sur le contenu, de manière que ces supports soient les plus pertinents possibles et les plus efficaces pour les expérimentations. Expérimentation n°1 : le photo-questionnaire Le contenu : Quels sont les éléments qui doivent structurer un questionnement, à partir d’une photographie, sur un spécimen à évaluer, par le biais d’un certain nombre de critères ? Un des éléments les plus importants de cette expérimentation réside dans le contenu de la grille d’évaluation. En effet, comment définir les différents critères à évaluer ? Cette interrogation soulève la question de la subjectivité et de l’influence des résultats. Effectivement, le choix des différents critères relève déjà d’une prise de position. Afin de minimiser cette dernière, il nous est apparu primordial de se questionner sur la manière d’identifier les différents critères à évaluer au regard d’une hypostimulation efficiente. Ici, les critères ont été sélectionnés après la lecture de différents travaux à ce sujet, notamment sur la base des travaux scientifiques d’Estelle DEMILLY et l’identification des paramètres agissant sur la personne avec autisme. Ainsi les paramètres retenus pour cette première évaluation sont les suivants : ▪ ▪ ▪

▪ ▪

▪ ▪

La lumière : les participants devront évaluer la capacité du dispositif à être hypostimulant d’un point de vue de la lumière ; L’acoustique : sera évaluée la capacité du dispositif à être hypostimulant d’un point de vue de l’acoustique ; Les matériaux : les participants devront évaluer la pertinence des matériaux utilisés dans la composition du dispositif au regard d’une hypostimulation adaptés aux personnes avec autisme ; Les formes : les participants évalueront les différents choix concernant les formes au regard du confort et de l’adaptation du dispositif pour les personnes avec TSA ; Les couleurs : les couleurs seront évaluées par les participants au regard d’une hypostimulation visuelle ; La thermique : les participants évalueront la pertinence des différents choix en lien avec la thermique du dispositif au regard d’une adaptation aux personnes avec autisme ; Ouverture : les ouvertures seront évaluées quant à l’adaptation de ces dernières aux besoins des personnes avec autisme ; Dimension : ce paramètre sera évalué au regard d’une adaptation aux besoins des personnes avec autisme ;

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▪ ▪

▪ ▪ ▪ ▪ ▪

Cachette : les participants évalueront le dispositif au regard de sa capacité à offrir un espace de cachette à l’usager ; Équipement : sera évaluée la pertinence des équipements au regard d’une hypostimulation et de l’adaptation de ces derniers aux besoins des personnes avec TSA ; Perméabilité visuelle : les participants devront évaluer la capacité du dispositif à optimiser la perméabilité visuelle selon les besoins inhérents à l’autisme ; Perméabilité à l’air : sera évaluée la capacité du dispositif à optimiser la perméabilité à l’air selon les besoins inhérents à l’autisme ; Contenance : les participants évalueront la capacité du dispositif à offrir un espace contenant pour la personne avec autisme ; Intimité / retrait : les participant devront évaluer si le dispositif permet ou non le retrait de l’extérieur et une forme d’intimité à l’usager ; Sécurité : les participants devront évaluer si le dispositif est efficient d’un point de vue de la sécurité des usagers ; Surveillance : les participants évalueront la possibilité de surveiller l’usager depuis l’extérieur du dispositif.

Dans le cadre de cette étude, les différents paramètres identifiés ont fait l’objet d’une évaluation ultérieure, par les participants, au regard à la fois d’une hypostimulation sensorielle et de la pertinence des différents choix quant à une adaptation aux personnes avec autisme. On note que la lumière, l’acoustique, les couleurs, les matériaux sont autant de paramètres influençant les stimulations sensorielles des personnes avec autisme. Quant aux dimensions, les formes, les ouvertures, la perméabilité visuelle, la contenance ou encore la capacité à faire cachette sont des critères davantage liés à l’enveloppe corporelle et au besoin inhérent de la personne avec TSA, de pouvoir se réapproprier son corps en limitant le contact avec l’extérieur et en profitant d’un espace confiné. La sécurité et la surveillance sont, quant à eux, des critères liés à l’incapacité de nombreuses personnes avec autisme d’évaluer le danger par elles-mêmes. La forme : Comment mettre en forme ces éléments afin que le support puisse être utilisé de façon efficace pendant la séance ? Après la question du contenu de cette expérimentation, se pose la question de la mise en page des supports. Concernant les choix liés à la forme de ces derniers, différents critères ont été pris en considération. Il a été question de s’interroger sur cette dernière de manière à rendre le support le plus efficient possible. Aussi, nos objectifs étant similaires à ceux de certains chercheurs évoqués plus tôt comme M. Mostafa ou encore E. Demilly, nous nous sommes inspirés des supports de leur démarche scientifique, étant composés de tableaux répertoriant différents paramètres. Ainsi, dans le cadre de la première expérimentation, nous avons opté pour deux supports complémentaires : les images des spécimens et la fiche d’évaluation associée à chacun d’entre eux. 73


La fiche d’évaluation

La fiche d’évaluation (cf. Figure 29, page suivante) est composée d’un tableau avec des lignes et des colonnes dans l’optique de le rendre simple à comprendre et à utiliser. D’autre part, afin de faciliter davantage son utilisation, nous avons colorié une colonne sur deux en beige grisé. Le choix du coloris découle d’une volonté de conserver un ensemble d’apparence neutre et ainsi éviter de perturber le regard avec une teinte qui serait trop vive par exemple. Les colonnes représentent les différents critères identifiés à évaluer dans le cadre de cette expérimentation. Les lignes représentent, quant à elles, l’échelle d’évaluation de ses derniers. Les différents critères présents peuvent être évalués de 0 à 10, du moins au plus satisfaisant. Le cumul du résultat des différents critères, permet d’obtenir une appréhension plus globale de l’efficience estimée par l’évaluateur, pour chaque spécimen proposé. Une dernière ligne, similaire aux autres, correspond à « l’avis général » du dispositif en question. Cette évaluation se fait au regard du potentiel d’hypostimulation de chaque dispositif. D’autre part, une dernière case invitant le participant à noter ses « observations facultatives » est présente en bas de page. D’autre part, ces fiches d’évaluation ont été réfléchies de manière à montrer explicitement les spécimens à évaluer sur chacune d’entre elle. Afin de faciliter l’utilisation de ce support, sur chacune des fiches, est présente une photographie du dispositif à évaluer, accompagnée de son nom et concepteur. De plus, la mise en page est la même d’une fiche à l’autre, de façon à non seulement conserver une cohérence de l’ensemble mais aussi pour ne pas influencer les évaluations pour des choix de mise en page qui plairaient plus ou moins. Ainsi, l’image d’illustration du spécimen à évaluer est toujours au même emplacement, avec la même forme, ici carrée. La typographie utilisée reste également la même ; cette dernière étant choisie pour sa lisibilité.

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Figure 29. Grille d’évaluation pour dispositif expérimental n°1

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Les photographies

Cette méthodologie de recueil d’informations est combinée à l’utilisation de photographies. Pour ces fiches d’évaluation, une image de chaque spécimen est imprimée de manière individuelle. Plusieurs questions se sont également posées ici concernant la forme de ces dernières et la construction du jeu de photographies. En effet, afin de ne pas influencer l’évaluation, il s’agissait de présenter des images similaires les unes aux autres. Il semblait alors nécessaire de se questionner sur différents critères de sélection : le cadrage, les couleurs, la forme, le contexte, le nombre, etc. En ce qui concerne le cadrage, il a été convenu, pour permettre une évaluation des plus équitables possible, de présenter des images avec un cadrage similaire les unes aux autres. Ce cadrage se voulait alors de face, avec le moins de contexte possible afin de focaliser l’attention de l’évaluateur sur l’objet à évaluer. D’autre part, les couleurs des images, pouvant également influencer les émotions de l’évaluateur lors de l’évaluation, il nous est apparu essentiel de choisir des photographies où les couleurs étaient les plus représentatives de réalité, et celles présentant un contexte des plus neutres possibles. Au-delà du choix des photographies s’est posé la question du nombre d’images, de leur emplacement sur la feuille mais aussi de leur taille. Dans le cadre de cette expérimentation, il a été décidé de proposer une unique photographie par spécimen afin d’optimiser le temps d’observation de ces dernières. De plus, ce choix relève d’une volonté de maximiser la neutralité : avec plusieurs photographies pour les huit dispositifs présentés, la volonté de conserver des cadrages similaires etc., aurait été compromise. Aussi, le format de page, l’emplacement de l’image ainsi que sa taille, ont été des questions prises en considération. Ici, les photographies prennent chacune place sur la moitié haute d’une feuille A4, en format portrait lorsque c’est possible. Ce choix découle de la forme des différents dispositifs présentés, en effet en format paysage, la taille des images aurait été réduite afin de voir certains objets sur toute leur hauteur. Afin d’accompagner chacune de ces photographies, la question a été de savoir si ces dernières se suffisaient à elles-mêmes ou si chacune nécessitait une courte description. Très rapidement la deuxième option a été éliminée, en effet, un descriptif du contexte de création et des caractéristiques de l’objet aurait fortement pu influencer l’évaluateur lors de ses observations. Ainsi, l’accompagnement de ces images s’est limité au nom et concepteur des dispositifs. Dans la continuité de cette recherche d’objectivité, s’est très vite posée la question de numérotation des spécimens. Ici le choix a été fait de numéroter de 1 à 8 les dispositifs, d’après un tirage au sort, de manière à faciliter la communication lors de l’expérimentation. Ainsi, sur la fiche d’évaluation, le numéro apparaît à côté du titre, tandis que sur la photographie il a été décidé de ne pas l’afficher et simplement s’en tenir au nom et au concepteur, afin de ne pas influencer l’ordre de préférence. Cependant, il semble pertinent de se questionner sur ce choix, qui avec du recul, n’apparaît pas des plus pertinent, ainsi nous y reviendrons plus tard pour le commenter.

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Tous ces choix ont découlé de la volonté de créer un outil d’expérimentation le plus neutre possible pour de ne pas influencer les résultats. Afin d’apporter un maximum d’objectivité lors de l’élaboration de ces outils, ces derniers ont été conçu en collaboration avec mes camarades Clémence Thiriot et Julie Belpois. Le travail en équipe dans le cadre de cette expérimentation a permis de requestionner chaque choix formel avec différents points de vue sur la question, en considérant toujours la neutralité comme élément essentiel. La photographie est un moyen de communication et d’observation reconnu en sciences sociales, notamment avec les travaux publiés par le sociologue suisse Michaël Meyer, visant à démontrer la pertinence de l’utilisation de clichés dans des processus d’observation sociales.115 D’autre part, ce dernier dans différents travaux, explicite l’importance d’une utilisation rigoureuse de cet outil d’enquête.116 Néanmoins, nous pourrions ouvrir le débat en questionnant les limites de l’utilisation de tels processus. Quelle est la fiabilité des résultats de ces enquêtes ? Le support de la photographie, n'induit-il pas intrinsèquement une certaine subjectivité ? Si la fiabilité ainsi que l’objectivité est remise en cause, quelle serait la pertinence de l’utilisation de tels procédés ? Ces questionnements sont autant de points qui pourraient être approfondis lors d’une deuxième phase expérimentale. Expérimentation n°2 : les mots-clefs, méthode KJ Cette expérimentation a nécessité moins de préparation en amont que la précédente puisqu’elle s’appuie principalement sur la réflexion des participants. En effet, que ce soit sur son contenu ou sa forme, aucun support n’était à préparer, seul le protocole a fait l’objet d’une réflexion antérieure à son application, de manière à rendre l’expérimentation la plus efficiente possible. Ainsi, seules des feuilles blanches vierges ont fait office de support à prévoir pour cette dernière.

II.3 Un contexte expérimental en plusieurs phases : Phase 2, le déroulé des expérimentations Après avoir préparé en amont les différentes expérimentations, il s’agissait de les mettre en œuvre. Dans un premier temps, nous allons voir quels ont été les différents protocoles mis en place et leurs objectifs poursuivis. Dans un second temps, nous développerons le

115

cf. MEYER Michaël, (2017), De l’objet à l’outil : la photographie de l’observation en sciences sociales, Recherches qualitatives, hors-série, numéro 22, pp. 8-23. En ligne : http://www.recherchequalitative.qc.ca/documents/files/revue/hors_serie/HS-22/rq-hs22-meyer.pdf, consulté le 14/04/2022. 116 cf. MEYER M., MARESCA S., (2013), Précis de photographies à l’usage des sociologues, Presses universitaires de Rennes, 109p et MEYER M., (2008), La sociologie visuelle pour « enquêter visuellement » ? L’image comme objet, travail et culture de l’enquête qualitative, dans Magma. Approches et méthodes qualitatives, vol.6, n°2.

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récit des différentes expérimentations, sur lequel nous reviendrons dans un troisième temps afin de comparer les attendus à la réalité de l’expérimentation. Ces expérimentations ont été menées à la fois à la clinique des Campille au CHU de Thuir par Clémence Thiriot et moi-même mais aussi par Julie Belpois à l’IME de la Roussille. Néanmoins, nous nous concentrons dans cette partie principalement sur celles menées au sein de la clinique des Campilles.

a. Présentation des protocoles d’expérimentation, leurs objectifs Au-delà de la préparation des supports, le protocole d’expérimentation relève d’une réflexion tout aussi fondamentale. En effet, le critère principal que nous avons pris en compte lors de l’expérimentation, est celui de la neutralité de ceux qui l’encadrent – en l’occurrence Clémence Thiriot et moi-même - de manière à ne pas influencer les participants, que ce soit à travers des tournures de phrases ou par le protocole en luimême. Lors de la préparation de ce dernier, le contexte où il prend place a néanmoins été pris en compte. Les deux expérimentations ont pris place dans le cadre d’une table ronde réunissant une quinzaine de participants, tous issus du monde professionnel de l’autisme. La relation qu’entretiennent les différents participant était elle aussi à appréhender de manière à adapter le protocole. Ici, ces derniers sont tous collègues au sein de la clinique des Campilles (CHU de Thuir). Ainsi, les différents participants se connaissant et ayant l’habitude d’échanger sur ces sujets, afin d’éviter les interactions pouvant fausser les résultats, nous avons au préalable anticipé la nécessité d’insister sur le caractère individuel des expérimentations au moment des consignes. D’autre part, le choix de l’ordre des expérimentations n’est pas anodin. Effectivement, ce dernier peut fortement influencer le déroulé des expérimentations. Ainsi, le photoquestionnaire a été choisi pour démarrer ces expérimentations, avec pour objectif d’ouvrir la table ronde sur une réflexion personnelle qui puisse mener au débat et à la confrontation des différentes idées, dans une seconde phase du processus expérimental. Nous avons volontairement démarré la table ronde avec cette expérimentation dans l’optique de familiariser les participants au sujet de l’hypostimulation et de la critèrisation de la petite architecture adaptée aux personnes avec autisme. En effet, nombreux professionnels de la santé, bien que spécialistes de l’accompagnement de l’autisme, ne sont pas forcément connaisseurs du lien de cause à effet qu’exerce l’architecture sur les TSA. Ainsi ces derniers, bien qu’au fait des questions sensorielles mobilisées par l’autisme et ainsi en capacité de participer à ces expérimentations, ignorent parfois les solutions pouvant être apportées par l’environnement. La grille de critères proposée fait ainsi office de support de réflexion pour ces professionnels, qui pourront, par le biais cette dernière, se questionner sur l’efficience de plusieurs caractéristiques de chacun des spécimens au regard des besoins sensoriels inhérents aux personnes avec autisme. Ceci a été pensé de manière à enchaîner plus facilement sur la seconde expérimentation visant à recueillir les critères qui pour eux 78


semblent être les plus indispensables à intégrer dans le cadre d’un dispositif d’hyspostimulation sensorielle.

Expérimentation n°1 : le photo-questionnaire Les précautions prises en considération Le protocole expérimental du photo-questionnaire pose, dans un premier temps, la question de la présentation du protocole. Comment présenter l’expérimentation aux « évaluateurs » sans les influencer ? Dans les consignes données avant de démarrer, nous avons choisi de limiter la prise de parole. En effet, ces dernières se résument à expliquer que cette évaluation de dispositifs par le biais de différents critères, se fait individuellement et au regard d’une hypostimulation sensorielle. Ensuite intervient la question de la présentation des différents dispositifs à évaluer. D’abord, nous souhaitions présenter chaque dispositif brièvement avant le démarrage de l’expérimentation. Or, très vite nous avons écarté cette possibilité qui représentait un risque trop important d’influencer les évaluations ultérieures en fonction du choix des mots ou de nos intonations. En effet, nous-mêmes ayant un avis sur certains dispositifs, le simple fait de les présenter aurait pu trahir nos ressentis personnels et jouer à l’encontre de cette neutralité de départ recherchée ici. Dans la continuité de cette réflexion, il s’agissait de déterminer comment disposer les photographies des différents dispositifs sur la table. Toujours dans l’optique de rester impartial et de ne pas influencer les évaluateurs, nous avons mélangé ces dernières et les avons posées sur la table à libre disposition de ces derniers. En effet, nous avions au préalable pensé les accrocher au mur, or d’un point de vue de la neutralité, cette option semblait quelques peu risquée puisqu’un ordre aurait pu voir le jour, ce qui aurait inconsciemment pu influencer les évaluations. Les étapes Ainsi, pour cette expérimentation le protocole suivi était le suivant : Après l’explication des consignes et la distribution des supports d’évaluations et des photographies des différents dispositifs, les participants ont entre 10 et 15 minutes pour remplir les huit grilles d’évaluations correspondant à l’évaluation des huit dispositifs sélectionnés. À la suite de cette évaluation, prend place une réunion-bilan commune portant à la fois sur les avis de chacun concernant les supports, les dispositifs proposés ainsi que sur les paramètres proposés. L’intention était de laisser libre court à la discussion et aux échanges afin de cerner les points forts ainsi que les limites de cet exercice.

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Les enjeux et l’efficacité envisagée Ce protocole avait pour objectif de cerner quels sont, selon les professionnels de l’autisme, les spécimens semblant les plus adaptés à des personnes avec TSA. Ces différentes évaluations serviront alors de base sur laquelle s’appuyer dans l’élaboration du catalogue raisonné. Il est alors envisageable d’intégrer au sein de ce dernier, pour chaque dispositif, des pourcentages d’efficacité évaluée au regard des différents paramètres. Expérimentation n°2 : les mots-clefs, méthode KJ Cette première expérimentation et la transition caractérisée par des échanges, ont été suivi par la seconde expérimentation. Pour cette dernière, il semblait essentiel de conserver les mêmes participants qu’à l’expérimentation précédente afin d’identifier clairement un processus de réflexion chez chacun et créer ainsi une continuité entre les deux expérimentations. Cette dernière a pris forme à travers le protocole suivant : Après distribution de feuilles blanches vierges, les participants ont pour seule consigne d’inscrire sous la forme de mots-clefs, les critères leur semblant les plus importants à respecter au sein de dispositifs adaptés aux personnes avec TSA et à une hypostimulation. Pour ce faire, chacun dispose d’environ cinq minutes. L’objectif de cette expérimentation dans ce temps imparti, est non pas d’inciter le participant à une réflexion poussée, mais de miser davantage sur le caractère primordial des critères et de la spontanéité de chacun. Ainsi, l’attendu de cette expérimentation est principalement d’obtenir une appréhension assez claire des enjeux fondamentaux que les professionnels du soin estiment essentiels vis-à-vis d’un dispositif adapté aux TSA. Objectifs des protocoles Les deux expérimentations ont des objectifs complémentaires, la première prévoit notamment d’évaluer chacun des dispositifs, au regard d’un certain nombre de critères préétablis, tandis que la seconde envisage d’identifier de nouveaux critères d’évaluation ainsi que de hiérarchiser l’importance de chacun des critères, en fonction de la récurrence d’apparition de ces derniers chez les différents participants. D’autre part, si certains critères pré-identifiés par nos soins n’apparaissent nullement dans les mots-clefs des participants, il s’agit éventuellement de requestionner la pertinence et l’importance de ces derniers. Toutes ces informations synthétisées et analysées permettront d’entamer le processus de création du catalogue raisonné.

b. Le récit des expérimentations Nous allons, dès à présent, nous attacher à relater le déroulé des différentes expérimentations. La narration suivante est en partie issue de la synthèse post-

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expérimentations réalisée avec Julie Belpois et Clémence Thiriot.117 (cf. Annexe n°4, J. BELPOIS, I. CHAMPENOIS, C. THIRIOT., 2021, Synthèse de workshop, 78p) Le récit débute lors de la table ronde organisée au sein de la clinique des Campilles au CHU de Thuir avec la participation de 14 personnes de l’équipe. Parmi ces dernières, les deux cadres de santé, la psychiatre ainsi que plusieurs aides soignant.e.s, infirmier.e.s, éducateurs et éducatrices. Ceux-ci sont installés dans la salle de réunion autour d’une grande table ovale. Après une brève présentation de chacun, nous procédons à l’explication de la première expérimentation, « ici présentée comme une activité afin d’éviter une pression trop importante chez les participants qui influencerait potentiellement les évaluations », en insistant sur le caractère individuel de l’évaluation. Le démarrage nous semble compliqué du fait d’ « un climat d'intrigue mais aussi de faible concentration ». Certains participants communiquent entre eux faisant part de leurs réticences, ces derniers « ne perçoivent pas réellement l’intérêt de l'exercice ». Néanmoins, « après un démarrage difficile au cours duquel les participants discutent parfois entre eux des spécimens, le silence s’impose dans la salle et chacun finit par compléter individuellement sa grille d’évaluation ». À la suite des 15 minutes, débute un échange collectif portant sur les différents dispositifs proposés. « Au fur et à mesure de l’échange, les plus sceptiques finissent par comprendre l’intérêt de l'exercice et s'ouvrent à la discussion. Ce premier échange semble avoir permis aux professionnels de cibler davantage les attentes et conscientiser en mettant des mots sur ce qui semble ou non important dans une démarche d’hypostimulation sensorielle ». Nous poursuivons cette table ronde avec la seconde expérimentation, en leur proposant d’inscrire des mots-clefs correspondant à des critères qu’ils jugent « indispensables dans le cadre d’une conception d’un dispositif destiné à une hypostimulation sensorielle ». Certains semblent « très inspirés » et aboutissent rapidement « à une liste fournie de mots clefs tandis que certains apparaissent démunis face à leur feuille blanche ». La discussion s’enchaîne sur « les paramètres d’ambiances à respecter […] au sein de ces dispositifs d’hypostimulation sensorielle ». Tout le monde participe à cet échange et « semble être intéressé par le débat qui s’installe ». La séance s’achève sur un retour critique concernant cette intervention, « les avis sont positifs et même les plus réticents apparaissent satisfaits de cette table ronde et arrivent à percevoir l’intérêt scientifique de cette dernière ».

c. Le décalage avec les attendus Malgré des retours principalement positifs venant confirmer l’intérêt et la pertinence de ces expérimentations au regard de notre recherche scientifique, certains décalages émergent néanmoins, entre les attendus de cette table ronde et la réalité postexpérimentation. En effet, dans un premier temps nous pouvons notamment citer la participation parfois compliquée pour certains professionnels, que nous n’avions pas anticipée. Comme nous 117

BELPOIS Julie, CHAMPENOIS Inès, THIRIOT Clémence, (2021), Synthèse de workshop, 78p, pp. 4-5. Disponible en Annexe n°4

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l’avons vu au sein du récit expérimental, quelques professionnels ne semblaient pas être ouverts à la démarche au démarrage de la table ronde, avec une certaine réticence vis à vis du questionnaire. Nous avions le sentiment que certains choix de spécimens n’étaient pas compris par les participants, ce qui révèle certainement un point à retravailler pour la suite des expérimentations scientifiques. D’autre part, cette retenue dans laquelle certains participants se trouvaient, a suscité chez nous un inconfort face aux remarques négatives apportés par ces derniers. Après réflexion, cet inconfort auquel nous étions confrontés n’avait pas lieu d’être, la critique faisant partie du processus expérimental, permet au contraire d’optimiser la recherche future. Néanmoins, nous pouvons noter que face à cette réticence, nous avons essayé de conserver notre rôle en rassurant les participants et en leur expliquant qu’il n’y avait pas de bonne réponse, seul leur avis nous importait. Cependant, il s’agissait évidemment de réussir à les guider, afin de débloquer cette retenue tout en restant dans un rôle neutre, n’influençant aucunement sur leur évaluation. Aussi, lors de la préparation des protocoles et des supports d’expérimentation, nous avions anticipé la possibilité que certains tentent d’échanger durant ces dernières. Ainsi, insister sur le caractère individuel des expérimentations faisait partie du protocole. Cependant malgré toutes ces précautions, empêcher des adultes d’échanger relève d’une démarche peu évidente car cette dernière peut très vite paraître infantilisante. La présence des cadres de santé lors de cette table ronde, ces derniers représentant une figure d’autorité à leur égard, nous a alors été d’une grande aide. En effet, très vite ces derniers ont compris les enjeux de la situation et ont su rétablir le silence au sein de la salle. Afin d’éviter ce genre de comportement lors d’une éventuelle future table ronde, il s’agirait peut-être de mobiliser des professionnels de différents établissements, afin de réunir des personnes ne se connaissant pas. Ceci empêcherait probablement la majorité des échanges lors des expérimentations. Cependant, cette possibilité est critiquable d’un point de vue des échanges inter-expérimentations. Effectivement, le dialogue pourrait se révéler plus difficile qu’entre personnes se connaissant au préalable. Lors du débriefing avec un échange plus ouvert, l’atmosphère s’est détendue et chacun semblait plus à l’aise d’exprimer ses pensées, justifier ses choix et ses avis, évoquer ses frustrations etc. La parole était offerte à tout le monde sans jugement, ce qui a su mettre en confiance les participants qui petit à petit ont osé prendre la parole, ce qui a mené à des débats et réflexions communes très pertinentes. Ainsi, nous observons qu’au-delà des résultats des expérimentations, les temps d’échanges semblent tout aussi primordiaux dans le processus expérimental. À la fois, ces derniers permettent, d’une part, d’identifier les limites des expérimentations et les points d’amélioration possibles, et d’autre part, de compléter les informations obtenues dans les résultats d’expérimentations. Concernant l’expérimentation des mots-clefs, nous avons pu observer « le syndrome de la feuille blanche » s’inviter chez certains participants. Lors de la préparation de la table ronde, nous n’avons aucunement anticipé ce comportement, partant du principe, peutêtre naïf, que chacun participerait avec bonne volonté en étant inspiré. Ainsi, nous avons fait le constat de la difficulté pour certains de faire le lien entre les différents troubles 82


inhérents à l’autisme et le rapport à l’espace. Cela confirme l’importance de sensibiliser les professionnels de la santé à ce sujet et ainsi la nécessité de créer un outil, tel que le catalogue raisonné, afin de diffuser ce savoir et d’aider ces derniers dans leur choix de dispositifs. Cependant, la majorité des participants a apprécié l’expérimentation, posant ainsi des mots sur leurs attentes quant à ce type de dispositifs. D’autre part, nous craignions que certains moments de la table ronde soient infantilisants mais les retours ont semblé plutôt positifs. Ceux avec lesquels nous avons pu échanger en fin de séance se sont accordés à dire que la séance était très intéressante et qu’euxmêmes ont pris conscience de certaines dynamiques en rapport avec le lien espaceautisme auxquelles ils n’avaient pas forcément réfléchi avant. Un point qui est également non négligeable est celui du temps imparti à la séance de table ronde, dans sa totalité cette dernière ayant duré 1h nécessite une pause des différents professionnels dans leur activité. En effet ici, 14 participants ayant pu participer à la séance, cela représente une importante partie de l’effectif présent sur place pour s’occuper des patients de la clinique. Néanmoins, nous avons observé l’inquiétude de certains lors de la table ronde quant aux patients. D’autre part, certains se sont absentés quelques minutes lorsque c’était nécessaire. Cela pose question quant à l’investissement de chacun au cours de des expérimentations et de la concentration lors de ces dernières. Nous pouvons alors pu émettre l’hypothèse que ces expérimentations gagneraient en pertinence et en fiabilité, si ces dernières avaient lieu dans un cadre extérieur, en dehors des horaires de travail et sans élément perturbateur, afin que chaque participant volontaire soit investi dans la démarche. Conclusions de ce protocole expérimentales Pour conclure cette partie sur le sur le protocole expérimental, mis en place dans le contexte de cette étude de cas, il semble important de rappeler que ces différentes expérimentations étudiées relèvent d’une infime partie du processus à ériger dans le cadre de l’élaboration d’un catalogue raisonné. Ces dernières ne permettent pas à elles seules de concevoir un catalogue raisonné, mais participent néanmoins à entamer le travail d’élaboration d’une trame, de ce que pourrait être un catalogue raisonné et la production d’un savoir scientifique. En effet, dans le cadre de la mise en place d’un catalogue raisonné, le travail sur le photo-questionnaire est certes nécessaire, mais ne semble pas suffisant. Afin de pouvoir prétendre à une meilleure connaissance de l’efficience de ces spécimens, il s’agirait de mobiliser des dispositifs complémentaires. De même, il semble fondamental de tester de manière directe ces objets d’hypostimulation sensorielle avec des personnes autistes et des protocoles d’observations définis. Nous aborderons ces points dans la partie suivante.

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PARTIE III : UNE ANALYSE CRITIQUE DES CONDITIONS DE LA MISE EN ŒUVRE EXPERIMENTALE DU CATALOGUE ET LES RÉSULTATS DÉGAGÉS Ce chapitre s’attache à comprendre comment il est possible de rendre compte des résultats d’expérimentations en produisant un savoir objectivé, et les investir au sein d’un catalogue raisonné de la manière la plus efficiente. Dans un premier temps, nous exposerons les résultats d’expérimentations et la manière de les restituer avec une certaine prise de recul permettant d’identifier les biais découlant de ces expérimentations et leur ressors. Dans un second temps, nous nous attacherons à étudier la méthode de restitution au sein du catalogue raisonné. Puis pour finir, nous tenterons de comprendre comment il est possible de rendre ce catalogue plus efficient.

III.1 La restitution des résultats d’expérimentation Afin de pouvoir intégrer les résultats des différentes expérimentations au sein du catalogue raisonné, il s’agit dans un premier temps de restituer ces derniers sous la forme d’une synthèse à travers différents supports complémentaires. Dans un second temps, il semble essentiel d’identifier quels apparaissent être les différents biais occasionnés par les expérimentations.

a. Expérimentation 1, photo-questionnaire : les résultats et leur mise en forme pour restitution Pour la synthèse des résultats de l’expérimentation du photo-questionnaire, afin de rendre compte de l’entièreté de ces derniers, il s’agissait de scinder leur restitution en différentes étapes. L’expérimentation ayant été menée en parallèles au sein de deux établissements, avec des conditions et participants différents, nous pouvons noter la pertinence d’appréhender la restitution des résultats établissement par établissement (étape 1) avant de procéder à une mise en commun (étape 2). Dans cette synthèse, il est question de trouver la meilleure méthode permettant à la fois prendre en compte les 2 résultats obtenus tout en sachant les différencier. Procéder par étapes apparaît de ce fait assez viable. D’autre part, au sein même de ces deux étapes, il semble approprié de synthétiser les résultats dispositif par dispositif pour ensuite arriver à une synthèse commune aux huit dispositifs. Ici, nous étudierons les différents supports et les étapes de restitution des résultats, sans pour autant détailler ces derniers, qui sont toutefois disponibles en annexe. (Cf. Annexe n°4, J. BELPOIS, I. CHAMPENOIS, C. THIRIOT., 2021, Synthèse de workshop, 78p)

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Les étapes de restitution des résultats Pour décomposer les résultats d’expérimentation sous la forme d’une synthèse complète, nous avons identifié différentes étapes pertinentes à suivre : Étape 1. Synthèse établissement par établissement 1.1 Synthèse de l’expérimentation menée à la clinique des Campilles à Thuir : 1.1.a Dispositif par dispositif 1.1.b Synthèse commune aux 8 dispositifs 1.2 Synthèse de l’expérimentation menée à l’IME de La Roussille à Vertaizon : 1.2.a Dispositif par dispositif 1.2.b Synthèse commune aux 8 dispositifs Étape 2. Synthèse commune aux deux établissements -

Dispositif par dispositif Synthèse commune aux 8 dispositifs

Étape 1 : La synthèse des résultats établissement par établissement Comment restituer les résultats obtenus suites aux expérimentations menées dans chaque établissement ? À la suite de l’obtention des différents résultats se pose la question de leur restitution. Nous pouvons notamment nous demander, comment et à travers quel support est-il possible de rendre la restitution la plus efficiente possible, de manière à la fois complète et facilement compréhensible ? ▪

Restitution individuelle par spécimen

Ici, afin d’optimiser la compréhension de cette dernière, nous avons opté pour l’élaboration, dans un premier temps, d’un tableau récapitulatif pour chaque spécimen, recensant les évaluations de chaque participant selon chacun des paramètres. Ci-contre (cf. Figure 30), un exemple tiré de la synthèse des résultats d’expérimentations. Ce tableau fait la synthèse des évaluations de l’abri sensoriel d’Handi’Apt par les participants de la clinique des Campilles. Pour chaque paramètre, est indiqué le nombre de participants ayant voté pour chaque note allant de 1 à 10. La dernière colonne du tableau indique quant à elle la moyenne totale obtenue pour chaque paramètre. L’avant dernière ligne représente la moyenne générale calculée pour l’ensemble des paramètres mis bout à bout. La dernière ligne représente l’avis général des participants quant à l’ensemble du dispositif.

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La création d’un tableau de synthèse pour chacun des dispositifs permet d’identifier plus facilement quels sont les paramètres sur lesquels ces derniers semblent répondre aux besoins ainsi que ceux sur lesquels la réponse apportée n’apparaît pas cohérente à ces derniers. D’autre part, nous pouvons également observer à travers ce tableau la différence entre l’avis général perçu par les évaluateurs et le total obtenu en faisant la moyenne des différentes évaluations. La restitution sous la forme d’un tableau permet d’identifier le décalage entre ce qui est perçu par les participants et les résultats analysés post-expérimentation, (ici, 4,40/10 de moyenne générale et 3,83 /10 avec l’avis général).

Figure 30. Tableau récapitulatif des évaluations obtenues pour l’abri sensoriel d’Handi’Apt auprès des participants à la clinique des Campille.

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Les différents tableaux créés 118 sont néanmoins accompagnés d’une courte analyse écrite concernant chacun des dispositifs, reprenant à la fois les résultats de l’évaluation, mais aussi les commentaires parfois présents sur les fiches d’évaluation. Cet apport écrit permet de dégager les observations principales au regard des évaluations obtenues mais aussi des dynamiques observées à travers ces dernières. Un tableau, tel que celui-ci, permet également d’observer les écarts-types 119 à travers la convergence ou la divergence des avis concernant les différents paramètres d’évaluation sur un même dispositif. Nous notons particulièrement dans cet exemple une disparité des évaluations pour la plupart des critères. Les couleurs font notamment face à une évaluation très divergentes d’un participant à l’autre, avec pratiquement une personne par note possible. ▪

Restitution commune aux 8 spécimens

Dans la continuité de la restitution est élaboré un graphique radar commun aux 8 dispositifs, pour compléter les huit tableaux obtenus pour chacun des dispositifs.

Figure 31. Graphique Radar, récapitulatif des résultats d’évaluation des différents spécimens à la clinique des Campilles

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cf. Annexe n°4, J. BELPOIS, I. CHAMPENOIS, C. THIRIOT., (2021), op.cit. cf. INSEE, définition écart-type : l’écart-type sert à mesurer la dispersion, ou l’étalement, d’un ensemble de valeurs autour de leur moyenne. Plus l’écart-type est faible, plus la population est homogène. 119

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Ainsi, dans un second temps de cette première étape, les différents dispositifs sont réunis au sein d’un graphique radar commun (cf. Figure 31). Ce dernier regroupe l’évaluation moyenne des différents dispositifs proposés, en fonction des 16 paramètres évalués. Ce graphique radar a pour objectif de cerner rapidement, sous la forme d’un seul support, quels sont les dispositifs les plus et les moins appréciés en fonction de chacun des critères proposés. D’autre part, un tel dispositif permet l’identification des écarts d’évaluations d’un même spécimen en fonction des différents critères. Alors qu’un dispositif obtient une moyenne considérée comme bonne pour un des paramètres il peut néanmoins présenter une plus faible évaluation pour un autre critère. Ce type de radar permet l’identification rapide de l’efficience évaluée de chaque critère pour chacun des spécimens. Afin de rendre cette restitution exhaustive, ce graphique radar est également décliné sous sa forme inversée (graphes des critères en fonction des dispositifs). Dans cette deuxième version, sont représentés par les couleurs, les différents critères, tandis que les dispositifs sont regroupés autour du graphique. Ce type de graphique permet l’identification plus rapide de l’éfficience d’un seul et même critère, au regard des différents spécimens. D’autre part, cela permet de dresser des écarts-types en fonction de chaque dispositif évalué en fonction d’un même paramètre.

Figure 32. Graphique radar inversé, récapitulatif des résultats d’évaluation des différents spécimens à la clinique des Campilles

Cependant, nous pouvons noter que le graphique apparaît plus compréhensible dans sa première version, qui représente en couleur les différents dispositifs évalués. Les dispositifs étant moins nombreux que les paramètres d’évaluation, ce dernier apparaissait plus lisible avec moins d’informations visuelles. 88


Dans la synthèse des expérimentation élaborée avec Julie Belpois et Clémence Thiriot, il a été fait le choix de laisser uniquement le premier graphique radar afin de gagner en clarté. En effet, lorsque l'on restiue des résultats d’expérimentation sous forme d’une synthèse scientifique, il est primordial de se questionner sur la clarté et la compréhension de la production visant à expliquer et regrouper les résultats. Parfois, il est donc nécéssaire de produire différentes versions et déterminer à la suite d’une comparaison exhaustive, laquelle semble être la plus efficiente. D’autre part, cette phase peut s’effectuer en questionnant des personnes extérieures au processus expérimental, de manière à obtenir un avis objectif. Afin de rendre la restitution la plus complète possible, les graphiques radars créés sont accompagnés d’une analyse comparative des différents dispositifs quant aux résultats obtenus. Enfin, pour clôturer cette étape de restitution individuelle à chaque établissement d’expérimentation, il a été question de synthétiser en quelques lignes les analyses et observations générales des résultats. ▪

Pourquoi cette première étape de restitution ?

Cette première étape de restitution des résultats permet de rendre compte d’une évaluation, dans un premier temps, individuelle, pour chaque dispositif et chaque institution dans laquelle les évaluations ont eu lieu. Puis dans un second temps, permettre de rapporter une évaluation moyenne au sein de chacun des établissements. Aussi, nous notons que de procéder à cette première étape de séparation des résultats des différentes institutions ayant participé permet d’identifier certains biais. Ici, nous avons décomposé la restitution de cette manière, en partie car la clinique des Campilles et l’IME de la Roussille n’accueillent pas le même, ce qui pourrait engendrer des résultats différents. Alors que le premier accueille des adultes, le second ouvre ses portes à un public d’enfants. D’autre part, le niveau de dépendance et l’intensité des troubles sont plus élevés aux Campilles qu'à la Roussille. Ceci nous pousse également à nous questionner sur la manière de rendre compte de cette différence au sein du catalogue raisonné. S’agit-il de faire deux fiches distinctes, une concernant un public enfant et une autre pour un public adulte ? La réponse à cette question dépend en partie des convergences et des divergences que nous pourrons observer lors de la comparaison des résultats au sein des différentes institutions. Étape 2 : La synthèse des résultats des deux établissements Dans cette étape il est question de restituer les résultats à la fois obtenus de l’expérimentation à la clinique des Campilles et à l’IME de la Roussille. Ces derniers ont été, dans un premier temps, comparés afin d’en tirer les similitudes et les différences, puis dans un second temps, mis en communs pour le catalogue raisonné. ▪

Synthèse comparative

Voici les graphiques radars obtenus avec les résultats des deux séances expérimentales ainsi que la légende commune (cf. Figure 33) :

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Résultats des Campilles

Résultats de La Roussille

Figure 33. Comparaison des graphiques représentant l’évaluation des paramètres pour chaque dispositif au sein des deux établissements d’intervention.

Cette comparaison s’effectue à travers une synthèse écrite de ce que nous pouvons observer. 120 Dans cette dernière, il s’agit de rendre compte des différents accords et désaccords concernant les différents critères évalués sur chacun des spécimens. Lorsqu’un écart-type est important, cela demande notamment à être analysé et si possible expliqué. Si néanmoins aucune explication ne transparait, il semble toutefois opportun de proposer une poursuite des investigations afin de comprendre de quoi il en retourne. Afin de poursuivre l’analyse comparative des résultats, les deux classements obtenus peuvent être rassemblés et comparés dans le tableau suivant (cf. Figure 34) :

Figure 34. Tableau comparatif du classement des spécimens

120

cf. Annexe n°4, J. BELPOIS, I. CHAMPENOIS, C. THIRIOT., (2021), op.cit.

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Ce dernier permet d’identifier si les écart-types dans le classement général des spécimens est relativement faible ou important. Pour accompagner ce tableau récapitulatif, il est toutefois important de poursuivre l’analyse sous forme d’une synthèse écrite. Dans le cas de cette étude, on observe quelques discordances importantes pour certains dispositifs, mais de manière générale ces derniers semblent être appréhendés de façon relativement similaire dans les deux établissements. Ce constat semble faire émerger une éventuelle efficience de ce type d’évaluation. ▪

Synthèse globale

Après avoir comparé les résultats des deux établissements, et avoir pu en tirer les dynamiques dont ils relèvent, il s’agit maintenant de mettre en commun ces derniers sous la forme d’une synthèse globale venant conclure cette première phase expérimentale. Pour ce faire, il est question dans un premier temps, de reconduire sous forme d’un tableau, les évaluations moyennes de chacun des paramètres pour chaque dispositif (cf. Figure 35). Les évaluations moyennes sont calculées au préalable, à partir de la moyenne obtenue à la clinique des Campilles et celle obtenue à l’IME de la Roussille.

Figure 35. Tableau de synthèse générale : moyenne obtenue pour chacun des paramètres pour chaque spécimen.

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À travers ce tableau, il est possible d’identifier quels ont été les paramètres les mieux et les moins bien évalués pour chaque dispositif. De plus, cela permet de cerner quels ont été les spécimens les plus et les moins appréciés dans l’ensemble. Ce tableau est par la suite lui-même complété sous la forme d’un graphique radar similaire à ceux créés en amont (cf. Figure 36). Ce graphique reprend les moyennes générales obtenues pour chaque paramètre, en fusionnant les résultats des différents établissements. Nous observons que le radar obtenu reste très similaire à celui observé plus tôt dans la restitution de l’expérimentation de la clinique des Campilles, ce qui est éventuellement dû au nombre de participants ayant été plus important là-bas, mais peut être aussi signe d’une démarche assez prometteuse dans ses résultats. Car nous pouvons supposer que, plus l’écart-type des évaluations est faible, plus la démarche expérimentale est fiable d’un point de vue scientifique. Et au contraire, une forte divergence des évaluations, mettrait en lumière la nécessité de retravailler cette démarche afin de gagner en fiabilité.

Figure 36. Graphique radar représentant l’évaluation des paramètres pour chaque dispositif par la moyenne obtenue au sein des deux établissements d’intervention.

Afin de synthétiser l’expérimentation sous la forme d’un classement des dispositifs, d’après leur efficience générale évaluée par les participants des deux établissements, nous obtenons le tableau suivant (cf. Figure 37) : 92


Figure 37. Tableau du classement général des dispositifs.

Retour critique et questionnements autour d’une restitution efficiente et son intégration dans le catalogue raisonné ▪

La restitution

Lors de cette restitution, il semble important de rester neutre tout au long des différentes étapes de synthétisation et d’analyse des données. Ainsi, il est possible de poser des hypothèses, tout en veillant à ne pas émettre de jugement de valeurs en tirant des conclusions hâtives. Pour ce faire, les résultats doivent être mis en regard du déroulé de l’expérimentation ainsi que des commentaires émis par les participants. D’un point de vue de la recherche scientifique, il apparaît aussi essentiel de requestionner la démarche de restitution des résultats obtenus. En effet, ici, nous avons procédé dans une dernière étape de la synthèse, à la mise en commun des résultats obtenus au sein des deux établissements. Cependant, pour poursuivre la réflexion, il semble pertinent de se demander si cette méthode de restitution est la plus viable, est-il vraiment nécessaire de mettre en communs les résultats ou faudrait-il les garder distinct ? De quelle manière rendre un résultat le plus « fiable et vrai » possible ? ▪

Intégration au sein du catalogue raisonné

De plus, cela pose la question de l’intégration de ces résultats au sein du catalogue raisonné. D’une part, il s’agit de questionner la manière de rendre compte des résultats individuels, et ainsi des convergences et les divergences obtenues selon les spécimens et les critères évalués. Et d’autre part, il est question de restituer également des résultats collectifs et les tendances qui s’en dégagent, à la fois chez des spécialistes de l’autisme chez les adultes et chez les enfants. Le catalogue raisonné doit être en mesure de rendre compte de la diversité des évaluations.

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Par ailleurs, la richesse du catalogue raisonné réside dans sa méthode d’élaboration, permettant de construire un savoir scientifique. Néanmoins, ce savoir peut prétendre avoir de la valeur, à partir du moment où les résultats obtenus sont convergeant quels que soit les personnes interrogées. Cette valeur scientifique réside en effet dans une forme de consensus général des évaluations. Si ces dernières témoignent d’un accord quant à l’efficience des différents paramètres sur chacun des spécimens, les résultats intégrant le catalogue raisonné, sont en effet plus fiables que dans le cas contraire. Si en outre, les évaluations présentent d’importantes variations, il reste également important d’en rendre compte dans le catalogue. Il nous apparaît essentiel de relever, qu’en termes de méthodologie, le catalogue raisonné doit être capable de restituer à la fois les fortes convergences et les fortes divergences ainsi que de les expliquer. D’autre part, des résultats d’évaluation qui sembleraient fortement diverger, comme nous avons pu l’observer au début du processus de restitution (cf. Figure 30, page 83), peuvent éventuellement témoigner d’une évaluation biaisée, qui demande à être analysée et expliquée. Ceci peut notamment faire l’objet d’une expertise dans un prolongement des expérimentations, afin de tendre progressivement vers une efficience du catalogue comme outil scientifique.

b. Expérimentation 2, mots-clefs : les résultats et leur mise en forme pour restitution Comme pour l’expérimentation précédente, il s’agissait de procéder par étapes pour la restitution des résultats obtenus. La première étape, lors de cette étude de cas, consistait à dresser la liste des différents mots clefs apparaissant dans chacun des établissements afin de les comparer. La seconde étape portait, quant à elle, sur la mise en commun des résultats obtenus dans chaque établissement. Étape 1 : Synthèse établissement par établissement et comparaison Pour rappel, l’expérimentation consistait à proposer aux différents professionnels présents à la table ronde, d’écrire sur une feuille les mots clefs qui leur viennent à l’esprit, lorsque qu’il est question de dispositifs hyposensoriels adaptés aux TSA. Après avoir collecté les différents mots clefs inscrits par les participants, nous avons procédé à l’inscription de ces derniers sur une liste unique par établissement, organisée de manière à regrouper les mots clefs de la même famille. De plus, lorsqu’un mot est relevé chez plusieurs participants, ceci est noté dans la liste. Après avoir resitué ces mots clefs sous forme de deux listes, s’en suit une analyse de ces dernières ainsi qu’une comparaison des résultats obtenus aux Campilles et à la Roussille. Voici les mots-clefs obtenus dans les deux établissements (cf. Figure 38) :

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Mots-clefs des Campilles

Mots-clefs de La Roussille

Figure 38. Liste des mots clefs obtenus dans chaque établissement.

À la suite de la création de ce tableau, nous avons procédé à une analyse complète et détaillée des résultats. 121 Dans l’analyse de ces différents mots-clefs, il nous a semblé important de prendre en compte les échanges ayant eu lieu en amont de cette expérimentation. En effet, selon les sujets abordés, certains termes semblaient avoir tendance à être davantage récurrent 121

cf. Annexe n°4, J. BELPOIS, I. CHAMPENOIS, C. THIRIOT., (2021), op.cit.

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d’un établissement à l’autre. Cette observation fait émerger un biais qui nous semble important à éviter lors d’une éventuelle réitération de l’expérimentation, en limitant notamment les échanges quant aux critères, particulièrement avant cette dernière. Malgré quelques divergences de terminologie, peut-être dues à des formations à l’autisme différentes d’un établissement à l’autre ; dans l’ensemble, les besoins identifiés par les équipes sont similaires et tendent vers un imaginaire commun de ces dispositifs. Cela peut nous amener à supposer que les attentes quant à un dispositif d’hypostimulation sensorielle sont relativement les mêmes pour les adultes et les enfants. Étape 2 : Synthèse commune et mise en forme pour restitution analytique La seconde étape de la restitution des résultats, consistait à élaborer un visuel regroupant les différents mots-clefs, regroupés par thématiques. Ce support s’apparente à un grand tableau que nous avons divisé en catégories définies et au sein desquelles sont placés des post-it pour chacun des mots clefs. Ici, nous avons identifiés huit catégories de mots clefs : L’ambiance ressentie / les sensations et ressentis physiques / les limites séparatives : dedans, dehors et la prise en compte du relationnel / l’aspect général / les paramètres d’ambiance / les usages / l’appropriation et la modularité / l’isolement. Au sein de ce tableau, les mots-clefs les plus récurrents et sur lesquels les participants ont insisté, sont inscrits dans une police plus grande que les autres. Ce fonctionnement nous a permis de hiérarchiser l’importance de chacun de ces mots clefs et donc critères.

Figure 39. Classement des mots-clefs par thématique.

Pour poursuivre notre réflexion nous pouvons toutefois questionner la pertinence de ce support de restitution. En effet, alors que le visuel semble correspondre à une synthèse organisée et efficiente d’un point de vue de la compréhension, les différentes 96


thématiques identifiées, avec du recul, apparaissent peu pertinentes et assez décousues. Nous pouvons alors émettre l’hypothèse qu’il est effectivement cohérent de trier les mots-clefs afin de les regrouper par famille. Cependant, il s’agit de définir des catégories plus claires. Pour ce faire, il s’agirait peut-être de mobiliser une nouvelle expérimentation et l’aide de participants sachants de l’autisme et/ou de l’architecture.

c. Prise de recul critique quant aux résultats et identification des biais des expérimentations Dans le processus d’analyse des résultats et restitutions des phases expérimentales, il semble opportun de se questionner de façon critique sur l’objectivité de ces derniers. En effet, mettre l’analyse des résultats en résonnance avec le déroulé de celui-ci est primordial. Ainsi, nous pouvons nous demander si la façon dont ont été menées les expérimentations aurait-elle pu influencer les résultats ? Il s’agit ici de requestionner, à la fois les supports d’expérimentations, mais aussi le protocole et le déroulé, avec un certain recul critique, de manière à identifier de potentiels biais. Après analyse du récit d’expérimentations, des différentes résultats obtenus ainsi que des retours constructifs émis par les participants, nous pouvons effectivement identifier différentes limites et proposer quelques pistes de réflexions pour une éventuelle poursuite des expérimentations. Ceci se fait dans l’optique de rendre plus tangibles les résultats et ainsi accessible, l’idée d’un catalogue raisonné qui soit scientifiquement efficient. Ordre des expérimentations Premièrement, nous pouvons requestionner l’ordre des expérimentations au regard de l’objectivité et de la neutralité des résultats, recherchés initialement. En effet, nous pouvons nous poser la question suivante : l’ordre des expérimentations aurait-il influencé les résultats obtenus ? Cette question découle de la réflexion quant à la pertinence de l’expérimentation des mots clefs dans la continuité de l’expérimentation du photoquestionnaire, les paramètres proposés au sein de ce dernier ayant notamment pu influencer les réponses lors de la seconde expérimentation. On peut alors se demander si inverser l’ordre des expérimentations pourrait se révéler judicieux pour l’optimisation de futures réitérations de ces expérimentations. Expérimentation du photo-questionnaire ▪

Les biais liés au manque de compréhension des dispositifs par les évaluateurs

D’autre part, d’après les retours critiques des participants concernant l’expérimentation du photo-questionnaire, l’identification de l’échelle et la taille des différents dispositifs ne serait pas toujours évident à cerner. De ce point de vue, nous pouvons notamment nous questionner sur la fiabilité des évaluations des critères de dimensions et de forme au sein de la grille. Il semble primordial de se demander si la perception de chacun concernant 97


l’échelle des dispositifs joue sur l’interprétation et la compréhension du dispositif pouvant ainsi biaiser les résultats. Afin de pallier ce problème lors de futures expérimentations, il semble notamment possible d’ajouter une présence humaine à côté de chaque dispositif pour donner un repère dimensionnel commun à chacune des photographies. ▪

Les biais en lien avec le support photographique

Au niveau de la forme du questionnaire et de son contenu, plusieurs retours constructifs ont pu être formulés. Une appréciation globalement positive de l’outil est exprimée, mais avec quelques réserves dans la présentation des spécimens notamment. Bernadette F., ergothérapeute à la Roussille témoigne : « C’est difficile, nous on travaille toujours en ayant vu le matériel et là sur une image, ce n’est pas évident quoi », « On ne se rend pas bien compte des dimensions ». Véronique G., psychomotricienne propose quant à elle de « Peut-être présenter les dispositifs sous formes de vidéos plutôt que des images ».122 Il a été choisi de ne pas présenter les dispositifs, hormis par une photographie, afin de ne pas influencer l’appréciation des évaluateurs par le vocabulaire utilisé pour mentionner les caractéristiques de chaque design. Ce choix a cependant été critiqué par les participants, décontenancés. Ces derniers ont regretté le fait que les dispositifs soient présentés par une unique photographie, sans explication ni contextualisation. Ainsi, il s’agit peut-être de requestionner cet aspect du protocole en réfléchissant à une manière neutre de présenter chacun des dispositifs sans influencer les évaluateurs. Néanmoins, nous pouvons aussi nous demander si cette critique est pertinente quant aux attentes de l’expérimentation. En effet, en dehors du confort que cela apporterait aux participants, il ne nous semble pas que l’évaluation serait forcément facilitée avec de tels ajouts au protocole. En outre, cela pourrait au contraire représenter plus de risques allant à l’encontre de l’objectivité recherchée. Un autre biais lié à l’utilisation de photographies repose sur le fait que les images proposées aient chacune des caractéristiques intrinsèques (tons des couleurs, angle de vue, choix de la partie montrée ou cachée de l’abri). Dans le but de limiter les biais qui découlent de ceci, il a été fait en sorte que les photographies soumises à une évaluation aient une forme de constance. L’angle de vue est externe à l’abri, de face lorsque c’est possible, avec en visu l’ouverture de l’entrée de l’abri. Pourtant, nous réalisons après expérience, que le cadre, malgré nos efforts, n’est pas uniforme d’une photographie à l’autre, tantôt un rectangle plus long dans l’axe horizontal, tantôt vertical, ce qui peut potentiellement influer sur les impressions de proportion. Ces photographies ont également été critiquées par les participants, car l’évaluation leur a semblé davantage compliqué dû au manque d’informations visuelles. En effet, l’équipe met en lumière la complexité de certaines notions alors qu’une seule photo est présentée (« thermique, mais comment je peux savoir ça » « perméabilité de l’air ? Mais j’y connais rien moi » 123). Ce manque aurait selon certains pu être pallié avec en parallèle de la photographie extérieure au dispositif, la présentation d’une photographie de l’intérieur,

122 123

cf. Annexe n°4, BELPOIS Julie, CHAMPENOIS Inès, THIRIOT Clémence, (2021), op.cit., p.18. Ibid. p.10.

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afin de donner davantage de matière à observer. Cette dernière permettrait de mieux appréhender les matériaux intérieurs, les ouvertures, la contenance, mais aussi les échelles. Ceci pourrait toutefois amener à ouvrir le débat sur la question suivante : Comment est-il possible de rendre compte des différents critères à travers une photographie ? ▪

Les biais liés aux supports d’évaluation

D’autre part, nous pouvons nous questionner sur la pertinence d’accompagner les supports (grilles d’évaluation et photographies) de la première expérimentation, du nom de chacun des dispositifs à évaluer. En effet, alors que certains dispositifs présentent un nom avec une connotation positive, comme le « Cocon/igloo » de Créobois, d’autres à l’inverse peuvent renvoyer à un vocabulaire plus négatif, comme c’est le cas pour la « Cellule n°6 d’Absalon ». Effectivement, le terme « cellule » renvoie, notamment pour le personnel de santé qui participe à l’expérimentation, à l’historique du soin, et du concept très dépassé d’hospices d’aliénés. Bien qu’il soit demandé de faire abstraction de ces détails, l’inconscient de chacun peut néanmoins relever ce terme, plus que controversé, et en tenir compte dans l’évaluation. Il est d’ailleurs intéressant de noter que ce spécimen obtient pour moyenne générale ne note de 4,92/10, et que cette dernière a fait l’objet de nombreuses critiques par l’ensemble des participants, souvent jugée « trop froide » et « similaire à un caisson d’IRM ». 124 Ainsi, afin d’éviter l’influence du nom des dispositif sur le processus d’évaluation, serait-il plus pertinent de retirer ces derniers ? Cependant, si on enlève la distinction de ces derniers par leur nom, il s’agit de trouver un moyen autre pour les identifier facilement lors des échanges. La numérotation apparaît comme une des premières solutions. Toutefois, cette dernière pose également question. En effet, en parallèle des noms, nous avions, pour faciliter le repérage entre les grilles et les photographie, accordé à chacun des dispositif un numéro allant de 1 à 8. Or, avec du recul ces chiffres pourraient inconsciemment induire un ordre préétabli chez l’évaluateur. En outre, après analyse des résultats, ces numéros ne semblent pas avoir exercé une influence sur l’ordre de préférence de chacun, mais le doute ne peut être entièrement levé. ▪

Les biais liés aux comportements induits par le contexte de table ronde

En ce qui concerne la méthode de remplissage de la grille, nous souhaitions que cela se fasse de façon individuelle, cependant les participants ont échangé quelques mots entre eux lors de la distribution des feuilles et au démarrage de l’expérimentation. Ces échanges, malgré les efforts pour les limiter au maximum, ont pu influencer leur jugement. De ce fait, il est pertinent de se demander si certains ont rempli la grille de manière individuelle ou d’après les propos d’autres participants, sous un effet de phénomène de groupe. Ce biais peut notamment s’expliquer par le nombre de personnes dans la salle. Il s’agirait peut-être de réduire le nombre de participant pour éviter la naissance d’une cacophonie. En effet, lorsque nous faisons la comparaison avec le déroulé des expérimentations faites à la Roussille, ces derniers n’étant que quatre professionnels lors de la table ronde, aucun échange informel n’a été observé.

124

cf. Annexe n°4, BELPOIS Julie, CHAMPENOIS Inès, THIRIOT Clémence, (2021), op.cit., p.18.

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Concernant l’ensemble de la table ronde, mais principalement l’expérimentation du photo-questionnaire, nous pouvons nous questionner sur la capacité des participants à faire la distinction entre leur préférence personnelle, en tant que neurotypique et l’évaluation en lien avec une réflexion dirigée vers l’utilisateur en fonction de la problématique autistique. De fait, il est difficile de juger à travers un questionnaire si chacun se pose les bonnes questions concernant l’évaluation des différents paramètres, cependant il est du devoir des « encadrants » de rappeler régulièrement les consignes et les questions à se poser, soit : est-ce que ce paramètre est adaptés à un utilisateur avec TSA ? Est-il adapté au regard d’une hypostimulation sensorielle ? Un autre biais que nous pouvons citer, concernant les deux expérimentations, est celui de la culture commune des participants. En effet, le personnel des Campilles, quelques mois avant notre venue, a participé à formation commune concernant l’autisme, notamment sur quelques notions inhérentes à l’espace. Ainsi, lors de la seconde expérimentation, certains termes ont été identifiés comme étant communs à chaque participant ; c’est notamment le cas de la notion de contenance. Ce biais a été identifié après la comparaison des résultats d’expérimentation à la clinique des Campilles et l’IME de la Roussille. Effectivement, à la Roussille, les participants n’ont pas eu de formation commune et l’on observe des mots-clefs moins récurrents et davantage différents d’un participant à l’autre, qu’à la clinique des Campilles.

Tous ces biais identifiés sont à prendre en compte dans la constitution ultérieure du catalogue raisonné. Néanmoins, ces biais supposent que, pour une efficience de ce dernier, il reste fondamental de poursuivre les expérimentations. Seul le prolongement de cette étude à travers des expérimentations in-situ permettrait d’avoir une confirmation tangible du bénéfice ou non de ces dispositifs.

III.2 Transposer les résultats au sein du catalogue raisonné Ici, nous allons tenter de définir comment présenter les résultats synthétisés et les investir au sein d’un catalogue raisonné. Afin de transposer les résultats de la manière la plus efficiente possible, il semble dans un premier temps important d’identifier quels seraient les critères principaux à prendre en compte lors de l’évaluation des dispositifs au sein de ce dernier suite aux différentes analyses faites en amont. Dans un second temps, il est question de ré-évaluer la pertinence des différents dispositifs à intégrer le catalogue raisonné, en fonction des résultats des expérimentations. Une fois ces spécimens identifiés, se pose la question du classement des différents dispositifs par typologie ainsi que de leur mise en forme au sein du catalogue raisonné.

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a. Identifier les critères principaux à prendre en compte dans l’évaluation de dispositifs Après les différentes expérimentations menées et l’analyse de leurs résultats, il s’agit d’évaluer selon les résultats obtenus, le besoin ou non de faire un tri parmi les différents critères identifiés au préalable. Cette étape nécessite de se questionner sur chacun des critères et l’efficience de leur intégration au sein de la grille d’évaluation de l’expérimentation du photo-questionnaire. Pourquoi tel choix de paramètres est-il à conserver au sein du catalogue ou pourquoi au contraire ne l’est-il pas ? D’autre part, ce questionnement suppose de parcourir quels ont été les paramètres identifiés à travers ces expérimentations, en complément des critères proposés en amont du processus expérimental. Pour ce faire, nous allons identifier les critères présents dans l’expérimentation des mots-clefs, mais aussi les notions qui ont été appuyées par les participants lors des échanges. Ces différents paramètres identifiés serviront de base pour l’évaluation des dispositifs apparaissant au sein du catalogue raisonné. Aussi, nous pouvons nous questionner sur la manière d’évaluer chaque dispositif au sein du catalogue raisonné. En effet, nous pouvons nous demander si les différents dispositifs disposent des mêmes critères d’évaluation, ou s’il serait plus opportun d’appréhender chacun des spécimens en fonction de ses propres critères. Dans le cadre des expérimentations menées au cours de cette recherche, l’analyse des résultats a permis d’attester la pertinence d’un certain nombre des critères identifiés au préalable, tout comme elle a su démontrer que d’autres semblaient, au contraire, inappropriés lors d’une évaluation par le biais de photographies. Les paramètres à conserver Parmi les critères définis lors de la préparation de l’expérimentation du photoquestionnaire, que nous pouvons identifier comme étant à conserver pour le catalogue raisonné, nous retrouvons les suivants 125 : Contenance : ce paramètre, que ce soit lors des échanges informels et semidirectifs avec les différents participants et professionnels - notamment à l’établissement des Campilles -, ou encore à travers l’expérimentation des motsclefs, compte parmi les critères les plus mis en avant. En effet, au sein des Campilles lors de cette deuxième expérimentation, le terme « contenance / contenant » est apparu chez 7 participants sur 14. Chez les autres ce dernier semble suggérer, à travers les mots « petit » ou « englobant », mais aussi avec les termes « vestibulaire / proprioceptif » faisant référence aux besoins liés au vécu corporel intrinsèques aux TSA. Parmi les réponses observées chez les six participants à la Roussille, cette terminologie n’a pas été mentionnée, mais elle semble se retrouver par le biais des termes « cocooning », « petit espace », « espace délimité ». 125

cf. Annexe 4, BELPOIS Julie, CHAMPENOIS Inès, THIRIOT Clémence, (2021), op.cit., pp. 23-24.

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Sécurité : ce critère figure parmi les paramètres les plus importants aux yeux des participants. Ceci se lit notamment, à travers la récurrence d’apparition du terme « sécurité » ou « sécurisant », mais aussi par le biais des échanges avec les professionnels des deux établissements d’intervention. 126 Surveillance : ce critère, lors des échanges avec les participants apparaît essentiel. De fait, les personnes avec TSA qui seraient amenées à utiliser les dispositifs, n’étant pas toutes autonomes, il s’agit de maximiser leur sécurité avec la possibilité qu’elles soient sus surveillance. Néanmoins, on note que ce terme n’apparait pas au sein des mots-clefs proposés par les différents participants. Couleurs : les expérimentations nous ont permis de confirmer l’importance de ce critère au sein des paramètres à détailler et analyser dans un catalogue raisonné. Effectivement, lors de l’expérimentation des mots-clefs, les participants s’accordent à relever l’importance d’une utilisation de couleurs douces mais différenciables les unes des autres avec les termes suivants : « couleurs non-vives », « couleurs neutres », « peu de couleurs mais avec un peu de contraste ». D’autre part, les différents échanges mettent en lumière l’aspect primordial de traiter les couleurs en fonction des besoins qu’impliquent les TSA. Lumière : ce critère fait partie des paramètres les plus discutés lors des expérimentations. En effet, les commentaires sont nombreux mais indiquent tous une similitude dans leur propos, notamment à travers les termes identifiés lors de l’expérimentation des mots clefs : « lumière tamisée », « sombre », « lumière douce », « luminosité variable ». On se rend compte à travers ces différents termes, qu’il serait éventuellement pertinent de diviser ce paramètre par deux, avec d’une part le critère relevant de la lumière naturelle et celui de la lumière artificielle. Matériaux : le paramètre des matériaux semble lui aussi essentiel à conserver pour l’évaluation des dispositifs intégrant le catalogue raisonné. De fait, lors de la seconde expérimentation, ce paramètre apparaît sous différents mots-clefs : « texture louable », « différentes textures », « texture vivante », « noblesse des textures », « beauté ». Dimensions : alors que l’expérimentation du photo-questionnaire soulève la difficulté d’évaluer les dimensions à travers une photographie, ces dernières semblent cependant importantes à évaluer aux yeux des participants. Ce critère apparait sous plusieurs termes dans les résultats de la seconde expérimentation : « petit espace », « petit ». Ce paramètre semble alors nécessaire à conserver pour l’évaluation des dispositifs recensés au sein du catalogue raisonné. Cependant, afin de pallier le manque décrit par les participants aux expérimentations, il s’agira d’utiliser les photographies pouvant illustrer clairement les dimensions des dispositifs.

126

cf. Annexe 4, BELPOIS Julie, CHAMPENOIS Inès, THIRIOT Clémence, (2021), op.cit., pp. 23-24.

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Forme : la question de la forme semble, elle aussi, importante à conserver lors de l’évaluation des dispositifs au sein du catalogue raisonné. En effet, lors du débriefing du photo-questionnaire, les participants ont insisté sur les critères de forme, la cellule n°2 d’Absalon a notamment dénoté pour sa forme, comparée à celle d’un caisson d’IRM. Cependant, on note que la forme regroupe différents critères : en effet, celle-ci dépend en partie des dimensions et induit inévitablement la capacité à être contenant par exemple. Lors de l’expérimentation des mots-clefs, les participants évoquent la forme à travers les termes suivants : « multipositions », « petit espace », « englobant », « contenant », « espace délimité ». 127 Ouverture : ce paramètre, parfois jugé difficile à appréhender par le biais d’une unique photographie, semble pourtant être important à conserver. Effectivement, lors de l’expérimentation des mots-clefs, ce paramètre apparaît à travers les termes suivants : « petite entrée », « possibilité de fermer l’entrée ». Il s’agira alors de proposer une photographie supplémentaire des dispositifs afin de mieux rendre compte des ouvertures. Cachette et retrait/intimité : ces deux critères reviennent à plusieurs reprises dans les résultats de l’expérimentation des mots-clefs sous la déclinaison en différents termes : « retrait », « intimité », « refuge », « isolement », « évasion ». Alors qu’en amont des expérimentations, ces paramètres étaient distincts, il serait éventuellement, après analyse des différents résultats, cohérant de les regrouper dans le cadre d’une évaluation par le biais d’une photographie. En effet, dans les tableaux de synthèse des résultats d’expérimentation nous observons que le paramètre « cachette » obtient dans la majorité des cas une moyenne égale à quelques dixièmes près du paramètre « intimité/retrait ». Effectivement, le dispositif Buzzinest pod obtient par exemple une moyenne de 2,16/10 pour le critère « cachette » et 2,36/10 pour celui de « intimité/retrait » ; la cellule n°2 d’Absalon obtient quant à elle une moyenne de 7,64/10 pour le paramètre « cachette » face à 7,86/10 pour le paramètre « intimité/retrait » ; l’Igloo de Créobois présente également des évaluations similaire, avec une moyenne de 7,09/10 pour le paramètre « cachette » et 7,13/10 pour celui d’« intimité »/retrait ». Les paramètres à écarter ? Toutefois, le doute subsiste quant à la pertinence d’intégrer les paramètres suivants à l’évaluation des dispositifs compris dans le catalogue raisonné : Perméabilité visuelle : la perméabilité visuelle relève d’une réflexion similaire que pour le paramètre d’ouverture. En effet, cette perméabilité ou non perméabilité est forcément générée par les ouvertures plus ou moins importantes au sein du dispositif. A travers l’expérimentation des mots-clefs, cette dernière apparaît sous 127

cf. Annexe 4, BELPOIS Julie, CHAMPENOIS Inès, THIRIOT Clémence, (2021), op.cit., pp. 23-24.

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le terme de « délimitation visuelle ». Alors que ce paramètre ne semble pas totalement à écarter, il reste néanmoins, pertinent de se demander si ce dernier ne pourrait être fusionné avec le paramètre « ouverture ». 128 Équipement : ce paramètre laisse dubitatif quant à la pertinence de son évaluation. De fait, ce dernier semble relever davantage d’un paramètre optionnel, plutôt que d’un paramètre intrinsèque au dispositif. Les dispositifs peuvent être complétés avec des équipements par les utilisateurs. Cependant, dans les résultats de l’expérimentation des mots clefs, on relève la présence d’un certain nombre de terme pouvant s’apparenter à ce paramètre : « possibilité d’avoir de la lumière douce, tamisée », « luminosité variable », « possibilité de choix (lumière, son…) », « variation de son, chaleur, lumière », « musique, sons », « possibilité d’avoir du son (volume bas) type bruit blanc, pluie etc. », « possibilité d’avoir des odeurs », « possibilité d’avoir des vibrations », « peu de stimulations mais avec la possibilité d’en ajouter ». Parmi ces différents termes, on retrouve à la fois des équipements lumineux, sonores, physiques (vibrations, odeurs), la plupart dans l’optique de générer des stimulations. Dans le cadre d’évaluations de dispositifs hypostimulants, il semble peu opportun de prendre l’aspect stimulant en compte, il s’agirait davantage de créer un nouveau critère en lien avec l’hypostimulation. Toutefois, ce paramètre peut aussi faire référence au petit mobilier intégré au dispositif : « pas forcément d’assises mais plutôt des coussins au sol ». Parmi les paramètres définis en amont des expérimentations, certains, à la suite des observations et l’analyse des résultats, semblent être à écarter : acoustique / thermique / perméabilité à l’air. En effet, ces derniers n’apparaissent pas adaptés à une évaluation par photographie. Seule l’appréhension physique vécue des dispositifs permettrait d’évaluer leur efficience. Ces paramètres pourraient alors faire l’objet d’expérimentations in-situ pour chacun des dispositifs. Les paramètres à ajouter Enfin, parmi les critères que nous pouvons ajouter à la liste de paramètres à évaluer au sein du catalogue raisonné, nous retrouvons les suivants : Positions : en effet, la question du positionnement du corps dans l’espace est un sujet récurrent lors des échanges avec les professionnels ayant participés aux expérimentations. Ces derniers le signalent d’ailleurs à travers les inscriptions suivantes, lors de l’expérimentation des mots-clefs : « multi-positions », « position debout, couché, assis possible », « modulable », « adaptabilité ». Ce paramètre, non présent dans la première phase des expérimentations, semble pertinent à ajouter dans une seconde phase expérimentale qui permettrait d’aboutir aux évaluations des références du catalogue raisonné.

128

cf. Annexe 4, BELPOIS Julie, CHAMPENOIS Inès, THIRIOT Clémence, (2021), op.cit., pp. 23-24.

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Modularité / adaptabilité : ce paramètre découle à la fois des échanges avec les différents professionnels ayant participé aux expérimentations mais aussi des mots clefs proposés. Ces derniers insistent sur les notions impliquant la possibilité pour chaque usager d’utiliser les dispositifs à sa guise et de manière autonome lorsque c’est possible. Sont relevés les termes suivants : « modulable », « autonomie », « intuitif », « disponible », « accessible », « accessibilité à tous », « adaptation », « personnalisation » 129 Mobilité : Un paramètre qui semble important à intégrer au sein des évaluations est celui de la capacité à être mobile. En effet, d’après les échanges avec les participants aux expérimentations, les dispositifs doivent pouvoir être déplacé facilement d’un espace à l’autre. Les mots clefs relevés lors de la seconde expérimentation témoignent de ce fait : « déplaçable », « mobilité ». D’après ces différentes analyses, les paramètres d’évaluations à intégrer au sein du catalogue raisonné seraient les suivantes : contenance, sécurité, surveillance, couleurs, formes, lumière, matériaux, dimensions, ouverture, retrait/cachette, positions, modularité/adaptabilité, mobilité. Les paramètres de perméabilité visuelle et d’équipements resteraient néanmoins optionnels. Les critères d’acoustique, thermique et perméabilité à l’air feraient quant à eux l’objet d’une seconde évaluation davantage centrée sur les tests physiques des dispositifs intégrant le catalogue raisonné. Regroupement des critères Dans sa méthode d’élaboration de catalogue raisonné, Grégoire Chelkoff intègre lui aussi des critères d’évaluation des prototypes étudiés. Pour chaque référence décrite, ce dernier a adopté « un découpage en trois types de spécification (forme physique, forme sensible, formes d’usage), qui visent à mettre à jour, malgré leur séparation, les corrélations possibles et codéterminations entre ces trois dimensions. » 130 Pour ce faire, il regroupe les critères sous forme de différents registres : (1) Formes, (2) Phénomènes sensibles, (3) Pratiques publiques. Ce dernier indique que ces trois niveaux d’analyse « recouvrent respectivement les dimensions morphologiques et physiques (caractères quantifiables), sensibles (phénomènes perçus au cours de l’expérience ordinaire) et sociales (pratiques et représentations) » (CHELKOFF, 2011, p.20). Ainsi au sein de notre étude, nous pourrions également envisager de regrouper les différents paramètres sous la forme de ces 3 registres, se prêtant relativement bien à notre travail : -

Dimension morphologique et physique : lumière, matériaux, formes, couleurs, dimensions, ouvertures Dimension sensible : contenance, retrait/cachette

129

cf. Annexe 4, BELPOIS Julie, CHAMPENOIS Inès, THIRIOT Clémence, (2021), op.cit., pp. 23-24. CHELKOFF Grégoire avec la collaboration de P. Liveneau, J.L Bardyn, R. Thomas, N. Remy, (2011), op.cit., p.20. 130

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-

Dimension pratique : sécurité, surveillance, modularité/adaptabilité, mobilité

À travers cet essai de regroupement des critères, nous nous apercevons néanmoins qu’il manque un critère essentiel, celui du ressenti général induit par les différents critères morphologiques et physique. Ce dernier concerne le confort d’ambiance ressenti (dans le cadre où l’on distingue les caractéristiques physiques du dispositif des phénomènes qu’elles provoquent chez l’utilisateur), qui s’inscrirait dans le registre sensible. Confort d’ambiance : ce paramètre pourrait-être ajouté en complément des autres afin d’évaluer le confort ressenti chez la personne utilisant le dispositif. La notion de confort est présente à travers différents termes dans les mots clefs proposés au sein de l’expérimentation 2 : « confortable », « douceur », « douillet », « cocooning », « chaleureux », « calme », « détente », « serein », « évasion », « apaisement », « hypostimulant », « refuge », « relaxant », « relaxation ». Ce paramètre évaluerait ainsi l’ensemble des paramètres vecteurs l’ambiance, comme les matériaux, la lumière, les couleurs, les ouvertures, l’olfactif, l’acoustique, formes mais au regard de ce qui est perçu et vécu. D’autre part, il semble important de souligner l’interdépendance des différents registres identifiés. En effet la dimension morphologique et physique et la dimension sensible influent notamment sur la dimension pratique. G. Chelkoff précise qu’il s’agit de « souligner comment tel ou tel phénomènes ou situation d’ambiance les [usages] mettent en jeu, offrent des supports pour effectuer ou modeler les pratiques ordinaires des lieux. Inversement, il s’agit aussi de souligner comment ces formes d’usages éveillent le milieu ambiant ou le constituent parfois. » 131

b. Identifier les dispositifs sensoriels intégrant le catalogue raisonné Après avoir défini les différents paramètres à évaluer au sein du catalogue raisonné, il s’agit d’identifier quels peuvent être les dispositifs intégrant ce dernier. En effet, à la suite des différentes analyses et observations, nous pouvons faire une sélection des dispositifs semblant pertinent à conserver au sein du catalogue et ceux, qui au contraire, n’apparaissent correspondre en rien aux attendus d’un tel dispositif et n’apparaissent ainsi non essentiels à intégrer. Cependant, il reste primordial de se questionner sur la manière dont il est possible d’écarter ces derniers, autrement dit, sur quels critères s’appuyer afin de procéder à une sélection ? Toutefois, il est à noter que pour approuver ce tri ou au contraire le réfuter, il reste primordial de poursuivre les expérimentations. Dans le cadre de cette étude méthodologique autour du catalogue raisonné, nous nous appuyons, pour rappel, sur des dispositifs d’hypostimulation sensorielle pour des 131

CHELKOFF Grégoire avec la collaboration de P. Liveneau, J.L Bardyn, R. Thomas, N. Remy, (2011), op.cit., p.21.

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personnes présentant des troubles du spectre autistiques. Ces derniers seraient à intégrer au cadre ordinaire comme dans des milieux spécialisés similaires à ceux où les expérimentations ont été conduites. Tri en fonction des attentes quant au dispositif Parmi les spécimens proposés lors des expérimentations, certaines apparaissent, à la suite de ces dernières et aux échanges avec les différents professionnels de l’autisme, trop peu adaptés aux attentes. C’est notamment le cas du dispositif de caisson d’isolation sensorielle (cf. Figure 40). En effet, à travers les retours des évaluateurs de l’expérimentation du photo-questionnaire, ce dernier ne semble pas entièrement correspondre aux critères à prendre en compte. Celui-ci, lors des débriefings, a énormément questionné. L’aspect acoustique (7,90/10), la forme (7,88/10), la contenance (8,25/10) et les couleurs tamisées (8,05/10) ont effectivement séduit les participants, mais le manque d’ouverture (4,93/10) et de sécurité (4,54/10) ou de capacité de surveillance (4,51/10) les ont inquiétés, « à moins qu’on laisse le couvercle ouvert ». 132 Le système de bain, que les participants ont jugé « très intéressant et efficace pour les TSA », ne correspond cependant pas aux besoins actuels dans le milieu du soin, à savoir un dispositif où la personne peut s’isoler à volonté, en autonomie. Il est vrai que le bain demande une certaine préparation (maillot de bain, etc.), qui nécessiterait la présence d’un soignant, ainsi trop de dépendance en découlerait et rendrait l’accès à ce dernier moins spontané que souhaité.

Figure 40. Caisson d’isolation sensorielle par John Cunningham Lilly ©Médical Expo

Cependant, cela ne reste qu’une estimation puisqu’en dehors de l’aspect pratique du dispositif, ce dernier semble aux yeux des différents participants, efficace quant à l’objectif d’hypostimulation des sens et obtient une évaluation globale de 6,59/10 et la troisième place du classement. Ainsi, cette réflexion pousse davantage à se questionner sur la manière d’intégrer ce dispositif au catalogue raisonné, tout en faisant apparaître le fait que ce dernier ne semble toutefois, pas adapté à tous types de milieux.

132

cf. Annexe n°3, BELPOIS Julie, CHAMPENOIS Inès, THIRIOT Clémence, (2021), op.cit., p. 8.

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Tri en fonction des résultats d’évaluation D’autre part, nous pourrions procéder à un tri des dispositifs à conserver, en nous appuyant sur les évaluations des participants à l’expérimentation du photo-questionnaire afin d’écarter les références ayant été très bassement évaluées et semblant ainsi non adaptées à l’autisme et à une hypostimulation sensorielle. Tout d’abord, nous pourrions questionner la pertinence de l’abri sensoriel d’Handi’Apt (cf. Figure 41) au sein du catalogue raisonné. En effet, ce dernier a été le dispositif le moins apprécié par les participants avec une évaluation moyenne de 4,73/10 et la dernière place du classement à lors de la session à l’IME de la roussille et à l’avant dernier rang à la clinique des Campilles.

Figure 41. Abri sensoriel d’Handi’Apt ©Handi’Apt

Ce dispositif, conçu avec la vocation d’inclusivité, ne semble pourtant pas faire l’unanimité. On constate que certains paramètres d’ambiance obtiennent des évaluations très basses comme la lumière (3,63/10) et l’acoustique (3,31/10) qui sont pourtant les plus importants à traiter dans un espace hypersensoriel. La contenance, quant à elle, obtient l’évaluation la plus mauvaise (3,30/10), alors qu’il s’agit d’une notion évoquée à multiples reprises dans l’expérimentation des mots-clefs que nous avons réalisé par la suite avec les professionnels de santé (notamment aux Campilles). Ainsi, ce dernier ne semble pas réellement convenir aux besoins intrinsèques à l’autisme et il semble de ce fait peu utile de l’intégrer au sein du catalogue raisonné. Néanmoins, celui-ci ayant été décliné pour un usage plus individuel, nous pourrions nous questionner sur la pertinence de le remplacer avec sa seconde version. À la suite du classement, en 7ème et avant dernière position, se trouve le Buzzinest Pod (cf. Figure 42), avec une moyenne de 5,05/10. Ce dernier arrive en fin de classement aux Campilles et en 6ème position à la Roussille. Ceci s’explique pour cause d’un trop plein de lumière (2,95/10) et de perméabilité visuelle (3,06/10) et de ce fait un manque de cachette (2,16/10) et d’intimité (2,36/10). Ce Pod est jugé trop impersonnel et trop ouvert sur l'extérieur. Finalement, ce dernier semble très peu adapté au public ciblé et aux usages prévus, ce qui pousse à se questionner sur la pertinence de le conserver au sein des 108


références du catalogue raisonné. Si ce dernier est conservé, ce serait davantage à titre de contre-exemple, de manière à montrer ce qui est à éviter en termes de conception.

Figure 42. Buzzinest Pod par Fleexpert ©Fleexpert

En 6ème place du classement, apparaît l’espace de retrait proposé à l’Université de l’Utah (cf. Figure 43) avec une moyenne des évaluations de 5,06/10. Ce dispositif est jugé très peu contenant (4,02/10), n’offrant pas assez d’intimité (4,43/10) ni de cachettes (4,41/10) avec une lumière trop directe (3,43/10) et un traitement acoustique peu présent (3,50/10), le tout semblant lié à une perméabilité visuelle trop importante (5/10). De plus les différents participants semblent dénoncer l’utilisation de couleurs trop intenses et vives, ce qui favoriserait l’excitation visuelle chez la personne avec autisme. Ainsi, ces différentes perspectives mettent en lumière la non-adaptation de ce dispositif aux TSA et

Figure 43. Espace de retrait à l’université de l’Utah par Curtis Miner Architecture ©Curtis Miner Architecture

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de ce fait, son manque de pertinence au sein d’un catalogue raisonné. Il semble alors juste de l’écarter. Après avoir écarté les dispositifs ne semblant pas correspondre à des dispositifs pouvant intégrer un catalogue raisonné, il s’agit d’en identifier de nouveaux pouvant être soumis aux mêmes expérimentations afin d’éventuellement intégrer ce dernier. Parmi les spécimens que nous pourrions soumettre à une évaluation, se trouve notamment l’abri sensoriel de Handi’Apt décliné dans une version plus individuelle (cf. Figure 44). Cet ajout semble d’autant plus opportun puisque la clinique des Campilles a elle-même intégré l’un de ces dispositifs au sein de son établissement. D’autres références que nous avons pu identifier comme étant potentiellement éligibles à intégrer un catalogue raisonné en amont des expérimentations mais n’ayant pas fait partie du de la première session, peuvent aussi s’ajouter à cette liste. Parmi ces dernières, la cabane sensorielle en bois par Hoptoys (cf. Figure 45).

Figure 44. Abri sensoriel Handi’Apt 2mee génération © Image personnelle

Figure 45. Cabane sensorielle de Hoptoys ©Hoptoys

Cette dernière est présentée comme un espace permettant calme et retrait et intègre des lumières à intensité variable ainsi qu’un sol en mousse. Soumettre ce dispositif à une évaluation, permettrait de déterminer si ce dernier pourrait convenir à un public avec TSA. D’autre dispositifs qui pourraient faire l’objet d’une évaluation et éventuellement être intégrés au catalogue raisonné sont la cabane sensorielle de Wesco (cf. Figure 46) et la cabane à sensation de Hoptoys (cf. Figure 47). Ces derniers apparaissent similaires à travers les matériaux utilisés et l’ambiance qu’ils véhiculent. De fait, il serait intéressant de les soumettre à une expérimentation visant à les évaluer et les départager.

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Figure 46. Cabane sensorielle Wesco ©Wesco

Figure 47. Cabane à sensation de Hoptoys ©Hoptoys

Ainsi, la liste des nouveaux spécimens pouvant être soumis à de nouvelles expérimentations et éventuellement ajoutés au catalogue raisonné, correspond à la suivante (cf. Figure 48) :

Figure 48. Liste des nouveaux dispositifs éligibles à une évaluation ultérieure

Cependant, ces dernières ne sont pas exhaustives et nécessitent, d’autant plus pour celles n’ayant pas été évalués, d’être soumises à une évaluation à travers différents critères. De plus, certains spécimens, écartés plus tôt, peuvent malgré tout faire l’objet d’une critique constructive au sein du catalogue et éventuellement servir de contre-exemple.

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c. Classer les spécimens par typologie et mettre en forme le catalogue Après avoir identifié les différents spécimens à intégrer au sein du catalogue raisonné, il s’agit de se questionner sur la manière de l’élaborer afin de rendre compte au mieux des caractéristiques de chaque dispositif. En effet, afin que celui-ci soit efficace dans ses objectifs, cela suppose d’étudier son organisation et sa mise en forme. Cette dernière doit permettre de traduire l’échelle d’efficience des dispositifs recensés de manière que le lecteur ait la capacité d’identifier les caractéristiques correspondant aux besoins des personnes avec TSA et nécessaires au bon fonctionnement de ces derniers. D’autre part, cette mise en page doit à la fois permettre une appréhension du catalogue par des concepteurs voulant enrichir leur savoir quant aux attentes relatives un espace adapté aux TSA, mais aussi par des sachants de l’autisme qui souhaiteraient s’orienter vers l’un des dispositifs présentés. Dans un premier temps, nous émettons l’hypothèse que ce catalogue raisonné gagnerait notamment en clarté si les différents dispositifs étaient classés. Néanmoins, reste à définir ce classement. S’agit-il de les répertorier en fonction de l’ordre des moyennes d’évaluations ou plutôt de regrouper ces dernières par familles ? Dans le cadre de cette étude, il semble davantage cohérent d’inventorier les dispositifs selon la seconde option. Grégoire Chelkoff, dans le cadre de son étude sur un catalogue raisonné de prototypes sonores a lui aussi procédé à une organisation par thème : « il nous apparaît essentiel de proposer une organisation raisonnée de ces situations ».133 Plusieurs questionnements, dont nous pouvons percevoir les deux axes principaux, se manifestent alors. Premièrement, des questionnements liés au propos, et sur la manière de définir les familles : Sur quels critères s’appuyer afin de les définir ? Comment définir ces critères ? Puis, l’organisation des familles au sein du catalogue avec pour préoccupation la mise en page : Comment organiser ces familles au sein du catalogue ? Ces différents questionnements appuient la nécessité de poursuivre les expérimentations afin d’obtenir des pistes sur ces sujets de méthodologie. En effet, y répondre à ce stade de l’étude semble prématuré. Nous pouvons tout de même établir quelques pistes de réflexion quant à la manière de s’y prendre. Concernant la définition des familles de dispositifs, procéder à différentes expérimentations semble fondamental. Nous pouvons notamment citer quelques propositions déclinées, qui semblent pertinentes pour atteindre cet objectif : -

(1) Donner à voir sous forme de photographie et/ou de vidéographie les différents dispositifs composant le corpus de spécimens et

133

CHELKOFF Grégoire avec la collaboration de P. Liveneau, J.L Bardyn, R. Thomas, N. Remy, (2011), op.cit., p.22.

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proposer aux participants de leur attribuer chacune, individuellement, un mot clef au choix parmi une liste préétablie. (2) Donner à voir sous forme de photographie et/ou de vidéographie les différents dispositifs composant le corpus de spécimens et proposer aux participants de leur attribuer chacune, individuellement un à deux mots clefs au choix sans liste préétablie. (3) Donner à voir sous forme de photographie et/ou de vidéographie les différents dispositifs composant le corpus de spécimens et proposer aux participants de leur attribuer chacune, en groupe, un mot clef au choix parmi une liste préétablie. (4) Donner à voir sous forme de photographie et/ou de vidéographie les différents dispositifs composant le corpus de spécimens et proposer aux participants de leur attribuer chacune, en groupe un à deux mots clefs au choix sans liste préétablie. (5) Échanger de manière groupale, sous forme de brainstorming, éventuellement avec la méthode KJ, autour des différentes photographies et vidéographies des dispositifs afin de déterminer des typologies de regroupement.

Néanmoins, se pose la question de définir les mots-clefs à proposer lors des propositions d’expérimentation (1) et (3). Une des premières suggestions vise à déterminer les familles de dispositifs en fonction du cadre auquel ces dernières se prêterai le mieux. Cependant, cela n’est pas viable pour chacun des spécimens, puisque certains dispositifs semblent répondre positivement à la possibilité de s’intégrer à tout type de milieu (soin, ordinaire, urbain, privé, public, etc.). Une autre suggestion viserait à proposer un regroupement par ses caractéristiques positives dominantes. Ainsi, si l’efficience d’un dispositif réside principalement dans sa contenance et sa capacité à faire cachette, ce dernier peut intégrer la famille des dispositifs « contenants » tandis que si un autre se démarque par ses matériaux, il pourrait intégrer la famille des dispositifs « matériaux ». Si, en revanche certains dispositifs disposent de plusieurs de ces caractéristiques, cela questionne sur la possibilité d’intégrer ces derniers à différentes familles. Actuellement, aucune de ces deux manières d’organiser les familles ne semble très convaincante ; il s’agirait d’approfondir la réflexion avec une étude complémentaire. Concernant la mise en page de ce catalogue, nous pouvons supposer que les différentes familles seraient réparties au sein du catalogue par chapitre. Ainsi, le lecteur, à travers le sommaire, aurait la capacité de trouver la famille correspondant à sa recherche et s’y rendre facilement. Cette organisation permettrait un usage optimisé du catalogue raisonné. D’autre part au sein de chaque chapitre, nous pouvons imaginer un système de fiche individuelle pour chaque spécimen étudié et présenté. C’est également ce que propose Grégoire Chelkoff à travers sa méthode concernant un catalogue raisonné sur les prototypes sonores : « Le but de notre catalogage est d'organiser les références en

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mettant au point une méthode systématique de fiche permettant d'étendre par la suite ce recueil. » 134 Exemple fiche-type du catalogue raisonné Après les différentes réflexions que nous venons d’exposer au sein de cette étude, nous avons pu élaborer une cimaise de fiche-type du catalogue raisonné (cf. Figure 49). Le titre de cette fiche indique systématiquement l’aspect hyposensoriel de ce dernier, ainsi que la famille dans laquelle il est intégré au sein de ce catalogue. Sur chacune des fiches, est inscrit en haut à gauche, le nom du dispositif ainsi que son créateur. À droite, prend place une photographie de ce dernier. Cette dernière doit véhiculer une certaine neutralité ; c’est pourquoi il est préférable de présenter le spécimen devant un fond blanc. D’autre part, les tons de la fiche sont neutres et doivent être inscrits dans une chartre graphique commune à l’ensemble du catalogue raisonné. La fiche est composée en deux parties principales : les caractéristiques techniques intrinsèques au dispositif exposé, puis les résultats d’évaluation de ce dernier. Parmi les caractéristiques techniques exposées, figurent les suivantes : dimensions et poids, matériaux et couleurs, caractéristiques d’utilisation (si dispositif technologique, déplaçable, modulable etc.), les équipements optionnels ou non des dispositifs. Concernant la partie « évaluations », nous retrouvons dans un premier temps, l’évaluation générale du dispositif, sous forme de diagramme affichant le pourcentage de voix par notes, en fonction du nombre d’évaluateurs. Dans un second temps, figure sur la fiche, un graphique radar exposant les évaluations des participants pour chaque paramètre. Celui-ci permet de repérer l’écart-type, qui sera explicité dans la note explicative qui suit. Cette dernière permet à la fois d’expliquer synthétiquement le contexte des tests et évaluations, puis d’analyser les résultats. Un cadre situé en bas de la fiche, permet de compléter cette dernière avec l’ajout d’extraits d’échanges avec les personnes ayant évalué ces dispositifs d’hypostimulation sensorielle. Cette fiche serait la même pour chaque dispositif évalué au sein de ce catalogue. L’aspect « évaluation du dispositif » de la fiche, s’appuie sur des test in-situ réalisés au préalable sur les dispositifs, avec la population test et témoin, selon un protocole défini sur plusieurs mois. Toutefois, cette fiche-type reste pour le moment qu’une proposition parmi d’autres qui pourraient voir le jour dans le cas d’un prolongement de cette étude.

134

CHELKOFF Grégoire avec la collaboration de P. Liveneau, J.L Bardyn, R. Thomas, N. Remy, (2011), op.cit., p. 15.

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Figure 49. Fiche-type du catalogue raisonné

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III.3 Rendre le catalogue efficient et produire un savoir pouvant être réinvesti Après avoir défini les éléments intégrant le catalogue raisonné et la manière de le mettre en forme, il s’agit de poursuivre son élaboration dans l’optique de le rendre davantage efficient. Pour ce faire, nous identifions différents points éventuels à intégrer : dans un premier temps, poursuivre les expérimentations permettrait de consolider les résultats intégrant ce dernier. Dans un second temps, mettre en parallèle les évaluations des dispositifs et la théorisation scientifique portant sur l’autisme et son lien à l’espace, à travers une analyse comparative, permettrait le lien entre expérimentation scientifique et sa théorisation au sein même du catalogue raisonné. Puis, dans un troisième temps, l’efficience de ce dernier pourrait être optimisée à travers les test-in-situ réalisés pour chaque dispositif intégrant le corpus.

a. Poursuivre les expérimentations Afin de rendre le catalogue raisonné davantage efficient et ses informations d’autant plus fiables, nous supposons qu’il serait judicieux de poursuivre les expérimentations. Cependant, ceci implique de se questionner sur la manière la plus adéquate de le faire. S’agit-il de reproduire les mêmes expérimentations en améliorant le protocole ou davantage d’innover avec de nouvelles expérimentations ? Plusieurs options semblent pertinentes dans notre cas. Reproduire les expérimentations dans une seconde sessions Poursuivre le processus expérimental en ajustant les expérimentations précédentes en fonction des retours des participants et des différentes analyses permettrait d’éviter les biais que nous avons identifiés plus tôt. Dans un premier temps, nous pourrions envisager de reproduire ces expérimentations en modifiant l’ordre de ces dernières afin d’observer si cette modification apporte un quelconque changement au sein des résultats obtenus. En inversant l’ordre, nous supposons que les mots-clefs proposés à travers l’expérimentations n°2 seraient moins semblables et influencés par les paramètres proposés par l’expérimentation du photoquestionnaire. D’une part, en poursuivant avec une seconde session, nous pourrions modifier les supports et les protocoles d’après les observations émises dans la phase de restitution analytique. Nous pouvons notamment lister les points d’amélioration des supports de l’expérimentation du photo-questionnaire : -

Présenter une photographie de l’intérieur en complément de celle prise depuis l’extérieur du dispositif. Et/ou présenter les dispositifs à travers une vidéo.

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Choisir des photographies plus neutres, quitte à les détourer sur fond blanc. Permettre l’appréhension de l’échelle avec un repère visuel (cotes ou personnage). Retirer la numérotation ainsi que les noms des dispositifs références. Conserver le même format d’image pour chaque référence (uniquement portrait ou uniquement paysage). Adapter la liste de paramètres à ceux retenus pour intégrer le catalogue raisonné après la phase d’analyse.

D’autre part, nous pourrions également optimiser le protocole de cette même expérimentation. Pour cela, différentes pistes de réflexion s’offrent à nous : -

-

Ouvrir l’expérimentation avec une présentation rapide et objective de chaque dispositif à évaluer. Au premier abord, cette option ne semble pas forcément adaptée à un objectif de neutralité. Cependant, cette dernière ayant été suggérée par certains participants, il serait intéressant d’entreprendre ce changement afin de comparer les résultats avec et sans présentation et ainsi déterminer si cela influence, comme appréhendé, les résultats. Procéder à des évaluations non groupales afin d’éviter les échanges qui pourraient influencer les évaluations. Procéder à d’avantages de sessions avec différents types de participants impliqués (professionnels du soin, familles de personnes autistes, autistes en capacité de s’exprimer).

Cette manière de poursuivre l’expérimentation dirige le questionnement autour des participants à mobiliser. En effet, une nouvelle session supposerait-elle d’impliquer les mêmes participants ou au contraire de faire participer de nouvelles personnes. D’autre part, nous pouvons estimer que si les participants restent inchangés, les dispositifs à évaluer quant à eux devraient être nouveaux. De plus, l’expérimentation des mots clefs n’aurait plus d’intérêt à être menée et pourrait s’avérer redondante pour les participants. Ainsi, nous pouvons supposer que pour une seconde session, réitérant les mêmes expérimentations avec simplement quelques ajustements, il s’agirait davantage de l’ouvrir à de nouveaux participants, afin de conserver une neutralité en tous points. En revanche, nous pouvons nous questionner sur l’identité ces derniers ? Est-ce que comme pour la première session, faudrait-il s’en tenir aux professionnels de l’autisme ? Ce qui semble fondamental est de recueillir l’avis de personnes connaisseuses du sujet de l’autisme. De ce fait, élargir le spectre des participants aux familles de personnes autistes, aux personnes travaillant dans des associations ou encore à des personnes avec autisme pouvant s’exprimer sur leur besoin et ressentis, semble primordial. Ceci permettrait de confronter le point de vue de neurotypiques sachants de l’autisme avec celui de personnes avec TSA. Lors d’une seconde session avec de nouveaux évaluateurs, nous pouvons supposer que les références à présenter sont celles que nous avons pu confirmer 117


à la suite des premières analyses ainsi que les nouvelles ayant été identifiées durant la même phase. Ce processus permettrait de faire une seconde sélection et aboutir à un corpus le plus pertinent dans le cadre d’un catalogue raisonné. Néanmoins, une seconde session au sein de la clinique des Campilles et de l’IME de la Roussille reste envisageable et pertinent dans le cadre de l’expérimentation du photoquestionnaire avec de nouvelles références à évaluer. De plus ces derniers ayant déjà été confrontés à cet exercice auraient davantage de facilité à percevoir les qualités et les failles de chacun des dispositifs présentés. Poursuivre la recherche avec de nouvelles expérimentations Enfin, pour aboutir à une efficience optimale des résultats nous pourrions réfléchir à de nouvelles expérimentations poursuivants les mêmes objectifs et ainsi comparer les résultats des toutes ces expérimentations. Nous pouvons cependant questionner les limites de cet exercice expérimental. En effet, combien de sessions et expérimentations faudrait-il faire avant d’arriver à une efficience d’évaluation la plus optimisée possible ? À quel moment s’agit-il d’arrêter les expérimentations et se contenter des résultats obtenus ? Est-ce un processus sans fin ? Néanmoins, nous pourrions imaginer, afin de compléter les sessions, de nouvelles expérimentations dont l’ambition poursuivie serait différente. Comme évoqué plus tôt, une piste intéressante consisterait à poursuivre la réflexion autour d’un classement des références par famille et typologies. Ces dernières permettraient à la fois de définir des familles de dispositifs à l’aide des participants, ainsi que de déterminer quelle référence correspond à quelle famille. Une autre expérimentation pourrait consister quant à elle à définir les spécimens d’étude. Toutefois, il est important de préciser que les différentes expérimentations menées jusqu’ici ne constituent que les prémices d’un long processus expérimental. Si ce travail est poursuivi, dans le cadre d’une thèse par exemple, il s’agira de s’appuyer sur ces premières amorces en les étayant davantage à travers des expérimentations complémentaires et nouvelles, qui permettraient d’envisager la mise en place efficiente d’un catalogue raisonné avec une portée scientifique.

b. Compléter avec la théorisation sur l’autisme ainsi que des explications Afin de permettre l’usage attendu du catalogue raisonné, c’est-à-dire qu’il soit vecteur d’un savoir en matière de conception d’espace adaptés aux TSA ainsi qu’une aide en matière de choix de dispositifs d’hypostimulation sensorielle, il semble nécessaire d’apporter un complément théorique aux différents dispositifs évalués. En effet, avant même de présenter les différents dispositifs composant le catalogue, il paraît judicieux d’introduire une note explicative concernant les dispositifs d’hypostimulation sensorielle. Cette dernière prendrait appui sur les différents résultats de recherche étudiés plus tôt comme ceux de Kevin Charras, Stéphan Courteix, Isabelle 118


Léothaud ou encore Estelle Demilly, mais aussi sur les recommandations de l’ANESM et de l’HAS qui en ont découlé. Ce chapitre se focaliserai sur l’importance et les raisons d’intégrer des espaces de calme-retrait et d’apaisement sensoriel dans l’environnement de la personne avec autisme. Cette note explicative pourrait aussi intégrer certains témoignages, à la fois de professionnel de l’autisme, mais aussi d’entourage de personnes avec TSA ou encore des personnes elles-mêmes autistes et en capacité de s’exprimer sur le sujet. Ceci permettrait de poser un cadre dès l’entrée du catalogue et témoigner de la nécessité de ces dispositifs. D’autre part, ce catalogue étant destiné en partie aux architectes afin de pouvoir les aider dans la conception d’espaces et dispositifs inclusifs et adaptés aux TSA, il semblerait opportun de rappeler éventuellement en introduction, le cadre législatif dans lequel s’inscrit la démarche d’inclusion de ce type de handicap. (Loi 2005-102 du 11 Février 2005, Article L.111-7.) 135 Aussi, à la suite des différents chapitres consacrés aux présentations raisonnées des dispositifs, nous pourrions envisager un chapitre court, consacré à résumer quelques résultats scientifiques sur le sujet du rapport entre l’espace bâti et les TSA. Ce dernier s’appuierai notamment sur les travaux de recherche des différents chercheurs évoqués précédemment et se clôturerai sur les premières pistes de recommandations intuités par ces derniers. Néanmoins, il s’agirait de rester synthétique afin que le catalogue reste un outil rapidement consultable et dont le contenu reste facilement accessible. Concernant l’emplacement de ce chapitre à la suite des différentes présentations de dispositifs ; cela permettrait d’ouvrir le sujet sur la conception d’espace plus large, dépassant ainsi le dispositif d’hypostimulation sensorielle.

c. Aspect expérimental des tests in-situ pour une efficience optimale Comme nous l’avons vu plus tôt lors de l’analyse des résultats d’expérimentation et plus généralement tout au long de cette étude, certains paramètres demandent à être évalués à travers une expérimentation physique des dispositifs. Ainsi, pour aboutir à un catalogue raisonné efficient, intégrer une dimension expérimentale in-situ des différents dispositifs apparaît fondamental. Ce raisonnement est partagé par Grégoire Chelkoff, qui, pour évaluer les différents prototypes sonores de son étude met au point « une méthodologie d’expérimentation de prototypes à l’échelle du corps et d’évaluation par l’usage », en soulevant l’importance de l’appréhension physique de l’objet étudié.136

135

cf. LOI 2005-102 du 11 Février 2005 Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (1), Article L.111-7, en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000809647/#:~:text=245%2D1.,%C2%AB%20Art.,%C3%A0%20la%20prestation%20de%20compensation. Consulté le 25/02/2022. 136 CHELKOFF Grégoire avec la collaboration de P. Liveneau, J.L Bardyn, R. Thomas, N. Remy, (2011), op.cit., p.14.

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En effet, permettre une expérimentation physique de ces dispositifs d’hypostimulation sensorielle, par différents sujets, avec un protocole d’observation sur plusieurs mois, semble primordial dans l’optique de produire une réflexion raisonnée de ces derniers et de leur performance. Ces test in-situ permettraient également l’affirmation ou la contestation des résultats portés par cette première phase d’expérimentations conduite. Cependant, ces expérimentations physiques supposent de prendre en compte un certain nombre de critères. Les conditions et le contexte dans lesquels ces dernières sont réalisées peuvent probablement influencer sur les résultats du vécu perçu. Il s’agit alors de se questionner sur la manière de conduire ces dernières afin d’offrir un cadre le plus neutre possible. Aussi, les test-in situ supposent des évaluateurs à même de juger les ambiances et paramètres au sein du dispositif. Quels seraient les participants à ces expérimentations ? Sont-ce les participants aux expérimentations précédentes ou s’agirait-il de mobiliser uniquement des personnes avec TSA ? Réflexion portant sur ces test in-situ, à travers l’étude de cas Handi’Apt Lors de notre intervention au sein de l’établissement des Campilles, nous avons eu l’occasion d’assister à la présentation ainsi qu’à l’installation de l’abri sensoriel d’Handi’Apt, dans sa déclinaison individuelle. À travers l’observation des tests et les échanges avec les professionnels de l’autisme, plusieurs pistes se dégagent pour la mise en place des test in-situ à réaliser dans le cadre des expérimentations liées au catalogue raisonné. Nous allons les approfondir à travers cette étude de cas. Cette dernière s’appuie sur la synthèse réalisée en amont de cette étude. 137

Figure 50. Photographie de l’abri sensoriel d’Handi’Apt, installé sur le site des Campille, ©photographie personnelle

« Nous avons pu observer les échanges entre le personnel et l’équipe Handi’Apt puis nousmême converser avec ces derniers. […] Une chose nous a d’abord surprises : le peu de 137

cf. Annexe n°4, BELPOIS Julie, CHAMPENOIS Inès, THIRIOT Clémence, (2021), op.cit., pp.23-24.

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connaissances relatives aux patients présents dans la structure mais aussi relatives à l’autisme de la part des concepteurs d’Handi’Apt. En effet, lors de l’installation du prototype nous avons été étonnées par la position de ce dernier. Le designer ainsi que l’architecte, en charge du prototype, l'ont installé au sein de la grande salle commune aux trois ailes (comme proposé par les cadres des Campilles) de manière ouverte face au vide de la salle et face aux baies donnant sur la cour intérieure et les différents vas et viens du personnel et des patients. (Cf. Figure 51) Cette disposition nous semble contraire à la volonté même du dispositif, celle-ci étant de générer un coin de repli et d’un moment de coupure avec l’extérieur. Les professionnels, du même avis que nous, leur ont alors demandé de retourner le prototype davantage face au mur, ce à quoi l’équipe Handi’Apt n’était pas en mesure de répondre favorablement pour des raisons d’alimentation électrique (position imparfaite des câbles et longueurs trop faibles). » 138 Ici, nous observons, dans un premier temps, l’importance du positionnement d’un tel dispositif. Effectivement, ce dernier ayant vocation à limiter la stimulation sensorielle, semble davantage avoir sa place au sein d’un espace plus modeste et dont le passage serait minime. De plus, le dispositif étant ouvert, il est question de limiter le contact visuel sur l’extérieur en trouvant un emplacement se prêtant à cela. La position d’un tel dispositif au sein d’un espace est un point de réflexion non négligeable, ce dernier pouvant influencer les usages ultérieurs des utilisateurs. De manière à favoriser un usage non biaisé par ce genre d’inconvenances, il est primordial de penser à chaque détail. La rigueur doit être de mise de manière à produire des résultats d’observation tangibles et mobilisables dans un catalogue raisonné.

Figure 51. Photographie de la salle commune aux trois ailes dans laquelle est installé l’abri sensoriel ©Photographie personnelle

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Figure 52. Photographie de l’abri, tourné ©Photographie personnelle

cf. Annexe n°4, BELPOIS Julie, CHAMPENOIS Inès, THIRIOT Clémence, (2021), op.cit., p.74.

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« Concernant l’alimentation électrique, un second problème survient : celui de la protection des câbles électriques. En effet, ces derniers n’ont pas prévu de dispositif qui permettrait de cacher les différents câbles de la vue des patients qui pourraient potentiellement s’amuser avec, voire les arracher. Le prototype est alors tourné (cf. figure 52) de manière à pouvoir camoufler le mieux possible les câbles entre ce dernier et un fauteuil est ajouté. Le personnel espère que cette solution, peu concluante, ne sera que temporaire. » (BELPOIS, CHAMPENOIS, THIRIOT, 2021, p. 75) Ce passage témoigne de l’importance de tester la sécurité des dispositifs en amont d’une expérimentation in-situ du dispositif. En effet, alors que sur photographie, ce dernier paraît tout à fait dans les normes de sécurité, il s’avère, à travers son installation, que des progrès demandent à être faits. Ainsi, les questions de sécurité doivent faire partie d’un protocole expérimental mis en place en amont des expérimentations du dispositif en luimême. D’autre part, nous pouvons émettre l’hypothèse que ce protocole visant à optimiser la sécurité de l’objet, n’est quant à lui pas pratiqué par les futurs utilisateurs mais plutôt par des professionnels aptes à évaluer l’efficience de ce paramètre au regard des usages anticipés. « Dès le début nous avons pu sentir, de la part du personnel, une certaine réticence face à l’abri installé ainsi qu’aux propos des intervenants Handi’Apt. Effectivement, ces derniers ont tout de suite relevé les différents points d’incohérence entre le dispositif proposé et le type de public auquel il est destiné. Cet abri est jugé trop ouvert sur l’extérieur : au-delà de son positionnement dans la pièce, sa forme n’aide pas non plus à se sentir contenu. Il est vrai que tous les professionnels avec qui nous avons pu échanger s’accordent à dire que l’ouverture est trop large et qu’il faudrait ajouter une seconde porte battante en plus de la première déjà existante. Cependant, cette porte pose elle aussi problème : le système de porte battante risque d’être dangereux pour les patients qui pourraient s’y coincer les doigts. Pour poursuivre avec ce manque de contenance, certains suggèrent une coupole entière plutôt qu'une demi-coupole sur le dessus de cet abri. Autre point de discorde : l’assise. En effet, il est bien d’avoir pensé à une assise, cependant les professionnels regrettent le fait que le patient ne puisse pas choisir la position dans laquelle il souhaite être au sein de l’abri. Être debout dans l’abri ou en position fœtale / allongé n’est effectivement pas possible ici. Or en cas de crise, il est important que chacun puisse se positionner comme il veut au sein de cet espace conçu pour l’apaiser. Ensuite vient le sujet des couleurs employées : en effet, certains émettent un mécontentement du vert choisi pour l’assise et l’intérieur de la coupole. » 139 Ces observations mettent en lumière l’importance des études en amonts de la création d’un tel dispositif et d’autant plus pour ce type de public, qui requière une connaissance fine des questions de la sensorialité. Cela appui la nécessité de créer un outil comme le catalogue raisonné, qui n’existe pas pour le moment, et permettrait d’aider les professionnels du cadre bâti, n’étant pas experts de l’autisme et des mécanismes sensoriels impliqués, dans le processus de conception.

139

cf. Annexe n°4, BELPOIS Julie, CHAMPENOIS Inès, THIRIOT Clémence, (2021), op.cit., pp. 75-76.

122


D’autre part, ces observations confirment l’importance des test-in situ. Alors que ce dispositif, sur photographie, semblait convenir aux attentes du personnel, ce dernier ne s’avère pas si adapté lors des observations in-situ. Seule l’appréhension physique et réelle de ce type de dispositif peut prétendre à une évaluation efficiente des différents paramètres. Les expérimentations en amont permettent plutôt de dégager des intuitions qui seront en effet confirmées ou réfutées dans la phase de test in-situ. « Rentrons maintenant dans le vif du sujet : l’utilisation de cet abri sensoriel. Ce dernier, comme évoqué plus tôt, fonctionne à l’aide d’un branchement électrique qui permet alors de faire fonctionner le système de lumières et de sons générés par le dispositif. Ces paramètres s’activent à l’aide d’une tablette tactile connectée. Plusieurs scénarios sont alors proposés : parmi ces scénarios, les ambiances lumineuses et les sons varient. Les sons proposés sont les suivants : bruit de l’eau / bruit de la pluie / crépitement du feu de cheminée / musique très forte dont le style est difficile à définir (vidéo à l’appui). Concernant les ambiances lumineuses, l’intensité n’est pas réglable, seuls les tons de couleurs changent : orange, jaune, rouge, rose, violet, bleu, vert. Les différents professionnels des Campilles s’accordent à dire que le son est trop fort (le volume n’est pas réglable, les concepteurs cherchent encore une solution à cela).

Figure 53. Photographies de la coupole et de l’assise de l’abri sensoriel Handi’Apt ©Photographie personnelle

Certains trouvent que l’apport de son n’est pas adapté aux patients, car cela les perturberait de ne pas connaître la source sonore. En effet, le son de l’eau sans la vision de l’eau, par exemple, peut perturber la personne autiste. De plus, les haut-parleurs sont situés dans le dos, au niveau des oreilles, ce qui empêche, une fois assis, de voir la source sonore. Certains soignants apprécient l’idée de la reproduction de scénarios d’ambiances, toutefois certains scénarios, notamment celui de la musique, risquent de générer des crises plutôt que de les prévenir ou les calmer. Autre bémol, il est possible d’activer uniquement les sons mais il est impossible de les éteindre et de ne profiter que de la lumière. De plus, dès lors que l’abri est branché électriquement, les enceintes intégrées se mettent à émettre un fort grésillement qui résonne dans toute la pièce. Concernant l’indice lumineux au sein

123


de l’abri sensoriel, ce dernier est de 17 lux en lumière naturel aux alentours de 16h30, l’aspect tamisé est un point positif. » 140 Ces différentes observations appuient davantage l’utilité de ces tests in-situ dans l’optique d’évaluer certains paramètres difficilement appréhendables à travers une photographie, comme notamment le son, l’intensité lumineuse et le fonctionnement des différents équipements.

Figure 54. Photographie des lampes et de l’enceinte acoustique de l’abri sensoriel ©Photographie personnelle

« Les différents choix à la fois esthétiques mais aussi liés à l'utilisation de l’abri sensoriel, comme nous l’avons constaté, ne semblent pas forcément relever d’une adaptation optimale aux patients avec des TSA. Cet abri ne correspond pas au besoin du personnel, d’une part car il est très peu adapté au retrait et à la contenance dont a besoin le patient lors d’une crise, et d’autre part car il n’est pas utilisable en autonomie. En effet, il requiert forcément la présence d’un professionnel afin d’actionner les scénarios à l’aide de la tablette. Ce qui au départ était attendu comme un dispositif hyposensoriel s’avère se rapprocher nettement plus d'un abri de stimulation maîtrisée - et encore, le son n’est pas ajustable, les lumières non variables, cela laisse finalement peu de choix, peut-être est-ce un abri de stimulation tout court ? - et à ce moment-là peut-être est-il davantage approprié à des profils hyposensoriels ayant besoin d’une forte stimulation des sens. » 141 L’évaluation des critères liés à l’hypostimulation semblent, du point de vue de ces observations, principalement détectables à travers des essais physiques du dispositif. En effet, s’en tenir aux propos des concepteurs n’est pas toujours gage de fiabilité. De plus

140 141

cf. Annexe n°4, BELPOIS Julie, CHAMPENOIS Inès, THIRIOT Clémence, (2021), op.cit., pp. 76-77. cf. Annexe n°4, BELPOIS Julie, CHAMPENOIS Inès, THIRIOT Clémence, (2021), op.cit., p.77

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lorsque ces derniers ne sont pas sachants de l’autisme et n’ont pas conçu leur dispositif avec pour unique destinataire un public avec TSA. « L’équipe Handi’Apt a également laissé à chaque professionnel des fiches à remplir à chaque utilisation du prototype. Ces fiches sont fortement critiquées au sein de l’équipe de soin : elles sont longues, trop détaillées, personne n’a le temps de remplir un carnet de bord à chaque utilisation de l’abri. De plus, le questionnaire contient aussi une partie destinée à être remplie par l’utilisateur lui-même, or les questions sont parfois difficiles à comprendre pour ces personnes, qui réagissent mieux aux consignes courtes et claires et bien souvent ne sont pas verbaux. Toutes ces incohérences nous mènent à nous demander comment l’équipe a enquêté sur les besoins du public ciblé avant de démarrer la conception, pour y répondre finalement aussi peu. Intriguées et décontenancées par ce manque de cohérence, nous avons alors pu échanger à ce sujet avec l’architecte présente (membre créateur du prototype). Cette dernière nous a alors expliqué que ces prototypes sont conçus pour tous les handicaps et non spécifiquement pour les autistes et qu’effectivement ils n’ont pas forcément jugé indispensable de revoir le prototype en fonction des profils sensoriels des personnes avec TSA. » 142 Ces retours confirment l’importance de créer un outil qui permettrait ainsi un accès facile au savoir pour les concepteurs voulant concevoir pour les personnes avec TSA. D’autre part cela pose la question du retour d’expérimentation. Ici, les questionnaires postutilisation de l’abri ne semblent pas adaptés aux usages de ce derniers ni même au public visé. Nous émettons alors l’hypothèse que dans le cadre d’expérimentations in-situ visant à l’évaluation des dispositifs composant le catalogue raisonné, concevoir un protocole d’observation défini avec un support d’évaluation optimisé est fondamental. Ce dernier pourrait également être coconçu avec les professionnels du soin et de l’autisme. « Nous avons également eu la chance d’assister à la première utilisation de l’abri, par une des patientes les plus aptes à communiquer. Cette dernière, bien qu’intriguée par le bruit de la pluie du scénario, n’a pas su rester en place : les stimuli venant de l’extérieur étaient trop forts, elle semblait agitée. Plusieurs fois, elle est sortie de l’abri pour courir dans la salle, avant d’y revenir uniquement parce qu’un éducateur le lui demandait. L’abri ne semblait pas l’effrayer, mais pas l’apaiser non plus. Quoi qu’il en soit, cette première expérience d’après les professionnels ne semblait que peu concluante. » (BELPOIS, CHAMPENOIS, THIRIOT, 2021, p. 78) Quelle méthode d’expérimentation in-situ ? ▪

Les testeurs : qui sont-ils ?

Permettre des test in-situ par le public visé, c’est-à-dire par des personnes avec TSA, permet également de se défaire d’une évaluation limitée aux personnes neurotypiques. Bien que les différents professionnels connaissent leur patient et les TSA de manière

142

cf. Annexe n°4, BELPOIS Julie, CHAMPENOIS Inès, THIRIOT Clémence, (2021), op.cit., pp. 77-78.

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générale, il reste difficile de pouvoir appréhender les réactions de chacun des usagers. Ainsi, seul l’expérimentation vécue par ces personnes sur plusieurs semaines successives, pourra témoigner de l’efficience ou non d’un dispositif. Cependant, les personnes porteuses de troubles autistiques n’étant pas toujours aptes à rendre compte de ce qu’elles éprouvent, lorsque ce n’est pas le cas devront être accompagnées d’une personne les connaissant personnellement et ayant la capacité de traduire leurs comportements par des ressentis et ainsi évaluer l’efficience du dispositif en pratique sur cette dernière. Comme nous avons pu l’observer, les différentes analyses du dispositif en amont de son essai peuvent être établis par les mêmes évaluateurs que lors de la première expérimentation, ces derniers semblant au fait des différents perturbateurs sensoriels pouvant causer des difficultés aux personnes avec TSA. De plus, elles sont davantage à même d’évaluer les paramètres impliquant l’aspect de la sécurité, de la surveillance ou encore de la capacité du dispositif à être utilisé en autonomie. ▪

Quel protocole d’observation pour les tests in-situ ?

D’autre part, se pose la question des observations et de la restitution de ces dernières. Il s’agit ici d’essayer de définir comment il est possible de rendre compte de l’efficacité des tests in-situ. Ces expérimentations in-situ supposent-elles d’être accompagnées par un questionnaire de satisfaction ? Sur quels critères se baserait ce dernier ? Serait-ce pertinent de reprendre le même questionnaire que celui proposé lors de l’expérimentation du photo-questionnaire ou faudrait-il au contraire s’en détacher et en établir un nouveau ? Quoiqu’il en soit, nous pouvons dégager quelques points clefs à prendre en compte lors de la création de ce dernier : -

-

Privilégier un format court, type QCM ; Ne pas dépasser une page ; Proposer une grille d’évaluation de paramètres semblable à celle de l’expérimentation du photo-questionnaire afin de permettre une continuité dans les expérimentations ; Laisser un espace où l’évaluateur peut s’exprimer librement ; À l’aide de pictogramme, demander l’humeur de la personne avant et après utilisation : ceci permettrait d’évaluer simplement l’efficience de ce dernier à travers les émotions de l’usager.

Les limites

Toutefois, se pose un problème de faisabilité qui semble important à évoquer, celui de disposer d’un exemple de chaque dispositif afin de faire des tests comparatifs avec la population test et témoin. En effet, tester les dispositifs, au même endroit, avec les mêmes sujets impliqués, sur une même période semble impossible à mettre en place à l’heure actuelle. Tester ces derniers de manière comparative avec les mêmes sujets, supposerait un processus de recherche sur plusieurs années - si l’on veut tester chacun des équipements pendant plusieurs mois-, et des ressources financières importantes pour 126


mener à bien ce dernier. Il pourrait aussi être envisagé de tester simultanément différents dispositifs au sein de plusieurs établissements accueillant un public similaire (autistes adultes par exemple), sur une période de quelques mois. D’autre part, nous pourrions poursuivre la réflexion en interrogeant l’efficacité des test in-situ. Bien qu’indispensable à une bonne évaluation des différents dispositifs, il s’agit cependant de se questionner sur le nombre de test in-situ minimal à comptabiliser afin de rendre l’évaluation efficiente. Nous pouvons estimer qu’une seule utilisation par un unique usager n’est pas vecteur de résultats tangibles scientifiquement, chaque utilisateur étant différent et ces tests supposant une expérimentation sur la durée. Nous notons par ailleurs que les personnes autistes présentent des difficultés face au changement et nécessitent plus de temps qu’une personne neurotypique à intégrer des habitudes, d’où le caractère primordial de faire durer les tests in-situ sur plusieurs mois. Aussi nous pourrions nous questionner sur le lieu et le public ciblé lors de ces différents tests. Idéalement, ces derniers, pour maximiser leur fiabilité, seraient menés dans différents établissements de soins avec des personnes avec TSA, mais aussi en milieu ordinaire auprès de personnes avec autisme davantage autonomes et peut être verbales, pouvant ainsi davantage exprimer leur ressenti face à ces dispositifs. Enfin, pour donner suite aux expérimentations in-situ, se pose la question de leur restitution et de la comparaison des différents compte rendus de test. Leur mise en commun ainsi que l’analyse des différents résultats permettront d’optimiser le savoir sur chacun des dispositifs au sein du catalogue raisonné et de cette manière accentuer la fiabilité des évaluations et de l’efficience estimée de chacun des dispositifs.

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CONCLUSION La dimension méthodologique dans laquelle s’inscrivait ce travail d’initiation à la recherche s’appuyait sur l’hypothèse que, par le biais de la création d’un catalogue raisonné efficient, il serait possible de produire du savoir quant à des dispositifs pouvant favoriser l’inclusion des personnes avec autisme au sein de leur environnement. Cela supposait que ce catalogue permettrait de présenter de façon analytique et comparative différentes solutions existant aujourd’hui en matière de dispositifs hypostimulants, de façon à attirer l’attention des aménageurs du cadre bâti, sur les critères à prendre en considération pour concevoir des espaces adaptés aux personnes atteintes de TSA. Cette hypothèse s’appuyait sur le constat qu’aujourd’hui les TSA restent encore bien souvent méconnus et peu pris en compte par les concepteurs ignorant l’importance du cadre bâti sur ces derniers, ce qui donne souvent naissance à des espaces inadaptés et parfois aux antipodes des intuitions issues de connaissances scientifiques. Cette impression est partagée par différents chercheurs et notamment par Estelle Demilly qui, dans les conclusions de son travail ouvre sur l’importance pour les architectes de comprendre le lien à l’environnement bâti pour chacun de ses usagers, dont les personnes avec des troubles du spectre autistique. C’est donc dans une logique de continuité, que notre recherche s’est inscrite en tentant d’apporter une piste qui permettrait de contribuer à la diffusion du savoir aux architectes. Ce travail s’inscrivait ainsi dans une réflexion visant à proposer un outil, permettant une approche scientifique de dispositifs d’hypostimulation sensorielle sur lesquels on s’interroge quant à leur efficience. Un premier temps de notre recherche a donc été consacré à réaliser un état de l’art afin de synthétiser et faire ressortir à partir de travaux existants, les principaux résultats nous permettant de concevoir notre propre méthodologie de recherche et de définir les expérimentations sur lesquelles elle s’appuie. Nous avons notamment mis en lumière la rareté des recherches sur le sujet de l’architecture et son impact sur les TSA et aussi le manque apparent de travaux sur le sujet des dispositifs d’hypostimulation sensorielle. Néanmoins, malgré le peu de travaux existant, ceux-ci nous ont permis de tirer des enseignements spécifiques sur certaines questions précises. Les différents travaux sur lesquels nous nous sommes appuyés pour ce travail, comme ceux d’Estelle Demilly, Lucie Longuepée, Kevin Charras ou encore de Stéphan Courteix ainsi que les recommandations qui en découlés, témoignent de l’importance d’adapter l’architecture à une forme d’hypostimulation des sens. D’autre part, l’aspect primordial de favoriser la contenance du corps mais aussi le retrait en prévention ou en situation de crises et manifestation des troubles, est omniprésent dans ces travaux. Les espaces hypostimulants comme décrits dans les recommandations de l’ANESM notamment, peuvent se décliner sous plusieurs aspects allant de la pièce dédiée au dispositif mobile, comme étudié dans ce mémoire d’initiation à la recherche. Dans un second temps, notre travail a alors consisté à présenter et analyser la préparation et la mise en place des expérimentations sur lesquelles s’appuient cette étude. Ces 128


dernières, réalisées auprès de professionnels de l’autisme, à la clinique des Campilles à Thuir et à l’IME de la Roussille, avaient pour objectif d’affiner le savoir quant à l’efficience de ces dispositifs d’hypostimulation sensorielle, à travers différents paramètres identifiés à partir des travaux scientifiques étudiés au préalable, tout en vérifiant la légitimité de ces critères au regard de la problématique autistique. Ces expérimentations collaboratives nous ont alors permis d’identifier et de confirmer un certain nombre de paramètres à prendre en considération dans l’évaluation des dispositifs d’hypostimulation sensorielle appartenant au corpus d’étude du catalogue raisonné. D’autre part, ces dernières nous ont amenés à porter une réflexion sur une poursuite des expérimentations de manière optimisée. Ainsi, un troisième et dernier temps de notre étude a consisté à faire une analyse critique des conditions de mise en œuvre d’un catalogue raisonné et des résultats dégagés par les différentes expérimentations. La restitution de ces résultats nous a permis d’observer une première tendance au sujet de l’efficience de chaque spécimen étudié, à travers différents paramètres. Ces derniers ont mis en lumière les convergences et les divergences des évaluations sur chacun de ces aspects pour les différents dispositifs, ce qui nous a permis d’en analyser l’origine. De plus, les résultats de ces expérimentations ont permis de confirmer et de réfuter des hypothèses quant à la pertinence de certains dispositifs dans le cadre d’une utilisation destinée à l’hypostimulation sensorielle de personnes avec TSA. Certains ont alors été écarté du corpus, semblant trop peu adaptés aux besoins identifié, tandis que d’autres ont pu être ajouté à ce dernier. D’autre part, il s’agissait de s’interroger sur la manière la plus adéquate d’intégrer les différents résultats et les dispositifs au sein du catalogue, de même que de le rendre efficient à tout égard. Toutefois, différents questionnements ont alors émergé sur le caractère « raisonné » de ce dernier, afin d’aboutir à la conclusion que celui-ci, tel que développé ici, ne constitue non pas un objet fini, mais davantage un outil en constante évolution avec l’apport régulier de nouveaux savoirs et de résultats d’expérimentations, permettant d’améliorer l’acuité et la finesse des connaissances diffusées. De fait, les résultats ont permis de démontrer l’importance et l’utilité de ces expérimentations quant à une évaluation de dispositifs sensoriels, néanmoins différents biais ont été soulignés. Pour poursuivre, ces résultats ont été analysés au prisme des différents biais contextuels et méthodologiques à considérer, de manière à en tirer des conclusions à la fois objectives et critiques. En effet, l’étude critique de ces dernières a permis d’identifier les différents biais causés par leur préparation et les choix effectués à cette étape, mais aussi par les conditions dans lesquelles ces expérimentations ont pu se dérouler. Premièrement, la manière de les élaborer, à travers un protocole et des supports établis au préalable, peut fortement influencer le déroulé, et de ce fait, aussi les résultats de ces expérimentations. D’autre part, nous avons démontré que le contexte dans lequel prennent place ces dernières peut également représenter une source d’influence sur les résultats. Ceci se traduit par le choix des participants, leur nombre, leur disposition dans salle, leurs affinités et tous les comportements qui peuvent en découler. L’identification de ces différents biais nous a permis d’élaborer des pistes quant à la 129


poursuite de ces expérimentations, dans une seconde phase de l’étude où il s’agirait d’éviter ces derniers. Ici, les résultats sont prometteurs mais ne suffisent pas à l’élaboration d’un catalogue raisonné qui soit efficient et fiable scientifiquement. Les deux expérimentations sur lesquelles s’est appuyée cette étude constituent seulement les prémices d’une recherche quant à l’efficience des spécimens étudiés. Pour produire un savoir tangible, pouvant aspirer à intégrer un catalogue raisonné, il s’agirait de poursuivre les expérimentations. Ceci supposerait toutefois l’élaboration de nouveaux protocoles et supports permettant d’expertiser ces dispositifs, mais aussi d’ouvrir la participation à d’autres personnes, dont idéalement des personnes porteuses de troubles autistiques et ayant la capacité de s’exprimer quant à ces sujets. De plus, l’accent a été porté sur l’aspect fondamental que représente l’expérience directe de ces dispositifs, afin d’en déterminer l’efficience la plus précise de chacun des paramètres considérés. De fait, cette étude nous a permis de confirmer que le meilleur moyen de produire un savoir scientifique et fiable sur ces dispositifs d’hypostimulation sensorielle serait de poursuivre des tests in-situ de ces derniers par les usagers concernés. Cela requerrait un protocole d’observation sur plusieurs mois, avec la participation de différents usagers. Ainsi, les expérimentations sur lesquelles s’appuient ces études constituent la première étape de mise en place d’un savoir probant sur l’efficience de ces dispositifs. Néanmoins, la scientificité de ceux-ci et celle du catalogue raisonné repose majoritairement sur le prolongement de ces dernières et notamment à travers des tests in-situ. Toutefois, le catalogue raisonné, élaboré d’après la méthode étudiée dans ce travail, c’est-à-dire édifié de manière scientifique d’après un certain nombre d’expérimentations et de leur analyse critique, semblerait, à condition d’être utilisé correctement, pouvoir être vecteur d’une conception inclusive aux troubles du spectre autistique. Cela nous amène à nous questionner sur la façon d’appréhender cet outil, afin de convoquer le savoir transmis, de la manière la plus juste qu’il soit. Ce questionnement pourrait être le point de départ du prolongement de cette étude. Au-delà de la création d’un tel outil, il s’agit évidemment de replacer cette démarche au cœur de la pratique architecturale et notamment d’une pratique se voulant inclusive aux handicaps. Aujourd’hui, avec plus d’un milliard de personnes, soit environ 15 % de la population mondiale vivant en situation d’handicap dans le monde143, le handicap est placé au cœur des préoccupations politiques contemporaines. Ces chiffres ont également un impact considérable sur la pratique architecturale. Or, bien souvent cette pratique se limite à l’accessibilité de l’architecture aux personnes à mobilité réduite (PMR), le handicap physique ayant longtemps été la seule considération dans la conception des bâtiments. Néanmoins, le handicap ne concerne pas seulement la mobilité mais il peut aussi être mental, psychique, visuel, auditif ou encore neurodéveloppemental comme dans le cas des Troubles du Spectre Autistique. Cependant, il semblerait que les personnes présentant ces types d’handicaps soient laissées en retrait dans les processus de

143

cf. Organisation Mondiale de la Santé (OMS), Handicap et santé, op. cit., consulté le 18/02/2022.

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conception. En effet, comme l’expliquent les auteurs de l’article L’accessibilité de 1975 à nos jours : vers une ville accessible à tous ? 144, les normes réglementaires et les obligations promulguées restent « fortement orientée[s] vers le « handicap moteur », plus rarement le handicap visuel, et occulte[nt] le handicap auditif et mental. » Ainsi, l’inadaptation du cadre bâti suscite de nombreux débats au sein des associations venant en aide aux personnes avec handicap, notamment celles orientées vers la problématique de l’autisme : « c’est une violation de l’article L 246-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles qui garantit à chaque personne autiste une intervention adaptée à ses besoins. »145 Pour contrer ces phénomènes discriminatoires, cette prise de conscience s’accompagne de l’apparition de la notion d’inclusivité architecturale, visant à lutter contre toutes formes d’inégalités au sein du domaine de l’architecture et de sa conception. Ce terme relève néanmoins d’une certaine complexité de définition. L’objectif porté par cette notion est, tout en intégrant la notion d’accessibilité, de ne pas s’y limiter, dans l’idée que l'accès égalitaire à un bâtiment ou à un dispositif ne signifie pas nécessairement l'accès à une expérience de la même qualité. Enfin, en prenant en considération ces indications, nous pouvons définir l’inclusivité architecturale comme la garantie d’offrir à la fois intégrité physique, bien être et confort aux occupants grâce à une conception pensée en amont, pour tout le monde. L’architecture inclusive vise à créer des espaces, des environnements et des dispositifs pouvant être investis et pratiqués par un nombre considérable de personnes, indépendamment de leur condition motrice, mentale, leur âge ou encore leur perception sensorielle atypique comme dans le cas de l’Autisme. Comme évoqué dans cette étude, la loi 2005-102146 corrobore la nécessité d’adapter le cadre bâti et l’environnement à tous les types de handicap et ainsi permettre une architecture plus inclusive. Cette recherche a été menée avec pour aspiration plus large, qu’en diffusant le savoir portant sur cette thématique, cela pourrait davantage inciter certains architectes à concevoir avec la volonté d’être inclusif à toutes formes de Handicap, dont celui des TSA. En effet, le postulat est le suivant : s’il leur est fourni un outil sur lequel s’appuyer, le processus de conception serait facilité et de ce fait l’inclusivité relativement plus accessible. L’ambition ultime de ce catalogue raisonné résiderait alors dans la volonté de favoriser le déploiement d’un processus de conception adaptée aux TSA à l’aide de cet outil, et ainsi aboutir à davantage d’inclusivité architecturale. Nous pouvons alors nous questionner sur les apports d’un outil tel que développé ici, dans la conception d’espaces inclusifs. Quels enseignements pour la conception future, 144

REICHHART Frédéric et RACHEDI Nasri Zineb, (2016), L’accessibilité de 1975 à nos jours : vers une ville accessible à tous ? dans Les cahiers de la LCD n°1, pages 75 à 90. En ligne : https://www.cairn.info/revuecahiers-de-la-lcd-lutte-contre-les-discriminations-2016-1-page-75.htm, consulté le 22/02/2022. 145 AUTISME France, Association Reconnue d’Utilité Publique, (2020), Dossier de presse, 2 avril 2020 : Journée mondiale de la sensibilisation à l’autisme, Autisme changeons la donne. En ligne : http://www.autismefrance.fr/offres/doc_inline_src/577/2020-JMA-Autisme-France-DP.pdf, p.3, consulté le 20/02/2022. 146 cf. LOI 2005-102 du 11 Février 2005, Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (1), Article L.111-7, en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000809647/#:~:text=245%2D1.,%C2%AB%20Art.,%C3%A0%20la%20prestation%20de%20compensation. Consulté le 25/02/2022.

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peuvent être tirés des dispositifs d’hypostimulation sensorielle ? Est-ce possible et si oui comment aboutir à une architecture qui soit inclusive et bienveillante pour tous, en prenant en compte des profils cognitifs et sensoriels différents ? Tout ceci implique de s’interroger sur la manière de rendre avérées et établies les différentes pistes de conceptions et recommandations architecturales intuitées par les travaux scientifiques sur le sujet. Cela suppose de poursuivre la recherche scientifique, en concevant des espaces à partir de ces préconisations et expérimenter leur efficience par le biais d’expérimentations scientifiquement appuyées.

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TABLE DES FIGURES Figure 1. HARRISSON B. & ST-CHARLES L., (2020), Le traitement d’information par le cerveau neurotypique et par le cerveau autistique », L’autisme expliqué aux non-autistes, p. 66. Figure 2. cf. SCHNEIDER Walter, dans WEINTRAUB Karen, (2013), Special for USA Today, Temple Grandin on how the autistics ‘think différent’, en ligne : https://eu.usatoday.com/story/news/nation/2013/05/01/autism-temple-grandinbrain/2122455/ , consulté le 29/04/2022. Figure 3. cf. INSERM. IRM fonctionnel ; absence d’activation du STS en réponse à l’écoute de la voix. En ligne : https://www.inserm-u1000.universite-paris-saclay.fr/?page_id=101, consulté le 15/04/2022. Figure 4. cf. Illustration OMS, 2001, p.19. Dans SCIELO, (2008), La notion de handicap et ses transformations à travers les classifications internationales du handicap de l’OMS, 1980 et 2001. En ligne : https://scielo.isciii.es/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S021195362008000100016 , consulté le 14/03/20022. Figure 5. Plan dans LEOTHAUD Isabelle. (2006). AMBIANCES ARCHITECTURALES ET COMPORTEMENTS PSYCHOMOTEURS. Ecole Doctorale Mécanique, Thermique et Génie Civil de Nantes, p. 177. Figure 6 Traduction personnelle du Tableau référentiel Sensory Design Matrix, dans Thesis : Housing adaptation for adults with autistic spectrum disorder. cf. Annexe n°3, tableau référentiel Sensory Design Matrix M.Mostafa. Figure 7. Photographie du centre éveil du scarabée par ©Archivision. En ligne : https://www.emmanuel-negroni-archivision.com/l--veil-du-scarab-e Consulté le 17/01/2022. Figure 8. Photographie du centre éveil du scarabée par ©Archivision. En ligne : https://www.emmanuel-negroni-archivision.com/l--veil-du-scarab-e Consulté le 17/01/2022. Figure 9. Photographie de l’hôpital de jour Chevilly-Larue par ©Phillipe Ruault. En ligne : https://www.lesechos.fr/pme-regions/ile-de-france/a-chevilly-larue-les-enfantsautistes-soignes-dans-un-cocon-de-bois-1304550 Consulté le 17/01/2022. Figure 10. Photographie du centre pour enfants autistes Fun Maze par ©Atelier Caracas. En ligne : https://archibat.com/blog/une-architecture-aux-formes-inclusives-pour-lesenfants-autistes/ Consulté le 17/01/2022. Figure 11. Machine à serrer, Temple Grandin, dans COURTEIX S. (2009). Troubles envahissants du développement et rapports à l’espace. LAF-ENSAL, Lyon, p. 23. En ligne : https://docplayer.fr/24526260-Troubles-envahissants-du-developpement-et-rapports-al-espace.html Consulté le 03/03/2022. Figure 12. TEMPLE GRANDIN M., dans BIDON-LEMESLE Céline, (2011), Les Troubles sensoriels chez les personnes autiste. En ligne : https://www.accueilpsy.fr/articles/parents-ethandicap/les-troubles-sensoriels-chez-les-personnes-autistes Consulté le 26/03/2022. Figure 13. Photographie de la Squeeze chair de Temple Grandin et Wendy Jacob dans COURTEIX S. (2009). Troubles envahissants du développement et rapports à l’espace. LAFENSAL, Lyon, p. 23. En ligne : https://docplayer.fr/24526260-Troubles-envahissants-dudeveloppement-et-rapports-a-l-espace.html Consulté le 03/03/2022. 133


Figure 14. Photographie de la réédition de la squeeze chair de T. Grandin et W. Jacob. En ligne : https://patient-innovation.com/post/1047?language=en Consulté le 03/03/2022. Figure 15. Photographie du fauteuil Oto conçu par Alexia Audrain ©Alexia Audrain. En ligne : https://www.audrainalexia.com/ Consulté le 03/03/2022. Figure 16. Photographie de l’Abri sensoriel Handi’Apt 1ère génération par ©Handi’Apt. En ligne : https://incluesens.fr/ Consulté le 04/11/2021. Figure 17. Photographie Abri sensoriel Handi’Apt 2mee génération ©Image personnelle. Figure 18. Photographie dôme acoustique de Créobois ©Créobois. En ligne : https://creobois.fr/boutique/dome/ Consulté le 05/11/2021. Figure 19. Capture d’écran du site numérique de la fondation le Corbusier. cf. FONDATION LE CORBUSIER, Œuvre de Le Corbusier, en ligne : www.fondationlecorbusier.fr. Consulté le 18/01/2022. Figure 20. Références de dispositifs identifiées comme éventuellement éligibles à intégrer un corpus de spécimens. Figure 21. Photographie de l’Abri sensoriel Handi’Apt 1ère génération par ©Handi’Apt. En ligne : https://incluesens.fr/ Consulté le 04/11/2021. Figure 22. Photographie de la cellule d’Absalon n°6 par ©Grappa-Studio. En ligne : https://www.grappa-studio.com/portfolio-item/absalon-cellules-abitation/ Consulté le 28/11/2021. Figure 23. Photographie dôme acoustique de Créobois ©Créobois. En ligne : https://creobois.fr/boutique/dome/ Consulté le 05/11/2021. Figure 24. Photographie de l’espace de retrait à l’Utah Valley University Center for autism par Curtis Miner Architecture ©Curtis Miner Architecture. En ligne : https://www.cmautah.com/project/uvu-autism-center/architecture-higher-educationutah-uvu-autism/ Consulté le 28/11/2021. Figure 25. Photographie cocon de Créobois ©Créobois. En ligne : https://creobois.fr/ Consulté le 05/11/2021. Figure 26. Photographie de l’espace de retrait au Flower Kindergarten par Jungmin Nam ©Jungmin Nam. En ligne : https://inhabitat.com/lively-green-kindergarten-in-seoul-has230-flowerpots-on-its-facade/flower-kindergarten-oa-lab-kids-classroom/ Consulté le 06/12/2021. Figure 27. Photographie du Buzzinest Pod par Fleexpert ©Fleexpert. En ligne : https://www.haworth.com/eu/fr/products/cabines-acoustiques/buzzinest-pod.html Consulté le 06/12/2021. Figure 28. Photographie d’un caisson d’isolation sensorielle par John Cunningham Lilly ©Médical Expo. En ligne : https://www.medicalexpo.fr/prod/float-spa/product-110999733154.html Consulté le 06/12/2021. Figure 29. Grille d’évaluation type pour dispositif expérimental n°1. Figure 30. Tableau récapitulatif des évaluations obtenues pour l’abri sensoriel d’Handi’Apt auprès des participants à la clinique des Campilles. Figure 31. Graphique Radar, récapitulatif des résultats d’évaluation des différents spécimens à la clinique des Campilles. Figure 32. Graphique radar inversé, récapitulatif des résultats d’évaluation des différents spécimens à la clinique des Campilles. Figure 33. Comparaison des graphiques représentant l’évaluation des paramètres pour chaque dispositif au sein des deux établissements d’intervention. 134


Figure 34. Tableau comparatif du classement des spécimens. Figure 35. Tableau de synthèse générale : moyenne obtenue pour chacun des paramètres pour chaque spécimen. Figure 36. Graphique radar représentant l’évaluation des paramètres pour chaque dispositif par la moyenne obtenue au sein des deux établissements d’intervention. Figure 37. Tableau du classement général des dispositifs. Figure 38. Liste des mots clefs obtenus dans chaque établissement. Figure 39. Classement des mots-clefs par thématique. Figure 40. Photographie d’un caisson d’isolation sensorielle par John Cunningham Lilly ©Médical Expo. En ligne : https://www.medicalexpo.fr/prod/float-spa/product-110999733154.html Consulté le 06/12/2021. Figure 41. Photographie de l’Abri sensoriel Handi’Apt 1ère génération par ©Handi’Apt. En ligne : https://incluesens.fr/ Consulté le 04/11/2021. Figure 42. Photographie du Buzzinest Pod par Fleexpert ©Fleexpert. En ligne : https://www.haworth.com/eu/fr/products/cabines-acoustiques/buzzinest-pod.html Consulté le 06/12/2021. Figure 43. Photographie de l’espace de retrait à l’Utah Valley University Center for autism par Curtis Miner Architecture ©Curtis Miner Architecture. En ligne : https://www.cmautah.com/project/uvu-autism-center/architecture-higher-educationutah-uvu-autism/ Consulté le 28/11/2021. Figure 44. Photographie Abri sensoriel Handi’Apt 2mee génération ©Image personnelle. Figure 45. Photographie de la cabane sensorielle de Hoptoys ©Hoptoys. En ligne : https://www.bloghoptoys.fr/etablissements-une-salle-sensorielle-pour-noel Consulté le 26/11/2021. Figure 46. Photographie de la cabane sensorielle de chez Wesco ©Wesco. En ligne : https://www.wesco.fr/46235171-cabane-sensorielle.html Consulté le 27/11/2021. Figure 47. Photographie de la cabane à sensation de Hoptoys ©Hoptoys. En ligne : https://www.hoptoys.fr/mobilier-luminaires/cabane-a-sensations-p-12819.html Consulté le 26/11/2021. Figure 48. Liste mise à jour des différents dispositifs éligible à une évaluation ultérieure. Figure 49. Exemple de fiche de catalogue raisonné. Figure 50. Photographie de l’abri sensoriel d’Handi’Apt, installé sur le site des Campille, ©Photographie personnelle. Figure 51. Photographie de la salle commune aux trois ailes dans laquelle est installé l’abri sensoriel ©Photographie personnelle. Figure 52. Photographie de l’abri, tourné ©Photographie personnelle. Figure 11. Photographies de la coupole et de l’assise de l’abri sensoriel Handi’Apt ©Photographie personnelle. Figure 54. Photographie des lampes et de l’enceinte acoustique de l’abri sensoriel ©Photographie personnelle.

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ANNEXES ANNEXE 1 : David Biello, décembre 2005 “Certaines des aires cérébrales touchées par les déficits en neurones miroirs dans l’autisme” Scientific American, in Charras, 2008, p. 153.

Parmi les dysfonctionnements cérébraux David Biello explique : « Les personnes avec autisme montrent une activité réduite des neurones miroirs dans le gyrus frontal inférieur, partie du cortex pré-moteur, pouvant en partie expliquer leur inaptitude à comprendre les intentions d’autrui. Les dysfonctions des neurones miroirs dans l’insula et le cortex cingulaire antérieur pourraient être à l’origine de symptômes tels que l’absence d’empathie, et ceux observés au niveau du gyrus angulaire peuvent résulter en des troubles du langage. On observe aussi des changements d’ordre structurel au niveau du cervelet et du tronc cérébral chez les personnes avec autisme. »147

ANNEXE 2 : Historique de l’évolution de la notion de Handicap L’autisme est un trouble dont la description des caractéristiques qui correspondent encore en partie à celles en vigueur de nos jours , est relativement récente. En effet, ce n’est qu’en 1943 que le psychiatre américain d’origine autrichienne Leo Kanner décrit sous le nom d’« autisme infantile» des particularités de comportement de certains enfants comme une tendance à l’isolement, un besoin d’immuabilité et un retard de langage.148 Dans les années 1950-1970 les conceptions psychanalytiques ont fortement marqué la psychiatrie et la compréhension de l’autisme. L’autisme était alors relié aux « psychoses infantiles », terme employé dans les classifications officielles jusqu’en 1980. Par la suite, d’autres courants de recherche théorique ont pris une importance croissante dans l’étude du développement normal et pathologique de l’enfant : biologie, génétique,

147 148

BIELLO David p.153 in CHARRAS Kevin, (2008). op.cit. KANNER L., (1943), op.cit., pp. 217–50.

142


psychologie développementale, sciences cognitives, etc. La compréhension des troubles de l’autisme a alors été fortement modifiée par ces contributions, et continue d’être enrichie par les recherches actuelles. En 1980, le concept de psychose infantile a été abandonné sur le plan international, ne figurant ainsi plus dans le Manuel Diagnostique et Statistiques des troubles mentaux appelé DSM.149 À la même période est apparu le terme de Trouble Envahissant du Développement (TED) dans les classifications internationales (en 1975 dans la CIM 9 et en 1980 dans le DSM-III). Aujourd’hui, l’autisme constitue un large éventail de profils comportementaux qui justifie le terme de TSA, consacré par les classifications les plus récentes. Par ailleurs, la classification et le diagnostic de l’autisme sont en constante évolution et ont été l’objet de beaucoup de discussions. Le Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux (DSM), et la Classification Internationale des Maladies (CIM) sont les deux classifications médicales les plus communes. La classification recommandée en France a été depuis 2005 la CIM-10 remplacée depuis le 1er janvier 2022 par la CIM-11 actuellement en vigueur. La classification désormais recommandée est aujourd’hui le DSM-5, dans lequel l’appellation « Troubles du Spectre de l’Autisme (TSA) » remplace celle de « Troubles Envahissants du Développement (TED) » qui dans le DSM-IV recouvrait plusieurs catégories, parmi lesquelles l’autisme typique, le syndrome d’Asperger, le trouble envahissant du développement non spécifié (TED-NS). Dans le DSM-5, les TSA sont caractérisés par deux dimensions symptomatiques : •

« Déficit persistant de la communication et des interactions sociales observés dans les contextes variés »

« Caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités ».

Bien que l’autisme et plus particulièrement les Troubles du Spectre Autistiques soient considérés comme un Handicap, cela ne fût pas toujours le cas. En effet, les TSA font leur entrée dans la Classification Internationale des Handicaps (CIH) en 1996. Cette intégration découle d’un long processus de réflexion qui débutera dans les années 1980 au niveau international, autour des questions de définitions en matière d’Handicap et de sa prise en charge. Jusqu’à lors, la personne était considérée comme porteuse d’un handicap. En 1980, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) publie une première classification des handicaps en anglais sous l’intitulé « International Classification of Impairments, Disabilities, and Handicaps. A manual of classification relating to the consequences of disease », traduite en français en 1988 sous le titre « Classification Internationale des Handicaps : déficience, incapacités et désavantages. Un manuel de 149

« Ici DSM IIIR : Classification momentanée et intermédiaire en vigueur en 1983 à mi-chemin entre le DSM III et le DSM IV »

143


classification des maladies ».150 Comme l’indique cet intitulé, elle concerne les conséquences des maladies et se présente comme un outil complémentaire de la CIM, la notion de maladie jouant un rôle d’articulation entre ces deux classifications. « Les données contenues dans ce manuel se rapportent aux dimensions des expériences liées aux états de santé, complémentaires à celles du concept de maladie »151. Les codes de la CIM, ne suffisant plus pour décrire l’état de santé des individus, notamment dans le cas de phénomènes chroniques, le prolongement avec de nouveaux outils apparaît nécessaire. 152 L'OMS confie à l'un de ses consultants, le Docteur Ph. Wood (rhumatologue et épidémiologiste), la tâche d'élaborer une classification des « conséquences des maladies » : « La maladie empêche l'individu de s'acquitter de ses fonctions et de ses obligations courantes. Autrement dit, le malade est incapable de remplir son rôle habituel dans la société, et d'entretenir les rapports habituels avec autrui. Cette définition est assez large pour recouvrir la grande majorité des recours à un service de santé [...]. Bien que le modèle médical des maladies [...] constitue un instrument efficace pour aborder les troubles qui peuvent être traités ou guéris -la disparition des effets de la maladie étant un corollaire du traitement de la cause- il reste incomplet dans la mesure où il ne couvre pas les conséquences de la maladie. Or, ce sont ces dernières qui perturbent la vie quotidienne, et il faut disposer d'un cadre qui permettra de comprendre ces phénomènes, surtout en ce qui concerne les troubles chroniques et évolutifs ou irréversibles. Il convient donc de développer la chaîne des phénomènes liés à la maladie initiale, que l'on peut figurer ainsi : Maladie > déficience > incapacité > désavantage ».153 Cette citation montre le déplacement des préoccupations qui s’opère avec un élargissement de point de vue en passant du CIM au CIH, ce qui pousse une personne à consulter n’est pas sa maladie en tant que telle mais les conséquences de cette dernière, l’empêchant alors de tenir le rôle qui est sien au sein de la société. L’intérêt se portant alors sur les effets de la maladie, on distingue trois niveaux d’effets : la déficience, l’incapacité et le désavantage. Cette classification s’attache à s’intéresser au « malade en société »154 et non plus à la maladie, passant d’un point de vue médical à un point de vue davantage social. Dès lors, le handicap est défini comme le cumul « déficience, incapacité, désavantage ». La déficience, si non compensée ou compensable se traduit alors en une incapacité pour la personne concernée à être intégrée et performante dans les différents volets de sa vie et activités normales, caractérisé comme « expression sociale de la

150

WHO (OMS), « International Classification of Impairments, Disabilities and Handicaps. A manual of classification relating to the consequences of disease. », 1980, Geneva WHO édition. 151 OMS, « Classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages. Un manuel de classification des conséquences des maladies », réédition 1993, Paris : CTNERHI édition, p. 4. 152 cf. RAVAUD J.F., Vers un modèle social du handicap. L’influence des organisations internationales et des mouvements de personnes handicapées. Dans DE RIEDMATTEN Raphaël, (2001), Une nouvelle approche de la différence : comment repenser le handicap. Genève : Médecine et Hygiène, cahiers médicaux-sociaux, p. 5568. 153 OMS, n.15, op. cit. p. 6-7. 154 OMS, n.15, op. cit. p. 6-7.

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maladie », ce qui est alors un désavantage en société et par conséquence, un handicap.

Illustration OMS, 1993, p. 26. En 1993, l'OMS reconnaît la CIH comme une classification officielle de l'OMS et s'engage dans un processus de révision qui débute véritablement en 1995 avec une large consultation internationale, impliquant des professionnels médicaux, des responsables administratifs et politiques, des chercheurs, des associations de personnes handicapées.155 De juin 1996 à décembre 2000, six versions provisoires sont rédigées et testées. Ce processus aboutit à un texte, la Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé, adopté par l'assemblée générale de l'OMS au printemps 2001 (CIF 2001).156 Ce texte résulte des négociations entre des acteurs devenus multiples, et ainsi, des compromis entre leurs différentes perspectives. Dans la CIF, le point de départ de la réflexion est la santé, définie en termes de fonctionnement (aspects positifs de la santé) et de handicap (aspects négatifs de la santé). La CIF ne déploie plus un processus causal, partant d'une cause, la maladie, à ses conséquences, le handicap (comme la CIH), mais elle propose des outils pour décrire la vie quotidienne des personnes, leur bon ou mauvais fonctionnement. La CIF ne s’attache pas à définir une causalité du handicap, mais présente davantage un modèle interactif et multidimensionnel, qualifié de modèle « biopsychosocial », qui pourra être utilisé pour analyser ses causalités.157 « Le handicap est un phénomène complexe qui est à la fois un problème au niveau du corps de la personne et un phénomène complexe et principalement social. Le handicap est toujours le résultat d'une interaction entre les caractéristiques individuelles et les caractéristiques du contexte global dans lequel la personne vit, mais certains aspects du handicap sont presque entièrement internes à la personne, alors que d'autres lui sont totalement externes. »158

155

Liste des remerciements de la CIF (p.265-278). cf. OMS, n.9. 157 cf. WINANCE M., La notion de handicap et ses transformations à travers les classifications internationales du handicap de l’OMS, 1980 et 2001. Article dans Dynamis (2008), vol. 28, en ligne : https://scielo.isciii.es/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S021195362008000100016https://scielo.isciii.es/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0211-95362008000100016, consulté le 27/02/2022. 158 OMS, Vers un langage commun pour le fonctionnement, le handicap et la santé. CIF : Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de la santé. Dans Handicap-Revue de sciences humaines et sociales, (2002), 94-95, p. 32. 156

145


Dans cette citation, l’OMS reconnaît la complexité du handicap avec différents facteurs interconnectés.

Illustration OMS, 2001, p.19. Dans la CIF, la complexité du handicap se traduit par un modèle (représenté par le schéma ci-dessus) qui, analyse notamment le fonctionnement et le handicap comme le résultat d'une interaction entre un problème de santé et des facteurs contextuels à la fois personnels et/ou environnementaux. Ce schéma, dans sa double lecture verticale et horizontale, renforce une conception large de la santé, en explicitant les définitions du fonctionnement et du handicap (absence de fonctionnement), comme états multidimensionnels, physiologique, individuel et social, résultant d'une interaction non prédéfinie entre un problème de santé, des facteurs personnels et des facteurs environnementaux.159 Ainsi depuis 2001, il est reconnu que le Handicap peut en partie être dû ou renforcé par l’environnement et le contexte. Par conséquent, si l’environnement est adapté aux déficiences, incapacités et désavantages, cela pourrait permettre de minimiser, voire de palier tout ou partie de la situation d’handicap. Au contraire, un contexte environnemental (architectural, urbanistique etc.), non adapté peut accroître cette situation d’handicap. C’est dans la continuité de ces observations qu’en 2005 en France, est décrétée la loi 2005-102 pour l’égalité des droits et des chances, propulsant dans le code de la construction une loi fondamentale de la prise en compte des déficiences de tous types pour éviter d’un point de vue environnemental des situations d’handicap. (Loi sur laquelle nous reviendrons plus tard dans le développement).

159

OMS, n.9, op. cit., p. 223.

146


ANNEXE 3, tableau référentiel Sensory Design Matrix » M.Mostafa dans Thesis : Housing adaptation for adults with autistic spectrum disorder.

ANNEXE 4, cf. J. BELPOIS, I. CHAMPENOIS, C. THIRIOT., 2021, Synthèse de workshop, 78p fichier joint.

147


148


École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon

Présenté et soutenu par : CHAMPENOIS Inès

Mémoire d’initiation à la recherche en architecture

AUTISME ET ARCHITECTURE Les conditions de création d’un outil d’aide à la conception d’espaces adaptés aux personnes avec des troubles du spectre autistique Date de soutenance : 24 juin 2022 Directeur d’étude mémoire : COURTEIX Stéphan

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