le mur Oeuvre publié sou license Créative Commons by-nc-nd 3.0 Disponible en lecture libre sur: http://www.atramenta.net/lire/le-mur/45700 auteur: Vis9vies Mise en page par: David Chu-Benoit Travail réalisé dans le cours de: INFOGRAPHIE ET MISE EN PAGE Collège Jean-de-Brébeuf
Lui, c’est l’urbain. Il ne se sent bien que dos au mur. Couvert de blessures, ses cicatrices l’embellissent. Son horizon, c’est le béton. Ses rêves, les filles d’Ève. Celles qui sont bien roulées et que l’on cueille avant maturité. Il aime aussi l’or, les décors clinquants et les vêtements qui en imposent. La vie n’est pas rose mais il ne s’en sort pas trop mal. Il suffit de regarder plus bas, où les rats se dévorent sur la scène d’un bal orchestré par la haine.
L’autre c’est le vent. Pas d’attaches, pas ,
de sentiments. Tout dans le panache et la gaudriole. Rien ne l’arrête. Il vole au-dessus des obstacles, croyant aux miracles d’une fête tous les jours renouvelée. Son parcours s’accroche à un fil maintes fois usé, rompu et rafistolé, qui s’effiloche à nouveau dans les efforts faciles. Qu’importe ce qu’il a perdu, le monde est trop beau pour que la mort l’emporte sans qu’il se soit défendu avec faconde.
Lui, ne sait plus. L’espoir n’est qu’averse d’eau
sale et il a plu trop de noir pour qu’il se berce d’illusions fatales. Ses yeux se ferment sur une vision de catacombes, et le merveilleux succombe dans les flaques alimentées par ses larmes. À trop se prendre de claques, il baisse les armes et se laisse glisser sur le trottoir. La cité est dortoir. Petite mort, elle l’endort, l’enveloppant dans l’ombre de ses murs. Le futur sombre inéluctablement.
L’autre, doute. Il s’épuise à ne trouver de
repos, et ses joutes ne suffisent plus à combler son ego. Il erre sans fin sur des chemins poussiéreux à la recherche d’une muse que les cieux lui refusent. Vaporeuse, intrigante, elle hante ses songes peuplés d’éclats de ciel que rongent de mystérieuses abeilles. Le bourdon sonne le glas de ses frasques, à l’automne d’une vie aux énergies fantasques, et les sons se poursuivent en une danse à la cadence en dérive.
Lui, n’y croit plus. En demain qui rime à rien. Son existence balance entre murs gris et prix soudures. Il passe son temps à essayer de joindre les deux bouts, mais tout ce qu’il veut c’est peindre l’été et les grands espaces. Ses graffitis libèrent la lumière d’esprits embrumés d’une pollution culturelle à qui l’on a coupé les ailes de sa destination. Ses lettres partent en flammes devant une fenêtre qui crame. Derrière, c’est la mer.
L’autre, cherche encore. La branche où se perche l’aurore. De là, il pourra retirer le soleil de l’océan pour le lancer dans un firmament de miel, créer la mirifique apothéose des désirs d’avenir qui osent le fantastique, et enfin s’endormir heureux, satisfait d’une action qui tire le regard des gueux hors de vains souhaits d’émancipation. C’est son but. Être celui qui ouvre la voie, aux putes comme aux patrons, à la joie de la libération.
Lui, est face au mur. Devant ses couleurs, les passants ralentissent et remercient. Elles dénoncent le vol servile dans les enclaves sanglantes où règnent la faim et les pleurs. L’homme artiste ressent la puissance s’échappant de la terre et des émotions. Il est l’interprète et le guide d’un destin qui le dépasse. Nu, en silence, dépouillé de son impure inhibition, il dessine des vagues venant lécher le fondement du mur. Son regard se lève sur l’albatros.
L’autre, trace l’azur. Croyant que le bon coeur des gens tisse la vie, il fonce et survole les villes esclaves en attente de lendemains meilleurs. Des fantômes tristes, sans espérance, errants délétères, à l’unisson dans une quête vide, croisent sans fin sur les places dévêtues. Patience… Tenez-bon, murmure-t-il, une solution se dessine : saisissez la vague, ce soulèvement qui va se déchaîner et entraîner l’effondrement des murs. Son
Lui. Le haut du mur : c’est le bleu. Celui des oiseaux. Dehors de lumière, à l’autre…
L’autre. Le bas du mur : c’est le feu. Celui des incas. L’aurore prisonnière, qui luit…
Eux deux, se sont reconnus. Les yeux dans les yeux, ne se quittent plus. L’espérance de l’un dans le désespoir de l’autre. La force de l’un dans la fatigue de l’autre. L’idéal de l’un dans le travail de l’autre. S’allier est une évidence. Ils le savent sans l’avoir appris, d’instinct. Leurs différences tisseront la toile de demain et les murs s’effriteront dans leurs mains. Il n’y a pas de fatalité, il n’y a que de belles rencontres.
Homme artiste, Fantôme triste Aux couleurs Coup de coeur, Dans des enclaves sanglantes Où des esclaves en attente Ressentent la puissance, Sans espérance, D’une quête vide, Interprète et guide, D’un destin Sans fin, Tu dessines la vague que soulèvent les albatros