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A BETTER SOCIETY DIVERSITÉ, MODE D’EMPLOI

Médias, publicités, chartes d’entreprises, politiques publiques… C’est un mot que l’on trouve partout, souvent décliné au pluriel. Mais au fond, de quoi parlet-on quand on parle de diversités ? Que signifie ce terme parfois mis à toutes les sauces ? La planète est-elle de plus en plus respectueuse des diversités ou fait-on face au contraire à un mouvement de repli, loin des discours affichés ? Le point en compagnie de Mohamed Chtatou, enseignant et chercheur en linguistique et en anthropologie culturelle à l’université de Rabat.

QUELLE DÉFINITION

DONNERIEZ-VOUS DE LA OU PLUTÔT DES DIVERSITÉS ?

Au sens anthropologique du terme, la diversité renvoie au fait qu’il existe, dans toute société, différentes manières de faire coexister les différences. Celles-ci peuvent être extrêmement variées, de l’origine ethnique à la religion en passant par les traditions culturelles ou par l’éducation. Dans le monde moderne, la diversité consiste à laisser cohabiter ces mille manières d’être et de vivre dans un même espace. Les pays occidentaux en général, et la France en particulier, en sont de bons exemples : de gens de toutes religions, de toutes cultures et de toutes origines y vivent ensemble et en paix.

L’ÊTRE HUMAIN ESTIL NATURELLEMENT DOUÉ

POUR LA DIVERSITÉ OU CETTE ACCEPTATION DE L’AUTRE ESTELLE UN ACQUIS HISTORIQUE ?

Les deux ! L’histoire de l’humanité est celle d’une constante migration des peuples, des ethnies et des groupes humains, chacun doté de ses traditions, de ses mœurs et de sa culture propre. À bien des égards, ces mouvements étaient plus faciles jadis qu’aujourd’hui. Les frontières, les visas ou les passeports sont une invention plutôt récente à l’échelle de l’espèce humaine… Attention toutefois à ne pas tomber dans une forme d’idéalisation de ce passé : ces mouvements n’allaient pas sans accrochage et sans conflit armé, souvent déclenchés pour des questions religieuses ou culturelles, lorsque tel ou tel groupe humain était persuadé que sa culture ou sa religion était la meilleure. Lorsque l’Empire romain s’est étendu dans l’ensemble de la Méditerranée, c’est avec la conviction que la civilisation romaine était la seule digne de s’imposer. Pour Rome, tout ce qui est extérieur à l’Empire est barbare, donc inférieur et destiné à être civilisé par la langue, la culture, la religion et le droit romain, quitte à employer la force. Nous n’en sommes plus là dans les sociétés démocratiques : l’acceptation de l’autre y est garantie par la loi.

LE RACISME PERSISTE POURTANT DANS CES DÉMOCRATIES…

Oui, mais il est illégal. Le droit des cités grecques, à Athènes notamment, institutionnalisait la différence entre citoyens et métèques. Aujourd’hui, le droit garantit l’égalité entre des citoyens de toutes fois et de toutes origines. On trouve des mosquées, des synagogues ou des temples hindous en France.

LA MONDIALISATION EST SOUVENT ACCUSÉE DE GOMMER LES DIFFÉRENCES ET DE FAIRE PESER LA MENACE D’UNE FORME DE STANDARDISATION DES CULTURES. EST-CE JUSTIFIÉ ?

La mondialisation tend à gommer certaines différences qui touchent aux langues, aux cultures, aux traditions architecturales ou gastronomiques et, plus généralement, à nos manières de vivre, au risque d’une certaine uniformisation de notre quotidien. La manière dont certaines fêtes comme Halloween se sont petit à petit implantées dans l’ensemble du monde en est un effet frappant, mais cela touche aussi à certaines pratiques sociales et commerciales comme le Black Friday. J’y vois à titre personnel un réel danger pour la diversité. En s’imposant petit à petit comme un idiome universel, la langue américaine favorise la disparition de dizaines de langages locaux et régionaux, ce que l’Unesco déplore régulièrement. Nous devons nous prémunir contre cette domination silencieuse qui passe aussi par la musique, le cinéma ou la malbouffe. Des résistances existent, mais ces oppositions ne sont pas sans danger lorsqu’elles prennent la forme d’un retour en force d’un nationalisme exacerbé, particulièrement marqué en Europe ces dernières années. Celui-ci peut prendre la forme d’un fascisme culturel qui voit la diversité et le multiculturalisme comme une menace pour la culture d’un pays.

Comment La Diversit

S’EXPRIME-T-ELLE AUJOURD’HUI DANS UN PAYS COMME LE MAROC, SOUVENT SURNOMMÉ LE “ROYAUME AUX MILLE ROYAUMES” ?

Au cours des siècles, toute l’histoire du Maroc a été marquée par l’arrivée successive de peuples aux traditions et aux cultures très différentes, des Hébreux aux Phéniciens ou aux Romains en passant par les Wisigoths, les Berbères, les Français ou les Espagnols. La Constitution de 2011 évoque d’ailleurs dans son préambule ces “affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen” qui sont venus converger avec ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharienne pour lui donner son unité. Cette diversité se retrouve partout dans sa population, mais aussi dans sa cuisine ou dans une musique particulièrement métissée. Le Maroc est une porte entre l’Afrique et l’Europe, et réciproquement.

53 %

DES SALARIÉS FRANÇAIS ESTIMENT QUE DES MOUVEMENTS COMME #METOO OU #BALANCETONPORC ONT EU UN IMPACT DANS LEUR ENTREPRISE MAIS UN TIERS DES FEMMES SEULEMENT SE SENTENT À L’AISE POUR ÉVOQUER LE SUJET DANS LE CADRE PROFESSIONNEL. (CEGOS, 2022)

Encore Trop De Salari S Victimes De Discriminations

Menée au printemps 2022, la dernière enquête internationale réalisée par le CEGOS, un organisme de formation professionnelle, montre qu’il reste du chemin à parcourir dans le monde professionnel en termes de diversité et d’inclusion. Menée dans sept pays (France, Allemagne, Brésil, Italie, Grande-Bretagne, Espagne, Portugal), elle montre que les discriminations restent quotidiennes chez les actifs : 82 % des salariés interrogés (74 % en France) disent en avoir été témoins au moins une fois et 63 % (54 % en France) indiquent en avoir été victimes. Au-delà de l’apparence physique, du sexe, de l’origine, du handicap ou de l’état de santé, l’âge est le premier motif évoqué - y compris chez les plus jeunes : 40 % des 18-24 ans ont déclaré avoir subi un tel type de discrimination. Mais les choses pourraient changer : non seulement 82 % des actifs (77 % en France et 90 % chez les 18-24 ans) militent pour le déploiement de politique de diversité au sein de leur entreprise, mais l’inclusion devient un facteur crucial pour l’image de marque des employeurs : 84 % des collaborateurs interrogés en font un critère déterminant au moment de choisir un nouvel employeur, un indice qui monte à… 100 % chez les 18-24 ans.

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