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L’ENJEU DE LA CONFIANCE

Méfiance croissante, désintérêt marqué, fracture générationnelle… Le journalisme a-t-il encore un avenir à l’heure où 26 % des Français, toutes générations confondues, disent s’informer sur Internet via les réseaux sociaux plutôt qu’au travers des médias* ? Pourquoi ne s’y retrouvent-ils plus ? Comment réparer un lien qui se distend ? Quels contenus journalistiques proposer pour séduire un lectorat de plus en plus critique ? Le point avec Édouard Reis Carona, rédacteur en chef à Ouest-France.

OUEST-FRANCE EST-IL UN JOURNAL RÉGIONAL OU UN QUOTIDIEN NATIONAL ?

Les deux ! Qu’un évènement se produise à proximité ou à l’autre bout de la planète, notre travail consiste à le couvrir avec la même rigueur, avec une ambition éditoriale qui n’oppose pas le local, le national et l’international mais qui va de la commune au monde. Ouest-France a toujours eu des rédactions International, National ou Europe qui viennent compléter un maillage régional particulièrement dense. Au niveau local, Ouest-France peut compter sur une soixantaine de rédactions réparties sur tout son territoire et sur un réseau de plus de 3 000 correspondants locaux. Aux niveaux national et international, le titre s’appuie sur ses différents services et sur un réseau de 200 correspondants pigistes, répartis dans le monde entier. C’est ce qui permet à nos lecteurs d’accéder chaque jour à toutes les informations, sans avoir besoin d’un autre journal. Ouest-France est un quotidien complet, généraliste, populaire, grand public et accessible à tous, avec un prix au numéro qui est le moins élevé de France.

680 000

EXEMPLAIRES DE SON ÉDITION PAPIER. EN PRENANT EN COMPTE SES VERSIONS NUMÉRIQUES, LE TITRE TOUCHE CHAQUE MOIS

23 MILLIONS

DE LECTEURS.

LA PRESSE EST PARFOIS ACCUSÉE DE NE PAS OFFRIR UN REFLET FIDÈLE DE L’ÉTAT DU MONDE. AVEZ-VOUS VU CERTAINS THÈMES JUSQUE-LÀ MARGINAUX PRENDRE DAVANTAGE DE POIDS ÉDITORIAL CES DERNIÈRES ANNÉES ?

Deux thèmes ont pris une importance nouvelle. La crise des gilets jaunes a mis en évidence un véritable fossé entre une partie des citoyens et des médias accusés de porter la seule voix des puissants. Nous avons cherché à corriger cette perception en insistant davantage encore sur la notion de reportages et d’enquêtes de proximité, en couvrant davantage les questions de vie quotidienne, de pouvoir d’achat… L’autre grand sujet qui perce est celui de l’environnement et de la question climatique, devenus un angle transversal essentiel de notre projet éditorial. Nous formons petit à petit l’ensemble de nos journalistes à intégrer cette dimension au quotidien, à chaque étape de leur travail. Nous mettons à leur disposition un ensemble d’outils destinés à les y aider. Comme pour d’autres questions comme le genre ou l’égalité, nous avons également mis en place des réseaux de compétences qui réunissent les journalistes experts de tel ou tel sujet. Pour prendre l’exemple du procès des attentats du Bataclan, tous ceux qui ont couvert le sujet dans nos colonnes sont spécialisés police-justice.

COMME D’AUTRES TITRES DE LA PRESSE ÉCRITE, OUESTFRANCE S’EST TOURNÉ VERS LE NUMÉRIQUE. COMMENT VOTRE TRAVAIL EN LIGNE S’ARTICULET-IL AVEC L’ÉDITION PAPIER ?

Nous ne voulons pas opposer les supports et nous n’écrivons pas pour le papier ou pour le web, mais pour produire un contenu journalistique de qualité. C’est seulement lorsque celui-ci est prêt qu’on se pose la question du meilleur mode de diffusion. Nous avons la chance de disposer de différents desks qui traitent les événements à différents niveaux. Le premier suit l’information en temps réel et couvre l’actualité au plus près, dans une logique de web first. Quelques heures plus tard, l’information initiale est retravaillée avec l’aide des journalistes et des services spécialisés, dont le travail consiste à enrichir le regard et à amener une expertise à un contenu qui peut être mis en ligne ou dirigé vers l’édition papier, selon les cas. Les deux univers se complètent et ne s’opposent pas, aucun support ne vient cannibaliser l’autre. Même si le nombre d’abonnés web devrait à terme dépasser le nombre d’abonnés print, les deux courbes progressent d’ailleurs parallèlement.

ON DIT BEAUCOUP QUE LES JOURNALISTES SE RESSEMBLENT, SORTENT DES MÊMES ÉCOLES, PARTAGENT LES MÊMES POINTS DE VUE… COMMENT VEILLEZ-VOUS À LA DIVERSITÉ DES ÉQUIPES ?

Cette question rejoint en partie celle de l’égalité homme-femme. Ces dernières années, Ouest-France a mis en place une politique RH volontariste pour travailler sur l’égalité salariale, pour permettre à

Un Lien Abim

À en croire le baromètre La Croix relation n’est pas au beau fixe entre les médias et les Français, de moins en moins passionnés par l’actualité. En 2022, seuls 62 % des sondés lui portent encore un intérêt, soit cinq points de moins en un an. Le mouvement est encore plus prononcé chez les 18-24 ans, qui ne sont plus que 38 % à s’intéresser aux évènements qui font l’actualité, soit… 13 points de moins qu’en 2021. Au hit-parade des reproches exprimés par les sondés, c’est bien la fiabilité du travail des journalistes qui est pointée : seuls 44 % des personnes interrogées estiment que les médias fournissent des informations fiables et vérifiées et 62 % considèrent que les journalistes ne sont pas indépendants du pouvoir politique. Reste un paradoxe qui fait aussi figure de lueur d’espoir : en dépit de cette crise de confiance, les médias sont toujours considérés comme des outils importants pour le bon fonctionnement de la démocratie. 83 % des sondés disent attendre des journalistes “qu’ils pointent du doigt les fausses informations diffusées.” davantage de journalistes femmes d’accéder à des postes de management et pour arriver à davantage d’équilibre dans des rédactions qui étaient naguère encore plutôt masculines. Sur dix journalistes recrutés aujourd’hui à Ouest-France, six ou sept sont des femmes. En termes de diversité, nous cherchons à recruter des profils aussi représentatifs que possible de la société dans son ensemble. Les écoles de journalisme nous y aident d’ailleurs en recrutant des élèves sans doute différents les uns des autres que par le passé. Cela passe aussi par une forme d’internationalisation : j’ai personnellement recruté un Argentin au numérique, une Brésilienne aux réseaux sociaux…

VOTRE LECTORAT EST-IL REPRÉSENTATIF DE LA SOCIÉTÉ OU CERTAINS PROFILS SONTILS SUR-REPRÉSENTÉS ?

Le fait que 70 % des internautes qui visitent notre site web n’habitent pas dans l’ouest de la France montre que OuestFrance est devenu un acteur national de l’information. En région et sur le print, notre lectorat reste encore plutôt âgé et rural, très attaché à un journal auquel il reste souvent abonné toute sa vie. Tout le défi consiste à rajeunir ce public, ce qui passe à la fois par des contenus et par une offre d’abonnements adaptée : les plus jeunes n’ont pas toujours 35 ou 40 € à consacrer chaque mois à un média.

*Baromètre La Croix, 2022.

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