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RÉUSSIR LA DIVERSITÉ, UN DÉFI QUOTIDIEN

En 2020, Deloitte objectivait ce que beaucoup constataient déjà : la diversité est un facteur de performance. D’après l’enquête du cabinet, les entreprises engagées dans une démarche d’inclusion ont 60 % de chances supplémentaires de voir leur productivité et leurs profits s’améliorer. Mais comment passer de l’intention aux actes ? Comment faire de la diversité une réalité ? Réponse en sept points.

1 UNE MISSION COMPLEXE Âge, origine, genre, orientation sexuelle… S’emparer de la question de la diversité n’est jamais simple, explique Anne-Laure Thomas, directrice Diversités, équité et inclusion France du groupe L’Oréal. “Mon travail s’appuie sur le droit. Or, il existe en France 25 critères distincts de discriminations. Pour rester lisible, mon action se concentre sur plusieurs thématiques : l’égalité femme-homme, le handicap, les origines sociales et ethniques, l’âge, l’apparence physique et l’orientation sexuelle. Ces six axes permettent de traiter un vaste nombre de situations. Ma priorité est de travailler en lien étroit avec les RH pour qu’aucun collaborateur ne soit victime de discrimination lors de son recrutement, puis dans son quotidien et dans sa carrière.” Une évolution qui correspond à un mouvement de fond dans la société : aujourd’hui, sept Français sur dix considèrent qu’au-delà des enjeux économiques, les entreprises doivent aussi s’emparer des questions sociales.

2 LE RÔLE ESSENTIEL DE LA GOUVERNANCE

L’implication des cadres dirigeants est déterminante pour la réussite des politiques en faveur de la diversité. L’étude Deloitte donnait à cet égard un résultat en demi-teinte : en 2020, seuls 40 % des dirigeants et des DRH estimaient que la direction générale doit être le principal sponsor de la diversité et de l’inclusion. Un engagement pourtant essentiel, estime Anne-Laure Thomas : “le groupe L’Oréal est impliqué depuis vingt ans sur le sujet, le Comex l’évoque régulièrement et ses membres sont présents aux événements que nous organisons autour de la diversité. C’est une manière d’incarner une politique, d’ouvrir la voie. La tolérance zéro que nous revendiquons en matière de discrimination n’est pas seulement affichée : elle est portée au plus haut niveau. Cela crée un climat de confiance qui permet à chacun de se sentir légitime pour s’exprimer.”

Anne-Laure THOMAS, directrice Diversités, équité et inclusion France du groupe L’Oréal.

3 EMBARQUER TOUT LE MONDE, DES CADRES AUX SALARIÉS

Reste à favoriser l’appropriation par tous des questions de diversité. “Il s’agit de faire infuser la culture d’ouverture et de bienveillance au quotidien, explique Anne-Laure Thomas. Les salariés concernés étant les mieux placés pour évoquer ces sujets, nous les mobilisons pour multiplier les témoignages et les actions sur nos sites, du siège aux usines.” “La participation des salariés est essentielle, confirme Lucas Amaral Lauriano, enseignant et chercheur à l’IÉSEG. Lorsqu’ils participent à la définition des priorités et à la mise en place de mesures concrètes, ils comprennent, acceptent et s’engagent davantage.” Mais attention : l’engagement de tous passe aussi par l’implication des cadres. “Chaque collaborateur doit sentir que ses managers sont prêts à écouter ses difficultés et à s’emparer de questions ou de situations inattendues. Une réponse rapide face à un cas concret renforce l’engagement des salariés.”

4 Parier Sur La Formation

La lutte contre les clichés ou les stéréotypes qui peuvent déboucher sur des discriminations passe par un effort de formation considérable, mais nécessaire pour briser certaines idées reçues : pour prendre ce seul cas, qui sait que 80 % des handicaps sont invisibles ? Chez L’Oréal, chaque nouveau collaborateur passe une journée entière à se former aux enjeux de la diversité. Un véritable défi pour les managers, mais une étape essentielle, estime Lucas Amaral Lauriano : “La formation permet d’aligner les collaborateurs à la vision et aux valeurs portées par l’entreprise, tout en clarifiant des questions qui ne sont pas nécessairement claires pour tout le monde, comme le sens du sigle LGBTQIAP+, parfois mal connu des personnes mêmes qu’il concerne.”

5 UN EFFORT DE LONGUE HALEINE

Parmi les dangers qui guettent les entreprises engagées, l’un des plus sérieux consiste à croire que l’essentiel est acquis. “C’est un travail de longue haleine qu’il ne faut jamais lâcher”, insiste Anne-Laure Thomas en rappelant que l’égalité femme-homme en est le meilleur exemple : “la question du sexisme montre que rien n’est jamais acquis. Il y a bien sûr eu d’énormes progrès mais certains clichés demeurent.

6 MESURER LE CHEMIN ACCOMPLI

Toute politique en faveur de la diversité peut s’évaluer à travers différents indicateurs. Certains sont légalement obligatoires, comme le recensement des personnes en situation de handicap ou l’index égalité qui dresse le bilan annuel des écarts de salaire entre hommes et femmes dans les entreprises de plus de 50 salariés. D’autres peuvent être mis en place par les services RH, mais Anne-Laure Thomas propose d’aller plus loin : “pour nous assurer que L’Oréal ne pratique aucune discrimination à l’embauche, nous avons organisé plusieurs campagnes de testing en nous appuyant sur un cabinet spécialisé. Outre l’intérêt de ce regard extérieur et objectif, c’est un excellent moyen d’évoquer plusieurs critères différents.”

7 S’EMPARER DES NOUVELLES THÉMATIQUES

Avec l’évolution de la société, la notion de diversité évolue constamment. De nouvelles attentes émergent et des enjeux hier tabous s’expriment plus ouvertement. Pour les entreprises, suivre ces tendances est essentiel, explique AnneLaure Thomas : “les freins à la diversité ne touchent pas tant aux questions les plus anciennes qu’à des sujets plus neufs comme la santé mentale des jeunes ou

RETROUVEZ PLUS D’ANALYSES, PERSPECTIVES ET RECHERCHES DE CET EXPERT SUR IÉSEG INSIGHTS celle des femmes.” Certains enjeux hier peu ou mal exprimés, comme les douleurs liées à l’endométriose, se frayent un chemin dans le débat public, donc dans les entreprises. “L’accompagnement des femmes au moment de la ménopause en est un bon exemple, souligne Anne-Laure Thomas : 30 % des arrêts de travail chez les femmes de plus de 45 ans sont liées aux symptômes qui touchent une partie d’entre elles, alors que des aménagements peuvent s’imaginer.” Hier comme aujourd’hui, la diversité n’a pas fini d’évoluer. “L’idée n’est pas d’en faire trop, mais d’accompagner ceux qui en ont besoin.”

80 %

DES DRH ET DES DIRIGEANTS CONSIDÈRENT QUE LA DIVERSITÉ ET L’INCLUSION CONSTITUENT DES AVANTAGES COMPÉTITIFS (DELOITTE, 2020)

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