90 secondes pour la vie | Jerusalem Post 30.12.2015

Page 1

Santé

90 secondes pour la vie En mission avec les secouristes d'lhoud Hatzalah sur leurs motos-ambulances

Intervention d'urgence, sans frais, partout dans le pays, pour tous, sans distinction de race ni de religion. (DR/UH)

Judy Siegel-ltzkovich

I

ls sont plus de 3 000 bénévoles. Juifs, musulmans, chrétiens, druzes et bédouins. Ils travaillent sans relâche dans un but commun : sauver des vies. Parvenir auprès de tout blessé ou malade qui a besoin de secours dans les 90 secondes suivant l'appel : telle est la mission quotidienne des secouristes d'lhoud Hatzalah sur leurs motos-ambulances.

« Personne auparavant n’avait utilisé de scooter de livraison de pizzas pour sauver des vies. »

Pour rendre hommage à leur travail, le documentariste, producteur et réalisateur français, José Ainouz, a passé six mois à leurs côtés, caméra au poing. Celui qui n'entretenait jusqu'alors qu'un lien distant avec Israël confie avoir été fasciné à la fois par l'ONG et par le pays. Pendant 66 minutes, le documentaire (en anglais-français-hébreu) Les motos-ambulances de la vie tient le spectateur en haleine, plus que le meilleur film d'action. Mais il a une autre vocation. Il est destiné « non pas à ceux qui aiment ou haïssent Israël, mais à ceux qui sont plus ou moins indifférents », explique Eli Beer, fondateur et président d'lhoud Hatzalah. « Les premiers sont déjà convaincus qu'Israël est un pays merveilleux. Les seconds blâment et condamnent l'Etat juif quoi qu'il arrive. Nous


voulons toucher les autres, ceux qui ignorent ce que nous faisons. (...) Plusieurs festivals de cinéma et réseaux de télévision européens ont déjà acheté le film », confie-t-il. « Nous avons également signé un contrat avec deux salles de cinéma à New York, et nous espérons atteindre un public encore plus large. Nous voulons faire connaître nos méthodes au monde entier : un personnel d'urgentistes et d'auxiliaires médicaux qualifiés, prêts à porter secours à toute personne dans le besoin, où qu'elle soit. »

Naissance d'une idée

Indépendante, à but non lucratif, et entièrement bénévole, lhoud Hatzalah fournit la première intervention médicale d'urgence, la plus rapide, sans frais, partout en Israël. Ses services sont offerts à tous, quelles que soient la race, la religion ou l’origine du malade ou du blessé. L'engagement d'Eli Beer dans le secours médical d'urgence remonte à 1988, quand, adolescent, il assiste à un attentat à Jérusalem : un bus explose sous ses yeux. Il décide alors de suivre un stage de secourisme au Magen David Adom. Là, il fait une triste constatation : les ambulances du MDA sont très souvent retardées à cause de routes encombrées ou fermées, de décombres et de problèmes de stationnement. Alors germe l'idée d'une unité de motos-ambulances qui apporteraient les tout premiers soins. lhoud Hatzalah naît quelques années plus tard, en 2006, après la seconde guerre du Liban. Depuis, Beer consacre le plus clair de son temps à former des volontaires, dispersés aux quatre coins du pays. Président bénévole de l'organisation, il continue à se rendre sur le terrain avec sa moto-ambulance, quand il se trouve à proximité du lieu où une intervention d'urgence est nécessaire. Parallèlement, il donne des conférences auprès des organismes de santé à travers le monde. Il a récemment été l'un des intervenants vedettes à la Conférence sur la sécurité intérieure de l'Union européenne.

Motos-ambulances et GPS

La moto-ambulance contient tout le matériel nécessaire. Dans le coffre arrière est rangé un kit de secours avancé, dont la taille répond aux exigences opérationnelles uniques et aux limites de configuration du véhicule. En plus de la trousse de traumatologie complète, il y a là une

cartouche d'oxygène, un moniteur de glycémie et un défibrillateur. Tous les médicaments nécessaires sont répartis à l'intérieur du kit en petites doses, régulièrement réapprovisionné par les bénévoles. Valeur de ces motos, matériel médical, entretien et assurance compris : environ 100 000 shekels chacune. Mais sauver des vies n'a pas de prix. Chacun de ces véhicules répond à quelque 40 appels par mois, soit environ 480 appels par an, dont plus d'un quart émanent de situations critiques vitales. l'année dernière, en moyenne, plus de 650 personnes par jour ont été aidées par des bénévoles d'lhoud Hatzalah, ce qui représente un total annuel de près de 240 000 interventions. Posséder un personnel d'urgentistes bien formé, motivé, et disposant de tout l'équipement nécessaire n'a aucun sens, explique Beer, si l'on n'a pas accès à un système de géolocalisation, afin d'alerter et de guider l'intervenant sur la scène de l'incident, le plus rapidement et le plus efficacement possible. Le système Life Compass dessine un périmètre virtuel autour du cas signalé. Il alerte alors seulement les intervenants situés dans un rayon prédéterminé par rapport au lieu des secours. Lorsque le bénévole est prévenu par Life Compass, il sait qu'il se trouve à proximité d'une urgence. Le guidage GPS complet jusqu'au lieu de l'incident et les fonctions d'enregistrement assurent une réponse immédiate à chaque appel.

Efficacité et formation continue

Le film débute à Jérusalem. Dans la capitale, lhoud Hatzalah compte 450 bénévoles ; assez pour atteindre pratiquement tout blessé ou malade dans les 50 ou 60 secondes. Imaginez la scène. Un jeune homme est en train de nettoyer une carpe dans une poissonnerie. Non loin, un coiffeur actionne ses ciseaux autour de la tête d'un client. Tous deux reçoivent un appel d'urgence. Ils enfilent leur gilet d'Hatzalah et chevauchent leur moto-ambulance. « Mon équipe a sillonné le pays du nord au sud », explique José Ainouz. « Après avoir vu ce que nous avons vu, je ne pouvais pas ne pas produire ce film. Comment 3 000 bénévoles peuvent-ils faire don de leur temps dans un monde tellement égoïste ? Je voulais montrer la vérité au monde. » Un bénévole d'Hatzalah se souvient de l'époque où l'ONG n'existait pas. « Enfant, je rêvais d'être médecin. J'ai suivi un cours de secourisme au Magen David Adom et travaillé ensuite comme


ambulancier. Mais j'ai souvent vu l'ambulance arriver trop tard. Une fois, un enfant est mort alors qu'un médecin se trouvait juste à un pâté de maisons. S'il était arrivé plus vite, il aurait pu le sauver. J'ai alors pensé qu'il devait y avoir un meilleur moyen. Une autre fois, j'ai entendu des cris. Un homme avait cessé de respirer. Je n'avais pas peur, mais je ne pouvais rien faire. A part réciter des psaumes. Il a fallu 15 minutes à deux ambulances pour arriver, mais il était trop tard. L’homme était mort. » Un autre bénévole se souvient : « J'étais assis dans la boutique de mon père, dans le quartier de Bayit Vegan, à Jérusalem. Quelqu'un est venu dire qu'un homme de 70 ans, à seulement un pâté de maison, était blessé, qu'un rétroviseur lui avait tranché une artère du cou. J'ai couru vers lui, mais je n'avais aucun équipement médical. Je savais ce qu'il fallait faire, mais je n'avais que mes mains nues et pas de gants. Les gens ont appelé une ambulance. J'ai enlevé ma kippa, je l'ai pliée et l'ai pressée sur la plaie pour arrêter le sang. L'ambulance a mis 20 minutes pour arriver, mais j'avais réussi à stopper l'hémorragie. »

José Ainouz et Eli Beer. (Judy Siegel-Itzkovich)

« Mon rêve est que dans quinze ans, chaque quartier, chaque rue du pays abrite un bénévole d'Ihoud Hatzalah. »

Gitty, la femme d'Eli Beer, insiste : les secouristes, urgentistes et ambulanciers sont totalement dévoués à leur cause, toujours prêts à se lever pour répondre à une urgence, à toute heure du jour ou de la nuit, même le Chabbat et les jours de fête.

Pour pouvoir joindre les rangs de l'ONG, les secouristes doivent être âgés de plus de 21 ans, posséder un permis de conduire et avoir un casier judiciaire vierge. Ils suivent un stage de formation théorique et pratique de 160 heures. Après avoir travaillé avec un formateur pendant un certain temps, ils doivent passer des tests et faire leurs preuves avant d'être autorisés à sortir seuls sur le terrain. L’ONG met l'accent sur l'efficacité et la formation continue. Elle dispose d'une équipe d'éminents médecins qui lui fournissent des conseils médicaux. Parmi eux, le Pr Avi Rivkin, chef du service de traumatologie et de chirurgie au CHU Hadassah Ein Kerem à Jérusalem, était tellement actif qu'il a été nommé directeur médical non rémunéré.

Quand Eli Beer se rend compte des difficultés que rencontrent ses volontaires juifs quand ils tentent de se rendre à Jérusalem-Est et dans d'autres secteurs arabes, il décide de former des secouristes originaires de ces quartiers. Une branche d'Hatzalah est alors ouverte dans la partie est de la capitale. On compte également une dizaine de bénévoles druzes dans le nord du pays. En outre, plus de 40 femmes bédouines du sud ont suivi des cours de secourisme après avoir réalisé que leurs familles seraient plus en sécurité si elles apprenaient à prodiguer les premiers soins. L'ONG offre également ses services aux Palestiniens de Judée-Samarie. En cas d'urgence, ces derniers peuvent amener les patients aux portes des implantations juives pour obtenir un meilleur traitement. Si nécessaire,

Prôner l'unité


Hatzalah les transfère ensuite vers les hôpitaux de l'Autorité palestinienne. A part sauver des vies, lhoud Hatzalah a ainsi un second objectif : favoriser l'unité parmi les volontaires, prôner la solidarité et la tolérance. Sous les gilets oranges : harédim, sionistesreligieux, Loubavitch, juifs laïques, chrétiens, Druzes et Bédouins travaillent ensemble. L'organisation espère également étendre ses activités. Au cours de leurs rondes, les bénévoles rencontrent souvent des personnes âgées qui vivent seules e.t ont parfois besoin d'aide. L'ONG a donc mis en place un programme spécial pour

leur rendre visite et leur tenir compagnie. 250 bénévoles rendent aujourd'hui visite à quelque 70 personnes seules, pour la plupart des survivants de la Shoah. « Mon rêve », conclut Beer, « c'est que dans quinze ans, chaque quartier, chaque rue du pays abrite un bénévole d'lhoud Hatzalah. Nous voulons également voir les pays à travers le monde - de l’Amérique à l'Afrique - copier notre exemple. Quels qu'ils soient, nos bénévoles ne souhaitent qu'une seule chose : voir les blessés et les malades ouvrir les yeux. Nous voulons qu'ils vivent. »

JERUSALEM POST ÉDITION FRANÇAISE 30 décembre 2015


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.