utopie du je

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Directeur de recherche: Thierry Moré

MÉMOIRE - DNSEP 2013 COMMUNICATION éditions-médiatisation EESAB site de Rennes



«

Si je n'existais pas, toi tu n'existerais pas puisque moi c'est toi avec ce besoin que tu as de moi.

»

«

L'espace qu'il y a entre deux êtres [...] ”Une véritable transcendance” qui est dans l'entre-deux, qui permet la relation.

»

françois Cheng, cinq méditations sur la beauté, albin michel, 2008

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En tant qu’individu je m’interroge sur les liens que j’entretiens avec les autres. Cette interrogation est commune à presque tous les individus. Parler d’individu, est pour moi un prétexte pour parler des liens. Lorsque j’observe des individus, je vois une distance entre eux. Cet espace est ce qui les relie et les unit mais c’est aussi ce qui les éloigne ou les rapproche. L’espace entre des personnes est visible si l’on montre ces personnes. Cependant, si on les ôte, cet espace n’existe plus. Je m’intéresse aux relations humaines, à l’espace, aux liens... entre les individus. Je questionne graphiquement ces liens et ces espaces. Je transfère cette question sur l’espace d’une page. Je trace en noir les liens, je délimite l’espace entre des individus par des formes géométriques. J’utilise mots et dessins, j’use de la sensibilité de mon trait pour parler de liens et d’espace.

Parfois je vais parler de l’individu seul, de l’identité de l’individu, de l’espace entre individus, de l’individu avec les autres. D’autres fois, je vais parler des autres, du groupe, de l’espace du groupe. Mais je vais aussi parler de relation, de liaison, d’espace et de distance, de dépendance et d’interdépendance. Alors je vais parler de construction, de rhizomes, de cartographie, de volumes, de moyens plastiques, de points et de traits, de silhouettes et de maisons... Toujours pour questionner ces liens espaces ou espaces liens.

Je pose alors une question à partir de mots que j’utilise fréquemment dans mon travail, l’individu, le groupe, la relation : Un individu peut-il être défini séparément des autres, de sa relation aux autres ? 7



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Antonyme de "individu"

Armée

Genre

Collection

Groupe

Collectivité

Masse

Colonie

Nation

Espèce

Peuple

Essaim

Population

Foule

Société


Pour parler de l'individu, j'ai besoin de le définir.

Individu en tant qu’être ayant une existence propre est tout être concret, donné dans l’expérience, possédant une unité de caractères et formant un tout reconnaissable. En particulier individu est chaque être appartenant à l’espèce humaine. Mais plus couramment, l'individu est un être, une personne, mais il est aussi un homme anonyme, indéterminé. L'individu en tant qu’être vivant au sein d’une société est chaque unité d’une colonie, d’une société. En particulier, l'individu est l’être humain considéré isolément dans la collectivité, de la communauté dont il fait partie. Définition extraite du centre national de ressources textuelles et lexicales, http://www.cnrtl.fr

Synonymes dE "individu"

Homme

Mec

Énergumène

Individualité

Personne

Phénomène

Particulier

Humain

Type

Âme

Moi

Exemplaire

Citoyen

Être

Habitant

Créature

Quidam

Sieur

Gars

Échantillon

Personnage

Tête

Corps

Bonhomme

Unité

Spécimen 13


« […] Que la Nature a distribué les mesures d Quatre doigts font une paume, et quatre paum quatre coudes font la hauteur d’un homme. E quatre paumes font un homme ; et il a utilisé ouvrez les jambes de façon à abaisser votre h vos bras de façon que le bout de vos doigts s devez savoir que le centre de vos membres ét vos jambes sera un triangle équilatéral. La long à sa hauteur. Depuis la racine des cheveux jus hauteur d’un homme. Depuis le bas du ment Depuis le haut de la poitrine jusqu’au somme poitrine jusqu’à la racine de cheveux, un septiè tête, un quart de la hauteur de l’homme. La p dans le quart d’un homme. Depuis le coude j coude jusqu’à l'aisselle, un huitième. La main c des parties génitales est au milieu. Le pied es du pied jusqu’en dessous du genou, un quart début des parties génitales, un quart de l’hom des racines des cheveux aux sourcils est la mê Vitruve, dans son ouvrage De l’Architectura.


du corps humain comme ceci. mes font un pied, six paumes font un coude : Et quatre coudes font un double pas, et vingté ces mesures dans ses constructions. Si vous hauteur d’un quatorzième, et si vous étendez soit au niveau du sommet de votre tête, vous tendus sera au nombril, et que l’espace entre gueur des bras étendus d’un homme est égale squ’au bas du menton, il y a un dixième de la ton jusqu’au sommet de la tête, un huitième. et de la tête, un sixième ; depuis le haut de la ème. Depuis les tétons jusqu’au sommet de la plus grande largeur des épaules est contenue jusqu’au bout de la main, un quart. Depuis le complète est un dixième de l’homme. Le début st un septième de l’homme. Depuis la plante t de l’homme. Depuis sous le genou jusqu’au mme. La distance du bas du menton au nez, et ême, ainsi que l’oreille : un tiers du visage. » 15


Dessin à la plume réalisé par Léonard de Vinci, intitulé Étude des proportions du corps humain selon Vitruve aux alentours de 1492.


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Léonard de Vinci donne sa définition, son interprétation plastique de l'individu par rapport à l'étude de Vitruve, architecte romain du 1er siècle avant J. C. Comme lui, je m’intéresse à l’apparence de l’individu. Je pense qu’un individu est d’abord visible par sa forme, donc reconnaissable en tant que tel. Sa forme, son enveloppe, son apparence le constituent. Cette apparence est presque la même pour tous les individus. Mais ma vision de l’individu diffère, à partir du moment où je le représente sans visage, sans distinction par rapport aux autres, sans espace délimité par son corps. Je parle d’un individu vu par l’autre, je suis l’autre qui parle de l’individu.


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Lorsque je parle de l’individu au sein d’un groupe, l'individu ressemble aux autres. Cependant, il est différent d'eux, cette dissemblance est visible par une comparaison entre des individus. Ses différences permettent de définir des similitudes, d'installer une frontière, de tracer un espace. La comparaison révèle une individualité, elle montre un "je" et un "tu", qui font parti d'un tout, d'un groupe ou d'un ensemble.

Je pense que mesurer sa valeur au sein d’un groupe permet à l’individu inconscient de prendre conscience de luimême dans un groupe. L'individu passe de l’inconscience de lui-même à la conscience de son existence par la construction de ses rapports avec les autres. Chaque individu a ce besoin inconscient de révéler sa valeur dans le groupe. Il s’agit de prendre conscience d’un "je" dans un "nous".

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Je choisis de représenter l'individu parfois par un point, d'autres fois par une silhouette et le symbolise aussi par une maison. Le point révèle pour moi un individu sans personnalité, sans distinction particulière, approprié lorsque j'évoque l'altérité de l'individu. D'après le dictionnaire Larousse édition 2009, le point est un Élément d'espace, de dimension très réduite, qui est ou qui peut être figuré par l'intersection de deux droites : par deux points distincts ne peut passer qu'une seule droite. Lorsque je dessine ce point, j’instaure une distance avec le sujet, je vais parler donc de l'individu lointain.


Mais quand je dessine une silhouette, il s'agit de l'individu proche, celui qu'on peut distinguer par sa forme, celle de son corps. Selon le dictionnaire Larousse édition 2009, une silhouette est un dessin au trait dont les contours sont schématiques ou stylisés. La silhouette est aussi une forme générale d'un être ou d'une chose aux contours vagues. Cependant, si je considère que l'identité de l'individu passe par le visage, je ne la révèle pas ; elle demeure cachée. Il faudra s'approcher d'avantage pour l’apercevoir... D'autre part, Je transpose l'individu par une maison ; sa symbolisation apparaît comme une évidente dans mon travail. Pour moi, elle cache l'individu, lui donne une dimension spatiale.

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La maison est une Habitation de l'homme.

Définition extraite du centre national de ressources textuelles et lexicales, http://www.cnrtl.fr

La maison est l'habitation de l'homme, mais je ne m'intéresse qu'à sa métaphore. Selon le dictionnaire des symboles la maison est la transposition du corps abritant l'âme, elle est l'enveloppe extérieure, l'allégorie de la personne.

Synonyme de "maison" habitation

logement

pénates

asile

abri

nid

taudis

établissement

demeure

gîte

race

résidence

foyer

domicile

origine

réduit

logis

baraque

immeuble

retraite

cabane

bicoque

lignée

pavillon

toit

château

cahute

palais

famille

home

bâtiment

maisonnette


«

La façon dont tu es et dont je suis, la manière dont nous autres humains sommes sur terre est l’habitation. Être humain veut dire: être sur terre comme mortel, c’est-à-dire: habiter

»

M. Heidegger, Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1958, p. 173

hutte

suite

entreprise

chalet

domestique

villa

institution

chez-soi

case

lieu

maisonnée

construction

boîte

intérieur

monde

descendance

bercail

gens

prison

dynastie

ménage

appartement

édifice

firme

naissance

bâtisse

habitacle

institut

propriété

domesticité

ferme

manoir 29



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Je m'intéresse alors à l'une des premières gravures de Louise Bourgeois, "Femme maison". Ses dessins renvoient d’abord au philosophe Gaston Gachelard affirmant que « la maison est corps et âme ». Mais pour Marie-Laure Bernadac, critique d’art, ses maisons sont un mélange d’architecture et de chair. « Et puis pour elle, la maison était quelque chose de féminin. Elle appartenait à la femme, pas à l’homme » complète Jacques-Louis Binet. « Son travail sur les maisons aboutit aux cellules; des cages qui reconstituent des pièces d’une maison, des moments de vie.

Louise Bourgeois, Femme Maison, marbre blanc, 12 x 24,5 x 7,6 cm, 1994


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Elle peut alors provoquer le repli sur soi-même. Toutefois, pour moi, l'individu est relié aux autres par des liens que je révèle. 35



«

L'individu n'est qu'un processus, un processus dynamique, ouvert où le social et l'individuel sont intimement imbriqués dans des configurations complexes.

»

Norbert elia, l'invention de soi, j.L. Kaufmann, 2004

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«

Le "je" de l'autobiographie n'est personne sans un "tu".

»

Siri Hustvedt, la femme qui tremble, actes sud, 2010

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"Je me souviens", cinq exemplaires, 2009

"Mémoire d'autres", vingt exemplaires, 2009

"[Passages]", exemplaire unique mine de plomb, 2010

"Main droite main gauche", trois exemplaires, 2011

"Écrits de contrarié", deux exemplaires, 2011


Les années passées, j'ai questionné la notion de groupe, de famille, orienté vers l'autobiographie, inspiré par Georges Perec. J'abordais alors les thèmes de la mémoire, de la perception d'une limite ou d'une frontière, puis de la comparaison entre individus, toujours sous forme d'un aller et retour, de moi vers les autres.

"Je me souviens" et "Mémoire d'autres", sont deux projets d'édition qui mettent en relation mes souvenirs et ceux des membres de ma famille.

"Interaction", est une vidéointervention qui amenait le spectateur à se questionner sur sa position dans le groupe filmé.

"[Passages]", est une série d'édition qui introduit la notion de frontière, elle symbolise un espace, un passage entre des personnes.

"Main droite main gauche" et "Écrits de contrarié", sont deux éditions qui mettent en valeur un point commun entre un individu et un autre, la relation entre mon père et moi. 43


Mais ce va et vient, m'amène à m’intéresser à la relation-espace ou à l'espace-relation entre des individus. Je fais alors un rapprochement entre les autres et moi.

Désormais, je vais parler d'une généralité du groupe, d'un aller et retour qui va de l'individu vers les autres et non de moi comme point central vers les autres. Je ne vais plus raconter mes histoires, ni m’inclure dans ce que je produis, je vais m'intéresser seulement aux liens entre individus dans un groupe.


«

Je pense que l'autobiographie est impossible. Je pense qu'on ne peut parler que de ce que l'autre sait […]. En d'autres termes, celui qui écrit une autobiographie ne parle jamais de soi mais de chacun qui la lit. Proust n'existe pas. Il est seulement notre miroir. Il est nous. Il n'est pas lui. Je ne sais pas si c'est vrai, mais je pense qu'on ne peut jamais dire quelque chose qui soit personnel. On ne peut imaginer qu'une chose collective.

»

Dominique Radrizzani, Le Dessin impossible de Boltanski, Buchet chastel, les cahiers dessinés, 2010

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Pour parler du groupe, j'ai besoin de le définir.

Le groupe est un ensemble d'êtres animés ou de choses rapprochés, formant un tout, c'est aussi un ensemble de personnes réunies au même endroit. C'est également un ensemble de personnes ayant des traits, des buts, des intérêts communs. On peut dire groupe familial, humain, national, naturel, professionnel, social; groupe d'étude, de travail; groupe de tête, de queue; groupe d'intérêt(s); membres d'un groupe; appartenir à un groupe; faire partie d'un groupe; médecine, psychothérapie de groupe; répartir des élèves en groupes de niveau.

SYNONYMES DE "GROUPE" RÉUNION

MASSE

CLIQUE

PELOTON

CLAN

TRIBU

CELLULE

ESCOUADE

SOCIÉTÉ

UNITÉ

SORTE

COLLECTIF

TROUPE

AMAS

RACE

COLLECTIVITÉ

ASSOCIATION

CLASSE

COLLECTION

COMITÉ

ASSEMBLAGE

ÉQUIPE

ASSEMBLÉE

PEUPLADE

BANDE

GROUPEMENT

NATION

PHRATRIE

COLONIE

ESSAIM

ATTROUPEMENT

RÉGIMENT

FAMILLE

DIVISION

CLUB

GRUPPETTO

ENSEMBLE

COMMUNAUTÉ

COHORTE

ESCADRON

BLOC

BATAILLON

ESPÈCE

ESCADRILLE

COMPAGNIE

SECTE

GANG

CONSTELLATION

CERCLE

PAQUET

NOYAU

CONFRÉRIE


Pour moi, le groupe est constitué de plusieurs individus ; dans celui-ci, chacun est un autre. Donc le groupe est un ensemble d’autres.

"Autre" permet de distinguer, de différencier, par rapport à une première partie ou point de référence, une ou plusieurs personnes, à l'intérieur d'une seconde partie. "Autre" désigne une personne qui est contraire au même Définition extraite du centre national de ressources textuelles et lexicales.

«

... Autrui, c'est l'autre, c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi...

»

Sartre, L'Être et le Néant,1943, p. 285

SYNONYMES DE "AUTRE"

ANTONYME DE AUTRE

DIFFÉRENT

DEUXIÈME

DISSEMBLABLE

SUPPLÉMENTAIRE

SECOND

RESTE

SÉPARÉ

RESTANT

SUIVANT

INCOMPATIBLE

IDENTIQUE

PROCHAIN

CHANGÉ

MÊME

OPPOSÉ

AUTRUI

PAREIL

NOUVEAU

ALTER EGO

SEMBLABLE

DISTINCT

ÉTRANGER

TEL

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«

Toute communauté, pour s'affirmer, aime à restreindre son accès à ses seuls membres ; fermée à ceux qui ne possèdent pas ses conventions, elle ne se livre qu'à ses initiés. Ainsi se créent les argots de groupe, les élisions du parler des lycéens ou des grandes écoles.

»

Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 118

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Après avoir défini "autre", je peux dire que "les autres" est un ensemble complexe d'individus, différents entre eux. Chacun est différent des autres. "Les autres" est une expression paradoxale qui désigne un ensemble d'individualités. L'individualité est un caractère ou un ensemble de caractères qui constituent la particularité de quelqu'un, c'est ce qui caractérise sa différence aux autres.

Cette expression traduit elle une exclusion ?

Pour moi, "les autres" est un cadre d'individualités, de relations humaines. En nommant les autres, je définis un espace, une frontière qui clos ce groupe. Comme si je traçais une ligne autour. Je vais alors me pencher sur les relations présentent dans cet espace. Lorsque je parle de relations humaines, il est question d'appartenance et de frontières. La frontière apporte une notion de limite dans l'espace des relations. Ainsi, je considère que chaque individu dans un groupe se pose des questions :

Ces questions, mettent en avant la dépendance qu'un individu peut avoir avec les autres. Je représente un individu relié aux autres par des traits. Si je ne dessine pas ces trait, les individus se retrouvent seuls, chacun de leur coté, alors le groupe n'a plus lieu d'être.


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Par comparaison et par dépendance donc, chaque membre interagit avec les autres en fonction de son individualité et de celle des autres. Faire en fonction de..., met en place un équilibre fragile et parfois précaire. Mais les individus qui composent un groupe ont des affinités, des points de ressemblance... Je me penche sur ces points ; mis en avant ils stimulent le groupe et le font fonctionner. Le fonctionnement d'un groupe reposerait alors seulement sur ces points communs ? La mise en valeur de ces points peut donner au groupe une identité et le différencier d'un autre. Mais je ne m'intéresse pas à l'identité du groupe, je questionne l'espace, le lien entre des personnes au sein d'un groupe. Je relie une personne aux autres. Je dessine donc plusieurs individus ensemble et je montre l'espace-relation entre eux. Les individus que je révèle sont des éléments dispersés et souvent reliés dans le blanc de la page. Ils sont des points, des croix, des maisons, des silhouettes, des créatures humaines, chacun étant lié l'un à l'autre. Les points vu de très loin ; Les croix sont l'ensemble vu de loin ; Les maisons sont l'ensemble vu de moins loin, informant sur l'espace de chacun dans l'espace commun ; Les silhouettes sont l'ensemble vu de plus près, annonçant que des individus le composent ; Les créatures humaines (hybridation humaine), sont l'ensemble vu de très près, où les silhouettes se mêlent pour former un tout, pour réduire l'espace qui pouvait exister entre des individus. Par conséquent, Montrer le groupe et ceux qui le composent me permet de mettre en avant la relation.

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La relation entre deux ou plusieurs choses, deux ou plusieurs individus est un rapport, une liaison qui existe, qui est conçu comme existant entre deux choses, deux grandeurs, deux phénomènes. Cependant, la relation est aussi un rapport qui lie des personnes entre elles, en particulier c'est un lien de dépendance, d'interdépendance ou d'influence réciproque. Définition extraite du centre national de ressources textuelles et lexicales, http://www.cnrtl.fr

Je considère et matérialise la relation comme un espace, elle est un lien impliquant une interdépendance entre des individus, une interaction avec un milieu. Ce milieu est un espace qui peut paraître vide, mais qui est pour moi rempli de lignes, tendues entre un individu et ses destinataires.

Les individus sont la racine, l'origine de la relation ; sans eux, il ne peut y avoir de groupe. C'est pourquoi, je m'intéresse aux représentions graphiques de réseaux telles que le rhizome et la carte. Je me sers de ces images, ancrées dans un imaginaire collectif pour servir mon propos.


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« Les caractères principaux d’un rhizome : à la

différence des arbres ou de leurs racines, le rhizome connecte un point quelconque avec un autre point quelconque, et chacun de ses traits ne renvoie pas nécessairement à des traits de même nature, il met en jeu des régimes de signes très différents et même des états de non-signes. Le rhizome ne se laisse ramener ni à l’Un ni au multiple. Il n’est pas l’Un qui devient deux, ni même qui deviendrait directement trois, quatre ou cinq, etc. Il n’est pas un multiple qui dérive de l’Un, ni auquel l’Un s’ajouterait (n + 1). Il n’est pas fait d’unités, mais de dimensions, ou plutôt de directions mouvantes. Il n’a pas de commencement ni de fin, mais toujours un milieu, par lequel il pousse et déborde. [...] À l’opposé du graphisme, du dessin ou de la photo, le rhizome se rapporte à une carte qui doit être produite, construite, toujours démontable, connectable, renversable, modifiable, à entrées et sorties multiples, avec ses lignes de fuite. Ce sont les calques qu’il faut reporter sur les cartes et non l’inverse.

»

Extrait de « Rhizome », titre de l’introduction du livre de Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, Capitalisme et schizophrénie 2, paru aux Éditions de Minuit en 1980, p. 30 et 31

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Ce dessin fait référence à un passage dans L'Odyssée d'Homer, Éditeur école des loisirs, 1987 « Car Personne est mon nom, Personne, ainsi que m'appellent et ma mère et mon père et tous mes compagnons d'armes. » Chaque personne est à la fois un individu défini par sa conscience et un vide, une non-identité un fantôme, une altérité


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Les espaces tracés par l'homme, sont pour moi une illustration des réseaux sociaux ; si l'on regarde une carte, on peut voir les routes qui entrent et sortent d'une ville pour aller vers d'autres villes. Ces lignes font le lien entre les individus, elles permettent la mobilité et l'échange. Comme un pont, il faut deux rives pour un échange, pour que se fasse l'équilibre. Comme pour une toile d'araignée, il faut des éléments auxquels se rattacher pour pouvoir la construire.


«

l'expérience voire la production d'une intimité territoriale nécessite en revanche une redistribution permanente du rapport privé/public avec son corrélat intérieur/extérieur, qui renvoie à la structure du corps propre. D'où l'importance des effets de seuil et plus généralement d'une pensée liminaire, qui ne doit pas être réduite à des jeux de frontières. Quand elle produit ses effets de seuil, l'image n'est plus seulement une représentation, elle cesse de fonctionner au service d'une volonté exclusive, elle devient active pour l'être humain comme le plan naturel d'uexküll l'est pour l’araignée qui tisse sa toile.

»

Jean françois chevrier, des territoires, l'arachnéen, paris 2011.

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Je vois donc la relation comme un interstice entre des personnes. En revanche, l'espace entre eux est visible uniquement par leur présence ; si l'on les ôte, la relation n'existe plus. C'est pourquoi, je me préoccupe parfois des individus, d'autres fois du groupe, le plus souvent pour ne montrer que le lien, l'espace entre eux. Je montre ainsi la relation comme une abstraction, j'efface les individus, leurs identités, leurs formes, au profit des liens et de leur construction. L'image du groupe devient un espace de lignes.

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Dans mon travail, J'efface les individualités pour ne révéler que les liens. Alors, si on coupe les liens, pourrait-on dire qu'il s'agit de séparer des personnes les unes des autres, de les renfermer sur eux-même ? Pourrait-on dire que c'est individualiser des personnes que de les séparer ? Individualiser c'est distinguer, mais qu'est ce que distinguer ?


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Distinguer, c'est aboutir à découvrir ou à déterminer ce qui rend différents des êtres ou des choses de même niveau ou de même environnement. Mais c'est aussi mettre à part par un trait de singularité, de supériorité. C 'est donc mettre (quelqu'un) à part des autres personnes, de manière à le valoriser ou le dévaloriser à leurs yeux et le traiter avec des égards particuliers, généralement en vue d'une fin définie. Définition extraite du centre national de ressources textuelles et lexicales, disponible sur internet, http://www.cnrtl.fr

Synonymes dE "distinguer" séparer

isoler

caractériser

dissocier

honorer

discerner

entendre

apercevoir

discriminer

entrevoir

voir

dégager

analyser

choisir

délimiter

reconnaître

débrouiller

éclaircir

préciser

distribuer

démêler

différencier

sélectionner

prédestiner

disjoindre

découvrir

percevoir

saisir

retrouver

cribler

classer

juger

remarquer

récompenser

aviser

trier

individualiser

préférer

singulariser

spécifier

Distinguer est mettre à part ou se mettre à part des autres ? Cette mise à part est-elle la conséquence d'un besoin ? Dans ce cas là, pourquoi aurait-on besoin de se mettre à part des autres, du groupe ? Qu'entraînerait alors cette rupture ? 81



«

Au commencement est la relation. […] Toute vie véritable est rencontre. » « […] la personne humaine apparaît lorsqu'elle entre en relation avec d'autres personnes [...] et la personne s'efface quand cette relation disparaît.

»

Martin Buber, Je et Tu, Éditions Aubier, 1992

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Je ne prétends pas avoir de réponse, Je pose seulement des questions, je m'interroge, j'interroge les liens. Malgré l'aspect analytique de mon travail, je ne suis pas une sociologue ni une philosophe ni une psychologue, je suis une dessinatrice chercheuse. Je définis des termes que je m'approprie, je me constitue un champs lexicale et un langage plastique. Je pense que ce que je produis est une pensée positive qui montre du négatif. Je parle des individus seuls, sans liens, pour montrer la dépendance qu'ils ont aux liens, l'attachement qu'ils ont avec les autres.

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«

[…] Dans un système capitaliste, l'espace social est contrainte et aliénation pour les individus et les groupes [...] mais la prise de conscience des conditionnement […] permettent d'accéder à un premier stade de libération [...]

»

Chombart de Lawe, de l'espace corporel à l'espace écologique, presse universitaire de France, 1974

«

Peu de tragédies sont plus grave que de ne pas permettre à la vie de s'épanouir, peu d'injustices sont plus profondes que de réduire à néant les occasions de se développer ou même d'espérer à cause de limites imposées par d'autres.

»

Sur les épaules de Darwin, Le liens qui nous rattache aux autres, émission animée par Jean Claude Ameisen, diffusée sur France Inter

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LIVRES Dagen Philippe, De Mémoires, édition Hazan, paris / le Fresnoy, Tourcoing, 2003 Anzieu Didier, le moi-peau et la psychanalyse des limites, éditions Érès, 2009 T. Hall Edward, La Dimension cachée, édition du Seuil, 1971 Chombart de Lawe, de l’espace corporel à l’espace écologique, presses universitaires de France, 1974. Berne Eric, Des jeux et des hommes, éditions Stock, 2011 Ungander Johan, kater Brian, Backstrom Lars, Marlow Cameron, Four degrees of separation, Cornell University library archives, 2011 Forsé Michel, Daguenne Alain, les réseaux sociaux d’aujourd’hui, Armand Collin, collection « U », 2004 S. Milgram, the Small world problem, psychology today, 1967 D. Laing Ronald, Nœuds, éditions Stock, 1977 Chevrier Jean- François, Des Territoires, éditions L’Arachnéen, 2011 Kaufmann Jean Claude, L’invention de soi, Arman Colin/Seyer, 2004 Augé Marc, Pour une anthropologie de la mobilité, Éditions Payot & Rivages, 2012 Augé Marc, Les Formes de l’oubli, Éditions Payot & Rivages, 2001 Perec Georges, Espèces d’espaces, Galilée collection espace critique, octobre 2000 Didi- Hubermann Georges, L’Homme qui marchait dans la couleur, Les éditions de minuit, 2011 Didi- Hubermann Georges, L’Expérience des images, Ina éditions, 2011 Streker Marc, Du Dessein au dessin, La lettre volée, 2007 Radrizzani Domique, Le Dessin impossible de Christian Boltanski, Cahiers dessinés, 2010 Mréjen Valérie, L’agrume, édition Alia, 2007 Billet Julia, Salle des pas perdus, médium, 2007 Freud Sigmund, L’Inquiétante étrangeté et autres essais, Folio essais, 1985 Anne-marie Garat, Photos de familles, Actes sud littérature, mai 2011

DICTIONNAIRES Dictionnaire des symboles, Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres, Alain Gheerbrant (Auteur), Jean Chevalier (Auteur), (broché), édité par Robert Laffont, décembre 1997 Dictionnaire hachette édition 2012 Centre national de ressources textuelles et lexicales, disponible sur internet, http://www.cnrtl.fr


ÉMISSIONS DE RADIO Sur les épaules de Darwin, Le liens qui nous rattache aux autres, émission animée par Ameisen Jean Claude, diffusée sur France Inter, du 3 Novembre 2012 au 15 décembre 2012, tous les samedi 11h, durée 1 heure Partir avec..., Anne Ancelin – Schützenberger, émission animée par Marie-Pierre Planchon, diffusée sur France inter, 26 septembre 2011, 00h00, durée 1 heure Carrefour des arts, L’oeuvre ultime de louise bourgeois : de la femme maison à son identification à eugénie grandet, émission animée par Jacques-Louis Binet (correspondant de l’académie des beaux-arts), une émission de la rédaction de canal académie, 25 août 2011, durée 1 heure

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Christian Boltanski, L'Ecole de la Grosse Hamburger Strabe, en 1938


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Imprimé en février 2013




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