Extrait de "Kiss & Cry"

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Thomas Gunzig

KISS CRY

un spectacle de Michèle Anne De Mey, Jaco Van Dormael & collectif

LES I M P R E S S I O N S N O U V E L L E S



extrait


« TRAVERSES » Littératures d’aujourd’hui Romans, récits, fragments ou poèmes, les livres de la collection « Traverses» poursuivent résolument l’exploration des chemins les moins balisés. Les Impressions Nouvelles parient ainsi sur un renouveau qui est à la base de leur projet éditorial. Mais ce renouveau est moins une question d’innovation à tout prix que de qualité littéraire, et celle-ci est à ré-inventer sans cesse.

Cet ouvrage est publié avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles Tous nos remerciements à Anne Lenoir (Wallonie-Bruxelles International) et au photographe Maarten Vanden Abeele

Couverture : photo © Maarten Vanden Abeele graphisme © Martine Gillet Mises en pages : Mélanie Dufour

© Les Impressions Nouvelles – 2012 www.lesimpressionsnouvelles.com info@lesimpressionsnouvelles.com


Thomas Gunzig

Kiss & cry Un spectacle de Michèle Anne De Mey et Jaco Van Dormael, en création collective avec Grégory Grosjean, Thomas Gunzig, Julien Lambert, Sylvie Olivé et Nicolas Olivier

LES IMPRESSIONS NOUVELLES



Kiss & Cry par Michèle Anne De Mey

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ous étions trois, puis quatre, puis cinq, puis six… Jaco, Grégory, Michèle Anne, puis Thomas, puis Nicolas, puis Sylvie. Il y avait des jouets, du sable, de la terre… des maisons de poupées, des coquillages… des plexiglass, des miroirs… des trains électriques… Il y avait une caméra, des lampes de poche, des guirlandes de Noël… Il y avait des mains dansantes. Il y avait un grenier rempli de bric-à-brac récolté à droite et à gauche. Les jouets des enfants qui ont grandi, des matières, des tissus précieux… Un magasin de merveilles. Et puis des tables, un écran, une caméra. Nous étions trois, puis quatre, puis cinq, puis six. Et on se donnait rendez-vous là, dans ce grenier. À quatre ou cinq ou six. Et on jouait… On laissait le jeu et l’imaginaire prendre le dessus. Tantôt les mains devenaient des poissons dans un aquarium, tantôt des mondes à l’envers s’ébauchaient. Tantôt des scénarios de poursuites dans le désert, et parfois des textes de Thomas arrivaient, on s’en inspirait. Nous étions trois, puis quatre, puis cinq, puis six… 5


Nous avons joué, nous avons dansé, nous avons filmé sur des tables… Dans un grenier, beaucoup de petits mondes sont nés… Ébauche de travail vers un spectacle en devenir. Plus tard, nous voilà sept, huit, neuf, dix… Julien l’image, Bruno, Aurélie, etc. Et pour réaliser un spectacle à partir de la mémoire, et riche de cette recherche faite dans le grenier, chacun a écrit et créé – un scénario, un texte, une chorégraphie de mains, des décors et maquettes, des lumières et dispositifs scéniques, une bande-son… Comme les cinq doigts de la main, nos écritures se sont mélangées pour ne faire plus qu’un : un « spectacle ». Le 20 mars 2012 à Mons, Kiss & Cry est présenté pour la première fois au public. Kiss & Cry a la particularité d’être un spectacle atypique. Parce que le spectateur assiste à la création en direct d’un long métrage. Parce que les personnages principaux sont des mains dansantes. Parce que les mots et le texte de Thomas résonnent en nous comme une musique et un air que nous connaissons et qui nous parlent, juste pas comme d’habitude. C’est cela que je ressens quand je danse et joue Kiss & Cry, et j’avoue que c’est ma plus belle expérience de création collective. Merci à tous et toutes ! Michèle Anne De Mey 6


Kiss & Cry par Jaco Van Dormael

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iss & Cry est un spectacle fait de danse, de mots, d’images éphémères, de bouts d’histoires, de bribes de sensations fugitives, de bricà-brac… c’est un chemin de traverse trouvé par une bande de gens de tous bords. C’était une expérience à vivre avant d’être un spectacle. Une expérience où tout le monde apportait de l’eau au moulin, un collectif où l’acteur construit des décors, où la scénographe apporte des idées au scénario, où le caméraman se mêle de chorégraphie, où l’écrivain fait tomber la neige sur les maquettes… C’était un joyeux tohu-bohu à vivre – et un fameux bordel à organiser. Le défi du spectacle était de faire du grand avec du tout petit : comment ne danser qu’avec les mains, comment réaliser un film sur la table de la cuisine, comment employer les mots pour qu’ils ne fassent qu’évoquer. C’est une expérience où la danse, le cinéma, la scène, le texte sont indissociables, où l’un n’existe pas sans l’autre. Dans ce livre, pourtant, vous pourrez lire le texte de Thomas sans les images, ni la danse, ni les musiques. Il existe à sa manière, autrement. Et il est beau. Le texte de Thomas a ceci de magique qu’il a poussé un peu comme la maison du Facteur Cheval, en tous sens, sans architecte, au fil des mois, en contrepoint de 7


nos délires collectifs. Puis il est devenu la ligne pointillée qui structure une histoire – la plus simple possible. Le texte de Thomas a ceci de magique qu’il s’adresse aux sensations plus qu’à la compréhension. Ce sont des mots qui ont des odeurs, du goût, de la couleur, de la musique. Tristes et drôles comme le puzzle aux pièces manquantes de la mémoire. Jaco Van Dormael

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Kiss & Cry par Thomas Gunzig

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uand Jaco et Michèle Anne m’ont demandé de participer au projet Kiss & Cry, j’avais déjà eu l’occasion de voir un échantillon de quelques minutes, une petite danse de doigts effectuée par Michèle Anne et Grégory sur une vieille table et filmée par Jaco. J’avais trouvé ça joli, j’avais trouvé ça nouveau, et puis l’idée de travailler avec eux me plaisait beaucoup. J’avais accepté. Et puis, il y a eu une longue période un peu effrayante pendant laquelle personne ne savait très bien ce qu’on pouvait faire d’autre avec des doigts que de danser sur des tables. C’était chouette pendant quelque minutes, mais sur la longueur il allait falloir trouver autre chose. Je me souviens de longues soirées durant lesquelles Jaco montrait des petites voitures de la taille d’un doigt ou un hélicoptère téléguidé. Michèle Anne avait ressorti les boîtes de Playmobil des enfants ou une vieille paire de gants ou de la peinture à paillette. On buvait du bon vin ; à un moment, on ne savait plus trop ce qu’on avait dit ou ce qu’on avait fait. Tout ce qu’on savait, c’est qu’on allait se voir le lendemain pour continuer à jouer à ça : trouver des objets amusants, mélanger des matières, 9


faire des expériences comme des enfants qu’on aurait laissés libres dans un immense magasin de jouets. Après quelque temps, le laboratoire était devenu si grand qu’il avait fallu le déménager dans les greniers d’un théâtre. J’y allais parfois, on m’avait aménagé une petite pièce vide, calme et surchauffée, exactement comme j’aime, et j’y passais de longues heures à faire des bouts de textes qui semblaient pouvoir coller avec ce qui se fabriquait de l’autre côté des murs. Quand je n’y allais pas, Jaco m’appelait le soir, il me racontait des histoires de boîtes qui tournaient, de lait dans l’eau, de patinage artistique, et moi je l’écoutais et je fabriquais d’autres bouts de phrases. Le jour de la première approchait. Il y avait du matériel partout et dans tout les sens : des trains électriques, des petites ampoules colorées, des personnages Märklin, des arrosoirs, des ventilateurs, des plaques en verre translucide, des morceaux de plastique bleu, et Jaco m’avait demandé si, avec tous ces bouts de phrases, j’avais une histoire. Évidemment, je n’en n’avais pas. Pas vraiment en tout cas. Après ça, Jaco m’avait fait une série de photos avec toutes les expériences qu’ils avaient réalisées pendant plusieurs mois ; ça faisait une grosse pile de photos. Il m’avait dit que comme ça j’allais certainement trouver quelque chose, j’étais rentré chez moi, j’avais étalé tout ça par terre, il n’y avait là dedans rien qui ressemblait à une trame narrative, c’était une série de magnifiques instantanés sans lien de cause à effet.

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J’avais passé quelques jours très tenté par le désespoir et puis, je ne sais plus du tout comment, je m’étais dit que toutes ces scènes, toutes ces images qui s’étalaient en désordre sur le sol de mon bureau, c’était exactement comme la mémoire de quelqu’un. La mémoire qui ne se construit pas de manière linéaire, la mémoire qui a sa logique propre, une logique de rumination autour d’évènements disparates, autour d’évènements sans hiérarchie particulière s’agrégeant parfois autour de quelques moments, comme des coquillages autour d’un poteau de bois. C’est comme ça qu’est née Gisèle. En tout cas la mémoire de Gisèle à qui j’ai voulu donner l’histoire la plus simple possible à travers le texte le plus simple possible. De ces quelques mois de création collective, je garde un souvenir dense et féérique, l’impression d’avoir retrouvé, comme un enfant, le goût du jeu et des bricolages bizarres. Le goût des expériences faites avec on ne sait quoi pour obtenir on ne sait quoi. L’impression d’avoir fait une longue fête et, à la fin, d’avoir reçu un cadeau. Un très beau. Thomas Gunzig

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[…]


EN LIBRAIRIE EN SEPTEMBRE 2012 « Il y a les gens qui ont disparu Les gens qu’on ne revoit jamais. Il y a les gens qu’on a croisés un jour et puis auxquels on ne pense plus Les gens qu’on a aimés et puis que l’on oublie Et ceux auxquels on pense tous les jours. Il y a les gens que l’on imagine Et ceux qui sont morts Et ceux qui ne sont pas encore là Et ceux dont on rêve Ceux qu’on attend mais qui n’arriveront pas Et tous ceux qu’on n’attend plus. Où sont-ils ? Quelque part Tombés au fond d’un trou de mémoire. »

RETROUVEZ-NOUS SUR : http://www.lesimpressionsnouvelles.com

DIFFUSION/DISTRIBUTION : HARMONIA MUNDI EAN : 9782874491481 ISBN : 978-2-87449-148-1 80 PAGES - 10 €


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