Extrait "Nez rouges Blouses blanches"

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BErNArd MAtHiEu - JACquEs grisoN

NEZ rougEs, BLousEs BLANCHEs

LES I M P R E S S I O N S N O U V E L L E S



extrait


Nous remercions tous ceux qui ont permis que ce livre existe : Les enfants et les jeunes patients hospitalisés qui nous ont offert leur parole et leur image Les parents Les équipes médicales et soignantes ainsi que les personnels administratifs des hôpitaux qui nous ont accueillis Les comédiens-clowns L’équipe des permanents de l’association Le Rire médecin Les bénévoles et notamment Simone David ainsi qu’Emilie Yvart de l’ensemble des tirage photographique Un remerciement particulier à Marc Avelot qui a eu l’initiative de ce livre et en a assuré la direction éditoriale.

Mise en pages : Martine Gillet © Les éditions du Rire Médecin - Paris 2011 - www.leriremedecin.asso.fr © Les Impressions Nouvelles, 2011 - www.lesimpressionsnouvelles.com © Jacques Grison pour les photographies


Bernard Mathieu - Jacques Grison

Il est beaucoup plus facile de soigner un enfant heureux

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« Le rire pur, le rire d’enfant commence avec la pleine acceptation de nos erreurs et de nos préjugés » A rnAud d esjArdins


« L’espoir est une bulle irisée qui colore fugitivement la vie » J ean M auduit



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20 rencontres

18 Docteur Basket et Osseïn au service de pédiatrie oncologique de l’Institut Gustave Roussy à Villejuif Bernard Mathieu

52 Des gens très fins, des gens très bien

30 Je veux les meilleurs professionnels Caroline Simonds, docteur Girafe, fondatrice directrice du Rire Médecin

Hélène Anquetil, infirmière au service pédiatrique d’hématologie de l’Hôpital Saint-Louis de 1986 à 2010

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somm Benjamin Caume, patient

Pas vue pas prise ! Jacques Grison, photographe

Tabarnak ! C’est Moloch ! Guy Lafrance, clown référent à l’hôpital Robert Debré

Les clowns, c’est fait pour les gamins !

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64 Une journée avec Roger Chips et Mimi Trompette

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au service de pédiatrie générale de l’hôpital Jean Verdier à Bondy

J’y crois, je lance…

Bernard Mathieu

Marc Avelot, secrétaire général du Rire Médecin

aire

88 80 J’ai écrit un roman d’amour Flore Berthelot, patiente

Quand l’enfant joue avec les clowns il n’est plus à l’hôpital Alain Fischer, chef du service «Immunologie et hématologie pédiatrique» à l’hôpital Necker-Enfants Malades à Paris, président du Rire Médecin.

96 Une journée à Necker avec

Docteur Chou-fleur et Président Agacuk Bernard Mathieu


118 J’ai réalisé soudain qu’ils étaient de vrais artistes Docteur Jacques Grill, responsable du comité de pédiatrie à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif, vice-président du Rire Médecin

126 Molotov et Madame Parcœur au service de pédiatrie générale du Centre Hospitalier Régional d’Orléans Bernard Mathieu

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L’huile essentielle de l’humanité

Une grande héroïne tragique, évidemment…

Ami Hattab, clown, formateur et coach

Jeannick Dupont, clown à l’Hôtel-Dieu de Nantes

130 A l’intérieur, c’est fragile et c’est sincère Hélène Gustin, clown référente volante à Paris


1152 Huguette Espoir et Geoffroy au service de chirurgie pédiatrique du CHU de Nantes Hôtel-Dieu, Bernard Mathieu

1164 J’ai besoin d’être dans une famille Jean-Philippe Buzaud, clown référent au service de pédiatrie générale de l’hôpital de Bondy

1174 Je suis un bébé clown Jana Klein, élève de l’école du Rire Médecin

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Dernier clin d’œil

Personne n’est parfait…

Servanne et Laurent Jourdy Parents de Martin

Bernard Mathieu, écrivain, recueil des témoignages


Photographe

Jacques Grison

Pas vue pas prise ! « Prendre une photo, c’est s’associer à la condition mortelle, vulnérable, instable d’un autre être. » Susan Sontag

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ietzsche disait que notre caractère est déterminé par l’absence de certaines expériences plus encore que par celles que l’on a faites. Il me paraît également qu’un livre de photographies est plus déterminé par ce qu’on n’y montre pas que par ce qu’on y voit. Nietzsche disait que notre caractère est déterminé par l’absence de certaines expériences plus encore que par celles que l’on a faites. Il me paraît également qu’un livre de photographies est plus déterminé par ce qu’on n’y montre pas que par ce qu’on y voit. Photographier, c’est prélever une portion dans l’espace du monde. Cette portion, c’est la partie visible limitée par le cadre du viseur de l’appareil photographique. C’est dire si la part extérieure à l’image est grande. Cette part que le spectateur ne verra pas, définit l’un des aspects de ce qu’il est convenu de nommer le « hors-champ ».

Ce qu’on voit L’hôpital est un lieu que l’on préfère éviter. Il est plus redouté que connu. Si l’on n’est pas soignant, on y entre, soit parce qu’on est malade soi-même, soit parce qu’on y visite un être cher. N’appartenant à aucune de ces trois catégories, pour l’instant au moins, j’y suis entré en témoin privilégié. Et c’est fort de cette position que j’ai tenté de regarder l’hôpital, les malades et leurs familles, les soignants, et les clowns au milieu d’eux. Lors de mes prises de vues, j’ai voulu ne jamais intervenir, ne jamais arrêter une action, ne jamais faire poser, ne jamais utiliser d’éclairage supplémentaire. J’ai essayé d’attraper les situations au plus près du spontané. Les portraits directs ne sont pas organisés non plus. Il me semblait impossible d’aller voir les parents à l’avance et leur dire : les clowns vont arriver, je vais faire une photo.

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La personne prévenue qu’elle va être photographiée adopte inévitablement une posture, consciemment ou pas.. Les clowns ont déroulé leur journée comme ils le font habituellement quand je ne suis pas là, et moi, j’ai tenté d’attraper à la volée les surprises de toutes natures, générées par leur présence auprès des enfants, de leurs familles ou des équipes hospitalières. J’ai adopté une communication visuelle rapide, comparable à celle que l’on met en place lorsqu’on photographie des personnes dont on ne parle pas la langue. L’échange est plus intense lorsqu’il ne passe que par le regard, l’évidence d’une intention claire et loyale se transmet instantanément. Je sollicitais donc visuellement le consentement de l’enfant puis l’autorisation des parents, très vite, de façon très complice. Quand les clowns étaient sortis de la chambre, Simone, la précieuse auxiliaire bénévole qui m’accompagnait en permanence, remerciait de la confiance spontanée qui m’avait été accordée puis expliquait mon attitude, les enjeux de ces photographies et offrait, bien sûr, la possibilité d’un refus. Tous les accords ont été recueillis par écrit. Cette méthode ne m’a pas toujours permis de composer les images de façon aussi rigoureuse que je l’aurais souhaité, j’ai dû m’accommoder de lumières médiocres, des contraintes imposées par l’exiguïté des lieux, mais je pense qu’elle m’a permis d’approcher au plus près de la réalité et de transmettre des émotions spontanées. Ma position de photographe à l’hôpital est privilégiée. J’y viens sans angoisse, ce qui est certainement positif pour les malades et leurs familles qui m’accueillent généralement avec bienveillance. Je suis là volontairement, sans devoir ni contrainte autre que l’éthique qu’impose le lieu. Je n’ai pas de relation affective personnelle avec les malades, je ne suis pas lié à leur maladie non plus. Je n’ai pas de nouvelle à annoncer, bonne ou mauvaise, je ne pratique pas non plus de geste invasif, traumatique, inquiétant. J’ai un statut à part. Dès que l’équipe soignante m’a accepté, je trouve ma juste place et je commence à travailler, comme je le fais ailleurs. Il me faut alors identifier les images que je m’autorise à faire et trouver la meilleure méthode pour les réaliser. Une chambre d’hôpital est d’abord une chambre. C’est un lieu intime. Je n’y entre que si son occupant m’y invite. Les malades sont parfois dénudés ou en tenue de nuit. Ils sont vulnérables, peuvent être fatigués, souffrir, et pourtant ils acceptent très généralement que je les photographie.

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Peut-être, ainsi que me l’a confié récemment une patiente, « parce que je fais “ l’effort ” d’être là ». Je ne me sens pas voyeur puisqu’il n’y a dans ma pratique aucun plaisir morbide mais je ne déclenche qu’après avoir répondu favorablement à cette question préalable : « est-ce que j’accepterais d’être photographié dans la position de mon vis-à-vis ? ». Vient ensuite le devoir de vigilance. Je suis averti, moi, des enjeux de la publication d’une photographie et de ses conséquences, je dois protéger le sujet photographié qui donne parfois bien au-delà de ce qu’on imagine et qui n’est pas toujours conscient de la force émotionnelle d’une image publiée. Mon pouvoir de décision est triple : D’une part, faire la photographie et la publier, d’autre part, faire la photographie mais ne pas la montrer, enfin, ne pas faire la photographie. Il est important aussi de bien contextualiser la démarche. Ce n’est pas à l’hôpital que l’apparence du malade est la plus favorable mais nous sommes là pour convoquer d’autres paradigmes. Comment composer alors avec ce que je perçois de la réalité ? Faire coïncider être et paraître en gardant un souci d’authenticité ? Ce sont de vraies questions éthiques. Ce que je ne montre pas Les parents s’effondrent peu, en tous cas à l’hôpital, ils sont même sacrément costauds. Certains soutiennent leur enfant des mois durant, ils sont présents chaque jour, quand ils ne dorment pas à côté d’eux. Souvent, ils sont loin de chez eux, des frères et sœurs du jeune malade, de leur travail, parfois même loin de leur culture et de leur pays. Lorsque j’ai vu des parents sortir de la chambre de leur enfant et craquer dans les bras l’un de l’autre, exploser de détresse, d’angoisse, il m’a été impossible de ne pas respecter cette intimité là. Au risque d’atténuer la violence qui rôde dans ces lieux. J’ai vu aussi une maman arriver dans le service, seule, chercher deux clowns qu’elle savait être là ce jour, fondre en larmes en les voyant et tomber dans leurs bras. Elle avait perdu son enfant. Les clowns les avaient accompagnés, elle et son fils, jusqu’au bout. Elle revenait simplement leur dire merci. Je n’avais rien à faire là. Il y a aussi les photographies que j’ai faites et que je ne publierai pas. Trois d’entreelles ont été prises dans un service de réanimation. L’idée que j’aille faire des photos en réanimation avait suscité des doutes, nous en avons débattu au sein du Rire Médecin. Les préjugés ne sont jamais de bon conseil. C’est là, dans les situations les plus dures, que j’ai été amené à faire des photos essentielles que je n’aurais pas faites spontanément. Plusieurs mamans m’ont demandé de photographier leur enfant ou de les photographier ensemble. J’ai bien sûr accepté mais il s’agissait d’une demande personnelle fondée sur un désir de prolonger la vie, si fragile en ce lieu. Je ne publierai pas ces images.

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J’ai fait d’autres photos encore qui ne seront vues que par les personnes photographiées elles-mêmes, si elles me les demandent. Sont-elles moins importantes ? Regarder un enfant qui a la tête toute gonflée d’oedèmes, relié à toutes sortes de machines par toutes sortes de fils et de tuyaux, est très pénible pour beaucoup mais il se trouve que moi, je peux le faire sans peur et sans gêne. Ce regard partagé est, pour les parents, terriblement précieux. Ici, la photographie atteste simplement de l’existence de l’autre. Cette fonction unique de la photographie justifie à elle seule ma présence en ce lieu. Montrer ce qu’on ne voit pas Ce qui me guide, c’est essentiellement la qualité de la relation que j’établis. Je vois une personne avant de voir un malade. J’espère pouvoir inscrire cela aussi dans ma photographie. Nous sommes dans le « hors-champ » et là, le « hors-champ » est très présent, il infiltre le visible. J’avais d’abord envisagé de montrer essentiellement les clowns en jeu. Et puis il m’a semblé totalement artificiel de ne photographier que des éclats de rire. Les moments de joie, de douceur ou de complicités de toutes sortes apportés par les clowns sont des parenthèses. Les enfants sont tout de même à l’hôpital, leur réalité est plutôt la souffrance, l’inquiétude, le soin et, surtout une envie impérieuse d’aller voir ailleurs. Je me suis donc fixé une contrainte : montrer l’hôpital, sa réalité, et dans ce contexte, la présence des clowns qui restitue leur part d’enfance aux petits malades et apporte une bouffée d’air à tous. J’ai, dans ce but, photographié l’hôpital aussi, sans les clowns, dans son quotidien et sa fonction essentielle. Au fil des prises de vues, j’ai réalisé que j’étais témoin de ce que les clowns, euxmêmes, ne voient pas. Ils n’assistent évidemment jamais à ce qui se passe derrière eux lorsqu’ils quittent la chambre. A l’hôpital Robert Debré de Paris j’ai pu ainsi assister à une scène exemplaire.

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Les clowns arrivent dans la chambre d’une petite fille qui est suivie depuis plusieurs semaines. Ils la connaissent bien. La relation est très bonne. Ils jouent. Tout se passe bien mais la petite fille ne rentre pas autant dans le jeu qu’elle avait pu le faire les fois précédentes. Bon, voilà, c’est comme ça, les jours ne se ressemblent pas. Une infirmière est là, qui attendait d’ailleurs que les clowns passent pour détendre la jeune patiente avant un soin. Un petit nez en mousse a été « oublié » sur le lit. L’infirmière s’en saisit, elle s’amuse avec quelques secondes, puis le lance à la petite fille. Commence alors un jeu entre l’infirmière et la petite, qui se renvoient ce qui devient une balle. Eclats de rires… Le jeu se prolonge pendant le soin et en adoucit l’agressivité. Le nez finit en décoration, fiché sur un cathéter. Les anecdotes de ce genre sont nombreuses. Parfois le jeu se prolonge entre les enfants et les parents, les frères et sœurs et les médecins ne sont pas les derniers, à chaque occasion offerte. Les clowns laissent derrière eux des empreintes, des graines de joie qui germent et prolongent le bénéfice de leur passage. Les dix minutes ou le quart d’heure de jeu réservé à l’enfant permettent parfois même de générer une précieuse tension vers le désir du passage du surlendemain. Les clowns sont attendus. Ces photographies sont pour moi l’occasion de témoigner de la méthode simple et juste que le Rire Médecin a mis en place pour être présent auprès d’enfants dont la vie quotidienne est gravement privée d’insouciance. Au delà du simple témoignage, elles me permettent aussi de vous faire partager ce que j’ai reçu comme une grande leçon de vie.

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Docteur Basket et Osseïn Caroline Simonds Benjamin Caume Hélène Anquetil Guy Lafrance Roger Chips et Mimi Trompette Marc Avelot Flore Berthelot Alain Fischer Docteur Chou-fleur et Président Agacuk Ami Hattab Jeannick Dupont Docteur Jacques Grill Molotov et Madame Parcœur Hélène Gustin Servanne et Laurent Jourdy Huguette Espoir et Geoffroy Jean-Philippe Buzaud Jana Klein Bernard Mathieu

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Docteur Basket et Osseïn au service de pédiatrie oncologique de l’Institut Gustave Roussy à Villejuif par Bernard Mathieu

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orsque, vers 10 heures du matin, Pierrette Bonnefont et Nadine Monod se rendent à la « trans » dans le service d’oncologie pédiatrique au 9ème étage de l’IGR, l’ambiance est lourde. Il y a peu, les chirurgiens ont du amputer Kelly d’une partie du pied et demain on va devoir lui retirer un rein. Pour Kelly, la course contre le cancer est très mal engagée, on envisage les soins palliatifs. « Il y a des périodes comme ça où on perd nos malades », enrage la jeune médecin qui dirige l’équipe soignante, « on ne sait pas pourquoi, mais ils nous filent entre les doigts. »

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OUVRAGE PARU EN NOVEMBRE 2011

Toute hospitalisation est une épreuve potentiellement traumatisante pour les enfants et pour leurs proches. Depuis 20 ans l’association Le Rire Médecin intègre des clowns professionnels dans les équipes médicales des services pédiatriques français. Un écrivain, Bernard Mathieu, et un photographe, Jacques Grison, se sont glissés dans les pas des clowns pendant des mois. Des enfants, des parents, des infirmières, des médecins et des clowns nous font partager au quotidien une expérience inattendue et souvent poignante. 20 rencontres authentiques et 150 photographies émouvantes nous dévoilent les multiples facettes d’une action encore très méconnue. Nez rouges Blouses blanches change notre regard sur l’enfant et l’hôpital.

RETROUVEZ-NOUS SUR : http://www.lesimpressionsnouvelles.com http://www.leriremedecin.asso.fr

DIFFUSION/DISTRIBUTION : HARMONIA MUNDI EAN : 9782874491245 ISBN : 978-2-87448-124-5 192 PAGES - 29,90 €


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