Agriculteur

Page 1

agriculteur

no 1

Février 2010

publications SA

Dossier : L’énergiculture, avenir des agriculteurs ? Culture : La rouille jaune fait de la résistance... Le blé est-il en péril ? Solidarité : Lueur d’espoir dans le marasme laitier

JAA 1025 Saint-Sulpice VD

nouvelles énergies

le magazine romand des professionnels de la terre


Oh oui, je m’abonne à l’hebdomadaire Vigousse et je choisis la formule suivante: 1 an (43 numéros dont 2 spéciaux) CHF 140.- TVA et frais de port compris Etudiants, chômeurs, rentiers AVS/AI, 1 an CHF 100.- TVA et frais de port compris Soutien moral dès CHF 200.-, (inscrire le montant): CHF Vous pouvez également vous abonner directement en ligne sur www.vigousse.ch ou par téléphone: + 41 (O) 21 695 95 81 Mes coordonnées Nom

Mme

Mlle

M.

Prénom

Rue/N° NPA/Localité Tél. privé

E-mail

Date

Signature

Offrir en cadeau! Je souhaite offrir un abonnement à: Coordonnées du bénéficiaire Nom

Mme

Mlle

M.

Prénom

Rue/N° NPA/Localité Tél. privé

E-mail

Vigousse adressera une carte en votre nom au bénéficiaire pour l’informer de l’abonnement cadeau. Offre réservée à la Suisse uniquement.

Vigousse Sàrl - Service des abonnements Case postale 135 CH-1025 Saint-Sulpice

Vigousse abo-octobre 09/2

A retourner par fax au (0)21 695 95 50 ou par courrier à:


sommaire

6-7

actualités

L’USP ne veut pas d’avocats pour animaux

10-13 Dossier

les nouvelles énergies

L’énergiculture, avenir des agriculteurs ?

9 Le billet d’humeur

Epidémie de fédéralisme !

14-16

interview

Rolf Brun: «Enfin des réponses claires sur la bioagriculture.»

17 CULTURE

Solidarité

Lueur d’espoir dans le marasme laitier

La rouille jaune

19

20 céréales

Un moulin pour l’autonomie

21-22

PORTRAIT

Christian Fasel

Index des personnes et des entreprises ACW Albert Rösti (UPL) Alphatec Association Langue bleue Banque Wir Bernard Frei SA Bio Suisse Carrel Chantal Jouanno Christian Fasel Codecheck.info

no 1 février 2010

Coop Denis Gatherat Dominique Delay Edisun Power Emmentaler Switzerland Ernest Badertscher (ADER) E.T.A. Balzli Daniel Fabio Mascher Fasel Travaux agricoles SA FiBL Hauenstein Semences SA

Heinz Hänni (USP) Husqvarna Schweiz AG Joskin SA KSM SA KWS Laiterie d’Echallens Michel Baeriswyl Michel Baudet SA OFV Proviande Raus SA

Rolf Brun Samuel Stauffer et Cie Sandra Helfenstein (USP) Swissgrid Swissolar Tier&Technik (OLMA) USP

Agriculteur

3



édito

Prix du lait : la casserole déborde L’excédent laitier sur le marché a transformé le fameux «Travailler plus pour gagner plus» en «Travailler et produire plus pour gagner moins». L’effondrement du prix du lait est une catastrophe pour le monde paysan. Mais comme toute médaille, celle-ci a un revers, moins sombre que son endroit. Un revers qui sonne comme une invitation au changement. Pour avoir une chance de s’imposer face à la grande distribution, qui avance en faisant front commun, les producteurs n’ont qu’une solution: apprendre à travailler ensemble et à parler d’une même voix. Pas besoin d’être un grand stratège pour savoir que se mesurer à l’ennemi en ordre dispersé est synonyme de combat perdu d’avance. Et c’est en ordre dispersé que la Fédération des producteurs suisses de lait s’est heurtée à l’Association Lait suisse. Mais en fondant IP-lait – l’interprofession du lait – en juin dernier, la branche s’est donné les outils pour avancer de façon constructive. Reste à savoir si la réalité économique n’aura pas raison des bonnes volontés. Saura-t-on rééquilibrer la balance? L’excédent laitier sur le marché a transformé le fameux «Travailler plus pour gagner plus» en «Travailler et produire plus pour gagner moins». Voilà qui ne donne pas envie de se lever le matin.

impressum Editeur inédit Publications SA

Rue des Jordils 40 CP 135 1025 Saint-Sulpice T +41 21 695 95 95 F +41 21 695 95 50 www.inedit.ch Rédaction Sylvie Ulmann T +41 21 695 95 95 F +41 21 695 95 50 info@inedit.ch Abonnements Sara Cardoso T +41 21 695 95 95 F +41 21 695 95 50 abo@inedit.ch

On peut déplorer la fin des contingents, la concurrence étrangère ou le fait que les distributeurs cassent les prix. On peut aussi empoigner la vache par les cornes et chercher de nouvelles façons de travailler, ensemble plutôt que les uns contre les autres. Imaginer de nouveaux débouchés. Inventer de nouvelles façons de gérer la production, pour qu’elle corresponde au plus près à la demande. Plutôt que de gérer la surproduction, l’idéal serait de l’éviter. Une façon d’en sortir, en somme, serait d’envisager cette crise comme une chance: celle de se remettre en question, quitte à réinventer le métier d’agriculteur. C’est une question de survie.

Sylvie Ulmann

Régie publicitaire Maud Schmutz T +41 21 695 95 60 F +41 21 695 95 50 pub@inedit.ch Une réalisation

ISSN 1661-920x 39 francs (HT) par an Tirage contrôlé

Couverture © Jezper – Fotolia.com

no 1 février 2010

Agriculteur

5


Actualités

Viande Suisse à l’offensive

Initiative

Pour vanter la supériorité de la viande made in Switzerland sur ses concurrentes étrangères, Viande Suisse vient de lancer une nouvelle campagne de pub percutante. Elle ne laisse aux produits d’importation qu’un rôle de gar­­niture. Sous le slogan «Voilà pourquoi les Suisses ont un couteau de poche» figurent deux gendarmes et de la viande séchée du Valais! Il suffit de les regarder pour saliver. Très efficace!

La France soigne ses abeilles

Le Conseil fédéral a décidé de rejeter l’initiative «De l’espace pour les hommes et la nature». Selon les sept Sages, le moratoire de vingt ans sur les zones à bâtir n’est pas acceptable. Cela dit, le Conseil fédéral entend réviser partiellement la loi sur l’amé­na­ gement du territoire afin de lutter contre le mitage du territoire et de renforcer la protection du paysage. Le contre-projet indirect approuvé fin janvier ne concerne que le développement de l’urbanisation. D’autres domaines devraient être révisés par la suite.

© Darren Rowse – Fotolia.com

Votations

L’USP ne veut pas d’avocats pour animaux

© CNL IMAGES 360° – Fotolia.com

Paysage, contre-projet du Conseil fédéral

Depuis une décennie, la mortalité des abeilles peut atteindre entre 40 et 80% dans certaines régions du monde alors que le taux normal ne devrait pas dépasser 5%. L’Europe n’est pas épargnée par ce phénomène. A qui la faute? Les experts s’accordent à mettre en cause les virus, les pesticides, les maladies et l’agriculture intensive. Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’Ecologie, a récemment annoncé l’intention des autorités hexagonales de planter en 2010 des fleurs mellifères sur plus de 250 kilomètres le long des routes. Dans l’espoir d’offrir aux abeilles de nouvelles ressources florales pour leur alimentation. La secrétaire d’Etat a également rappelé que «35% de nos ressources alimentaires proviennent des insectes pollinisateurs comme les abeilles».

Patrimoine mondial valorisé Plus de deux ans après son classement au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, Lavaux va enfin installer une signalisation indiquant cette spécificité sur des panneaux ce printemps. D’abord aux entrées de Lavaux et, dans un deuxième temps, sur l’autoroute. L’arrivée d’un gestionnaire du site, engagé en septembre dernier, semble porter ses fruits.

6

Agriculteur

L’Union suisse des paysans (USP) recommande le rejet de l’initiative populaire contre les mauvais traitements envers les animaux et pour une meilleure protection juridique de ces derniers soumis au peuple suisse le 7 mars prochain. L’USP argumente son choix en rappelant que le droit suisse de la protection des animaux compte parmi les plus sévères du monde. Et c’est précisément dans le domaine de l’agriculture que le respect de la protection des animaux fait l’objet de contrôles rigoureux et réguliers. D’ailleurs, de lourdes menaces de sanctions planent sur les contrevenants. Pour l’USP, la mise en place d’avocats dédiés à la défense des animaux n’aurait aucun effet à part celui de créer des charges supplémentaires pour les contribuables sans aucun bénéfice notable en contrepartie.

no 1 février 2010


Actualités

Sensibilisation

Copie d’Emmentaler en Italie

© Andrzej Tokarski – Fotolia.com

Unis pour la biodiversité

En 2009, la proportion de Chasselas vinifiée et commercialisée en Non-Filtré s’élève à près Coop, Bio Suisse et l’Institut de recherche de l’agriculture biode 9% dans logique (FiBL) ont décidé de joindre leurs efforts afin de senle canton de sibiliser le public à la préservation de la faune et de la flore. Neuchâtel. Pour rappel, l’ONU a proclamé 2010 Année internationale de la biodiversité. «La science l’a d’ores et déjà démontré, assurent les trois partenaires, la culture bio favorise la biodiversité et apporte ainsi une contribution importante à la préservation des écosystèmes sensibles.» Tout au long de l’année, différentes actions seront menées pour rappeler l’importance de la biodiversité et pousser le consommateur à agir. La participation des partenaires au Congrès NATURE 5/10 en février à Bâle constituera la première de ces actions.

L’organisation Emmentaler Switzerland a confirmé que des cas de faux Emmentaler ont été découverts en Italie. L’association ainsi que l’Office fédéral de l’agriculture partagent leur inquiétude à ce sujet, d’autant plus que ce n’est pas la première fois qu’une telle fraude est constatée. Jusqu’à présent, le nom des entreprises concernées n’a pas été com­ muniqué. Par contre, il a été précisé que cette fraude n’a rien d’anodin puisqu’elle toucherait plusieurs centaines de tonnes. Par mesure de précaution, des opérations de contrôle ont été mises en place en Allemagne, Espagne, France et Benelux même si aucun cas de suspicion n’a été observé dans ces pays pour l’instant. L’opportunité d’une action en justice est en cours d’examen pour les cas de fraudes découverts en Italie.

Prévention

Feux de signalisation dans l’assiette Comment connaître le taux de sel, de gras ou de sucre contenu par les aliments élaborés ou déjà préparés? C’est difficile. Pour guider le consommateur dans ses choix, le site codecheck.info vient de mettre en ligne un système équivalent à des feux de signalisation pour indiquer si un produit est plus ou moins sain. La revue Agir spécifie qu’un code lumineux orange ou vert signale que le produit peut être consommé avec modération et en quantités raisonnables alors que le rouge invite à la précaution.

L’Angleterre en première ligne

© Ana Blazic – Fotolia.com

Ce système existe déjà en Angleterre depuis plus de trois ans et il a contribué à rendre les consommateurs plus attentifs, ces derniers choisissent toujours des produits dans la même gamme mais s’orientent plus facilement vers les marques les moins salées et les moins grasses. C’est le but qu’aimerait atteindre l’Office fédéral de la santé publique qui étudie en ce moment l’introduction d’un label indiquant l’aliment le plus sain dans un groupe de produits de la même famille. Une excellente initiative qui se justifie complètement si elle permet à terme d’éviter une surtaxe sur les produits les plus salés, sucrés ou gras. A n’en pas douter, certains étudient déjà avec l’eau à la bouche cette possibilité à Berne.

no 1 février 2010

Agriculteur

7


L‘essence alkylée Aspen Numéro 1 en Suisse

Essence spéciale pour moteurs 2 et 4 temps.

Meilleur pour l’homme, la machine et l’environnement • L’essence ASPEN est pratiquement sans plomb, benzène, composés aromatiques et souffre.

• Elle augmente la puissance du moteur et prolonge sa durée de vie.

• Elle produit nettement moins de vapeur d’essence et de gaz d’échappement dangereux et désagréables.

• L’essence spéciale prête à l’emploi peut être conservée sans problèmes plusieurs années.

Documentation et liste de nos agents: Husqvarna Schweiz AG Industriestrasse 10, 5506 Mägenwil Tél. 062 887 37 00, Fax 062 887 37 11 info@husqvarna.ch, www.husqvarna-schweiz.ch

Aspen_Agriculteure_90x131.indd 1

18.12.2008 15:30:07


le billet

d’humeur

épidémie de fédéralisme !

de la rédaction

Un excès de fédéralisme a le don d’enrager la plupart des éleveurs. A tel point que l’Association Langue bleue a été créée dans les Grisons pour protéger les paysans ulcérés contre les autorités.

A

Par contre, la taxe relative à cette demande n’a pas été oubliée. Un excès de fédéralisme qui a eu le don d’enrager la plupart des éleveurs. A tel point que l’Association Langue bleue a été créée dans les Grisons pour protéger les paysans ulcérés contre les autorités. Finalement, c’est peut-être l’OFV qui mériterait une petite piqûre de rappel afin d’éviter de répandre son épidémie de tracasseries administratives sur le sol helvétique où certains se battent au quotidien pour rentabiliser leur exploitation.

© LeChatMachine – Fotolia.com

lors que l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie ont laissé le libre choix aux éleveurs de vacciner leurs bêtes contre la langue bleue, la Suisse fait cavalier seul pour maintenir l’obligation de recourir à la piqûre. Une décision qui a eu le don d’irriter au plus haut point, et avec raison, Bio Suisse. L’Association suisse des organisations d’agriculture biologique, outre cette décision unilatérale, déplore l’obligation faite aux éleveurs d’annoncer leur choix de renoncer à la vaccination d’ici au 12 février à leur service cantonal compétent. Ceci, alors même que plusieurs cantons n’avaient toujours pas mis en ligne le formulaire destiné à remplir cette demande à fin janvier. Il faut dire que l’Office vétérinaire fédéral (OFV) a imposé une «cantonalisation» de cette demande alors qu’un document unique sur le plan fédéral aurait permis de gagner du temps et de simplifier le processus.

no 1 février 2010

Agriculteur

9


© Tilio & Paolo – Fotolia.com

Dossier

L’installation d’une éolienne nécessite un investissement de deux à trois millions de francs. Les agriculteurs ont tout intérêt à se regrouper.

10

Agriculteur

no 1 février 2010


les nouvelles énergies

L’énergiculture, avenir des agriculteurs ? La chute des prix invite les paysans à chercher des façons originales de gagner leur vie. Entre les ventes de produits de la ferme, les cueillettes et les tables d’hôtes, une nouvelle perspective se profile: l’énergiculture.

A

l’entretenir et y mettre les déchets». En relevant qu’un toit solaire demande beaucoup moins de travail au quotidien. Une fois posé, il ne requiert presque aucun entretien et travaille tout seul pendant au moins vingt ans. Si les subventions sont quasiment inexistantes au niveau cantonal, on se bouscule chez Swissgrid, société nationale pour l’exploitation du réseau. La rétribution de l’électricité verte à prix coûtant dès 2009 a créé un appel d’air. Aujourd’hui, la liste d’attente compte quelque 4000 dossiers et ne cesse de s’allonger. Sachant que la rétribution Une installation solaire produit de l’énergie est plutôt à la hausse et le prix des panneaux solaires en en deux ans autant d’énergie qu’il a fallu baisse2, se lancer peut être un bon pour la fabriquer. calcul. A condition de trouver les forment le rayonnement solaire en élec- fonds à investir, car pour l’installation, il tricité pour une puissance de 21 000 kilo- faut tout de même compter en moyenne watts-crête1. Une chose est sûre: se lancer 1250 fr. par mètre carré de panneaux dans la production d’énergie commence à photovoltaïques installés. devenir intéressant. «Bien sûr, il faut tenir compte des coûts à l’investissement et du Se regrouper pour mieux gérer travail que l’installation va exiger», relève Si cette solution est gérable pour qui Heinz Hänni, responsable énergie et envi- aurait envie de se lancer dans la producronnement à l’Union suisse des paysans. tion d’énergie verte en solo, c’est plus Et de préciser que «pour une installation compliqué pour les autres sources d’énerde biogaz par exemple, il faut compter gie. Ainsi, pour poser une éolienne, il entre une et deux heures par jour pour faut mettre deux à trois millions de francs l’horizon 2030-40, 250 installations de biogaz, 10 000 toits solaires et une bonne centaine d’éoliennes pourraient être en fonction chez les agriculteurs suisses. Une nouvelle profession aura alors vu le jour: énergiculteur. Bien sûr, c’est de la musique d’avenir. Aujourd’hui, dans notre pays, on compte 80 installations de biogaz et une poignée d’éoliennes. Côté énergie solaire, quelque 1800 installations photovoltaïques – soit une surface d’environ 170 000 m2 – trans-

no 1 février 2010

énergie grise, quèsaco ? L’énergie grise désigne la quantité d’énergie nécessaire pour produire, transporter, stocker et vendre quelque chose. Elle se cache dans les détails, comme les camions nécessaires pour amener des déchets à une installation de biogaz ou le pétrole nécessaire à faire voler l’avion qui nous amène des fraises sud-africaines en décembre. Le spécialiste du courant solaire Edisun Power a calculé qu’en deux ans, une installation solaire produit autant d’énergie qu’il en a fallu pour la fabriquer. C’est une donnée dont il faut tenir compte lorsque l’on se lance dans un projet qui se veut écologiquement correct.

Agriculteur

11


Dossier

Le soleil, c’est cadeau

L’énergie solaire peut être transformée en courant (photovoltaïque) ou en chaleur (thermique). En Suisse, l’ensoleillement moyen est d’environ 1100 kilowattheures (kWh) par mètre carré et par an sur une surface horizontale en plaine. En altitude, on dépasse même les 1400 kWh. Autrement dit, pas besoin d’aller jusqu’en Espagne pour faire fonctionner une installation solaire de façon efficace. Aujourd’hui, d’après Swissolar, l’association suisse des professionnels de l’énergie solaire, 40 000 installations solaires ou quelque 350 000 m2 de capteurs solaires, sans compter le chauffage des piscines, produisent environ 0,3% de nos besoins en chaleur et 0,03% de nos besoins en électricité. Sachant qu’au total, la surface de toits dont nous disposons s’élève à 400 millions de m2, le calcul est vite fait: en les recouvrant tous de capteurs solaires, nous produirions un tiers de nos besoins de chaleur et autant de nos besoins d’électricité.

12

Agriculteur

© Michel Angelo – Fotolia.com

Le toit de votre grange pourrait être équipé de panneaux photovoltaïques? Pour savoir si c’est le moment de vous lancer, prenez contact avec Edisun Power, www.edisunpower.com

Avec 1100 kWh d’ensoleillement moyen par m2 en plaine et 1400 kWh en montagne, la Suisse dispose de bonnes conditions pour de l’énergie solaire efficace.

sur la table. «Dans ce cas de figure, il est difficile de se lancer seul dans la production de courant éolien. Les énergiculteurs doivent se réunir, et il est aussi plus rentable de créer un parc éolien que d’installer une éolienne isolée», relève Heinz Hänni. Remarque qui soulève un autre problème: «On n’en a pas l’habitude et ce n’est pas facile de trouver un chemin commun. Il va falloir apprendre de nouvelles façons de travailler», souligne Sandra Helfenstein, porte-parole de l’Union suisse des paysans. Idem pour le biogaz, où il est bon de noter que se lancer à plusieurs permet également de répartir le travail. Miser sur le biogaz suppose également un changement de point de vue sur les déchets organiques. Au lieu de chercher à les éliminer à tout prix, on pose le principe qu’un «bon» déchet est un déchet recyclé au maximum, ce qui permettra de produire de d’énergie renouvelable d’une part et de récupérer un excellent engrais d’autre part.

La bonne nouvelle, c’est qu’avec un peu d’imagination, tous les déchets organiques peuvent avoir une deuxième vie plus ou moins lucrative! «On peut produire du betalcool avec les betteraves, valoriser les déchets de bois ou végétaux en les transformant en pellets. On réfléchit aussi à la façon d’utiliser la biomasse contenue dans l’humus», s’enthousiasme Ernest Badertscher, vice-président de l’Association pour le développement des énergies renouvelables (ADER). Seul risque de l’opération: penser trop grand. A l’ADER, on a fait des calculs: «Une usine de biogaz doit aller chercher de quoi s’alimenter dans un rayon de 30 km maximum. Cela permet de transporter le carburant nécessaire en tracteur. Au-delà, on est obligé de l’amener par camions ou chemin de fer, ce qui devient compliqué et coûteux en énergie grise», résume le vice-président de l’association.

l’utilisation de l’énergie produite Une fois la source d’énergie choisie, reste à trouver comment l’utiliser. Cette no 1 février 2010


© Berca – Fotolia.com

les nouvelles énergies

question a deux réponses: soit on garde l’énergie produite pour son propre usage, soit on la réinjecte dans le réseau. A Bavois, Dominique Delay, maraîcher, agriculteur et arboriculteur bio, est passé de l’une à l’autre avec son installation de turbinage de l’eau. «Au moulin de Bavois, il y a toujours eu une turbine. Le

eu besoin de faire tourner le groupe électrogène que deux heures par jour», se félicite-t-il. C’est la rétribution de l’énergie à prix coûtant qui l’a fait réfléchir à injecter l’énergie produite dans le réseau. Admis dans le réseau Swissgrid en 2009, il a reçu un bon coup de pouce financier du fournisseur Romande Energie, mais a tout de même dû Les énergies vertes ont le vent en poupe. mettre sérieusement la main au L’entrée en vigueur de la rétribution à prix porte-monnaie. «Heureusement, la rétribution de l’énergie a doucoûtant n’est qu’un premier pas. blé. Maintenant je reçois au droit d’eau remonte au XVIIe siècle. On a minimum 31 centimes par kilowatt­ toujours employé le moulin pour pro- heure, alors qu’avant je n’en aurais reçu duire de l’énergie, mais au début, elle que 15.» servait à moudre des céréales. Ces activités sont tombées en désuétude au cours l’énergie verte séduit les politiques du XXe siècle. Une turbine a ensuite été Ces dernières années, les énergies vertes installée pour produire de l’électricité; ont le vent en poupe côté politique. elle existait déjà lorsque j’ai repris le L’entrée en vigueur de la rétribution à moulin.» Pendant plusieurs années, prix coûtant n’était qu’un premier pas. Dominique Delay et sa famille vivent en D’autres devraient suivre, la loi devrait quasi-autarcie énergétique grâce au changer d’ici à 2012 et aller dans le sens moulin. «Même en 2003, lorsque la d’une généralisation de ces «subsides», rivière était presque à sec, nous n’avons pour le moment accordés à un nombre

no 1 février 2010

restreint d’installations. Et en novembre dernier, le National a donné un coup de pouce aux énergies vertes en augmentant la rétribution à prix coûtant du courant injecté produit à partir d’énergies renouvelables. Dès 2013, le supplément maximal possible – actuellement fixé à 0,6 centime par kWh – passera à 0,9 centime. C’est moins que ce que réclamaient la gauche et les Verts, qui demandaient que le supplément maximal soit fixé à 1,2 centime, mais c’est un signe que les choses bougent dans le bon sens. Sylvie Ulmann

1. Source: Swissolar. Un kilowatt-crête (kWc, ou kWp en anglais): unité utilisée pour le solaire photovoltaïque. Un Wc (Watt-crête) représente la puissance fournie sous un ensoleillement standard de 1000 W/m2 à 25° C. (Source: www.actu-environnement.com) 2. Le prix des cellules solaires est descendu de plus de 5% par an ces dernières années et de 9% en 2009; pour les modules solaires, la baisse a atteint les moins 30% cette même année.

Agriculteur

13


interview

enfin des réponses clair Du 25 au 28 février se tiendra le 10e Tier und Technik à Saint-Gall. L’occasion de demander à Rolf Brun, Chef du Département des foires à l’Olma, son avis sur l’évolution de ce salon et du secteur de l’agriculture.

2010 marque la 10e édition de la foire Tier und Technik de Saint-Gall, quelles sont les grandes nouveautés cette année? Notre exposition spéciale dédiée à la «bioagriculture» constitue la grande nouveauté de cette édition. Elle permettra pour la première fois aux organisations actives dans ce domaine d’offrir une véritable plateforme d’information aux agriculteurs intéressés sur des thèmes comme la transition de l’agriculture traditionnelle à l’agriculture biologique, la situation du marché bio, l’acheteur dans ce segment et des conseils pratiques pour se lancer. Il y aura même un jeu avec de nombreux prix à gagner intitulé «Qui veut devenir biopaysan?». A signaler également notre espace consacré à la production d’énergie par les exploitations agricoles. En Suisse, la production d’énergie d’origine paysanne représente-t-elle vraiment un intérêt pour les agriculteurs? Oui, bien sûr même si la production de plantes énergétique ne sera jamais compétitive en Suisse, les exploitations peuvent générer des revenus complémentaires avec les émanations de la biomasse issues des déchets et du purin, en installant des petites centrales électriques d’eau, des éoliennes, de l’énergie solaire et en particulier, l’énergie à base de bois.

14

Agriculteur

En dix ans, votre foire a certainement évolué. Quels ont été les principaux changements? Le Tier&Technik a passé de 200 à 330 ex­posants et de 20 000 à 30 000 visiteurs, soit une augmentation de plus de 50%. Notre public reste en très grande majorité suisse alémanique mais nous comptons toujours environ 10% de visiteurs romands et étrangers. Aujourd’hui, toutes les principales marques actives dans l’agriculture sont présentes et notre salon fait figure de rendez-vous incontournable pour les professionnels du secteur. La problématique du prix du lait a beaucoup agité le secteur agricole ces derniers mois, comment allezvous traiter cette question au salon? Les producteurs de lait représentent le plus grand groupe de visiteurs pour

BIO EXPRESS Nom: Rolf Brun Entreprise: Olma à Saint-Gall Fonction: Chef du département des Foires Parcours: Après un début de carrière dans le tourisme, il étudie l’économie nationale à l’Université de Zurich et rejoint finalement l’OLMA il y a seize ans.

no 1 février 2010


rolf brun – salon tier und technik

© R. Kühne/Tier&Technik

res sur la bioagriculture

Cette année, l’exposition spéciale sur la bioagriculture et l’espace consacré à la production d’énergie sur les exploitations vont attirer les visiteurs.

nous. En collaboration avec ProfiLait, un forum est proposé gratuitement aux visiteurs et ce, depuis plusieurs années. Cette fois, le directeur de la Fédération des producteurs suisses de lait, Albert Rösti, fera un exposé sur les développements actuels dans le marché de lait.

des consommateurs en matière de qualité, de modes de fabrication (écologique) et de protection des animaux n’ont cessé d’augmenter, ce qui a poussé les paysans à se surpasser pour atteindre aujourd’hui une excellente qualité alimentaire.

Parallèlement au salon, l’agriculture a aussi changé sur une décennie. Quelles sont les principales modifications observées durant cette période? Il n’y a pas eu de révolution mais des développements continus. Ce qui a certainement été le plus marquant pour beaucoup de paysans suisses, c’est naturellement la résiliation du contingentement de lait. Face à la croissance du marché unitaire de l’Union européenne, la Suisse devient de plus en plus solitaire. Dans le même temps, les attentes

D’après vous, ces changements ontils compliqué le quotidien des agriculteurs? La qualité de vie des entreprises familiales dans ce domaine reste haute, ce qui est une chance car c’est le seul moyen d’assurer un intérêt pour ce métier auprès des jeunes générations. Je ne pense donc pas que la vie quotidienne des agriculteurs ait foncièrement changé en dix ans. Par contre, de nos jours, ils doivent surveiller de près leur situation personnelle, faire des choix

no 1 février 2010

Rolf Brun: «Pour la première fois, les agriculteurs auront des réponses claires à toutes leurs inter­rogations sur la bioagriculture.»

Agriculteur

15


interview

rolf brun – salon tier und technik

stratégiques sur leurs moyens de production, penser à se positionner sur le marché, tout ça est assez nouveau. Ces changements sont aussi dus à la mondialisation. Pensez-vous que nous avons atteint les limites dans ce domaine? Difficile de répondre. Je pense qu’il est très important que les paysans suisses puissent réagir d’une manière flexible aux conditions d’un marché en constantes mutations. Mais si la mondialisation continue à ce rythme, l’agriculture suisse aura toujours besoin d’un certain niveau de protection, même si elle se trouve dans un processus de libéralisation. Pour moi, l’avenir de ce secteur en Suisse passe forcément par une défense de la production de haute qualité même si chaque paysan doit trouver le mode de production qui corresponde le mieux à son domaine. Toutes les plus grandes marques sont présentes au salon qui fête sa 10e année.

Dans dix ans, à quoi ressembleront le travail d’un agriculteur et ses principales sources de revenus? Seront-ils aussi nombreux qu’aujourd’hui? Je ne crois pas en des modifications fondamentales. Chaque année, 1 à 2% des entreprises agricoles disparaissent à cause des changements structurels naturels. Pour moi, il ne fait aucun doute que

Publicité

ables te c imbatt • Prix ortation dires ! p • Im 0 référence • 230

Bernard Frei SA • 2114 Fleurier Tél. 032 867 20 20 - Fax 032 867 20 30 - info@bernardfrei.ch

16

Agriculteur

www.bernardfrei.ch

plus que jamais présents en Suisse !

les paiements directs et les revenus du marché représenteront sûrement encore les principales sources de revenus pour les entreprises paysannes même si certaines d’entre elles parviendront à générer de l’argent avec des idées innovantes.

pour ses produits. Je reste néanmoins confiant envers nos autorités politiques pour que ce processus de changement reste conciliant envers l’agriculture. Une adhésion à l’Union européenne serait-elle bénéfique à l’agriculture? Pour moi, cette question ne se pose même pas. La Suisse ne rejoindra pas l’Union européenne dans les prochains dix ans.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut se lancer aujourd’hui? Il doit profiter à fond de son temps de formation pour bien connaître les méthodes de production actuelles et le fonctionnement Chaque année, 1 à 2% des entreprises des entreprises pour disposer de agricoles disparaissent à cause tous les outils nécessaires afin de des changements structurels naturels. prendre les décisions les plus justes lorsqu’il devra gérer une exploitation. Et surtout, faire en sorte de rester Cela pourrait-il avoir des conséinformé des tendances du marché pour quences sur le développement de ce anticiper au mieux les changements. secteur à l’avenir? Non, les débouchés économiques sont A quels changements pensez-vous en très positifs pour l’agriculture en généparticulier? ral. La croissance de la population et la Ce ne sont pas des changements radi- réduction des ressources ont un effet caux. Tout dépendra des développe- positif sur la demande des marchandises ments politiques, et en particulier des produites par l’agriculture. Le peuple progrès dans les pourparlers avec l’UE et suisse soutient l’agriculture et comprend l’OMC. La Suisse, en tant que petite éco- très bien les besoins particuliers des paynomie nationale orientée vers l’exporta- sans suisses. tion, ne pourra pas se fermer à une autre libéralisation des marchés mondiaux car Propos recueillis par elle doit aussi penser aux débouchés Maud Schmutz no 1 février 2010


culture

Puccinia striiformis

La rouille jaune fait de la résistance... Le blé est-il en péril?

C

e n’est pourtant pas la première fois que le fléau des agriculteurs «menace» les cultures céréalières en Suisse. L’apparition du parasite mutant coïncide avec la domestication du blé, autant dire qu’il existe depuis longtemps… Sournois, il peut rester «latent» durant plusieurs années, néanmoins, une fois que le champignon contamine les épis, des pustules (caractérisées par des stries jaune vif sur les feuilles) se développent et empêchent le bon fonctionnement de la photosynthèse de la plante.

40 à 50% de pertes de rendement Les conséquences de cette invasion sont variables, mais dans les cas d’atteinte massive, les pertes de rendement peuvent être de l’ordre de 40 à 50%. De nombreuses batailles ont déjà été menées contre l’envahisseur et si l’épidémie des années soixante a causé des pertes considérables dans le secteur agricole, il n’en va pas de même pour la dernière en date, qui remonte à 2002. «Fort heureusement, la contamination a été moins virulente que prévu, explique Fabio Mascher, phytopathologiste à la station de re­cherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW, la contagion concernait principalement des variétés de moindre importance.» Mais quid des nouvelles souches découvertes il y a peu? Le pire est-il à venir? Le chercheur se montre rassurant: «D’après nos tests, les variétés leaders utilisées sur le

no 1 février 2010

© alle – Fotolia.com

Deux nouvelles races particulièrement virulentes de la maladie fongique (Puccinia striiformis), plus communément appelée rouille jaune, ont été découvertes sur le territoire Suisse. Leur apparition fait planer le danger sur la culture du blé et nécessite une surveillance accrue de la part des chercheurs.

territoire suisse ont un niveau de tolé- Suisse répertoriait une épidémie de rance très élevé. C’est un constat plutôt rouille jaune tous les dix ans, cela dit, la positif… Par ailleurs, nous sommes régu- faculté d’évolution des sources patholièrement en contact avec des centres de gènes, ainsi que la virulence du parasite, recherche internationaux afin de prévenir et d’anticiper les Le «péril jaune» a la particularité risques…» Bien qu’il tienne des de se réinventer constamment, propos apaisants, M. Mascher est heureusement «Changins» veille au grain. conscient qu’on n’est jamais à l’abri d’une «mauvaise surprise». sont autant de facteurs qui peuvent à l’avenir influer sur la récurrence du phénomène. De plus, les changements climaune épidémie tous les 10 ans La vigilance reste de mise car le «péril tiques pourraient faire apparaître des jaune» a la particularité de se réinventer types de rouilles, présents sous d’autres constamment, heureusement «Chan- latitudes, tels que la rouille noire. Manigins» veille au grain et de nouvelles festement, ce champignon n’a pas dit son souches sont utilisées pour «combattre» dernier mot. Rachel Barbezat les attaques «rouillesques». A ce jour, la

Publicité

Agriculteur

17


04-Balzli-01-10:Mise en page 1

29.1.2010

10:41

Page 1

E.T.A. Balzli Daniel www.balzli.ch tél. 079 634 77 28

Nouveau modèle !

NOS SERVICES:

ÉQUIPEMENTS:

– BATTAGE CÉRÉALES...................

TABLE À COLZA, BEC 6 RANGS POUR MAÏS RONDES ET CARRÉES FORMAT 80/90 CM AVEC COUTEAUX OU HACHEUR DE PAILLE FORMAT 120/70 CM AVEC COUTEAUX COMBI OU SEUL HERBE ET MAÏS EN BOTTES AVEC CONDITIONNEUR CHARRUE QUATRE SOCS CONVENTIONNEL ET SEMIS AVEC TRAVAIL MINIMAL DU SOL SEMIS DIRECT SANS TRAVAIL DU SOL SEMIS EN BANDES FRAISÉES POUR LE MAÏS SEMIS MONOGERME POUR COLZA BALLES DE MAÏS, PAILLE ET FOIN FICELLE, FILM D’ENRUBANNAGE

– BOTTELAGE.................................

Tronçonneuse pour l’entretien des arbres. Puissante tronçonneuse pour l’entretien des arbres. La construction mince ainsi que le faible poids facilitent le maniement – en particulier s’il y a de nombreuses branches. 0.96 kW – 1.3 CV – longueur du guide-chaîne 25 cm. Husqvarna T425 Fr. 690.–

Husqvarna is a registered trademark. Copyright © 2008 HUSQVARNA. All rights reserved.

Documentation et liste de nos agents:

Husqvarna Schweiz AG Industriestrasse 10, 5506 Mägenwil Tél. 062 887 37 00, Fax 062 887 37 11, info@husqvarna.ch

www.husqvarna.ch

T425_Agriculteur_90x131.indd 1

19.12.2008 09:08:52

– ENRUBANNAGE......................... – ENSILAGE..................................... – FAUCHAGE................................... – LABOUR ....................................... – SEMIS ............................................ – NOUVEAUX:................................. – SEMIS DIRECT MAÏS....................

– COMMERCE DE FOURRAGES.... – VENTE...........................................

À VENDRE – Balles de maïs plantes entières env. 900 kg /35% MS Bonne qualité – Balles de maïs top-énergie 3+3 env. 950 kg/45% MS (Mélange plantes entières et épis moulus) – Balles de maïs épis moulus env. 1000 kg/64% MS Nouveau: Liage plastique et filet combiné! – Paille hachée balles env. 300 kg, Renseignements: www.balzli.ch ou tél. 079 634 77 28

Fr. 145.– livré Fr. 180.– livré Fr. 350.– livré Fr. 25.– livré


solidarité

produits laitiers

Lueur d’espoir dans le marasme laitier

C

e n’est peut-être qu’une goutte dans la boille. Mais le geste de Michel Baeriswyl, patron de la laiterie d’Echallens (VD), vaut son pesant de double-crème en plein marasme laitier. Il a décidé de payer 90 centimes le litre de lait à ses fournisseurs. A leur grand étonnement et pour leur plus grand bonheur. Et pourquoi pas un franc? «Pour 90 centimes, je vais le chercher chez le producteur; s’il me l’apporte, je le lui paie un franc. Mais je n’en

La clientèle ne se précipite plus pour acheter du lait vendu à la boille, comme au siècle dernier.

saisons, ni à recevoir un aliment complet, peau comprise! «C’est une matière vivante et on a tendance à l’oublier», relève l’épicier challensois.

équilibrisme laitier Les raisons de son geste? Michel Baeriswyl n’a pas toujours été commerçant. Il a longtemps travaillé dans le social, avant de reprendre la Laiterie d’Echallens en décembre 2008. La solidarité est une valeur qui lui tient très à cœur: «Au même titre que les producteurs de lait, je suis un petit commerçant. Où va-t-on si l’on ne se serre pas les coudes dans une même région?» Le jour où il a pris conscience qu’il payait moins de 60 centimes le litre de lait au paysan qui le lui amenait, il a dit stop. «A ce prix-là, le producteur ne gagne rien. Ce n’est pas normal!» Pourtant, lui-même n’a pas la vie facile dans son épicerie. Il a dû cesser sa production artisanale de yogourts, qui ne lui rapportait pas suffisamment. Et sur nombre de produits, les marges sont si minces que faire tourner la boutique ressemble parfois à un exercice d’équilibrisme. Il n’empêche, il lui en faudrait beaucoup plus avant de songer à baisser le prix payé à ses fournisseurs.

© Max

– Fotolia

.com

vends que de très petites quantités, 45 litres par semaine», tempère Michel Baeriswyl. C’est que la clientèle ne se précipite plus pour acheter du lait vendu à la boille, comme au siècle dernier. Et ce n’est pas uniquement une histoire de contenant. Les acheteurs ne sont plus habitués ni à ce que le lait change de saveur au fil des

© Hallgerd – Fotolia.com

Quand l’épicier d’un village vaudois décide de payer le lait à son juste prix, on se prend à rêver que les grossistes fassent de même, adoptant un nouveau mot d’ordre: «solidarité».

Sylvie Ulmann

no 1 février 2010

La guerre du lait en 6 dates 1999 La loi sur l’agriculture change et le prix du lait n’est plus garanti. Juin 2008 Grève du lait. Distributeurs, industriels et producteurs finissent par s’entendre sur une hausse de 6 centimes par litre, garantie pour les 6 mois suivants. Janvier 2009 Le litre de lait est payé 79 centimes au producteur. 1er mai 2009 Abandon des contingents laitiers. Pour les producteurs, cela signifie qu’ils ne sont plus assurés de trouver preneur pour leur lait. 29 juin 2009 Fondation de l’Interprofession du lait (IP lait). Sa mission: stopper l’ébullition dans le secteur. Mi-septembre 2009 Le prix du lait tombe à 55 centimes le litre.

Agriculteur

19


céréales

farine

Un moulin pour l’autonomie Un procédé original permet, en un seul passage en machine, d’obtenir de la farine. Une solution pour les céréaliers souhaitant se passer d’intermédiaire afin de transformer leur grain.

M

oudre directement son grain et le revendre soi-même sans passer par un intermédiaire, impossible? Que non, un moulin existe, qui fait de ce rêve une réalité. C’est à l’Association pour le développement des énergies renouvelables (ADER) que l’on doit sa découverte. Ou plutôt son exhumation, car ce procédé de mouture de la farine a été breveté en 1894, mais jamais utilisé dans la vraie vie! C’est ce que des membres de l’ADER ont découvert, en cherchant à déposer le brevet de leur moulin à farine. Mais il en faudrait plus pour éteindre l’enthousiasme d’Ernest

Badertscher, vice-président de l’association. «Pas besoin d’être meunier pour moudre de la farine», souligne-t-il. Et d’expliquer que dans cette machine, le grain n’est pas écrasé comme dans un moulin traditionnel, mais projeté à très haute vitesse contre des dents disposées en plusieurs rangées fixes et d’autres tournant très rapidement. Un seul passage suffit à obtenir de la farine – dont la mouture peut être réglée de la plus fine à la plus grossière – et du son. Le secret de l’engin? «Le grain est humidifié avant de passer dans la machine. Ainsi, le son se comporte comme du caoutchouc et passe

entre les dents sans se briser. C’est ce qui permet de récupérer deux produits distincts après une seule mouture. A l’intérieur du grain, l’amande, restée sèche, se laisse moudre aussi finement que désiré.» Dernier plus, comme la turbine tourne à 10 000 tours/minute, elle déplace suffisamment d’air pour sécher le son. Adieu moisissures et bestioles!

une qualité irréprochable Côté qualité, la farine n’a rien à envier à ses cousines issues de la meunerie traditionnelle. «On l’a testée avec la Maison du Blé et du Pain à Echallens. Les personnes qui ont pu goûter le pain confectionné à base de cette farine nous ont affirmé qu’il avait un meilleur goût de céréales», précise Ernest Badertscher.

A l’intérieur du grain, l’amande, restée sèche, se laisse moudre aussi finement que désiré. Seule ombre au tableau, la comercialisation des farines et du son. Les boulangers étant en règle générale liés à un meunier, ce serait aux cultivateurs intéressés de se débrouiller pour trouver des débouchés. Fabrication de petits déjeuners, de pâtes alimentaires ou de bière, aromatisation de yogourts, tout est imaginable. Reste aux agriculteurs à s’approprier cette invention. L’ADER cherche un volontaire prêt à fournir des locaux aux normes pour installer une première ligne de mouture. Avis aux amateurs…

© Barbro Bergfeldt – Fotolia.com

Sylvie Ulmann

Intéressé-e? Prenez contact avec Ernest Badertscher, vice-président de l’ADER, au 024 441 35 50

20

Agriculteur

no 1 février 2010


portrait

fasel travaux agricoles sa

«JE SUIS UN TERRIEN PUR ET DUR»

A

ussi loin que remontent ses souvenirs, Christian Fasel a toujours rêvé de devenir agriculteur. Un héritage familial qui a sauté une génération pour lui être transmis directement de ses grands-parents maternels et paternels. «Des deux côtés de la famille, on travaillait la terre, raconte-t-il. Mes parents, eux, n’ont pas suivi cette voie. Mais je dois avoir cette passion dans les gènes car j’ai toujours voulu faire ce métier. A mes débuts, j’ai essayé de faire de la représentation, mais au bout d’un mois, j’ai compris que ce n’était pas pour moi. Je suis un terrien pur et dur qui ne se sent à l’aise qu’à la campagne. C’est là mon élément.» Dans son exploitation de Penthéréaz (VD), cet homme de 46 ans est comme un poisson dans l’eau. Il a repris le domaine voilà quinze ans, avec son frère Roland, mécanicien sur machines, après une formation agricole suivie d’une maîtrise fédérale. «J’ai d’abord été employé à la sucrerie de Payerne, puis sur un gros domaine de Chavornay où j’étais responsable des cultures en collaboration avec le gérant, se souvient Christian Fasel. Mais j’ai toujours eu l’ambition de gérer ou

no 1 février 2010

© Eva Grau

À LA TÊTE D’UNE EXPLOITATION AGRICOLE À PENTHÉRÉAZ (VD) DEPUIS quinze ANS, CHRISTIAN FASEL EST UN PASSIONNÉ. CET AMOUR DE LA TERRE, QUI LUI A éTé TRANSMIS PAR SES GRANDS-PARENTS, IL TENTE AUJOURD’HUI DE LE TRANSMETTRE à SES FILS.

Christian Fasel appelle à une meilleure répartition des marges dans le domaine alimentaire.

reprendre une exploitation car j’ai l’esprit indépendant et j’aime faire mes propres choix.» Un accident va lui donner le coup de pouce qu’il attend pour voler de ses propres ailes. Durant l’hiver 1995, alors qu’il se repose chez lui après une opération, il tombe sur une petite annonce: une exploitation agricole de Penthéréaz cherche un repreneur. «C’était le 26 décembre, je m’en souviens encore car ça m’a marqué. Juste avant midi, j’ai téléphoné au numéro indiqué. Avec le propriétaire, nous avons parlé cultures, affinités. Pas une seule fois nous n’avons évoqué la question des finances. L’aprèsmidi même, j’ai visité son domaine, puis j’ai contacté mon frère pour lui proposer de relever ce défi avec moi.»

PARTICIPER POUR S’INTÉRESSER Les deux frères travailleront treize ans ensemble sur leur exploitation, produisant notamment des endives, des salades, des tomates mais aussi du blé et du colza.

FASEL TRAVAUX AGRICOLES SA EN CHIFFRES • 11 personnes employées à l’année (patrons et administration compris) • 52 hectares d’exploitation • 36-38 hectares de culture agricole • 8-9 hectares de culture maraîchère • 8000 m2 de serres • 500-540 tonnes d’endives par an • 30-35 tonnes d’aubergines par an • 100-120 tonnes de tomates par an • 200 tonnes de blé par an • 28 tonnes de contingent de colza par an • 450-500 tonnes de betteraves par an

Agriculteur

21


portrait

© Eva Grau

L’un s’occupera des machines, l’autre des cultures. L’expérience, dit Christian, se révélera «très positive et enrichissante». Mais en 2008, Roland décide de quitter l’entreprise familiale. «Mon frère a deux filles et aucune d’elles n’est intéressée à prendre sa suite, explique Christian. Pour lui, c’était un peu le dernier moment pour changer d’orientation.» Resté seul à la tête du domaine, Christian poursuit l’aventure en attendant que son fils, bientôt 17 ans, lui succède. Lui aussi a attrapé le virus. «Depuis qu’il est tout petit, cela a été toujours été une évidence pour lui qu’il deviendrait agriculteur.» Père de trois fils, Christian Fasel a un principe: pour intéresser, il faut faire participer. Ainsi, il exige de ses enfants qu’ils lui donnent un coup de main sur l’exploitation pendant leurs vacances, «pour qu’ils voient quel est notre travail et qu’on puisse leur communiquer notre passion».

fasel travaux agricoles sa

Pour l’heure, pas question de penser à l’agrandissement de l’entreprise, la priorité est à l’optimisation de chaque secteur.

faites, vous ne considérez pas cela comme une contrainte. Même si je sais que c’est dur, il n’y a pas un matin où je me lève sans avoir du plaisir à aller travailler.» Dans le secteur, l’agriculteur ne fait pas exception: «Tous ceux qui ont choisi le UNE POLITIQUE AGRICOLE INCOHÉRENTE Et de la passion, il en faut, car le métier est monde agricole sont des passionnés. Et les rude. Les journées de Christian Fasel politiques en profitent.» Pour lui, la policommencent à 6 heures du matin pour se tique agricole suisse «va à l’encontre du terminer à 19h. Entre mi-juillet et fin bons sens». «On prône une agriculture proche des marchés, mais on est «Quand vous aimez ce que vous faites, obligé de donner des subventions vous ne considérez pas cela comme une aux paysans car ils ne peuvent pas vivre de leur production. On ne contrainte. Même si c’est dur.» peut pas produire à un prix monnovembre, il travaille sept jours sur sept dial en ayant une économie nationale. Il y une semaine sur deux. Quant aux a forcément un décalage.» La solution? vacances, il prend une semaine de congé Une meilleure répartition des marges, à Noël, une en février et quelques jours pour commencer. «On ne cesse d’augen août. Mais loin de lui l’envie de s’en menter les surfaces de vente, mais il n’y a plaindre: «Quand vous aimez ce que vous pas plus de consommateurs pour autant.

Publicité

Or, ces intermédiaires coûtent cher! Au lieu de développer de grandes structures pour gagner toujours plus, on devrait plutôt revaloriser chaque région. Pourquoi des céréales cueillies à un endroit doivent-elles voyager sur des kilomètres pour être moulues?»

S’ADAPTER ET INNOVER L’avenir du monde agricole suisse, Christian Fasel le voit chargé de défis et de gros changements. Ne serait-ce qu’en raison de l’influence des changements climatiques. Et de la demande de nourriture en constante augmentation. «Sur le moyen terme, notre horizon est assez bouché, mais sur le long terme, je suis plus optimiste.» Pour survivre, il faudra faire preuve d’adaptabilité et d’innovation. «Nos outils de production ne doivent pas être figés, explique-t-il. Il faudra prévoir des investissements à court terme, qui soient rapidement rentables, afin de pouvoir, le cas échéant, changer facilement d’orientation.» Pour lui, pas question, donc, d’agrandir son entreprise. La priorité est à l’optimisation de chaque secteur: améliorer la gestion des frigos de stockage des endives, par exemple, ou le suivi des parcelles. Il faut faire au mieux car derrière lui, la nouvelle génération est dans les starting-blocks. Son fils aîné, adolescent, se destine à prendre la suite, mais il n’est pas le seul. Le cadet, lui aussi, se dit mordu par l’agriculture. A tout juste 9 ans. Son père s’en réjouit: «J’ai bon espoir que la relève soit assurée.» EVA GRAU

22

Agriculteur

no 1 février 2010



Crédits de construction et hypothèques dès C’est le taux qui fait la musique

Contactez-nous: 021 613 06 70 www.banquewir.ch


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.