Ineffable Magazine N°11

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ALGÉRIE PLURIELLE : NOTRE DIVERSITÉ NOUS UNIT Ineffable Magazine I N°11 I ISSN : 2602-6562


ALGÉRIE PLURIELLE : NOTRE DIVERSITÉ NOUS UNIT Ineffable Magazine I N°11 I ISSN : 2602-6562

Couverture par Ta9sas


MENTIONS LÉGALES : • Directrice de la rédaction : Ahlem KEBIR ahlem.kebir@ineffable-dz.art +213 (0) 698 200 899 • Directeur de la publication : Aimen BENNOUNA aimen.bennouna@ineffable-dz.art +213 (0) 698 585 628 • Illustratrice : Amina Djebri @amina_illustration • Comité de lecture : Hiba BOURMOUM, Fatima ABADA, Ibtisem HAMMOUCHE, Djouher MEZDAD. Chaimaa LADJAL Anya MÉRIMÈCHE • Couverture : Ta9sas • Site web : www.ineffable-dz.art • ISSN : 2602-6562


SOMMAIRE ALGÉRIE PLURIELLE

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ALGER DU MONDE Auteure : Fred Romano

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RITES FUNÈBRES ET LITTÉRATURE Auteure : Nélia Salem

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OULED NAIL DANCERS: A FADING MEMORY Auteur : Hamza Koudri

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DE LA DIVERSITÉ LINGUISTIQUE EN ALGÉRIE

Auteur : Adel Hakim, Président du club littéraire de l’étudiant francophone Université Hassiba Benbouali

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ALGÉRIE PLUS RÉELLE !

Auteure : Oumaima Louafi -Equipe Rédaction Nomad Club

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UN PETIT GRAIN DE SABLE AU MILIEU DU SAHARA Auteure : Farah Boucherit – Equipe Rédaction Nomad Club


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LE CINÉMA ALGÉRIEN : UN ROMAN AUX MULTIPLES VISAGES Auteure : Menel Zeggar

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DZAIR RIHLA FI ZMAN Auteure : Soumia Acherouf

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YENNAYER : LE NOUVEL AN BERBÈRE Auteure : Louiza Tilleli Seker - Club ALUMNI HEC Alger

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AL-ĀALA, L’INSTRUMENT MUSICAL COMME TÉMOIN DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE EN ALGÉRIE Auteur : Salim Dada Compositeur, musicien, chef d’orchestre et chercheur musicologue

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MAHFOUD TOUAHRI DRAMATIC ART ASSOCIATION OF MILIANA Author : Sara Taib


EDITO

ALGÉRIE PLURIELLE : NOTRE DIVERSITÉ NOUS UNIT « Source d’échanges, d'innovation et de créativité, la diversité culturelle est, pour le genre humain, aussi nécessaire que l'est la biodiversité dans l'ordre du vivant. En ce sens, elle constitue le patrimoine commun de l'humanité et elle doit être reconnue et affirmée au bénéfice des générations présentes et des générations futures ». Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle


J

e ne ferai pas de discours sur la grande diversité du paysage culturel algérien, car il s’agit là d’une évidence. Pourtant, je ne suis pas d’accord pour dire qu’il y aurait plusieurs Algéries. Le défi, aujourd’hui, est justement d’avoir une seule Algérie, unie tout en restant plurielle, d’en faire un miroir qui refléterait un visage collectif, dans lequel nous pourrions tous nous identifier. Pour y arriver, un grand travail d’acceptation et de tolérance est à faire. Qui sait réellement s'il est berber, arabe, ottoman, kouloughli, romain ou punique ? Est-il seulement possible d’avoir une seule origine ? Depuis le temps, il y en a eu des métissages. Revenir aux premières origines semble être un choix sensé à première vue, mais effacer des pans de l’histoire, c’est aussi effacer des pans de notre identité. Choisir une seule identité pour un pays comme l’Algérie ne fera qu’aliéner la population, accepter la diversité ne fera que l’enrichir. Pour en venir à la tolérance, l’Algérie ne peut pas se permettre une tolérance passive. Il ne s’agit pas d’accepter que l’autre existe en toute indifférence, mais d’apprendre et comprendre la culture et le mode de vie de l’autre et d’accepter que quelque part sa culture est aussi la nôtre, car nous demeurons unis par un seul et même pays et une histoire commune. Cela parait difficile, et c’est bien le cas, car il est requis de penser autrement que de coutume. À mon avis, il s’agit d’accepter la possibilité d’être plus qu’une seule chose, d’avoir plus qu’une seule culture et plus d’une origine. Nous avons cette tendance à fonctionner en case binaire, où seul un de deux états est possible. Et si la réponse à la question était à choix multiples, et que plusieurs réponses étaient possible simultanément ? Et pourquoi se réduire à être une seule chose quand nous avons la possibilité d’être, en toute légitimité, plusieurs choses à la fois ? Cette pluralité n’est pas un fardeau à porter, il s’agit d’un droit et d’un devoir. Le droit d’être tout ce que l’histoire nous a permis d’être, et le devoir de préserver cette richesse pour les générations futures. Ahlem Kebir - Cofondatrice


ALGER DU MONDE Auteure : Fred Romano

Telle une jarapa, composée de multiples étoffes colorées tissées entre elles, la population d’Alger a des origines des plus diverses, venues du monde entier.


Ĺ’uvre de L'Homme Jaune, Alger


ALGÉRIE PLURIELLE

ALGER DU MONDE Auteure : Fred Romano

a première immigration massive détectée par analyse génétique lors d’une recherche internationale a été celle des Etrusques, ennemis jurés de Rome, bien que de cultures similaires, vers le Nord africain. Elle est visible grâce à l’amer de Tipaza, le mausolée royal de Maurétanie (appelé depuis la colonisation française et jusqu’a aujourd’hui tombeau de la Chrétienne) un tombeau qui est très similaire aux tombeaux étrusques en Toscane, à Cerveteri, ainsi que le tombeau rectangulaire dit « punique » dans le port de Cherchell. Cependant, une question se pose : Rome a-t-elle conquis ce territoire montagneux, propice aux embuscades, où ses légions avaient des difficultés à progresser, habité par des Etrusques et Carthaginois ? La culture Etrusque était très similaire à la Romaine, ce qui permit sans doute à l’empereur Auguste d’établir un pacte avec les villes côtières de l’échelle punique : Cherchell, Annaba, où des Romains scientifiques, tel Columella (1er s A.C), purent s’établir et poursuivre leurs travaux ( première observation que la ‘fièvre romaine’- nommée plus tard malaria ou paludisme- provient de ‘animalcules’ vivant dans les marécages), repris -sans citer- au 19ème s. par Alphonse Laveran, médecin militaire français basé à Annaba, Prix Nobel de médecine en 1907 pour sa communication sur la malaria, et considéré comme père de la microbiologie). Toutefois, on notera que la portion de mer Méditerranée qui borde l’Algérie, de Oran jusqu’au cap Bon, ne porte toujours pas de nom sur les cartes internationales marines, comme une vengeance tardive des administrateurs romains sur l’empire de mer étrusco-carthaginois. Une autre

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influence majeure à cette époque fut l’arrivée des armées perses, avec leurs artisans et scientifiques, qui équipèrent tout le Nord de l’Afrique en « Qanats » et autres systèmes d’irrigation, amenant ces terres à une splendeur qui provoqua l’envie des Romains, gagnants en puissance, à présent voisins. Et c’est le romain Vitruvius, dans ses « Douze livres sur l’architecture », qui va apporter les connaissances techniques nécessaires à la réalisation des Qanats et à leur préservation. L’œuvre de Vitruvius (1er s A.C), fut traduit et illustré par le Vénitien Roberto Valturio (ami de la célèbre famille d’éditeurs vénitiens Manutius, centre de l’activité intellectuelle à Venise) en 1472 pour le vicomte Sigismond de Malatesta de Rimini, qui l’offrit à Mehmet II, sultan ottoman. Scipione Cicala, juif né en Calabre, converti à l’islam comme Mimar Sinan, dans sa formation à Istanbul redécouvrira le livre et en tirera des solutions défensives innovantes et spectaculaires. Ainsi, la ville d’Alger lui doit probablement le système de qanats, couplé aux réservoirs de la ville, qui a provoqué, non la tempête, mais un véritable tsunami, emportant de forme presque définitive les forces pourtant supérieures de Carlos V et mettant l’empereur lui-même en danger. Vitruve a cependant beau attribuer le Qanat aux romains comme « aqueduc souterrain », il est toutefois établi que la technologie est Perse et que Darius le Grand l’a largement mise en place lors de sa conquête du monde connu, ce qui signifiait des générations d’esclaves et d’artisans spécialisés venus de toutes les régions de l’empire Perse, travaillant sur place et se mêlant probablement aux populations locales. Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable


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Marcus Vitruvius Pollio - babelio.com

La mer ramènera d’autres envahisseurs tels que les Vandales. Quant aux Arabes, ils arrivèrent par le désert, depuis Damas, Sinaï, Egypte, jusqu’au cœur du Touat saharien. Comment résistèrent-ils? Tout comme les commerçants chinois traversant le désert de Gobi, grâce à une plante, née dans les steppes chinoises de moyenne altitude, utilisée (encore aujourd’hui) pour combattre le syndrome de chaleur toxique. Les Arabes, maîtres de la distillation, en tirèrent un colorant bleu résistant au soleil, comme le précieux bleu pharaonique (à base de lapis-lazzuli), et de surcroît médicinal. Dans le désert du Touat, ils apprirent aux Touareg à cultiver le pastel (en français), anyil de Jerusalem (en espagnol), isiatis tinctorial (terminologie scientifique), puis à teindre des habits médicinaux les protégeant du soleil, par lesquels ils sont encore connus comme Hommes Bleus (même si depuis, l’indigo, non médicinal, a remplacé le pastel). Les Arabes sont venus par petits groupes, amenant techniques et organisations nouvelles. Néanmoins, ce ne fut pas une immigration massive. Ils amenaient de nouvelles techniques, notamment d’irrigation, de distillation et de colorants, ce qui permit à Alger de s’enrichir, grâce au Kermès (cochenille donnant un rouge vif, devenu couleur royale espagnole) et au pastel (plante venue des contreforts des Himalaya donnant une couleur bleue résistante au soleil - couleur royale de France). L’innovation du système décimal, ainsi que l’Islam, révolutionnèrent la société. Mais, attachés au nomadisme, ils se mêlèrent peu aux populations locales et aujourd’hui, ils ne représentent que 1% au plus de la population algérienne. La boussole et l’art de la cartographie, ainsi que les judicieuses inventions de Vitruve, comme le bateau démontable, assurèrent la domination musulmane en mer. Pendant ce temps, l’Andalousie souffrait, alors que les catholiques violaient tous les accords de cohabitation entre les diverses religions espagnoles. Les convertis, puis descendants de convertis y étaient à présent vus comme « anciens mécréants » et virent leurs droits se réduire à peau de chagrin, leurs boutiques ou ateliers pillés, leurs enfants brûlés vif. On les força à les convertir en leur donnant un nouveau nom aux accents porcins (Cerda, Grassa, Porcell, etc.), sachant ce que représentait le porc pour juifs et musulmans, les mettant ainsi à l’opprobre de leur propre communauté, comme vis-à-

vis des chrétiens. Puis, commença la dictature de l’assiette (ceux qui refusaient de manger du homard pouvaient finir brûlés vifs), l’espionnage des voisins (récompensés lorsqu’un converti était pris retournant à la religion de ses ancêtres), les tortures arbitraires et les interrogatoires inhumains. Le monde musulman de l’autre côté de la Méditerranée leur apparut alors comme leur seule planche de salut. L’immigration andalouse se fit massive depuis l’Espagne vers Alger, ainsi que depuis le Sud de l’Italie, la Sardaigne et la Sicile, où sévissaient des Inquisiteurs particulièrement effroyables (tel l’archevêque qui terrorisa Palerme, Diego de Haedo). L’Espagne se désertifia donc de tous ses artisans, commerçants et scientifiques, lesquels fuyaient l’horreur catholique sur de petites barques vers Alger. L’Espagne tenta d’enrayer cette fuite de cerveaux en interdisant l’embarquement vers l’Afrique depuis ses ports, ce qui provoqua l’afflux massif des convertis espagnols vers les ports français, notamment Marseille, les plus riches versant des bourses afin que les plus pauvres puissent embarquer aussi. De véritables banques solidaires se sont créées, afin de fuir l’horreur de l’Inquisition espagnole.

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Carte d’Alger de 1541, par l’inventeur de la vision à vol d’oiseau, le Hollandais Cornelius Antoniszt

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Charles Quint, devenu empereur chrétien, manda Pedro Navarro, son homme de main, en Afrique du Nord, de récupérer ces forces vives appartenant à l’Espagne. A Bejaia, il faisait tatouer sur la figure les Andalous évadés en Algérie d’un S avec un clou: esclavo pour toujours. Il est probable que dans ce contexte atroce, les femmes kabyles aient choisi de réaffirmer leur tradition du tatouage facial afin d’éviter celui des catholiques ( sur un visage tatoué, on ne voyait plus si bien le «S clavo» faisant la gloire des maîtres espagnols). Cette politique, menée aux quatre coins de l’empire espagnol catholique (et même aux frontières), finit par provoquer la rébellion justifiée des musulmans et des métis et l’Islam devint la religion de la libération. Bab Aruç, marin grec, après deux ans de torture continue dans la chambre des horreurs de la citadelle chrétienne de Bodrum, des chevaliers de Saint-Jean de Rhodes (qui devinrent les chevaliers de Malte après avoir été expulsés de Rhodes par Suleyman le Magnifique), devint le Bénévole, petit père des peuples opprimés, dé-chaineur d’esclaves, en collaboration avec l’esclave devenu empereur ottoman, et pour lequel la libération des esclaves de chrétiens et leur conversion à l’islam, afin de ne plus jamais être esclaves, était une priorité. Il devint le premier roi d’Alger et, avec Mimar Sinan, juif Calabrais converti à l’Islam et ingénieur civil de génie, fit construire la jetée reliant le fort espagnol à la ville, ainsi que ses astucieuses défenses hydrauliques, qui provoquèrent l’écrasante défaite de Charles V. Dans cette ère dite « ottomane » d’Alger, bien peu vinrent de Turquie, d’autant que le roi Hassan Pacha Veneziano, vénitien comme l’indique son nom, parvint à faire en sorte que n’importe quel habitant d’Alger puisse se faire janissaire et ainsi participer à la défense de la ville. Ce privilège unique dans tout l’empire ottoman limitait aussi les entrées de janissaires turcs ou roumains à Alger, définissant le royaume comme autosuffisant. Ceux qui, dans «Topographie et Histoire Générale d’Alger», sont nommés comme « Turcs de profession » en réalité proviennent de : « En commençant par les provinces lointaines1 de l’Europe, on trouve des renégats moscovites, russes, géorgiens, valaques2 , bulgares, polonais, hongrois, bohêmes, tudesques, norvégiens et danois3 , écossais, anglais, irlandais, flamands, bourguignons4, français, navarrais, basques5, castillans, galiciens,

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portugais, andalous, de Valence, aragonais, catalans, majorquins, sardes, corses, siciliens, calabrais, napolitains, romains, toscans, génois, savoyards6 , piémontais, lombards, vénitiens, slovènes7 , albanais, bosniaques, arnautes8, grecs, crétois, chypriotes, syriens, égyptiens et même des abechinos9 , et des indiens des Indes du Portugal10 , du Brésil, et de la Nouvelle Espagne11 ». A ces nouvelles sources génétiques, il faut ajouter les milliers d’esclaves portugais ou espagnols qui se convertirent à l’islam (au moins 30%) et se fondirent dans la société algéroise. Les épidémies de malaria ayant tué plus de 60% de la population adulte (ce qui démontre bien son caractère de maladie nouvelle en Algérie), les Français ne firent qu’enfoncer une porte béante en 1840, se livrant au pillage des anciens alliés dont ils connaissaient les richesses. Les Socialistes français primitifs se mirent à rêver d’un El Dorado, où ils pourraient développer une société plus juste, sur les bases de la révolution française. Il ne suffisait que « d’exproprier les barbares », selon Adrien Berbrugger. Eloignées de l’Espagne Des Balkans 3 La Norvège était alors comme une province du Danemark ; ce détail démontre une fine connaissance en politique internationale de la part de l’Auteur 4 Louis XIV ne parvint à s’approprier du duché de Bourgogne qu’en 1678 5 La Biscaye était alors une seigneurie indépendante, bien que déjà unie à la Castille, ainsi que les suivantes régions espagnoles et italiennes 6 La Savoie ne faisait pas encore partie de la France 7 L’Auteur dit Esclavones 8 L’Auteur dit Arnautas, qui signifie albanais installés dans l’île de Nios (Ios), au service des pachas turcs. 9 L’auteur dit Abexinos ; les universitaires prétendent que les abexinos étaient soumis au Prêtre Jean, un mythe catholique sur un apôtre égaré en Orient ; certains vinrent à croire qu’il y possédait des armées et ont avancé qu’il s’agit ici de Huns, convertis au christianisme. En réalité, il s’agit d’Abyssins convertis à l’islam, recrutés lors du voyage de Suleyman le Magnifique en Inde, « Travel from Alexandria to India, 1538 » relaté par le même Antonio Manutius, qui a écrit aussi le présent ouvrage, avec Miguel de Cervantes. 10 Les comptoirs portugais en Inde, comme Goa 11 Le Mexique ; il est très étrange que ces indigènes soient mentionnés, car la politique de l’Espagne quant à ses colonies était de ne pas ramener vers les terres européennes des indigènes, qu’ils suspectaient d’être les juifs des tribus perdues. 1

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La maison d'un esclave (S clavo) à Madrid (Espagne)

Références : • Vitruvius. The Ten Books on Architecture. Morris Hicky Morgan ed. • Valturio Roberto. Les douze livres de Robert Valturin touchant la discipline militaire, 1555. Traduit de langue latin en français par Louis Meygret Lyonnais. (Repris des travaux de Vitruvius) • Infant Don Fernando de Bougie, vassal de l’empereur Charles Quint ( ou la politique espagnole de l’horreur en Kabylie) pdf en espagnol • Dans la citadelle chrétienne de Bodrum, surtout dans la Tour Gatineau, Dieu est absent • Monique Bodin-Payre. La mise en place d’une vérité historique au XIXème s. en Algérie , (CNRS) • Jean-Louis Marçot. Comment est née l’Algérie Française (1830-1850). La belle utopie. Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable

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ALGÉRIE PLURIELLE

RITES FUNÈBRES ET LITTÉRATURE Auteure : Nélia Salem

Ames errantes, tombant dans un monde qui leur est inconnu, se mettent à la recherche d’un abri, d’un refuge qui devrait leur être éternel et puis, un beau jour, elles s’immiscent dans un corps qui n’est pas complètement le leur, un corps passager pour une âme éternelle… Mais ce corps finit par s’affaiblir et se laisser emporter par le rythme des jours heureux et mélancoliques, ne laissant de trace que par de brefs souvenirs gardés au fond d’un esprit nostalgique. La perte d’un être cher appelle à un dernier hommage, et on l’aura tous remarqué : les traditions algériennes ne font guère exception à cette règle qui, d’une manière ou d’une autre, prouve que l’on tient à faire un dernier geste symbolique à l’égard

du défunt. Les rites funéraires sont extraordinaires dans un pays où la diversité comble tous les vides et déteint sa beauté là où elle passe. La mort devient un rite magique où pleures deviennent chants, où religion devient abri, où propreté devient rite de retour aux sources. Ces derniers doivent donc être mis en valeur pour comprendre la profondeur de la culture algérienne, ainsi que toute la place qu’occupe cette tradition en la liant directement à la littérature, qui, à son tour apporte son lot d’authenticité dans la description joliment détaillée de la cérémonie finale. Comment les traditions mortuaires sont-elles effectuées dans un pays très attaché aux coutumes ? Et comment la littérature algérienne a-t-elle décrit ces rites funèbres ?

Alger, Famille maure au cimetiere

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1. Entre mort et traditions : Quand l’ange de la mort vient happer les âmes des vivants, une vague de froid s’installe dans toute l’atmosphère qui entoure la dépouille fraîchement cueillie, les personnes prennent du temps pour s’en rendre compte et faire face à la réalité douloureuse. C’est là que les traditions de nos ancêtres font leur entrée pour atténuer ce chagrin qui creuse un abîme profond où plusieurs sentiments se jettent et s’affrontent : amour, manque, regrets, haine, plaintes et lamentations. Citer les traditions appelle obligatoirement à citer la religion, nos aïeux étaient à cheval sur le bon déroulement de la veillée en restant très pointilleux sur l’application correcte des croyances. Alger, vendredi au cimetière d'El-Keittar

Quand le corps gît dans la demeure, les premiers gestes fait par les proches sont ceux de fermer les yeux et la bouche et recouvrir le défunt d’un drap. La suite est connue, on annonce la nouvelle aux proches et aux gens du village tout en prévenant la mosquée pour organiser la prière qui se fera le jour-même (pour certains) ou le lendemain (pour d’autres). L’apport d’une aide aux proches du défunt est une action importante dans nos traditions (aides dans les tâches ménagères, cuisine, etc.) c’est non seulement prouver que l’on est là pour la famille, mais c’est aussi faire un dernier geste symbolique à l’égard de l’être aimé qui nous quitte soudainement. L’un de ces gestes, est celui du lavage mortuaire. Ce dernier peut être fait par un membre de la famille qui y tient réellement ou par un membre extérieur. C’est une tâche délicate qui demande beaucoup de courage aux proches, et beaucoup d’attention aux inconnus. La prière est faite à la mosquée ou au cimetière, cette oraison est de courte durée contrairement à celles qui sont faites habituellement. En Algérie, il n’y a que les hommes qui assistent aux funérailles, les femmes quant à elles doivent attendre le lendemain ou les jours qui viennent pour s’y rendre. Leur absence est justifiée par le fait que la femme est sensible et délicate. Par conséquent, elle ne peut guère maîtriser sa peine et son chagrin. Les traditions n’ont pas fini de confesser tous leurs secrets, on continue à rendre hommage à l’être qui nous a quitté durant des jours bien Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable

précis comme le troisième et le quarantième jour. Le troisième jour suivant l’enterrement, les proches préparent à manger et se présentent au cimetière pour placer l’épitaphe. Lors du quarantième jour, c’est El Wa3da, on prépare à manger, et on invite tous les passants à prendre place dans une sorte d’offrande censée aider le mort dans l’au-delà. Et puis il y a le moment où l’on dépose une partie des offrandes sur la tombe, pour que les visiteurs du cimetière en bénéficient également en guise de bienfaisance. C’est là une sorte de Sadaqa au nom du défunt. Le choix de ces deux jours en particulier n’est pas fortuit, dans la tradition kabyle par exemple une croyance dit que l’âme du défunt erre autour de la maison durant la troisième nuit, puis demeurera dans la tombe jusqu’au quarantième jour. Nous venons de passer en revue les traditions les plus répandues dans notre pays, bien que parfois quelques divergences sont à noter d’une region à une autre. Et pour sauvegarder toutes ces traditions et tous ces rites, la littérature dans sa grandeur fait son entrée en offrant un travail de sauvegarde qui traverse les temps.

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2. Traditions mortuaires dans la littérature algérienne : La littérature algérienne est un champ vaste où tous les sujets s’affrontent, s’entrechoquent et s’emmêlent pour aboutir à un récit des plus entrainants. Nos auteurs ont toujours eu cette touche culturelle bien à eux, et ce, depuis l’apparition d’une littérature purement algérienne (c’est-à-dire à partir des années 50 avec Mohammed Dib, Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Assia Djebar et autres). Nos auteurs ont su s’imprégner d’une réalité algérienne et l’adapter à un imaginaire romanesque. Ce fut l’explosion des saveurs ! On se permettait toutes les absurdités possibles en utilisant une langue riche en émotions et en culture ancestrale. Quand les écrivains se mettent à faire cela, on se retrouve confrontés à des situations réelles de la vie de tous les jours avec une légèreté propre aux mots qu’on ne peut retrouver nulle part ailleurs. Toutes les traditions ont été citées dans nos romans et parmi elles, notre sujet : les traditions funèbres. Une sélection de passages nous montre la profondeur du deuil et la légèreté des mœurs dans la réalité algérienne romanesque : a. La colline oubliée de Mouloud Mammeri : « Le long cortège grossissait à chaque village […] précédée par les marabouts et les vieillards qui chantaient inlassablement le chant monotone et lent de ceux qui sont morts loin de leur tribu natale. Ils entrèrent au village le soir. Toute la nuit, le cheikh avec les marabouts et les adeptes de la confrérie Abderrahman chantèrent des litanies autour du corps ». Nous pouvons déjà, à la lecture de ce passage, voir la place qu’occupent les chants durant les enterrements, ce ne sont guère des chants de joie et de fête, Ils servent à rendre un dernier hommage, à travers un chant religieux qui, pour sa part, appelle à la miséricorde de Dieu envers cette âme qui s’envole vers d’autres cieux. Les chants funèbres sont parfois sinistres, mais n’en demeurent pas moins beaux et légers, un certain apaisement les accompagne et fait adoucir l’atmosphère morose qui règne autour du mort.

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Nous pouvons ajouter à cela ce passage émouvant: «Avant de le mettre en terre, pour la dernière fois, quand le cheikh levant un coin du linceul, découvrit le visage du mort, le père de Mokrane baissa sur ses yeux le capuchon de son burnous, car un homme ne doit jamais montrer sa douleur». Les hommes en Algérie, « doivent » avoir la force de faire face à la rudesse de la vie ; par exemple dans ce passage, le père perd son fils, mais il se doit d’être fort et de tenir le coup. Les hommes ne pleurent pas devant tout le monde, c’est un signe de faiblesse dans les traditions. Contrairement aux femmes, qui se laissent aller et extériorisent leur douleur plus facilement, car la tendresse de la femme lui offre cette possibilité, d’où l’interdiction d’assister à la mise en terre du défunt. La colline oubliée n’est pas seulement un roman réaliste, il va au-delà des frontières littéraires : c’est un roman où chaque détail compte, toutes les traditions kabyles y sont mentionnées d’une manière ou d’une autre ; on ne peut qu’apprendre en s’y plongeant : « Longtemps, Melha ne put se consoler de la perte de son fils. […] Elle ne prenait plus la peine d’essuyer ses larmes, même pas quand Ramdane entrait, et, ne pouvant elle-même aller chaque jour sur la tombe de son fils, elle confiait à la mère de Mouh les offrandes pour le repos des âmes de leurs deux enfants ». Ce passage est très important parce qu’il touche à plusieurs points culminants. Les femmes sont celles qui font face le plus longtemps à la douleur, surtout la mère. Un lien très fort se tisse entre mère et enfants, et à la perte de l’un d’eux c’est tout l’univers qui s’effondre. Melha ne peut même plus aller à la tombe de son fils, c’est trop douloureux, voire insupportable. Les femmes traditionnelles respectent énormément le mari, pleurer devant ce dernier est signe de manque de respect. La plupart du temps, elles se cachent pour le faire d’où l’expression «Elle ne prenait plus la peine d’essuyer ses larmes, même pas quand Ramdane entrait». Et, enfin, un dernier point : l’offrande. C’est un acte qui, non seulement est bon pour le mort, mais également pour les vivants ; offrir à manger à des pauvres n’est que bienfaisance.

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Couverture du livre la terre et le sang Mouloud Feraoun

b. La terre et le sang de Mouloud Feraoun : « La maison de Kamouma était pleine de monde. Le défilé des visiteurs avait commencé dès l’arrivée du corps. Des gens venaient dire une parole de réconfort à Kamouma et à Madame, s’approchaient à tour de rôle du mort, se tenaient un moment sur le seuil puis cédaient leur place à d’autres ». La mort n’est pas un événement banal, un être disparaît et laisse derrière lui un vide énorme dans la vie de ceux qui l’entouraient. Par respect au défunt et à ses proches, les gens qui le connaissent de près ou de loin viennent apporter leur soutien aux vivants, c’est un certain appui qu’on leur offre pour faire face à l’épreuve de la mort. « Hemama se trouvait dans le lot des femmes qui se lamentaient et ses cris dominaient tous les autres. Chaque fois, elle donnait le signal. Elle choisissait son moment pour crier, les autres suivaient. Elle guettait les entrées, puis quand un groupe important obstruait la porte, elle les assourdissait de son bruyant désespoir ». Lors des enterrements en Algérie, les femmes sont les premières à montrer l’étendu de la tragédie: cris, évanouissements, chaudes larmes. C’est digne d’une tragédie Racinienne. Les femmes adorent faire dans l’hyperbole, exagérer est un don. Bien que les plus proches soient vraiment touchées, les autres ne font que suivre le rythme pour accentuer la lourdeur d’un événement naturel qui se répète. La terre et le sang est un roman riche en émotions et en tragédies, la mort et les liens familiaux prennent le dessus tout au long du récit. c. Les enfants du nouveau monde d’Assia Djebar : Assia Djebar est l’une des rares écrivaines algériennes qui a su décrire totalement les mœurs des femmes dans toute leur splendeur ! Elle est allée au fin fond des choses, pour conter le monde des femmes, leur intimité sublime. « On avait emporté le corps de la vieille Aicha le lendemain de sa mort, à la fin de la matinée: cérémonie brève, récitations de prières, puis quatre hommes sortis les premiers de la maison avec sur leurs épaules le cercueil, ou plutôt une planche large de bois poli sur lequel gisait, enveloppé de linge blanc, le corps ». Ce passage est riche en informations : les personnes qui soulèvent le corps, l’objet sur lequel Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable

il est transporté, mais également le drap blanc dans lequel est enveloppé le corps du défunt. Cela pourrait sembler inintéressant, mais c’est toute une tradition religieuse qui se cache derrière, ce n’est pas un récit romanesque courant, mais une description des mœurs à travers des personnages banales qui pourraient être vous et moi. « […] Mais Amna avait besoin d’aller jusqu’au fond de son chagrin pour en éprouver ensuite un soulagement animal. Elle gémissait, sortait un large mouchoir, éternuait dans ce drap. Et les deux mioches effarés pendus toujours aux frusques de leur mère, se mettaient en chœur à s’écrier, à hoqueter… ». Le deuil ne se manifeste jamais de la même manière chez les deux sexes opposés ; les hommes essayent de garder leur virilité contrairement aux femmes qui ressentent le besoin de crier et de faire part de leur douleur (aussi légère soit-elle) pour avoir quelqu’un qui l’épaule. Nous avons, d’ailleurs, vu cela dans les romans cités plus haut. Les romans phares de notre littérature ne sont pas seulement les enfants blafards enfouis sous terre et déterrés sous forme de mots, ils sont également ces racines tant redoutées, ces arbres que l’on ampute, mais qui reviennent encore plus forts, plus beaux et donnent fruit à l’imaginaire grandiose de nos écrivains qui ont su jumeler entre réalité et fiction pour nous offrir la plus belle fresque du monde. La mort n’est pas une fin en soi, voyez-vous ? Nos auteurs sont poussière et pourtant leurs esprits ne cessent d’errer dans notre monde en quête de cette liberté tant chérie et leurs voix ne cessent de répandre leurs échos dans une terre fièrement libre. Laisser sa trace, apporter quelque chose à ce monde, c’est l’apparition après l’effacement.

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OULED NAIL DANCERS: A FADING MEMORY Auteur : Hamza Koudri

[The] Ouled Nail, with her robe of vivid crimson embroidered in gold, her soft silk veil of the palest blue…the wide gold girdle with its innumerable chains and pendants, the necklaces of coins, the bracelets of silver and gold, and the crown-like head-dress, is the personification of the gorgeous East. – Frank Edward Johnson, “Here and There in Northern Africa” (The National Geographic Magazine, January 1914)

public domain (pre-1923)

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ALGÉRIE PLURIELLE

OULED NAIL DANCERS: A FADING MEMORY Auteur : Hamza Koudri

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or decades, tourists from wide and far flocked to Algerian desert towns like Bousaada to watch the enchanting Ouled Nail dancers perform at Moorish cafés or in the middle of a crowded marketplace. With their ostrich feathers perched on their heads and their hair braided in thick loops around their ears, the Ouled Nail women would sway their bodies to the rhythm of the tambourine, the flute and the kerkabo. Their hands drew circles in the air and their bellies rose and dove to the beat of the music as the crowds around them clapped and moved their shoulders, captivated by the magic of it all. The dancers’ jewelry, their entire fortunes, clanked and jingled too, a loud proof of their success and joy; their childhood dreams coming to life. Generations of dancers were raised in the arts of singing and dancing, and they grew to fascinate photographers and artists such as Rudolf Franz Lehnert and Etienne Dinet, but their charm soon faded in the face of modernity and their entire culture, a richly unique way of life, was buried deep amidst the folds of shame and denial. So little is known about these Arabo-Berber tribes, where their culture originated from or how they came to raise their girls to grow into talented courtesans. In fact, most Algerians have never even heard of them, and many deny their existence, claiming the colonial French fabricated such fictitious stories to attract tourists or tarnish the reputation of our nation. Others rush to justify the Ouled Nail’s lifestyle by imputing it to dire poverty that must have left them no other choice. A quick glance through the comments section on any post related to this topic will give you an idea why the Ouled Nail dancers have been shoved out of our collective memory; and the result is a tragic loss of a part of our heritage and our cultural identity. Denying the Ouled Nail’s history won’t change the fact that they lived all those years ago just like accepting it won’t necessarily reflect negatively on our values as a nation.

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This is not to deny such factors like poverty or colonial rule. In fact, the Ould Nail suffered a great deal at the hands of the French who tried to conform them to the western notion of prostitution regardless of their customs and common practices. Traditionally, a Ouled Nail dancer was very much like a Japanese geisha. Her service was entertainment. She was raised to dance and sing, and her clients paid for her performance as well as her company, which didn’t always necessarily lead to bodily pleasure. This was all foreign to the French, and in an effort to both organize this business according to common practices in Europe and make a profit off of it, they set countless restrictions on the Ouled Nail dancers, making it impossible for them to maintain their ancestral way of life. Those who survived the French rule soon vanished in a postcolonial Algeria that had no place for women who didn’t conform to common norms and traditions. But one can barely deny the rich heritage left by these mesmerizing dancers. From exuberant costumes to glowing jewelry. Their vibrant music and the Saadaoui dance. We remember them by Etienne Dinet’s many paintings, Frank Edward Johnson’s photographs in one of the oldest National Geographic magazine issues, and Émile Gaudissard’s famous sculptures in Jardin d’Essai du Hamma in Algeirs. Most importantly, the Ouled Nails set their mark in history for being strong, financially independent women who took control of their bodies and resisted against what Christelle Taraud calls “la double violence sexuelle” from the colonial and patriarchal society in the Algerian Sahara. Navigating the oppressive, colonial law and the conservative local norms, the Ouled Nail women negotiated their place effectively between two rigid communities, setting lessons for the modern world to learn from. Algeria is a continent rich with diverse cultures worth celebrating and stories worth telling, and in embracing our history we can have more clarity on our present and stand on sure grounds as we forge our future. Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable


illustration par : Souleyman Sandid

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THE OULED NAIL. DEFENSE BRACELETS BY SARAH CORBETT

Her Jewelry… Her Life For a Nailiya dancer, her jewelry was more than a simple, shiny object for decoration. In many ways, it represented her life. The large golden girdle around her waist and the coin necklaces she wore in layers provided proof of her success as a dancer. Also, for security reasons, the Nailiya always had to wear her entire fortune to keep it on her, making her a walking target for thieves. This led to many incidents of robbery where dancers were murdered for their valuable treasures. To defend themselves, the Ouled Nail started wearing weapons in the form of jewelry. A studded bracelet, also known as the swar, with its intricate engraving and spiked cuff, was a dancer’s weapon of choice, her only means of defense against attackers.

illustration par : Souleyman Sandid

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ALGÉRIE PLURIELLE

DE LA DIVERSITÉ LINGUISTIQUE EN ALGÉRIE

Auteur : Adel Hakim, Président du club littéraire de l’étudiant francophone Université Hassiba Benbouali

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epuis la nuit des temps, le territoire algérien a été une zone d’influence et de colonisation, partielle ou totale, qui a vu passer les Phéniciens, les Carthaginois, les Romains, les Vandales et les Byzantins. Il y eut ensuite la conquête arabe puis ottomane, en parallèle d’incursions espagnoles avec occupation de quelques parties du territoire algérien. Et c’est en 1830 que la France a décidé de traverser la Méditerranée pour venir s’établir en Algérie. Tout cela a fait de l’Algérie un pays métissé de cultures, de religions et surtout de langues. Juste après l’indépendance, et exactement après la fameuse expression du président Ahmed ben Bella «Vous êtes arabes, arabes, arabes», les gens, à l’époque, avaient peur d’être trois fois la même chose. L’État algérien a opté pour l’arabe comme langue officielle et pour le français comme une langue d’étude. Mais pas seulement : la langue française dominait dans les journaux, à la radio, et à la télévision. Même les films américains qui étaient diffusés à la télé, depuis cette époque à ce jour, étaient doublés en français. C’est-à-dire qu’ils étaient traduits dans une langue qui n’était pas la nôtre si l’on s’en tient au discours officiel. En 2016, après plus d’un demi-siècle d’indépendance, le gouvernement algérien a officialisé le tamazight, la langue des autochtones de la région nord-africaine, autant que langue nationale. Cela impose de facto la question suivante : combien existe-t-il de langues en Algérie ? Autrement dit, quelles langues parlent les Algériens ? Vous allez dire deux, soit l’arabe et le tamazigh, avec quelques dialectes très proches de l’arabe. Très vieille réponse ! Et pour comprendre pourquoi, je pose une nouvelle question : qu’est-ce qu’une langue ? Selon Ferdinand de Saussure, la langue est un système de communication structuré et commun à une communauté donnée. Si on prend l’arabe, le français ou l'anglais, que tout le monde considère comme étant des langues, cette définition est

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respectée. Que ce soit l’arabe, le français, ou l'anglais, ce sont des systèmes de communication particuliers, structurés, puisqu'ils ont leurs spécificités et leurs règles propres, et ils sont, chacun, associés à une communauté donnée, que l'on pourrait considérer comme étant la francophonie pour le français, l'anglophonie pour l'anglais ou l’arabophonie pour l'arabe. Mais si je prends maintenant le «tamasheq» ou le «mozabite» que certains définissent comme étant des dialectes de tamazight, là, la définition saussurienne du mot langue est aussi respectée, puisque ce sont aussi des systèmes de communication particuliers, structurés et communs à une communauté donnée. En d’autres termes que l'on parle d'un patois, d'un dialecte ou d'une langue régionale, d'un point de vue saussurien, l'on parle d'une langue quand bien même l'opposition entre langue et dialecte est une opposition qui nous paraît importante et même logique. D’ailleurs, même en linguistique, on parle volontiers du dialecte. Si jamais je vous demande, maintenant, de me définir avec exactitude ce qu'est un dialecte et ce qu'il n'est pas, et en quoi il est différent d'une langue, en seriez-vous capable ? Est-ce que vous auriez des critères ? Et les moyens de les départager ? Si vous n'avez pas réussi, ce n’est pas très grave, c'est même plutôt « normal ». En effet, en fouillant sur le net, je me suis rendu compte que personne n'arrive vraiment à définir ce qu'est un dialecte. Pourtant, ils essayent ! Pour les spécialistes de la question, la langue est liée à un standard, mais le dialecte en est dépourvu. Ainsi, le tamazight est un standard dans le sens où il y a des organismes qui codifient sa grammaire, comme l'Académie algérienne de la langue amazighe, qui rectifie, voire qui dicte son usage. Le chleuh, par contre, n'a pas d'organisme qui dicte ou qui contrôle sa grammaire ou son orthographe, il n'a pas d’académie. Le chleuh est donc, selon cette définition, un dialecte.

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Le problème de cette définition est que le tamazight, considéré donc comme une langue, ne se limite absolument pas au standard et n'est absolument pas uniforme. Et les parlers que l'on considère parfois comme étant des dialectes ont en fait une orthographe normée. Le tamasheq et le mozabite, par exemple, possèdent des orthographes normées et des dictionnaires, ils ont même des structures dans lesquelles ils sont enseignés. Ce qui implique que leurs grammaires ont été codifiées ou au moins décrites. Bref, tout cela pour dire que ce critère est contestable. On affirme que le dialecte est le descendant d'une langue. À ce propos, il est nécessaire de comprendre une chose fondamentale, les dialectes d'une langue sont parfois, et même souvent, les langues sœurs de leurs standards et pas leurs langues filles. C'est parfois même le contraire. Ainsi, le kabyle n'est pas la langue mère du chaoui ou du targuie. Le kabyle en est une langue sœur, puisqu'il est en réalité lui-même issu d'un dialecte autrefois parlé en grande Kabylie. Ce dialecte a juste eu plus de succès sur le plan politique et social. C'était la langue des gens qui réclamaient le tamazight. Cela pour conclure que ce critère est peu recevable. On affirme également que la différence entre un dialecte et une langue a rapport avec l'étendue géographique ou le nombre de locuteurs. Personnellement, j'aurai tendance à dire que ce critère est complètement erroné. Je vous explique pourquoi: l’arabe algérien est parlé par au moins 35 millions de personnes. Il est considéré comme un dialecte issu de la langue arabe, et cela, par ses locuteurs eux-mêmes. L'aire de l'arabe algérien couvre, en gros, la moitié de l’Algérie, soit 1 150 000 km2. Le Finnois est parlé par 5 millions de personnes, il est considéré comme une langue. Et on considère, en gros, que la langue occupe tout le territoire finlandais, soit, en gros, 340 000 km2. Donc, on a une langue qui a trois fois moins de territoire et cinq fois moins de locuteurs qu'un dialecte. Donc, ce critère n'est vraiment pas recevable.

rendre compte de l’immensité du patrimoine. Ce fait nous oblige à évoquer la tradition orale, car le patrimoine ne doit pas forcément être écrit. À cela, il faut ajouter les écrits en dialectes qui sont légion. Tout cela pourrait permettre d'expliquer pourquoi certaines langues très proches doivent être considérées comme deux langues à part, et pas comme deux dialectes d'une même langue, comme le Catalan et le Castillan. Le problème, si on se réfère à ce critère, est qu'il est très subjectif! De fait, quand est-ce que l’on doit considérer qu'un dialecte a assez de patrimoine pour devenir une langue ? Le dialecte en lui-même étant une forme de patrimoine, cela ne justifie-t-il pas le fait que ce soit une langue ? En définitive, c'est un critère qui est très intéressant mais trop subjectif pour véritablement départager une langue d'un dialecte. L’inter-compréhension est la clé : deux locuteurs qui parlent deux langues différentes, mais qui se comprennent, parlent en fait deux dialectes d'une même langue. Par exemple, un chleuh et un kabyle peuvent se comprendre, mais leurs langues sont différentes. On considère donc que «tachelhit» et «thaqvaylit» sont respectivement deux dialectes du berbère. Le problème, c'est que si on prend les exemples précédents, un Slovaque comprend un tchèque, un ukrainien comprendra un russe, un danois et un suédois se comprendront mutuellement. Mais de quelle langue, alors, sont issus leurs dialectes ? Si on prend la frontière germano-néerlandaise, les gens qui habitent de chaque côté de la frontière se comprennent sans problème, mais les néerlandais considèreront qu'ils parlent néerlandais, et les Allemands considéreront qu'ils parlent allemand. Finalement, ils parlent en fait sûrement chacun un parler qui est au moins aussi proche de l'un et de l'autre. L’inter-compréhension est donc un critère intéressant, mais qui n'est absolument pas applicable dans certaines situations.

La langue a une littérature, contrairement au dialecte, explique-t-on. Selon ce critère, un dialecte devient donc une langue lorsqu’il a un patrimoine. Alors, encore une fois, pourquoi pas? Mais on part du principe que le dialecte n'a pas de patrimoine, ce qui n'est pas vrai. Il n’y a qu’à écouter, entre autre, le nombre incroyable de chansons locales et poèmes populaires pour se Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable

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Tout ce qui n'est pas le standard d'un pays est un dialecte, dit-on. Si, précédemment, on avait des critères plus ou moins acceptables, celui-ci est clairement le plus contestable de la liste. En effet, si les dialectes en question ne sont pas du tout de la même famille linguistique que la langue du standard, on fait comment ? Sur le territoire algérien, le standard, c'est l’arabe, et le kabyle se trouve sur le territoire algérien. Du coup, le kabyle est un dialecte. J'ai mieux! Dans certains quartiers d’Oran, on parle l’espagnol. Oran se trouve en Algérie. Donc, les gens qui parlent l’espagnol en Algérie parlent un dialecte. Donc, vous l'aurez compris, il n'y a pas de critère magique pour séparer la langue du dialecte. En fait, la problématique du dialecte est une problématique assez algérienne. Je ne dis pas du tout qu'elle n’existe qu'en Algérie, tout ce que je veux dire, c’est qu'elle est très importante en Algérie.

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Pour conclure, je cite une phrase de Max Weinreich: «A shprakhiz a dialekt mit an armey un flot». Ce qui veut dire : une langue est un dialecte avec une armée et une flotte. J’ajoute qu’il est vraiment grand temps pour commencer à traiter les langues comme des instruments de communication et que chaque patois, dialecte ou langue régionale ait le droit d’exister.

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Azul Bonjour

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ALGÉRIE PLURIELLE

ALGÉRIE PLUS RÉELLE !

Auteure : Oumaima Louafi -Equipe Rédaction Nomad Club

« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître…» Antonio Gramsci

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u moment où beaucoup se hâtent pour apprendre de nouvelles langues, et d’autres s’accrochent à la seule langue, qu’ils aient connu et parlé toute leur vie, je me retrouve à m’étonner devant mes propres dires et à questionner ce parler que j’entends tous les jours dans les rues de mon pays. Je me suis souvent étonnée des aptitudes intellectuelles que peut avoir un peuple dont le langage est composé d’au moins trois langues, sans compter le vocabulaire qui change d’une région à une autre et ces accents qu’on ne se lasse pas de découvrir et d’admirer.

dialecte qui lui aussi se porte très bien jusqu’ici. J’ai pu trancher que le passage de ce parler algérien vers une vraie langue qui se construit, ou qui se prépare peut-être à naître un jour, ne serait-ce qu’une nuance, et nous en portions déjà toute la palette.

Je voudrais vous faire part de l’enchantement que porte ma quête perpétuelle d’Algérianité, vous révéler combien une chose qui n’a rien de physique, telle que ce besoin d’appartenance à une terre mère, pourrait nous conditionner parfois et, combien des mots simples du quotidien sortant de la bouche d’une maman ou d’un voisin véhiculent tant de sens lorsqu’on s’éloigne de cette même terre très chère. Puis je reviendrai à cette citation d’Antonio Gramsci qui m’a beaucoup inspirée «Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître…» pour vous faire part de cette confession, je vous parlerai du dialecte algérien, je vous dirai ce que j’en pense personnellement, dans la langue de Molière, car pourquoi pas !

Quelle langue parlez-vous ? Pourquoi votre parler est-il mélangé d’autant d’expressions en français ? Êtes-vous donc Arabe ? Qu’est-ce que la langue berbère ? Mais pourquoi votre accent est-il différent de celui de votre ami, pourtant algérien lui aussi ? Combien de fois changeriez-vous d’accents de l’est allant vers l’ouest et replongeant dans le grand désert ? Et puis il y a moi, j’ai rédigé ma propre liste de quelques questions plus réelles qu’on devrait peut-être se poser à la place, et si finalement on s'approprierait ce dialecte qui est sans doute le nôtre, « dialna » , « tahna », et si on acceptait enfin les petites différences de « tons » et «d’accents» qui nous différencient de tous les habitants de la terre ? Et si ces mêmes différences, nous unissaient ?

Ce langage, je l’appellerai «Algé-rien», car il ne ressemble à presque rien au monde, mais sonne pourtant si sensé, si beau et surtout si pluriel ! J’ai souvent eu beaucoup de mal à le décomposer, à le traduire, et surtout à en chercher l’origine. Je cédais. En réalité, j’avais décidé de l’écouter, de le penser ou le méditer ; et j’ai pu déduire combien la composition des mots dérivant de plusieurs langues était belle dans sa complexité, combien l’emprunt d’un vocabulaire à différentes sources, donnant naissance à une seule expression, purement algérienne, se portait très bien dans un

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J’aimerais vous conduire un peu plus loin dans ma confession en vous posant une liste de questions qui semble aussi banale qu’interminable, à laquelle nous, algériens, serions confrontés dans notre quotidien de profanes ou de touristes internationaux :

Serions-nous la cause principale qui empêche notre monde d’apparaître plus tôt ? Ou faudrait-il d’abord accepter le deuil de notre vieux monde pour renaître tous dans un monde pluriel?

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ALGÉRIE PLURIELLE

UN PETIT GRAIN DE SABLE AU MILIEU DU SAHARA

Photo credit : Farah Boucherit

Auteure : Farah Boucherit – Equipe Rédaction Nomad Club

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ous avons longuement hésité avant de faire ce voyage, mon amie et moi. Nous voulions être loin de tout, et avons vu en cela l’occasion parfaite : le chantier de réhabilitation d’un Ksar traditionnel (Agham Elqabli) au niveau de la ville de Talmine, à 100 km de Timimoun dans le cadre des ateliers du CAPTERRE. Nous nous ruions tout droit vers l’inconnu. L’avion atterrit et, en moins de 2h, nous sommes passées de la dense capitale au doux désert du Sahara. Une fois arrivées à destination, le calme nous submerge, il ne nous faut que quelques minutes pour nous adapter. Très vite, nous avons fait la connaissance des charmantes personnes qui allaient nous accueillir, ainsi que des gens venus des quatre coins du pays qui allaient être à nos côtés pendant le séjour ! Dès lors, nous sûmes que, loin des artifices que proposent certaines agences de tourisme hors de prix, nous allions passer une semaine riche en authenticité. Nos journées, nous les passions au chantier, sous la chaleur supportable d’un mois d’Octobre qui ne faisait que commencer, à toucher, malaxer, manier et manipuler l’argile et le sable de nos mains, de nos pieds et parfois de tout notre corps. Nos empreintes se fixaient sur la chose, multipliant notre désir d’avancer au maximum et de faire un travail correct et digne, pour réhabiliter ce lieu ancestral, quasiment enfoui sous le sable, qui d’ailleurs reprend naturellement le contrôle de l’espace. Il faut aussi dire que nos hôtes nous ont très bien accueillies : plats traditionnels à chaque repas, thé amer à la mousse interminable, chants traditionnels envoûtants ainsi que différents types de dattes, en plus d’un toit où dormir ! Nous étions traitées comme des reines par de parfaits inconnus, tout ce que nous avions à faire était de travailler sur ce chantier pour faire avancer son classement au patrimoine national algérien. Nous le faisions avec grand plaisir, conscientes de l’enjeu que cela représentait pour les habitants, notamment Chikh Kader, notre hôte, qui disait rêver de voir l’Agham de ses grands-parents en Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable

meilleur état. Lui, qui a tant d’histoires à raconter sur son village, ne voulait pas le voir tomber aux oubliettes, sous le sable. S’il y a bien une chose que je n’oublierai pas, c’est notre rituel quotidien. Regarder le coucher du soleil sur le sommet d’une dune pas loin de notre logement, nous étaler sur le sable, essoufflées par l’ascension jusqu’au sommet, le sable légèrement frais et humide épousant les courbes de nos corps, nous ne faisions qu’un avec lui, nous nous endormions même quelques fois, calmes, apaisées, soulagées de tout problème. Nous étions simplement heureuses à ces instants précis. Un soir, des hommes vêtus de leurs tenues traditionnelles, Chach sur la tête et Kamiss d’un blanc légèrement bleuté sont venus. Ils se sont posés formant un cercle sur le sol et ont chanté en notre honneur des chants traditionnels et religieux. Il s’agissait de la troupe du « Ahl Elil », majestueux est le mot qui les décrirait le mieux. Au-delà de nos différences culturelles, je ne pouvais m’empêcher de remarquer nos similitudes, celles qui nous unissaient. La langue que nous parlions, les plats que nous mangions, et même nos habitudes se ressemblaient en quelque sorte. Nous appartenons bel et bien à la même patrie, riche en variantes dues à l’immensité de notre pays. Ce voyage a été pour moi un petit moment de paix dans une année tumultueuse. Le partage et l’échange culturel étaient au rendez-vous grâce à ces âmes formidables, tellement chaleureuses et accueillantes. Leurs sourires brillaient bien plus que le soleil éclatant du désert, comme disait Chikh Kader :

« ‫ » بالدنا واسعة و قلوبنا واسعة كرث‬.

Je ne pouvais que confirmer cette phrase qui ne quitte plus mon esprit depuis. Je vous avouerai que quelques larmes ont quitté mon corps en rentrant chez moi. Au sommet de la dune de Talmine, je me sentais comme un petit grain de sable au milieu du Sahara.

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ALGÉRIE PLURIELLE

LE CINÉMA ALGÉRIEN : UN ROMAN AUX MULTIPLES VISAGES Auteure : Menel Zeggar

En étudiant le septième art allemand de l’entre-deux-guerres, le sociologue Siegfried Kracauer a affirmé que le cinéma a le pouvoir d’être le reflet de la « mentalité d’une nation ». En effet, l’aboutissement d’un film n’est que rarement coupé de son contexte et de son époque. Depuis l’indépendance, le cinéma algérien puise sa source dans la représentation de sa société. À sa naissance, il ambitionne d’être l’illustration d’un roman national. Mais est-il pour autant un récit homogène, montrant un seul type de représentation ? Peut-il y avoir plusieurs visions de l’histoire de l’Algérie contemporaine ? Peuton dire que le cinéma algérien prouve une diversité sociale et culturelle ? C’est à travers une courte rétrospective sur le septième art que nous allons tenter de souligner cette pluralité esthétique.

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e cinéma algérien est né avec la conquête de l’indépendance. Nous pouvons même dire qu’il a émergé dans la lutte contre le colonialisme français, en introduisant les caméras dans les maquis. En effet, pour contrer la propagande colonialiste, le septième art a été un instrument redoutable dans la guerre des images. Dès 1957, les organisations indépendantistes structurent un cinéma de la décolonisation algérienne en créant des services et des comités pour la réalisation et la conservation des images.

Malgré la volonté d’illustrer un peuple uni, voire dans une homogénéité sociale et culturelle, la ferveur révolutionnaire n’a pas montré qu’une seule vision de la guerre de libération : avec Le vent des Aurès (1966), Mohammed Lakhdar-Hamina met en scène une Algérie rurale, symbolisée par une mère à la recherche de son fils, affrontant seule les armées françaises. Dans la même année, avec une coproduction italienne, La bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo (1966) nous fait plonger dans une guerre plus urbaine, où l’action se déroule dans

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Affiche du film Chronique des années de braise

Au lendemain de l’indépendance, en respectant une logique historique, on a contribué à raconter la guerre de libération dans le prisme du cinéma. En souhaitant représenter le soulèvement d’un « peuple algérien uni », les cinéastes ont pu créer la première phase du septième art algérien : le cinéma de guerre. Cette époque englobe une page importante, jusqu’à l’obtention de la Palme d’Or cannoise pour Chroniques des années de braise de Mohammed Lakhdar-Hamina en 1975, retraçant la période précédant le déclenchement de la Révolution en 1954.

les rues de la capitale. Les personnages féminins et masculins, généralement jeunes, amèneront au soulèvement de la population algéroise en décembre 1960. Mené par un réalisateur italien proche des mouvements anti-impérialistes, La bataille d’Alger est aussi un récit international anticolonialiste, primé d’un Lion d’Or à la Mostra de Venise en 1966. Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable


Alors que le cinéma dit « jadid » a fait émerger des films illustrant les bouleversements de la société post-indépendante (en 1973, Le charbonnier de Mohamed Bouamari aborde les changements des zones rurales par l’industrie et la révolution agraire), les jeunes cinéastes des années 1970 construisent des personnages aux profils divers : en 1976, Merzak Allouache réalise Omar Gatlato, le portrait d’un jeune algérois féru de châabi et de films indiens. En suivant son quotidien, on découvre des personnalités différentes, loin d’un imaginaire d’Algérois semblables à tant d’autres : le bureaucrate, le débrouillard gérant d’un marché noir, les femmes d’intérieur et la syndicaliste soucieuse de la justice sociale. La société algéroise des années 1970 est composée de personnalités singulières, en fonction de leur parcours de vie et de leur référence socio-culturelle. Merzak Allouache aimera de nouveau confronter les différents profils des Algérois dans un autre contexte, dans Bab el Oued City (1994). Islamistes, marxistes, mais aussi précaires, salariés et petits trafiquants défendent leur territoire et leur vision de Bab el Oued. Ils se côtoient au quotidien en grinçant des dents. C’est le temps de la méfiance et de l’affrontement. Dans un style plus humoristique, rassembler une mosaïque de personnages issus

de la société algérienne a également été établi par Benamar Bakhti dans Le clandestin (1989). Plus optimiste que le dénouement de Bab el Oued City, cette comédie fait cohabiter des personnages parfois opposés selon leur origine géographique ou sociale en leur faisant vivre une aventure commune, tout en respectant leurs singularités, à l’exception du «baratineur». Les années de plomb n’ont pas épargné le monde du cinéma, mais cette fragmentation a donné des miracles, comme des instincts de survie artistiques. On assiste à la naissance d’un art fondamental dans le paysage cinématographique: en 1990, Chérif Aggoune, récemment disparu d’une crise cardiaque à l’âge de 68 ans, réalise le court-métrage Taggara lejnun, première œuvre entièrement en langue berbère. Durant cette décennie sanglante, le cinéma berbère entre dans le panthéon du septième art algérien, par La montagne de Baya de Azzedine Meddour (1997), par exemple, laquelle fut tournée entièrement en kabyle. Les années 2010 ont pu faire émerger une nouvelle ère du septième art algérien, avec un autre style de représentation, tout autant, voire davantage soucieuse de la représentation plurielle.

© Les Films de la Passion

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En 2017, le premier long-métrage de Karim Moussaoui, En attendant les hirondelles, reprend le schéma d’un film choral, rassemblant trois intrigues principales. Les péripéties présentent des tranches de vie humaine et permettent de changer d’univers et de la vision que l’on se fait du monde. L’exploration, commençant à Alger et finissant par les Aurès, n’offre pas seulement une variété géographique et culturelle. La diversité y est également sociale, entre la famille aisée algéroise, les cercles urbains conservateurs, la paysannerie berbère…etc. En caressant ces quotidiens, le point de vue reste sans jugement, affectueux, respectueux de leur choix. Les différents univers des personnages sont distincts mais connectés entre eux, sans fracture. Parmi les films produits ces dernières années, nous pouvons également retenir l'une des premières représentations d’un jeune Algérien des années 2010 : dans le court-métrage Demain, Alger ? d’Amine Sidi-Boumediene (2011), un jeune étudiant prépare son départ avant d’aller étudier en France. Dans sa chambre, la caméra montre ses références : sous la musique de Jimi Hendrix « Once I had a woman », on aperçoit différentes affiches de films comme Blade Runner de Ridley Scott et Le retour du Jedi de Richard Marquand.

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Un portrait de Bob Marley côtoie celui de Che Guevara, tout en ayant disposé un couvrelit berbère. Sans quitter le contexte algérien, ce jeune citadin, connecté au monde, s’approprie des références internationales pour les introduire dans son univers qui lui est propre et individuel. À sa naissance, le cinéma algérien a peut-être eu l’ambition de faire vivre une expérience collective et nationale à tous les citoyens, comme un roman national commun. Mais il s’est rapidement retrouvé confronté à la complexité de sa population et à son évolution sociale et culturelle. Aujourd’hui, il nous est difficile de dessiner un portrait social complet dans le prisme d’un film. Cinéma de guerre, naturaliste, expérimental, en derja, français ou berbère, les représentations sont devenues de plus en plus complexes, individuelles et singulières. Représenter quarante millions d’habitants, en souhaitant raconter une histoire nationale collective, semble être une ambition irréalisable. Néanmoins, l’inspiration sociale n’a pas quitté l’esprit des cinéastes, produisant ensuite un résultat particulier. Il est donc impossible pour un film d’être le porte-parole artistique et esthétique d’une société ou de son histoire. Il n’en est que le témoin singulier d’un individu appartenant de près ou de loin à un groupe social. Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable


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ALGÉRIE PLURIELLE

DZAIR RIHLA FI ZMAN Auteure : Soumia Acherouf

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e 17 janvier 2020 a eu lieu le spectacle vivant tant attendu, à l’Opéra d’Alger BOUALEM BESSAIH, «Dzair Rihla fi Zman», un spectacle portant bien son nom, qui a fait voyager les 1500 spectateurs présents en retraçant l’histoire du pays. De l’Algérie andalouse à l’indépendance, à travers une narration poétique, la projection d’un reportage, et un accompagnement musical et théâtral. Le spectacle débuta par un mot du président du Club d’Activités Polyvalentes (CAP) de l’Ecole Nationale Polytechnique d’Alger, club organisateur qui fête ses 10 ans d’existence en ce mois de janvier, créé par l’initiative de trois élèves ingénieurs de cette même école pour la nettoyer. Le CAP compte en son sein aujourd’hui plus de 1000 membres, dont 300 membres actifs, organisant chaque année plusieurs évènements tels que Clean Day, Inter-spécialité, Célébra Science et Charity Festival, qui sont devenus des évènements phares du club, ainsi que Stock Market Simulation qui est la première simulation boursière en Afrique réalisé grâce à un programme conçu intégralement par l’un des membres du club, ou encore Wikistage Algiers qui est une série de talks autour d’une même thématique. Ce dernier détient le record mondial du nombre de participants. Ayant pour but d’animer la vie estudiantine des élèves de l’ENP, en plus de ces événements, le CAP contient également trois sections : la section caritative, la section scientifique et la section culturelle.

évènements du 8 mai 45, le tout, accompagné par les réponses musicales d’un orchestre composé intégralement de jeunes étudiants issus de plusieurs facultés, qui ont interprété des chefsd’œuvre de la musique andalouse et algérienne tels que « Kom Tara », « Ya Asafi », « Galou Laarab Galou », « Hayou Echamel », et « A yemma Azizen Our sru». Le spectacle contenait également une pièce théâtrale illustrant la bataille d’Exmouth avec une mise en scène et une performance spectaculaires de la part de jeunes acteurs et un reportage résumant les révolutions populaires de l’Emir Abdelkader, Lella Fatma Nsoumer et Boubeghla. Sous les applaudissements chaleureux d’une salle archi-comble et, ce, même à la fin du spectacle, émue et bluffée par ce concept inédit en Algérie, œuvre de jeunes étudiants talentueux et ambitieux essayant de renouer les liens avec leur passé et de réconcilier l’Algérien avec son histoire.

Photos Club CAP

Le spectacle a rendu hommage, par une minute de silence au commencement, à un membre du club emporté par la maladie, ainsi que par une cagnotte alimentée généreusement par le public présent, qui sera reversée pour une cause caritative aillant pour but de venir en aide aux cancéreux. Plus de deux heures d’enchaînement harmonieux entre narration de l’histoire, de la tombée de Grenade à l’exécution de Salah Bey, puis de l’envahissement de l’Algérie en 1830 aux

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Photos Club CAP

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YENNAYER : LE NOUVEL AN BERBÈRE Auteure : Louiza Tilleli Seker - Club ALUMNI HEC Alger

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otre beau pays jouit d’une culture riche et variée, une culture qu’il est crucial de mettre en avant, car elle symbolise notre identité et notre vécu. Les nombreuses fêtes célébrées à travers tout le pays, sont partie prenante de cette culture. Parmi ces fêtes, on retrouve celle du nouvel an berbère, à savoir “Yennayer”, dont l’appellation varie d’une région algérienne à une autre, prenant parfois le nom de Yennar, Nnayer, Yiounyir, Yiwenir, Yennayer…etc. Toutes ces appellations désignent le premier mois du calendrier agraire créé et utilisé par les amazighs afin de régler leurs travaux agricoles saisonniers, l’agriculture étant au cœur de leur vie quotidienne. Contrairement au calendrier grégorien utilisé aujourd’hui qui est solaire, le calendrier agraire amazigh est lunaire. Cela signifie que ce calendrier recense les jours au rythme des phases de la lune qui sont au nombre de quatre : nouvelle lune, premier quartier, pleine lune et dernier quartier. Le premier jour de l’an amazigh "aqerru useggas" coïncide avec le 12 janvier du calendrier grégorien, cette journée représente pour tous les amazighs du monde une fête familiale de grande envergure. Le point de départ de ce calendrier agraire rappelle un évènement politique dont l’impact fut énorme pour les amazighs, à savoir de l’intronisation du Roi Sheshnoq en tant que Pharaon d’Égypte en l’an 950 avant Jesus Christ. Le roi Shechnoq, descendant d’un chef libyen (berbère) qui a établi sa domination sur Hiérakléopolis, en Moyenne-Égypte vers 1180 av. J.-C, avait détrôné à Siwa en Égypte le pharaon Psousennès (Ramsès 2). En marquant cette victoire, le roi Sheshnoq a conquis l’Égypte où il fonda sa capitale à Tanis ville du delta du Nil dont le nom est actuellement San El Hajjar. Yennayer prend place lors d’une saison où les provisions en nourriture pour l’hiver viennent à se terminer, c’est-à-dire la période de fin des labours, c’est pourquoi il est donc important de faire le plein de forces spirituelles à l’aide de nombreux rites pratiqués durant le début de l’année. Yennayer est célébrée dans cette même optique, il s’agit d’un ensemble de rites

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censés conjurer le sort de la misère, «Tamara» en tamazight, faisant de cette fête un présage de paix et d’abondance. Durant cette période, les familles procèdent au grand nettoyage de leur maison pour que l’année à venir soit plus fructueuse et la terre plus fertile. Yennayer symbolise l’harmonie qui existe entre l’homme et la nature, puisque dans la foulée de la fête, les hommes prospectent leurs terres, soucieux de l’avenir qui leur est réservé. Plusieurs jours avant la fête, femmes et enfants vont cueillir dans la forêt des plantes et des herbes, et les hommes apprennent aux plus jeunes comment chasser et manier les armes. Les amazighs sont composés de plusieurs tribus dispersées dans plusieurs régions, tous, fêtent le nouvel an berbère dans une ambiance chaleureuse, empreinte de partage et de joie profonde. Dans la région kabyle, Yennayer est une sorte de porte qui s’ouvre sur le nouvel an et qui est appelée « tabburt n useggas ». Chaque région célèbre cette fête à sa manière, mais certaines choses restent inchangées : Yennayer est pour tous l’occasion de réunir tous les membres de la famille autour d’un repas qui se doit d’être copieux, pour augurer une année abondante. Durant ce repas, même les absents ont droit à leurs couverts disposés sur la table de façon à réunir toutes les forces de la famille. Les amazighs ont également pour habitude de sacrifier une volaille comme offrande, toujours dans le but de bien commencer l’année. Le repas préparé est appelé « Imensi n yennayer », il s’agit du couscous de blé (élément incontournable de la cuisine berbère) avec une sauce appelée «aseqqi», dans laquelle l’on mélange sept variétés de plantes vertes, qui changent d’une région à une autre (pois cassés, fèves concassées, lentilles, pois chiches, haricots...), sans oublier la viande de la volaille sacrifiée. D’autres mets sont servis pendant yennayer, et ils différent d’une région à une autre tels que : Tagalla (pain), tighrifin (crêpes), uftiyen (une soupe à base de pois chiches, de fèves et de pois cassés) et pleins d’autres. Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable


Étant donné que le premier jour de yennayer marque la fin des labours, tous les aliments utilisés proviennent de cette période. Les desserts servis sont les fruits secs issus de la récolte passée. Dans un esprit de générosité, la maîtresse des lieux n’oublie pas non plus les proches et les voisins ainsi que toute personne venue quémander de quoi manger. Yennayer s’articule autour de multiples rituels et de mythes. Au début de chaque nouvelle année, les femmes se doivent de répéter cet adage (Ad fen iberkanene, Adkecmen Imellalen) afin d’éloigner les mauvais esprits et commencer l’année sur de bons augures. Dans cette même optique, il est interdit de prononcer les mots «famine» ou «misère». Selon les régions, on retrouve différentes pratiques, à Beni Snous par exemple un carnaval appelé « Ayred » (lion en tamazight) est organisé. Lors de cet événement, les jeunes portent des costumes, des masques d’animaux et défilent dans les rues au rythme de chants et de youyous pour réclamer des friandises, les vivres récoltés sont ensuite reversés aux pauvres et démunis. Aussi, à Médéa, les nouveaux nés sont mis dans une coupelle (djefna) et recouverts de délices : fruits, gâteaux et sucreries. À l’approche de Yennayer, les chefs de famille pratiquent ce que l’on appelle « Tisewiqt n’Imensi n yennayer » (le petit marché). À l’occasion de la nouvelle année qui se présente, il est recommandé de s’acquitter de ses dettes, renouveler les contrats de travail ainsi que les transactions, et de clôturer l’inventaire de l’année ainsi que l’évaluation des échanges. On associe aussi à Yennayer à d’autres événements tels que la première coupe de cheveux des nouveaux nés, promesse d’une belle et abondante chevelure, ainsi que l’initiation des enfants aux rites agricoles. Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable

Beaucoup de légendes gravitent autour de Yennayer, comme l’histoire de la vieille femme qui, durant un jour de soleil, a cru que l’hiver était passé. Elle s’est alors moquée de Yennayer qui s’est fâché et est allé emprunter un jour à Furar (le mois de février)… Par vengeance, il déclencha un orage qui emporta la vieille. Également, dans plusieurs régions d’Algérie subsiste la légende de la vieille d’Ennayer, cette dernière viendrait vérifier que les ventres des enfants sont bien remplis suite au repas copieux de Yennayer, et si ce n’était pas le cas elle remplirait leur ventre de paille pour les punir. Aussi, on raconte qu’un jour, une femme aurait éconduit une mendiante devant sa porte et elle passa l’année d’après, maigre et affamée, il se dit que cette mendiante était en fait la vieille d’Ennayer elle-même venue inspecter le comportement de la femme. Superstitions farfelues pour certains et hérésie païenne pour d’autres, les coutumes liées à Yennayer sont néanmoins réitérées chaque année par toute la communauté berbère. Malgré les différentes appellations, et la divergence des formes de célébrations, le symbole que porte Yennayer en son sein reste le même : peu importe l’endroit où il est célébré, il est synonyme de santé, joie, prospérité et d’abondance. C’est un présage de renouveau et un passage vers une nouvelle année pleine de bons augures. Il a pour but de chasser les maux et souffrances ayant marqué l’année passée pour mieux accueillir l’année à venir. À travers les rites et les coutumes divers, Yennayer est censé rassurer les agriculteurs et conjurer le sort de la misère en priant le ciel d’être favorable. Cette célébration fait partie de notre histoire et de notre patrimoine culturel, elle est l’une des pierres angulaires de l’identité berbère.

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AL-ĀALA, L’INSTRUMENT MUSICAL COMME TÉMOIN DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE EN ALGÉRIE Auteur : Salim Dada Compositeur, musicien, chef d’orchestre et chercheur musicologue

Du point de vue organologique, on distingue trois grands groupes d’instruments de musiques traditionnellement connus en Algérie : les cordophones, instruments à cordes frottées (imzâd, rbâb, kamândja) ou pincées (kwîtra, gumbrî, gnîbrî, qânûn, mandole), les aérophones qui produisent le son par l’émission de l’air, les instruments à bec (gaçba, djewwâq, fhel, tâmdja, tazemmart, …) et les instruments à anche double (ghâyṭa, zorna, shekwa, mezwed), ainsi que la riche famille des percussions, avec les membranophones qui utilisent de la peau d’animal (bendîr, shekshêk, deff, ṭbal, darbûka, aqellâl, guellâl, dandûn, ṭbeylât, tindî, …) et les idiophones fabriqués par d’autres matériaux durs (qarqâbû, çonûdj, hajra, …) . Les instruments européens ou orientaux sont rentrés en Algérie à partir du XXe siècle, c’est le cas des : mandoline, guitare, ‘ûd, banjo, alto, violoncelle, contrebasse, nêy, saxophone,

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Joueur de Gumbrî, carte postale, Éd. Andréo, début 1900

Al-āla al-mûssîqiyya Dans les musiques arabes, le mot āla (plur. ālât) signifie l’instrument qu’utilise l’homme pour créer des airs, percuter des rythmes ou jouer simultanément plusieurs sons, dans le but de composer des mélodies ou d’accompagner un chant ou d’imiter la voix humaine ou de dialoguer avec elle. La musique strictement instrumentale est dite mûsîqâ āliyya ou ālâtiyya et le musicien instrumentiste, celui qui maitrise un instrument de musique, est dit ālâtî. Dans le contexte culturel maghrébin et à l’instar des musiques Gharnâṭî de Tlemcen, Çan‘a d’Alger et Mâlûf de Constantine, Tunisie et Lybie, la Āla, est le qualificatif vernaculaire utilisé au Maroc pour désigner la musique arabo-andalouse nationale (alāla, l’instrumentale), ainsi, pour la différencier des autres musiques strictement vocales et souvent religieuses. En Algérie, l’usage du mot āla et ālâtî/ ālâtiyya dans le parlé dialectal remonte à très loin. On y trouve, dès le XVIe siècle, diverses citations dans la poésie dialectale (malḥûn) et les chants du ḥawzî. Les instruments les plus évoqués dans ces textes sont les : ‘ûd, rbêb, kwîṭra, ṭâr, etc.

flûte irlandaise, trompette, piano, accordéon, synthétiseur, etc. L’ensemble instrumental, lui aussi, peut avoir des noms divers d’un genre musical à un autre. Qu’on l’appelle jawq ou firqa en référence à la formation musicale, zorna ou hadwa ou idhebbâlen en rapport avec les pratiques des musiciens, ‘ayssâwa ou dîwân ou gnâwî ou firqat inshâd selon le cadre rituel, confrérique ou poétique, rbâ‘a ou groupe ou orchestre comme dans la musique de nawba et du sha‘bi, … l’instrumentarium propre à chaque genre musical comporte, non seulement des instruments particuliers dotés d’une esthétique musicale spécifique, mais renvoie aussi, de par son évolution et sa symbolique, à l’histoire de la société et aux échanges culturels et politiques du pays, ainsi, qu’aux appropriations et aux acculturations qu’ont subi ces genres, et de ce fait, à l’évolution même de la musique traditionnelle à travers les différentes périodes et situations. Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable


André BROUILLET, L’exorcisme. Musiciens arabes chassant les djinns du corps d'un enfant, 1884 (Les instruments de gauche à droite : darbûka, târ, kwîtra, qânûn, djewwâq.)

Historiographier nos instruments Du point de vue de l’histoire, il serait presque impossible de révéler avec exactitude l’origine des instruments d’Algérie, pourtant, il n’est pas vain d’imaginer leurs parcours et d’oser de dater leurs arrivées ou leur création. André Shaeffner, dans son ouvrage Origine des instruments de musique, dit que «l’étude entière des instruments ou l’organologie offre un champ de comparaison trop réduit pour que la question d’une origine quelconque puisse être abordée avec sureté», et il rajoute que « les aires de diffusion des instruments primitifs dans l’espace et dans le temps est très vaste ». Dans le cas de l’Algérie, son aire géographique, située au milieu du Maghreb et entre la Méditerranée et le Sahel africain, sa grande histoire faite de conquêtes militaires, d'accessions politiques et d’appropriations culturelles (amazighe, phénicienne, romaine, arabe, andalouse, espagnole, turque, française), ont fait que les instruments de musique traditionnels algériens disposent tous, pour ainsi dire, d’une généalogie transnationale et transhistorique. Pour autant, l’usage de ses instruments, leurs fabrications et leurs techniques de jeu leur donnent un quelque chose qui reste typiquement algérien. Peut-on déterminer alors une nomenclature originelle de l’orchestre de la nawba ou celui des musiques de ṭbel, du tindî ou celle du diwân ? Peut-on historiser l’évolution de cette nomenclature et spécifier les éléments africains de ceux maghrébins, méditerranéens ou orientaux qu’elle inclut ? Qu’apportent la littérature et l’iconographie coloniale à propos des instruments Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable

traditionnels d’Algérie et des musiciens dits indigènes, maures, arabes, kabyles, africains ? Et que dit l’ethnographie coloniale et comment cela a été traduit dans la création artistique et littéraire de l’époque ? Quelle dialogie peuton concevoir entre l’appropriation ou l’invention instrumentale avec l’esthétique musicale ? et dans quel sens dynamique se concrétise cette relation: expérimentation ou besoin ou tout simplement casuelle ? À l’exemple de la plupart des instruments anciens, il faut faire appel à l’historiographie musicale et l’iconographie musicale afin de retracer et de reconstituer une histoire relative de nos instruments de musique. Malheureusement, notre historiographie organologique ne date que de la fin du XVIIIe siècle, et ce, grâce au lègue des voyageurs, peintres, musiciens, compositeurs et ethnologues étrangers qui sont passés par l’Algérie et se sont retrouvés, à la fois, émerveillés et interloqués devant ses chants et ses musiques qui résonnaient très exotiques pour l’oreille occidentale de l’époque. Un croquis, une gravure, une note de voyage, un récit d’expérience musicale, un cliché, une carte postale « scènes et types », une peinture orientaliste, une lettre, un coupon de presse ou une étude ethnomusicologique, tous ces travaux, sont d’une valeur précieuse et comportent, aujourd’hui, une source essentielle pour une historiographie ethnographique et organologique de nos instruments et de nos musiques d’avant l’air de l’enregistrement sonore et la vidéo.

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Conservation, fabrication et acculturation L’état de conservation de nos instruments de musique traditionnels dépend des styles musicaux et des régions dont ces instruments sont utilisés. Or, la politique culturelle, quand elle y est, peut mettre en œuvre de réels dispositifs de conservation. C’est le cas de l’imzâd dont le savoir-faire de sa fabrication et de sa pratique musicale sont désormais à l’abri, grâce à l’activité de terrain qu’a réalisé l’association «Sauver l’imzad» et au travail scientifique du CNRPAH qui a abouti à son classement en 2013 à la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO sur une candidature tri-nationale : Algérie, Mali et Niger. Il est évident que la lutherie s’apparente à l’artisanat de par le métier manuel et la maîtrise du maniement des différents matériaux utilisés (bois, fer, peau, métal, etc.), mais, elle nécessite aussi des connaissances musicales, des notions d’acoustique et un vrai sens du plasticisme et du beau. Comme l’avait déjà noté El-Boudali Safir «En Algérie, il y a plusieurs musiques ; chacune d’entre elle, d’ailleurs, correspondant plus au moins à un visage particulier du pays, à un trait personnel de l’âme de ses habitants». La conservation d’un instrumentarium originel participe alors, non seulement à la préservation du répertoire propres aux musiques traditionnelles, mais également, à l’esthétique et à l’identité de l’art et de la culture algériens. La fabrication des instruments traditionnels est plus ou moins conservée en Algérie, elle consiste à un

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savoir-faire ancestral en la matière. Cette lutherie, à l’ancienne, reste néanmoins de transmission orale et son mode d’apprentissage est le plus souvent mimétique et/ou autodidaxique. Cet héritage - menacé aujourd’hui par l’effet d’importation massive d’instruments étrangers, par la disparition des vieux maîtres-luthiers et par l’absence d’un enseignement institutionnelle régulier de ce métier - nécessite plus que n’importe quel autre moment, la renaissance et l’encouragement d’un artisanat dont l’existence est vitale pour la vie et le métier des musiciens des genres musicaux traditionnels. Les transformations et les acculturations font également partie de l’évolution naturelle des choses, et l’art et la culture n’y échappent pas à cette loi. Si notre instrumentarium a subi tant de changements au dernier siècle, c’est qu’il y a eu une volonté, consciente ou spontanée, de l’adapter aux désirs de la société algérienne, de répondre à ses aspirations artistiques et culturelles constamment renouvelées. Alors on répondra par « oui » à ces aspirations, mais ne partons pas vite en besogne sans être munis, non de l’appétence fougue du paraître et des effets de modes, mais du bon goût esthétique, de l’intelligence de l’art et de la conscience de la science. Car en effet, si nos instruments traditionnels et locaux sont le conservateur légitime et authentique de notre corpus musical traditionnel, ils sont également, et tout simplement, le récit concret et encore frétillant de notre mémoire culturelle commune. Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable


Troupe féminine tenant un rbêb, kwîtra, târ et plusieurs shekshêk, in Victor-Charles MAHILLON, Catalogue descriptif et analytique du Musée Instrumental du Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles, 1893

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MAHFOUD TOUAHRI DRAMATIC ART ASSOCIATION OF MILIANA Author : Sara Taib

“if you are born with the ability to change someone’s perspective or emotions, never waste that gift, it is one of the most powerful gifts god can give, the ability to influence” SHANNON L.ALDER opened doors for all kinds of theoretical production, dramatic art, adults and kids’ theater, experimental theater, absurd theater, comic theater, chorography, educational theater. With a high level of creativity, this association was able to build strong connections between the actors and the audience, talking about historical, social or even political subjects, to encourage people to express themselves and tell their stories, and to allow actors to spread awareness through their performances. Some of the famous performances of the association are:

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he « MAHFOUD TOUAHRI dramatic art » association was founded by a groupe of young men, among them are Mohamed cherchel, Takhrist Reda, Sid Ahmed Kara Ahcen, Slimane Nedjari. It was November 1st 1990, a historical date for both Algeria and Miliana. It coincides with the celebration of the 1st day of the Algerian revolution and the memory of a huge fire that took place in Zeccar Mountains. In that same day the municipal theater of Miliana organized a performance about racism, that has been interrupted by the fire, everyone went firefighting including the actors, MAHFOUD TOUAHRI was one of them. Theater is a fine art. It is a combination of Music, dance and performances, that allows to improve life skills and to express emotions and feelings. It is a platform for people to express their ideas and tell stories from their daily lives. This association

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• House of Fire (1 St national performance that tackled the Black decade of Algeria) - 1993 • Roots, adapted from an old roman performance. • A Midsummer Night's Dream by William Shakespeare - 1996 • Si mokhridj, adapted from last dance of the artist Nour Eddine Elhachemi - 2015 This association participated in both national and international performances: • Amateur Theater in Mostaganem (all editions). • Cartage Festival. • Venezuela Festival. • Egypt Festival. The association also performed in many international, well known, performances but with an Algerian touch. It also provides a professional training in acting, technical adding (Scenery, lighting, costuming…) and writing for both adults and kids. For the members of this association, theater is a nation itself. It tackles all kind of subjects on stage, using different situations, different characters and different perspectives to teach a lesson at the end of the story. It is a way to point out the attitude and the mindset of the Algerian society. It is a tool to educate people, a source of intellectual learning, inspiration and a reflection on our lives. Novembre • Décembre • Janvier 2019/20 - ineffable


Page facebook : Association Mahfoud Touahri

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Ineffable Magazine I N°11 I ISSN : 2602-6562 www.ineffable-dz.art

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