Ineffable Magazine N°12

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Ineffable Magazine I N°12 I ISSN : 2602-6562

VIVRE DE SON ART : LA VALEUR ÉCONOMIQUE DE LA CULTURE


Couverture par Ta9sas


MENTIONS LÉGALES : • Directrice de la rédaction : Ahlem KEBIR ahlem.kebir@ineffable-dz.art +213 (0) 698 200 899 • Directeur de la publication : Aimen BENNOUNA aimen.bennouna@ineffable-dz.art +213 (0) 698 585 628 • Illustratrice : Amina Djebri @amina_illustration • Comité de lecture : Hiba BOURMOUM, Fatima ABADA, Ibtisem HAMMOUCHE, Djouher MEZDAD. Chaimaa LADJAL Anya MÉRIMÈCHE • Couverture : Ta9sas • Site web : www.ineffable-dz.art • ISSN : 2602-6562


SOMMAIRE VIVRE DE SON ART : L A VA L E U R É C O N O M I Q U E D E L A C U LT U R E

p. 08

LA VALEUR DE L’ART : PEUT-ON METTRE UN CHIFFRE SUR LA BEAUTÉ ? Auteur : Mohamed Abdallah

p. 12

ECHAPPATWART Patrimoine. La jeunesse au charbon

p. 18

LA CASBAH D'ALGER, EST-ELLE PORTEUSE D’UNE ÉCONOMIE CULTURELLE ?

Auteur : Redouane Hammou

Auteure : Nawel Ait Saada

p. 22

L’ART ENTRE MARCHÉ, DÉMAGOGIE ET COMPLAISANCE

p. 26

L'ARTgent FAIT VIVRE

p. 30

L’ART, AU-DELÀ DE L’ÉCONOMIQUE

p. 34

DJAM OU L’ESPRIT AFRICAIN

p. 40

ART IS PRICELESS

p. 44

TELL ME A TALE TO MAKE IT ALL GO AWAY

Auteure : Oumaima Louafi

Auteure : Romaissa Medjber

Auteur : Nacer Kacete

Auteure : Nélia Salem

Auteur : Mohamed Amine Latrouci - Club Eurêka

Author : Anne Murray




EDITO

VIVRE DE SON ART : LA VALEUR ÉCONOMIQUE DE LA CULTURE On a longtemps considéré la culture comme un secteur assisté économiquement, car étant la source du bien-être collectif, elle doit demeurer accessible et disponible, sans exclure les populations les plus vulnérables. Marché et culture feraient donc mauvais ménage, aspirer à vivre de ce domaine est devenu presque tabou. Mais est-ce forcement une bonne chose pour le développement de la culture ? Prenons le patrimoine matériel par exemple, pendant longtemps (et c’est le cas aujourd’hui encore en Algérie), la seule valeur qui lui est réellement reconnue est la valeur de l’existence : il est là, il faut donc le protéger. À priori, c’est une bonne chose, des ressources sont déployées à cette fin. Mais avec le temps, il sera considéré comme un fardeau. N'avez vous donc jamais entendu, ou peut-être vous-même déclaré : « C’est vieux, ça prend de la place, et ça ne rapporte rien, autant le détruire ». Le monde se tourne donc vers une autre valeur : la valeur d’usage. Comment ce patrimoine peut-il devenir générateur de richesses ? Et qu’en est-il des arts ? Un artiste a-t-il le droit de vivre de son art ? Si oui comment? Si non, comment va-t-il subvenir à ses besoins? Et dans ce cas pourquoi existerait-il des écoles d’arts et des diplômes ? Au cours des deux dernières décennies, les travaux de recherches sur la contribution de la culture dans le développement économique se sont multipliés. Ceci dit, l’objectif de cette édition de Ineffable magazine n’est pas d’apporter des réponses, ce ne sont pas non plus des résultats de recherches que nous vous présentons, il s’agit pour nous, comme à chaque édition, de relever des questions, et d’exprimer des points de vues. Bonne lecture ! Ahlem Kebir


LA VALEUR DE L’ART : PEUT-ON METTRE UN CHIFFRE SUR LA BEAUTÉ ? Auteur : Mohamed Abdallah

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LA VALEUR DE L’ART : PEUT-ON METTRE UN CHIFFRE SUR LA BEAUTÉ ? Auteur : Mohamed Abdallah

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ous vivons à l’heure où les chiffres dominent le monde, où tout semble pouvoir être quantifié. Il reste néanmoins dans l’imaginaire collectif un dernier bastion qui résisterait à cet empire du nombre : les arts et la culture. Un regard sur l’Histoire des grands développements culturels nous met néanmoins face à une inconfortable réalité : les arts, en particulier lorsqu’ils prenaient une dimension monumentale, ont longtemps été tributaires d’investissements massifs de la part des souverains en place ou de leur entourage, qui y virent un moyen de renforcer leur prestige ou de passer à la postérité. Ces projets grandioses étaient souvent financés par ce qu’on appellerait aujourd’hui de l’argent «public», en somme les revenus des taxes collectées (et dans bien des cas extorquées) auprès des populations rurales ou de potentats voisins. C’est ainsi que virent le jour les temples de l’Égypte Antique, le Parthénon, le Taj Mahal ou le Château de Versailles. C’est aussi dans ce contexte que bien des peintres et poètes furent employés par les plus puissants princes et magnats de leur époque.

œuvres de fiction particulièrement bankable. En somme, les sociétés humaines semblent avoir d’autres priorités matérielles que l’art. Ces problématiques peuvent être exacerbées dans le cas de pays comme l'Algérie, où la précarité guette et où toute forme d'expression créative peut être vue comme le plus inatteignable des luxes, voire comme une dangereuse perte de temps et de moyens qu'on ferait mieux de consacrer à des problèmes plus concrets. Le risque est donc réel de voir les arts devenir le parent pauvre d’une économie tanguant fortement. Un diagnostic, quelles solutions ? Fort bien, nous direz-vous, mais quelles solutions s’offrent donc à nous ? Comme souvent dans ce genre de cas, il ne saurait y avoir de réponse universelle et définitive. Une concentration nouvellement arbitraire des ressources, comme à l’époque révolue des monarques, est à exclure d’emblée. S’il doit y avoir un renouveau de ce type, il passera forcément par une volonté populaire d’accorder plus d’importance aux arts, et pas seulement pour leur potentiel divertissant.

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Houssam Korichi

Le marché : seule alternative au mécénat prémoderne ? Un tel mode de financement serait vu aujourd’hui comme inacceptable par beaucoup. Reste que la seule source alternative de revenus devient alors le marché de l’art, avec tout ce que cela peut impliquer de spéculation potentielle, avec le risque de voir la créativité devenir subordonnée, non plus aux caprices des mécènes, mais à la logique parfois étriquée du marché qui ne laisse pour l’heure que des miettes aux arts en général. Les marchés mondiaux combinés des arts visuels, du livre, de la musique et du cinéma représentent moins de 0,5% de l’économie mondiale. Et encore, ces chiffres prennent en compte des publications non-littéraires par nature, sans rentrer dans l’épineux débat de la portée artistique de certains blockbusters ou Février • Mars • Avril 2020 - ineffable


Le cas algérien, des difficultés bénéfiques au long terme ? Dans ce contexte, la situation algérienne, compliquée à plus d’un titre comme nous l’avons déjà évoqué, pourrait donner au pays un avantage certain à l’heure d’aborder ces problématiques. En effet, l’historique récent d’activisme politique que connaît notre pays aura éveillé plus d’une conscience à la nécessité de ne pas laisser le divertissement devenir le but ultime d’une société. On a également vu que les réseaux sociaux, s’ils posent certains problèmes, peuvent aussi être des plateformes où les artistes partagent leurs créations et s’impliquent dans les changements de leur société. Ces tendances n’ont, pour l’heure, pas eu d’implications économiques mais elles montrent l’importance que peuvent avoir les artistes algériens dans le destin de leur peuple. En ce sens, il est possible qu’une transformation du rapport à la culture soit plus facilement réalisable en Algérie que dans d’autres pays et qu’une vision collective attribuant plus de valeur à l’art puisse y apparaître aisément. Il ne s’agit pas là d’une prédiction faite avec certitude, simplement d’un optimisme prudent, qui impliquera notamment d’éviter le danger d’une folklorisation par essence limitative.

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Rabie Madaci

Demain, l’art comme rempart face à l’automatisation ? D’une manière plus globale, si l’art ne représente pas, aujourd’hui, un enjeu économique majeur, cela pourrait changer à l’avenir. En effet, il est intéressant de noter que, si l’intelligence artificielle semble en passe d’automatiser bien des tâches quotidiennes, la création littéraire et artistique pure demeurent, pour l’heure, difficiles à condenser de manière certaine en un algorithme. À cela deux raisons : d’une part, le processus créatif est probablement le plus dur à retracer scientifiquement et il faudra du temps avant que les neurosciences ne l’arrachent à son aura mystérieuse, si tant est qu’elles y parviennent jamais. Il y a cependant un autre aspect à prendre en compte : des expériences montrent, chez les humains, une tendance à valoriser une œuvre d’art non pas seulement pour ses qualités intrinsèques, mais aussi pour le processus de création sous jacent, le lien émergeant entre l’artiste et ceux qui contemplent son œuvre, l'une des raisons pour lesquelles même une copie parfaite sera souvent déconsidérée au profit de l’original. À ce petit jeulà, gageons que les artistes humains

auront toujours un avantage vis-à-vis de machines dont la création revêtira aux yeux de beaucoup un caractère plus mécanique. Investir dans l’art et la création, ce n’est donc pas seulement faire un choix de cœur ; c’est aussi faire un placement pragmatique dans un domaine que les machines ne conquerront pas de sitôt ! De tels horizons peuvent paraître lointains dans le cas algérien, mais nous devons garder à l’esprit la vitesse à laquelle les changements technologiques se déploient : aujourd’hui, les smartphones et les réseaux sociaux sont devenus des phénomènes de masse affectant les vies de millions d’Algériens. Il n’est donc pas absurde, tout en exploitant pleinement les opportunités d’aujourd’hui, de penser déjà à celles de demain.

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ECHAPPATWART Patrimoine. La jeunesse au charbon Auteur : Redouane Hammou

L’Algérie a fait une pause pendant une quinzaine d’années durant lesquelles le tourisme local, la culture, la sortie en famille, entre amis, entre femmes semblaient appartenir à un passé très lointain. Naturellement, la génération née ou ayant grandi dans les années 90 a été un véritable souffle d’espoir pour cette Algérie. Armés de leur fougue et d’un goût assumé pour l’aventure, ces jeunes se réapproprient les cartes du jeu et ont en quelques années changé le mode de vie de millions de personnes dans le pays en travaillant pour offrir de nouveau une denrée rare il y à si peu de temps, du loisir.

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ECHAPPATWART Patrimoine. La jeunesse au charbon Auteur : Redouane Hammou

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a génération dont nous parlons s’est réconciliée avec les salles obscures, les salles de spectacles et même avec la rue. S’il n’y a aucune porte dans les montagnes arides ou au milieu des forêts, quelque chose semblait cependant fermée. Et ils l’ont ouverte! Des randonnées, des séjours d’immersion, des bivouacs, des visites guidées… nous sommes sollicités de toutes parts par des publicités sur les réseaux sociaux qui nous proposent d’animer nos week-ends avec une multitude de formules, thématiques et destinations. Et vous savez quoi ? On adore ! Cette nouvelle façon de sortir et de voyager localement est l’œuvre d’une jeunesse qui ne se contente plus de vivre ses passions mais qui développe des objectifs autour de ce qu’elle aime. Partager sa passion et en faire son métier. Qui dit tendance dit nombre important d’acteurs. Si beaucoup proposent plus ou moins les mêmes services, certains se démarquent par des thématiques bien précises. J’ai rencontré Echappatwart. Le patrimoine est au cœur de leurs activités et c’était cool comme rencontre ! Echappatwart propose des événements autour du patrimoine à travers des visites guidées d’Alger en général et de la Casbah en particulier. C’est Maya, l’une des co-fondatrices d’ Echappatwart qui s’exprime la première dans cette interview: “Nous proposons aussi une manière ludique de découvrir le patrimoine à travers des chasses aux trésors par exemple. Nous essayons aussi de profiter de nos réseaux sociaux pour promouvoir des éléments du patrimoine matériel ou immatériel. Aussi, nous souhaitons proposer à nos abonnés la vision de trois architectes sur différents sujets liés au bâti”. Vous l’aurez compris, Echappatwart est une aventure qui embarque trois architectes, trois charmantes jeunes femmes que j’ai eu le plaisir de rencontrer le temps de cette interview. J’ai rencontré Maya Saïd, Nawel Ait Saada et Selma Benameur. Elles ont 27 ans, toutes les trois sont architectes spécialisées dans le patrimoine,

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Nawel et Selma préparent un doctorat dans cette spécialité et comme des mousquetaires au féminin, elles œuvrent à la promotion du patrimoine à travers cette aventure entrepreneuriale qui a commencé il y à un an. Quand Selma me parle du début de cette aventure, son regard se fige quelque part dans la pièce où nous étions. Elle semble fouiner dans sa mémoire ou essayer de séparer ses réflexions de ses émotions: “on baigne dans le patrimoine depuis plusieurs années, ça nous passionne ! Nous sommes conscientes de l’importance du patrimoine, de sa sauvegarde et de sa promotion. Partager cette fibre me parait être un prolongement de nos personnalités”. Février • Mars • Avril 2020 - ineffable


Tourisme local Quand le tourisme redonne vie à des endroits délaissés par les visiteurs c’est déjà toute l’économie locale qui en profite. Q : Vous faites partie d’une nouvelle génération d’acteurs du tourisme qui a totalement changé les habitudes des Algériens qui s’intéressent de plus en plus au tourisme local. Comment expliquezvous cet engouement ? Maya : La principale nouveauté, ce sont les circuits courts qui permettent aux gens de changer d’air le temps d’un week-end ou parfois simplement pendant une journée, pas très loin de chez soi et sans dépenser beaucoup d’argent. C’est intéressant car tout le monde peut profiter d’une coupure sans forcément prendre un congé ou organiser un grand voyage. Q: Et le tourisme culturel, comment se porte-t-il? Selma : On manque énormément d’infrastructures pour développer ce volet et c’est dommage ! Des petits pays qui n’ont pas la chance d’avoir la richesse et la diversité culturelles et patrimoniales dont nous jouissons arrivent à faire des merveilles grâce à des stratégies touristiques et marketing qui en font aujourd’hui des destinations phares du tourisme culturel. Ce qui est positif chez nous, c’est que nous commençons nous même, dans le cadre du tourisme local, à faire vivre certains endroits avec les moyens du bord et en faisant face à des mentalités qui n’acceptent pas encore l’intérêt de l’autre. Q: Les rues de la casbah, les ksour de Taghit ou le Souk de Ghardaïa ne désemplissent pas de touristes locaux ou étrangers. Pensez-vous que le patrimoine, l’art et la culture peuvent être au centre du tourisme en Algérie ? Nawel : De notre propre expérience, oui ! Nous annonçons nos événements sur nos réseaux sociaux en détaillant le déroulement des visites et il est clair qu’elles sont axées sur l’histoire des lieux que nous visitons, sur l’artisanat local, les coutumes et les vestiges de cet endroit et c’est ce que les gens viennent chercher en sollicitant nos services. A l’international aussi, la tendance est au tourisme authentique donc nous avons notre mot à dire. Q: Voyez-vous le tourisme local comme un levier économique autour de l’art et de l’artisanat ? Nawel : Quand le tourisme redonne vie à des Février • Mars • Avril 2020 - ineffable

endroits délaissés par les visiteurs c’est déjà toute l’économie locale qui en profite. De l’emploi est aussi créé autour du tourisme. A travers le monde, la maison d’hôte et même la table d’hôte font fureur, l’Algérie n’est pas en marge de ces tendances. Beaucoup d’Algériens vivent de ça, actuellement. A la casbah, par exemple, où il est impossible d’implanter des hôtels ou des restaurants, ce sont les habitants qui font vivre les lieux et qui offrent des alternatives d’hébergement et de restauration. S’agissant d’art et d’artisanat, nos circuits comprennent toujours une halte dans les ateliers d’artisans de la Casbah. Q: Que pensent ces artisans de l’émergence de ce nouveau mode de tourisme ? Selma : Ils sont généralement très contents et très chaleureux quand nous arrivons avec un groupe de visiteurs dans leurs boutiques. Comme Bahia Rouibi, une céramiste chez qui nous faisons souvent une halte et qui partage son savoir faire et parle de son art avec plaisir sans même essayer de vendre ses produits à nos visiteurs. Mais généralement les visiteurs jouent le jeu et achètent des souvenirs, parfois simplement pour contribuer à la sauvegarde de ces métiers, on sent que les visiteurs sont aussi fiers des ces métiers que les porteurs du métier eux même. Beaucoup de nos visiteurs ont la fibre de l’économie solidaire et sont sensibilisés à la fragilité de ses métiers qui tendent à disparaitre. Q: Quel était l’achat le plus surprenant qu’ait fait l'un de vos visiteurs ? Nawel : Nous avons fait la queue avec une cliente française pendant ramadan pour qu’elle puisse se ravitailler de Qalb Elouz, Maqrout et d’autres gâteaux algériens qu’elle voulait faire découvrir à sa famille.

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Entrepreneuriat Notre envie de partager nos passions a été la première motivation pour démarrer cette aventure Q: Il est rare de voir une reconversion comme la vôtre, du métier d’architecte à celui d’actrices culturelles. Comment vous expliquez ce changement ? Selma : J’y vois une alternative ! En tant qu’architecte, j’ai travaillé en bureau d’études, j’ai travaillé sur des chantiers de restauration, je fais le doctorat, j’ai aussi enseigné à l’université et c’est cette aventure que j’estime être la plus bénéfique, concrètement, pour le patrimoine en termes d’impact positif par la promotion et la sensibilisation. Q: Vous avez troqué le confort du salariat contre l’incertitude de l’entrepreneuriat, comment le vivez-vous aujourd’hui, un an après le début de l’aventure ? Nawel : A vrai dire, nous n’avons pas quitté nos postes de travail spécialement pour lancer notre entreprise. Notre envie de partager nos passions a été la première motivation pour démarrer cette aventure et c’est par la suite que le projet a commencé à se dessiner. Aujourd’hui nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour nous dire que telle situation est plus confortable que l’autre mais nous espérons pouvoir développer notre projet au point d’être prospère et de pouvoir en vivre. Q: Quels sont les moyens que vous mettez à profit dans votre projet pour qu’il réussisse ? Maya : Nous sommes trois à nous investir totalement dans ce projet qui nécessite du temps, de la réflexion et de l’énergie. Pour mieux nous armer, nous avons rejoint le Centre algérien d’Entrepreneuriat social où notre projet est en incubation, ce qui nous permet de mieux nous structurer, de nous concentrer sur l’essentiel et surtout d’apprendre à affronter le marché. Q: Avez-vous imaginé Echappatwart comme un projet de vie dès le départ ? Selma : Absolument pas ! Avant d’intégrer l’incubateur ACSE, le monde de l’entrepreneuriat m’était totalement inconnu. Nous avons décortiqué le processus de création d’entreprise et nous avons appris a allier notre passion à une activité économique et à l’impact que nous souhaitons avoir sur le patrimoine et sur la société.

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Regards Il y a eu une réelle rupture entre l’architecture coloniale et l’architecture contemporaine. Q: Que ressent un architecte spécialisé dans le patrimoine quand il passe d’un ancien quartier d’Alger à un nouveau ? Nawel : Ça me révolte ! Je pense d’emblée aux nouvelles cités dortoir qui n’apportent rien de beau visuellement et qui n’offrent même pas de confort à leurs habitants. Ce sont des concepts importés qui n’ont pas réussi ailleurs mais qu’on continue à suivre dans l’Algérie moderne. C’est révoltant car nos aïeux ont fait tellement mieux et tellement plus intelligent avec les centres anciens et les ksour par exemple, et qu’aujourd’hui avec les moyens disponibles, nous n’arrivons pas à faire un saut qualitatif dans notre urbanisme. Maya : Il y a eu une réelle rupture entre l’architecture coloniale et l’architecture contemporaine. Il y a eu des constructions intéressantes dans les années 70-80 mais tout ce qui est venu après est totalement archaïque. Rien ne régule les constructions d’un point de vue stylistique. Q: Quels sont les sites patrimoniaux qui méritent notre attention selon vous ? Selma : J’estime qu’Alger regorge de sites patrimoniaux qui sont les quartiers coloniaux français développés entre le 19ème et le 20ème siècle qui sont encore en bon état malgré les séismes. Dans les mentalités ce n’est pas encore assimilé à du patrimoine car généralement, dans les esprits ce qui est du patrimoine et ce qui est promu comme tel est soit très ancien, soit ottoman. Nawel : toutes les régions d’Algérie ont quelque chose à apporter au patrimoine national, et il y a des sites patrimoniaux en détresse à travers tout le territoire qui ne demandent qu’à être valorisés. Je pense aux villages Kabyles, les villages troglodytes dans les Aurès tel qu’El ghoufi, les médinas du centre qui se trouvent à la limite du désert, des hauts plateaux et des villes du nord comme Biskra et Boussaâda. C’est une diversité qui dépasse le bâti, ça touche à la culture, les arts et les traditions et tout ça doit être valorisé.

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Souvenir On n’oubliera jamais notre première visite ! Nous avions déjà été engagées par d’autres organismes pour faire visiter la Casbah à leurs clients mais nous avions décidé de commencer notre propre aventure. C’était un vrai challenge car nous devions organiser la visite de la Casbah pour un groupe de touristes européens. Nous devions dessiner notre parcours, organiser un repas, nous assurer que cette expérience soit la plus agréable possible pour nos touristes car nous étions les ambassadrices de toute une ville le temps de cette visite. Mais le plus dur a été d’adapter notre discours à un public qui découvrait la Casbah pour la première fois et que nous devions le faire en anglais ! Et comme notre première visite se devait d’être marquante, nous avons contacté le restaurant « le repère » à partir d’une page facebook pour voir s’il serait ouvert. Nous étions aux premiers jours du Hirak et des grèves étaient prévues ces jours là. Le propriétaire nous assura qu’il serait ouvert mais une fois arrivées devant sa porte avec nos touristes, Fermé ! Sauf qu’au bout du fil, quand nous l’avons appelé, le monsieur assurait être ouvert… vous l’aurez compris, le restaurant s’appelait bien « le repère » mais celui là se trouvait à l’autre bout de la ville, à El Harrach. Heureusement, nous n’avons pas paniqué et l’incident n’a pas été ressenti par nos touristes, la visite s’était très bien passée et l’aventure échap’pat’w’art était officiellement lancée. Avenir Maya : On voit grand ! On a beaucoup d’idées pour l’avenir que nous comptons développer au fur et mesure de notre montée en compétence et de notre maîtrise de ce métier. Selma : J’aimerais vraiment que d’ici quelques années nous puissions avoir un vrai impact, concret et indélébile sur le patrimoine. Nawel : Nous resterons trois femmes passionnées et même si nous n’avons pas le résultat désiré tout de suite, nous continuerons à travailler, à promouvoir le patrimoine et à sensibiliser sur cette question qui nous tient à cœur.

cofondatrices d’Echap’pat’w’art et on a tout de suite envie d’embarquer avec elles, à l’aventure. Surtout, je me rends compte que tout peut être plus agréable quand il est entre les mains des bonnes personnes. Boulot journalistique terminé, j’ai voulu en savoir un petit peu plus sur ces jeunes femmes. J’ai pu apprendre que Maya était passionnée de musique et de voyages, que Selma adorait la cuisine et la pâtisserie et que Nawel aimait tout ce qui se rapportait à la culture. Aussi, j’ai su que les associées étaient des amies de longue date et qu’elles se connaissaient par cœur ! Mais je ne voulais pas m’arrêter là, j’ai voulu faire le portrait chinois des trois amies… Q: Selma, si tu étais une rue d’Alger ? Franchement difficile de choisir une rue d'Alger, je pense à des dizaines qui offrent chacune une ambiance particulière ou m'évoque un souvenir, une trouvaille, mais si je devais choisir je dirais la rue Voinot pour la vue inattendue qu'elle offre sur la cathédrale. C'est les découvertes fortuites que j'aime à Alger. Q: Nawel, si tu étais une chanson Algérienne ? Question difficile il y en a pleins, mais si réellement je devais choisir la chanson algérienne qui je pense me représente et que j'aime aussi ça serait « Sidi Boumediene » de Nouri Koufi. J'aime beaucoup le répertoire de la musique arabo-andalouse et j'aime tout dans cette chanson: les paroles, les instruments, le rythme de la chanson et surtout l'interprétation de Nouri Koufi. Depuis que j’ai eu l'occasion d'aller à Tlemcen, la chanson me refait repenser à el Eubbad et Sidi Boumediene et c'est un lieu magique à visiter, on s'y sent bien. Q: Maya, si tu étais un monument Algérien ? Si j’étais un monument algérien ce serait... un palais de la Casbah d’Alger, introverti, discret de l’extérieur, mais au fur et à mesure qu’on traverse ses différents espaces, on découvre toutes ses composantes. Je suis un peu comme ça dans la vie, réservée et discrète au premier contact, mais en apprenant à me connaître je deviens un livre ouvert.

A la fin de mon interview, j’ai ressenti ce que doit ressentir chaque client ayant sollicité les services de Maya, Nawel et Selma pour une visite guidée ou pour un événement. On est vite séduit par le discours passionné et par la motivation des Février • Mars • Avril 2020 - ineffable

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LA CASBAH D'ALGER, EST-ELLE PORTEUSE D’UNE ÉCONOMIE CULTURELLE ? Auteure : Nawel Ait Saada

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LA CASBAH D'ALGER, EST-ELLE PORTEUSE D’UNE ÉCONOMIE CULTURELLE ? Auteure : Nawel Ait Saada

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ux premiers abords, parler d'économie du patrimoine et de la culture pourrait sembler contradictoire ou même être jugé inapproprié par certains. Le patrimoine culturel immobilier par exemple, a ainsi longtemps été perçu comme un legs à prendre en charge pour le transmettre, mais heureusement, aujourd’hui cette notion a évolué. En plus de ses valeurs socioculturelles, le patrimoine culturel porte en lui des valeurs économiques diverses liées tant à son existence dans un territoire qu’à son usage. De ce fait il devient actuellement vecteur de développement. C’est une ressource, un actif, un capital culturel à reconnaître, conserver et valoriser.

De ceci, la réponse à la question « le patrimoine fardeau ou créateur de richesses ? » n’est ni simple ni unique, elle est plutôt propre à chaque contexte avec le défi commun de trouver un équilibre qui permet la préservation des ressources et leur valorisation « économique ». Notre pays l'Algérie, rassemble en son sein une importante composante patrimoniale. Riche et variée, celle-ci pourrait constituer un levier de développement d'économie culturelle, patrimoniale et touristique, mais il en est autre chose... des richesses en péril et un pays peu connu même de ses habitants.

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Philippe Jodiou

Plus simplement, un patrimoine quand il est mis en valeur engendre de l’économie qui peut prendre plusieurs formes et qui, dans certains cas, peut aider au développement local, et même territorial. En parallèle, les sites et monuments du patrimoine mondial témoigne de l’exceptionnel, de l’unique et du rare, de ce fait, ils acquièrent une attractivité qui se manifeste principalement à travers le tourisme et donc génère des retombées économiques importantes. Toutefois, cet engouement et cette économie peut provoquer aussi des effets néfastes sur ces patrimoines : muséification, gentrification, tourisme de masse, spéculation, etc. L’exemple de la capitale algérienne illustre parfaitement ce paradoxe. Elle regorge de divers attributs patrimoniaux naturels et culturel, sur le plan du bâti, elle offre un paysage architectural varié présentant plusieurs époques et différents styles. Ce capital culturel peu connu ou mal entretenu, peu valorisé est en attente de prise en charge et d’intégration au projet d’Alger métropole. Et même si des projets de réhabilitation et revitalisation sont menés, les résultats sont minimes. Ainsi, la Casbah d’Alger, ce haut lieu d’histoire qui a fait couler tant d’encre, vit une réalité contrastée.

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D’une part, ce site majestueux est reconnu mondialement pour ses valeurs exceptionnelles mais d’autre part, on voit l’état physique et de salubrité de la majorité de ses bâtiments en constante dégradation. Discours politiques ambitieux, déblocages financiers, successions de projets et programmes depuis des décennies, mais les aboutissements sont ponctuels et donc peu visibles. Mais étonnant, malgré ces échecs, la Casbah a attiré et continue encore à attirer des artistes, des artisans, des architectes, des écrivains ou tout autre type de visiteur. Ce charme qu’elle porte en elle et cette attractivité, permettent aujourd’hui de voir naître autour d’elle une économie. Une économie patrimoniale qui prend plusieurs formes. Entre le licite et l'illicite cette médina qui agonise sur le plan physique, se voit revivre par la multiplication de diverses initiatives citoyennes. Ouverture de restaurants et de tables d’hôtes valorisant la gastronomie algéroise, balades et parcours de visites guidées dans ses ruelles en escaliers, animations culturelles à l’instar des chasses au trésor, des ateliers d’initiation à l’artisanat local ou encore les soirées musicales dans les maisons de la Casbah. Toutes ces Février • Mars • Avril 2020 - ineffable

initiatives font affluer des visiteurs de divers coins de l’Algérie et du monde curieux de découvrir les secrets de ce centre historique. Ajouté à cela, d’autres initiatives participent indirectement à la création de cette économie. Sur les réseaux sociaux par exemple, des pages activent à faire connaître le lieu et à sensibiliser pour sa sauvegarde. Ou encore in situ, où l’on assiste à la multiplication de compagne de nettoyage ou de peinture des ruelles, de chantiers participatifs d’aménagement d’espaces vides, etc. Conséquemment, une microéconomie est créée là où les politiques ont échoué à mettre en place un développement. Ces bénéficiaires sont divers, tant ses initiateurs (guides, associations, habitants, etc.), que le site avec ses résidants ou les artisans qui ont plus de visibilité et bien d’autres. De ce constat, on peut conclure que malgré la détérioration de la Casbah, le patrimoine de la Casbah possède une attractivité à mettre en avant. Alors comment faire pour pérenniser ce site et son attractivité, qui mieux gérée, donnerait lieu à un développement local ? Enfin, aujourd’hui plus que jamais il est impératif réconcilier le patrimoine avec le reste du territoire, mais aussi avec la société.

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L’ART ENTRE MARCHÉ, DÉMAGOGIE ET COMPLAISANCE Auteure : Oumaima Louafi

les femmes d'alger picasso

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L’ART ENTRE MARCHÉ, DÉMAGOGIE ET COMPLAISANCE Auteure : Oumaima Louafi - Nomad club

« Une peinture est un travail de l’âme », C’est pour cela qu’on ne vend pas une peinture ou une oeuvre d’art comme l’on vendrait un logiciel, une montre novatrice ou n’importe quel autre produit fabriqué. Mais d’abord, quand est-ce que l’art est devenu un marché ? Ce serait au 4e siècle que seraient apparues les premières traces de commercialisation des objets classés comme œuvres d’art par les échangeurs pour satisfaire les yeux des curieux de l’époque, mais cette activité n’est devenue domestique et célèbre qu’à l’époque hellénistique, où certaines œuvres commencèrent à circuler entre les royaumes et les régions de l’Europe du nord pour finir très souvent par être installées dans certaines capitales. Cette activité continua à exister jusqu’à la Renaissance, où elle prit de l’ampleur et devint « un marché de l’art » qui attira l’intérêt d’une grande bourgeoisie marchande de l’époque qui avait le grand désir de se vanter et d’afficher son pouvoir. Il se propagea par la suite dans le milieu des nobles pour devenir « une mode », ce qui a conduit vers l’apparition des salles de ventes au 17ème siècle, puis les dates succédèrent et les œuvres se baladaient entre vente aux enchères, cabinet d’art, musées et galeries. Beaucoup de dates et de faits entourent l’histoire de cette activité de vente d’art, mais une question persiste : Pourquoi une simple peinture vaut-elle beaucoup plus que des objets qui seraient plus utiles ou demandant plus d’effort et de temps de fabrication ? En plus de la matérialité et la célébrité de l’œuvre, c’est aussi la notoriété de l’artiste qui aug-mente sa valeur. On ne peut comparer une œuvre de

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Kandinsky ou Picasso à celle d’un élève qui exécute une jolie peinture même si cette dernière ne manque pas de valeur ni de spiritualité. Plusieurs facteurs peuvent également être pris en compte dans le barème de la fixation du prix des œuvres ou de leur valeur. N’en déplaise à tout cela, la réponse concrète à cette dernière question reste elle toujours énigmatique, tant pour un profane que pour un grand artiste, jusqu’à ce qu’ils décident de rejoindre le marché. Dans leurs débuts, certains artistes hésitent à se séparer de leurs œuvres, comme s’ils ne pouvaient en faire des prochaines, d’autres ne savent pas fixer un prix à leurs œuvres, et beaucoup n’arrivent pas à vivre de leur art. L’art de notre époque dit contemporain est plus ouvert que toutes les écoles d’art qui l’ont précédé, il n’y a pas de règles techniques, ni religieuses ni sociales... qui limitent l’artiste ou l’empêche de réaliser son œuvre, et même si tout semble avoir été fait dans l’art, on peut toujours innover. Parfois on n’a même pas besoin d’avoir un bon coup de crayon pour être artiste contemporain car la philosophie derrière l’œuvre peut déterminer sa valeur et son sens. la médiatisation ou la philosophie de l’œuvre compense le don, ce qui explique pourquoi les « Gourous de l’art » ne sont pas nécessairement les plus connus dans la cour, et pourquoi les artistes qui font ce qu’on appelle le « ready-made » ont plus de succès et d’accès au marché de l’art que ceux qui se consacrent à leur talent humainement, financièrement, et même spirituellement. Faute de marketing ou d’époque, difficile de trancher, mais puisque dans tous les cas, l’art est le refuge de l’âme et de l’homme, rien n’empêche de faire les deux !

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les femmes d'alger picasso

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L'ARTgent FAIT VIVRE Auteure : Romaissa Medjber

L'art est souvent le refuge duquel se servent les artistes pour fuir le monde réel, pour se perdre dans leur univers, créant des chefs-d’œuvre à travers lesquels ils nous transmettent leurs pensées, leur aura, leurs tourments comme leurs dévouements. On dit souvent que l'art nourrit l'esprit, mais il n'y a pas que l'esprit qui doit être nourri chez un être humain, c'est pour cela que certain.e.s artistes décident de faire de leur passion leur métier.

Emily Morter

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L A VA L E U R É C O N O M I Q U E D E L A C U LT U R E

L'ARTgent FAIT VIVRE Auteure : Romaissa Medjber

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ous sommes ce que nous faisons au quotidien et, vivre de sa passion semble être un rêve que vivrait un.e artiste : gagner sa vie en faisant ce qui le.a définit comme individu. Il/elle réaliserait des oeuvres pour des étrangers mais avec chacune d’entre elles, il/elle ferait naître une philosophie qui se métamorphoserait en pensées et réflexions et, avec chaque pensée, il/elle laisserait une partie de lui/elle-même dans son produit, un produit qui serait le fruit de ce qu'il/elle a semé avec ses longues heures de travail, ses nuits dénudées de sommeil mais durant lesquelles il/elle aurait perdu toute notion du temps, se livrant complètement à son art, il/elle serait alors dans son monde.

choix entre plusieurs œuvres, comme dans une exposition dans une galerie d’art, parce qu’après tout, l’art appartient à tout le monde, quelques soient leurs goûts. Par ailleurs, pour donner un prix à une pièce artistique, il faudrait être présent tout au long du parcours qu’aurait fait l’artiste, pouvoir sentir ses peines et ses pannes, son anxiété, sa réjouissance, et d’un côté plus matériel, compter combien ça lui aurait coûté pour s’équiper de tous les outils et instruments dont il/elle aurait eu besoin et combien de temps aurait-il/elle consacré pour l’oeuvre en question, car encore une fois, le temps, c’est de l’argent. En d’autres termes, il faudrait être l’artiste lui/elle-même pour pouvoir donner un prix à son produit.

Mais, dans un travail, le temps, n'est ce pas de l'argent ? Ne serait-il pas risqué de perdre notion de l'un des piliers majeurs du monde économique? Le temps, c'est les chaînes qui retiennent un artiste de se perdre entièrement dans son œuvre, l'empêchant de trop se remettre en question, ou de s'attarder à peaufiner les imperfections d'un projet qu'il/elle ne jugerait, de toute façon, jamais parfait. Et, à l'usure, la passion deviendrait une discipline, un don limité par les exigences d'un client, l'insatisfaction de l'autre, l'angoisse de ne pas être à la hauteur des attentes. C'est un dilemme duquel se plaignent beaucoup d’artistes.

Une fois le prix calculé, réfléchi, fixé, le monde doit voir les travaux de l’artiste et être au courant de son existence; pour cela, plusieurs manières sont à sa disposition, à savoir: les réseaux sociaux, cet outil qui permet à un produit de devenir viral en quelques secondes si l’on sait comment s’y conduire. Ça permet également à l’artiste de s’améliorer en recevant des critiques constructives et des conseils de la part d’autres artistes comme lui/elle. Il/elle pourrait même opter pour une démarche participative, en cherchant à savoir ce qu’un collectionneur a envie de voir en demandant les avis des internautes.

En revanche, pour pouvoir gagner sa vie, il faut une certaine discipline, et pour un.e artiste qui travaille généralement en freelance, le temps -ou la deadline, plus exactement- c’est la clé de la discipline, sa maîtrise et son organisation fusionneront avec le don pour en faire une carrière. Parlons à présent de la valorisation des œuvres des artistes, que ce soient des sculptures, des tableaux de peinture, de la poterie, etc. Mettre un prix sur une telle production n’est pas toujours très simple, car, en regardant le produit d’un œil étranger, on le jugerait selon un barème superficiel mais surtout très subjectif, selon sa forme, ses couleurs, sa taille. Ceci pourrait être avantageux dans le cas où le client aurait le

L’une des manières les plus classiques pour faire découvrir ses œuvres, un.e artiste opte pour, au moins, une exposition dans une galerie, où se rencontrent amateurs, collectionneurs, artistes et surtout clients potentiels.

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Pour finir, je cite les plateformes et les blogs professionnels dans lesquels les artistes ont la possibilité de présenter une copie de leurs travaux avec une légende expliquant la philosophie et la réflexion derrière chaque pièce ainsi que les thématiques qui rendent toute œuvre unique et originale.

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Femme et mur 1930 Mohammed Issiakhem

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L’ART, AU-DELÀ DE L’ÉCONOMIQUE Auteur : Nacer Kacete

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Pierrick Van Troost Février • Mars • Avril 2020 - ineffable

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L A VA L E U R É C O N O M I Q U E D E L A C U LT U R E

L’ART, AU-DELÀ DE L’ÉCONOMIQUE Auteur : Nacer Kacete

« Quel métier voulez vous exercer quand vous serez grands ? » Cette fameuse question posée systématiquement par les professeurs laisse souvent les enfants cois. Les réponses oscillent souvent entre le métier d’enseignant et la profession de médecin. Dans la majorité des écoles du monde, vous n’entendrez jamais un enfant dire avoir le rêve de devenir écrivain, peintre, sculpteur, bédéiste ou danseur. Et si, par miracle, un élève déroge à ce constat, il sera vite assailli par les regards inquisiteurs de ses camarades et le sourire sournois de son maitre. Notre époque manifeste une attitude dramatique envers l’art en général et les artistes en particulier. Pis encore, nos sociétés, prises entre les tenailles du consumérisme ambiant et un conditionnement presque pavlovien au « tout numérique », tendent de plus en plus à adopter d’un coté, des comportements qui convergent vers la négation de l’artiste et, de l’autre, à secréter des pratiques qui risquent de phagocyter la dimension sociale des créa-tions artistiques. Pourtant, plus que jamais, l’art est vital pour nos sociétés contemporaines. Happé par le stress du quotidien, enseveli sous le poids d’une myriade d’informations et conditionné à suivre le rythme d’une ère qui ne jure que par le « fast », l’être humain se trouve, sans se rendre compte, contraint à subir la vie. Subir la vie, justement, implique une certaine idée de l’effacement du bonheur. Un homme qui subit n’est jamais un homme heureux. Par ricochet, aspirer à être heureux ou du moins, caresser les contours du champ du bonheur, nous engage à agir.

Vojna Andrea

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L’art dans le monde ; essentiel et nécessaire

Existe-t-il une spécificité dans l’art algérien ?

Peut-on décrire le sentiment qu’on ressent quand nos yeux rencontrent ceux de la Joconde au musée du Louvre ? Peut-on contenir notre émerveillement devant les poèmes de Mahmoud Darwich ? Par quelle épithète peut-on qualifier ce sentiment qui nous berce quand on franchit le pas du majestueux théâtre de la Scala à Milan? Que dire alors du vertige qui nous hante quand on essaie de donner des traits à Hizia de Ben Guittoun ? Devant ces instants uniques et ces brèches temporaires magiques, les mots ne peuvent que se taire, laissant libre cours à une imagination faite de silence, de contemplation et, surtout, de retour vers soi-même.

La réponse dépend de l’angle à partir duquel l’on se positionne. Si l'on adopte une analyse hostile avec des points de chutes esthétiques, la réponse est négative. L’art est en crise partout dans le monde ; à Alger ou à Berlin, à Saint Petersburg comme à Beyrouth. Cette crise est due en grande partie à une immixtion brutale de la logique de rentabilité dans le domaine de l’art. Dans de telles circonstances, les artistes ne sont plus à l’écoute de leurs inspirations mais forcés à épier la demande du marché.

L’art est essentiel. Essayons d’imaginer pendant quelques secondes un monde dépourvu d’œuvres d’art, d’interprétations et de représentations artistiques. Evidemment, comme moi, cette perspective ne vous enchante guère. Cela ressemblerait, sans doute aucun, aux espaces lugubres et aux atmosphères sombres contenues dans le roman « Le double » de Dostoïevski. Le monde ne serait qu’un réceptacle d’une panoplie d’objets aux couleurs fades et de paysages monotones, sans dimension. L’art intervient pour répondre à un besoin particulier, différent des besoins biologiques: un besoin de l’esprit. L’art est nécessaire. Il nous libère. L’être humain a besoin d’aller au théâtre, de lire des romans, de voir des tableaux, d’écouter des chants, d’assister à des chorégraphies etc. Ainsi, une fois renouvelées, ces pratiques deviennent des habitudes qui, à leur tours, s’entassent et s’accumulent pour aboutir, in fine, à la fabrication d’un capital culturel. Ce dernier, pur résultat d’un effort d’apprentissage, de questionnement et de démarcation vis-à-vis des préjugés, constitue une condition sine qua non pour enclencher tout processus de réflexion nécessaire pour s’instruire, s’épanouir, apprendre davantage sur les autres et sur soi-même. Dans ce sens, la notion du bonheur n’est nullement une fin en soi mais découle naturellement d’une imbrication de plaisirs émotionnels, sensoriels et spirituels.

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En parallèle, la réponse peut prendre les allures d’une affirmation dès lors qu’on aborde ce sujet sous une dimension sociale, voire sociétale : la création artistique en Algérie a connu ses moments de gloire à chaque fois que la société traversait une épreuve difficile ; c’était le cas notamment lors de la période de post-indépendance et celle de la décennie noire, avec une euphorie artistique caractérisée par une production et une création tous azimuts. Et si la société algérienne a réussi à dépasser ces années atroces, ou en tous cas, à en amortir les séquelles, c’est grâce au concours de plusieurs franges de la société certes, mais avec les artistes en tête de gondole. En somme, Le propre de l’art, c’est qu’il défie le temps. Combien de chants, de poèmes, de pièces théâtrales et d’autres œuvres d’art reléguées aux oubliettes et désignées comme étant désuètes sous prétexte qu’elles ne véhiculent plus les préceptes de la modernité et qui ont jailli à nouveau, soudain, pour exister durablement ! Cette capacité à faire fi des aléas du temps et des vicissitudes du marché provient du caractère catalyseur et vital de l’art dans la vie de l’Homme.

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DJAM OU L’ESPRIT AFRICAIN Auteure : Nélia Salem

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DJAM OU L’ESPRIT AFRICAIN Auteure : Nélia Salem

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’art est un don à la portée de tous, mais les artistes se font rares. L’un pourrait-il réellement exister sans l’autre ? Appelle-t-on un artiste toute personne ayant la capacité de produire, d’innover ou même de créer ? N’est ce pas le résultat de tout un processus de beauté, d’efforts, d’inspirations venant d’un monde tout aussi incroyable qu’imaginaire, d’influençable d’une part par notre personnalité et d’influencé d’une autre, par nos penchants et notre vécu ? Vivre de son art est chose aisée dans de nombreux pays, le faire en Algérie, relève d’une certaine obstination et passion. Il est parfois dur de se frayer un chemin dans ce labyrinthe artistique quand l’issue change de camp. Mais il y a toujours ceux qui s’y attachent et ne lâchent rien par amour de leur passion. 1 – Le début d’une carrière : Il y a des chants qui nous hantent, d’autres qui nous guident, d’autres qui nous tracent le chemin de la liberté et de la découverte : la découverte de soi mais aussi de l’autre, la découverte de notre culture et de celle de notre prochain, d’autrui, de celui que l’on croit connaitre. Djamil ! Ton chant résonne comme un écho dans les montagnes du Djurdjura, ta révolte est comme une oasis au milieu du Sahara, métissage culturel venant des fins fonds de l’Afrique à la recherche de ce temple perdu au fil des ans, que seule ta voix appelle puis apaise les âmes en quête de quiétude et de ressourcement. Abreuve-toi esprit africain, bois à ton aise les paroles de ton pays, de ta terre, de ton continent ; que la liberté soit ton seul dessein. Il y a des destins auxquels on ne peut échapper, il y a un temps pour rêver et un temps pour vivre mais il y a surtout un temps pour vivre son rêve. Djamil Ahmed Ghouli, plus connu sous son nom de scène Djam (ou Zdeldel) est un auteur, compositeur et interprète de musique algérienne, mais aussi africaine ; un mélange de tous genres qui offre un spectacle des plus ahurissants. Il s’est intéressé à la musique très jeune grâce à la voix mélodieuse de

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sa mère qui berçait ses nuits étoilées. Après avoir intégré une école de musique classique araboandalouse, les circonstances font qu’il chante dans son université lors d’un tremplin, et c’est là que Djmawi Africa voit le jour. Un groupe à travers lequel on sent la touche algérienne rebondir sur des tabous, des problèmes sociaux auxquels fait face la société ou le jeune algérien : entre vécu et misère, rester ou partir, soumission ou liberté ; le groupe ne nous laisse guère sur notre faim. Mais l’artiste ne s’arrête pas là, il joue dans le film «Les terrasses » ainsi que dans la sitcom « Dar Bob» qui a vu un retour en 2019 sous le titre de «Bob la star». Une carrière qui décolle, des expériences mondiales font leurs apparitions : Brésil, France, Burkina Faso, Italie, Tunisie, Cameroun, Sénégal et autres. Après avoir tout partagé, l’idée d’une carrière solo prend forme. L’homme est au service de l’art et quand ce dernier vous appelle, vous ne pouvez que répondre présent. Il y a un temps pour tout, et un penchant pour d’autres horizons, qui, parfois, ne sont pas partagés par tous. L’esprit africain rappelle son enfant, et lui trace le chemin de la découverte : le 14 novembre 2018, l’album « #ZDELDEL » voit le jour avec une variété linguistique énorme. Djamil chante en plusieurs langues et transporte son public au-delà des frontières à travers des chants ensorcelants. Février • Mars • Avril 2020 - ineffable


2 – A la découverte de l’artiste : Le meilleur moyen de connaître un artiste ainsi que son art est de pouvoir s’entretenir avec lui en lui posant les bonnes questions, et c’est ce qu’on a pu faire avec Djam.

N.S : croyais-tu pouvoir, un jour, allier passion et travail ? Comme on le sait tous, le travail n’est plus une corvée lorsqu’il devient passion. Djam : quand on commence à faire de la musique on ne sait pas si on s’inscrit dans le professionnel ou le semi-professionnel. Pour ma part, ça a commencé en semi-professionnel, en faisant mes études je faisais beaucoup plus de concerts. Mais quand j’ai eu mon diplôme, il fallait commencer à travailler. J’ai fait ma période d’essai et ça n’a pas marché, on me reprochait de ne pas être assez présent et c’était légitime. D’ailleurs, une fois on m’a vu à la télévision alors que je devais être chez moi, cloué au lit, avec un plâtre à cause d’une soidisant fracture (rires). J’ai démissionné, et ce fut le début d’une carrière, c’était un risque à payer. N.S : bien que tu aies pu te frayer un chemin dans le monde de l’art en Algérie et même ailleurs, plusieurs artistes sont encore obligés d’avoir un autre gagne-pain parce que leur art ne le leur permet pas. Quelle est ta vision sur ce point ? Djam : c’est très difficile, mais il y a plusieurs facteurs qui rentrent en jeu. Si on prend son travail Février • Mars • Avril 2020 - ineffable

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Nélia Salem : bonsoir Djamil, étant un artiste confirmé, tu vis de ton art depuis un bon nombre d’années, l’ancien toi, l’artiste novice que tu étais, y aurait-il cru ? Djam : bonsoir ! Carrément, on a tous des rêves quand on est jeune. Moi, j’avais deux directions qui se présentaient à moi : j’ai fait des études en mathématiques pour faire aviation et pendant cette même période j’ai commencé à jouer de la guitare. Et c’est là que je me retrouve à faire de la musique. Quand on rentre dans ce monde, on a des ambitions : être sur scène, vivre de son art. C’était un choix. J’ai débuté depuis 14/15 ans maintenant, mais en ce temps-là avoir fait des études pour un but précis était une chose, mais faire de la musique c’était une toute autre chose. Quand j’ai eu mon bac, il fallait trancher. Même si j’ai eu la moyenne requise pour ce que je voulais, j’ai décidé d’opter pour l’INC, c’était plus léger et ça me permettait de consacrer beaucoup plus de temps à mon art. Et c’est là que l’histoire a commencé…

au sérieux, on évolue. On peut faire de l’art et ne vivre que de cela, mais on arrive à une limite et là, il faut penser à une alternative. Pour ma part, j’ai foncé. J’ai évité d’avoir une toute autre occupation à côté, c’était une aventure, surtout au début. Les cachets ne nous connaissaient pas, on ne gagnait pas assez lors des concerts, mais avec le temps ça s’est concrétisé : on a fait des albums avec Djmawi Africa, les tournées devenaient plus crédibles, c’était plus professionnel. C’était difficile, mais quand on prend une décision il faut l’assumer. Il faut oser, travailler, être sérieux et surtout mettre la paresse de côté, il faut qu’il y ait une continuité. Moi, j’encourage les artistes. Ils doivent être engagés tout en proposant un travail original en ayant un style particulier. Par exemple, pour faire mon dernier album, ça m’a pris 2 ans. Je travaillais tous les soirs de minuit jusqu’à sept heures du matin, je me suis produit moi-même et c’est une toute autre étape, ça me représente à 100% et j’en suis fier. N.S : rester et se battre, partir et vivre ? Djam : comme tout algérien, j’ai voulu partir et je l’ai fait. Après 10 ans d’exercice en Algérie, j’ai fait le tour. Les infrastructures ne me permettaient pas d’avoir une continuité et ma seule issue était de poursuivre mes études en France. D’ailleurs, mon projet de fin d’études était mon album, mais je dirais que c’est partir pour mieux revenir. Comme tout algérien, j’ai cherché le moyen de rester, revenir ici sans projet, c’est difficile. Et puis il y a eu le Hirak ! Je suis attaché à mon pays, un peu militant, je me retrouve en Algérie depuis le 22 février 2019 jusqu’à aujourd’hui parce qu’il y a de l’espoir, l’espoir que les choses changent. D’ailleurs le combat continue.

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N.S : quel conseil donnerais-tu à un jeune artiste qui rêve de vivre dans son pays grâce à son art ? Djam : ne pas s’appuyer sur ses relations (maytkelch 3a lma3rifa), mais plutôt sur son art et son talent. Si on a envie de percer il nous faut le talent, et même si on a le talent cela ne suffit pas. Il faut travailler, cela ne vient pas tout seul. N.S : nous passons à la seconde partie de notre interview, plus personnelle ; ton vécu verra le jour à travers ta voix. Qu’aimes-tu et que détestes-tu le plus dans ce milieu ? Djam : tout dépend des gens qui nous entourent, mais ce que je n’aime pas c’est le fake et la non-sincérité des gens, l’art est sensible et tout dépend de la manière dont on l’aborde : si on a une vision commerciale ça devient un milieu de business. Mon approche s’inscrit dans la passion. Pour ce qui est de ce que j’aime c’est le partage, quand on partage quelque chose on sent qu’elle grandit et cela me donne de la force pour avancer. N.S : parle-moi un peu de l’histoire de DJ (rires). Djam : quand on commence à faire de la musique, on est un peu rêveur. C’était la première fois que je montais sur scène et je sentais que ma musique leur plaisait, je me prenais d’un seul coup pour une star (rires). Il y avait un DJ qui devait passer juste après moi et, en ce temps-là, mes amis me surnommaient DJ. Pendant que j’étais sur scène, j’entends le public crier DJ ! J’étais aux anges, mais c’est après que j’ai compris qu’ils voulaient que le DJ passe. N’empêche, cela ne m’a pas gêné pour remonter sur scène (rires). N.S : tu as sorti ton premier album solo le 14 novembre 2018 «#ZDELDEL » et ça a fait un buzz auprès de tes fans. On sentait une vague nouvelle, un changement en toi, une richesse linguistique s’en dégageait. Tu as chanté du kabyle, du chaabi, des chants africains et on a eu toutes sortes de duos : non seulement avec ton petit frère Timoh mais également avec Zik Zitoun. D’où t’est venue l’idée d’un tel métissage dans un seul album ? Djam : je dirais que c’était un rendez-vous, je voulais faire un bilan de toutes les frustrations que j’avais avec le groupe parce que quand on est dans un groupe, on ne peut pas s’imposer. Donc, je l’ai quitté pour avoir toute cette liberté. Je pense que c’est ce qui arrive toujours dans un groupe : Amazigh Kateb avec Gnawa Diffusion, les Beatles, les Jackson 5… On ne peut pas imposer sa touche et on ne veut pas qu’on nous l’impose aussi.

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N.S : ce qui fut le plus touchant, ce sont tous ces hommages rendus aux révolutionnaires dans tes chansons, te considères-tu comme un artiste engagé ? Djam : oui, je suis un artiste engagé. Je suis engagé dans le sens où je défends des idéaux. Je donne un sens à mes créations. Quand je chante, il y a un rapport avec l’Afrique, mes racines, mes voyages m’ont surtout influencé, c’est pour ça que j’écris sur l’africanité de l’Algérie, parce qu’on l’oublie. Je parle aussi des problèmes sociaux auxquels fait face l’algérien au quotidien et cela, c’est important. N.S : j’ai assisté à la première de la sortie de ton album et j’ai eu la chance de visionner le clip de Nti M’henya et je fus sous le charme de tant de sensualité. D’où t’est venue l’idée ? Appréhendestu la réaction d’un public conservateur ? Djam : c’est l’idée de Salah Issaad, le réalisateur. On a parlé de la profondeur de la chanson, des sous-entendus et il fut intéressé d’illustrer ce côté sensuel. L’ancienne génération, on la respecte mais à un moment il faut savoir assumer ce contenu. N.S : je te remercie de m’avoir accordé cet entretien qui fut des plus agréables. Djam : avec plaisir. Avoir un don c’est être chanceux, en vivre et en faire profiter ceux qui nous entourent de manière bénéfique relève d’un long travail acharné. Cela pourrait vous sembler inimaginable voire irréalisable jusqu’à ce qu’on le fasse. Les rêves sont ceux qui maintiennent nos esprits en vie, notre art est ce qui fait perdurer l’existence des belles âmes en quête de beauté et de partage. Vivre de son art est, certes, difficile surtout dans notre pays mais comme nous vous l’avions exposé tout au long de cet entretien : il suffit d’y croire, de le perfectionner, de prendre votre travail au sérieux pour enfin atteindre ce rêve tant chéri.

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ART IS PRICELESS

Auteur : Mohamed Amine Latrouci - Club Eurêka

Pinterest Red Vineyards at Arles, 1888 Art Print by Vincent van Gogh Février • Mars • Avril 2020 - ineffable

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ART IS PRICELESS

Auteur : Mohamed Amine Latrouci - Club Eurêka

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eo Tolstoy once said: “This professionalism is the first condition for the spread of counterfeit, false art.” In fact, some think that art should not have a price tag. It is the genuine expression of one’s experiences and emotions. which, will be considered, in decades, as cultural heritage. Being an artist shouldn’t be a full-time job or a profession, because then the artist will feel compelled to make art. If he has to live from his art he will constantly have to invent subjects for his works and that destroys the value of art and does not preserve it. The famous filmmaker and writer Andrei Tarkovsky illustrates the difference between inspiration coming from within the artist and being directed by external factors like business considerations. In his book “sculpting in time” he sais : “It is perfectly possible to be a professional director or a professional writer and not to be an artist: merely a sort of executor of other people’s ideas.” Giving art a monetary value gives rise to artists who work for money and not for the urge to make art. Because the people who define the economic value of art are not artists nor ordinary people, they are art critics, they interpret the work of other artists. But if the artist is able to convey the feeling he has experienced, what is there to interpret ? Like Bob Ross said : ”If I paint something, I don’t want to have to explain what it is.” There are numerous examples of this case throughout history. For example Vincent Van Gough produced close to 900 paintings. But he only sold one while he was alive, because the art world didn’t appreciate his art at the time. However, he kept making art because he felt he had something to convey and transmit. Another example is the actions undertook by artists today, during the recent virus outbreak and quarantine. Italy’s balconies are full or artists and art, we can feel the emotions and the experiences that they convey without the interpretations of art critics.

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Another example from our own cultural Heritage is our popular proverbs transmitted from one generation to another. They are so old we can’t point to when they originated. We don’t even know who stated them, nevertheless they were preserved and we still use them today, allowing us to know more about our ancestor’s culture through them. According to the ACPSA (Arts and Cultural Production Satellite Account) research. Art produces around $700 Billion of economic value annually in the USA. And it keeps increasing each year, this means art organizations are taking money and turning it into more money instead of turning the money into culture. It’s true that economically this is a good thing because it is creating jobs but it is creating a race for money instead of a race for art. It is now a business just like any other which weakens and destroys the main purpose of art which is its sincere expression of feelings. That being said, Art should receive money from taxes to preserve the cultural heritage, because the best way to preserve it is through art as we have witnessed throughout history. Also a contribution system should be adopted in heritage sites and museums to help support them. In conclusion, citizens and the artistic community should strive to stop putting monetary value on art, so only genuine art remains, and culture preserved. Because businesses rely on money, that’s temporary. But art and culture rely on people’s emotions and experiences which are perma-nent. As Goethe said : ”Art is long, but life is short.” Février • Mars • Avril 2020 - ineffable


Eri Panci

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TELL ME A TALE TO MAKE IT ALL GO AWAY Author : Anne Murray

Fares Idir in the Casbah of Algiers, photo credit : Anne Murray


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TELL ME A TALE TO MAKE IT ALL GO AWAY Author : Anne Murray - www.annemurrayartist.com

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admit that it has been difficult to write this article as there are many aspects that lead me in diverse tributaries, away from the river, which flows and is the main source of concern, these questions: how can an artist sustain his existence and continue to work when his profession is undefined and evolves each day in a fluid pattern of unstable forces? How is it possible to convince a person to pay for something that is clearly seen as a basic human right- the right to create and to consume culture? How is it possible to continue to participate, during a global pandemic, in the development of artistic research, while there are no funds to pay for the basic needs of your body for nourishment and shelter? When does the value of art override the value of sustenance and how do we see it today and what value has it had in the past and will it have for our future ? I use poetic metaphor to help you to understand as one tells a story to teach a child a life lesson. This metaphor in itself, becomes an example of how art brings value and understanding beyond the basic elements of our daily life. The river flows and its tributaries provide for the many across our planet. I have been traveling around the world for the last five years, a unique privilege and a gift, as I have both appreciated and struggled in this long process, this has been an endurance test beyond measure. I have yet to earn any money as an artist or to meet anyone that fully sustains themselves through art. I have used an income provided from teaching in Asia for several years in the past. Sure, there are the famous artists I have written about, the French Algerians who have works in the world’s most famous collections, who also have cafés or other businesses on the side, which help to bolster their lives during the doldrums, the moments when the prize money runs out, there are also the Algerians who still live in their hometowns, who have some connections or money from a family car wash or even a wealthy patron, there are those who have a business providing sporting equipment, none of which fully and completely sustain themselves on income from one continual

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source on a daily basis as an artist. Many artists I have met as I have been back and forth creating projects in different places in Algeria, dream of Europe, of the United States, and Canada, and assume that out there in this vast planet there is a place where being an artist is a true profession, with a defined outcome of both money and status. I can only say what I know from meeting hundreds of artists over the last five years : this is not the case anywhere in the world. Living artists are treated as professional hobbyists who are looking for some sort of attention for their obsessionsthis is the common motto, unspoken, but clearly heralded by the thousands as an unequivocal truth. Still, with this knowledge, I continue to create and so do so many artists in Algeria and around the world. So what is the future of the artist, with this motto in mind? Does an artist need a profession outside of art to sustain this professional hobby or is it possible, even now, to change the worldwide perception of artists and art and elevate art to the true status of a profession with a clear set of rules and standards of monetary income and production output?

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I believe that there is still a possibility and I hold onto that hope. If globally we establish a universal income for all, then artists can be free to create, solve problems and provide the fruit of their endless and far reaching abilities as creative problem solvers and emissaries of hope wherever the forces of nature and humanity have devoured it. Artists see the world as not a defined space with clearly defined objects, but as a source of potential energy. If you put an artist in a room long enough, he will create from everything around him or her or they. If there are no materials, then the source will be from the body itself, the sound of the human voice, the words, the flesh, the blood, the excrement, all will be a part of the outcome, the intense desire and need for communication, to continue the sharing of potential energy, will overcome any and all obstacles. We have only to look at our collective past to know that this is true. In this time of intense isolation due to a global pandemic, many are searching out poetry, literature, and art of the past, created in isolation and during similar times of extreme loss and pain due to unfathomable sources or la force majeure as one might call it. One could cite the poetry of Anna Greki, a militante who wrote her famous collection Algérie Capitale Alger, during her time of confinement in a prison in Algiers, or the work of Albert Camus, La Peste, which hundreds of people are seeking out and reading along with watching movies such as Contagion, which help us to express and understand this global event, for which it is difficult for us to grasp and accept. Through hours of isolation, many are frustrated, unable to face themselves, or to understand the nature and purpose of existence, meanwhile artists are continuing to create, in a way, as an everyday profession, their studios are their homes, the empty streets, the worldwide web. Artists are on the job 24/7 and they know their purpose and intent towards a positive outcome for this planet and all of its inhabitants. They are tasked with the unlimited chore of entertaining and explaining or telling the tales, which will distract and enable us to cope and understand the nature of our existence and force us to face a future that is full of potential energy, but not quite definable as it forms in the womb of our universe.

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I remember now one of my most profound and humblest experiences of art in Algeria, a visit to a children’s hospital in Algiers with le conteur, Fares Idir. He joined me on a brief visit to the city of Algiers. Fares after several minutes of greetings and observations which included the presentation of a pomegranate plucked from a tree in the garden of his parent’s home, asked if I didn’t mind stopping at the children’s hospital where he would tell some stories to distract the children and bring some solace to the mothers who hold hope in their hearts, but who clearly needed a refill as hope runs out in the bleak atmosphere of a crumbling and desolate building, which provides little more to its patients than a bed and a blanket. I asked Fares to make sure to get permission for me to take photos or video during his storytelling, and in one room, I stopped myself from taking photos, because I thought he had not asked. It is that moment, which I hold in my mind as a private photograph, a memory emblazoned on my retinas. A small boy sat on the edge of the bed, his body like a mummified corpse covered from the base of his waist to his neck in what appeared to be an unending bandage of white gauze. His face was still perfect and pure, unscathed, his dark eyes as an innocent seal turning ever so slightly towards the storyteller, with an awkwardness one realized was caused by the unique way one must contort the body to prevent pain- here because any further contortion would mean unbounding pain from the burns in his skin. Fares emanated peace, calm, healing, his hands first poised at his waist and raising as the story developed; he was a bird stretching its wings to show that flight was an inevitable outcome, and the words would lift and support anyone that was willing to listen, if only halfway. I watched the boy’s face; it was a statue, listening with the utmost care and intensity- the most beautiful thing I had ever seen. For a brief interlude and perhaps moments remembered in an uncertain future, Fares had become the genius loci, his power was to focus our concentration on something beyond our human existence, in a fourth dimension, where pain, fear, and starvation were but assets to the art of storytelling, and not permitted to interrupt the natural beauty in our sense of wonder. When the story ended, the boy smiled, and hope remained in the room.

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Ineffable Magazine I N°12 I ISSN : 2602-6562 www.ineffable-dz.art


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