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chapitre1: saisir le milieu et son rapport avec l'homme

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Introduction

Le milieu n’est pas uniquement le contexte environnant et le site, mais toutes les entités qui sont propres à un organisme. Ces données accordent aux êtres de vivre de la manière dont ils vivent. Elles admettent alors une relation étroite avec l’architecture et influence la nature d’habiter.

1. Le concept du milieu

Le mot « milieu » comporte plusieurs significations suivant le champd’étude. Il désigne alors à la fois une expérience spatiale et un conceptscientifique.

Ce que le concept de « milieu » a d’original, c’est qu’il semble s’être construit aussi bien dans les sciences humaines que dans celles de la nature. La sociologie construit le concept de milieu social et l’écologie celui de milieu naturel.

Augustin Berque le considère comme deux niveaux. Le premier est celui du topos envoyant à l’enveloppe matérielle ou le concret. Le deuxième est celui de la chôra impliquant l’existentiel qui se situe au-delà de cette enveloppe et se détermine par la relation relative au monde 7 .

Figure 1. Le milieu, deux niveaux de compréhension

Source: composition personnelle

7 Augustin Berque, Ecoumène, introduction à l’étude des milieux humains, éd Belin, Paris, 2000.

2. Milieu naturel

Le milieu naturel est une distribution géographique des phénomènes. Dans ce principe l’écologie s’intéresse à chercher les facteurs qui composent le milieu naturel. Ceux-ci ne se réduisent pas qu’aux facteurs climatiques (température, luminosité, vent, pression atmosphérique). Ajouter à ces derniers des facteurs abiotiques (mécaniques et chimiques) ainsi que des facteurs biotiques (interaction du vivant sur le vivant). C’est alors que le milieu naturel va être définit comme écosystème 8 .

Figure 2.Un écosystème: unensemble de facteurs

Source:personnelle

Il s’agit alors d’apercevoir le milieu comme un ensemble de lois qui définissent les êtres et les évènements, mais pas comme un cadre géographique. C’est un lieu d’échange concret et permanent entre le milieu et son habitant.

8 Jean-Marc Ghitti, « Le milieu : ses significations et ses valeurs », Le Portique [En ligne], 25 | 2010

3. Milieu social

3.1. Milieu naturel comme origine du milieu social

On ne peut pas évoquer d’environnement naturel sans mentionner lepaysage. C’est par le paysage que la société s’approprie son environnement.

Dans ce contexte, on admet que l’environnement naturel détermine l’esprit du peuple, le milieu social. Montesquieu admet qu’il s’agit d’expliquer les mœurs et les comportements que se donne un groupement sur la terre. Le milieu naturel influence les modes de vies mais ne les détermine pas.

« Les données naturelles conditionnent les formes prises par les rapports sociaux localisés qui, variant en fonction des contraintes économiques de chaque période historique,modifient à leur tour les milieux naturels » 9

Figure 3. Le milieu naturel l’arrière des sociétés,

Source personnelle

18

9 Picon B., (1978), l’Espace et le temps en Camargue : essai d’écologie sociale, Actes/Sud, le Paradou, 260 p.

3.2. La fabrique du milieu social par l’habitus

L’homme sujet devient un acteur. Il transforme en permanence son milieu social. L’habitus, c’est la concrétisation du milieu qui devient sujet. Le milieu est un artéfact qui peut être considérés alternativement comme cause ou comme effet 10 .

Figure 4.Le lien social,

Source: aliyanya.com avec modification

En sociologie, c’est une notion développée par Pierre Bourdieu. L’habitus est défini comme la manière d’être, l’ensemble des habitudes ou des comportements acquis par un individu, un groupe d’individus ou un groupe social issus d’une histoire collective.

Le sociologue Marcel Mauss voit l’habitus comme un « lien » réunissant plusieurs dimensions d’ordres physique, psychique, social et culturel 11 .

4. L’entre-deux

Le milieu désigne toujours une globalité, un tout qui vient rassembler en lui la diversité des faits. Ce que signifie être « au » milieu, c’est précisément être entre les deux. Il désigne le milieu ressenti non plus en termes de rapports à sens unique nature/société mais en termes d’actions et réactions réciproques 12 .

10 Juliette Grange. L’habitus, de la philosophie à la sociologie et retour.. Marie-Anne Lescouret. Pierre Bourdieu, un philosophe en sociologie, PUF, pp.35-64, 2009.

11 https://www.toupie.org/Dictionnaire/Habitus.htm 12 Jean-Marc Ghitti, « Le milieu : ses significations et ses valeurs », Le Portique [En ligne], 25 | 2010

4.1. Le sens du milieu ou la médiance, le milieu vécu

Augustin Berque avait développé cette notion de médiance. Elle se ditaussi d’être le sens du milieu combinant, dans le cadre d’un individu ou d’unesociété, le niveau physique et le niveau à la fois phénoménal et symbolique.

C’est

«Le moment structurel de l’existencehumaine » 13

Figure 5. Le vécu: combinaison du naturel et social,

Source: Illustration personnelle

Il s’agit d’un assemblage d’échange entre l’homme et son milieu. Lamédiance ne se limite pas à l’écosystème. Elle n’est pas simplement écologique,elle est éco-techno-symbolique. C’est notre milieu vécu 14 .

5. L’humanisation des choses

5.1. Le milieu urbanisé

C’est le « produit » historique d’un rapport nature/société.

Le phénomène urbain est abordé selon les deux niveaux suivants : « 1) Comme une structure matérielle formée sur la base d’une population, d’une technologie et d’un ordre écologique ;

2) Comme système d’organisation sociale comportant une structure sociale caractéristique, une série d’institutions sociales et un modèle typique de relations sociales » 15

13 Fudo, le milieu humain, Tetsurō Watsuji, édité par Augustin Berque, paris, CNRS 14 Milieu, art, génie du lieu, Augustin Berque, issu.com

15 Wirth L., 1979 [1939], « Le phénomène urbain comme mode de vie », in Grafmeyer Y. & Joseph I. (traduction et présentation), L’école de Chicago, Paris, ed. Champ urbain, p270.

5.2. Le rapport de l’homme avec l’urbain

Depuis l’antiquité la citoyenneté se réalise dans le milieu urbain et où s’engage la réflexion sur l’homme. L’existence urbaine devient de plus en plus le lieu de l’humanité ; Où l’homme puisse trouver tout le nécessaire à l’acquisition de ce qu’exige la vie, dont principalement le travail.

Le sens de vivre en ville comme dimension originale et spécifique de l’existence humaine, c’est dans les échanges et la communication entre les hommes.

Le dérèglement de la vie urbaine a pour conséquence une remise en cause des valeurs humaines. La ville devient proprement inhumaine : un espace livré au bruit, à la pollution, à l’insécurité, à l’agressivité.

Loin de fuir la ville et la maudire, il nous faut plus que ne jamais prendre soin d’elle comme l’espace incontournable et privilégié de notre humanité 16 .

16 L’homme et la ville Par Paul MOREAU, professeur de philosophie à l’Université Catholique de Lyon

Figure 6.Interaction avec le milieu,

Source personnelle

6. Interaction entre l’homme et son milieu

6.1. Différentes formes de relations

Être en relation avec un milieu comprend trois significations :

Il peut désigner ce qui dissocie et discerne : la limite ; Celui qui sépare : l’écart ; Et enfin ce qui met en relation : le lien. La limite ne doit pas être confondue avec l’écart. La limite élimine mais l’écart met à distance. Deux êtres, pour être en relation l’un avec l’autre, n’ont pas besoin d’être l’un à côté de l’autre : c’est possible d’être complètement séparés et des signes soient partagés. Cet échange de signes définit la relation. Cet espace, il tient les deux êtres en lien. Ce qui fait alors milieu, c’est l’étendue organisée en espace de communication 17 .

6.2. De l’affectivité

Le lien entre un être et son milieu permet de générer des valeurs affectives. Vivre dans son milieu, sa bulle, revient à n’être en relation qu’avec soi-même. Les sentiments qui y sont liés sont alors de l’ordre de la satisfaction et de l’appartenance. En outre être à l’écart de son milieu apporte de la frustration et du malaise dû au vide crée entre les deux.

Ces derniers seront renforcés par l’obstacle, c’est qui vient se mettre au milieu et coupe la continuité 18 .

17 Jean-Marc Ghitti, « Le milieu : ses significations et ses valeurs », Le Portique [En ligne], 25 | 2010 18 Ibid

7. Retour à la source : en quête de nature

7.1. De l’existentiel à l’affectif

L’homme est pleinement intégré à la nature. Il ne peut exister que grâce à sa relation aux éléments fondamentaux. Comprenant l’air qu’il respire, la terre qu’il travaille, l’eau qui est source de vie et le feu qu’il a domestiqué 19 .

Figure 7.Échapper l’urbain,

Source:Flickr.com avec modification

La Nature ici, est à la fois mère originelle et source de vie mais, elle déclenche aussi des émotions et des pulsions irraisonnées. Entre un lieu de fuite et d’attraction, entre force et beauté, la Nature se pose comme un ensemble 20 .

La relation au milieu naturel peut certes s’inscrire dans un contexte social, culturel, politique, et être ainsi construite et définie. Mais nous pensons qu’il s’agit pour beaucoup de l’expérience même de l’individu, d’une attitude d’ouverture vers l’autre, la Nature, l’animal, le végétal, voire le minéral 21 .

19 Bethemont, J. (2001). Berque, Augustin (2000) Écoumène, introduction à l’étudedes milieux humains. Paris, Belin, 271 p. (ISBN 2-7011-2381-X). C

20 Stéphanie Chanvallon. Anthropologie des relations de l’Homme à la Nature : La Nature vécue entre peur destructrice et communion intime. Anthropologie sociale et ethnologie. Université Rennes 2 ; Université Européenne de Bretagne, 2009.

21 Ibid

Figure 8.Activités dans la nature,

Source personnelle

7.2. Se ressourcer

A notre époque, la communion avec la nature devient un besoin urgent. Ceci demande plus qu’une fenêtre ouverte sur un paysage, vivre la nature « sauvage » est une nécessité exponentielle. La nature devient alors, par contraste avec le milieu urbain du quotidien et les modes de vie, une sorte d’aventure.

Le retour vers la Nature permet de retrouver une forme de sérénité. Être en harmonie avec celle-ci apporte de l’apaisement et de la sérénité.

Certaines activités physiques sont pratiquées en pleine nature. Elles offrent aux acteurs une expérience inédite : détente, sensations fortes, dépaysement, enchantement 22 … :

Ainsi les sports de nature sont associés aussi bien aux loisirs, qu’à la compétition ou la découverte du patrimoine. Les éléments naturels y sont mis à l’honneur pour des pratiques diverses et variées : L’eau sous forme de Canoë : canoë kayak, canoë, aviron, canyoning. Plongée : plongée de loisir, plongée sportive. La terre comme, Cyclisme : toutes les activités sauf les activités en salle: soit le VTT, VTC, vélo, cyclisme, cyclotourisme, cross, cyclo-cross, trial,…

Equitation : toute l’équitation sauf les disciplines pratiquées en salle ou en manège, soit « équitation, randonnée équestre, « cheval », attelage équestre… Marche : randonnée, course d’orientation, trekking… Les activités dans la montagne : escalade, randonnée, alpinisme, spéléologie. Et l’air en tant que, Voile : toutes les formes de voile, y compris la planche à voile, les courses et régates... Sports aériens : parapente, parachutisme et ascensionnel, deltaplane, vol à voile, ULM, aviation.

22 Les activités sportives de nature In : Les pratiques sportives en France : Enquête 2000 [en ligne]. Paris : INSEP-Éditions, 2002(généré le 05 août 2021). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/insep/843>.

8. La Biophilie, faire corps avec la nature

L’idée de biophilie avait été présentée par le psychanalyste ErichFromm comme l’amour passionné de la vie et de tout ce qui vit. C’est l’idéeque l’homme possède une connexion innée avec la nature et les êtres vivants

Certaines sociétés comme celle japonaise ont intégré la biophiliedans leurs pratiques quotidiennes. Ceci se manifeste dans le Shinrin-Yoku,littéralement traduit par « bain de forêt », autrement dit marche en forêt.

En effet, dans une société, on passe 90% de notre temps à l’intérieur.Notre exposition à un environnement extérieur naturel est désormais limitée.

Figure 9.Bosco Verticale, Stefano Boeri àMilan,

Source: archidaily.com avec modification

Ce concept a été notamment repris dans l’architecture sous le terme de « Biophilic Design ». Ce terme fait référence à une conception architecturale favorisant une reconnexion avec notre environnement naturel. En intégrant dans la conception des composantes qui vont directement et indirectement nous reconnecter avec la nature. Le terme de biophilie est plutôt entendu ici comme le lien inné à la nature au sens large et n’est pas réduit à la seule dimension du vivant 23 .

9. La manifestation de la Biophilie dans l’architecture

14 Modèles de conception biophilique est un rapport élaboré par Terrapin Bright Green cite les grands principes du design biophilique 24 :

• Lien visuel avec la nature et avec les systèmes naturels

• Lumière dynamique et diffuse

• Variabilité thermique et renouvellement d’air

• Perspective et refuge

Figure 10.Biophilie en symbiose avec l’architecture,

Source: architonic. com

23 Mémoire master 2 : Matériaux naturels et expériences sensibles, Cécile Pélissier sous la direction de Roland Vidal, Ecole national supérieur de paysage.

24 Article : Biophilie dans les bâtiments : une façon de renouer avec mère nature et d’être en meilleure santé ? ELOÏSE SOK, Visionary insights.

10. Conclusion

D’un côté, le milieu est une composition. Il faut comprendre la relation entre les êtres connectés au même espace pour le déchiffrer. D’un autre, l’être est le produit de son milieu, et le milieu est produit par cet être. Le milieu est une dynamique d’inter-engendrement 25 .

Le milieu est également l’empreinte et la matrice de nos existences,cause et conséquence, créant et créé :

« L’être individuel et son milieu forment l’unité de l’être » 26

Ceci dit nous avons tenté dans ce chapitre de saisir la notion de milieu par ces différentes appréhensions. Nous en retenons que la relation homme milieu est une relation très intime. IL y est question d’échanges mutuels et de transformations perpétuelles qui vont dans les deux sens garantissant le devenir de chacun.

Nous en retenons aussi que pour aménager un lieu, il faut se pénétrerde son sens et saisir sa propre dynamique. Le concepteur devrait ainsi tenircompte de certains paramètres afin de donner lieu à un produit contextualisé:

• Ne pas nuire à l’écosystème par lequel se traduit le milieu et lequelil manifeste sa concrétise le vrai du milieu

• Respecter les représentations sociales du milieu avoir de l’éthique etde la morale envers les sujets en questions, agir en bien

• Respecter les formes maîtresses des paysages existants, fairebeau 27 .

Dans le chapitre qui va suivre nous allons approcher la notion d’écologie, celle-ci est indissociable de celle de milieu, chose que nous avons pareillement constaté dans le chapitre 1.

25 Jean-Marc Ghitti, « Le milieu : ses significations et ses valeurs », Le Portique [En ligne], 25 | 201026 Augustin Berque, Ecoumène, introduction à l’étude des milieux humains, éd Belin, Paris, 2000.27 Milieu, art et génie du lieu –une interprétation mésologique-, Augustin Berque

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