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home alonE . . . . . . . . . par Émilie d’Ornano

PAR ÉMILIE D’ORNANO

Vue de l’exposition, Louise Porte, «Juste une illusion – acte 1», 2019, chez Romane, home alonE – 6 place Saint-Pierre, Clermont-Ferrand © home alonE

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C’est en 2014 que Romane Domas, étudiante en école d’architecture, et Bruno Silva, jeune artiste, décident d’emménager ensemble. Leur appartement, basé à Clermont-Ferrand, devait répondre à un critère essentiel: la possibilité d’y monter des expositions. Cette recherche résultait principalement d’une envie forte de cohabiter avec des œuvres. L’appartement, situé 6, place Saint-Pierre, avec son double salon et ses deux greniers, allait donc devenir le point de départ d’un projet protéiforme et collectif. Romane et Bruno ont pris le parti d’offrir aux artistes invité·e·s leur propre lieu de vie comme espace d’expérimentation.

home alonE s’inscrit dans cette multitude de projets alternatifs qui s’affranchissent du carcan muséal pour expérimenter l’espace domestique comme lieu d’exposition. En 1986, l’historien de l’art et commissaire belge Jan Hoet conçoit, dans la ville de Gand, l’exposition-manifeste «Chambres d’Amis1 ». Une cinquantaine de gantois·e·s accueillent des artistes et leurs œuvres au sein même de leurs habitations. Les contours de ce projet curatorial ont également été repris lors de la Biennale de Lyon en 2013 avec le programme Chez moi impulsé par Veduta2. Ce sont soixante-dix appartements et maisons qui ouvrent leurs portes aux artistes présenté·e·s lors de cette biennale. Les amateur·rice·s qui acceptent d’y participer cohabitent pendant plusieurs mois avec une œuvre et sont invité·e·s à partager leurs expériences. Pour ces différentes initiatives, il ne s’agit pas de reconstruire une salle d’exposition mais bien de conserver le caractère originel du lieu d’habitation servant ainsi de contexte et de support aux artistes invité·e·s.

home alonE fait écho au titre original du film de 1990 Maman, j’ai raté l’avion! Aucun vol ne sera pris vers une quelconque destination pour implanter ce projet : contrairement à certain·e·s artistes diplômé·e·s qui déménagent dans des villes comme Paris ou Marseille, Romane et Bruno ont souhaité s’installer durablement à Clermont-Ferrand. home alonE rejoint alors une dynamique plus générale impulsée par un écosystème de lieux et de projets clermontois qui se sont créés depuis les années 2000: le lieu d’art In extenso (2002), La Tôlerie (2003), La belle revue (2009), Artistes en Résidence (2011) ou encore Les Ateliers (2012). C’est au milieu de cette énergie contagieuse que l’essence même de ce projet expérimental s’est dessinée: donner de la visibilité aux artistes qui évoluent sur le territoire.

Ne souhaitant avoir aucune ligne artistique prédéfinie, la programmation d’home alonE se veut libre et mouvante. Dès la première année d’activité, Romane et Bruno organisent des événements éclectiques dans leur appartement, comme les «ciné-mystère» puis les «ciné-resto-mystère». Les films projetés, comme les repas associés, ne sont jamais annoncés en amont. home alonE déjouant une fois encore les règles de diffusion classique. Les expositions et les événements se programment au gré des rencontres, comme en 2015, où Bruno et Romane sont contacté·e·s par Clawson & Ward, deux artistes anglaises qui souhaitent exposer dans le lieu. Les discussions mènent vers un échange d’appartement et d’atelier. Les artistes viennent occuper home alonE tandis que Romane et Bruno s’envolent pour Bristol. De cette expérience est née la volonté de créer KITE3, plateforme ayant pour vocation de mettre en relation des espaces

gérés par des artistes en vue d’établir des échanges entre lieux. Astucieuse manière de coopérer, de faire du commun et de susciter des rencontres entre artist-run spaces.

En 2018, l’artiste Clara Puleio rejoint le projet et ouvre les portes de son logement rue du Port. Romane conserve l’appartement place Saint-Pierre et Bruno emménage rue Drelon, toujours à Clermont-Ferrand. Plus récemment, l’artiste Hervé Bréhier s’installe comme nouveau «franchisé» home alonE dans son village de Saint-Pierre-le-Chastel. Le concept de la «franchise» est ici détourné et adapté aux enjeux développés par home alonE. Il passe de main en main, personne ne souhaitant se l’approprier, mais chacun voulant développer un projet pluriel. En commençant dans un seul appartement, le projet comprend aujourd’hui quatre lieux apposant avec facétie un logo distinct: une maison retournée, un porche, un cornichon et un potiron. Ce projet est collectif, mais chaque espace dispose de sa propre liberté et sa manière d’expérimenter l’espace d’exposition habité. Par exemple, Bruno choisit volontairement le couloir de son appartement – un lieu de passage – pour proposer à Marion Chambinaud en juillet 2020 d’exposer ses sculptures. Il souhaite également créer de nouvelles formes d’archivages et est animé par l’envie de dessiner et d’exprimer sa relation contextuelle avec les œuvres.

Depuis sa création en 2014, trente-neuf expositions, événements ou projets ont déjà émergé. Romane, Bruno, Clara et Hervé entendent systématiquement donner carte blanche aux artistes qui éprouvent le désir d’expérimenter dans leurs espaces d’exposition-logements. home alonE est une démonstration d’un projet multiforme qui, en perméabilisant les sphères publiques et privées, permet l’éclosion d’une myriade de rencontres.

1 — Altshuler Bruce, Biennals and Beyond – Exhibitions That Made Art History 1962-2002, Phaidon, 2013, p.229-238 2 — Veduta est un programme de la biennale d’art contemporain de Lyon qui se consacre à la médiation culturelle sur les différents territoires de la Métropole. 3 — La plateforme KITE est actuellement en phase de développement mais les membres d’home alonE espèrent pouvoir la mettre en ligne dans un futur proche.

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