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Cénozoé, installation de Marie Dechavanne . . . . . . . . .......... par Pauline Lisowski
from La belle revue #11
by In extenso
CÉNOZOÉ, INSTALLATION DE MARIE DECHAVANNE
PAR PAULINE LISOWSKI
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Vue de l’exposition, Marie Dechavanne, «Cénozoé», 2020-2021, Le Creux de l’enfer à l’Usine du May, Thiers. Courtesy de l’artiste et Thorrenc in-situ (2017), festival d’art contemporain, Thorrenc © Blaise Adilon
La rencontre avec un site, parfois en transition, entre ville et nature, guide Marie Dechavanne dans son processus de création. La découverte de matériaux et son intérêt pour l’histoire des lieux sont pour elle sources d’expériences. Elle prend soin de mesurer l’espace, de l’appréhender par son corps et attache une grande importance au temps de la nature et du déplacement. Son voyage en Australie l’a amenée à s’intéresser au feu et à un paysage marqué par des cendres. La sculpture est pour l’artiste envisagée comme une architecture. Au sol, un pavage et des colonnes, réalisés à partir de matériaux liés à la calcination (chaux, cendres), font écho à l’architecture du lieu. Des résidus de terres cuites témoignent d’un passage, d’un événement, d’un flux de matières qui se seraient déposées et rappellent un geste pictural. Ces traces composent un paysage vu d’en haut, un site découvert. Une ruine serait-elle déjà là, composée de fragments issus d’une déconstruction? Des fondations annoncent-elles une construction ? Un paysage entre déclin et édification se donne ici à voir. Marie Dechavanne tente d’explorer des techniques les plus artisanales possible pour être au plus près de matières durables ou qui se modifieraient avec le temps et se disperseraient afin de se fondre ensuite dans un milieu. L’utilisation de la chaux renvoie aux origines des premières constructions. L’artiste prend la posture d’une archéologue ou d’une géologue et laisse place au hasard. Des craquements, des irrégularités font allusion à la nature, à des phénomènes qui se produisent et fragilisent les terrains. Si Cénozoé forme un tout, elle est composée de plusieurs entités, chacune avec une particularité qui lui est propre. Cette installation implique un rapport au sol qui rappelle notre position d’observateur face aux détails présents dans l’environnement. Avec le recul, cette installation fait apparaître une carte géologique, une vue aérienne. Sur les colonnes, les couches de poudre créent une topographie miniature. Différents territoires se découvrent alors au fur et à mesure de notre déplacement. L’artiste a conçu une soucoupe en bronze à partir d’un procédé d’empreintes de différentes roches puisées à divers endroits. Posée sur le dallage, celle-ci apparaît comme un objet provenant d’une époque ancienne. À l’intérieur, des baies d’églantier – plante mystique – nous font surgir des souvenirs de cet arbrisseau à la couleur qui résiste à l’hiver. Une performance, un rituel convivial, sont en germe dans cette œuvre in situ. Cette installation appelle également une possible présence d’éléments vivants à venir. La fragilité intéresse l’artiste tout comme les manières dont l’œuvre peut évoluer. Nous pouvons prendre conscience d’un sentiment de préciosité des éléments trouvés, récoltés, que l’on collectionne parfois, comme le fait Marie Dechavanne. Ainsi, l’œuvre condense de multiples territoires et mémoires de sites anciens. Elle fait appel à une ère lointaine, ou à un futur à venir, tel un territoire qui serait déjà là. Nous nous faisons chercheur·euse ou ravivons notre âme d’enfant en observant les multiples qualités graphiques des éléments qui la constituent. Le vide qui marque cette installation nous invite à prendre conscience de l’environnement qui nous entoure. En déambulant dans l’espace d’exposition, nous nous mesurons à lui. Cette œuvre crée un territoire à elle seule. Elle redessine, restructure une salle de l’ancienne usine du May et répond
à l’environnement marqué par la Durolle qui s’écoule en contrebas. Les éléments calcinés dialoguent paradoxalement avec l’eau produisant un son d’une grande puissance. Deux phénomènes physiques sont ici en jeu, ceux de l’eau et du feu qui se regardent et s’opposent entre extérieur et intérieur. Cénozoé évoque le processus de transformation de la matière, le flux et la métamorphose des éléments ainsi qu’un espace-temps entre deux. Par son titre notamment, cette installation in situ convoque un paysage d’une époque géologique contemporaine. Elle propose deux expériences qui définissent notre relation au paysage, une vue à la fois de loin et de haut tout comme un parcours qui permet d’observer la picturalité de l’ensemble.
Marie Dechavanne, Cénozoé, 2020 (détail), ciment, cendre, terre, bronze, baies d’églantier, dimensions variables, «Cénozoé», 2020-2021, Le Creux de l’enfer à l’Usine du May, Thiers. Courtesy de l’artiste © Blaise Adilon
Marie Dechavanne «Cénozoé» Le Creux de l’enfer à l’Usine du May, Thiers 1er novembre 2020 – 21 février 2021
Née en 1991 à Annonay, Marie Dechavanne vit et travaille à Thorrenc (Ardèche). Elle a obtenu son DNSEP à l’ESAD (École Supérieure d’Art et de Design) de Valence, en 2015. Elle a participé à différentes expositions collectives, telles que « Vient de sortir » à la Bourse du Travail de Valence (2015), «De passage, Matière à rêver» au Château des Adhémar, Centre d’art contemporain, Chapelle Saint-Pierre, Montélimar (2016) ou encore «Hantise» à la Galerie Ceysson & Bénétière, Saint-Étienne (2018). Marie Dechavanne a aussi été invitée dans le cadre de festivals comme le Festival Oohlal’art avec la Maison de la Poésie de la Drôme, Mirmande, en 2015, et Thorrenc in-situ, festival d’art contemporain, Thorrenc, en 2017.
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