9 minute read

La Renaissance dans l’Italie du Nord

Salles

1

Advertisement

2

La conquête de la réalité

Lumière et couleur à Venise

Au cours du XVe siècle, l’Italie du Nord et ses prospères centres urbains sont au cœur d’une splendide période artistique qui voit s’entrecroiser le long déclin du goût gothique ancien et l’affirmation progressive de la Renaissance. Pendant ce moment de transition, Pisanello est une figure emblématique qui mélange l’élégance et les idéaux chevaleresques typiques du monde des cours médiévales avec les premières exaltations de l’Humanisme.

Padoue est le cœur palpitant du renouvellement de la Renaissance. La présence du sculpteur florentin Donatello (1443-1453) en ville pousse les artistes vers une confrontation plus directe avec les nouveautés toscanes : la construction de l’espace en perspective, l’étude des modèles classiques et la possibilité de représenter fidèlement la vie et les émotions de l’homme.

Andrea Mantegna, protagoniste de la Renaissance de l’Italie du Nord, s’élève et s’affirme à Padoue. Son style sévère et solennel, fortement inspiré de l’antiquité, à titre de comparaison n’a aucun équivalent auprès des artistes de sa génération, souvent engagés à relier les aspects de la narration fabuleuse du monde courtois à une plus solide représentation spatiale des personnages et des architectures.

En revanche à Venise, la personnalité de Giovanni Bellini émerge au cours de la deuxième moitié du XVe siècle. Sa peinture est caractérisée par un emploi savant de la lumière et de la couleur qui donne à ses compositions une douceur et une vitalité jamais atteintes auparavant. Giovanni Bellini est surtout le plus grand interprète de la figure humaine plongée dans un paysage naturel.

En ville, à côté de Bellini, travaillent des maîtres appartenant à différents courants artistiques, dont beaucoup sont influencés par l’expérience de Antonello de Messine, l’artiste sicilien qui séjourne à Venise vers 1475. Parmi eux se distingue Vittore Carpaccio, qui se spécialise dans la réalisation de grandes toiles narratives destinées aux confréries laïques que dans la lagune on appelle « écoles ».

1441-1444 ( ? ) tempera sur bois cm 29 × 19,5 collection Giovanni Morelli, 1891

Pise, Vérone ou San Vito ( ? ) 1395 environ - Naples 1455 environ

Pisanello (Antonio Pisano) Portrait de Leonello d’Este

Pisanello est le dernier représentant de la très élégante culture courtoise, connue sous le nom de gothique international. Il s’agit d’un artiste itinérant entre Vérone et Venise, Mantoue et Milan, Rome et Naples, il a été longtemps au service de Leonello d’Este, le cultivé Marquis de Ferrare. Le portrait de l’Académie Carrara a probablement été exécuté à l’occasion d’une célèbre compétition picturale à laquelle ont participé Jacopo Bellini et Pisanello en 1441. La position de profil reprend le modèle des médailles anciennes mais les traits caractéristiques du visage sont étudiés avec précision. Ses cheveux épais à la mode, le brocart de la robe et les fleurs herbier du rosier sont minutieusement décrits, à travers un léger coup de pinceau, typique du goût raffiné et profane de l’artiste.

1440-1445 environ tempera et or sur bois cm 58,4 × 32,7 cm 58,1 × 34 don de Antonietta Noli Marenzi, 1901

documenté depuis 1441 - Padoue avant 1450

Giovanni d’Alemagna Scènes du martyre de Sainte Apollonie d’Alexandrie

Giovanni d’Alemagna est un artiste d’origine allemande qui travaille entre Venise et Padoue dans les années Quarante du XVe siècle. Avec son beau-frère Antonio Vivarini, avec lequel il collabore fréquemment, c’est l’un des plus vifs interprètes de la saison de transition du Moyen-Âge à la Renaissance en Vénétie. Ces panneaux de l’Académie Carrara appartiennent à un complexe duquel nous ignorons la composition initiale, mais qui comprenait deux autres tableaux avec les histoires de Sainte Apollonie conservés au musée de Bassano del Grappa et à la National Gallery à Washington. Le ton féerique de la narration, le goût profane pour les vêtements et les coiffures, les architectures qui réinventent librement le répertoire classique font des histoires de Sainte Apollonie un des épisodes les plus fascinants du croisement entre la tradition gothique et les nouvelles instances de la Renaissance en peinture.

6 avril 1450 ou avril 1456 tempera et or sur bois cm 69 × 39 collection Giacomo Carrara, 1796

Bagnolo Mella, Brescia, 1427 environ - Brescia 1515/1516

Vincenzo Foppa Les Trois Crucifix

Le tableau se situe parmi les premières œuvres de Foppa, quand le jeune peintre fait dialoguer le monde enchanté de Gentile da Fabriano et l’antiquité évoquée par Jacopo Bellini avec l’expressivité intense de la sculpture de Donatello, connue à Padoue. Nous sommes devant une image dévotionnelle d’une puissance extraordinaire qui présente au fidèle l’agonie solitaire du Christ, accompagné des deux larrons mais privé du réconfort offert par les figures habituelles de Marie, de la Sainte Madeleine et de Saint Jean. La lumière du coucher du soleil s’allonge sur les corps et sur le rêche paysage avec des forêts et des villages tourelés. L’arc triomphal à l’ancienne attire le regard de l’observateur à l’intérieur de la scène et en même temps diminue la participation émotionnelle, ce qui favorise aussi une approche intellectuelle à la signification de la Passion.

1485-1490 environ tempera et or sur toile cm 45,5 × 33,5 don de Carlo Marenzi, 1851

Île de Carturo, Padoue, 1431- Mantoue 1506

Andrea Mantegna Vierge à l’Enfant

Jeune prometteur dans la Padoue de Donatello et de Squarcione, Andrea Mantegna est devenu très rapidement un des plus célèbres artistes de son temps, primat établi grâce à son déplacement définitif à Mantoue à la cour des Gonzaga. Ce tableau de l’Académie Carrara se situe au cœur du parcours de l’artiste et a été réalisé peu de temps après les travaux dans la Chambre des Époux. Cette image austère et en même temps émouvante de la maternité préfigure le sacrifice du Christ sur la croix : à cet événement se réfèrent le bracelet de corail rouge porté par l’Enfant et le regard distant, voilé de mélancolie, de la Vierge. Les couleurs ternes de l’œuvre sont le résultat de l’utilisation de la part de Mantegna de sa technique préférée : la peinture à l’eau, qu’il utilise en posant de fines couches sur une très fine toile de lin.

1472-1473 environ tempera et huile sur bois cm 34 × 27,5 collection Guglielmo Lochis, 1866

Venise 1430 environ - 1516

Giovanni Bellini ( ? ) Portrait d’un jeune homme

Ce portrait sous forme de buste classique rappelle tout de suite les modèles rigoureux de Andrea Mantegna, époux de la sœur de Bellini, Nicolosia. La solidité des volumes et le regard profond que le jeune homme adresse au spectateur témoignent de l’intérêt que Antonello de Messine, actif à Venise vers 1475, manifestait pour les portraits. Une inscription fragmentaire au dos du tableau (“IACOBUS D”), qui au début avait été interprétée comme une référence à l’auteur de l’œuvre, est au contraire le seul faible indice qui nous permet de remonter à l’identité du personnage mystérieux représenté.

1480 huile sur bois cm 64,6 × 45 collection Giacomo Carrara, 1796

Messine 1456 environ - Venise avant 1488

Jacopo de Antonello (Jacobello de Antonello) Vierge à l’Enfant

Ce tableau est la seule œuvre signée et datée par le fils de Antonello de Messine et c’est aussi le seul travail qu’on puisse lui attribuer avec certitude. À la mort de son père, en février 1479, Jacobello a hérité la boutique et il s’est engagé à terminer les œuvres incomplètes parmi lesquelles il y avait probablement la Vierge à l’Enfant de l’Académie Carrara. Dans la construction fortement tridimensionnelle des visages, dans l’aperçu exceptionnel de la main qui porte une petite assiette en verre transparent et dans le paysage décrit avec précision qui rappelle la peinture flamande, Jacobello reprend en effet des idées de son père, artiste « non humain » c’est-à-dire inimitable comme on affirme dans le cartouche posé sur la balustrade.

1487 environ tempera et huile sur bois cm 84,6 × 65 collection Giovanni Morelli, 1891

Venise 1430 environ - 1516

Giovanni Bellini Vierge à l’Enfant (Vierge de Alzano)

Cette peinture est un des chefs-d’œuvre de la maturité de Giovanni Bellini, l’artiste qui a marqué de manière indélébile le cours de la peinture vénitienne dans la deuxième moitié du XVe siècle. L’image est caractérisée par le rapport entre le groupe monumental de la Vierge à l’Enfant, et le paysage limpide qui s’étend à leurs épaules, pour lequel on a suspecté l’intervention d’un autre peintre. Marie serre amoureusement l’enfant dans une accolade qui est une sorte de prière affligée et révèle à travers le regard absorbé la conscience du futur sacrifice de son fils sur la croix. Sur la balustrade en marbre est placée une poire, fruit qui - à cause de sa douceur - dans le symbolisme chrétien est souvent associé aux figures de la Vierge et de Jésus, comme symbole de l’amour qui les unit.

1502-1504 environ huile sur toile cm 128,5 × 127,5 collection Guglielmo Lochis, 1866

Venise 1465 environ - 1525/1526 environ

Vittore Carpaccio et son atelier Naissance de Marie

Carpaccio est le premier grand interprète du paysage urbain, mais c’est aussi un charmant peintre d’intérieurs, comme nous révèle ce tableau, dans lequel le temps semble suspendu. La toile appartient à un cycle dédié aux histoires de Marie réalisé pour l’École des Albanais à Venise. La mère de la Vierge, Sainte Anne, se repose après l’accouchement, assistée par les domestiques et par la sage-femme, qui prépare le bain pour le nouveau-né. Le mari âgé, Joaquin, surveille la scène un peu à l’écart. Le conte est enrichi par des épisodes qui paraissent secondaires mais qui sont fortement symboliques : les deux petits lapins qui grignotent une feuille de chou font allusion à la virginité de Marie ; l’inscription en hébreu “Saint, saint dans le ciel soit béni Celui qui vient au Nom du Seigneur”, se relie au nom du Christ gravé sur l’encadrement de la porte toujours en caractères hébraïques.

1505-1510 tempera et huile sur toile cm 66 × 58,5 collection Giovanni Morelli, 1891

Vicence ( ? ) 1449 environ - Vicence 1523

Bartolomeo Montagna (Bartolomeo Cincani) Saint Jérôme à Bethléem

Montagna s’est formé à Vicence et à Venise, observant la peinture de Giovanni Bellini et de Antonello de Messine et il a été actif surtout dans l’arrière-pays de Venise. Saint Jérôme est une œuvre qui représente la maturité de l’artiste, où l’on remarque son effort d’innovation sans renoncer au plaisir d’une narration pointilleuse. L’auteur de la version latine de la Bible latine n’est pas représenté comme un anachorète ou vêtu de l’habit rouge des cardinaux, mais comme un abbé et il est accompagné de l’immanquable lion. Derrière lui, on voit le monastère de Bethléem où l’ancien théologien s’était retiré. Les hommes et les animaux y vivent ensemble sereinement, en s’occupant de leurs tâches quotidiennes, tandis que plus loin à l’arrière-plan les montagnes et le ciel se colorent des premières lumières du crépuscule. L’image célèbre la vie du cloître et élit Jérôme comme son symbole parfait.

This article is from: