![](https://static.isu.pub/fe/default-story-images/news.jpg?width=720&quality=85%2C50)
8 minute read
1.2.1.2 La simplification du corpus juridique du droit de la commande publique
9 août 2004 relative à la politique de santé publique a permis aux établissements publics de santé ou aux structures de coopération sanitaire dotées de la personnalité morale de droit public, le droit de confier une mission globale à un partenaire privé. Tous ces textes, codifiés pour certains dans le Code général de la propriété des personnes publiques ou le Code de la santé publique, sont restés en vigueur malgré l’adoption de l’ordonnance du 17 juin 2004 qui, pourtant, avait entendu généraliser l’usage du contrat de partenariat. Cette dernière ajoutait donc une strate supplémentaire à cet ensemble de textes sectoriels, laissant craindre d’importants problèmes de chevauchement et un réel souci de lisibilité.
1.2.1.2 La simplification du corpus juridique du droit de la commande publique
Advertisement
Le manque de lisibilité du droit de la commande publique tel que décrit précédemment n’a pu résister à la volonté toujours plus forte du droit de l’Union européenne d’harmoniser les législations des États membres. Au-delà des règles de fond applicables aux différents contrats, les ordonnances de 2015 et 2016 ont ainsi réaménagé le paysage des contrats de la commande publique et se sont pleinement inscrites dans le mouvement tendant à la structuration binaire du droit des contrats publics d’affaires, autour de la distinction européenne marchés/concessions(114). Révélatrice pour certains d’une « ère nouvelle, marquée par une plus grande lisibilité et une plus grande facilité d’accès à la règle juridique, le tout au service d’une meilleure efficacité de l’achat public »(115), cette approche simplifiée du droit de la commande publique doit être accueillie positivement. Elle permet désormais d’appréhender la matière en deux temps : tout d’abord les marchés publics en ce qu’ils incluent les marchés publics « globaux », puis les concessions.
1. L’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics L’ordonnance « marchés publics » a marqué la première étape du processus de transposition de la directive du même nom. Ayant vocation à réformer le seul droit des marchés publics, elle n’en a pas moins rénové une large part du droit des contrats publics d’affaires, en unifiant d’abord les marchés publics et les anciens contrats de partenariat ; en abrogeant ensuite certains textes devenus surabondants. Cette « cure d’amincissement » a participé pleinement à la construction d’un nouveau droit de la commande publique, plus simple et mieux structuré.
L’ordonnance « marchés publics » a d’abord mis fin à la distinction entre les personnes publiques soumises au code des marchés publics et celles, publiques ou privées qui, tout en étant des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices au sens du droit européen, ne l’étaient pas et pour lesquelles un régime juridique particulier, à valeur législative, s’appliquait. L’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines
(114) Voir sur ce point : S. Braconnier, « La typologie des contrats publics d’affaires face à l’évolution du champ d’application des nouvelles directives », AJDA, 2014, p. 832 et « Nouvelles directives et partenariats public-privé : plaidoyer pour une consolidation », RDI, 2015, p. 8. (115) F. Brenet, « Les nouvelles bases du droit des marchés publics », AJDA, 2015, p. 1783.
personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics soumettait notamment ces « organismes de droit public » à des exigences spécifiques de publicité et de mise en concurrence. Prise sur habilitation du législateur (article 65 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit), cette ordonnance ajoutait au code des marchés publics une nouvelle strate, complexifiant, de facto, la lisibilité du droit de la commande publique tout entier. Pour y remédier, les deux ensembles sont désormais fondus dans le même corpus juridique. L’article 102 de l’ordonnance de 2015 a logiquement abrogé l’ordonnance du 6 juin 2005. La principale avancée opérée par l’ordonnance de 2015 a néanmoins consisté à instaurer une unité plus grande entre les marchés publics et les marchés de partenariat. Trop longtemps relégués au rang de contrats dérogatoires au droit commun de la commande publique, les anciens contrats de partenariat ont été fondus dans le même ensemble juridique que les marchés publics. Le titre II de l’ordonnance a ainsi été dédié, dans son intégralité, aux « marchés de partenariat », notion censée concentrer le régime unique des contrats globaux à paiement public différé (Voir aujourd’hui : CCP, art. L. 2200-1 et s.), l’ordonnance laissant toutefois subsister, aux articles 33 à 35 (CCP, art. L. 2171-1 et s.), les « marchés publics globaux », sans paiement différé : marchés de conception-réalisation, marchés globaux de performance et marchés globaux sectoriels. La consolidation des règles applicables aux marchés de partenariat dans le droit de la commande publique et l’abrogation corrélative de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 s’inscrivent pleinement dans la structuration binaire marché/ concessions inspirée du droit de l’Union européenne et pleinement adoptée par le Conseil d’État(116) .
L’ordonnance est d’ailleurs allée très loin dans cette restructuration des catégories, puisqu’en écho au remplacement des « contrats de partenariat » par les « marchés de partenariat », elle a fait disparaître du paysage juridique les contrats globaux à paiement public différé fondés sur une autorisation d’occupation temporaire (AOT) du domaine public constitutive de droit réel ou sur un bail emphytéotique administratif (BEA). Ne constituant pas initialement des contrats de la commande publique, mais des contrats domaniaux, la pratique leur a souvent adjoint un contrat de la commande publique, brouillant les frontières, et contournant ainsi les strictes exigences de publicité et de mise en concurrence. Certes, la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure et le décret n° 2011-2065 du 30 décembre 2011 relatif aux règles de passation des baux emphytéotiques administratifs ont manifesté la volonté de les soumettre des procédures de publicité et de mise en concurrence. Néanmoins, seuls ceux servant de fondement à un contrat de la commande publique y étaient soumis. L’article 101 de l’ordonnance a donc complété le Code général de la propriété des personnes publiques(117) et le Code général des collectivités territoriales(118) par plusieurs alinéas précisant, en substance, que ces baux ou autorisations constitutives de droits réels ne peuvent
(116) CE 29 octobre 2004, req. n° 269814 ; Lebon, p. 392 avec les concl. ; AJDA, 2004, p. 2383, chron. C. Landais et F. Lenica, et 2005 p. 16, étude D. Linotte ; D., 2005, p. 16 ; RDI, 2004, p. 548, obs. J.-D. Dreyfus ; RFDA, 2004, p. 1103, concl. D. Casas ; RTD eur., 2005, p. 839, chron. D. Ritleng. (117) CGPPP, art. L. 2122-6 à propos des AOT délivrées par l’État et L. 2341-1 à propos des BEA conclus par l’État. (118) CGCT, art. L. 1311-2 à propos des BEA et L. 1311-5, III, pour les AOT constitutives de droits réels.
plus être utilisés par les pouvoirs adjudicateurs pour l’exécution de travaux, la livraison de fournitures, la prestation de services ou la gestion d’une activité de service public, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, pour leur compte ou pour leurs besoins. En d’autres termes, il est désormais interdit aux pouvoirs adjudicateurs de recourir à un BEA ou à une AOT constitutive de droits réels aux fins de faire réaliser des travaux répondant à leurs besoins ou de confier à un tiers l’exploitation d’une mission de service public. L’ordonnance condamne ainsi les partenariats public-privé (PPP) et conventions de délégation de service public, pourtant fréquents en pratique, structurés autour d’un BEA ou d’une AOT constitutive de droit réels. Les personnes publiques devront directement emprunter, pour mettre en œuvre ces montages, soit la voie du marché de partenariat, si la contrepartie de la mission confiée au cocontractant consiste en un prix, soit la voie de la concession si cette contrepartie réside dans le droit d’exploiter l’ouvrage. L’occupation du domaine public, éventuellement constitutive de droits réels ne sera que l’accessoire ou la conséquence du contrat principal, et non plus son fondement. Au-delà de ces PPP « innommés », désormais prohibés, l’ordonnance « marchés publics » a abrogé les dispositions relatives aux partenariats public-privé sectoriels (défense, justice, sécurité. – Voir ci-dessus) qui figuraient dans des lois et codes variés. L’article 35 de l’ordonnance, repris aujourd’hui sous une forme enrichie aux articles L. 2171-4 à L. 2171-6 du Code de la commande publique, maintient toutefois la catégorie particulière des « marchés publics globaux sectoriels », par lesquels les acheteurs publics peuvent confier à un même opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction, l’aménagement ou encore l’entretien et la maintenance d’immeubles ou d’infrastructures affectés à certains services publics : défense et sécurité, établissements pénitentiaires, centres de rétention et zones d’attente, établissements publics de santé et organismes visés à l’article L. 124-4 du Code de la Sécurité sociale gérant des établissements de santé et des structures de coopération sanitaire dotées de la personnalité morale publique, ou encore société du Grand Paris. Au final, le regroupement catégoriel dualiste auquel procède le Code de la commande publique révèle une vertu simplificatrice indiscutable. Elle atteint ainsi un objectif de lisibilité du droit. En réduisant à deux le nombre des catégories génériques (marchés publics et concessions) et en soumettant à un régime unique les marchés publics globaux à paiement public différé, l’ordonnance et à sa suite le code ont également réduit de manière sensible les risques de requalification des contrats(119) .
2. L’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession
L’ordonnance « concessions » a, pour la première fois, fourni aux concessions un corpus juridique unique, au sein duquel les différents modèles contractuels ont été refondés et réorganisés. Sans aborder, à ce stade, les problématiques afférentes au régime juridique de chacun d’entre eux (voir infra § 5.2), il faut néanmoins souligner que, désormais, toutes les variantes des concessions sont régies par un même texte. Ainsi, les concessions de service (et non plus de service public) et de travaux se sont trouvées soumises à un texte unique : l’ordonnance du 29 janvier 2016 et le décret « concessions », aujourd’hui codifiés dans le Code de la commande publique.