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La refonte du système de santé en perspective du « prendre soin »

Étienne Caniard - Ancien président de la Fédération nationale de la Mutualité française et ancien membre de la Haute Autorité de santé

Prendre soin, accompagner, prévenir, devraient être l’objectif de toute politique de santé soucieuse de relever le défi de la définition ambitieuse de la santé de l’OMS, qui est tout particulièrement bien adaptée à la santé mentale, « un état de complet bien-être physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

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Cette définition est avant tout l’affirmation du besoin d’une approche globale, fédératrice, intégrant diverses dimensions au-delà de la seule approche thérapeutique. C’est dans le secteur de la santé mentale que cette approche a trouvé une traduction rapide comme en témoignent les objectifs que s’est donné le NAMH britannique (National Association for Mental Health) l’année même de cette définition, en 1946.

Un peu plus tard la sectorisation des années 1960 peut être considérée comme une autre illustration de la nécessité d’une approche globale, la santé mentale étant la seule spécialité à avoir connu une telle révolution organisationnelle en France.

Dans les autres disciplines les progrès technologiques ont été tels que l’extrême spécialisation qui en est la conséquence a eu tendance à faire disparaître le malade derrière sa maladie, rendant difficile une prise en charge globale, coordonnée et soucieuse de la qualité de vie.

Pourtant la transition épidémiologique, avec une chronicisation des pathologies qui est elle aussi une conséquence du progrès médical, aurait dû inciter à modifier les finalités de la prise en charge, avec des objectifs qui ne se limitent plus à la seule guérison mais doivent aussi intégrer l’accompagnement.

Pourtant, dans son ensemble, l’architecture du système de santé est restée immuable alors que les progrès technologiques et médicaux des dernières décennies ont profondément transformé la pratique médicale.

L’inertieorganisationnelle est en grande partie le fruit de notre conception de l’égalité républicaine, qui nous amène souvent à privilégier l’égalité de droit (sans réel souci de leur exercice réel, l’importance du non recours aux droits en témoigne) au détriment de l’égalité de fait, qui supposerait de passer d’une évaluation, et non des moyens, à une mesure des résultats. Cette préférence pour une égalité formelle se traduit par une organisation de l’offre que l’on voudrait identique sur tout le territoire... comme l’illustre l’évaluation des expérimentations le plus souvent jugées sur la possibilité de les généraliser. Un débat qui permet à la fois d’aborder la question de l’égalité et l’articulation entre la prise en charge bio-médicale et l’accompagnement, qui ne doivent pas s’opposer mais se compléter, est indispensable si l’on veut pouvoir sortir de l’habituelle préférence donnée au court terme qui privilégie les actes techniques à la clinique et le soin à la prévention. C’est le cœur du débat sur la tarification à l’activité à l’hôpital, souvent mise en cause dans son principe alors que c’est davantage la mesure de l’activité qui pose problème.

Moins qu’une réflexion théorique, le consensus sur le constat est largement partagé, c’est d’une vision sur la conduite du changement, avec ses conséquences sur les modalités d’allocation de ressources, la formation des professionnels de santé, les coopérations professionnelles, les indicateurs... dont nous avons besoin.

C’est la condition du « prendre soin », complément indispensable de la prise en charge plus « médicale ». La santé mentale peut être un secteur précurseur, un exemple pour d’autres disciplines tant l’approche globale est « consubstantielle » à la santé mentale.

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