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Le magazine de l’entrepreneuriat social
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À GO, ON CHANGE LE MONDE ! >>>
OTION TIEN ET DE PROM U SO DE E M M RA PROG AUX EPRENEURS SOCI DES JEUNES ENTR
est fortement Nouveau Monde du ut tit ns l’I , ébec. Depuis 2003 bats publics au Qu dé de n io at m ni impliqué dans l’a de passer de la ssible des jeunes re ép irr sir dé le Devant n avec la Caisse éé, en collaboratio cr a NM l’I n, io ct ogramme parole à l’a s, un nouveau pr in rd sja De re ai lid r la d’économie so ent, notamment pa ngager concrètem s’e à er me cit m in ra s og le pr ur po l. Le ntrepreneuriat socia d’e s et oj pr à de et n ir tio en réalisa er, à sout de ! vise à valoris on m le ge an cia ch riat so l À go, on ets d’entrepreneu oj pr de n tio isa al stimuler la ré 15 à 35 ans. chez les jeunes de CIAL ? ENTREPRENEUR SO ins sociaux, QU’EST-CE QU’UN identifie des beso i qu ne on rs pe e pour y Il s’agit d’un atique et novatrice m ag pr n tio lu so e met de l’avant un riaux pour créer incipes entrepreneu pr s de se ili ut , re répond importantes tout tombées sociales re x au et oj pr un et gérer démarche. mmunauté dans sa en impliquant la co
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PROGRAMME LES OBJECTIFS DU tille les jeunes en ange le monde! ou ch on , go À e m m soutien finanLe progra , des conseils, du ns io at rm fo in s de leur offrant
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POUR PLUS D’INFORMATION :
Sophie Gélinas Coordonnatrice du programme À go, on change le monde !
1-877-934-5999 • 514 934-5999, poste 231 sophie.gelinas@inm.qc.ca www.agoonchangelemonde.qc.ca inm.qc.ca
Couverture A GO en spread
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SOMMAIRE
Le magazine de l’entrepreneuriat social Un magazine pour s’inspirer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Se draper d’éthique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
> Miriam Fahmy et Sophie Gélinas
> Valérie Besson
L’ENTREPRISE AU SERVICE DE LA SOCIÉTÉ Une voie d’avenir pour le Québec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Au diable le fric ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
> Michel Venne et Clément Guimond
Mission possible : entreprendre pour s’engager . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
> Steve Proulx et Michel Fradette
Récupérer, c’est Logique !
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> Anick Perreault-Labelle
> Miriam Fahmy et Sophie Gélinas
La fourchette engagée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
Oser repenser le capitalisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
> Valérie Besson
> Éric Desrosiers
Muhammad Yunus, le banquier des pauvres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 Un coup d’œil sur le monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
L’entreprise au service de la société . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Made in USA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
> Juliette Hérivault
> Anick Perrreault-Labelle
Saint-Camille : un village à contre-courant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
Bill Drayton, précurseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 L’information au service de l’innovation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
> Léonore Pion
> Nicolas Trottier
POUR S’INSPIRER Benoît, tu me prêtes une auto ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 > Patrick Lagacé
POUR SE LANCER Portraits de défricheurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 > Nicolas Langelier
Entrepreneur social, moi ?
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> Anick Perreault-Labelle
La thérapie par l’aventure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 > Pierre Cayouette
Le docteur aux idées contagieuses
.................................
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> Léonore Pion
L’art de mobiliser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 > Jean Dion
Parcours de passionnés : Laure Waridel, Sidney Ribaux, François Rebello et Dario Iezzoni . . . . . . . . . . . . . . . 50 > François Cardinal
L’abc pour se lancer
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> Anick Perreault-Labelle
> Steve Proulx et Michel Fradette
Les entrepreneurs sociaux nous livrent leurs secrets . . . . . . . . . . .56 Exploraction : la chasse aux bonnes nouvelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
Bâtir sans nuire : des entreprises au service de la nature . . . . 26
> Steve Proulx
> Léonore Pion
Bottin de ressources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
Le monde pour terrain de jeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
Un magazine de l’Institut du Nouveau Monde Éditeur: Michel Venne Directrices de la publication: Miriam Fahmy, Sophie Gélinas Journalistes et rédacteurs: Valérie Besson, François Cardinal, Pierre Cayouette, Eric Desrosiers, Jean Dion, Miriam Fahmy, Michel Fradette, Sophie Gélinas, Cécile Gladel, Clément Guimond, Juliette Hérivault, Patrick Lagacé, Nicolas Langelier, Anick Perrault-Labelle, Léonore Pion, Steve Proulx,Nicolas Trottier, Michel Venne Direction artistique et infographie: Gaétan Venne Recherche: Katia Bohémier, Stéphane Champreux, Miriam Fahmy, Sophie Gélinas Réviseures: Sara-Nadine Lanouette, Léonore Pion Publicité: Katia Bohémier
Impression: Transcontinental O’Keefe Montréal Distribution: LMPI Tirage: 7 000 exemplaires Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec, 2007 - Bibliothèque nationale du Canada, 2007 Le contenu de ce magazine ne peut être reproduit sans le consentement de l’éditeur. À go est en vente chez votre marchand de journaux, dans des librairies sélectionnées et au www.inm.qc.ca. Publié en août 2007.
Pour nous joindre : À Go, Institut du Nouveau Monde, 630, rue Sherbrooke Ouest, Bureau 1030, Montréal, Qc H3A 1E4, 514 934-5999, www.inm.qc.ca L’INSTITUT DU NOUVEAU MONDE est un organisme indépendant, non partisan, voué au renouvellement des idées et à l’animation du débat public au Québec. Il veut inspirer l’émergence d’idées nouvelles et contribuer à la recherche de solutions novatrices aux problèmes du Québec contemporain. L’Institut du Nouveau Monde travaille dans une perspective de justice sociale, dans le respect des valeurs démocratiques, et dans un esprit d’ouverture et d’innovation.
Ce document a été entièrement imprimé sur du papier recyclé 100 % postconsommation.
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Un magazine pour inspirer En posant les yeux sur la couverture minimaliste de notre premier numéro, vous êtes-vous demandé : « Mais quel est ce curieux magazine ? » Et ce titre... Par Miriam Fahmy, coordonnatrice des publications, Institut du Nouveau Monde et Sophie Gélinas, coordonnatrice du programme À go, on change le monde !, Institut du Nouveau Monde Depuis 2003, l’Institut du Nouveau Monde (INM) est un acteur de premier plan dans l’animation des débats publics au Québec. Les dernières éditions de l’École d’été, une école de citoyenneté pour les jeunes de 15 à 35 ans, ont permis de constater que ceux-ci cherchent des nouvelles voies d’engagement. Les propositions, les projets et les manifestes rédigés par les participants des Écoles d’été témoignent de leur fort désir d’implication sociale.
Plus de 18% des jeunes Québécois prévoient démarrer une nouvelle entreprise dans les trois prochaines années, d’après une étude réalisée par Nathaly Riverin et Natacha Jean1. Avec le programme À go, on change le monde!, l’INM leur offre un moyen concret de réaliser leurs rêves en empruntant une voie originale et signifiante. Pour accompagner et faire connaître le programme, nous avons créé le magazine À go, afin demettre en lumière le travail exceptionnel d’entrepreneurs sociaux d’ici et d’ailleurs dans le monde.
Au cours de l’École d’été 2005, les participants devaient proposer un projet concret qu’ils souhaitaient réaliser pour contribuer au mieux-être de leur société. C’est ainsi que sont nés 38 projets reposant tous sur des valeurs sociales ou environnementales. Quatre d’entre eux ont été réalisés, aidés par la chronique « À go, on change le monde ! » qu’on pouvait entendre à l’émission de radio Indicatif présent, animée par Marie-France Bazzo. Pendant une année, elle a suivi l’évolution de ces projets dont la plupart existent toujours aujourd’hui (voir les articles aux pages 4 et 32).
Alors, qu’allez-vous retrouver dans ce magazine à la facture aérée et vibrante, et derrière ce titre mystérieux ? Des portraits de personnes et d’initiatives inspirantes qui contribuent à redonner espoir dans l’avenir et qui, par effet d’entraînement, suscitent le désir de s’engager. À qui s’adresse ce magazine ? À tous. Aux jeunes et aux moins jeunes, engagés ou non. Aux entrepreneurs sociaux et traditionnels, aux porteurs de projets existants ou en herbe, au grand public qui cherche à mieux connaître les projets novateurs qui façonnent le Québec d’aujourd’hui et de demain.
Le désir, la passion étaient donc là, mais que faire de toute cette force créatrice ? Comment canaliser cette volonté et cette énergie? Comment donner un coup de pouce aux jeunes engagés ? C’est pour répondre à ces besoins qu’a été imaginé le programme À go, on change le monde !, qui a pour but de soutenir l’élan des jeunes entrepreneurs sociaux.
Le concept d’entrepreneuriat social, encore en émergence mais qui commence à faire ses preuves (voir l’article à la page 9), suscite beaucoup d’intérêt et d’espoir dans le monde. Nous croyons que les Québécois seront stimulés par cette nouvelle forme d’engagement citoyen.
1. Nathaly Riverin et Natacha Jean, L’entrepreneuriat chez les jeunes du Québec : état de la situation (2004), Chaire d’entrepreneuriat Rogers-J.-A.-Bombardier, HEC Montréal, Montréal, 2006.
Fondé en 2003, l’Institut du Nouveau Monde (INM) est une organisation indépendante, non partisane, à but non lucratif, vouée au renouvellement des idées et à l’animation des débats publics au Québec. Par ses actions, l’INM encourage la participation civique des citoyens, le développement des compétences civiques, le renforcement du lien social et la valorisation des institutions démocratiques. La mission de l’Institut est de contribuer à l’émergence de solutions novatrices aux problèmes du Québec contemporain dans un contexte de mondialisation marqué par l’incertitude et le changement.
L’INSTITUT DU NOUVEAU MONDE, C’EST AUSSI... ... L’École d’été, une école de citoyenneté aux airs festifs réunissant annuellement plus de 500 jeunes âgés de 15 à 35 ans. La cinquième édition de l’événement se déroulera à Québec dans le cadre des célébrations du 400e de la ville, en août 2008. ... L’École d’hiver, inspirée de la formule de la précédente, mais s’adressant uniquement aux cégépiens, et abordant chaque fois une thématique précise et unique. ... La Grande Déclaration, portant sur les principes et les valeurs que la jeunesse désire promouvoir à l’échelle mondiale. Rédigée par des centaines de jeunes Québécois, la Grande Déclaration circulera entre août 2007 et août 2008 dans plusieurs pays, où les citoyens pourront la ratifier. Elle sera pro-
clamée officiellement le 12 août 2008, à Québec, dans le cadre de la Journée Internationale de la jeunesse de l’ONU. ... À go, on change le monde!, un programme de soutien de l’entrepreneuriat social des jeunes âgés de 15 à 35 ans. ... Jeunes, Science et Démocratie, qui vise à faire entendre la voix de jeunes citoyens sur des enjeux technoscientifiques. ... Les Rendez-vous stratégiques, des grands débats ouverts et informés entre experts et citoyens, qui permettent de dégager une vision du Québec dans lequel nous voulons vivre dans 20 ans (le premier a porté sur la santé, le second sur l’économie et le troisième sur la culture).
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... Le Projet Bonheur - Indicateurs de bien-être, qui propose un ensemble d’indicateurs de développement et de bien-être pour le Québec. ... Santé et Citoyenneté, qui consiste à mettre en œuvre un plan de mobilisation des citoyens à l’égard de la santé et de la prévention. ... L’Annuaire du Québec, et ses suppléments. Publié une fois l’an depuis 1995, L’Annuaire du Québec s’affirme d’année en année comme un ouvrage essentiel et incontournable sur l’actualité québécoise. Les suppléments permettent d’aborder en profondeur une thématique précise en présentant les résultats des Rendez-vous stratégiques. Publiés aux éditions Fides.
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Une voie d’avenir pour le Québec Par Michel Venne, Directeur général, Institut du Nouveau Monde et Clément Guimond, Coordonnateur général, Caisse d’économie solidaire Desjardins
En 2006, le prix Nobel de la paix a été attribué à… un entrepreneur social !
Au cours des dernières années, les mouvements liés au développement durable et au commerce équitable ont créé un nouvel engouement pour les entreprises responsables. La finance éthique, l’investissement responsable et le souci pour l’environnement ont favorisé l’émergence d’une nouvelle race d’entrepreneurs qui allient activité économique avec responsabilité sociale.
Muhammad Yunus a fondé au Bangladesh la banque Grameen, une banque populaire spécialisée dans le microcrédit. Yunus met à la disposition de paysans des fonds qui leur permettent de créer ou de développer leurs microentreprises, et d’améliorer ainsi leur bien-être et celui de leur communauté. Yunus est également, et ce, depuis plusieurs années, l’un des plus prestigieux membres (fellows) de la Fondation Ashoka, une fondation internationale mise en œuvre par l’Américain Bill Drayton pour soutenir les entrepreneurs sociaux partout dans le monde, mais surtout, jusqu’à présent , ceux des pays en développement. Au printemps 2007, la Fondation Ashoka a admis ses premiers fellows québécois, dont le pédiatre social Gilles Julien et le directeur d’Équiterre, Sidney Ribaux.
Tous les entrepreneurs devraient être des entrepreneurs sociaux, dira-t-on. En effet, l’économie devrait toujours être au service de la société. Une entreprise est une microsociété qui mobilise des êtres humains dans une activité de production et d’échange de biens ou de services utiles. Dans l’économie financiarisée et mondialisée d’aujourd’hui, ce n’est malheureusement pas toujours le cas, et l’on oublie souvent qu’à côté des multinationales aux propriétaires/actionnaires anonymes existent des petites, moyennes et grandes entreprises enracinées dans leur milieu. En mettant l’économie au service de la société, l’entrepreneuriat social représente l’une des voies d’avenir pour le Québec.
Le Québec a une longue tradition d’économie sociale et solidaire. La province a eu son Muhammad Yunus. Au début du siècle dernier, Alphonse Desjardins a fondé la première caisse populaire, à Lévis, pour canaliser l’épargne des Canadiens français et leur rendre le crédit accessible. Aujourd’hui, le Mouvement Desjardins est la plus grande banque du Québec. Et elle est toujours une coopérative. Les coopératives ont contribué à développer la province et à créer de l’emploi, tant dans les secteurs agricole et forestier que dans tout autre domaine.
L’Institut du Nouveau Monde, un organisme voué au renouvellement des idées par la participation citoyenne, et la Caisse d’économie solidaire Desjardins, une institution bancaire originale dont l’objectif est de contribuer à un Québec plus juste et plus solidaire dans la perspective d’un développement durable, ont uni leurs efforts pour créer le programme À go, on change le monde ! Ce programme vise à soutenir l’innovation sociale, notamment l’entrepreneuriat social des jeunes.
L’économie sociale et solidaire a connu une nouvelle impulsion, il y a 10 ans, à l’occasion du Sommet socio-économique de 1996, par la création du Chantier de l’économie sociale. Les centres de la petite enfance, les ressourceries, les organismes d’aide domestique à but non lucratif sont autant d’exemples d’entreprises qui contribuent à améliorer la société et qui adoptent des modes de fonctionnement démocratiques et équitables.
Nous voulons faire découvrir ou redécouvrir aux Québécois de toutes les générations qu’entreprendre, créer une entreprise, est aussi une façon de s’engager: pour améliorer le bien-être de sa communauté, pour développer l’économie régionale, pour résoudre durablement un problème social, pour contribuer à protéger l’environnement, bref, pour réinventer la solidarité sociale.
Au Québec, une longue histoire Par Claude Béland
initiatives de formation, par l’émergence de la consommation responsable et du commerce équitable, la création du réseau des ressourceries, l’acquisition par des coopératives de travailleurs de franchises du secteur marchand, etc.
Les entrepreneurs sociaux se souviendront de l’année 2006 comme étant celle du 10e anniversaire de la fondation du Chantier de l’économie sociale. Ce fut l’occasion de renforcer les liens entre les acteurs de cette économie, de les mobiliser autour de projets concrets et de mieux faire connaître les mérites de cette économie alternative qui a marqué l’histoire du Québec depuis ses origines.
Et l’économie sociale répond aux défis du Québec d’aujourd’hui en participant au développement local et régional et aux stratégies d’occupation du territoire, au développement d’une cohésion sociale, en initiant à la démocratie participative et ainsi contribuant à l’éducation civique, politique et économique de ses membres.
Ce fut également l’occasion de faire plusieurs constats: 1. Le secteur de l’économie sociale est devenu l’un des pilliers du modèle économique québécois; 2. L’influence de ce secteur est indéniable tant sur le plan économique que sur le plan du développement humain; 3. L’économie sociale innove : par des partenariats privé-public-coopérative-organisme communautaire, par de nouveaux instruments de financement, par des
Extraits de l’article de Claude Béland «Il y a 10 ans naissait le Chantier de l’économie sociale», publié dans L’Annuaire du Québec 2007, Fides, 2006.
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Mission possible: entreprendre pour s’engager Ils sont jeunes, ambitieux et rêveurs à la fois. Et ils entreprennent des projets pour changer le monde, leur monde. Beaucoup de jeunes Québécois, l’étincelle dans l’œil et des idées plein la tête, ne veulent pas rester les bras croisés à attendre LA solution, mais souhaitent être des acteurs de premier plan dans le développement social et économique du Québec. Par Miriam Fahmy et Sophie Gélinas
À en croire les médias de masse, l’avenir ne suscite plus d’espoir, mais évoque plutôt une succession de catastrophes annoncées : pollution, réchauffement climatique, épuisement des ressources naturelles, découvertes scientifiques et technologiques aux conséquences hasardeuses, écarts sociaux grandissants, tensions ethnoculturelles, irresponsabilité politique, perte de sens…
Fini le pelletage de nuages! Ces jeunes sont pragmatiques! Et cela transparaît à travers toutes les actions qu’ils mettent en œuvre. L’efficacité et la recherche de résultats sont des valeurs qui se sont imprimées dans leur esprit. «C’est en étant réaliste et en développant des projets concrets qu’on parvient à changer graduellement certaines choses», soutient Bruno Maltais, 23 ans. Son projet nommé APEM (Agence de presse étudiante mondiale), imaginé lors de sa participation à l’école d’été de l’INM, consiste à créer un réseau de presse entre des médias étudiants partout sur la planète.
Plutôt que de se laisser abattre par ce discours ambiant aux allures alarmistes, certains jeunes ont des projets, et ils en font leur moteur d’action.
Le caractère concret des projets et leur ancrage dans la vie quotidienne donnent à ces jeunes une impression d’efficacité, de marche en avant. Le sentiment d’avoir un pouvoir d’action est alors décuplé. Emmanuelle Hébert, à l’origine de Mu, un projet de revitalisation urbaine et de renforcement du tissu social, qui passe par la réalisation de peintures murales dans des quartiers de Montréal, renchérit : « On a la certitude que ce que l’on fait peut, modestement, avoir des répercussions. »
Une analyse1 des modalités de l’engagement des participants aux Écoles d’été de l’INM révèle que la participation citoyenne des jeunes, traditionnellement institutionnelle (parti politique, syndicat, association, etc.), a été remplacée par un engagement dans des projets personnels à portée sociale. Puisque, contrairement à d’autres générations, ces jeunes n’adhèrent pas à LA grande cause le poing levé, l’idée de s’engager comme entrepreneurs ne leur semble pas une hérésie. Au contraire, leur désir de passer à l’action mène droit à l’esprit d’entreprise.
Selon Bruno, « les jeunes ont l’avenir devant eux. Leurs projets sont susceptibles d’avoir des incidences sur leur propre vie. C’est probablement une motivation additionnelle... »
Pour Maude Léonard, 27 ans, a créé Troc-tes-Trucs, un organisme qui propose des activités de troc d’objets entre familles d’un même quartier. La création de ce projet, né de l’École d’été 2005, lui permettait de faire coïncider ses valeurs et ses ambitions professionnelles. « Je me suis lancée dans cette aventure parce que le projet, correspond à mes valeurs et à mes idéaux», explique Maude.
De l’individuel au collectif L’idée du projet vient souvent comme une réponse à un intérêt personnel. Leurs initiatives émanent de leur vécu et de leur quotidien. « Le thème de la consommation responsable m’a toujours interpellée, et Troc-tes-Trucs a été
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pour moi le moyen de transformer ma réflexion en actions concrètes dans ma vie quotidienne », précise Maude. Et bien que ces projets soient portés par des motivations et des intérêts personnels, leurs missions, elles, visent toujours la collectivité. Pour cette génération, l’individu et le collectif ne s’opposent pas, ils vont de pair.
candeur ou par goût du risque, les jeunes n’ont pas peur d’essayer de contourner les règles et de repousser les limites. On apporte aussi souvent un vent de fraîcheur bien accueilli dans des milieux où règne un certain désabusement. » Les jeunes innovent donc, non pas pour faire nouveau, mais pour proposer des alternatives.
« On avait envie d’embellir Montréal et d’améliorer la qualité de vie de tous ses citoyens, de diminuer le sentiment d’insécurité et de malpropreté, tout en soutenant la création et les artistes, et en donnant une vision aux jeunes. Bref, de permettre aux gens de prendre une grande bouffée d’air frais chaque fois qu’ils voient une murale, et de sentir que, grâce à l’art, le monde dans lequel on vit peut être meilleur », explique Emmanuelle, qui, à 33 ans, trouve le temps de s’engager tout en étant jeune mère.
Faire des vagues Changer le monde en posant un geste à la fois, telle est la philosophie qui se dégage de cette génération de jeunes entrepreneurs sociaux. Et c’est par l’exemple qu’ils veulent convaincre. « On se voit comme des catalyseurs, soutient Emmanuelle. On espère que nos projets permettront de faire des liens entre les forces déjà existantes dans les communautés où l’on intervient, et qu’ils réussiront à créer une nouvelle dynamique de cohésion sociale, de mobilisation, de prise en charge. » Même son de cloche du coté de Maude : « Le rôle que nous désirons jouer est celui d’agents de changements positifs dans notre communauté. Nous souhaitons aussi que Troc-tes-Trucs inspire les gens qui y participent à faire la différence dans leur environnement, au quotidien, par toutes sortes de petits gestes concrets. »
Un souffle nouveau Le réalisme des jeunes n’est pas un obstacle à leur imagination. À l’image des entrepreneurs sociaux d’envergure, quand ils constatent dans leur environnement un problème social, ils mettent de l’avant une solution novatrice et parfois même ambitieuse pour y répondre. Et, dans de nombreux cas, ça fonctionne ! Exemple d’innovation, Troc-tes-Trucs propose une alternative inusitée et originale au modèle de consommation traditionnel. Cette idée simple mais audacieuse suscite l’engouement et fait déjà des petits.
« Les jeunes d’aujourd’hui sont moins cyniques, moins désabusés, moins nostalgiques aussi que leurs aînés, affirme Emmanuelle Hébert. Et on est assez déterminés pour croire qu’on peut effectivement changer le monde ! »
Pour Maude, l’innovation semble bien s’accorder avec la jeunesse. « Être jeune, c’est oser emprunter des chemins moins fréquentés. Que ce soit par
1. Miriam Fahmy, « L’engagement des jeunes en mutation. Le cas de l’École d’été de l’INM », Possibles, Vol. 31, no 1 et 2, hiver-printemps 2007, p. 25 à 41.
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Oser repenser LE CAPITALISME Par Éric Desrosiers
Convaincu que la dénonciation et la résistance ne suffisent pas pour faire avancer nos sociétés sur le chemin menant au développement durable, le Québécois Claude Villeneuve forme les conseillers des entreprises de demain. L’Américain David Green, quant à lui, est le chef d’une entreprise rentable, mais dont l’objectif ne dépend curieusement pas de l’habituelle logique de profit, mais de la capacité de payer de ses clients. Pour les deux hommes, la meilleure façon de changer le monde est encore de le faire de l’intérieur.
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Biologiste de formation, le directeur de la chaire d’éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQÀC), Claude Villeneuve, se préoccupe du développement durable depuis la fin des années 1970. À cette époque, il a été frappé par l’ampleur du problème et par les limites du discours environnementaliste. « Ce qui m’a toujours énervé, c’est qu’on restait dans l’énoncé d’idées vertueuses sans chercher à leur trouver des applications pragmatiques. Il y a une constante dans ma vie : quand je dis quelque chose, je m’organise pour que ça arrive! »
Une idée qui fait du chemin
Il enseignait depuis quelques années le développement durable à Chicoutimi lorsque l’UNESCO lui a confié, en 1987, la tâche de concevoir un programme universitaire spécialisé en la matière. Ce programme est devenu un modèle à travers le monde. Après un passage à la tête de l’Institut européen pour le conseil en environnement à Strasbourg, il a lancé en 2002 un programme de maîtrise à
La réconciliation des impératifs sociaux, économiques et environnementaux n’est pas toujours facile, note Claude Villeneuve. «La raison d’être du développement durable, c’est les besoins humains. Mais ces besoins sont par définition infinis, ce qui crée des aberrations et qui oblige l’adoption d’un cadre éthique. Dans ce cadre, l’économie reste un élément central, non pas en tant qu’objectif, mais en tant qu’outil.»
Depuis 2002, une soixantaine d’éco-conseillers sont repartis de Chicoutimi avec leur diplôme de maîtrise en main. Ils se sont trouvés des emplois chez Bell, au ministère de la Santé, au Mouvement Desjardins, à la Ville de Québec. En plus de ses activités de formation et de recherche, la chaire en Éco-Conseil se voit donner des contrats par des ministères, des entreprises privées et des gouvernements locaux.
Le premier obstacle à surmonter n’est habituellement pas d’ordre technologique ni financier. «La première difficulté, en développement durable, c’est d’accepter de mettre en cause nos certitudes et de passer par-dessus les efficacités apparentes des processus. La ligne droite n’est pas toujours le meilleur chemin entre deux points lorsqu’on se soucie des effets à long terme d’un projet. Il vaut parfois mieux contourner un marais plutôt que de le traverser, non seulement pour des raisons environnementales, mais aussi économiques et sociales.» Qui sait? Le produit fabriqué en Chine, qu’on achète au magasin parce qu’il coûte moins cher, a peut-être finalement un prix plus élevé qu’on le pense. Son transport d’un bout à l’autre de la planète aggravera notre problème de gaz à effet de serre et sera peut-être, un jour, responsable de la fermeture d’une usine dans le village d’à-côté, mettant au chômage des travailleurs et réduisant par voie de conséquence les revenus de l’État, qui se verra obligé d’augmenter les frais de scolarité universitaire de nos propres enfants. « Personne ne se lève le matin en disant : “Chérie, je m’en vais polluer la planète et exploiter le peuple!’’ résume Claude Villeneuve. Dans la plupart des cas, les gens ne font que le travail qu’on leur demande. C’est par ignorance, ou parce qu’ils n’ont pas le choix, qu’ils provoqueront toutes sortes d’impacts, chez eux ou ailleurs, et dont ils n’auront pas nécessairement conscience.» Claude Villeneuve
Le capitalisme bienveillant Le fondateur de l’organisme américain Project Impact, David Green, admet volontiers qu’il n’avait lui-même pas deviné jusqu’où irait cette idée de créer des entreprises privées rentables, dont l’objectif premier ne serait pas de maximiser leurs profits comme les autres, mais plutôt d’apporter un service essentiel aux clientèles pauvres. «Une chose a mené à une autre, puis à une autre encore. Le projet a graduellement pris de l’importance, et nous voilà aujourd’hui avec cet immense centre de production en Inde, en plus de tous ces projets en cours un peu partout dans le monde.»
l’UQÀC, où des étudiants de tous les horizons géographiques et académiques apprennent à devenir des éco-conseillers. «Tu ne peux changer la trajectoire d’un bulldozer en tapant dessus avec une pancarte! Il faut que tu t’assoies à côté du conducteur et que tu lui expliques, soutient Claude Vaillancourt. C’est ça, un éco-conseiller! C’est quelqu’un dont la connaissance des bulldozers et la compréhension des plans d’ingénieurs lui donnent la crédibilité pour qu’on lui confie le mandat de s’asseoir à côté du conducteur. C’est aussi quelqu’un dont les connaissances, les méthodes de travail et la capacité de montrer une vision plus large permettront d’éviter à ce conducteur de causer des dommages irréversibles.»
Toute l’affaire part d’un problème grave de santé publique. Selon l’Organisation mondiale de la santé, il y aurait 45 millions d’aveugles et 135 millions de personnes malvoyantes dans le monde. La moitié de ces gens seraient victimes de cataractes, et 80 % d’entre eux n’auraient pas eu de problème de vision s’ils avaient eu accès à des soins devenus presque routiniers dans les pays riches, comme le remplacement du cristallin de l’œil par une lentille intraoculaire artificielle.
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Après avoir commencé par distribuer dans les pays pauvres des lentilles intraoculaires dont une compagnie lui avait fait don, David Green s’est associé à d’autres organismes, comme l’Agence canadienne de développement internationale (ACDI), pour ouvrir en 1992 son propre centre de production en Inde. Aurolab est devenu aujourd’hui le deuxième plus grand fabricant de lentilles intraoculaires au monde, avec une production annuelle d’un million d’unités. Ces produits, distribués dans plus de 86 pays, répondent aux normes de qualité des pays développés, mais sont vendus entre 2 et 4$ la lentille plutôt que 300$ – le prix des lentilles des grands fabricants aux États-Unis. Plus récemment, l’entreprise de David Green a étendu l’éventail de ses produits en se mettant aussi à la fabrication de sutures ophtalmiques (vendues 30$ la boîte plutôt que 200$) et d’appareils auditifs (vendus entre 0 et 200$ l’unité plutôt que 1 500$).
cliniques, qu’il existait une tranche significative de la population qui était prête à payer pour des soins si l’on en réduisait les prix. David Green n’a pas peur de se faire voler cette clientèle pauvre, celle qui permet à son modèle de fonctionner. « Les besoins sont tels que l’arrivée de toutes ces nouvelles entreprises, attirées par notre succès, ne fait que nous aider à atteindre l’objectif ultime que l’on poursuit, c’est-à-dire apporter des soins à ceux qui n’y ont pas accès. Lorsqu’on a commencé, il n’y avait que 800 000 opérations de la cataracte par année en Inde. Aujourd’hui, il s’en fait cinq millions ! » Ce succès, David Green croit qu’il pourrait être reproduit dans d’autres secteurs comme l’environnement ou l’éducation. L’un des principaux défis serait le
Une partie de cette production va à des hôpitaux que David Green a aidé à fonder dans plus d’une demi-douzaine de pays, dont l’Inde, le Népal, l’Égypte, la Tanzanie et le Guatemala. À l’hôpital de Maduraï (sud de l’Inde) seulement, plus de 250 000 opérations de l’œil sont pratiquées chaque année, ce qui en fait le plus grand centre de soins pour les yeux au monde.
«La difficulté est de démystifier la structure de coût de la production d’un bien ou d’un service, explique David Green. Lorsque vous y arrivez, vous vous rendez compte qu’il coûte souvent moins cher à produire que les compagnies le disent. Vous réalisez, par exemple, comment les fameux coûts de recherche et de développement dans les secteurs de la santé sont très exagérés.»
David Green
Cela n’a rien de surprenant quand on y pense, poursuit-il. « Après tout, le système capitaliste est fondé sur la tromperie. Il consiste à vous convaincre d’acheter le plus cher possible quelque chose qui a exigé le moins de travail possible. C’est à cet aune qu’on évalue les compagnies à Wall Street et à la Bourse de Toronto. Leur objectif ultime est de maximiser les profits et le retour sur l’investissement. Au contraire, notre objectif est de maximiser la production tout en s’assurant de rester viable à long terme.»
Photo : Tanya Shaffer
Encore une fois, l’originalité de ces hôpitaux ne tient pas aux services qui y sont prodigués, qui sont équivalents à ce qui se fait en Occident, mais à leur structure de prix. Jugés trop pauvres, plus de la moitié des patients ne versent pas un sou. À peine plus riches, la moitié des patients restants ne payent que les deux tiers du coût du traitement. Le dernier quart, qui est constitué d’une clientèle un peu plus aisée, compense pour tous les autres et paye plus qu’il n’en coûte pour les opérer. Ces derniers ont néanmoins droit à un traitement équivalent à celui offert dans les meilleures cliniques t out en payant moins cher, puisqu’une opération de la cataracte ne coûte en moyenne que 250 $ dans les cliniques de David Green. La beauté de la chose est que tout cela n’empêche pas l’entreprise d’enregistrer un bon profit à la fin de l’année, même si les salaires de ses employés sont les mêmes que ceux versés dans le reste de l’industrie.
financement nécessaire au démarrage des entreprises. Un autre problème consisterait à trouver des personnes qui ont envie de créer ces entreprises pas comme les autres.
Pas de monopole ici Cette approche ne va pas sans faire de vagues. La première réaction des grandes multinationales du secteur de la santé: ignorer ce nouveau venu dont la clientèle est principalement composée de pauvres. Mais leur attitude a changé lorsque Aurolab a commencé à remporter des appels d’offres des gouvernements pour la fourniture de matériels médicaux. L’une de ces multinationales a même porté sans succès l’affaire devant la Cour suprême indienne. Les plus grands changements sont toutefois venus des plus petites entreprises nationales, qui ont soudainement réalisé, avec le succès d’Aurolab et des
«Les gens qui sont prêts à lancer leur propre entreprise ne courent déjà pas les rues, alors imaginez pour des entreprises qui sortent à ce point du moule! lance David Green. Les entrepreneurs sociaux appartiennent à une race de gens plutôt rare qui ont l’intelligence, la méthode et l’instinct nécessaires pour bâtir une entreprise, mais qui se fixent en plus des objectifs de transformations sociales ambitieux et qui sont prêts à renoncer à un certain confort matériel. Beaucoup de gens disent vouloir changer le monde, mais c’est une tout autre histoire lorsque vient le temps d’aller au front.»
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L’entrepreneuriat social en quelques mots Le terme d’entrepreneur/entrepreneuriat social est apparu dans la littérature sociologique anglo-saxonne au cours des années 1960 et 1970. Mais c’est surtout au cours des deux décennies suivantes qu’il a essaimé, dans les pays anglo-saxons d’abord, puis progressivement dans le reste du monde, et qu’il a inspiré certains pionniers, plus ancrés dans le monde des affaires que dans celui des sciences sociales. Par Edgar Szoc, journaliste spécialisé en économie sociale et solidaire, Agence Alter Selon la définition couramment admise, les entrepreneurs sociaux sont des individus qui apportent des solutions innovantes à des problèmes de nature sociale ou environnementale. Pour les résoudre, ils mettent en œuvre des approches nouvelles, qui doivent apporter une amélioration durable du bien-être des populations ciblées.
Le concept d’entrepreneuriat social connaît un succès grandissant, et cela, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la très forte valorisation notamment médiatique dont la figure de l’entrepreneur traditionnel fait l’objet depuis une vingtaine d’années profite aujourd’hui à l’entrepreneur social, par exemple grâce à la publication de best-sellers comme Passeurs d’espoir.
L’exemple le plus adéquat d’entrepreneuriat social est sans doute incarné par Muhammad Yunus, Prix Nobel de la paix 2006 et fondateur de la Grameen Bank, qui a popularisé le microcrédit. On citera par exemple Florence Nightingale, l’infirmière qui « inventa » les crèches au 19e siècle ou, parmi nos contemporains, Bill Drayton, le fondateur d’Ashoka, ou encore le sociologue anglais Michael Young, auteur du programme du Parti travailliste pour les élections de 1945 et instigateur d’une soixantaine d’entreprises sociales.
Mais si l’entrepreneuriat social a le vent dans les voiles, c’est surtout en raison de la réduction des budgets publics dans toute une série de secteurs, notamment sociaux. En découle la nécessité de trouver de nouvelles sources de financement d’origine privée et/ou marchande pour des projets à vocation sociale. C’est là qu’entrent en jeu des fondations telles que Skoll ou Ashoka, qui importent la culture d’entreprise traditionnelle dans le champ des questions sociales en misant sur la réconciliation de ces deux sphères, traditionnellement considérées comme antagonistes.
Il est difficile de déterminer la date de naissance de l’expression « entrepreneuriat social ». Tout comme sa définition, la petite histoire de l’entrepreneuriat social diverge quelque peu selon la personne qui nous la raconte. L’émergence du terme « entrepreneuriat social » tel qu’on l’entend aujourd’hui remonte tout au plus à une quinzaine d’années, au moment où le grand public a pris conscience des problématiques liées à l’environnement et à la responsabilité sociale. Mais pour François Brouard, professeur à l’Université Carleton et spécialiste des questions liées à l’entrepreneuriat social, cette notion remonte au temps des colonies, durant lequel les religieuses ont joué un rôle social très important. « Même si on manque de documentation sur le sujet, on peut dire qu’elles étaient en quelque sorte des entrepreneures sociales. Elles se sont débrouillées avec les moyens du bord et ont souvent fait preuve d’innovation. » Pour Benoit Lévesque, professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), l’entrepreneuriat social est apparu aux États-Unis dans les années 1980, quand le président républicain Ronald Reagan a réduit les programmes de financement des organismes à but non lucratif. «Les OBNL ont alors dû développer des activités marchandes et devenir entrepreneuriaux.» La même chose s’est produite récemment au Canada, quand les fonds gouvernementaux ont fondu comme neige au soleil. «Le manque d’argent et la compétition entre OBNL les a forcés à trouver des idées pour générer des fonds. Parce qu’ils ne voulaient plus être à la merci des subventions, ils se sont lancés dans l’entrepreneuriat social», confirme François Bouard. > Cécile Gladel
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Du cœur à l’ouvrage Devant la pression de la population et de certaines organisations non gouvernementales, de plus en plus d’entreprises traditionnelles se lancent dans un mode de gestion et de production socialement responsables. Mais d’autres entreprises vont plus loin dans leur démarche : faire du profit tout en respectant quelques principes éthiques, c’est bien… mais générer du profit grâce au développement durable, c’est bien mieux ! Et c’est justement ce à quoi s’engage l’entreprise sociale, une forme d’entrepreneuriat en plein boom qui place l’humain au cœur de son action. Les entreprises sociales se démarquent principalement par leurs retombées sur la collectivité, ainsi que par la recherche et la mise en place de pratiques éthiques et innovantes. Mais pour François Brouard, professeur à l’Université Carleton, à Ottawa, et spécialiste des questions liées à l’entrepreneuriat social, une entreprise sociale a un cœur et une âme. «Même si plusieurs entreprises tendent de plus en plus à se dire socialement responsables, certaines n’ont pas la conscience très ancrée», lance-t-il.
Cette dernière donne l’exemple de Renaissance Montréal, une entreprise qui récupère des vêtements et d’autres biens de consommation usagés pour les revendre à un coût moindre, tout en visant la réinsertion sociale et professionnelle de personnes éprouvant des difficultés à intégrer le marché du travail – et en suscitant l’engagement de chacun à poser des gestes pour préserver l’environnement. «Les entrepreneurs sociaux possèdent une conscience plus élevée que la moyenne», souligne Mme Mendell, également directrice adjointe de l’École des affaires publiques et communautaires de l’université où elle enseigne. Souvent doués d’une forte conscience sociale, les entrepreneurs sociaux sont très présents dans la communauté au sein de laquelle ils partagent leurs expériences, favorisent le transfert des connaissances et démontrent un leadership exemplaire. «Pour cela, précise François Brouard, ils ne sont pas le centre d’attraction, mais des acteurs parmi d’autres.»
L’objectif premier de ces entreprises réside dans leur mission sociale. « Le profit n’est pas un but, mais un moyen pour atteindre d’autres objectifs », résume François Brouard. L’entreprise sociale, a également un souci de l’éthique: dans le choix des matières premières, dans les stratégies commerciales, dans la gestion des ressources humaines, etc. « Les entrepreneurs sociaux n’acceptent pas l’idée que les entreprises aient le droit de faire ce qu’elles veulent sans tenir compte des effets pervers provoqués par leurs actions», explique la professeure Margie Mendell, qui dirige l’équipe de recherche sur l’économie sociale de l’Université Concordia, à Montréal.
Enfin, l’originalité de l’entreprise sociale réside aussi dans les changements sociaux qu’elle génère. Pour François Brouard, c’est très clair: «L’entreprise sociale est un agent de changement. L’objectif est d’avoir une volonté très grande de faire des avancées sur le plan social.»
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Des structures très variées Si la définition de l’entrepreneuriat social varie, il en est de même pour le type et les formes légales de ces entreprises. De celle à propriétaire unique à la compagnie enregistrée, en passant par la coopérative, la diversité est de mise. Communauto, qui offre à ses membres la possibilité de partager l’usage d’une voiture, est une société incorporée, alors que le restaurant montréalais Robin des Bois est un OBNL, dont les profits sont versés à divers organismes caritatifs. Quant à La Maison verte, un magasin de produits d’entretien écologiques, il a le statut de coopérative. Sous l’appellation « entreprise sociale », certains chercheurs incluent aussi des organisations gouvernementales et paragouvernementales, des partis politiques ou des syndicats. Mais attention ! Ce n’est pas son statut juridique qui définit l’entreprise sociale. Sa mission sociale demeure sa raison d’être. > Cécile Gladel
Une histoire d’acclimatation : l’entrepreneuriat social en Europe En Europe, le concept d’entrepreneuriat social est encore récent et mal défini. Son usage recouvre des réalités extrêmement diverses, allant de la coopérative historique, issue de la tradition de l’économie sociale, jusqu’à des structures à visée clairement commerciale, mais s’inscrivant dans des dynamiques de «responsabilité sociale des entreprises». La multiplicité des traditions et des cadres législatifs nationaux ne fait qu’accentuer la diversité des acceptions du terme.
C’est donc, entre autres, pour clarifier ce concept et construire un «savoir européen sur l’entrepreneuriat social» qu’a été créé, en 1996, le réseau interuniversitaire Emes.
Concrètement, cela se traduit par un foisonnement de projets dans des secteurs aussi variés que l’agriculture biologique et les cours de gymnastique préventive pour les plus de 60 ans!1Rien de très nouveau, donc, en matière de secteurs d’activités par rapport à l’économie sociale et solidaire, à deux différences près. Tout d’abord, de nombreux entrepreneurs sociaux – femmes, immigrés, jeunes issus de quartiers sensibles, etc. – se démarquent du profil type de l’entrepreneur traditionnel. Ensuite, l’entrepreneuriat social participe de plein pied à l’économie de marché, tout en revendiquant une spécificité, voire un supplément d’âme.
Les centres de recherche européens qui le composent ont élaboré collectivement une définition de l’entrepreneuriat social qui s’appuie sur quatre piliers économiques : 1. Une activité continue de production de biens ou de services 2. Un degré élevé d’autonomie, notamment financière 3. Un niveau significatif de prise de risques économiques 4. La présence d’employés rémunérés Quant à la dimension sociale de ces entreprises, elle se décline en cinq points:
Les écoles de commerce européennes n’ont d’ailleurs pas manqué de détecter l’émergence de cette nouvelle tendance: un nombre croissant d’entre elles proposent désormais des cursus – généralement des masters – en entrepreneuriat social. Ce qui contribue également à ce développement, c’est l’arrivée en Europe d’acteurs nord-américains qui ont importé leur culture et leurs concepts. C’est le cas de la Fondation Ashoka, qui s’est implantée en France en 2004 et qui y soutient de nombreux entrepreneurs sociaux… tout en contribuant à la promotion du concept d’entrepreneuriat social. > Edgar Szoc
1. Un objectif explicite de service à la communauté 2. Une initiative émanant d’un groupe de citoyens 3. Un processus de décision non basé sur la propriété du capital 4. Une dynamique participative impliquant les différentes parties concernées par l’activité (les travailleurs rémunérés, les usagers ou clients, les bénévoles, les pouvoirs publics locaux, etc.) 5. Une distribution limitée des bénéfices
1. On trouvera une série de portraits d’entrepreneurs sociaux français et de descriptions de leurs initiatives dans Virginie Seghers et Sylvain Allemand, L’audace des entrepreneurs sociaux, Éditions Autrement, 2007.
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L’entrepreneuriat social est en en vogue aux États-Unis. Dans ce contexte, les organismes de soutien à l’entrepreneuriat social jouent un rôle de premier plan en fournissant les ressources nécessaires à la croissance de ce secteur. Portrait d’une industrie dynamique et en plein essor au sud de la frontière. Par Anick Perreault-Labelle L’entrepreneuriat social est apparu aux États-Unis au cours des années 1980. Ce nouveau type d’entreprise veut remédier aux ratés des programmes sociaux gouvernementaux et aux limites des organismes de charité, en utilisant l’efficacité du monde des affaires pour améliorer durablement et globalement l’environnement, la santé, l’éducation ou les droits humains.
Philanthropes engagés Ashoka, Skoll Foundation, Echoing Green et New Profit sont parmi les plus célèbres et reconnus. Offrant d’abord du financement, ils récoltent des fonds auprès des entreprises, des individus ou d’autres fondations, puis les redistribuent à leurs protégés, baptisés «fellows». Cette aide ne prend pas la forme d’un paiement unique; elle est plutôt étalée sur quelques années. Après tout, changer la société en profondeur et de façon durable prend du temps!
On s’en doute, de telles ambitions demandent de l’argent et un bon réseau. C’est exactement ce que fournissent les organismes américains de soutien à l’entrepreneuriat social. Le doyen d’entre eux, Ashoka, a été créé en 1980, bien avant la vague. Il serait même à l’origine de l’expression «entrepreneuriat social»! Depuis, des dizaines d’autres organismes du même genre sont apparus, et le mouvement ne cesse de prendre de l’ampleur.
Même si Ashoka ou Echoing Green distribuent des millions, « ils sont plus des philanthropes engagés que des donneurs de fonds », insiste Mara Rose. Une grosse part de leur travail consiste aussi à aider leurs fellows à tisser des liens avec les autres acteurs de l’entrepreneuriat social. La Skoll Foundation, par exemple, a créé Social Edge, un site Internet fort couru où l’on peut obtenir des conseils, partager ses expériences ou consulter des offres d’emploi, entre autres.
Plus nombreux aux États-Unis qu’en Europe «Ces organismes sont plus nombreux en Amérique qu’en Europe, surtout si l’on tient seulement compte de ceux qui soutiennent les organismes à but non lucratif, explique Catherine Clark, directrice de la Research Initiative on Social Entrepreneurship de la Columbia Business School, à New York. En effet, aux États-Unis, les causes sociales relèvent davantage des individus que de l’État parce que le gouvernement y est moins socialiste qu’en Europe. C’est d’ailleurs pourquoi il y a une si forte tradition américaine de philanthropie.» Bref, plus ou moins abandonnés par leur gouvernement, les Américains sont habitués à contribuer aux causes qui leur tiennent à cœur!
Des résultats Tous les organismes de soutien à l’entrepreneuriat social font également appel à des entreprises privées pour leur expertise managériale, comptable ou juridique. Leur objectif: aider leurs fellows à devenir d’excellents gestionnaires et à garder le cap sur la rentabilité. Les organismes de soutien à l’entrepreneuriat social se voient comme des sociétés à capital de risque. Ils veulent donc des résultats prouvant qu’ils ont investi leur argent au bon endroit. Et ils en trouvent ! D’après New Profit, les entreprises sociales que l’organisme a soutenues ont eu une influence sur la vie de plus de quatre millions et demi de personnes ! Les fellows d’Echoing Green, quant à eux, sont allés chercher 930 millions de dollars auprès d’autres organismes. Du côté d’Ashoka, 90 % des quelque 2 000 recrues ont vu leur idée d’entreprise reprise par d’autres au bout de cinq ans. Des preuves non négligeables de leur succès et de la pérennité de leurs actions.
Aux États-Unis, même les universités s’y mettent. En effet, plusieurs d’entre elles hébergent des centres de recherche et d’enseignement sur l’entrepreneuriat social, à l’instar de la Columbia Business School. Il y a notamment le Nonprofit Leadership Institute, à la Duquesne University, et le Center for the Advancement of Social Entrepreneurship, à la Duke University. «Ceux-ci jouent un rôle important parce qu’ils contribuent à définir l’entrepreneuriat social et à sensibiliser les étudiants», soutient Mara Rose, directrice du Stewart Satter Program in Social Entrepreneurship de la New York University.
L’argent : le nerf de la guerre Les Américains aiment la démesure. Les sommes d’argent investies par les organismes de soutien à l’entrepreneuriat social sont substantielles. Les fellows de la Draper Richards Foundation obtiennent 100 000$ sur trois ans, et ceux d’Echoing Green, 60 000$ sur deux ans. Au total, les sommes consenties atteignent des sommets vertigineux: Echoing Green a versé 25 millions de dollars depuis 1987, l’Acumen Fund, quelque 20 millions de dollars depuis 2001, et New Profit, plus de 23 millions de dollars en moins de 10 ans. Tout cet argent en fait saliver plus d’un. Mais les critères d’attribution sont sévères, et il y a plus d’appelés que d’élus. Echoing Green, par exemple, a reçu près de 800 demandes en 2006 mais n’a retenu que… 12 candidats. Les 20 millions de l’Acumen Fund, eux, n’ont servi qu’à une vingtaine d’entrepreneurs!
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Bill Drayton
Bill Drayton, précurseur Vous entendrez le nom de Bill Drayton de plus en plus souvent. Ce pionnier de l’entrepreneuriat social est devenu en 25 ans la figure de proue de ce mouvement en ébullition – chez lui, aux États-Unis, comme ailleurs dans le monde. Ashoka, la fondation qu’il a créée pour soutenir les entrepreneurs sociaux, est aujourd’hui implantée dans tous les continents de la planète. Elle appuie les projets de 2 000 entrepreneurs sociaux dans plus de 43 pays, incluant le Canada. Entrevue. Brièvement, qu’est-ce que l’entrepreneuriat social?
Dans toute organisation, la clé de son succès est la proportion d’initiateurs de changement qui y travaillent (soit les personnes qui ont l’assurance et le soutien nécessaires pour avoir de l’initiative et provoquer le changement). Le succès dépend aussi de la façon dont s’organise le groupe pour encourager le changement. Cela s’applique autant à un pays, à un groupe ethnique ou à un organisme citoyen qu’à une entreprise.
L’entrepreneuriat social fait évoluer la société en saisissant des occasions, en améliorant des systèmes, en élaborant de nouvelles approches et en créant des solutions pour bâtir un monde meilleur. Il s’agit de repérer les failles et de convaincre des sociétés entières de sauter le pas.
Pourquoi l’entrepreneuriat social est-il important ?
Comment est venue l’idée de fonder Ashoka?
Vers 1700, le monde des affaires est passé au modèle de l’entrepreneuriat et de la concurrence, ce qui a marqué la première grande transformation dans ce domaine. Toute personne qui avait une idée novatrice était encouragée à la concrétiser. La réussite menait à la gloire, aux parts de marché, à la richesse et, sans doute, à une vie de famille heureuse. Le succès de cette révolution structurelle, qui a changé la façon dont s’organisaient les gens, a donné lieu à la productivité continuelle des trois derniers siècles, une productivité qui a constitué le moteur le plus important de l’histoire de cette période.
Nous avons établi Ashoka en 1980 parce qu’une époque charnière de l’histoire se présentait. L’idée date des années 1960, alors que je me trouvais en Inde et que j’étais étudiant à Harvard. Mais le moment de passer à l’action est venu 15 ans plus tard.
Toutefois, jusqu’à récemment, cette révolution s’est opérée de manière exclusive. Vers 1980, l’écart qu’avait créé cette productivité était devenu intolérable. Une nouvelle génération est apparue : des personnes confiantes,
Il n’existe rien de plus puissant qu’un bon entrepreneur qui a une idée ingénieuse. Nous traversons la plus grande transformation structurelle depuis la révolution agricole, et les entrepreneurs sociaux se trouvent au cœur de ce changement. Les secteurs de l’éducation, de la santé et des droits de la personne ont autant besoin d’entrepreneurs que les secteurs de l’hôtellerie et de l’acier.
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★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ★ ensuite à l’échelle planétaire en collaborant avec les décisionnaires-clés de ce domaine.
bien éduquées et renseignées sur le monde qui en avaient assez de l’inefficacité de l’ancien système. Certains de ces hommes et de ces femmes faisaient partie de la première vague d’entrepreneurs sociaux.
Au début, l’entrepreneuriat social était un concept si moderne que nous avons été obligés de créer l’expression « entrepreneur social ». Le domaine s’est développé de manière fulgurante depuis les 26 dernières années et, par conséquent, aujourd’hui, tout le monde se dit un entrepreneur social.
C’est la raison pour laquelle nous avons créé Ashoka en décembre 1980. Nous savions que c’était le moment de l’histoire où la face citoyenne du monde allait vivre une transformation qui deviendrait le moteur principal pour transformer le monde en un «univers d’initiateurs de changement».
C’est sur le plan du terme fondamental d’entrepreneur que se pose notre plus grand problème. La plupart des gens qui ne sont pas entrepreneurs n’ont aucune idée du pourquoi et du comment de la chose. Voilà l’une des raisons pour laquelle le livre de David Bornstein, Comment changer le monde: les entrepreneurs sociaux et le pouvoir des idées nouvelles1, est si utile. Grâce aux cinq années de travail investies dans ce livre, et à l’intelligence, à l’intégrité et à la patience de l’auteur, le lecteur peut, à son propre rythme, comprendre véritablement l’essence de ce domaine qui lui est inconnu.
Qui peut devenir un entrepreneur social ? Toute personne qui se le permet peut devenir un entrepreneur social ou un initiateur de changement. Vous n’avez qu’à poliment écarter tous ces gens qui vous en veulent, parce qu’ils se sont privés de faire la même chose, et qui vous disent donc que vous ne réussirez pas! Une fois que vous vous êtes donné cette permission, vous n’avez qu’à être persévérant et ouvert. Après avoir fait le saut, toute personne qui sait être empathique, travailler en équipe et faire preuve de leadership peut changer le monde. Il n’y a rien de plus fort que ça.
Selon vous, quel rôle joueront les entreprises sociales dans l’économie de demain? Le secteur citoyen est devenu aussi compétitif et commercial que celui des affaires. Celui-ci peut emprunter plusieurs éléments très importants au secteur citoyen qui, de son côté, doit se méfier d’en emprunter trop à son secteur voisin. Par exemple, le fait d’insister sur la dimension éthique de façon claire, organisée et continuelle est une qualité que les deux secteurs doivent développer davantage, puisqu’elle est indispensable pour atteindre la fiabilité qui, à son tour, est indispensable aux sociétés et aux organisations dont l’objectif est de faire de chaque citoyen un initiateur de changement.
Nous vivons dans un monde où très peu de gens deviennent des initiateurs de changement, un monde qui continue à être dirigé par de petites élites. Et c’est principalement parce que nous empêchons tous les jeunes d’être en position de pouvoir et d’encourager le changement à l’âge de 12, 14 ou 17 ans, sauf les enfants issus de ces élites. Un jeune à qui l’on permet de fonder et de diriger une organisation pour faire de son idée une réalité permanente et qui, avec du recul, constate que cette idée continue à enrichir sa communauté ou son école, sera fort probablement un leader plusieurs fois au cours de sa vie. Ce jeune sait qu’il a déjà changé le monde. Au cours de ses actions, il a compris le sens de l’empathie, du travail en équipe et du leadership, des aptitudes sociales qui doivent être apprises et appliquées constamment pendant la jeunesse.
Quels conseils donneriez-vous aux futurs entrepreneurs sociaux? Laissez-vous aller! Donnez-vous la permission de prendre conscience d’un problème en sachant que vous pourrez y trouver une solution. Donnez-vous la permission de changer la façon dont tourne le monde.
Les 400 et quelques membres d’Ashoka travaillant auprès des jeunes ont prouvé maintes et maintes fois qu’en traitant les jeunes avec ce même respect et en créant des communautés de jeunes qui sont dotés de ces aptitudes et qui les encouragent, des résultats spectaculaires se produisent, à grande échelle. C’est pourquoi nous avons fondé Youth Venture (GenV, au Québec). Nous voulons créer un mouvement planétaire, semblable aux mouvements des droits de la femme ou des droits civils, afin de veiller à ce que tous les jeunes soient des initiateurs de changement, pour le reste de leur vie.
Votre plus grand obstacle, c’est de penser que vous n’y arriverez pas. Il y a aussi le manque d’aptitudes essentielles, apprises pendant la jeunesse, qui sont nécessaires pour savoir inciter le changement : l’empathie, le travail d’équipe et le leadership. Vous devez posséder ces compétences lorsque vous êtes jeune si vous voulez les exploiter jusqu’à l’âge adulte. Tout comme apprendre à faire de la bicyclette, la seule façon de les assimiler, c’est par la pratique. Il faut se lancer tête première.
Comment pouvons-nous accroître les initiatives d’entrepreneuriat social?
Votre plus grand défi sera de faire fi de tous ces gens qui vous diront que vous n’êtes pas capable. Vous devez être poli, car leurs conseils viennent de leur propre incapacité à initier le changement, du fait qu’ils n’ont pas appris à être forts pendant leur jeunesse.
La communauté d’Ashoka est formée de plus de 2 000 entrepreneurs sociaux, qui sont les plus en vue. Leurs idées, ainsi que les effets de celles-ci, sont très convaincants. Plus récemment, nous avons appris comment nous inspirer des initiatives menées par les entrepreneurs les plus importants du monde qui se penchent sur le problème des principes universels, qu’ils répandent
La seule personne capable de mettre fin à ce cycle, c’est vous.
1. David Bornstein, Comment changer le monde : les entrepreneurs sociaux et le pouvoir des idées nouvelles, Éditions La Découverte, Paris, 2005.
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L’information au service de l’innovation
– Par Nicolas Trottier –
Sans l’intervention de certains médias, le lauréat du prix Nobel de la paix 2006, Muhammad Yunus, serait encore un petit prêteur auprès des cultivateurs anonymes du Bangladesh. Si son invention, le microcrédit, profite aujourd’hui indirectement à plus de 300 millions de personnes dans le monde, c’est en partie grâce aux journalistes qui en ont fait connaître l’existence. Voilà un bel exemple du rôle important que peuvent jouer les professionnels de l’information. 15
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agnement des érêts : « Plan d’accomp int », ion rat tég d’in et eloppement durable clandestinité », rarement ses ini- de dév chômeurs », « Asile et de eur ect dir L’innovation sociale voit re, aig e Thomas Lem es: y plonger ou boire la cahiers économi- expliqu pôles « Ba ssi ns scolair x deu de tiatives relatées dans les our aut e isé e. Organ ions », etc. nelle. C’est pour l’agenc », « Journée des insert ? ion se dit tas tra sse –, pre che la her de s rec que rs – le journalisme et la existe depuis diatique que des majeu L’économie sociale « for l’in de e fus remédier à ce vide mé dif ce Alter produit et lgique et elle a me Alter, en l’Agen plus d’un siècle en Be l’in ec Av et. ern agences de presse com Int sur n, sur papier et fait ses preuves », révèle spoirs, en France, matio et la plusieurs fois i plo l’em Belgique, ou Reporters d’e r nce ava re porte n de fai aigre. Cette tradition com re, elles rassem- tentio uction de Thomas Lem str ont vu le jour. À leur maniè con la ire -à-d est (c’ nneté l s’agit d’un tion à caractère citoye sieurs avantages. Puisqu’i plu blè pro de our blent et diffusent l’informa aut sabilités actives les exemples de dant disponible respon modèle solidement établi, com à e rch che social et économique, la ren elle l), térêt généra breux, et il s’agit bien ainsi qu’aux mes d’in des réussite sont nom er im an à aux publics spécialisés et ler mu sti muniquer, à les reproduire. nomiques, souvent de éco médias de masse. s eur act tre en s démarche r améliorer l’emrer politiques et sociaux pou de ie ro ur co , Reporters d’espoirs : explo ter Al s e nc nou le, mp L’Age exe Par « . eté ploi et la citoyenn ion la face cachée du réel veuqui x transmission de l’innovat ceu que te sor en re Ghali, cherchons à fai commun Boutros Boutrossociale en Belgique e puissent Qu’ont en ris rep ent e un r ppe elo Hulot et Maurice forment la ville lent dév Hubert Reeves, Nicolas pré », blis éta s Parmi les 19 communes qui eur contrer des entrepren des 92 personnaSaint-Gilles n’est ren Druon ? Ils font partie de Bruxelles, celle de re. omas Lemaig aises qui ont s prisée des cise Th lités médiatiques franç assurément pas la plu s d’espoirs, é leur soutien à Reporter des quartiers les ort app ile ut touristes. Faisant partie Du journalisme depuis 2003 en mération, le coin une organisation qui milite c ave r lte d’A its plus pauvres de l’agglo écr fréquente pas les ation porteuse de ille, même à la On ne y faveur d’une « inform t en nn vie demeure néanmoins tranqu rs teu lec qui antisme ; les st-à-dire une information familles issues de dilett En tout solutions ». C’e « . tile faveur de l’obscurité. Les d’u se cho e lqu er que blèmes, mais sur rue, comme cherch seulement analyse les pro non le sur ert ouv e l’immigration y ont pignon ps, notre journal doit êtr tes faites pour y commerces maro- tem souligne les actions concrè Il ! nte tte d’a le en font foi les nombreux sal e , jamais dans un tion s’est fait connaître golais. Ici, on tra- bureau déjà remédier. L’associa a is tro sur cains, grecs ou encore con r teu lec un ontré qu’ du prix Reporters d’est, on s’entraide, est dém anisa- avec la création org e un vaille du mieux qu’on peu ou n tio titu ins e té un illeurs reporl’espoir de jours contac rs, récompensant les me poi e ist ins », lé on s’intègre, on vit avec par dont nous avons évision) relatant xelles, on y trou- tion tages (presse écrite, tél sou se il le, mp meilleurs. À l’image de Bru exe as Lemaigre. Par idaires et généreuses. Un bles. À un jet de Thom isa- des initiatives sol an org ne d’u ve encore des loyers aborda pos pro à r DVD, d’un dossie nuel, accompagné d’un di, c’est dans ce vient it relevé magazine an ava s, pierre de la Gare du Mi foi ère mi pre la r qui, pou lic. Reporters er a discrètement tion présente au grand pub les t toi me mê un s quartier que l’Agence Alt i de faire cohabiter sou agence d’informabassades et des le déf d’espoirs, c’est aussi une nes son per des élu domicile. Loin des am et é jeunes en difficult ipent des rédacteurs t près de ses des s tion à laquelle partic dan r sie dos grands boulevards, tou du on uti par âgées : « Depuis la des bénévoles. ssion. répété permanents et ont es intérêts, ou plutôt de sa mi ism an org urs sie nos pages, plu lgique. Ça, c’est du jourdu problème, c’est d’in- l’expérience en Be nce age e un est er « Si je ne fais pas partie Alt , n 95 bri un c ave il Fondée en 19 e-tam e utile ! » s’excl de la solution, et vicede citoyenneté nalism occu- que je fais partie pré des formation en matière loin s trè est ce lisrté. L’agen the de l’objectivité journa Nous n’étions au de fie daires ; versa ». Le my on sec économique et sociale. « ou les iel ific s art pour mainde journalistes, pation sert souvent de prétexte ue tiq de r leu cou ne départ qu’une association rendra à choisir la bon de cette équaains d’université. app tenir les médias en dehors Les r. che cou à essentiellement des cop re mb re pour sa cha être les observateurs produits et des peintu ses tion. À trop vouloir de nt ne Nous avions développé des oig tém ts siers récen sur les questions dos services professionnels
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proposant des articles elle l’intérêt général. En Qu « », ? l éra gén êt tér u est-il d’in bénévole», : «La double vie du salarié les journalistes « L’enje que té, tels ali ctu e l’a ons de rép es tte utr ne onse à cet enjeu ?», «Ce propre », « Des le pensent au est la rép machine à faire de l’eau La « les t son en participent plus qu’ils ne els e appliquée? » et « Qu e la fracture par rapport aux est-ell deux-roues pour réduir ont es ons rép sentiment d’impuissance des que s ats ? » Une foi ltinationale qui veut e. Le journaliste résult ce numérique », « La mu ien pér l’ex , déchaînements de l’Histoir ons sti que ces nouveau apportées à r le monde » ou bien « Le mieux l’observer été nge r cha pou tie ent par em la iell ent itte qu e devient un modèle pot », Reporters uit lui-même au relaté tin des enfants poubelles des e un à nté fro depuis les gradins. Il se réd con roductible. Quiconque, un outil généraliste r, souvent avec la rep y d’espoirs se veut t lan vou et rang de simple spectateu e qu nti ). matique ide r n’est exclu a priori . Pourtant, à l’ère problé sir et (aucun secteu sai n s’e complicité de sa rédaction t peu e, ons rép « acteurs er une diatiques conti- apport ce offre un répertoire des mé gen et L’a fs ati t orm peu inf e x sm flu ali des iquer. Ainsi, le journ celles et de ceux d au bout du nez. l’appl d’espoirs », c’est-à-dire de et er ont rac – nus, un constat nous pen ère mi asser sa mission pre jours dans l’anodans le quotidien dép qui œuvrent, presque tou iatt e un s dan Selon une étude publiée re ent Il nt er le monde. ration et au développeme disent lassés par expliqu rigou- nymat, à l’élabo s foi la à Le Monde, les publics se , ive act nt me itable isqu’il y a, ent trop « anx- tude vér utions d’intérêt général. Pu jug sol ils de qu’ on nce ati ssa orm pui inf sa e t un se et respectueuse : il me qui construisent, reprochent de les reu sur cette terre, des gens de es voi de e iogène » et à laquelle ils vic ser ultiplication au des germes qui nce. Et c’est ici de dém des volontés qui édifient, abandonner dans l’impuissa is. déf s tion des grand loir repeindre le spoirs : élargir le résolu poussent, ce n’est pas vou qu’intervient Reporters d’e pte. rose que d’en rendre com que l’information les médias monde en r champ de l’actualité pour ide d’a é ont vol la a ce eux et les répon- L’agen transmette à la fois les enj ormations posivri à cou r non pas « les inf . eux ses à ces enj ations qui font tives », mais les inform les engagements émerger les initiatives et e us rte po n L’informatio r de ceux qui se battent pou ions
de solut
journalistes dans Tout en soutenant les n et de mise en leur mission d’explicatio rne pas rond, l’orlumière de ce qui ne tou plus loin dans la ganisation entend aller de l’information. recherche et la diffusion porters d’espoirs Toute la démarche de Re qu’il existe des repose sur la conviction eux de l’humaréponses aux grands enj attend une infornité, que le grand public préoccupations et mation qui réponde à ses chacun peut qui l’aide à s’impliquer, que e déterminant être acteur et jouer un rôl seulement pour le monde. Il ne faut pas faut aussi dénoncer les dérives, il médiatiser les initiatives. nelles du Aux questions tradition , quand et journalisme (où, quoi, qui en action comment ?), le journaliste nouvelles : ajoute quatre questions
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Benoît, tu me prêtes une auto ? C’était à la fin des années 1980. Benoît Robert, alors étudiant à l’UQÀM en biologie, avait besoin d’une voiture. Il a fait des calculs pour déterminer tous les coûts reliés à l’utilisation d’un véhicule. Et comme bien d’autres, Benoît Robert a trouvé la facture très, très salée. D’une certaine façon, le service Communauto venait de voir le jour. Par Patrick Lagacé
Communauto ? Il faut prononcer « comme une auto ». C'est un service d’«auto-partage», fondé à Québec, en 1994, qui offre « un concept de mobilité avancée », celui de la voiture libre-service, dixit Benoît Robert, aujourd’hui président-directeur général. Autrement dit, on peut avoir une voiture sans posséder une voiture. Grâce à Communauto, on peut utiliser une auto seulement quand on en a besoin, pour une heure, une demi-journée, une journée, même plus.
Un concept qui roule
Aujourd’hui, l’entreprise offre 475 véhicules «communautaires» à Québec, à Sherbrooke, à Gatineau et dans la grande région de Montréal. L’entreprise fondée par Benoît Robert permet à plus de 8 000 personnes d’économiser les inévitables et imposants frais d’exploitation d’une voiture. Mais Communauto, c’est également l’une de ces idées qui font du bien à la planète: moins de «bazous» sur la route, moins d’émissions de gaz à effet de serre. « Nous sommes des environnementalistes pragmatiques», note M. Robert. Avec une Communauto sur la route, on remplace huit voitures, assure le P.D.G.
Oui, Communauto est une entreprise sociale. Mais ne comptez pas sur Benoît Robert pour pourfendre le capitalisme. «On essaie de se servir de l’économie, des lois du marché pour présenter une offre attrayante. Les gens veulent pouvoir utiliser une voiture sans en posséder une. Et on répond à ce besoin.»
On pourrait croire qu’une entreprise sociale pro-Kyoto, basée sur le partage de voitures communautaires, est condamnée à faire des frais, à vivoter, à tirer le diable par la queue. On se tromperait: la firme de Benoît Robert figure dans le palmarès 2007 des 20 entreprises québécoises ayant connu la plus forte croissance, selon le magazine L’actualité, avec un taux de croissance de 332% depuis cinq ans!
Photo : Olivier Hanigan
Benoît Robert a fait d’un besoin – se déplacer, sans acheter un véhicule – son entreprise, son gagne-pain. Un gagne-pain devenu un outil de lutte contre les gaz à effet de serre, même si ce n’était pas le but premier de l’aventure.
Benoît Robert
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«Chaque voiture est utilisée par 20 utilisateurs. On peut affirmer que Communauto pousse les gens à ne pas acheter de voiture, ou de seconde voiture, pour leur ménage.»
heureux de payer 500$ pour devenir membres. Communauto a de la difficulté à trouver des endroits où garer ses voitures! «Il faut qu’on puisse stationner les voitures suffisamment près des gens pour rendre l’offre de mobilité assez attrayante, explique Benoît Robert. Idéalement, les municipalités nous fourniraient de l’espace dans la rue, comme pour n’importe quel propriétaire de voiture ou de stationnement extérieur. On demande l’équité, pour nous et pour nos membres, qui veulent faire partie de la solution. »
Acheter et posséder une voiture, sa voiture, voilà une idée bien ancrée dans l’ADN du Nord-Américain moyen. L’auto est à la fois symbole d’indépendance (on va où on veut, quand on veut) et de statut social (mon char, c’est un peu moi). La voiture est à ce point la reine des moyens de transport au Canada et aux États-Unis que Benoît Robert a dû fouiller avec acharnement, à la fin des années 1980, pour trouver des projets d’auto-partage existants. Il a déniché de petits projets, tous plus ou moins mort-nés.
Or, les mentalités évoluent dans les hôtels de ville, mais pas toujours à la vitesse d’une Porsche. Certains élus et fonctionnaires rechignent à céder des places de stationnement à une entreprise, une entreprise sociale et verte, soit, mais une entreprise quand même.
En 1992, il s’inscrit en aménagement du territoire, à l’université Laval. En stage au ministère des Transports, cet été-là, il discute de son idée avec des fonctionnaires. L’un d’eux lui signale l’existence d’un projet similaire, à Berlin. Il passera six semaines à étudier le concept berlinois, ainsi que d’autres approches d’auto-partage en Europe. «Ce n’était pas l’environnement qui primait», dit-il. Alors qu’aujourd’hui, le sort de la planète est au centre de l’attrait de Communauto.
«Nous sommes prêts à payer, jure le P.D.G. de Communauto. Une vignette de stationnement sur rue, sur le Plateau-Mont-Royal, coûte 70$ par année. Nous, on est prêts à payer 70$ par mois! Pour nous, à 20 usagers pour un véhicule, c’est équitable.»
Faire sa place
Mais Benoît Robert sent néanmoins que les bienfaits de Communauto touchent une corde sensible chez les décideurs. Les élus de LaSalle ont approché l’entreprise pour qu’elle desserve son territoire. Idem à Laval, «où le maire lui-même nous a approchés», dit Benoît Robert. Et il y a ce Plan de transport de la Ville de Montréal, déposé en mai. Benoît Robert rêve à des jumelages entre l’autopartage et les transports collectifs de la Société de transport de Montréal. « On parle beaucoup de partenariats public-privé, note l’entrepreneur. Nous, on est un PPP qui peut marcher. Et qui ne coûte rien à l’État!»
Deux ans plus tard, Communauto voit le jour à Québec. Treize ans plus tard, l’entreprise est présente dans quatre régions du Québec. On peut apercevoir ses voitures partout sur les routes de la province, et les reportages flatteurs dans les médias abondent. L’entreprise sociale de Benoît Robert est un réel succès. «On ne fait pas de publicité. Si on en faisait, on ne pourrait pas répondre à la demande.» Et c’est ici que survient le hic, le pépin sur la route de Communauto. L’entreprise n’a pas de difficulté à récolter des abonnés, trop
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La thérapie par l’aventure Directrice générale de la Fondation Sur la pointe des pieds, Annick Dufresne, 32 ans, ne compte plus les fois où elle s’est fait dire: «Non, ce ne sera pas possible.» Et pourtant… «Chaque fois, se réjouit-elle, nous avons réussi à vaincre les sceptiques et à accomplir de véritables petits miracles!» Par Pierre Cayouette
Expéditions en traîneau tiré par des chiens au cœur du Yukon ou en raquettes sur les sommets enneigés des monts Chic-Chocs, en Gaspésie... Sur la pointe des pieds a réalisé l’impossible, en effet. Depuis 1996, cette fondation organise des expéditions d’aventure thérapeutique pour les adolescents aux prises avec le cancer. « L’objectif est d’offrir à des adolescents atteints du cancer l’occasion de quitter le milieu hospitalier, et de les isoler totalement de la civilisation et de leur environnement habituel. En participant à une grande aventure en plein air, ils peuvent reconstruire leur estime d’eux-mêmes, reprendre confiance en la vie. Ils sont fiers de relever ce défi, de dépasser leurs limites», explique Annick Dufresne.
pelait combien ces voyages lui faisaient réaliser sa passion pour sa profession et son désir d’aider. «Je me souviens en particulier d’une participante, décédée depuis, à l’expédition de l’Île Ellesmere en 2000... Elle nous avait fait part de sa fierté d’avoir réussi à atteindre le sommet de la montagne après plusieurs journées difficiles de randonnée. Ses traitements contre le cancer avaient pris fin tout juste quatre mois avant l’expédition. L’estime d’elle-même et la force intérieure acquises à cette occasion l’ont aidée à affronter ce que l’avenir lui réservait deux ans plus tard.»
Une femme d’exception De l’avis de tous, Annick Dufresne dirige la Fondation avec un leadership exceptionnel. « Elle possède un dynamisme hors du commun. C’est une femme comme on en rencontre peu dans sa vie. C’est une passionnée ! » affirme Caroline Jamet, vice-présidente des communications de La Presse et administratrice de la Fondation. Aux curieux qui cherchent à savoir l’origine du nom, plutôt inusité, de sa fondation, Annick Dufresne répond par une anecdote. En 1996, l’explorateur québécois Bernard Voyer revenait tout juste de son expédition au pôle Sud au moment où Annick et ses collègues organisaient leur première mission avec des jeunes cancéreux. Lors d’une conférence, un gamin de huit ans a demandé au célèbre orateur comment faisait-on pour devenir explorateur. Voyer lui a répondu ceci : « Quand j’avais à peu près ton âge, un jour, je me suis levé sur la pointe des pieds et je me suis aperçu qu’on pouvait voir plus loin. C’est comme ça que je suis devenu explorateur. » Photo : Patrice Bériault
C’est une équipe d’oncologie pédiatrique de l’Hôpital de Montréal pour enfants qui a eu l’idée de cette singulière approche. Les spécialistes ont fait appel à des experts de l’aventure en plein air. Mario Bilodeau, professeur au programme d’études en plein air et Annick Dufresne tourisme de l’Université du Québec à Chicoutimi, et François Guillot, directeur des parcs nationaux des Monts-Valin et de la Pointe-Taillon, ont alors cofondé l’organisme avec Annick Dufresne. Depuis 1996, la Fondation Sur la pointe des pieds a organisé 17 expéditions avec des jeunes atteints du cancer. En kayak de mer, en raquettes ou à pieds, les adolescents ont participé à des randonnées au Nunavut, au Saguenay, aux Îles-de-la-Madeleine, en Ontario et en Colombie-Britannique. Chaque expédition rassemble de 8 à 10 jeunes de 13 à 20 ans. Un médecin, oncologue ou urgentologue, une infirmière et un psychoéducateur font partie de la délégation, de façon à assurer la sécurité des participants.Il arrive même parfois que des malades en phase terminale participent à l’aventure. «C’est extrêmement difficile émotivement, mais ça demeure tout de même un très beau moment. Ceux qui font du plein air savent à quel point les liens qui se créent sont forts. Imaginez ceux qui se nouent entre des adolescents atteints du cancer!» explique Annick Dufresne.
Dix ans après sa création, la Fondation Sur la pointe des pieds savoure cette année le plaisir d’être reconnue et récompensée. «C’est notre année! lance Annick Dufresne. On se fait connaître, et il sera désormais plus facile de rallier des gens à notre cause.» L’automne dernier, la jeune directrice générale a reçu le prix La femme dynamisante Canada 2006, une distinction mise sur pied par la société Clarins dans le but de souligner le travail d’une femme d’exception qui, par son œuvre, améliore les conditions de vie d’enfants défavorisés. Annick Dufresne a aussi été sacrée Personnalité de l’année par La Presse et Radio-Canada, en plus d’être nommée Femme de mérite par le YWCA de Québec et Femme d’affaires de l’année du Saguenay.
Amandine Johnson, une adolescente qui fut de l’expédition de 2004 dans les Chics-Chocs, n’oubliera jamais cette expérience de vie: «L’expédition m’a tellement donné d’espoir! Durant mes traitements, je trouvais ça vraiment difficile de parler de ce que je vivais, mais là, je sentais que je pouvais tout dire. Maintenant, j’ai une nouvelle perception de ce que veut dire être une survivante du cancer. Ça veut dire que je peux accomplir n’importe quoi si j’ai la foi et la persévérance.» Bertrand Dupuis, psychoéducateur rattaché à l’Hôpital de Montréal pour enfants, a participé à une douzaine de missions depuis 1997. À la veille d’une expédition au Yukon, en février dernier, il rap-
Humble malgré tous ces honneurs, Annick Dufresne souhaite que ce rayonnement lui permette d’inspirer d’autres jeunes qui, à leur tour, lanceront des entreprises comparables à la sienne. «Vous ne pouvez pas savoir combien je me reconnais dans l’expression “À go, on change le monde!” Ça correspond tout à fait à ma philosophie de vie. Sky is the limit!» s’exclame-t-elle.
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Le docteur aux idées contagieuses S’il est un entrepreneur social célèbre au Québec, c’est bien le Dr Gilles Julien. Surnommé «l’intraitable » par les uns, «le bohême» par les autres, ce lauréat de la Fondation Ashoka de 63 ans a fait de la pédiatrie sociale son combat quotidien. L’organisme Assistance d’enfants en danger (AED) qu’il a fondé en 1996 dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal, en est l’une des nombreuses preuves. Par Léonore Pion
> Docteur Gilles Julien, le concept de pédiatrie sociale n’a rien à voir avec la pédiatrie classique. On vous imagine mal, par exemple, avec un stéthoscope autour du cou! Le stéthoscope, ç’a surtout de l’intérêt pour les parents... Ça sert à asseoir une crédibilité! Je l’utilise, naturellement, pour faire des examens physiques, mais là n’est pas l’essentiel de mon travail. La pédiatrie sociale considère qu’il faut apporter des soins aux enfants en tenant compte des enjeux et des déterminants sociaux du milieu dans lequel ils évoluent : le revenu et la santé de la famille, le quartier, etc. En tant que pédiatre social, j’ai un rôle à jouer dans la communauté et j’ai le devoir de défendre les enfants. > Qu’est-ce que la pédiatrie sociale a apporté au secteur de la santé au Québec? Un intérêt à faire les choses différemment! Aujourd’hui, je constate une ouverture qui n’existait pas il y a une quinzaine d’années, quand j’ai commencé à exercer en tant que pédiatre social. À cette époque, tous les services d’aide à l’enfance étaient compartimentés: la DPJ pour ceci, la pédiatrie et le secteur de la santé pour cela... Avec mon idée, il fallait absolument travailler ensemble pour inscrire chaque action en faveur de l’enfant au sein de sa communauté d’origine – un projet à contre-courant de la tendance alors dominante, qui consistait à enlever un enfant de son milieu quand on suspectait qu’il pouvait être en danger. Pour moi, déraciner un enfant est une grave erreur: si on veut l’aider efficacement, on doit repérer ce qui pose problème dans son environnement et agir pour trouver des solutions globales.
choses… jusqu’à ce que le public embarque! Les médias ont relayé nos actions (menées entre autres au Centre de services préventifs de Côte-des-Neiges et au sein de l’organisme Assistance d’enfants en danger (AED), à Hochelaga-Maisonneuve), et nos projets en pédiatrie sociale ont acquis une très forte adhésion populaire. Les gens viennent nous voir, nous félicitent, nous parlent de notre tournée en vélo jusqu’aux Îles-de-la-Madeleine pour recueillir des fonds. Cette année, la guignolée de la Fondation pour la promotion de la pédiatrie sociale a récolté plus de 170 000$, vous vous rendez compte? > Depuis que vous exercez comme pédiatre social, quelles ont été vos plus grandes satisfactions? D’abord, de voir que nos deux centres, l’AED et le Centre de services préventifs de Côte-des-Neiges, au départ des lieux d’expérimentation en pédiatrie sociale, ont généré de véritables changements «de l’intérieur». Ces endroits sont désormais des lieux de formation obligatoire pour les étudiants en pédiatrie de McGill et de l’Université de Montréal! Et ce qui est formidable, c’est que ces centres en inspirent d’autres: à Chicoutimi, à Gatineau, à Vancouver et ailleurs. L’autre succès, celui-là totalement inattendu, est la mise en place d’un réseau international de formation en pédiatrie sociale. On a monté un cours qui sera donné partout dans le monde ! Je reviens d’ailleurs de Croatie, où il a été très bien reçu. Dr Gilles Julien
Photos : Nancy Lessard
> Quand vous vous êtes lancé dans la pédiatrie sociale, vos théories et vos méthodes ont eu de nombreux détracteurs… C’est vrai! Au départ, les professionnels du secteur me trouvaient bizarre. Certains pensaient que je voulais rivaliser avec eux, d’autres considéraient mon approche comme purement anecdotique, comme une mode qui allait passer. Quand on invente de nouvelles choses, on dérange, on est marginal par la force des
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> Avez-vous eu des désillusions? Non, pas des désillusions... Mais j’ai une conscience aiguë du chemin qu’il reste encore à parcourir. En ce qui concerne l’action de proximité, notre bilan est très positif. En revanche, j’aimerais faire passer l’idée qu’un enfant, pour se développer, a besoin de sa communauté. Dans un monde idéal, les parents n’élèveraient pas seuls leurs enfants, mais ils seraient épaulés par le village tout entier! De ce point de vue-là, l’Occident, surtout, a du travail à faire… En plus d’être récipiendaire de nombreux prix, le Dr Gilles Julien a été nommé Personnalité de l’année, dans la catégorie Sciences de la santé, au gala 2004-2005 de La Presse.
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Changer le monde? Vaste programme en vérité, sur lequel plus d’un s’est cassé les dents et a perdu ses dernières illusions si d’aventure il en avait encore. Mais si la volonté d’une société meilleure se heurte à une multitude de brise-vent, elle est aussi un lieu de rare résilience. Et quoi de plus fondamental pour l’exprimer, encore et encore, que l’art, cette formidable quête de sens qui ne désespère jamais d’en trouver même si ça prend du temps? Par Jean Dion de ceux qui n’en veulent pas. De multiples interventions ont suivi, dont les spectaculaires 18 milliards – une «exposition» de sacs de plastique attachés aux branches des arbres d’un parc rappelant le déséquilibre insensé entre leur temps d’utilisation et leur durée de décomposition – et Attentat#!, une voiture fumante venant semble-t-il tout juste d’être bombardée et postée en pleine rue d’une cité tranquille.
Pour trois organismes de Montréal, l’art s’est naturellement imposé comme force de changement et comme véhicule pour l’entrepreneuriat social. Parce qu’il parle, haut et fort parfois, mais surtout différemment. Parce qu’il «va chercher» les gens, mieux que toute autre activité humaine. Les trois ont d’ailleurs un élément central en commun: à leur origine s’est trouvée la conviction de la nécessité de provoquer une réflexion. Déranger le quotidien. Bousculer les idées reçues. Troubler le ronron des existences menées sur le pilote automatique. Et, pourquoi pas, carrément bouleverser.
«Il ne s’agit pas de dire aux gens quoi penser, mais de leur faire vivre l’œuvre en l’apportant là où ils sont, dit Annie Roy. On les happe au moment où ils ne s’y attendent pas. Les discours viennent après, mais la discussion s’en trouve stimulée. Par le biais de l’art, on dit souvent tout haut ce que bien des gens pensaient déjà tout bas mais n’osaient évoquer.» On pourrait ajouter qu’en voyant qu’ils ne sont pas tout seuls, ils ont tendance à devenir eux-mêmes des vecteurs de transformation. Ébranlés et appuyés tout à la fois.
«Wow!» La réaction qu’aimerait susciter Annie Roy chaque fois que l’Action terroriste socialement acceptable (ATSA), qu’elle a fondée avec son partenaire, Pierre Allard, «ose», tient en un mot. La réaction, d’ailleurs, ne suffit pas : elle doit n’être qu’un premier pas vers l’action. Tout comme les deux associés ont choisi d’agir, il y a 10 ans, en regardant un bulletin d’informations à la télévision. Deux infos qui se suivaient: d’abord, un refuge pour itinérants accusait un manque criant de... chaussettes; puis, un reportage sur les profits des banques. Deux histoires profondément liées, ne serait-ce que par l’absurde.
Il n’est pas toujours facile d’évaluer l’effet des manifestations artistiques publiques. Cela n’empêche toutefois pas l’Unité théâtrale d’interventions loufoques (UTIL) de croire que théâtre de rue et engagement citoyen vont de pair. Depuis plus de trois ans, le groupe multiplie les courtes pièces qu’il présente en toutes circonstances et en tous lieux, qu’il s’agisse d’une agora d’université ou du métro, en y déléguant ses «escouades». Avec comme
Ce fut le déclic. Avant longtemps, des poêles de cuisine seront aménagés devant un musée en guise de «dépôt de bas». L’ATSA venait de faire son premier geste, sortant l’art dans la rue, à la vue et à la portée de tous, y compris
Design de murale réalisé par Yannick Picard pour MU
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thèmes la dénonciation des travers de la société tels la surconsommation, la militarisation ou le racisme. Avec comme acteurs tous ceux qui désirent l’être. Et avec comme spectateurs, là encore, ceux qui sont présents à ce moment-là.
murales sur des édifices. Réduction du vandalisme, embellissement du cadre urbain et, oui, établissement d’une cohésion sociale sont à la clé. Car, dit-elle, «les jeunes respectent les œuvres d’art».
«Tout est une scène! lance Stéphanie Lamarre, membre du conseil d’UTIL. C’est sûr, on ne peut pas toujours espérer tout changer tout de suite. Mais on a le sentiment de faire partie de quelque chose de plus grand. On apporte notre petite goutte d’eau, en comptant beaucoup sur l’effet multiplicateur que nos interventions peuvent avoir.» Les réactions, bien entendu, sont diverses, car les gens n’apprécient pas toujours se faire interpeller en direct alors qu’ils étaient occupés à autre chose. Mais ce que nous faisons a sa place.»
Ainsi est né le projet MU, qui va s’attaquer dès l’automne 2007 à un premier chantier, dans un secteur « dur » du quartier Saint-Michel de Montréal. Des jeunes sont invités à participer à la démarche et, ce faisant, à s’initier à l’art. Et l’effort est global : on a rencontré des groupes communautaires, des citoyens du quartier, afin de faire en sorte que tout le monde pousse dans le même sens. À cet égard, MU, qui a déjà d’autres projets sur sa table à dessin, veut servir de catalyseur. « La tâche consiste à faire se rejoindre toutes sortes de milieux. On fait appel aux artistes, aux propriétaires des murs, aux jeunes, aux résidants des environs, aux groupes sociaux, aux instances gouvernementales. Le processus est aussi important que le résultat », dit Elizabeth-Ann Doyle.
L’art dans la rue Parfois, l’inspiration vient d’ailleurs et provoque l’émulation. Elizabeth-Ann Doyle travaillait pour le Cirque du soleil lorsque celui-ci s’est arrêté à Philadelphie, il y a quelques années. Le Cirque cherchant toujours, partout où il se produit, à créer des partenariats avec les communautés locales, elle y a découvert le Mural Arts Project, par lequel des intervenants agissent auprès des auteurs de graffitis et les incitent à se tourner vers une création artistique plus respectueuse de son environnement, en l’occurrence par la réalisation de
Et l’avantage d’une telle initiative, constate-t-elle déjà, réside dans son effet d’entraînement. Un endroit jusque-là laissé à lui-même commande le respect lorsque devenu beau. Près de la murale à venir, une citoyenne s’est engagée à planter des fleurs. Les passants seront moins enclins à y laisser leurs déchets.
Soirée d’ouverture de l’État d’Urgence 2006 de l’ATSA Photos : Martin Savoie
«Il y a une bonne dose de conquête d’autonomie de la part de la communauté. Les gens ont le sentiment de se réapproprier leur environnement», dit-elle. Un rêve? Pourquoi pas faire de Montréal «une galerie d’art à ciel ouvert»? Certes, il manque souvent d’argent, de projets structurés dans le domaine culturel et, surtout, de volonté politique. Mais quand les obstacles sont imposants, il n’est pas rare de voir les volontés se décupler.
Oser ? « Ça prend beaucoup de courage, soutient Stéphanie Lamarre, d’UTIL. Du courage et de l’adaptation. Du guts. Mais en même temps, il faut savoir joindre le plaisir et l’engagement. Avoir la fibre militante, mais militer sans se faire chier. » «Il faut une vision», renchérit Elizabeth-Ann Doyle. Et, pourrait-on dire, une vision non seulement de la part de l’entreprise sociale elle-même, mais aussi des pouvoirs publics qu’elle doit convaincre «non pas de la suivre, mais de l’accompagner». Des pouvoirs publics, mais aussi ceux du secteur privé, qu’elle ambitionne, au bout du compte, de voir contribuer financièrement à ses projets. Elle termine sur une boutade: « En fait, on veut leur demander d’être patients… On n’arrive pas à réaliser leur murale aussi vite qu’ils le souhaiteraient, puisque la liste d’attente est tellement longue!»
Joindre l’UTIL à l’agréable Cela étant, au-delà de l’art qui transporte, frappe, émeut, choque, dérange et toujours pose des questions alors même qu’il se méfie des réponses, qu’est-ce qui fait le succès d’une entreprise sociale? Annie Roy n’hésite pas lorsqu’on l’interroge à ce sujet. Tout comme l’art naît d’«un élan venu de profondément en soi», sa mise en forme par le biais d’un organisme a des allures d’appel. «Il faut y croire, confie-t-elle. Il y a quelque chose de très missionnaire dans tout ça. Le désir et le besoin de donner un sens à notre passage sur cette planète. Et les gens respectent aussi beaucoup l’authenticité. Ils se retrouvent dans ce qu’on fait parce qu’on ose le faire.»
Elle ajoute en évoquant sans doute l’élément-clé de toutes ces aventures: «Il ne faut jamais cesser de rêver.»
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Le monde pour Marier entreprise sociale et coopération internationale, voilà une belle façon de donner un visage humain à la mondialisation. Deux exemples inspirants... Par Steve Proulx et Michel Fradette Le 23 mars dernier, le Mexique était à l’honneur à La Maison de l’amitié de Montréal. Au menu: musique et danse mexicaines, tortillas et poulet à la sauce au chocolat. Une cinquantaine de personnes étaient présentes, pour profiter de ces moments festifs et des interventions de représentants de l’association des Mexicains de l’Université Concordia. «Ils étaient là pour expliquer aux gens qu’il y a plus au Mexique que les maracas et les sombreros, raconte JeanSébastien Dufresne, organisateur de la soirée. Il y a aussi des enjeux, comme les conséquences néfastes du tourisme à Cancún.» À la fin de la soirée, les participants ont même pu échanger quelques mots avec un groupe du Mexique, grâce à la magie de la vidéoconférence. Bref, voilà à quoi ressemble une soirée typique d’Iciéla.
C’est en revenant d’un programme d’échange au Mali que Jean-Sébastien Dufresne, 24 ans, a eu l’idée de fonder Iciéla, un organisme à but non lucratif, né il y a deux ans, qui cherche à tisser des liens entre les cultures d’ici et d’ailleurs. «Je suis parti au Mali avec des idées préconçues, raconte-t-il. Rendu là-bas, j’ai toutefois rencontré des gens informés. Avec leurs radios à ondes courtes, ils pouvaient capter Radio-Canada. Ils connaissaient donc très bien les problématiques du Québec et du reste de la planète. Ça m’avait étonné!»
Aujourd’hui, son organisme est une vraie petite entreprise de « tissage de liens ». Hormis les soirées interculturelles comme celle du 23 mars dernier, Iciéla a mis sur pied des activités de jumelage par correspondance afin de mettre en contact des jeunes de différents pays. L’équipe anime aussi deux émissions de radio hebdomadaires, diffusées sur les ondes de stations communautaires à Montréal et à Longueuil. Celles-ci peuvent aussi être écoutées en baladodiffusion partout dans le monde... donc même au Mali!
À son retour, cet étudiant en développement communautaire a cherché un moyen de collaborer avec les Maliens par le biais d’échanges culturels. Et ce moyen, c’est devenu Iciéla.
La solidarité est une route à deux voies. Si les cultures d’ailleurs ont beaucoup à nous apprendre, nous avons certainement aussi quelque chose à donner...
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terrain de jeux
Un stagiaire de Journalistes pour les Droits Humains (JDH) avec un partenaire du Sierra Leone
La mission de JDH est simple : mettre en contact des experts canadiens des droits de la personne et des médias africains (du Ghana et de la Côte d’Ivoire). Ainsi, grâce à des rencontres individuelles, des formateurs d’ici aident des journalistes africains à promouvoir les droits de la personne par le biais de leurs reportages. Pour Ben Peterson, les médias sont la base de l’éducation populaire: « Dans plusieurs pays d’Afrique, l’éducation n’est pas suffisamment poussée pour que l’on aborde le sujet des droits à l’école. Les médias ont donc beaucoup d’influence sur le plan de la conscientisation. »
Droits de la personne 101 En 2002, Ben Peterson revenait au Canada transformé par son voyage au Ghana. « J’ai vu le pays dans toute sa splendeur, dit ce Torontois de 29 ans, mais j’ai aussi constaté de nombreuses infractions aux droits de la personne, comme l’emprisonnement sans raison. Alors que je travaillais au ministère de la Justice du Ghana, je demandais souvent aux gens quel était le plus important facteur de changement en ce qui a trait aux droits de la personne. La réponse était toujours la même : l’information. » En effet, comment revendiquer des droits dont on ignore jusqu’à l’existence? C’est en faisant ce constat
La radio, en particulier, est un incontournable vecteur d’information dans plusieurs pays d’Afrique. « Les journaux ont souvent des difficultés d’impression, de distribution et de diffusion, ajoute Ben Peterson. De plus, l’analphabétisme est présent à des taux parfois très élevés sur tout le continent. En ce qui concerne la télévision, elle demeure peu accessible, car l’électricité n’est pas toujours disponible. » Pour qu’une entreprise sociale comme JDH puisse remplir sa mission, elle doit contourner les nombreux obstacles. De plus, le financement est une source constante d’inquiétude. « Lorsque les Nations Unies nous ont offert un financement qui nous était vital, raconte Ben Peterson, ils ont exigé que nous obtenions par écrit l’approbation du ministre de l’Information du Sierra Leone, où devait se dérouler notre projet, et cela, en 72 heures! C’est finalement de peine et de misère, grâce à des contacts sur le terrain et à l’insomnie pour contrer le décalage horaire, que l’on a pu obtenir, à la dernière minute, l’approbation requise... »
JDH avec la Gouverneure générale, au Ghana
que Ben Peterson et une collègue, Alexandra Sicotte-Lévesque, se sont mis à réfléchir aux moyens d’informer les Africains quant à leurs droits fondamentaux. « L’idée de créer un organisme qui formerait les médias locaux nous a semblé la meilleure », raconte Ben Peterson. En mai 2002, Journalistes pour les Droits Humains (JDH) était fondé. L’organisme, dont le financement dépend de collectes de fonds et de grandes organisations comme l’ONU, possède des bureaux à Toronto, à Montréal et à Accra, au Ghana.
Malgré les difficultés, et même si les résultats de son travail ne sont pas toujours visibles ou quantifiables, Ben Peterson croit que sensibiliser l’Afrique aux droits de la personne est une obligation. « Nous avons une obligation envers les populations moins nanties, lance-t-il. En ce moment, nous ne sommes pas à la hauteur de ces obligations. Tout le monde devrait faire un geste, aussi petit soit-il! »
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Bâtir sans nuire : des entreprises au service de la nature Quand il s’agit de protéger l’environnement, l’innovation n’est pas un vain mot. En plus des désormais classiques recyclage, compostage ou recours aux énergies vertes, certains ont développé des idées originales, comme l’écotourisme ou la construction d’habitations écolos. Leur point commun: une exploitation intelligente des ressources du milieu. Par Léonore Pion
L’intérieur d’une habitation APEX
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Réchauffement climatique oblige, l’environnement est devenu, selon un récent sondage1, la priorité numéro un Canadiens. Mais pourquoi attendre qu’il fasse 15o C en hiver pour s’attendrir? En matière d’écologie, certains sont passés à l’action depuis belle lurette. Et aujourd’hui, leurs idées ont le vent en poupe.
L’occasion rêvée pour mettre en pratique certains principes chers à la coop de tourisme durable. À L’Échappée bleue, écotourisme rime avec écologie, exploitation intelligente des ressources locales et consommation responsable. Le menu proposé est entièrement constitué de produits locaux. «On sert de la Belle Gueule et de la Boréale. Aux clients qui nous réclament de la Labatt ou de la Molson, on explique que l’importation dessert les entreprises locales. Ça choque, mais tant pis!» explique Any Truchon. «Et puis, il faut mettre en valeur notre patrimoine local, et je ne parle pas seulement de la tourtière ou de la tarte aux bleuets. Dans la région du Saguenay, on produit de la saucisse, on élève des agneaux, de la volaille et bien d’autres choses encore!» En ce qui concerne le respect de l’environnement, Any Truchon recycle à tour de bras, fait la chasse aux pratiques non écolos («Non aux barquettes de beurre en plastique!») et privilégie les énergies renouvelables. Un système de chauffage hydrothermique est présentement à l’étude pour les prochaines installations.
Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un œil au carnet de commandes des Habitations APEX: il est plein! Située à Saint-Mathieu-du-Parc, en Mauricie, cette coopérative familiale, fondée en 2004, fabrique des maisons en bois «100% saines ». Assemblées selon la technique du pièce sur pièce, elles sont entièrement construites à partir d’essences d’arbres locaux, comme le mélèze ou la pruche. Pour l’isolation, la laine de mouton recyclée fait des miracles. Quant à l’entretien de la structure, APEX utilise des produits fabriqués selon des recettes ancestrales. «On a fait beaucoup de recherches, lu beaucoup de livres, pour mettre au point nos procédés», explique Isabelle St-Arnaud, la présidente de la coop. En effet, les « Apexiens », comme ils se surnomment, ne sont pas nés avec le métier de charpentier dans la peau. «Il y a quelques années, raconte Isabelle, Patrick Payette, mon mari, a eu une “écœurantite” aiguë de son travail. Enfant, il avait travaillé le bois avec son père, et la passion lui est revenue en participant à la construction de notre première maison. Il nous a présenté son projet de coopérative, et ma sœur, mon beau-frère et moi, on a embarqué. On a tous appris le métier sur le tas. Quand on a vu arriver notre première commande de bois, j’avoue qu’on a eu un petit peu chaud!» Malgré leur manque d’expérience, ces nouveaux venus dans le milieu se sont taillé rapidement une solide réputation. Selon Isabelle St-Arnaud, ils ont même influencé leurs compétiteurs: «On a changé leurs manières de faire. Maintenant, ils utilisent le même vocabulaire que nous! Mais on est des précurseurs et on va continuer à l’être!»
Ses convictions chevillées au corps, Any Truchon n’a pas le compromis facile: «J’appartiens à une génération de gens tannés, qui ne veulent plus se faire vendre ou acheter… À l’époque où le projet est né, j’étais au bord du burnout après avoir travaillé pour une grosse compagnie américaine. J’avais besoin de mettre mes énergies et ma tête au service d’un idéal. C’était l’été, à Montréal; j’étais assise sur ma galerie et j’avais chaud… vraiment trop chaud! Je me suis alors mise à rêver d’escapades en pleine nature. Et puis je me suis demandé: “Comment faire, quand on est jeune, pas très riche et sans matériel de camping, pour s’offrir un week-end au vert?” En dehors des traditionnels auberges et gîtes du passant, l’industrie touristique n’a rien à offrir à notre groupe d’âge.» D’où l’idée d’importer au Québec les gîtes d’étape, si répandus en Europe: on partage dortoir et salle de bains, la cuisine est en accès libre, et ceux qui le souhaitent peuvent opter pour une formule demi-pension. « Du camping haut de gamme, en quelque sorte, avec des tarifs adaptés au portefeuille des jeunes!»
Fidèles à leur vocation avant-gardiste, ces «bio-bâtisseurs» trouvent des solutions novatrices aux problèmes qui se présentent. «Quand on nous a proposé des contrats en dehors de la région, on a fini par passer plus de temps sur la route et par perdre notre belle qualité de vie. On s’est vite rendu compte qu’on s’éloignait de nos objectifs premiers. On a alors cherché un moyen de construire localement, de trouver des débouchés près de chez nous; c’est comme ça qu’est né le projet d’éco-quartier De feuilles en aiguilles.»
Bernard Généreux, le maire de Saint-Prime, est l’un des premiers à avoir cru à L’Échappée bleue. «Quand Any est venue nous présenter son projet, on a immédiatement été séduits.» Preuve de la confiance que la municipalité accorde à la coopérative, elle lui a octroyé une concession de 30 ans pour l’exploitation de la marina.
Avec la bénédiction de la municipalité et de la population, APEX a récemment fait l’acquisition, à Saint-Mathieu-du-Parc, d’un terrain sur lequel elle invite les nouveaux arrivants à se faire construire une maison verte. En plus d’être écolo, ce nouveau quartier offrira à ses habitants une qualité de vie optimale avec des services de proximité (école, épicerie, infrastructures routières, etc.), le tout dans un cadre préservé. «C’est sûr, se réjouit Isabelle, notre initiative va faire des petits!»
Mais le projet ne fait pas que des heureux, en particulier du côté des hôteliers. «Pourtant, nous ne ciblons pas la même clientèle, insiste Any Truchon. De retour de vacances, un jeune va montrer ses photos à sa tante… qui viendra l’année d’après, mais elle, elle dormira à l’hôtel!»
Le tourisme réinventé
De son côté, Bernard Généreux regrette «l’attitude pisse-vinaigre» de certains médias: «Certains disent qu’on est trop ambitieux et, si le projet échoue, ils diront qu’ils avaient raison… C’est dommage, ils devraient plutôt nous soutenir! Ce projet est fondé sur des valeurs en émergence. Le tourisme durable reflète des préoccupations nouvelles dans lesquelles beaucoup de gens, et surtout les jeunes, se reconnaissent.» Et Any Truchon de conclure : «L’Échappée bleue s’inscrit dans une perspective de long terme: notre but premier n’est pas de faire de l’argent, c’est de faire du tourisme une clé du développement durable. On veut à la fois soutenir l’emploi et être en harmonie avec le milieu naturel.»
De son côté, Any Truchon, 30 ans, a hâte de cueillir les fruits de son projet, pour lequel elle se démène comme une belle diablesse depuis maintenant trois ans. « À terme, L’Échappée bleue sera un réseau de quatre gîtes d’étape écotouristiques autour de la véloroute des Bleuets. C’est un projet important (3,2 millions de dollars) avec lequel j’apprends la patience et la ténacité! » En juin, au moment où l’on attribuait à L’Échappée bleue le premier prix du concours national en entrepreneuriat dans la catégorie Économie sociale, le premier site du réseau ouvrait enfin ses portes: le restaurant-bar-salle d’expositions de la marina de Saint-Prime.
1. Sondage effectué par Décima auprès d’un échantillon de 1 727 personnes entre le 22 décembre 2006 et le 2 janvier 2007, soit en pleine période de « canicule hivernale ».
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Se draper d’éthique Alors que la confection québécoise se trouve délocalisée vers les pays du Sud-Est asiatique, le mouvement de la mode éthique grandit dans la Belle Province. De plus en plus de personnes tiennent à porter des vêtements qui respectent l’être humain et l’environnement. Cette tendance sera-t-elle capable de donner un deuxième souffle à notre industrie textile? Par Valérie Besson
Photo : Samuel Gervais
Le 1er janvier 2005, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) levait les quotas d’importation sur les produits textiles. Or, depuis déjà plusieurs années, l’industrie textile québécoise connaît une récession importante, perdant environ 10 000 emplois annuellement1. L’accord de l’OMC, qui permet en outre la délocalisation des emplois du textile vers les pays en développement, a encore accentué cette tendance.
souligne Martin Delisle, qu’il est effectivement possible de confectionner au Québec des vêtements éthiques de qualité, à des prix abordables (t-shirts à partir de 10$), tout en créant de l’emploi et en générant des revenus. Mais comment définir des pratiques éthiques? «C’est d’abord respecter ses employés! » lance Martin Delisle. Ainsi, chez Blank, personne n’est rémunéré en dessous de 10$ de l’heure. Le salaire horaire moyen est de 12$.
Parallèlement, la mode éthique gagne en popularité au Québec, qui compte à présent plus d’une vingtaine de créateurs de vêtements recyclés ou éthiques, et une dizaine de boutiques proposant leurs produits. Après le café équitable, les vêtements équitables commencent à séduire des acheteurs de plus en plus conscientisés. Des designers québécois adoptent donc les critères de l’équitable. Ils confectionnent leurs collections dans des matières telles que le coton biologique, le chanvre ou le bambou. Pour respecter l’environnement et éviter la surconsommation, ils créent de nouveaux modèles à partir de vêtements usagés, tout en mettant un point d’honneur à offrir à leurs employés les meilleures conditions de travail possible.
Outre le bon traitement des employés, la tendance de la mode éthique est au coton biologique et équitable. Martin Delisle ne déroge pas à la règle, même si c’est aux États-Unis et non en Inde, comme certains de ses concurrents, qu’il s’approvisionne. «En Inde, dans les champs de coton, on cache les enfants quand les inspecteurs sont de passage, mais on les remet au travail dès leur départ», justifie-t-il. Au moins, de l’autre côté de la frontière, la législation du travail lui paraît plus sérieuse.
«Il y a deux ans, comme je ne trouvais pas de t-shirt fait et imprimé au Québec, j’ai décidé d’en fabriquer moi-même», raconte Martin Delisle, cofondateur de la marque Blank, qui existe depuis deux ans. Cette entreprise confectionne ses vêtements au Québec, de la fabrication du tissu à l’assemblage des vêtements en passant par la teinture et la coupe. La marque a ouvert deux boutiques à Montréal, emploie 12 personnes à l’interne (vendeurs, couturiers) et 30 à l’externe (teinturiers, fournisseurs), et a vendu plus de 200 000 morceaux en 2006. Cette réussite démontre, comme le
Côté environnement, Blank n’est pas en reste : toute la production de vêtements est fabriquée dans un rayon de 20 km de son lieu de vente, sur la rue Sainte-Catherine, à Montréal. Le transport de marchandises est donc limité au minimum. De plus, la compagnie utilise une teinture à base d’eau qui est non polluante. Malgré le succès de son entreprise, Martin Delisle est réaliste : la mode du vêtement éthique ne consacrera pas la renaissance de l’industrie textile au Québec. Il faudrait, d’après lui, que la demande du public soit plus forte et, surtout, que les vêtements soient distribués dans les magasins à grande surface.
1. Source : CSMO Textile, Statistique Canada, août 2006.
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Design: Perles Rares Créatrices: Sofie et Geneviève Dumais Mannequin: Sophie Magnan
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En 1999, la célèbre friperie La Gaillarde ouvre ses portes avec la mission de réinsérer des femmes ex-détenues dans le milieu du travail. L’année suivante, la mission est révisée et la réduction des déchets textiles devient son principal cheval de bataille. Les créations de La Gaillarde font alors leurs premières sorties des ateliers. Pour appuyer cette nouvelle mission, l’organisme recevra quelques années plus tard des subventions d’Environnement Québec.
Pionnière dans l’éco-design, La Gaillarde crée de nouvelles collections à partir de tissus récupérés de vieux vêtements, autrement destinés au rebut. Cela leur donne une seconde vie et évite qu’ils ne se retrouvent dans les sites d’enfouissement. «Dans notre démarche, qu’on veut éthique, on englobe le plus d’aspects possibles: l’aspect écologique, la conscience sociale, la redistribution à la communauté et l’économie sociale. Notre mission est à la fois environnementale et sociale», explique Clio Forsyth Morrissette, éco-styliste à La Gaillarde. «Nous vendons des vêtements et des accessoires de qualité à des prix allant de 5 à 150 $, et nous sommes ancrés dans la communauté en proposant au public des ateliers de couture. » En plus d’encadrer une quarantaine d’éco-designers québécois afin qu’ils deviennent autonomes dans leur métier, La Gaillarde expose leur production dans sa boutique de la rue Notre-Dame Ouest, dans le quartier Saint-Henri. Actuellement, le plus difficile consiste à changer les mentalités concernant le vêtement recyclé. «Pour nos clientes, le recyclage, c’est la boîte en carton, c’est ce qu’on jette, c’est un déchet. Il faut leur montrer qu’un vêtement recyclé peut être beau, sentir bon et être de qualité.» Alors que la majorité des compagnies de l’industrie textile mise sur la production de masse, il faudrait, selon Clio, penser petit et plus local. En ce qui concerne le renouveau de l’industrie textile au Québec, la jeune éco-styliste est catégorique: «Les designers de vêtements éthiques ne pourront jamais faire revenir dans la Belle Province l’énorme production de vêtements que nos ateliers confectionnaient dans les années 1960. De toute façon, cela ne concorderait pas avec notre mission.» Design: Inner City Kitty/Créatrice: Rebecca Emlaw/Mannequin: Sophie Magnan
Achetez un message positif, obtenez un t-shirt En mode éthique, il existe des histoires heureuses, comme celle des fondateurs de Oöm. Pascale Clauzier, qui travaillait depuis quelques années dans le milieu de la mode, trouvait qu’on n’y véhiculait que des messages négatifs. En 2003, elle rencontre Pascal Benaksas-Couture, qui surmontait de son côté une crise professionnelle. Après avoir travaillé en finance et flirté avec les extrêmes du capitalisme, il est parti six mois au Costa Rica à la découverte du café équitable. À son retour, il change d’orientation et s’investit dans l’entrepreneuriat social. Les deux entrepreneurs unissent alors leurs forces et créent la marque Oöm. Ils commencent simplement par acheter des t-shirts, sur lesquels ils impriment la phrase «We all have a dream». Leurs amis deviennent leurs premiers clients. Mais devant l’augmentation de la demande, ils décident de proposer leurs t-shirts aux boutiques de Montréal. Puis, pour assurer la confection de leur propre collection, ils intègrent à leur équipe des personnes en insertion professionnelle. Aujourd’hui, leur production annuelle s’élève à plus de 6 000 items et alimente une trentaine de boutiques à travers le Québec. Pour Pascale Clauzier, être éthique, c’est «véhiculer un message positif, travailler avec des organismes d’insertion, utiliser du coton biologique, donner 2% des ventes à des organismes à but non lucratif et faire preuve de transparence dans la gestion de son entreprise». Même si la marque Oöm semble être une belle réussite, tout est loin d’être facile. «On travaille de très longues heures, et il est parfois difficile d’avoir les idées claires lorsqu’on est sous pression. Par contre, c’est tellement plus agréable de négocier avec un organisme d’insertion! Le contact est plus humain.» Les entrepreneurs sociaux doivent souvent concilier l’aspect entrepreneurial et la mission sociale de leur entreprise. «Il faut avoir un bon sens des affaires, doublé d’un sens de la gestion, sans pour autant négliger l’aspect social», constate Pascale Clauzier. Et lorsqu’on est pris dans un tourbillon, il n’existe, d’après elle, qu’une seule solution pour garder sa motivation: «Revenir à la base et se demander pourquoi on fait ce travail.»
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La mode éthique défile et s’enseigne Aujourd’hui, après avoir intégré le marché de la vente au détail, la mode éthique, à l’instar des grandes marques, présentent ses propres défilés de mode.
Défilé de La Gaillarde au festival Vert-à-Porter Durant la deuxième édition du Salon national de l’environnement, en mai 2007, les griffes québécoises éthiques ont présenté leurs dernières créations. On a ainsi pu découvrir les marques On & On, Rachel F., 88 Queen st., MolyKulte, Posch, Oöm, Véronique Miljkovitch et Pascal Douville. Glamour, paillettes et photographes de mode étaient au rendez-vous!
Montréal. Et même si un kilo de coton biologique coûte 65 cents, soit deux fois plus cher que le coton traditionnel, six designers québécois ont déjà décidé de tailler leur griffe dedans. Après les boutiques et les défilés de mode, la mode éthique gagne à présent le milieu de l’enseignement. Le collège LaSalle enseigne actuellement à ses élèves comment utiliser de nouvelles matières, telles que le chanvre ou le bambou.
L’équitable, le biologique et le récupéré sont une plusvalue, et la tendance à l’éthique devient de plus en plus chic. American Apparel possède sa propre ligne de vêtements faits en coton biologique, et la compagnie Roots a choisi de neutraliser le CO2 qu’elle émet durant le transport de ses produits en s’engageant dans des projets de restauration forestière.
Comme le café équitable, le vêtement éthique est cependant une goutte d’eau dans une énorme industrie. Durant la dernière Semaine de la mode qui se tenait à Montréal, aucune marque éthique ne défilait aux côtés des designers les plus connus du Québec. Comme quoi les mentalités, ça se change...
... un t-shirt à la fois !
Enfin, grâce à la nouvelle coopérative de solidarité FibrEthik, le coton certifié équitable par Transfair Canada est à présent offert à
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L’idée est vieille comme le monde. Elle revient pourtant en force et s’affirme désormais comme un heureux doigt d’honneur au capitalisme sauvage. Rien ne se perd... tout se troque! Par Steve Proulx et Michel Fradette C’était en 2005. Maude Léonard et Véronique Castonguay, deux étudiantes au doctorat en psychologie communautaire à l’UQÀM, participaient à l’École d’été de l’Institut du Nouveau Monde. Comme les autres, elles avaient apporté leurs idées pour changer le monde et, en petits groupes, elles devaient réfléchir au thème de la consommation responsable. «On a constaté que les familles sont de plus en plus petites et que nos réseaux communautaires sont désertés, explique Maude Léonard, 27 ans. On a pensé à un moyen de tisser des liens d’entraide dans la communauté, notamment par le troc.»
Comment calcule-t-on la valeur d’un service ? En utilisant une donnée commune à tous : le temps. « À L’Accorderie, une heure de service donné équivaut à une heure de service à recevoir, peu importe le service ! » ajoute Stéphanie Jones. Le principe de L’Accorderie s’inspire des Systèmes d’Échanges Locaux (SEL), des réseaux répandus à travers le monde. Au Québec, les SEL BECS (Banque d’échanges communautaires de services) existent depuis 11 ans et comptent environ 300 membres. « Les SEL s’adressent aux gens qui sont exaspérés par le système capitaliste et qui s’intéressent aux valeurs humaines plutôt qu’aux valeurs monétaires », explique Valérie Choinière, présidente des SEL BECS.
C’est ainsi qu’est né Troc-tes-Trucs, une activité d’échanges et de rencontres dans une atmosphère conviviale, mise en place dans le quartier Villeray, à Montréal. Une fois tous les deux mois, les résidants du coin sont invités à venir troquer leurs trucs au centre Lajeunesse. Vêtements, meubles, jouets… Tout ce qui est en bon état est accepté!
Qui troque ? N’importe qui peut troquer. Mais on constate que certaines catégories de personnes semblent plus portées que d’autres sur la chose. « Parmi les membres de L’Accorderie, on trouve 60 % de femmes, dont plusieurs sont monoparentales, âgées de 26 à 35 ans ou de 45 à 55 ans », précise Stéphanie Jones. Du côté de Troc-tes-Trucs, il n’existe pas de troqueur type. « Il y a ceux qui sont conscientisés à la consommation responsable et ceux qui viennent par nécessité, dit Maude Léonard. Une femme nous a même déjà dit que Troc-tes-Trucs lui permettait de manger. C’est assez bouleversant d’entendre des choses comme ça!» Au sein des SEL BECS, Valérie Choinière note que les retraités sont plus nombreux que les familles à s’adonner au troc. «Les familles n’ont souvent pas le temps de s’investir dans un tel système. Par ailleurs, plusieurs de nos membres sont là pour offrir plutôt que pour recevoir...»
Un massage contre une coupe de cheveux Troc-tes-Truc n’est pas la seule initiative du genre au Québec. Depuis 2002, dans le quartier Saint-Roch, à Québec, le collectif L’Accorderie lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale grâce à un réseau d’échange de services. L’initiative se veut une réponse à la dégradation des conditions de vie dans ce quartier défavorisé de la Vieille Capitale. «À cause de l’embourgeoisement du quartier, les gens subissent de grosses augmentations de loyer, raconte Stéphanie Jones, 29 ans, engagée dans L’Accorderie depuis 2 ans. Et nous savons que le premier poste budgétaire où les gens coupent dans une telle situation, c’est la nourriture. La Fondation Saint-Roch a donc voulu mettre en place un groupe d’achat grâce auquel les gens pourraient se procurer des denrées en grande quantité, à moindre coût. La Caisse d’économie solidaire Desjardins s’est par la suite jumelée à ce projet afin de démarrer un système de crédit solidaire (un microcrédit basé sur la confiance, qui s’adresse aux personnes défavorisées exclues du système bancaire). Les deux projets ont finalement fusionné pour former L’Accorderie.»
Tous au troc ! On peut bien rêver, le troc ne remplacera jamais l’argent. «La monnaie ne deviendra pas obsolète, soutient Stéphanie Jones, même si ce système détériore les rapports humains.» Le troc, cependant, tisse des liens entre les membres d’une même communauté. «Les gens ont le goût de ralentir, de revenir à des valeurs humaines», explique Valérie Choinière. Et c’est bien ce que fait le troc, en nous rappelant qu’un échange commercial est d’abord et avant tout un rapport entre un humain et un autre humain...
Par le biais de ce système d’échange de services individuels qui compte aujourd’hui quelque 450 membres, les participants peuvent troquer leurs compétences contre des bons de temps – la monnaie sociale –, qu’ils peuvent ensuite utiliser pour «acheter» les services dont ils ont besoin. «Par exemple, je peux installer un logiciel antivirus chez quelqu’un et recevoir une coupe de cheveux en retour, ou encore des leçons de tricot, dit Stéphanie Jones. Les gens participent afin de contribuer à la société et d’offrir aux autres ce qu’ils aiment faire.»
Maude Léonard et Véronique Castonguay
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Troc-tes-Trucs : la recette du succès es-Trucs ne se ens tel que Troc-t bi de e ng ha éc d’ atre projet nisation! Voici qu Mettre sur pied un ssion... et d’orga pa de se do e nn Ma bo cs, ude fait pas sans une e de Troc-tes-Tru ric at nd fo co la n ès, selo facteurs de succ Léonard.
Troc autour du monde Un peu partout da ns le monde, on redécouvre les vertus de l’échange. En Argentine, alor s qu’une crise économique a pl ongé des millions de personne s dans la pauvreté, 20 % de la population vit désormais du troc , grâce à un système économ ique parallèle, où la monnaie n’ex iste pas. Selon les chiffres du Red Global de Trueque, le plus important réseau de troc en Arge ntine, ces échang es représenteraient des transactions annuelles d’une vale ur de 20 millions de do lla rs ! Plus au Nord, le go uvernement véné zu él ie n d’Hugo Chávez a conclu en mars 2006 un accord de troc av l’Uruguay. Selon ec cet échange, le Ve nezuela fournit du l’Uruguay et l’U pétrole à ruguay achemine 12 000 maisons Venezuela. Par ai préfabriquées au lleurs, plusieurs systèmes d’échang depuis longtemps e locaux existent au Canada, aux États-Unis, en Fr Amérique latine et ance, au Japon, ailleurs. Bref, le tr en oc est pétant de sa nté!
s alliés t donc de 1. Trouver de première étape es est important. La
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ce es déjà en pla rc u o ss re forts coms le r qui nuirait aux ef 2. Cerne es ng ha éc d’ e ic serv s.
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Récupérer, c’est Logique ! Grâce au Consortium Écho-Logique, des milliers de verres, de cannettes et de programmes de spectacles ne finissent pas à la poubelle... et rapportent des bénéfices! Par Anick Perreault-Labelle Le Consortium Écho-Logique est le seul organisme québécois spécialisé dans la récupération des matières recyclables lors de grands événements publics comme le Festival international de jazz de Montréal (FIJM). En donnant une deuxième vie aux verres, aux cannettes et aux programmes usagés de quelque 11 millions de festivaliers, l’organisme à but non lucratif a évité l’abattage de plus de 1100 arbres et l’exploitation d’environ 21 tonnes de pétrole brut en 2006. Le Consortium a aussi économisé assez d’énergie pour faire brûler une ampoule de 100 watts pendant près de 160 ans! Le directeur général d’ÉchoLogique, Stéphane Leclerc, veut se rendre utile à la collectivité: «Pour l’instant, l’action environnementale me semble être des plus pressantes... On va mourir si on ne peut plus respirer l’air ni boire l’eau!»
dollars, emploie une trentaine de permanents et recrute quelque 200 bénévoles chaque été! «On a répondu à un besoin: les citoyens ont envie de faire leur part pour l’environnement, note Stéphane Leclerc, un entrepreneur social de 30 ans. À preuve, la proportion de contaminants dans nos bacs, c’est-à-dire les matières qui ne devraient pas s’y retrouver, est passée depuis nos débuts de 35% à moins de 10%.» L’entreprise a commencé par offrir gratuitement ses services aux organisateurs d’événements. «On voulait leur prouver qu’on était capables de gérer leurs matières résiduelles», explique ce passionné de camping et de canot. Maintenant, l’organisme n’assume plus que 40% de la facture, en collaboration avec ses partenaires, dont la Société des alcools du Québec, Recyc-Québec et Boissons Gazeuses Environnement. Les organisateurs paient le reste. La prochaine étape consiste à diminuer les déchets à la source. «Pour fabriquer leurs verres, les embouteilleurs utilisent un plastique très difficile à recycler. Je leur ai donc proposé de choisir un autre type de résine», poursuit Stéphane Leclerc. Sa suggestion a été bien reçue: «Ils n’ont pas le choix de m’écouter... S’ils ne font rien, ce sont les politiciens qui vont leur imposer un changement!» rappelle-t-il.
En 2002, le FIJM a été le premier client de Stéphane, ancien étudiant de l’Université de Montréal. Quatre ans plus tard, en 2006, ce n’est pas moins de 60 événements qui ont fait appel à l’organisme, du Grand Prix du Canada de Montréal au Bal de Neige de Gatineau, en passant par les Fêtes de la NouvelleFrance SAQ de Québec. Écho-Logique brasse désormais plus d’un million de
Pour réussir une telle aventure, l’essentiel est de ne pas avoir peur. « Le contraire de la vie, ce n’est pas la mort ; c’est la peur et le refus de s’adapter au changement », explique Stéphane Leclerc. Quiconque veut verdir la planète a aussi intérêt à être patient. « Il faudra du temps avant que tout le monde prenne le virage environnemental. On ne change pas de mentalité ou de comportement du jour au lendemain! » L’important, c’est que grâce à ÉchoLogique – et d’autres organismes –, on finira bien un jour par changer !
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< Judy Servay
La fourchette
Photo : Olivier Hanigan
Diriger une entreprise tout en s’engageant dans sa collectivité, voilà le défi qu’ont relevé des restaurateurs nouveau genre. Chacun à leur façon, ils contribuent activement au bien-être de leur communauté tout en charmant le palais de leurs clients.
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Robin des Bois à l’assaut du Plateau-Mont-Royal Il n’y a qu’un seul restaurant à Montréal où vous verrez un acteur ou une actrice québécois prendre votre commande: le Robin des Bois, sur le boulevard Saint-Laurent. Par Valérie Besson Fondé par Judy Servay en 2006, Robin des Bois est un parfait exemple d’entreprise sociale qui influence son environnement. L’idée d’un resto bienfaiteur a pris racine dans l’identification d’un besoin. «Je me rendais compte que plusieurs personnes voulaient aider les plus démunis, mais sans se trouver en contact direct avec la misère», déclare la fondatrice. À l’époque, cette ancienne productrice de films préparait déjà bénévolement des repas de Noël pour L’Accueil Bonneau. Elle a alors eu l’idée de démarrer un restaurant dont les profits seraient redistribués à des organismes de bienfaisance et dont le service serait assuré par des bénévoles. «Sans la moindre expérience en restauration, mais armée d’une bonne dose de naïveté», la restauratrice en herbe a ouvert son Robin des Bois.
Un an après l’ouverture, sans profiter de la moindre subvention et en redistribuant ses bénéfices à six organismes, le Robin des Bois peut s’enorgueillir de n’avoir aucune dette. L’endroit est même devenu très in, tout en gardant sa simplicité de départ.
L’idée est novatrice, et les médias s’en sont emparés aussitôt, lui offrant du même coup une immense visibilité. Des acteurs se sont joint à la cause, et Patrice Coquereau en est le plus récent porte-parole.
Comment expliquer une telle réussite? «Ça prend une bonne dose de naïveté et, surtout, un excellent réseau… Ce que j’avais!» lance Judy Servay.
Les prix sont ceux d’un restaurant de quartier (de 15 à 20$ pour un plat). D’après les critiques, la table est bonne sans être gastronomique, la carte des vins, très correcte, et les desserts seraient le point fort du resto. Quant au service, assuré en partie par des bénévoles, des impairs sont parfois commis, mais la clientèle est tolérante.
engagée Au-delà de l’aide financière qu’offre le restaurant aux organismes de charité Le Chaînon et Le Refuge, voisins de quartier du Robin, Judy Servay considère qu’elle crée des liens avec la communauté et des occasions d’entraide. «Tous les commerces voisins nous aident, déclare-t-elle. Nous le leur rendons en nous approvisionnant, par exemple, à la fruiterie du coin. Et même si le milieu de la restauration est extrêmement concurrentiel, je ne considère pas les autres restaurants comme des compétiteurs.» Une autre façon de créer des liens a été le bénévolat : «Dans mon équipe, j’ai environ 50% de bénévoles et 50% d’employés car, après 22h, il est bien difficile de garder ses bénévoles», souligne Judy Servay.
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Dans la cuisine du Santropol Roulant
Un pilier du quartier L’un des pionniers dans l’engagement communautaire à Montréal est sans conteste le Santropol Roulant. En 1995, deux jeunes anglophones, Chris Godsall et Keith Fitzpatrick, tous deux serveurs au café Santropol, ont l’idée de créer un service de popote roulante. Rapidement, des jeunes sans emploi se mettent à livrer en vélo des repas à des aînés isolés ou en perte d’autonomie. Douze ans plus tard, les chiffres parlent: 150 bénévoles, une douzaine d’employés, la distribution de 90 repas par jour, et ce, six jours par semaine durant toute l’année. Le Santropol Roulant reçoit des subventions, mais il fonctionne surtout par autofinancement.
tels que « Le lien entre la fragilité de la terre et celle des êtres humains ». D’après Jane Rabinowicz, l’ambiance est magique et les conversations vont bon train. Et pour diversifier encore plus ses activités et obtenir des subventions, le Santropol Roulant a fondé une friperie en 2005 ainsi qu’un atelier de réparation de vélos ouvert au public.
Pour alimenter la popote roulante du Santropol, chaque matin, quatre bénévoles encadrés d’un cuisinier préparent une centaine de repas, vendus au prix de 3,50 $. L’ambiance est jeune, décontractée; la solidarité et la fraternité sont palpables autour des fourneaux. Les tâches sont distribuées, et pendant trois heures, les nouveaux ne cessent de demander aux habitués où se trouvent casseroles et ustensiles. Tous cuisinent ensemble en discutant philosophie! Puis, la journée se poursuit avec le ballet constant des équipes volantes, qui livrent les repas dans la ville de Montréal.
Élana Ludman, directrice des communications du Santropol Roulant, considère que toutes ces activités font partie de leur mission. «Le plus important est d’être à l’écoute de la communauté tout en nous assurant qu’en retour les personnes de cette communauté participent à nos activités», explique-t-elle. Jane Rabinowicz considère son organisme comme une entreprise à mission sociale. « Une entreprise normale innove pour augmenter ses profits, accroître sa part de marché. Nous, nous innovons pour répondre à des besoins sociaux », conclut-elle.
Depuis quelques années, l’organisme produit également des légumes, grâce à son projet de jardins sur les toits, et enseigne comment devenir autosuffisant sur le plan alimentaire et transformer son balcon en potager, dans le cadre d’ateliers ouverts au public. En partenariat avec l’organisme Alternatives, une équipe a démarré une production de légumes sur le toit de l’édifice de la Téluq, rue Henri-Julien.
Un café qui réconforte Ailleurs au Québec, des initiatives de solidarité communautaire voient aussi le jour. Claudia Beauchamp, coordinatrice de la buanderie-café-Internet Le Bucafin, située à Trois-Rivières, raconte: «En 2003, des groupes communautaires ont commencé une enquête dans les quartiers défavorisés pour évaluer les besoins de la population locale. Les résultats ont montré qu’elle manquait d’accès à Internet, à des buanderies et à des cafés.» Ils ont donc décidé d’ouvrir Le Bucafin, qui offre aujourd’hui, en plus de l’accès à Internet et des services de buanderie, des activités artistiques et des spectacles de musique à des prix minimes. «L’objectif, poursuit-elle, est de rendre la culture accessible à l’ensemble de la population.»
Une popote intergénérationnelle Devant le constat qu’en milieu urbain les générations tendent à s’éloigner les unes des autres, l’organisme développe un nouveau programme pour aider les personnes âgées à participer à la vie de leur communauté, et à créer un dialogue avec les plus jeunes et les différentes communautés culturelles.
L’aventure n’a pas été de tout repos pour les entrepreneurs du Bucafin. «L’entrepreneuriat social est tout un défi, car il faut à la fois rester en accord avec nos valeurs et assurer la rentabilité de l’entreprise, ce qui n’est pas facile. Il faut toujours faire beaucoup avec peu de moyens. On est devenu des professionnels du tricot!» plaisante Claudia Beauchamp.
Jane Rabinowicz, directrice du Santropol Roulant, explique : « Notre société a créé des “boites générationnelles”. Il y a d’un côté les maisons de retraite, et de l’autre, les universités. Les générations ont peu d’occasions de se croiser. » Des soirées de discussion ont donc été organisées sur des thèmes
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Une entrevue avec Muhammad Yunus, Prix Nobel de la paix
Le banquier des pauvres Muhammad Yunus a fondé la Grameen Bank en 1970, une banque misant sur le pouvoir de la microfinance au service des plus démunis au Bangladesh. Mais la Grameen Bank a également créé plus d’une vingtaine d’autres projets, contribuant ainsi à réduire considérablement la pauvreté. Depuis sa création, l’espérance de vie a augmenté de plus de 20 ans et on estime que 200 000 membres de la Banque Grameen et leur famille échappent chaque année à la pauvreté.
> Monsieur Yunus, pourquoi avoir choisi les pauvres comme bénéficiaires de l’investissement ? Les personnes démunies sont victimes du système. Et ce système est constitué d’institutions, de politiques et d’une certaine vision du monde. Mon but est de créer des institutions ouvertes et accessibles aux plus démunis, qui leur permettent de créer une activité rentable. > Comment votre banque demeure-t-elle une activité lucrative ? L’entreprise capitaliste a toujours été considérée comme un moyen de s’enrichir, et tout le système repose sur cette idée, avec laquelle je ne suis d’ailleurs pas Muhammad Yunus d’accord. Il n’a jamais été dit que la création d’entreprises ne devait servir qu’à s’enrichir. On peut créer d’autres formes d’institutions, destinées à aider les gens, des institutions qui s’efforcent de couvrir leurs coûts afin de continuer à exister, mais qui n’ont pas pour but de maximiser leurs profits. On pourrait les décrire comme des entreprises sociales autofinancées. Celles-ci ont un caractère plus commercial que les organismes à but non lucratif : elles créent du capital, couvrent leurs coûts, continuent à exister, et elles ont des objectifs sociaux. > Comment mesure-t-on la réussite d’une entreprise sociale ? Actuellement, on entend certains entrepreneurs dire qu’ils souhaiteraient contribuer davantage au bien-être des gens et de la société. C’est ce qu’on appelle parfois des entrepreneurs socialement responsables. Ils prennent de bonnes initiatives, mais je reste un peu sceptique… Sur un terrain commercial traditionnel, on peut faire des efforts, mais jusqu’à un certain point. Si l’on est audacieux, on peut même aller un peu plus loin. Mais on reste toujours limité par le principe de l’entreprise : la maximisation du profit. Même si vous êtes chef d’entreprise et que vous voulez agir socialement, vos investisseurs veulent des bénéfices, donc vous avez toujours pieds et poings liés. C’est l’application d’un système, vous ne pouvez pas en sortir! Il est évident que nous avons besoin d’un système différent et de nouveaux points de repère pour en exploiter tout le potentiel. C’est là qu’intervient l’esprit d’entreprise sociale. Vous n’êtes plus jugé selon les méthodes d’évaluation classiques, vous pouvez créer votre propre échelle de mesure.
gramme de santé et fournir des soins avec les fonds de donateurs. Mais il faut beaucoup de temps pour recueillir de nouveaux dons. Alors pourquoi ne pas demander une petite commission pour votre service? Cela ne couvrira pas toutes vos dépenses, mais au moins vous récupérerez un peu d’argent. Ensuite, pour obtenir tous les fonds nécessaires, vous pouvez peut-être développer davantage votre activité. En plus des pauvres, vous pourriez vous adresser aux riches. Et vous ferez des bénéfices avec les clients riches afin de subventionner des projets destinés aux pauvres. À la fin, vous couvrirez vos dépenses. Ça, c’est la première façon de faire: une subvention croisée. Il y a une deuxième méthode: vous êtes un entrepreneur traditionnel et vous faites beaucoup d’argent. Vous avez une entreprise très concurrentielle. Un jour, vous réalisez que vous pourriez aussi vous lancer dans un projet qui vous tient à cœur. Dans ce cas, l’entrepreneur peut avoir deux casquettes: il peut être un chef d’entreprise classique et jouer en même temps un rôle social. > Pourquoi avoir choisi d’œuvrer dans le domaine du microcrédit ? Dans un monde qui fonctionne grâce à l’argent, vous ne pouvez gagner un dollar sans avoir déjà un dollar dans votre poche. Et pour gagner ce dollar, vous avez besoin d’un dollar. Personne ne donne le premier dollar aux pauvres qui leur permettrait de gagner le prochain dollar. Le point de départ manque. Les banques se défendent en affirmant que les pauvres ne sont pas dignes d’obtenir du crédit. Voilà pourquoi elles ne leur prêtent pas d’argent. Nous avons démontré que ces personnes sont dignes d’accéder au crédit. Il n’y a aucune excuse pour ne pas leur prêter d’argent. Je considère le crédit comme un droit humain fondamental et j’ai insisté pour qu’il soit formellement adopté comme tel. Les droits de l’homme déjà reconnus sont le droit à la nourriture, le droit à un logement, le droit à la santé et le droit à l’éducation. Comment faire en sorte que ces droits soient respectés? En garantissant le droit le plus important: le droit au crédit. Parce que c’est là où tout débute.
> Quelles sont les différents types d’entreprises sociales ? On peut démarrer une activité économique sociale principalement de deux façons. Vous pouvez, par exemple, déjà faire partie d’une ONG, mener un pro-
Extrait d’une entrevue réalisée par la Fondation Ashoka www.ashoka.org
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Un coup d’œil sur le monde Par Juliette Hérivault
Un coup de pouce pour les banlieues L’écoparc de Kalundborg : quand industrie rime avec écologie l, c’est possiystème nature os éc un d’ e oparc de riel à l’imag paraître, l’éc se is pu Un site indust la ce opération zarre que fi. Grâce à la co dé le ble ? Aussi bi vé le llere a Danemark, iative a nature Kalundborg, au idées ingénieuses, cette init l’ » dans une des e industrielle os bi m des usines et à sy « e issance à un s du Danemark. ment donné na nes industrielle zo s le pa ci in des pr ent des sousparc s’échang du s te si uf l’impact envisimple : les ne s et de réduire ie om Le modèle est on éc s nt en branle réaliser de l, 23 projets so ta to Au produits afin de . on et réuti leur produc er de l’énergie ronnemental de lisation de l’eau, économis at nsomm ion de l’uti obants : la co pr nt pour optimiser so s at lt pse de 200 000 ets. Les résu r an, celle du gy pa a es tiliser les déch nn to 0 10 ans, ce qui upée de 20 00 sé de 25 % en is t ba fe a pétrole est co u ef à ea z d’ et de ga nsommation on de déchets ti uc od tonnes et la co pr la r indéniable su une incidence , de serre. rnières années epuis les 30 de D ? s ire év ai e ni ut cu to De s avantages pé ions d’euros. Et que dire de més à 84 mill ti es. L’intérêt es nt nt ya so pa ts en ent être uv pe s les investissem ue iq s encourager à atiques écolog moteur pour le de rt se dence, les pr se ri nement. Car le chaque entrep nir de l’environ ve l’a ur économique de po ts s R, si importan e, réutiliser et recycler. suivre les troi duir en celui-là : ré lprincipe est bi ication bien ca t d’une planif s ui fr oi tr le s s le pa t nt pendan t n’est pourta petit à petit es aié di pl le ti Ce partenaria ul nt m so iatives se sont n naturelle. Ce culée. Les init t une évolutio et novateur an oj iv pr su ce en de s, nnie i ont fait qu ve ti cette ac dernières déce on ti ents acteurs, ér collabora ff la di s et le nt e ta tr ns logue co confiance en surée. Sans la le jour. une réussite as ment jamais vu re sû it ra au n’ mbiose symbiose modèle de sy ce , es né an e dizaine d’ usieurs autres ple depuis un ables dans pl borg et Montré en exem pris par des projets sembl et de Kalund oj re pr é du ét s a er le essus pionni industriel ouvoir ce proc sen, l’un des om en pr st à ri lle Ch ai en av te, tr monde pays. Jorg industriels du le officiel du si s ro le pa ez ech rt it po i pr ment le t d’es aujourd’hu titue certaine un changemen ns r te co ci el in ri à st du et e in notre d’échange odeler le systèm durable et la sauvegarde de m re de ée id e entier. Cett ppement plus pour un dévelo chemin à suivre t. environnemen
de la trentaine, reneuriat dans le sang. À l’aube Abdellah Aboulharjan a l’entrep s. rise rocaine a déjà lancé trois entrep ce jeune Français d’origine ma France (JEF), une lle Jeunes entrepreneurs de Son quatrième projet s’appe repreneurial aux ner un coup de pouce ent association qui vise à don sible de Paris. sen ntes-la-Jolie, une banlieue jeunes de 18 à 35 ans de Ma a eu l’idée de personnelle qu’Aboulharjan C’est grâce à son expérience Val-Fourré, au ues, en 2002. En grandissant fonder JEF, avec deux collèg tien de sa sou le a-Jolie, il a souvent eu un point chaud de Mantes-l es grâce idé ses r ntreprise. Il a pu concrétise parenté pour ses projets d’e t d’un ien éfic bén t pas tous les jeunes qui à l’entraide. Mais ce ne son nd ils qua t tou des outils nécessaires, sur réseau familial solide et les. habitent des quartiers sensib
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créée L’association JEF a donc été donner pour combler ce manque et s en eur ren rep ent des à confiance ves cti spe per les t herbe don es. d’avenir sont souvent limité er, La devise de JEF : sensibilis En r. ppe elo dév et ner accompag amp cco d’a e dèl mo suivant un nes jeu les rs, pai les gnement par seils con les et pui l’ap reçoivent ls pour d’entrepreneurs professionne ? L’intégrabâtir leur projet. Les résultats ation d’emplois, la tion professionnelle, la cré d’accomet, surtout, un sentiment revalorisation des quartiers à bien, né me me si leur projet n’est pas plissement. Par ailleurs, mê é des tiss et t tâté de l’entrepreneuria les jeunes participants ont ce. rien sonnes-ressources d’expé liens importants avec des per de l’assos les voiles. Depuis les débuts Aujourd’hui, JEF a le vent dan rantaine qua ncée par Ashoka France, une ciation, qui est en partie fina . Après nés pag mi les 250 projets accom d’entreprises ont vu le jour par llera sta s’in JEF ennes en Île-de-France, s l’ouverture de deux autres ant dan ion ans et espère continuer son exp prochainement à Strasbourg le reste du pays.
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La population de Saint-Camille est plus jeune que la moyenne québécoise.
Saint-Camille: un village à contre-courant À Saint-Camille, l’entrepreneuriat social est bien plus qu’une mode: c’est un mode de vie! Les projets communautaires et les coopératives s’y multiplient à grande vitesse, transformant le village en véritable laboratoire citoyen. Par Léonore Pion Qui dit mieux? Ces bons résultats ne sont pas le fruit du hasard, mais celui d’un effort constant mené depuis maintenant 20 ans.
Depuis que, l’année dernière, Le monde diplomatique s’est intéressé au cas de Saint-Camille, ce petit bourg de 450 habitants situé dans les Cantons-de-l’Est est cité en exemple comme endroit où il fait très, très bon vivre. Le secret de la dolce vita made in Saint-Camille n’est pas à chercher dans son climat ou sa campagne (très belle, au demeurant), mais dans l’impressionnante quantité d’initiatives qui ont transformé l’endroit en paradis communautaire.
Tout commence à la fin des années 1980 sous l’impulsion de quelques personnalités locales, toutes préoccupées par la dévitalisation progressive du village. Après avoir mis en commun quelques milliers de dollars et constitué le Groupe du coin, elles rachètent un bâtiment promis à l’abandon: l’ex-magasin général du village. L’endroit est rapidement transformé en coopérative culturelle et communautaire : Le P’tit Bonheur. Le succès est au rendez-vous. Dans la salle de spectacles défilent les plus grands chansonniers de la Belle Province, attirant ainsi un public nombreux. Mais Le P’tit Bonheur, c’est aussi un lieu de rencontre : pour la popote roulante du mardi, pour la pizza du vendredi, pour le café matinal, pour le cours d’éthique (crédité par l’Université de Sherbrooke!) ou encore pour les expositions qui y sont organisées.
À première vue, rien ne distingue le village de son voisin : la mairie, l’église, l’école, tous les incontournables du banal village sont au rendez-vous. Alors, quoi ? En quelques chiffres1, Saint-Camille, c’est : 1. Un taux de chômage inférieur à la moyenne québécoise (3,9% contre 8,2% en 2001) 2. Une population plus jeune que dans le reste de la province (ici, plus de 30% de la population a entre 25 et 35 ans) 3. Un taux de bénévolat atteignant presque 50% de la population 4. Presque un quart du village, soit environ 90 enfants, est scolarisé sur place
«Parce que c’est un projet qui fonctionne, Le P’tit Bonheur a installé un climat de confiance et a servi de projet porte d’entrée, explique Sylvain Laroche, son 1.Profil de Saint-Camille établi en 2001 par Statistique Canada.
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président et membre fondateur. Grâce à notre action, les habitants de SaintCamille ont découvert la force que peut avoir la société civile, mais aussi le plaisir d’être créatifs et de mener des projets ensemble.» Et en effet, dans le sillage du P’tit Bonheur, des projets se montent et de nouvelles structures voient le jour. Les initiatives sont d’ailleurs si nombreuses qu’on a du mal à en tenir le compte! Parmi les plus importantes, citons La Corvée, une coopérative d’habitation destinée aux aînés (voir encadré), ou La Clé des Champs, une coopérative d’agriculture nourricière dont les produits (bios, naturellement) sont destinés d’abord et avant tout au marché local.
C’est sans compter les petits nouveaux, comme la toute jeune coopérative visant à relancer l’activité d’un moulin à scie ou encore le projet du rang 13, dont les terres, propriétés de la municipalité, ne sont vendues qu’à des personnes s’engageant à y développer une petite exploitation agricole. Et justement, une famille de cinq vient tout juste de s’y établir. «Notre objectif, souligne Sylvain Laroche, c’est que la population de Saint-Camille augmente de 10% en 10 ans. On est encore loin du compte, mais je reste optimiste. On vit dans une communauté qui valorise le partage, la confiance, le droit à l’erreur, l’entraide et la sollicitude, et ça, ça attire du beau monde!».
Une Corvée pas si pénible…
L’homme-orchestre
Adieu, maison de retraite anonyme… vive La Corvée ! Cette coopérative d’habitation et de solidarité, qui accueille depuis l’an 2000 une dizaine de personnes âgées, a tout pour plaire : en plus de leur fournir un logement peu dispendieux, la coop est dotée d’une clinique de santé, de jardins communautaires, d’aires de repos, d’une cuisine collective et d’une salle de rencontre. « Quand on a imaginé le projet, on a rêvé grand, explique Joanne Gardner, la directrice et fondatrice de La Corvée. Moi, je suis une passionnée de jardins, alors j’imaginais forcément un environnement agréable, plein de fleurs, un endroit duquel je pourrais dire : “J’aimerais ça, vivre ici !” Notre objectif, c’est d’encourager les aînés à rester autonomes. On les pousse à sortir, à faire leurs repas, à participer à la vie de la coop. Les mardis, par exemple, on se retrouve tous pour un “café rencontre” ; on organise aussi des feux de joie, on va à la cabane à sucre, on fête les anniversaires, on joue à la pétanque. Et on fait partie intégrante du village : La Corvée n’est pas un milieu fermé. Les aînés participent à des ateliers de cuisine et à la popote roulante du P’tit Bonheur. Ils mènent aussi des projets avec les élèves de l’école… qui sont d’ailleurs toujours les bienvenus chez nous ! » En 2002, La Corvée a reçu le prix Ruralité et, en 2004, celui de l’Association pour la santé publique du Québec. On ne se demande pas pourquoi...
À 46 ans, Sylvain Laroche, le président du P’tit Bonheur, fait partie des célébrités de Saint-Camille. Natif du village, il est revenu s’y installer voici maintenant 26 ans et il n’a pas l’intention d’en repartir. Rassembleurné et médiateur hors pair selon certains de ses collaborateurs, il part au combat chaque fois qu’il y a une communauté « comprenante et apprenante » à construire. Du rang 13 au développement du portail Web de la MRC (www.messources.org) en passant par l’accueil des nouveaux arrivants ou par la participation à une étude sur l’entrepreneuriat social, Sylvain Laroche est sur tous les fronts. Sa formule magique pour réussir : « Être créatif, ensemble. » La communication fait partie de ses nouveaux chevaux de bataille : « Saint-Camille dispose déjà d’outils de communication efficaces (le babillard communautaire et le bulletin Mon village). Mais maintenant, grâce aux technologies de l’information, on peut aller beaucoup plus loin. Il faut brancher la campagne sur les outils du siècle ! » La revitalisation rurale semble bien avoir trouvé son prophète…
Photo : Chantal Labonté
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En quoi la mise sur pied et la gestion d’une entreprise sociale diffèrent-elles de celles d’une entreprise traditionnelle? En quoi ces deux modèles sont-ils similaires? Quelles sont les erreurs à éviter, les bonnes idées à reprendre? Nous avons abordé ces questions avec les dirigeants de quatre organismes qui, à bien des égards, peuvent servir d’exemple aux entrepreneurs sociaux en herbe: le journal L’Itinéraire, la Tohu, l’organisme Petites-Mains et le technopôle Angus. Par Nicolas Langelier
Nahid Aboumansour
Les défis des entrepreneurs sociaux
Photo : Olivier Hanigan
Portraits de défricheurs
«Donne un poisson à un homme, dit le proverbe, et il mangera un jour. Apprends-lui à pêcher, il mangera toute sa vie.» C’est cette philosophie qui semble avoir guidé Petites-Mains depuis plus de 13 ans. Ce qui était au départ un comptoir d’aide alimentaire pour les familles démunies du quartier montréalais Côte-des-Neiges est devenu, en 1994, un organisme à but non lucratif à vocation régionale œuvrant dans le domaine de la couture industrielle. L’objectif de Petites-Mains: aider des femmes, surtout des immigrantes, monoparentales ou assistées sociales, à apprendre un métier afin de leur permettre de vaincre l’isolement et de gagner dignement leur vie.
Quand s’est présentée l’occasion de changer la vocation du comptoir alimentaire, en 1992, la décision aurait pu être prise par ses dirigeantes, en fonction de leur instinct, de leurs intérêts ou même des subventions disponibles. Elles ont plutôt choisi de consulter les premières concernées: les femmes qui fréquentaient chaque semaine le comptoir. S’est alors mis en marche un long processus (qui a duré un an et demi!) de consultation et de discussion. «On voulait qu’elles s’impliquent, qu’elles soient parties prenantes de ce projet, raconte Nahid Aboumansour, directrice générale et cofondatrice de PetitesMains. Qu’est-ce qu’elles voulaient? De quoi avaient-elles besoin? On ne voulait pas décider à leur place.» Ce n’est qu’après de nombreuses réunions que l’activité de l’organisme a été choisie: ç’a été la couture, parce que cela répondait le mieux aux besoins des femmes. Plus tard, une étude de marché est venue confirmer la viabilité économique de ce choix.
Membre du Collectif des entreprises d’insertion du Québec, Petites-Mains est un bel exemple de réussite: on ne compte plus le nombre de femmes souvent parties de très loin, tant au sens figuré que géographique, et dont l’existence a été radicalement améliorée grâce à un passage par cet atelier. Cet été, Petites-Mains a emménagé dans ses tout nouveaux locaux, deux fois plus spacieux, dans un immeuble dont l’organisme est propriétaire!
La directrice générale est convaincue que l’écoute active des utilisatrices de l’organisme est la clé du succès de Petites-Mains. «Ce qui fait qu’un projet réussit et dure, c’est qu’il répond aux besoins des gens, plutôt qu’à ceux des entrepreneurs!» Hier pour le choix de la couture, aujourd’hui pour ceux de la francisation, de la sérigraphie ou de la vente au détail, la consultation a toujours été et reste de mise.
L’inspiration et la vision de Nahid Aboumansour
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la consultation constante? « Pour les projets en tant que tels, je ne peux pas vous dire aujourd’hui ceux qui nous occuperont dans trois ans. S’il y a un besoin qui se manifeste d’ici là, on va s’arranger pour y répondre. La planification se fait en fonction des grandes orientations de l’organisme. »
Longue vue sur l’avenir Depuis le début, la planification à long terme est la philosophie qui oriente l’action de Petites-Mains : « Jamais on n’a pris nos décisions au jour le jour, en fonction des événements. On planifie les choses à l’avance, on a une vision. Sans cela, ce serait impossible de développer une entreprise à long terme », explique Nahid Aboumansour.
L’une de ces orientations, par exemple, est le fait que Petites-Mains est une entreprise équitable, grâce à sa mission, à ses conditions de travail, à ses fournitures, etc. L’organisme est ainsi l’un des membres fondateurs de FibrEthik (voir l’article en page 31), une coopérative de solidarité qui tente de développer le marché du coton équitable.
Par exemple, l’organisme a décidé dès 2002 qu’il déménagerait cinq ans plus tard, et que ce serait dans un immeuble dont il serait propriétaire. Mais comment concilier cette planification à long terme avec la flexibilité que nécessite
milieu du cirque, mais aussi dans le quartier.» À peine trois ans après l’inauguration des bâtiments, c’est chose faite. Comment la Tohu s’y est-elle prise? En écoutant! «C’est un projet qui a été influencé par beaucoup de monde, résume le directeur général. Il y a eu des consultations avec l’ensemble du milieu du cirque et auprès de beaucoup de représentants du domaine culturel, pour s’assurer qu’on n’entrait pas en compétition avec eux. Mais d’abord, il y a eu des discussions avec les gens du quartier, qui nous ont inspirés et aidés à donner cette identité propre à la Tohu. Le dialogue a été fondamental.»
La Tohu en symbiose avec son environnement Lorsqu’il a pris du temps dans son horaire chargé pour nous parler de la Tohu, Charles-Mathieu Brunelle revenait des États-Unis. L’organisme qu’il dirige et qu’il a cofondé avait eu l’honneur d’être le seul groupe québécois invité à une prestigieuse conférence organisée par la Maison-Blanche.
Tohu-bohu au quartier Saint-Michel! Depuis, la Tohu a fait bien du chemin. Son nom est désormais connu au-delà de Montréal, du Québec et même du Canada. La preuve, cette invitation à la conférence de la Maison-Blanche, où les discussions ont porté sur la justice sociale dans les trois Amériques. Que venait faire là un organisme voué au cirque? Certes, la Tohu a pour objectif de faire de Montréal une capitale du cirque, mais sa mission compte aussi deux autres volets: l’environnement et le développement du quartier Saint-Michel se sont rapidement ajoutés à l’objectif initial. Cette invitation est une preuve parmi tant d’autres de la réussite de la Tohu, un organisme créé en 1999 (qui s’appelait alors Cité des arts du cirque) afin de veiller à la réalisation de ce qui allait devenir un impressionnant complexe dédié à toutes les facettes du cirque: création, formation, production et diffusion. C’est au Complexe environnemental Saint-Michel (l’ex-carrière Miron) que la Tohu s’est établie, y construisant des bâtiments aussi écolos que l’ancien dépotoir était pollué!
Le volet environnemental découle de l’emplacement choisi, l’ancien dépotoir en réhabilitation. La Tohu est ainsi devenu le premier bâtiment québécois certifié LEED OR, une certification décernée par le Conseil du bâtiment durable du Canada, et l’organisme s’est alors imposé comme un modèle à suivre. Pour ce qui est du volet communautaire, il est venu d’une prise de conscience: il fallait que la Tohu ait un effet positif sur le quartier défavorisé où il s’implantait. «À l’étape de la planification, on s’est interrogés: “Qu’est-ce qu’on donne aux gens de cette communauté? Est-ce qu’on contribue à leur mieuxêtre? Est-ce qu’on reflète leurs préoccupations? Est-ce qu’on leur offre une opportunité?” Ces questions-là n’étaient pas communes pour un organisme culturel», rappelle le directeur-général. Un exemple concret de ce parti pris: les résidents du quartier ont un accès privilégié aux emplois offerts par la Tohu.
Aujourd’hui, la Tohu est si présente sur la scène culturelle qu’on a peine à imaginer comment on a pu s’en passer! Pour autant, l’organisme n’a pas eu une naissance facile. D’abord, il a été en bonne partie financé par le Cirque du Soleil (30 millions de dollars sur un budget total de 73 millions). Cela aurait pu heurter certaines sensibilités, sans compter que la Tohu risquait d’être perçue comme une simple filiale du Cirque. Ensuite, avec sa salle ultramoderne et polyvalente, la Tohu devenait un joueur de plus dans le très compétitif marché montréalais des salles de spectacles. Enfin, l’organisme, avec ses acrobates et ses millions, venait s’installer à Saint-Michel, le deuxième quartier le plus pauvre du Canada : comment la population locale allait-elle réagir ?
Une mission aussi large est-elle essentielle? Un organisme ne peut-il pas se contenter de jouer dans ses propres platesbandes ? M. Brunelle est catégorique : pour travailler à la construction d’un monde meilleur, il faut le faire sur plusieurs plans. «Je ne peux plus concevoir qu’un projet se fasse sans la rencontre de différents objectifs. Depuis l’ère industrielle, on fonctionnait en silo, mais ça me semble impossible aujourd’hui. Bien sûr, travailler à l’échelle globale, ça rend les choses plus complexes, mais il m’apparaît évident qu’on ne peut plus faire autrement.» La passion dans sa voix ne laisse aucun doute sur sa conviction.
Bref, il y a eu plusieurs obstacles: «On voulait se faire accepter, fait remarquer Charles-Mathieu Brunelle. Dans le paysage culturel montréalais, bien sûr, et dans le
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Cela commence bien sûr par le haut. «Être dans le domaine social ne dispense pas un organisme de la nécessité d’avoir à sa tête des développeurs, des entrepreneurs, dotés des mêmes qualités qu’un entrepreneur traditionnel: esprit d’initiative, leadership, capacité de réagir au quart de tour. J’ai vu beaucoup d’entreprises sociales fermer parce que leurs dirigeants n’avaient pas les compétences requises.»
La force d’une équipe, ou comment le Technopôle Angus est né En 1992, le Canadien Pacifique décide de fermer les ateliers Angus, cet énorme complexe industriel situé au cœur du quartier Rosemont. Pour celui-ci, touché par la récession et le déclin économique de l’Est de Montréal, c’est un coup dur de plus. Inaugurées en 1904, les shops ont déjà accueilli jusqu’à 12 000 travailleurs, mais cette époque est bien révolue. Parmi la population, le taux de chômage atteint les 20%.
La même attitude doit prévaloir pour le reste de l’équipe. Avec ce que cela implique en ce qui concerne les salaires, évidemment. «Du monde compétent, ça se paie! s’exclame le P.D.G. On est en affaires! Développer une entreprise seulement avec des gens qui font 28 000$ par an, ça ne marche pas. On ne peut pas se permettre d’engager juste des débutants…» Dès le départ, malgré les réticences des organismes subventionneurs, Christian Yaccarini s’est fait un point d’honneur d’offrir des conditions salariales similaires à celles que l’on trouve dans l’entreprise traditionnelle. Mais en excluant les options d’achat d’actions!
Que faire? Les décideurs locaux sont conscients que l’avenir de Rosemont est lié à ses immenses terrains. Mais le CP songe, de son côté, à y faire construire des maisons haut de gamme qui ne seraient naturellement pas destinées aux résidents du quartier. À la Corporation de Développement Économique et Communautaire (CDEC) Rosemont-Petite-Patrie, on propose plutôt de transformer une partie des terrains en parc industriel nouveau genre, soucieux du développement socio-économique et de la protection de l’environnement, où se côtoieraient l’entreprise privée et l’économie sociale. C’est finalement cette dernière idée qui est retenue. Porté en particulier par Christian Yaccarini, un jeune agent de concertation un peu flyé, le projet surmontera bien des obstacles au cours des années suivantes. Mais le 8 septembre 1998, la première pelletée de terre sera finalement soulevée.
Des poignées de mains précieuses Dans le milieu communautaire, les relations avec les gens d’affaires sont encore souvent très mal perçues. Est-ce par crainte que les façons de faire de ces derniers corrompent les nobles valeurs de l’entreprise sociale? Quoi qu’il en soit, cette réticence est encore trop répandue, déplore M. Yaccarini. À ses yeux, l’économie sociale est la première perdante de cette mentalité. L’un des facteurs-clés de la réussite d’une entreprise réside dans la solidité de son réseau. Christian Yaccarini donne l’exemple de son conseil d’administration, composé de gens d’affaires: «Nous avons un c.a. extraordinaire, dont le noyau est là depuis le début. Ç’a été un facteur de réussite énorme. Au départ, je n’avais aucune crédibilité, j’étais un “ti-cul”! Alors, quand j’allais rencontrer des hauts fonctionnaires et des politiciens, j’emmenais avec moi deux ou trois membres de mon c.a., qui, eux, les connaissaient. Ça m’a grandement aidé.»
Neuf ans plus tard, le Technopôle Angus est un éclatant succès: six bâtiments ultramodernes, une quarantaine d’entreprises locataires œuvrant à la fois dans les nouvelles technologies et dans la réinsertion sociale, plusieurs centaines d’emplois créés… Christian Yaccarini est aujourd’hui le président-directeur général de la Société de développement Angus (l’organisme à but non lucratif derrière le Technopôle) et il est très fier de son «bébé»: «Personne n’y croyait, à l’époque. Mais on est aujourd’hui le seul parc d’entreprises au Québec qui n’est pas subventionné à 100 %. C’est aussi le seul qui met en place des programmes de réinsertion, qui a un plan de transport durable et dont les bâtiments sont écologiques. Et on continue de se développer!»
Convaincus de la vision de Christian Yaccarini (et de ses talents de vendeur!), ces membres ont adhéré au projet et en sont devenus des porteurs indispensables. «Ils ont tout fait, rappelle en riant M. Yaccarini. Ils ont vendu de la bière, des gratteux, tout!»
Pour M. Yaccarini, tout est clair: la réussite ou l’échec d’une entreprise sociale dépend de la qualité de son équipe. « Le gros problème, en entrepreneuriat social, c’est trouver des gens compétents. Parce que démarrer une nouvelle entreprise, qu’elle soit sociale ou traditionnelle, c’est très difficile», souligne-t-il.
Cela implique cependant le partage du pouvoir. «On ne peut pas leur demander de s’impliquer autant sans être prêt à leur accorder du pouvoir en retour. C’est ça, un vrai projet collectif!» conclut-il.
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L’Itinéraire d’un projet au cœur de sa communauté
de gens possible, dit Audrey Côté. Par exemple, on favorise la participation de jeunes journalistes professionnels qui, à la sortie de l’école, peuvent ainsi acquérir de l’expérience et développer leurs compétences. »
Plus besoin de présenter L’Itinéraire : depuis 1994, ce doyen des journaux de rue québécois offre aux sans-abri montréalais une alternative à la mendicité. Exemple de réussite inspirant, tant pour son action que pour sa situation financière et sa visibilité médiatique, L’Itinéraire a plus d’une raison de servir de modèle aux entrepreneurs sociaux.
Par ailleurs, le journal compte sur la participation de citoyens désireux de contribuer à son œuvre. Ainsi, l’équipe de correcteurs est formée de professionnels qui donnent leur temps et leur expertise. Les projets visant à développer une plus grande mixité ne manquent pas. Audrey Côté compte bientôt mettre sur pied un système de jumelage entre des itinérants et de jeunes journalistes. « Les gens de la rue sont porteurs de beaucoup d’information. Ils ne sont pas toujours capables d’écrire, mais ils sont capables de rapporter des événements qu’un journaliste peut couvrir. » Dans un tel échange, tout le monde est gagnant : la personne de la rue trouve un écho de sa réalité quotidienne, le journaliste a accès à une source d’information privilégiée et, ultimement, le public peut lire des comptes rendus d’un univers trop souvent négligé par les médias grand public.
Il est intéressant de rappeler que L’Itinéraire existait avant la création de L’Itinéraire! Le Groupe communautaire L’Itinéraire était déjà actif depuis quatre ans au moment où il a lancé le journal qui deviendrait son visage le plus connu. Le groupe comptait alors déjà un premier projet réussi, Le Café sur la rue – à la fois un lieu d’appartenance, d’aide alimentaire et de réinsertion sociale –, toujours en activité aujourd’hui. Par définition, une entreprise sociale cherche à impliquer dans son fonctionnement la communauté qu’elle dessert. À ce chapitre, L’Itinéraire fait figure de modèle, ayant réussi à intégrer les itinérants, traditionnellement réfractaires, et ce, d’un bout à l’autre de la chaîne de production du journal. Plus de la moitié des rédacteurs sont ainsi des personnes en réinsertion sociale, tout comme la totalité des camelots. Les responsables du journal estiment que plus de 1 000 itinérants collaborent tous les ans au mensuel. De plus, l’équipe organise régulièrement des dînerscauseries où les gens de la rue peuvent soumettre des idées d’articles témoignant de leur réalité quotidienne.
Une détermination qui rapporte Autre particularité de L’Itinéraire : sa capacité à diversifier ses sources de financement. Dans un environnement politique où la recherche de subventions se fait de plus en plus ardue, l’organisme réussit à assurer sa stabilité financière en multipliant ses partenaires : les trois paliers de gouvernement, bien sûr, mais aussi de plus en plus d’entreprises et de fondations, aux dons desquelles s’ajoutent ceux du public, ainsi que les revenus publicitaires. Résultat : le journal s’autofinance à 52 %, selon sa rédactrice en chef. Et la vente de publicité va si bien que le journal passera bientôt de 32 à 48 pages.
Photos : Marc Ollivier
Ce degré d’intégration est unique dans le monde des journaux de rue. Audrey Côté, rédactrice en chef du magazine depuis cinq ans, souligne qu’aux États-Unis, par exemple, les itinérants participent surtout à la rédaction du contenu, alors qu’en Europe, leur contribution se limite souvent à la vente du journal. Son double niveau d’implication (contenu et vente) contribue à la spécificité de L’Itinéraire. Mais l’action de ce jornal ne se limite pas à la population itinérante. « On essaie de faire en sorte que L’Itinéraire profite au plus
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Évidemment, ces résultats ne viennent pas tout seuls. Ils sont l’aboutissement des efforts intenses de L’Itinéraire. L’organisme emploie trois personnes dédiées à la seule recherche de financement, dont un directeur du marketing et des communications. Le succès impressionnant de cette entreprise repose assurément sur une équipe structurée qui donne au journal les moyens de ses ambitions.
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Entrepreneur L’entrepreneur social est convaincu qu’il peut améliorer la société tout en faisant de l’argent. Et il a des idées pour y arriver! Quelques questions à se poser pour savoir si l’on est de cette espèce rare. Par Anick Perreault-Labelle
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Suis-je créatif et innovateur ?
Il n’est pas simple de déceler les occasions d’affaires dans des problèmes apparemment insolubles, comme le décrochage scolaire ou la dégradation de l’environnement. L’entrepreneur social est suffisamment créatif pour aller à contre-courant des préjugés sur les questions actuelles, et pour trouver des solutions à la fois inédites et pragmatiques. Grâce à son imagination, il arrive à considérer les choses sous un angle différent et à établir des liens entre des idées à première vue diverses, comme la réussite scolaire et la bonne nutrition, ou l’entreprise privée et la réinsertion sociale.
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Les changements sociaux ne surviennent pas du jour au lendemain, surtout lorsqu’ils remettent en question les croyances ou les comportements d’une société. Plus d’un qualifieront l’entrepreneur social de naïf ou d’idéaliste, et le décourageront de continuer. Ce dernier doit donc s’armer de patience pour convaincre tout un chacun – avec le sérieux de son analyse, le côté pratique de son idée et la force de sa passion – que les choses pourraient réellement fonctionner autrement.
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Suis-je assez ambitieux pour m’attaquer aux origines d’un problème?
Suis-je prêt à changer et à apprendre de mes erreurs ?
Les théories d’un entrepreneur social – celles qui expliquent, par exemple, pourquoi les mères adolescentes finissent rarement leurs études secondaires, ou pourquoi le Québec recycle à peine la moitié de ses déchets - connaîtront peut-être des ratés quand il tentera de les appliquer. Pour gagner son pari, il compare donc sans arrêt ses objectifs aux résultats obtenus et raffine son modèle en conséquence. Concrètement, il mesure l’effet de ses actions et s’assure auprès des populations desservies que ses services ou produits répondent bien à leurs besoins.
Contrairement à certains organismes caritatifs ou aux programmes gouvernementaux, l’entrepreneur social vise à «changer le système», c’est-à-dire à transformer la dynamique des problèmes de société. Son objectif n’est pas d’améliorer une situation donnée, mais bel et bien de la changer de façon durable. Bref, il est assez ambitieux pour voir grand. Très grand.
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Suis-je persévérant ?
Suis-je passionné et convaincu ?
Une idée nouvelle qui vise à changer la société sera nécessairement reçue avec scepticisme. Pour garder le moral, l’entrepreneur social doit être convaincu de la valeur intrinsèque de son projet. En d’autres mots, il est habité par une véritable passion qui lui permet de répondre au négativisme et de trouver des solutions originales aux obstacles qui surgissent.
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social, moi ? 6
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Est-ce que je travaille bien en équipe?
Ce n’est pas en faisant cavalier seul qu’on arrivera à solutionner le manque de formation des bénéficiaires de l’aide sociale ou le haut taux d’analphabétisme québécois. Les écoles, les associations, les entreprises – et même les analphabètes et les bénéficiaires eux-mêmes – ont des forces à exploiter. L’entrepreneur social doit être capable de les voir et d’en tirer le maximum.
Suis-je prêt à voir mes idées reprises par d’autres ?
Contrairement à l’entrepreneur classique, celui qui a un objectif social aime que ses innovations soient copiées. Il partage donc facilement ses idées, et fait part aux autres de ses bons coups et de ses contacts. De même, il regarde ce qui se fait ailleurs et s’en inspire, pour éviter de réinventer la roue.
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Suis-je prêt à me lancer sans considérer les ressources ?
L’entrepreneur social vise gros. Il ne façonne donc pas son projet en fonction des ressources auxquelles il pourra avoir accès; il détermine d’abord ce qui doit être fait, puis s’organise pour trouver ce dont il a besoin.
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Suis-je prêt à travailler jour et nuit (ou presque) ?
Fonder une entreprise requiert beaucoup de travail, surtout si celle-ci vise un problème d’importance. L’entrepreneur social doit notamment se documenter sur le domaine qui l’intéresse, définir et raffiner son modèle social, former une équipe, convaincre les gens autour de lui du bien-fondé de ses idées et trouver du financement. Pour relever son défi, il doit être prêt à y mettre l’effort et à ne pas compter ses heures!
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Parcours de passionnés Militants et entrepreneurs à leur façon, Laure Waridel, François Rebello, Dario Iezzoni et Sidney Ribaux ont en commun d’avoir transformé leurs idéaux en boulot. Qui ne connaît pas aujourd’hui Équiterre, Equita ou le Groupe investissement responsable? Poussés par un grand humanisme et l’intention de léguer un monde meilleur, ces quatre jeunes ont réussi leur propre «révolution». Entrevues. Propos recueillis par François Cardinal
livre, Une cause café. Éric a préparé une exposition de photographies sur le sujet. D’autres amis, eux aussi bénévoles, et des organismes-clés se sont joints au mouvement. C’est donc grâce à l’engagement de nombreuses personnes, organisations et entreprises que, petit à petit, la campagne Un juste café d’Équiterre a pris son élan. C’est aussi grâce aux médias qui ont fait connaître ces initiatives au grand public.
Racontez-moi vos débuts… Laure Waridel : Au cégep, j’ai choisi un programme d’études en sciences humaines qui m’a permis de participer à un stage au Burkina Faso. J'ai alors pris conscience de l'immense privilège que j'avais d'être née dans un pays riche. L'iniquité m'a fait rager et pleurer.
Quelques années après avoir bâti cette campagne, j’ai senti le besoin de pousser mes connaissances plus loin. J’avais envie d’approfondir ma compréhension non seulement du commerce international et de ses effets, mais aussi des moyens de contribuer à sa transformation. Je suis donc allée compléter une maîtrise à l’Université Victoria avec l’EcoResearch Chair of Environmental Law and Policy. Par la suite, j’ai publié un livre dans la même langue que ma thèse, dont la version française s’intitule Acheter, c’est voter.
En 1993, alors étudiante en sociologie et en développement international à l'Université McGill, j'ai rencontré des amis qui rêvaient tout comme moi de changer le monde. Nous étions exaspérés par la lourdeur et les inégalités d'un système international contrôlé par quelques acteurs économiques. Nous en sommes donc venus à la création d'A SEED (Action pour la solidarité, l'équité, l'environnement et le développement), rebaptisé Équiterre en 1998. Notre mission: contribuer à bâtir un mouvement citoyen en prônant des choix individuels et collectifs à la fois écologiques et socialement équitables.
François Rebello : Ma sensibilité pour les enjeux sociaux me vient directement de ma mère, qui m’a toujours traîné dans ses réunions communautaires. Mais c’est le contexte générationnel dans lequel j’ai grandi – l’éveil politique des années 1980 –, qui m’a amené à vouloir me lancer en affaires et créer des emplois. Même mon implication sportive en handball m’a aidé! Elle m’a permis d’apprendre à avoir confiance en mes capacités et à exercer un leadership.
Au début, nous avions très peu de moyens. C'est à mes frais que je me suis rendue pour la première fois dans des communautés productrices de café, au Sud du Mexique. C'était en 1996, j'avais 23 ans. Avec un ami photographe, Éric St-Pierre, nous nous sommes intéressés aux impacts du commerce équitable. Nous souhaitions passer l’été avec des familles membres d’une coopérative, question de savoir si ce type de commerce faisait vraiment une différence pour les producteurs ou s’il servait seulement à donner bonne conscience aux consommateurs des pays riches.
Côté études, j’ai d’abord complété un bac en science politique qui m’a fait comprendre l’importance des rapports de force. Il m’a aussi permis de développer mon esprit de synthèse, chose qui m’a rendu de fiers services au cours de mes cinq années au sein du mouvement étudiant.
De retour au Québec, Éric et moi étions fermement décidés à faire avancer le commerce équitable. Je me suis mise à la rédaction d’une plaquette qui allait devenir mon premier
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J’ai ensuite été impliqué dans la fondation Force Jeunesse, un regroupement de jeunes travailleurs et professionnels qui a obtenu la loi contre les clauses «orphelin» dans les conventions collectives. Peu après, j’ai fondé le Groupe investissement responsable, avec François Meloche et Shérazade Adib. J’ai depuis vendu l’entreprise. J’agis aujourd’hui comme consultant indépendant dans le domaine de la responsabilité sociale des entreprises et je collabore comme chroniqueur à la revue Commerce. Dario Iezzoni: C’est pendant mes études collégiales que j’ai trouvé mon but dans la vie: sauver le monde. Vaste programme! Je suis donc allé faire mon droit avec l’intention de travailler en droit international de la paix à l’ONU… jusqu’à ce que je réalise que le seul droit international qui fonctionnait, c’était celui de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et des grandes puissances économiques. Mais alors, me suis-je demandé, si c’est l’économie qui mène le monde, pourquoi ne pas changer l’économie? Ainsi, après trois ans de pratique du droit, je me suis tourné vers la maîtrise en administration des affaires. Je voulais mieux comprendre le fonctionnement du système économique… pour mieux le détruire! Anarchiste sur les bords, mon désir était de transformer mon rêve – sauver le monde! – en boulot à temps plein. Plusieurs professeurs m’ont ouvert les yeux sur l’existence de pratiques alternatives de gestion: écosystèmes industriels, pratiques de management qui respectent les personnes, commerce équitable, etc. Quelques années plus tard, ma maîtrise en main, j’ai trouvé ma philosophie : faire de l’argent n’est pas un mal en soi; l’important, c’est d’où vient cet argent et ce que tu en fais. J’avais effectivement appris une chose pendant ces années d’études: il est possible de faire de l’argent en respectant ses fournisseurs, ses clients, ses employés et l’environnement.
Y a-t-il un événement ou une personne qui vous a particulièrement inspirés à vos débuts ? Qui vous inspire aujourd’hui ?
Je dirais que le visionnement du film d’animation L’homme qui plantait des arbres, de Frédéric Back, m’a aussi profondément marquée. Je devais avoir une dizaine d’années lorsque je l’ai vu pour la première fois. Selon moi, ce film a fait la démonstration que rien n’est irréfutable, que la laideur peut être transformée en beauté. Il m’a fait réaliser l’importance des petits gestes qui, additionnés les uns aux autres, permettent d’accomplir de grandes choses.
Laure Waridel
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Photo : Dominic Gouin
Laure Waridel: Beaucoup de gens m’ont grandement inspirée pour toutes sortes de raisons bien différentes: des professeurs, même à l’école primaire et secondaire, des gens de ma famille, des amis, les gens des communautés où j’ai vécu au Mexique…
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Sidney Ribaux
En ce qui concerne la lecture, je pense à des écrivains comme Romain Gary, Saint-Exupéry, Victor Hugo, mais aussi à des intellectuels engagés ou à des militants comme Gandhi, Martin Luther King, Noam Chomsky, Françoise David, Riccardo Petrella, Jean Ziegler, Naomi Klein, Maude Barlow, Susan George, David Suzuki, Albert Jacquard, Hubert Reeves et bien d’autres. Ces «grands» et « grandes» sont pour moi des modèles inspirants qui transforment leur pensée en actions.
écrits et de son travail que la démocratie nous offrait maintes opportunités pour changer les choses si l’on mettait ses institutions au profit du citoyen. L’un des principaux problèmes de nos sociétés modernes ne serait donc pas le système en tant que tel, mais plutôt le manque d’implication des citoyens. Outre le vote, les citoyens devraient participer plus activement à la démocratie : assister à un conseil municipal, écrire à leur député, siéger au conseil d’administration d’un organisme communautaire, etc.
Sidney Ribaux: Ralph Nader fut l’une des personnes qui m’ont motivé à devenir un «militantentrepreneur ». Cet homme, qui a consacré sa vie à défendre les consommateurs démunis et le bien commun, a une grande foi dans la démocratie des pays occidentaux. J’ai retenu de ses
Dario Iezzoni : Poussé par un grand intérêt pour la politique internationale, j’ai suivi de près les mouvements de contestation qui bourgeonnaient un peu partout ces dernières années. Les manifs anti-OMC à Seattle, ou celles dirigées contre la Zone de libre-échange des Amériques à Québec, m’ont amené à réfléchir sur l’iniquité de la distribution mondiale de la richesse. C’est précisément à ce moment de grande ébullition personnelle que j’ai entendu Laure Waridel pour la première fois, à la radio. Elle parlait alors de commerce équitable, un enjeu qui deviendrait par la suite mon travail. À l’occasion, ce travail me passionne autant qu’il m’épuise. Alors, je pense à Francisco Van Der Hoff, prêtre du Sacré-Cœur, qui a fondé avec toute la patience du monde le mouvement du commerce équitable tel qu’on le connaît aujourd’hui.
En quoi consiste votre travail ? Qu’est-ce qui vous plaît dans cet emploi ? Sidney Ribaux: Aujourd’hui, je suis coordonnateur général d’Équiterre. Je suis donc responsable d’un budget de deux millions de dollars par année, d’une quarantaine d’employés et de quelques centaines de bénévoles. Je suis appelé à donner des entrevues dans les médias. Je rencontre les élus municipaux, provinciaux et fédéraux pour les convaincre de poser des gestes concrets pour l’environnement et la justice sociale. Enfin, je développe des projets de démonstration, comme celui de la Maison du développement durable, qui sera un édifice hyper écologique voué à l’éducation et à la recherche. Quand j’ai fondé Équiterre, il y a 14 ans, avec quelques amis, jamais je n’aurais imaginé qu’un jour Équiterre serait l’organisme qu’il est devenu aujourd’hui et que je ferais ce boulot. Mais j’adore mon travail! Je suis entouré de personnes qui partagent mes valeurs. Et le matin, quand je me lève, j’ai hâte de commencer ma journée de travail. Je me sens privilégié! Dario Iezzoni: Mon emploi est simple. Je suis directeur général. Je réponds du conseil d’administration qui adopte les grandes orientations d’Equita/Oxfam-Québec et je les mets en œuvre avec une équipe de 14 personnes. Chef d’orchestre, motivateur en chef, vendeur en
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chef, les rôles sont nombreux. Ma description de tâches? «Et toute autre tâche connexe…» résumerait bien ce que je fais : je suis au carrefour de la gestion d’une entreprise traditionnelle et d’un véhicule extraordinaire, où l’on promeut et met en œuvre les valeurs de solidarité, d’équité, de justice et d’écologie. Laure Waridel : J’ai récemment quitté la présidence et le conseil d’administration d’Équiterre, de même que le rôle de porte-parole que j’y jouais. J’ai été active au sein d’Équiterre plus d’une douzaine d’années. Ayant deux jeunes enfants et un projet de documentaire sur les planches avec l’ONF, j’ai décidé de renouveler ma manière de m’engager. La lecture, la réflexion, l’écriture, la prise de parole publique lors de conférences ou d’entrevues, et les échanges avec toutes sortes de gens sont au cœur de mon travail quotidien. J’aime apprendre et communiquer. J’aime sentir que, petit à petit, en travaillant les uns avec les autres, même à des kilomètres de distance, on peut donner un sens à nos gestes afin de changer le cours des choses. Ensemble. Ça m’encourage de voir à quel point de plus en plus de gens sont conscients du rôle qu’ils peuvent jouer, peu importe leur occupation, leur âge ou le lieu qu’ils habitent. Nous sommes nombreux à passer de la parole à l’action, à tenter d’être cohérents. Cela dit, beaucoup reste à faire. S’il est vrai que de plus en plus de gens posent des gestes en privilégiant des produits équitables, bio ou locaux, en réduisant leurs émissions de gaz à effet de serre ou en mettant leurs sacs-poubelles au régime, ces gestes ne sont que l’amorce du changement culturel, beaucoup plus grand, qui est nécessaire.
Quels conseils prodigueriez-vous aux gens qui souhaitent suivre vos traces ? Quelles sont les qualités essentielles pour être entrepreneur social ? François Rebello : Restez branchés sur vos idéaux, mais donnez-vous les compétences nécessaires pour vraiment agir comme décideurs. Souvent, ça passe par une vraie compétence professionnelle combinée à une importante culture générale que l’on doit développer chaque jour. Les implications sont aussi très importantes pour développer un réseau et une crédibilité auprès de celui qui vous permettra d’obtenir les appuis nécessaires à la réalisation de vos projets. Ne vous gênez pas pour contester les décideurs. Les bons décideurs aiment bien ceux qui sont capables de les défier ! Dario Iezzoni : À ceux qui veulent devenir des entrepreneurs sociaux, je dis : vous avez un pouvoir. Le pouvoir de changer le monde à l’échelle individuelle, certes, mais un pouvoir qui ne s’exerce pas seul. Informez-vous, trouvez les personnes qui partagent vos idéaux, qui veulent les mettre en pratique. Faites avancer un projet. Dotez-vous des compétences-clés pour le réaliser. Les idées peuvent être merveilleuses, mais si elles ne sont pas mises en œuvre, elles demeurent des idées. Soyez toujours en conversation ouverte et respectueuse avec les autres.
Laure Waridel : Je leur suggèrerais d’étudier, de lire, d'aller à la rencontre de « l'autre » d'ici comme d'ailleurs. De rester ouvert, même si parfois il est plus confortable de se fermer et de devenir cynique, apathique. Je leur dirais qu'ils ont tout le pouvoir de changer les choses, peu importe le métier qu'ils choisissent. Je les encouragerais à aller au bout de leur rêve d'un monde plus juste et plus écologique.
François Rebello
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Photo : Maude Chauvin
Ne pensez pas que vous détenez la vérité. La vérité est multiple. Et c’est seulement avec l’empathie que vous pourrez faire avancer vos idéaux avec vos proches collaborateurs, vos alliés et la population que vous souhaitez mobiliser.
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L’abcpour se lancer L’entrepreneur social s’attaque aux grands problèmes sociaux de notre époque avec des outils entrepreneuriaux classiques. Survol des grandes étapes pour fonder une compagnie… avec le cœur à la bonne place. Par Anick Perreault-Labelle
iale t rie soc me apparemmen ono é h t ir lè e v b n n ro e u p l’ ation de oprier oudre un S’appr rir comment rés té ou la dégrad des réponses
lité une personna ir vo ’a d r re u S’ass ale e entrepreneuri qui veut : pour réussir comme homm
uvre ouv offre Pour déc n, comme la pa héorie. Celle-ci i les travailleurs tio et la uo sans solu s’appuie sur un ntielles : pourq dget? Pourquoi e n u s o b s , ? r e t s u s n u n le e b nem uestio oucler ue l’auto s à des q ont du mal à b plutôt q s leurs re u it possible m o u v nte sa tent pa e minim au salair s citoyens empru centes ne complè r social donne à e s d eu le majorité i les mères ado e de l’entrepren o ri u o . Ou pourq ondaires? La thé iste de solution p c t e e s n s e io d x étu réfle atière à la fois m
neur e en soi, ne pas N’est pas entrepre ut avoir confianc fa il s, ire fa af d’ e e et savoir traou femm re plein d’initiativ êt t, or ff l’e de ur nne santé, puisque avoir pe aussi avoir une bo ut fa Il . pe ui éq tout repos! vailler en r pied n’est pas de su e ris ep tr en e mettre un
es ale ffair nière origin a ’ d ma ité le rtun reprise? Une prise socia es o p p e r t o ess nt en
Apprendre à maîtriser son domain e
e e ch L’e er un art de tout al comblé. éation de ri duire v u o p r ré é m c Tr ce la t de d esoin u sse de
Il est essentiel de bien connaître le secteur dans lequel on souhaite se lancer, que ce soit par le biais de ses études, de ses passe-temps ou de ses actions milit antes. Cette compréhension doit être solide. Par exemple, pour s’assurer que son produit ou service répondra bien aux attentes de ses futurs clients, on les questionne sur leurs besoins à l’aide de sondages ou en organisant des table s rondes.
i b la in Le po ndre à un r qu’elle p , qu’il s’ag minimum o o e n i e p l o de ré e particu e sa missi s au salair commun. d r n d i u r c a ce s au cœu s travaille ransports e e t e l l s a soci reté chez sation de v li la pau enter l’uti m g u d’a
d’affaires et de voir Rédiger un plan e un compas : il perm t comm Un plan d’affaires es pour s’y n prend le bon chemin l’o si et va où l’on s’en en exigent un, titutions financières rendre! Toutes les ins voir plus clair bord pour soi, afin d’y mais on le rédige d’a ments quelques-uns des élé dans son projet. Voici d’affaires réussi . essentiels d’un plan
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res i a f f a ’ d Mon plan elles
ing > Plan market ent on fera mm On décide co u re, tout en q rs et n eu promot treprise aître so off publicité es en nn d co n on so ti a t er nt d je > Prése ve à fon ussir son pro nt que sa e. ce qui moti ettront de ré rtenaires et s’assura m er p ientèle visé us On indique ce n ndra la cl i ses pa connaissa ei ss trib tt u u is o a a d s te e ce n d n se ie es expér les mod nt, on pré r u éa o h p éc e s m m ca Co é a des coûts d’affaires. Le pe de publicit tèles spécioccupera. ty n e u cu q a a ch ch e n, u o q ti clien les fonctions rejoint des et ts é leurs n re fé if t pas termin eu ait d n er ’o n im i a u q n ’o x u service q de l’offre fiques. Ceu emple, ont p > Présentation sément le produit ou le micile pour les adoaires, par ex nd co . Par se es o ci d d u ré p e site Internet evoirs à de ét tr d x vo ne u r a si te u On explique e si id vi ne a u e d , ou emple, une de chance un dépliant res scolaires vendre. Par ex pour faire ont peut-être lir és au noir et liv cl le ils b cy , ta re re x nt nt u a a u co ri lescents, incl ase de maté ste sur les avantages omicile. meubles à b voyé à leur d si e in en d n n O o . ti re es ff ca sé o ri fab avori distingue son personnes déf et sur ce qui rs u alisations te projet : travailler des a m m o lendrier des ré s de réalisation de son les cons Ca nt > ro re ti re n pe qu’e ances éta ande de fin concurrents. n énumère le s O em se d e , d n o lle ti a ce rm de es, étude de erche d’info des organism , les rech c le p ve a em ex ct e a r a èl nt p co e: note quelles e la client duit ou servic des ment, projets pilotes, etc. On ro nt p n ve > Définition d cédera vi so i r u a q p quand on pro arché, sera visé éfavorisé i d m u et q eu es ili se n té m ci o lé ré gi p en p ré m On maire arentales en es ont été co réalais du pri mères monop où habitent les étap s le enfants mont u o ge sa dique x autres. pprentis ndaire. On in ètent, au co ch difficultés d’a a se r ils u le es ic é s termin ine combien duits ou serv qui n’ont pa ent, quels pro in que son offre répondra s, on déterm s financières le gn on b e, ga a si fi vi ils ré s n P ie ée > n b a n do cert main-d’œuvr clients, com plus on sera sant sur des s matériaux, le local, la a s, t b ci es ré C’ se p t s. En es nu n ent, le ses reve e em it etc. Plus o ip su u s. en éq te l’ e m en nt esti s pour coûtero leurs att publicité. On faut du temp la Il réellement à ! et n te o lis ti a u ré ib ster distr le ses aître la cile. La clé : re revenus! Enfin, on calcu nn fi if co d it s o lu d p n o la ent ape vateur, engranger des tres sources de financem lesses l’ét et ib > Concurrence e chose de réellement inno re fa ît a es d nn u et co a les faire tères, forces elqu indique à quel res de la famille, minis unau- se n aperçu des n m o o Pour offrir qu b m et n co u s a e nd n fo o sm b s ni déjà. Si : amis, mem rship, etc. ou d’un orga mettre l’accent propre ce qui existe l’entrepreneu a faire appel vernemental et u rr à t u go o je en p ti e ro u n p m o n so m a e so d d’un progr ment raffiner , organismes associations rra plus facile taire, on pou er son ifférencie. . On peut utilis ifative sur ce qui le d se or ri rp ep co tr re en u ct ne d oisit un nom es- > Stru eurs façons d’organiser u d’œuvre et l’ onie. Si on ch si m in lu on me a ré p ti m m a a cé y ic co e la Il d s br x, s ca fa u lu a e n matéri , sans p rir son Dans u s ff m > Mode d r. o le le no , u u n o ts ic so it en tr u a et d em m m ro santé l’im réno son p s équip de la bonne tation, p doit toutefois ur fabriquer On précise le n le en o o b p , a lim in a en ns o l’ o si r es u sp b su d re nt t aura cours t entièremen i , etc. fére t donner des pace dont on autre, on es e professeurs l’ -c d le, si l’on veu p s, lle ns er a ce em d hi si ex : r ca ie e Pa mpagn aises, d ût exact service. co ch co e la d le e , d s, le nu re b iè ve ta s mp accès à financ in de calculer, le te éanciers ont on aura beso e cr d s le et e, m it er p ill n tio n’est fait fa sonnelles. Ce Cette planifica er p s ie m no o est ion. ses éc entreprise de sa product le cas si l’ r s re a o p rp co l, in peut s’ mmercia n O co l . e ca ré lo o on n ti rp u u co trib on peut louer par actions, ar des in > Mode de dis e société uit ou service, te Internet ou passer p d m ro m p o c n so r ri n ou comme au un si Pour off distribution e coopérative porte, créer e m d à m e e co d rt o o m p , e u mple n lucratif. Chaqu faire d sme à but no ques. Par exe tre autres. ni fi n a e ci rg é o s, sp n o s ti le n a ’o associ des clientè et tandis qu nt et rejoint n site Intern u r ant a p ss a s p é coût différe ir n e tt ront a rimaire se p u ts d n e ts n sc le fa o n les ad ent aux e . plus facilem leurs parents s’adressera eurs ou par ss fe ro p rs u par le
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Les entrepreneurs sociaux nous livrent leurs secrets ! > Les qualités essentielles pour réussir Propos recueillis par : Michel Fradette, Valérie Besson, Léonore Pion et Éric Desrosiers « Le plus important pour nous est la participation des membres, qui aident à la gestion, proposent de nouvelles idées et participent aux décisions. Dans notre cas, la communauté est essentielle : on est son reflet. - Élana Ludman, directrice des communications du Santropol
« Le plus important, c’est la qualit é de notre produit. On a beau être beau, branché, il faut que ce que le client mange soit bon ! » - Judy Servay, fondatrice du resto Robin des Bois
« Notre café est un petit endroit chaleureux pour les gens du quartier. Nous accueillons tout le monde et nous devons ê tre ouverts. » - Claudia Beauchamp, coordinatrice du Bucafin « Pour faire face à l’échec, aux portes qui claquent, on doit avoir de la détermination et de la confiance en soi. La force de notre coopérative, c’est qu’on a une vision, du talent… et un homme-orchestre ! On est une équipe invincible ! » - Isabelle St-Arnaud, présidente de la coopérative Les habitations APEX
« La passion, la confiance et, surtout, la persévérance, car il y a beaucoup de cynisme à l’égard des entreprises sociales. Il faut contrer les détracteurs, qui sont probablement le plus grand obstacle. Et il faut vraiment y croire ! » - Maude Léonard, cofondatrice de Troc-tes-Trucs
« Il faut à tout prix que notre projet nous rejoigne profondément, qu’il corresponde vraiment à nos valeurs personnelles. On est en permanence dans un combat entre les affaires financières et la mission sociale, où la compétition existe aussi, mais de façon beaucoup plus saine. » - Pascale Clauzier, cofondatrice de Oöm
« La clé du succès est la persévérance. La tâche d’un entrepreneur social est beaucoup plus lourde que celle d’un entrepreneur ordinaire. On connaît tous, à un moment donné, des échecs. Le défi, c’est de ne pas se laisser intimider par cette peur d’échouer, et de continuer à se montrer ambitieux et inventif. » - David Green, fondateur de l’organisme américain Project Impact
« Pour moi, le plus important, c’est l’intégrit é. Il faut à la fois prôner et donner l’exemple. Et surtout, on ne joue pas dans les zones grises de l’éthique. Si je voulais faire plus de profit, il me suffirait de réduire les salaires et de diminuer la qualité… mais Blank s’écroulerait. » - Martin Delisle, cofondateur de Blank
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« La principale qualité que doit posséder un entrepreneur social, c’est une conviction bien plus forte que sa seule volonté personnelle. Faut que ça vienne du ventre ! Moi, je m’en fiche des fleurs ou des éloges. Ce que je veux, c’est que mon projet existe. C’est tout. » - Any Truchon, fondatrice de L’Échappée bleue
« L’entrepreneuriat social, je vois ça comme un chantier. Un projet social, ça prend toujours du temps avant de se concrétiser, alors il faut avoir un esprit de marathonien. Oh ! ce n’est pas toujours simple ! Chaque projet comporte son lot de coups de théâtre et de nouvelles directions. Mais ce qui compte vraiment, c’est souvent plus le processus que les résultats. » - Sylvain Laroche, président du P’tit Bonheur, coopérative culturelle et communautaire de Saint-Camille
« Ma mission, c’est d’apporter de la joie aux personnes âgées en les stimulant, en les encourageant à être autonomes. Si j’y arrive, c’est grâce à mon dynamisme, à mon enthousiasme et à ma passion. Et puis, pour ne pas être débordée par les projets et par les choses à faire, j’ai appris à diminuer ma to-do list ! » - Joanne Gardner, directrice de La Corvée, une coopérative d’habitation pour les aînés de Saint-Camille
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« Le capital humain! Il faut absolument s’entourer des bonnes personnes dès le début. Ça prend des gens qui ont non seulement de l’intérêt, mais aussi des compétences. Il arrive souvent que les gens embarquent dans le projet, reçoivent une formation et partent ensuite pour une autre organisation. On doit donc trouver de nouvelles personnes et recommencer tout le processus. On se sent comme un club-école ! Il faut donc recruter le bon capital humain pour se donner toutes les chances de réussir. » - Jean-Sébastien Dufresne, coordonnateur général d’Iciéla
« Il faut avoir la passion. De plus, il faut trouver une façon d’apporter une contribution unique. Il y a tellement d’organismes (80 000 œuvres caritatives au Canada et plus de 200 000 organisations à but non lucratif) qu’il est important qu’une nouvelle entreprise à caractère social propose à cette grande table de nouvelles idées. Il est important d’avoir des idéaux, mais lorsqu’on implante un nouvel organisme, il faut aussi avoir une attitude professionnelle pour être pris au sérieux et pour attirer l’attention sur la cause que l’on défend. » - Ben Peterson, cofondateur et directeur général de Journalistes pour les Droits Humains
« Le réseau est important. Il faut aussi avoir une grande ouverture d’esprit, être à l’affût de ce qui se passe et avoir le sens des responsabilités. » - Isabelle Boisvert, propriétaire de la boutique Folle guenille
« Pour moi, l’essentiel est l’environnement de travail. Étant donné qu’on est dans un domaine où on donne bien plus qu’on reçoit, il est important d’aimer les personnes, bénévoles ou employés, avec qui on travaille. » - Clio Forsyth Morrissette, éco-styliste, assistante à la coordination à La Gaillarde
« Il faut savoir é couter. Ce n’est pas facile d’être un professionnel et d’avoir plutôt appris à dire aux autres ce qu’il faut faire. Il faut aussi avoir l’humilit é d’accepter que la réalité n’entre pas toujours dans le moule où on a pris l’habitude de la faire entrer. » - Claude Villeneuve, directeur de la chaire d’éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQÀC)
« À l’intérieur d’une entreprise sociale, il y a énormément de tâches de gestion et d’administration à faire. Il y a un danger : il ne faut pas être trop axé sur la tâche, mais penser à ceux que l’on aide. Les gens, c’est la matière première d’une entreprise sociale. Sans eux, aucun succès n’est possible. » - Stéphanie Jones, de L’Accorderie
Exploraction : la chasse aux bonnes nouvelles rt film, d’une dizaine de ative forestière jet d’un cou pér coo la es, ton och aut les ont l’on peut visionner sur le impasses. » Ces solutions, ils transformation minutes, que la , isé che tor her mo rec Un . la e éra um cam ass Une yenne, de l’ONF. bec, de Trois jeunes. de ses nou- site Parole cito trouvées partout au Qué tion un lisa Et rcia ge. me nta com mo la de et le converti en sal shteuiatsh, en pasa courir les Causapscal à Ma produits biologiques. «Il n’y carburent plan d’enfer pour l’été: par e, au Lac-Saint- veaux Alors que les grands médias vill ard Gir l’on par que t tre” san qua la par à ux ce “de vin des scanpro que aux la , pas de hes que la catastrop quatre coins Jean. C’est là, par exemple, lance celui qui surtout aux r s!» pou boi es du idé tir s velles sor ure nou t ille peu aux me et drames iché l’arrecherche des bande d’ExplorAction a dén e d’or pour qui dales, aux min jet une pro êt le for là la » ont s Voi urs . dan t cte bec voi ora Qué ure de ces «expl réinventer le moire à épices grandeur nat innovatrice et déprimantes, on faç de iter rnant plo tou l’ex t en sai bre pérative ExplorAction! voulu rétablir l’équili Fabien Girard, de la coo iaux e. soc abl jets dur pro jeune bioleur objectif vers des forestière de Girardville. Ce ué Jos rin, s. Mo ant pir lina ins Mé r, s, nie itif tagieuse arde, pos Tout l’été der logiste à la passion con nture aux quatre d’avant-g oré ave r dév leu ont qui de l rs et rte Ma cou ent Au nne onn rge Étie s bou Bertolino et s les bois des saveur éastes a Des projets qui pour aller débusque dan coins du Québec, le trio de vid Québec un nouvel gas e le oin sur rim des kilomètres de route… t pat ten un jet t méconnues, tou pérative d’articoo des l une ure nat uvé t tro ita si hab aus r leu filmer dans boudent les géants de e de troc éclairage... s sociaux tronomique que sans en Mauricie, un systèm e cris la à e oiseaux rares: des entrepreneur ons rép La . ve e but était l’agroalimentaire vices à Québec, une coopérati qui font la différence. «Notr peut-être dans les de ser uve tro se rise rep ière ent est for une , ie, les pés vel ne cette forestière en Gas de diffuser des bonnes nou recherches intensives que mè lina Mé e n qui vient en aide aux liqu exp , ses teu des idées por trouver de nou- d’insertio de afin ve ati pér coo s jet. Nou s immigrantes à Morin, instigatrice du pro pour les ressources femme hés ouc déb ux vea ons soluti ... Chacun de avons voulu montrer des ligneuses de la Montréal non et es eus lign taren jets a fait l’oboriginales et économiquement avec des savants ces pro r pai De êt… for des s et bles plutôt que des problème Par Steve Proulx
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BOTTIN DE RESSOURCES RESSOURCES POUR LES ENTREPRENEURS
ORGANISMES D’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE
Entreprises Canada Véritable guide pour le démarrage d’entreprise, ce site propose également des solutions de financement. www.rcsec.org/servlet/ContentServer?pagename=CBSC_FE%2Fdisplay&lang=fr&cid=1081 945304728&c=Finance
FondAction Tout sur l’épargne collective et l’investissement des entreprises inscrites dans un processus de gestion participative et des entreprises d’économie sociale (coopératives ou autres). www.fondaction.com/le_fond/apropos.php
Réseau des femmes d’affaires du Québec Ce site offre des services et des activités pour contribuer au succès des femmes dans le milieux des affaires. Une référence. www.rfaq.ca/pregenerate/cmsFrameMain_FR_RFA Q.html?Lang=FR&ParentID=RFAQ
Caisse d’Économie solidaire Desjardins Un site référence qui offre un éventail complet de services autour de l’économie solidaire, dans une démarche d’accompagnement et de transfert d’expertise. www.cecosol.coop
Banque du Développement du Canada Ce site offre une gamme complète de solutions aux besoins des entrepreneurs. La rubrique « Jeune entrepreneur » possède un guide en ligne, qui donne la marche à suivre pour lancer son entreprise et définit ses étapes de développement. www.bdc.ca
Chantier de l’économie sociale Importante source d’informations sur l’innovation sociale au Québec, ce site est voué à soutenir l’émergence, le développement et la consolidation d’entreprises et d’organismes d’économie sociale. www.chantier.qc.ca
Info entrepreneurs Didactique, ce site contient des Info-Guide (dont un spécifique à l’économie sociale) qui présentent un survol des ressources et des programmes de financement offerts par les gouvernements fédéral et provincial. www.infoentrepreneurs.org Services Québec – Entreprises Une mine d’informations, d’outils et de ressources pour favoriser la réussite de son projet entrepreunarial. À consulter également : la section « Aide et conseils ». www2.gouv.qc.ca/entreprises/portail/quebec Strategis Très structuré, ce site offre un large éventail d’applications interactives, notamment des outils d’analyse comparative personnalisés, des calculateurs de coûts et de la planification d’affaires en ligne. strategis.ic.gc.ca Système d’aide au démarrage d’une entreprise Tout pour démarrer son entreprise, ce site favorise un accès simple et rapide aux renseignements dont on a besoin pour trouver réponse à sa question. sade.rcsec.org/gol/bsa/site.nsf/fr/index.html Fondation de l’entrepreneurship Ce site met à la disposition des internautes de nombreuses ressources pour les aider à réaliser leur projet. www.entrepreneurship.qc.ca Fondation Ashola Présente dans plus de 60 pays, Ashoka sélectionne, finance et soutient des entrepreneurs sociaux innovateurs. www.ashoka.ca
Regroupement québécois pour la coopération du travail Ce site offre une pléthore d’informations sur le système coopératif, carrefour de la coopération et de l’économie sociale. À visiter absolument pour celles et ceux qui veulent se lancer dans le monde de la coopération. www.rqct.coop Conseil québécois de la coopération et de la mutualité Pour celles et ceux qui veulent se lancer dans l’aventure coopérative, voici un site clair et exhaustif sur ce mouvement populaire au Québec. www.coopquebec.coop Réseau investissement social du Québec (RISQ) Le site du RISQ offre des volets de financement destiné à soutenir l’essor des entreprises collectives. www.fonds-risq.qc.ca/ Réseau québécois du crédit communautaire Gros plan sur une initiative remarquable : l’accès au crédit communautaire pour démarrer son entreprise. www.rqcc.qc.ca/php/index.php?Langue=Fr
ORGANISMES EN DÉVELOPPEMENT LOCAL ET EN EMPLOYABILITÉ Centres locaux d’emploi Ce ne sont pas moins que les 154 centres locaux d’emplois et les services qu’ils proposent dans les 17 régions du Québec qui sont référencés sur cette page. www.mess.gouv.qc.ca/services-a-laclientele/centre-local-emploi Centre local de développement Ce site fourmille d’informations pour tous les entrepreneurs soucieux d’un développement local
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durable, rentable et équitable tant socialement qu’économiquement. www.clddequebec.qc.ca Réseau des SADC du Québec Tout pour et sur le soutien financier des initiatives d’entrepreneuriat. La rubrique « Solutions » fait le point sur les fonds et les stratégies de financement destinés aux jeunes entrepreneurs. www.reseau-sadc.qc.ca/fr/index.php Corporations de développement économique et communautaire Un site plein de ressources qui vous donnera accès aux 14 CDEC du Québec, ainsi qu’à plusieurs ressources documentaires. www.lescdec.qc.ca/mission.htm
RESSOURCES JEUNESSE Association des clubs d’entrepreneurs étudiants du Québec Le site de l’association des clubs d’entrepreneurs étudiants du Québec propose des outils et des services pour encourager la relève entrepreneuriale au Québec. www.acee.qc.ca Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec Un incontournable pour les jeunes entrepreneurs et créateurs d’activités, ce site oriente les démarches vers les ressources et présente la gamme de services proposés. www.cjereseau.org/fr/index.asp Jeune chambre de commerce de Montréal Pour développer son projet, se documenter ou réseauter efficacement, visiter le site de la plus importante jeune chambre de commerce d’Amérique du Nord. www.jccm.org/fr/index.asp Places aux jeunes du Québec Le site de référence pour ceux qui désirent entreprendre et s’engager socialement en région. www.placeauxjeunes.qc.ca/fr Défi de l’entrepreneuriat jeunesse Des valeurs entrepreneuriales aux activités d’initiation, en passant par les chiffres-clés, ce site est un incontournable pour les jeunes qui désirent se lancer en affaires. www.defi.gouv.qc.ca Service d’aide aux jeunes entrepreneurs Montréal Métro Passé maître dans l’art du soutien à l’entrepreneuriat des jeunes, le site présente les servicesconseils, le coaching et les formations offertes par le SAJE. www.sajemontrealmetro.com Table de concertation des Forums Jeunesse régionaux du Québec Ce site fait la promotion de l’implication sociale des jeunes à l’échelle locale et
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régionales, et présente le soutien financier du Fonds régional d’investissement jeunesse (FRIJ) pour les actions jeunesse, ainsi que les projets locaux et régionaux. www.forumsjeunesse.qc.ca
MILIEU UNIVERSITAIRE École des sciences de la gestion de l’UQÀM Former des professionnels compétents, intègres, critiques et socialement responsables, tel est le mot d’ordre de l’ESG. Ce site fait la description de cette école qui intègre à ses activités d’enseignement et de recherche les principes de responsabilité sociale, de gestion des impacts environnementaux et de développement durable. www.esg.uqam.ca/ Institut d’entrepreneuriat – Université de Sherbrooke L’institut d’entrepreneuriat met à la disposition des étudiants de l’Université de Sherbrooke une vaste gamme de services et d’activités pour favoriser l’entrepreneuriat. https://acpcol01.usherbrooke.ca/prod/recherche/USherbAdminweb.nsf/entrep1?openframeset L’Alliance de recherche universités-communautés en économie sociale Pour celles et ceux qui veulent mieux comprendre l’économie sociale, ce site est destiné aux activités de réflexion, de recherche, de diffusion et de développement de l’économie sociale www.aruc-es.uqam.ca Canadian Centre for Social Entrepreneurship Une mine d’informations sur les derniers développements en matière d’entrepreneuriat social. www.bus.ualberta.ca/ccse Centre d’entrepreneurship Dobson-Lagassé Ce site offre aux entrepreneurs une gamme de services-conseils et de ressources dans le but de les soutenir dans leur démarche, et cherche à favoriser le développement d’entreprises en Estrie. www.ubishops.ca/dobson%2Dlagasse Centre d’entrepreneuriat et d’essaimage De Chicoutimi à la Côte-Nord, ce site présente les centres d’affaires universitaires qui ont pour mission de favoriser et de soutenir l’entrepreneuriat, le développement d’affaires et la création d’entreprises. www.uqac.ca/ceeuqac/cee/accueil.php Centre d’entrepreneurship HEC-Poly-UdeM Le site du centre d’entrepreneurship fait la place aux jeunes et propose de nombreux ateliers et ressources afin de soutenir la création d’entreprises innovantes dans le milieu universitaire. neumann.hec.ca/entrepreneurship
Chaire de recherche du Canada en économie sociale Ce site fait part de l’analyse du rôle de l’innovation sociale dans les entreprises et les organisations d’économie sociale. À consulter. www.chaire.ecosoc.uqam.ca Centre de recherche sur les innovations sociales Destiné aux internautes qui veulent approfondir leurs connaissances et se documenter sur les innovations et les transformations sociales. www.crises.uqam.ca
PORTRAITS D’ENTREPRENEURS SOCIAUX AUTOUR DU MONDE Tour du monde en 80 hommes Ce site démontre au travers d’une fantastique épopée qu’un monde durable est possible par la valorisation de vraies initiatives de développement durable ainsi que des hommes et des femmes qui les portent. www.80hommes.com Passeurs d’espoir Le périple de 14 mois autour du monde de la famille Cherisey, qui a rencontré des hommes et des femmes de toutes conditions ayant su dépasser leurs sentiments de peur et d’impuissance devant les défis politiques, économiques, sociaux, ou environnementaux majeurs auxquels ils font font face. www.passeursdespoir.org Agence de presse et association Reporters d’espoirs Ce site très bien construit qui comprend deux volets (un sur l’agence de presse et un autre sur l’association) a pour vocation de répondre à deux objectifs : celui de proposer un élargissement du champ de l’actualité, de sorte que l’information mette en lecture les enjeux et les réponses à ces enjeux, et celui de rassembler journalistes, entreprises et acteurs de terrain qui souhaitent débattre et unir leur force pour faire de l’économie un moteur « positif » de la société. www.reportersdespoirs.org
FONDATIONS ET ORGANISMES INTERNATIONAUX The William Davidson Institute Cet institut de l’université du Michigan possède de nombreux programmes voués à l’entrepreneuriat social. Ce site exhaustif apporte une vision plus économique du concept. wdi.umich.edu – Site en anglais University Network for Social Entrepreneurship Réseau voué à la sensibilisation et à la diffusion de l’entrepreneuriat social dans toutes les disciplines. Le site Internet se veut une vitrine du concept auprès des étudiants universitaires. www.universitynetwork.org – Site en anglais
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Berkley Center for Entrepreneurial Studies Ce site présente le vaste programme d’entrepreneuriat social du Centre d’études entrepreneuriales de Berkeley, à la Stern School of Business de l’université de New York. w4.stern.nyu.edu/berkley/social.cfm?doc_id=1868 – Site en anglais Acumen Fund Ce site présente l’expérience de la fondation Acumen, qui œuvre depuis 2001 à la résolution du phénomène de pauvreté globale par une approche sociale et communautaire de l’entrepreneuriat. www.acumenfund.org – Site en anglais Echoing green Résolument axé vers l’innovation et le changement social, Echoing Green propose des programmes d’une durée de deux ans pour soutenir les entrepreneurs sociaux de tous horizons. www.echoinggreen.org – Site en anglais Fondation Schwab Institution de référence internationale dans le domaine de l’entrepreneuriat social, la Fondation Schwab présente sur son site ses différents programmes et la mission qui l’anime. www.schwabfound.org – Site en anglais Fondation Skoll La vocation de la Fondation Skoll est de promouvoir l’entrepreneuriat social. Elle invite à découvrir comment les entrepreneurs sociaux deviennent des acteurs de changement social au sein de leur communauté. www.skollfoundation.org – Site en anglais Social Enterprise alliance La social enterprise alliance prône un entrepreneuriat social et durable, et offre à ses membres un support technique, documentaire et d’apprentissage pour soutenir leur effort. www.se-alliance.org – Site en anglais Social Enterprise Associates Le site présente aux internautes les services et les programmes proposés par cette institution spécialisée dans l’investissement socialement responsable, le microcrédit et les stratégies d’affaires à but non lucratif. www.socialenterprise.net – Site en anglais Social Venture Network Réseau fondé en 1987 qui fait de l’économie durable et socialement responsable l’une de ses priorités. Le site contient une foule d’informations pour tous les entrepreneurs engagés. www.svn.org – Site en anglais The Institute for Social Entrepreneurs Ce site regroupe des outils, services et séminaires destinés aux entrepreneurs sociaux du monde entier, et présente sa vision de l’entrepreneuriat social. www.socialent.org – Site en anglais
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Le magazine de l’entrepreneuriat social
06/08/07
À GO, ON CHANGE LE MONDE ! >>>
OTION TIEN ET DE PROM U SO DE E M M RA PROG AUX EPRENEURS SOCI DES JEUNES ENTR
est fortement Nouveau Monde du ut tit ns l’I , ébec. Depuis 2003 bats publics au Qu dé de n io at m ni impliqué dans l’a de passer de la ssible des jeunes re ép irr sir dé le Devant n avec la Caisse éé, en collaboratio cr a NM l’I n, io ct ogramme parole à l’a s, un nouveau pr in rd sja De re ai lid r la d’économie so ent, notamment pa ngager concrètem s’e à er me cit m in ra s og le pr ur po l. Le ntrepreneuriat socia d’e s et oj pr à de et n ir tio en réalisa er, à sout de ! vise à valoris on m le ge an cia ch riat so l À go, on ets d’entrepreneu oj pr de n tio isa al stimuler la ré 15 à 35 ans. chez les jeunes de CIAL ? ENTREPRENEUR SO ins sociaux, QU’EST-CE QU’UN identifie des beso i qu ne on rs pe e pour y Il s’agit d’un atique et novatrice m ag pr n tio lu so e met de l’avant un riaux pour créer incipes entrepreneu pr s de se ili ut , re répond importantes tout tombées sociales re x au et oj pr un et gérer démarche. mmunauté dans sa en impliquant la co
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PROGRAMME LES OBJECTIFS DU tille les jeunes en ange le monde! ou ch on , go À e m m soutien finanLe progra , des conseils, du ns io at rm fo in s de leur offrant
er la L’objectif ? Favoris plusieurs réseaux. à s cè des ac à un ou et es r cie oblèm novatrices à des pr ns tio lu so nsde tra e et ch cales recher uvelles initiatives lo no de er ris lo va , els besoins ré le et internationale. es à l’échelle nationa férer des expérienc PROGRAMME LES ACTIVITÉS DU LE MONDE ! se sur les À GO, ON CHANGE gnement, une trous pa m co ac d’ ice rv Club En plus du se projet ainsi qu’un de réalisation d’un es ap ét l’aues s nt dè re ffé di offerts rs sociaux seront eu en pr tre en ge, ta es au un rése des je s d’échange et de ité tiv ac s De . 07 nn s de l’a ée. tomne 20 ront offerts au cour se n io at rm fo de s nuelleet des atelier seront célébrés an ux cia so rs eu en pr s De plus, les entre urses seront alor gala festif. Des bo un d’ s s. ur ur co te et au ment les plus prom epteurs de projets de l’entrepreattribuées aux conc le portail Internet , le ib on sp di e rc rmation. Autre ressou un carrefour d’info ue tit ns co se es un un neuriat social je irants. Allez y jeter t des portraits insp en em al r ég ce e lan uv us tro On y ût de vo -être aurez-vous le go ut Pe it? sa i Qu il! coup d’œ ! en affaires sociales emonde.qc.ca el ng www.agooncha
POUR PLUS D’INFORMATION :
Sophie Gélinas Coordonnatrice du programme À go, on change le monde !
1-877-934-5999 • 514 934-5999, poste 231 sophie.gelinas@inm.qc.ca www.agoonchangelemonde.qc.ca inm.qc.ca
Couverture A GO en spread