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L’importance du secret professionnel : que fait la directive DAC 6 des conseillers fiscaux certifiés ?

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L’importance du secret professionnel : que fait la directive DAC 6 des conseillers fiscaux certifiés ?

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Il y a certaines obligations à respecter pour pouvoir exercer la profession de conseiller fiscal certifié, comme effectuer le stage obligatoire, observer la déontologie de la profession, rendre des comptes à la commission de discipline si vous ne le faites pas et respecter le secret professionnel en toutes circonstances.

Le secret professionnel est consacré légalement à l’article 458 du Code pénal. Cet article protège la personne qui confie le secret à la personne tenue au secret professionnel. Le secret professionnel implique que le conseiller fiscal certifié n’est pas autorisé à divulguer les informations concernant son client et qu’il doit les garder secrètes vis-à-vis de sa famille, de la justice et même du fisc. Toute violation du secret professionnel peut avoir de lourdes conséquences pénales. Le secret professionnel est l’un des éléments qui, aux yeux des clients, distinguent le conseiller fiscal certifié des autres conseillers fiscaux. Mais quelle est l’étendue du secret professionnel ? La Cour constitutionnelle a levé un coin du voile dans son arrêt du 15 septembre 2022.

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Le secret professionnel et la loi du 20 décembre 2019

En 2020, l’ITAA a saisi la Cour constitutionnelle afin de contester la loi du 20 décembre 2019 transposant la Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 (dans le langage populaire : la DAC 6)1 .

Cette loi est une transposition de la DAC 6 qui impose une obligation de déclaration des « dispositifs transfrontières »2 aux « intermédiaires »3. Selon l’ITAA, cette loi impose des obligations qui saperaient le secret professionnel de ses membres.

L’article 458 du Code pénal protège tous les secrets qu’un dépositaire du secret professionnel se voit confier dans l’exercice de sa fonction. Ce qui importe, ce n’est donc pas ce que le prestataire de services professionnels fait de cette information, mais bien si cette information lui a été confiée sur une base confidentielle par son client.

La loi apporte une modification fondamentale à ce principe en ce sens que les secrets que les clients confieraient à leurs conseillers membres de l’ITAA ne seraient protégés que dans la mesure où ces derniers donneraient des conseils juridiques à propos d’une situation existante. Dès lors que les conseils donnés sont d’ordre économique ou comptable, ils cessent d’être protégés par le secret professionnel, ce qui saperait la protection offerte par l’article 458 du Code pénal (car cet article nous protège autant qu’il nous lie) dans le cas de tels « dispositifs transfrontières ».

Le secret professionnel nous est également connu par la législation anti-blanchiment4 qui instaure une protection moins étendue que celle qui serait instaurée par la transposition de la directive DAC 6. Paradoxalement, les membres de l’Institut (et leurs clients potentiels) sont mieux protégés contre l’obligation de communiquer des informations concernant le financement du terrorisme ou le blanchiment de capitaux, que contre l’obligation de fournir des informations concernant des dispositifs transfrontières.

Enfin, la loi a introduit une possibilité limitée pour l’intermédiaire de se prévaloir de son secret professionnel. Il peut se défaire de son obligation de déclaration en informant un autre intermédiaire, par écrit et de façon motivée, qu’il ne peut pas respecter l’obligation de déclaration. En l’absence d’autres intermédiaires, le client doit faire la déclaration lui-même.

Cela entraîne également une violation du secret professionnel, mais cette fois vis-à-vis d’autres intermédiaires. À nouveau uniquement dans l’hypothèse où le secret professionnel s’étendrait à des conseils d’ordre économique ou comptable.

1 Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration,

JOUE L139, 5 juin 2018. 2 Art. 3 :

« 1° dispositif transfrontière » : un dispositif concernant plusieurs États membres ou un État membre et un pays tiers si l’une au moins des conditions suivantes est remplie : a) tous les participants au dispositif ne sont pas résidents à des fins fiscales dans la même juridiction ; b) un ou plusieurs des participants au dispositif sont résidents à des fins fiscales dans plusieurs juridictions simultanément ; c) un ou plusieurs des participants au dispositif exercent une activité dans une autre juridiction par l’intermédiaire d’un établissement stable situé dans cette juridiction, le dispositif constituant une partie ou la totalité de l’activité de cet établissement stable ; d) un ou plusieurs des participants au dispositif exercent une activité dans une autre juridiction sans être résidents à des fins fiscales ni créer d’établissement stable dans cette juridiction ; e) un tel dispositif peut avoir des conséquences sur l’échange automatique d’informations ou sur l’identification des bénéficiaires effectifs.

Un dispositif signifie également une série de dispositifs. Un dispositif peut comporter plusieurs étapes ou parties ; 3 « 4° « intermédiaire » : toute personne qui conçoit, commercialise ou organise un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, le met à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou gère sa mise en œuvre ;

Un intermédiaire est aussi une personne qui, compte tenu des faits et circonstances pertinents et sur la base des informations disponibles ainsi que de l’expertise en la matière et de la compréhension qui sont nécessaires pour fournir de tels services, sait ou pourrait raisonnablement être censée savoir qu’elle s’est engagée à fournir, directement ou par l’intermédiaire d’autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils concernant la conception, la commercialisation ou l’organisation d’un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, ou concernant sa mise à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou la gestion de sa mise en œuvre. Toute personne a le droit de fournir des éléments prouvant qu’elle ne savait pas et ne pouvait pas raisonnablement être censée savoir qu’elle participait à un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration. À cette fin, cette personne peut invoquer tous les faits et circonstances pertinents ainsi que les informations disponibles et son expertise et sa compréhension en la matière.

Pour être un intermédiaire, une personne répond à l’une au moins des conditions supplémentaires suivantes : a) être résidente dans un État membre à des fins fiscales ; b) posséder dans un État membre un établissement stable par le biais duquel sont fournis les services concernant le dispositif ; c) être constituée dans un État membre ou régie par le droit d’un État membre ; d) être enregistrée auprès d’une association professionnelle en rapport avec des services juridiques, fiscaux ou de conseil dans un État membre. 4 Loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces, M.B. 8 octobre 2017.

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Dans l’interprétation de l’ITAA, la loi semblait donc avoir pour effet de contraindre les conseillers fiscaux certifiés à violer leur secret professionnel.

Cette loi a donc été contestée devant la Cour constitutionnelle avec l’aide de l’Orde van de Vlaamse Balies et de l’Ordre des barreaux francophones et germanophone.

De la Cour constitutionnelle à la Cour de justice

Dans son arrêt du 15 septembre 2022, la Cour constitutionnelle a répondu à plusieurs des arguments de l’ITAA et levé le voile.

La question la plus importante est évidemment de savoir si les conseillers fiscaux certifiés sont liés par la DAC 6 et quelle est l’étendue de la protection offerte par le secret professionnel. Dans son arrêt, la Cour constitutionnelle semble partir du principe que le secret professionnel offre une vaste protection qui s’étend non seulement aux avocats, mais aussi à tous les intermédiaires tenus au secret professionnel.

Ce jugement de la Cour constitutionnelle mérite d’être applaudi, d’autant qu’il ouvre la porte vers la Cour de justice qui va à présent devoir se prononcer sur la question de savoir si tous les intermédiaires tenus au secret professionnel peuvent être contraints de violer leur secret professionnel en informant d’autres intermédiaires du fait qu’ils ne peuvent faire la déclaration. Autrement dit, la question n’est à présent plus limitée aux avocats, comme c’était le cas auparavant.

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Conclusion

L’ITAA accorde une grande importance à la protection du secret professionnel. Il protège non seulement les membres de l’Institut, mais aussi et surtout les clients qui parfois comptent précisément sur une personne de confiance à qui ils peuvent demander des conseils sans devoir craindre des répercussions. Il est l’un des éléments qui distinguent les membres de l’Institut des conseillers fiscaux non certifiés qui, en l’absence de secret professionnel, seraient soumis à l’obligation de déclaration.

L’ITAA s’oppose dès lors formellement à un secret professionnel dilué et grâce à la décision favorable de la Cour constitutionnelle, le secret professionnel qui caractérise la profession de conseiller fiscal certifié est encore un peu mieux protégé.

Laure Proost

Avocat

Frank Judo

Avocat

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