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Non-déductibilité des amendes. Les prélèvements de régularisations et transactions pénales expressément inclus
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Non-déductibilité des amendes. Les prélèvements de régularisations et transactions pénales expressément inclus
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Le législateur est intevenu une nouvelle fois au sujet de la non-déductibilité des amendes, et y inclut expressément les prélèvements de régularisations et transactions pénales. La loi-programme du 27 décembre 2021 a en effet ajouté les prélèvements de régularisation fiscale et sociale et les transactions pénales visées à l’article 216bis du Code d’instruction criminelle dans le champ d’application de l’article 53, 6° du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992). Par conséquent, ces sommes, comme les amendes, ne sont plus déductibles. Une circulaire datée du 21 juin 2022 (Ci. 2022/C/60) fournit un mot d’explication.
Non-déductibilité
L’article 53, 6° du CIR 1992 met les amendes, confiscations et pénalités de toute nature au ban de toute dépense déductible de la comptabilité des personnes physiques et des sociétés. Il est donc important de pouvoir encadrer la notion d’ « amende » ou de « pénalité » d’un point de vue fiscal.
Rappelons à ce sujet que la loi du 25 décembre 2017 portant réforme de l’impôt des sociétés avait déjà étendu le champ d’application de l’article 53, 6° du CIR 1992, afin d’y inclure • les amendes administratives infligées par des autorités publiques, même lorsque ces amendes n’ont pas le caractère d’une sanction pénale et même lorsque leur montant est calculé sur la base d’un impôt déductible, et • les majorations de cotisations sociales.
Cette extension était entrée en vigueur lors de l’exercice d’imposition 2021 pour les périodes imposables débutant au plus tôt le 1er janvier 2020. Elle avait été commentée par la circulaire administrative 2018/C/12 du 30 janvier 2018.
Dans sa loi-programme du 27 décembre 2021 (article 23), le législateur s’attaque maintenant : • aux prélèvements de régularisation fiscale ou sociale (« DLU »), et • aux sommes d’argent versées à titre de règlement transactionnel (article 216bis du Code d’instruction criminelle).
Prélèvements de régularisation fiscale ou sociale
L’article 53, 6° du CIR 1992 est complété afin de préciser que ne constituent pas des frais professionnels « les prélèvements de régularisation fiscale ou sociale ». Mais que faut-il inclure sous ces termes ?
Les travaux préparatoires de la loi-programme font ici référence à la loi du 21 juillet 2016 visant à instaurer un système permanent de régularisation fiscale et sociale (Loi DLU quater), et à la législation régionale correspondante. Selon l’article 2, 10° de cette Loi DLU quater, il faut entendre par prélèvement « le montant total de la somme due en raison de la régularisation ». Ce « prélèvement » inclut donc, selon cette loi, à la fois l’impôt régularisé (des personnes physiques, des sociétés, TVA ou autre) et / ou les cotisations sociales régularisées, et les amendes dues en sus au sens strict du terme.
Les travaux préparatoires de la loi-programme donnent toutefois une acception différente à cette notion de prélèvement, vu qu’ils précisent, au sujet du régime de régularisation, qu’après le paiement de l’impôt et du prélèvement de régularisation, le contribuable bénéficie d’une immunité fiscale et pénale. Le législateur semble donc n’avoir voulu viser ici – à titre de prélèvement de régularisation non déductible – que les amendes dues en sus des impôts et / ou cotisations régularisés.
La circulaire 2022/C/60 du 21 juin 2022 sur la non-déductibilité des prélèvements de régularisation et des règlements transactionnels abonde dans le même sens, faisant également la distinction entre le paiement de
iStockphoto.com/Paul Bradbury.
l’impôt (régularisé) et le prélèvement de régularisation (ce qui est dû en sus). On pourrait donc en conclure que seuls les montants dus en sus des impôts et cotisations régularisés tombent dans le champ de la non-déductibilité à titre d’amende prévue par l’article 53, 6° CIR 1992. Ceci serait également conforme aux FAQ publiées par l’administration sur la DLU quater qui précisent (question 32) que le prélèvement social est déductible des revenus professionnels régularisés.
Notons que la loi du 21 juillet 2016 visant à instaurer un système permanent de régularisation fiscale et sociale cessera d’être en vigueur le 31 décembre 2023.
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Sommes versées à titre de transaction pénale
L’article 53, 6° CIR 1992 est également complété afin de préciser que ne constituent pas des frais professionnels « les sommes d’argent visées à l’article 216bis du Code d’instruction criminelle ». Il s’agit en l’occurrence de sommes d’argent payées par une personne en vue d’éteindre l’action publique à son encontre.
Cette intervention législative fait suite à un arrêt de la Cour d’appel de Gand du 13 octobre 2020, qui avait reconnu la déductibilité fiscale de telles sommes. Sans entrer dans les détails de l’affaire, une société avait traité une transaction pénale comme une charge exceptionnelle dans sa comptabilité, et l’avait considérée comme déductible dans sa déclaration à l’impôt des sociétés pour l’exercice d’imposition 2013.
Cette appréciation n’était guère de l’avis de l’administration puisque celle-ci l’a requalifiée comme une dépense non admise, en application de l’article 53, 6° du CIR 1992.
Le litige a abouti devant la Cour d’appel de Gand, qui a donné gain de cause à l’appelante (c’est-à-dire la société), sur base du fait qu’une somme versée à titre de transaction ne constitue pas une pénalité, n’est pas imposée par un juge en application d’une loi pénale, n’est pas constitutive d’une sanction, et n’est pas qualifiée d’amende par l’article 216bis du Code d’instruction criminelle. L’administration s’est pourvue en cassation contre cet arrêt.
Entrée en vigueur des modifications
Les modifications apportées à l’article 53, 6° CIR 1992 sont entrées en vigueur 10 jours après la publication de la loi-programme au Moniteur belge, soit le 10 janvier 2022.
La circulaire 2022/C/60 précise toutefois que l’administration maintiendra, pour la période qui précède et dans les litiges en cours, sa position selon laquelle les sommes payées à titre de transaction dans le cadre de l’article 216bis du Code d’instruction criminelle ne constituent pas des dépenses déductibles.
Amaury della Faille
Conseiller fiscal certifié
Frédéric De Clerck
Juriste