Issue 6 / 2014 Editor in Chief Claire Bargout Creative Director Kyle Goforth French Editor Jeanne Voizard Marceau English Copy Editors Alex Bourque Hannah Hackney French Copy Editor Sophie Auger Staff Photographer Edwin Isford
Contact info@interfoldmagazine.com www.interfoldmagazine.com Printed in Montreal By Solutions Rubiks Cover image by Dan Vogt Special thanks Olivia Boudreau Galerie Leonard-et-Bina-Ellen Musée d’art contemporain de Montréal
Contributing Artists Alex Brazeau Emmanuel Chieze Matt Hovey Cody Jacobs Elise Lafontaine Maianh Nguyen Dong Terrance Richard Dan Vogt Contributing Writers Jeremy Dobski Jade Fraser Fabien Marcil
dan vogt The first casualty of the statement is art.
Matt Hovey
Matt Hovey Photography has a long tradition of documenting, diffusing and confronting conventionally taboo cultures. Matt Hovey’s work seeks to address two such aspects of his life: an attraction to older, heavier men and a polyamorous relationship. I fuck fat hairy dudes because I like furry round things is an ongoing documentation of complex relationships with friends and lovers. The process of portraiture is an intimate act that Hovey shares with his subjects, many of whom don’t live in Montreal, so he doesn’t see them often. Photographing lovers is a meditative process, which allows him to admire and honour them. He collects the photos as mementos of their time together. His bedroom wall is covered with thumbnails in the form of contact sheets. This series is not about any of the men in particular. Hovey is the only common thread.
Cody Jacobs
Cody Jacobs Cody Jacobs is a photographer concerned with the role of photography in remembering and forgetting family history. In response to Steichen's The Family of Man, Jacobs uses personal family portraits to focus on the differences and patterns between generations. The result is Plainview, a series that explores the ways in which families continue to share the same emotional experiences over and over again.
Elise Lafontaine Élise Lafontaine est une étudiante de deuxième année au bac en arts appliqués poursuivant une spécialisation en peinture et en dessin. Sa pratique, qui crée des effets hypnotiques et troubles, valorise le travail de l’inconscient et aime à créer ambiguïté et tension. Elle examine la dynamique entre plusieurs systèmes spatiaux en dérive et cherche à manier avec précision un matériel imprécis. Son récent projet Irradiation se réfère aux catastrophes nucléaires du siècle passé et offre un récit de quelques escales étranges en terrain post-apocalyptique. Tout en inspirant une réflexion sur la mémoire et sur les impacts nocifs de substances dangereuses, cette série édifie un microcosme dans lequel les transformations radioactives sont rendues à la fois hostiles et déconcertantes de flamboyances lumineuses. L’artiste expose la survie d’un monde irradié, les ruines du nucléaire. Elle articule le paradoxe d’une présence née de l’absence humaine, l’existence d’un monde isolé, interdit et oublié.
Terrance Richard
Terrance Richard Terrance Richard is a 21-year-old fine arts student focusing on photography and sculpture. Richard’s main interest lies in the intersection between the two practices, with a focus on the relationship between medium, method and context. Often referencing advertising aesthetics, Richard’s work approaches consumer culture in an absurd and playful manner.
Emmanuel Chieze
Emmanuel Chieze Emmanuel Chieze is a photographer who manipulates concrete objects as a means of questioning our conventional visual perception of everyday scenery. Using a camera as others would use a kaleidoscope, his artistic approach aims at exposing and reimagining our external environment. Étoiles de Mer is loyal to this concern, as it aims to reveal a hidden palette of colours and shapes in the Pacific Ocean.
Maianh Nguyen Dong Maianh Nguyen Dong is an interdisciplinary artist, working primarily with installation. Her work often explores themes of luxury, excess, vanity and wealth. Nhà Đep is a photo series documenting Western influences on her Vietnamese family’s house. The photos examine the family’s notions of what a beautiful home is, after their immigration to Canada in the 1980s. They reassess the meaning of luxury, while celebrating privilege and good fortune.
Alex Brazeau Have you seen my new rug? is an installation exploring selfawareness within consumer culture, through the relationship between the consumer and the act of consumption. The material of the rug highlights the flaws in modern society’s judgment of needs, values and uses. The shiny quality of the fabric represents material luxury, while the puffiness of the coat represents intimidation and power. This rug is displayed as a trophy, evoking the upper-class trend of displaying fur rugs in one’s home. By transforming it into a decorative household item, it becomes a symbol of pride in our ability to consume.
Fabien Marcil - Ton exposition est composée presque exclusivement d’œuvres vidéos, certaines de ces œuvres sont présentées sur écran, mais la plupart sont projetées. Pourquoi travailles-tu majoritairement avec la projection vidéo?
Olivia Boudreau L’oscillation du visible Une entrevue de Fabien Marcil
Olivia Boudreau - Je n’ai jamais fait d’œuvre spécifiquement pour le moniteur, jamais. C’est une raison un peu romantique, un peu bête peut-être, mais c’est tout simplement parce que la projection et l’idée que l’on puisse créer un espace avec un simple jet de lumière, un espace presque sans matérialité, me fascinent. Il y a quelque chose d’éphémère et de fragile dans la projection que j’aime beaucoup. F - La projection peut parfois devenir une mise en scène et je me demandais donc; participes-tu activement à la mise en espace de tes œuvres? O - Oui, et ça fait complètement partie de mon travail. Ce qui est intéressant dans ce cas-ci, c’est qu’on a adopté une démarche à laquelle je ne suis pas habituée. Jusqu’à maintenant, j’ai toujours présenté soit une œuvre à la fois, ou, à quelques reprises, deux œuvres en même temps. Deux œuvres qui étaient liées, mais présentées dans des pièces différentes. J’ai donc toujours travaillé avec une pièce et une projection. Et souvent, parce que ce sont des images fragiles dans lesquelles il ne se passe que très peu de choses, je dois leur faire un petit nid, leur donner un espace à elles pour les protéger et pour que le spectateur puisse les ressentir dans les meilleures conditions possible. Dans le cas de L’Oscillation du visible, on a travaillé à l’opposé, avec la contamination et le dialogue des œuvres entre elles — sans les isoler pour les protéger. On s’est dit qu’on les laisserait maintenant vivre entre elles. Ainsi des liens que je n’avais jamais faits se sont révélés manifestes. Par exemple, même si je savais que le motif de l’animal était quelque chose qui revenait dans mon travail, quand je vois Peintures, Pelages et puis Vaches dans la même pièce, mon cheminement et ma réflexion sur l’animal deviennent super concrets. Il y a une ligne directrice et des motifs récurrents qui apparaissent
dans l’exposition, mais qui n’étaient pas aussi clairement définis pour moi quand je travaillais. F - Et comme ton travail est souvent associé à la figure de la femme, je me demande; associes-tu implicitement l’animal à la condition féminine? O - Je ne l’associe pas à la figure de la femme. Je ne travaille pas de cette manière-là. Je travaille avec l’image de la femme parce que je suis une femme. C’est ce que je connais. C’est mon expérience de tous les jours. En général, 90% du temps, mes préoccupations ne sont pas rattachées au fait que je sois une femme. N’empêche, je m’y fais ramener constamment. Mon corps, déjà, m’y ramène souvent; surtout dans le cadre de mon travail en performance. À l’origine, j’ai voulu travailler avec mon propre corps et il s’avère que c’est celui d’une femme. Je ne suis pas entré là-dedans en me disant « je vais travailler l’image de la femme ». C’est venu de soi. F - Ainsi, ta démarche et ta pratique artistique ne sont pas nécessairement critiques des manières dont la femme est représentée dans l’espace public? O - Critique, non. Par contre, je suis très consciente de ce que peut suggérer un corps de femme mis dans une position comme celle de Pelages (à quatre pattes). Je suis très consciente des attentes que l’on a par rapport aux images de la femme. Mais s’il y a une critique rattachée à mon travail, c’est plutôt dans ces attenteslà qu’elle se situe. Je travaille avec les matériaux que je connais et je n’associe pas l’animal à la féminité, mais à une condition de l’être humain qui dépasse le genre. Je me dis aussi que, lorsqu’on va voir une rétrospective de Bruce Nauman et que Nauman apparaît dans tous ses maudits vidéos: est-ce qu’il y a un moment où il nous parle d’identité masculine? Je ne pense pas. Vito Acconci, peutêtre. En ce sens, je me sens plus près de Vito Acconci qui semble produire des œuvres qui ne s’articulent pas principalement autour de la notion du genre, mais qui l’abordent inévitablement. La notion du masculin/ féminin pourrait être perçue comme la matière même de
son travail – tout comme on peut identifier le contraste des genres dans le mien. Lorsque Bruce Nauman se représente dans son œuvre, il devient universel; alors que dès qu’une femme se représente ou se met en scène, il semble qu’elle parle nécessairement d’identité féminine. C’est fou ! C’est correct, mais il faut se rendre compte que c’est vraiment culturel.
regard. Dans l’expo, on n’est pas comme au cinéma où on oublie complètement notre corps et notre esprit et où on s’identifie au personnage. Percevoir et comprendre une image est un processus complexe qui demande du temps, du jugement et un sens de l’observation. Garder le projecteur dans l’espace, c’est une manière de nous amener - et moi la première - à rester conscients du plus d’éléments possible. Et ce afin que la lecture de l’œuvre soit de plus en plus complexe et de manière à ce qu’on ait constamment une expérience un peu plus globale. Le fait est que nos attentes envers une image peuvent nous obstruer la vue vis-à-vis d’autres possibilités de sens qui pourraient pourtant émerger de cette image. Les installations vidéo permettent de projeter, mais en même temps elles rappellent qu’il y a projection des deux côtés, que ce soit celui de l’artiste ou celui du spectateur. On projette beaucoup.
F - D’où proviennent alors les positions que tu décides d’adopter dans tes vidéos? O - De la vulnérabilité du corps. Dans Douches, par exemple, l’hygiène est, de prime abord, présentée comme un soin du corps. Toutefois, à partir d’un certain moment, ce soin devient pervers et semble fragiliser le corps. Dans Pelages, le corps est soumis à une contrainte (NDLR : rester à quatre pattes pendant cinq heures) qu’il lui est difficile de tenir dans toute sa durée, mais il doit la tolérer et y survivre. Même lorsqu’un corps est forcé de rester dans une ou des positions vulnérables — autant symboliques que physiques — il y survit, il est endurant et résistant. D’un autre côté, le corps est une réalité vulnérable et se rendre compte de cette fragilité du corps peut s’avérer intolérable. La maladie, par exemple, est un choc et une prise de conscience de cette vulnérabilité de notre corps, alors que parfois on préférerait l’oublier et l’ignorer.
F - Trouves-tu que la galerie est un endroit idéal pour réaliser ce travail-là? O - Moi je trouve que ça fonctionne complètement. Je n’ai vraiment pas de problème avec la galerie. Je sais que ce n’est pas à la mode (rires)... Et on dirait qu’on a absolument besoin de critiquer l’institution, alors que pour essayer d’arriver à cet état de conscience et pour retenir le plus d’informations possible, il nous faut un contexte neutre. On dirait qu’il nous faut d’abord une situation sur laquelle on s’entende.
F - Tu utilises le projecteur de manière très assumée, il est souvent placé bien en évidence, au milieu de l’espace, au même niveau que le spectateur. Que signifie pour toi cette décision?
F - Un bloc d’espace? O. - Oui, comme ça : on s’entend là-dessus, on connaît le code et la question ne se pose plus là. Selon moi, ce qui libère une partie de la concentration permet d’amener l’attention ailleurs.
O - Si la matérialité de l’œuvre est très assumée et franche, c’est afin de rappeler ce qu’implique la mise en scène d’une projection vidéo. Comme si le travail portait sur le manque d’attention qu’on porte aux images et à la pluralité de leurs sens. Les attentes qu’on a envers une image définissent souvent ce qu’on en retient et, à l’inverse, je propose au spectateur une expérience dans laquelle j’aimerais qu’il conscientise l’idée qu’une image a plusieurs sens qui sont cachés au premier Pelages, 2007
Douches, 2006 F - J’ai réalisé en regardant tes vidéos que l’image est souvent obstruée. Est-ce inhérent aux actions que tu choisis d’effectuer ou est-ce une recherche franche de l’obstruction du regard? O - C’est dans la recherche. Les actions sont choisies en fonction de toutes sortes de critères, et celui-là en est l’un d’eux. Ne pas avoir complètement accès à ce que l’on voit, et ce, de plusieurs manières. Que ce soit parce qu’il y a une porte et des enfants qui jouent derrière (Les Petits), parce qu’un box enferme un cheval (Box) ou encore parce qu’on éteint la lumière (La Levée). Que le regard sur un événement ou une chose ne puisse être complet et global fait partie de mon travail : que l’on soit privé de la globalité de la scène. Le gros plan, aussi, est une stratégie similaire à l’obstruction (comme dans Salle C). F - Ainsi, quand la vue est obstruée, le regard dans l’œuvre semble accuser le spectateur. Est-ce que le fait de retourner l’attention vers le spectateur est important pour toi?
O - Oui, définitivement. Que ce soit les enfants de Les petits qui regardent à travers la porte, les performeurs de Lying Bodies, Standing Bodies qui lancent un regard de reconnaissance au spectateur quand il entre dans la salle, la caméra dans Douches, les regards dans Femme allongée... Oui, tout ça c’est comme si je m’adressais directement au spectateur. C’est une manière de créer un système entre l’œuvre, le spectateur et moi. Créer un espace entre nous qui serait celui de notre rencontre. F - Pourquoi as-tu matérialisé l’enregistrement de Salle C à travers un cabinet et plusieurs cassettes SD? Quelles étaient tes intentions? O - Salle C a vraiment un statut particulier. D’ailleurs, Michèle, la commissaire de l’exposition, est obsédée par cette œuvre et on n’arrête pas d’en parler. Avec Salle C, c’est un peu comme si j’avais pris mon processus de travail, que je l’avais ouvert et que j’avais invité le public à le traverser. J’avais déjà fait une performance similaire au Centre Clark nommée Dehors (2005). J’avais aussi
Salle C, 2007 enregistré cette performance, mais l’installation faisait en sorte que le public ne voyait pas ni la caméra ni les cassettes et qu’il n’avait donc pas conscience de ce travail de production et de documentation. Avec Salle C, j’ai voulu rendre accessible cet aspect-là du travail. Je trouve qu’il y a quelque chose de vraiment étonnant dans le fait qu’une expérience aussi physique et active se retrouve dans un média aussi peu séduisant qu’une cassette de MiniDV. Le meuble de l’exposition fonctionnait aussi comme un engagement ou comme un contrat. Il permettait de suivre la progression de la performance et d’en mesurer la durée, de mesurer mon engagement, mais aussi, de mesurer l’engagement du spectateur. F - C’est intéressant que tu dises que la performance était très active, parce qu’elle est rendue très passive et contemplative dans sa documentation. Qu’en penses-tu? O - C’est rattaché au fait que cette réalité-là existe, même si elle en semble détachée. Que la réalité de la performance, dans tout ce qu’elle avait de démesuré,
existe véritablement et se retrouve là, dans les cassettes, condensée. Comme si tout ce qui s’était produit de physique, d’émotif et d’interpersonnel se retrouvait condensé en une surface. Alors qu’en fait, tout est encore là et la surface des choses n’est pas tout ce qui subsiste. N.B. : L’intégralité des descriptifs est disponible en galerie et sur le site web de la Leonard-et-Bina-Ellen. Voir : http://ellengallery.concordia.ca/fr/reflexion_boudreau Descriptifs et images reproduits avec le concours de l’artiste et de la Galerie Leonard-et-Bina-Ellen.
Descriptifs de Pablo Rodriguez Peinture, 2004 Projection vidéo, couleur, 22 min 14 s. Une femme se tient debout au milieu d’un espace blanc. La femme porte un t-shirt rouge, des pantalons rouges et des escarpins noirs. Près d’elle, un petit chien aux oreilles pendantes, retenu par une laisse rouge, change parfois de position. La femme traversera un cycle de poses variées. Des références culturelles viennent facilement à l’esprit et, avec elles, des scénarios possibles. Avec le temps, le corps commence à se fatiguer. Le chien, l’ignorant totalement, regarde autour, hume l’air, s’assoupit. Pelages, 2007 Projection vidéo, couleur, 4h 58 min. Une femme portant un slip blanc et un manteau de fourrure à mihanche de couleur cendre tente de rester indéfiniment en position sur ses mains et ses genoux. Elle est présentée de profil et éclairée devant un arrière-plan d’un noir profond. La vidéo est silencieuse. La fourrure du manteau remue sans cesse. Les efforts de la femme afin de rester en position deviennent de plus en plus perceptibles. Douches, 2006 Projection vidéo, son, couleur, 56 min 42 s. Dans un vestiaire, une caméra vidéo est fixée sur un trépied, sa lentille pointée vers le spectateur. La caméra enregistre son propre reflet dans un miroir. On entend le bruit d’une douche, qui s’arrête. Une femme surgit à l’intérieur du cadre de l’image et seul un côté de son torse est visible. Ayant attrapé une serviette, elle commence à sécher son corps selon l’habituelle suite d’actions. Après avoir terminé, elle retournera sous la douche et recommencera. Entrant dans le cadre et le quittant, elle répètera cette séquence de lavage et de séchage pendant presque une heure. Salle C, 2007 Vidéo d’une performance enregistrée en direct, son, couleur. Cassettes Mini DV transférées sur disque dur. Une heure sur cent cinquante heures présentées en boucle chaque jour. Meuble de rangement pour 150 cassettes Mini DV, bois, verres. Cette vidéo est en lien avec la performance Salle C réalisée dans le cadre de l’exposition Start commissariée par Christof Migone et présentée à la Galerie Ellen en 2007 (dans ce qui est aujourd’hui la salle E). L’artiste s’est enregistrée, assis sur un banc, durant les heures d’ouverture de la galerie sur une période de cinq semaines. L’image projetée sur un écran suspendu devant l’artiste était placée à l’entrée de la salle. La caméra placée au niveau du bas du dos de l’artiste ne retransmettait que cette partie-là de son corps. L’artiste accessible au
visiteur dès qu’il ou elle contournait l’écran, n’interagissait pas avec lui ou elle. Au bout de chaque heure, elle se levait pour placer la cassette enregistrée dans un casier de rangement appuyé au mur et pour installer une cassette vierge dans la caméra. Box, 2009 Vidéo, son, couleur, 22 heures. Box est l’enregistrement sonore et vidéo continu de la présence d’un cheval dans sa stalle. La caméra est fixe et la scène est éclairée par la lumière naturelle, donc obscurcie pendant la nuit. D’une longueur de 22 heures, la vidéo continue à la nuit tombée jusque dans une noirceur quasi totale. Il y a des changements dans la qualité et l’intensité de la lumière, accompagnés par des bruits ambiants de toutes sortes. Vaches, 2005 Vidéo sur écran plant, son, couleur, 57 min 3 s.
À la recherche du temps: retour sur The Clock Par Jade Fraser
La vidéo s’ouvre sur le son des grillons et la vue de quatre vaches broutant dans un champ. Une lourde corde blanche relie l’artiste à la seule vache blanche du groupe. L’artiste est debout dans le paysage portant des bottes et une robe rose. La corde mesure environ 4,5 mètres. Lorsque la vache bouge, l’artiste est forcé de suivre son mouvement, non sans avoir un peu tenté de garder la corde tendue et de maintenir sa position. La bande sonore, continuellement et entièrement diégétique, se compose du son des grillons, d’oiseaux éloignés et du passage occasionnel d’une voiture.
Attendre. Attendre longtemps. Attendre longtemps pour voir The Clock. ...
à un autre. Si les 80 spectateurs qui occupent à plein rendement la petite salle du MAC décident d’y rester jusqu’à la fermeture du musée, personne ne les en empêchera.
Trouver la situation ironique. ...
La Levée, 2008 Vidéo, son, couleur, 53 min 3 s.
Œuvre vidéo d’une durée de vingt-quatre heures créée par Christian Marclay, The Clock nous invite à expérimenter le temps à travers une kyrielle d’extraits de films. Le temps y est tantôt présenté, par le biais de cadrans et d’horloges, et tantôt discuté, à travers les dialogues et trames narratives morcelées. Véritable travail de moine, le tour du cadran cinématographique est en parfait synchronisme avec l’heure qui avance dans la réalité des spectateurs.
À cinq occasions : la chance de vivre l’œuvre monumentale dans son intégralité. Le musée demeure alors ouvert jour et nuit. Le monde de l’art contemporain n’en est cependant pas à sa première œuvre d’une aussi longue durée. En 1964, Andy Warhol présentait Empire, un plan fixe de huit heures montrant l’Empire State Building. Quelques décennies plus tard, en 1993 et 2002, Douglas Gordon et Leif Inge ralentissaient respectivement le film Psycho d’Hitchcock et la 9e symphonie de Beethoven pour créer 24 Hour Psycho et 9 Beet Stretch, deux œuvres d’une durée de vingt-quatre heures. De la haute voltige conceptuelle certes, mais si aride et hermétique qu’elle semble rejeter le spectateur.
La Levée alterne des phases de lumière et des phases d’obscurité. Une lumière d’intérieur dévoile une femme debout, vue de trois-quarts. Seules ses longues jambes nues apparaissent dans le cadre, visibles du haut des cuisses jusqu’aux chevilles. Après être restée un instant immobile, elle descend doucement son slip jusqu’à ses genoux, et le laisse tomber au sol autour de ses chevilles. Quelques minutes après, lorsque la lumière s’allume, l’action se répète.
Ainsi donc j’attends. ... C’est que les spectateurs entrent au compte-gouttes : un doit décider qu’il en a assez vu pour laisser la place
En cela, l’œuvre de Marclay se retrouve dans une catégorie à part : des foules de tous horizons accourent pour en vivre l’expérience. Bien qu’imposante, l’œuvre est étonnamment accessible et agréable à
Photographie de Ben Westoby regarder. Le semblant de trame narrative y est pour beaucoup. Les enchaînements et les extraits choisis se répondent harmonieusement pour suggérer la progression d’une histoire qui demeure néanmoins incohérente, car morcelée à outrance. Savoir que le temps cinématographique épouse à la perfection le temps réel, sans jamais ralentir ni revenir en arrière, nous sauve en tant que spectateur de l’aliénation totale. Autrement, comment supporter cette récurrence des motifs et cette répétition des techniques de montage? Nous supportons si aisément The Clock, car jamais elle ne nous laisse stagner. Bien que l’œuvre nous rappelle constamment le « temps horloge », elle biaise notre impression de «durée». Conceptualisé par Henry Bergson, le «temps horloge» se rattache au temps dans son aspect quantitatif et objectif (externe) : le temps comme unité de mesure, régi par des règles immuables. La « durée » relève quant à elle
du processus, de la perception (interne, subjective et qualitative). Ainsi, dans le plus complet des paradoxes, vingt-quatre heures durant The Clock nous rappelle l’heure qu’il est sans pour autant nous donner l’impression que le temps avance lentement. Notre perception de la durée s’en retrouve suspendue. Afin d’épargner au spectateur l’état d’attente qui lui ferait prendre conscience du temps qui passe, l’œuvre le bombarde d’une avalanche d’images juxtaposées dans un montage rapide (le plus long plan ne durant qu’une minute). Cette rapidité du montage et cette immédiateté de l’image ne sont pas sans rappeler un certain type de cinéma qui gonfle les box-offices des sociétés occidentales. L’exposition est elle-même devenue un blockbuster de l’art contemporain. Tape-à- l’œil, cet éventail d’extraits
recèle néanmoins plusieurs omissions problématiques: absence quasi complète de films d’auteurs et de films indépendants, manque de diversité quant au pays d’origine des films choisis, prédominance masculine quasi totale à l’écran, et ce sans compter la représentation exiguë et stéréotypée des femmes : toujours en train de séduire, de dormir ou d’attendre (symptomatique des films hollywoodiens). Toutefois l’ironie est palpable si, en filigrane de son œuvre, Marclay critique précisément ce genre de recettes. Que l’on perçoive The Clock comme une méditation sur le rapport au temps qu’entretiennent les sociétés occidentales et capitalistes contemporaines, comme un hommage au mécanisme cinématographique qui rive les yeux de milliards de personnes à l’écran, comme une illustration de notre besoin de nous raconter des histoires, ou encore comme une critique d’un cinéma à recette
déserté par l’originalité, Marclay a indiscutablement accompli un tour de force. Son œuvre est ambitieuse et elle trouve résonnance chez des milliers de personnes qui, en dépit de tout ce qu’elles ont à faire, choisissent de consacrer du temps à The Clock : de longues minutes d’attentes avant d’y entrer et de courtes heures une fois en sa compagnie. The Clock, 2010, Christian Marclay,Installation vidéo à canal unique, Durée : 24 heures Acquis conjointement par le Musée des beaux-arts du Canada et le Museum of Fine Arts, Boston. Avec l’autorisation de l’artiste, White Cube, Londres, et Paula Cooper Gallery, New York.
As a professional live painter, you can find Sharon Ep1c standing with her easel at the back of a show, Recording the event through a piece that will be auctioned off at the close of the event to the highest bidder. Outside of her work as a live painter, Sharon supplements her income by selling original studio works, touring across Canada and painting at festivals. Interfold - How did you become involved in live painting and how long have you been doing it?
In Real Time By Jeremy Dobski
Sharon - I started back in 2007. It was more of an exercise in overcoming agoraphobia. I was afraid of leaving my apartment and I was making all kinds of paintings that nobody was ever seeing. I wanted to get my art out in public, so I would go to the bar with my art supplies and do a painting of what was happening there. I’ve done about 850 events over the last seven years across Canada and Mexico. I’ve done a few thousand [studio] paintings over the last decade and have sold almost everything. I - When did you start painting? S - I have been drawing since I was one. I’ve been painting since I was three. I’ve been making money off of my art ever since I was sixteen. I had a comic strip in the newspaper for three years running... it was called “Sir Prance A Lot”. It was a single panel comic about a dwarfsized knight with an oversized helmet, and it was just really zany kind of weird stuff. That was my first paying gig. I - Where did you start live painting? S - Okay, the first thing that happened was I brought my art supplies to a café in Halifax, and I did a painting of what was happening in the cafe. There was a girl there doing some spoken word stuff and she was like “hey, I perform at this monthly spoken word event and you would be great there, why don’t you come?” so I went. I would paint while each poet was performing. At the time I was doing graphic and web design as a freelance designer. I
still do little bits of that work for myself, and other people on occasion. I did that for about twelve years, but I wasn’t making a huge amount of money.
show up and bust it halfway through a painting. It really depends on the situation. Sometimes I just have to shrug my shoulders and accept that it’s part of the experience. A lot of the time, that chaos supports me.
I - So when did you come to Montreal? S - I came to Montreal about two years ago. I didn’t stay immediately. I was living out of my car at the time (which was not the fancy car I have now). I showed up to paint a rave, and that went over really well, so I continued to drive around. I thought, “maybe I should move to Montreal, they really seem to dig what I’m doing here”. I - So after you started working in Montreal, that’s when you began to gain momentum? S - Well, I would say that it’s when I really started to dig deep. I mean, I worked in Halifax for two years and did about two hundred events there. I felt like I’d reached a point where I’d taken it as far as I could in that city. It’s not as big of a city as Montreal. So I started living out of my car. I started painting festivals and stuff, going from town to town, couch-surfing and everything. But you know, you can’t do that forever and you certainly can’t do that in Canadian winter. So I found this really sweet pad in Montreal and just started painting as many things as I could. I painted raves, comedy shows, bands, you name it. People invite me to all sorts of random shit, and I found that I got way more gigs here than I ever got anywhere. It took a while for it to really pick up, and I spent a lot of money on supplies without really making a return on it for a bit. But then it hit some sort of critical mass where everybody started knowing who I was, and everybody wanted me everywhere, and now it’s easy. Now it’s a lot easier than it was before. I - Have you had any live gigs that went really wrong? S - It depends on what the scene is. I mean, the rave scene is the most likely place for things to go horribly wrong. The venues are often not legal and the events are usually happening on the sly. There’s the chance that cops will
I - Do you know of any other live painters, and if so, how do you feel about the competition in such a niche market? S - I do have some imitators, mostly in eastern Canada, that are doing things of their own. So far, none of them have reached a point where they’re doing enough to make a living off it. I’m not really threatened by it. I used to be, but now I’ve realized that that’s just silly. I’m really flattered to know that there are people who are trying to make this into an actual genre. I’ve read about people doing public art and stuff like live painting back in the 70s, but not really anyone who’s doing it ongoing or anything. I - Considering the fact that you sell all of your work almost immediately, is it hard to part with originals? S - I’m sort of the opposite of a hoarder so no, not really. I like to get rid of it. It’s basically just me converting art into cash and then I can use the cash for other things like rent, car payments, all those expenses. I feel like the process of making art is more a kind of alchemy for me to transform the art itself into something else that I need. It just makes me happy that people are enjoying the work. I’m happy enough to have pictures of the work. I - What is something you learned from live painting that you didn’t get from art school? S - I learned to be stubborn and produce work that people want. Produce work that communicates with my audience rather than disassociating from them. If it connects with the audience and if it touches people, it will be viable.
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