International ink 07

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07 Journal d’Etudiant(e)s en Science Politique et Relations Internationales

DOSSIER

LA SUISSE : UNE IMAGE ÉCORNÉE ?


SOMMAIRE INTERNATIONAL.ink – n°07 Février 2010 Edité par l’Association des Etudiants en Science Politique et en Relations Internationales (AESPRI). Imprimé par l’atelier d’impression de l’Université de Genève Financé par la Commission de Gestion des Taxes Fixes (CGTF)

ÉDITORIAL

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RÉDACTION Coordinateurs Mateo Broillet, Adrià Budry Carbó Membres Aude Fellay, Aurélia Bernard, Benjamin Keller, Cindy Helfer, Claire Camblain, Damien Callegari, Fabien Kaufmann, Flurina Marugg, Lukas à Porta, Marie Nicolet, Matthieu Heiniger, Mélanie Escobar Vaudan, Michaël Wicki, Mohammed Musadak, Mouna Algelly, Raphael Roux, Romain Roustant, Sophie Fellay, Victoria Barras, Youri Hanne Graphiste Thomas Betschart

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Illustrateur Mathieu Heiniger Photo de la page de titre Damien Callegari Photos 2ème et 3ème de couverture Cindy Helfer WEB www.aespri.ch/journal

...et venez visiter notre nouveau blog http://international-ink.blogspot.com

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ÉDITORIAL • Quand le bateau coule... PORTRAIT • Profil de Mme Caty Clément DOSSIER  : LA SUISSE : UNE IMAGE ÉCORNÉE ? • La suisse : une image écornée ? • Lorsqu’il s’agit de soigner l’image • Baptiste hurni : « notre grand problème • en suisse aujourd’hui, c’est d’être seuls » • Un ambassadeur idéal • Marque suisse® et perspectives • Diplomatie suisse : acrobate, troubadour • ou clown ? • Un micro-trottoir helvétique ZOOM : CUAE • Quand le tournant radical tourne au • ridicule : la démission ratée de l’UNES • Interview VIE UNIVERSITAIRE • La science politique à genève : regards • croisés sur 40 ans d’histoire • L’u n iversit é de genève sera it-el le • victime de son succès ? La démocratisa• tion des études aux prises avec la « junk • education » VOYAGE • Une ter re prom i se, ou u ne ter re • conquise ? En quête de vérité…

QUAND LE BATEAU COULE... Cela va sans dire, la fin du semestre d’automne a été mouvementée au sein de l’Université de Genève. Le mouvement Education is not for sale a suscité de tumultueux conflits parmi les étudiants. Manifestations, sit-in, occupations de salles, ont replacé, pendant un instant, l’institution au cœur des débats alors que l’adoption de la loi sur l’université n’avait pas fait énormément de remous1 . Et pourtant, cette loi se donnait pour objectif de simplifier une structure, un peu compliquée certes, tout en limitant le pouvoir participatif des étudiants et en supprimant le montant maximum fixé pour les taxes. Si les méthodes employées par le mouvement estudiantin sont contestables (et l’ont d’ailleurs passablement été), il n’en reste pas moins les revendications. Alors que la plupart des étudiants sont inscrits dans une temporalité courte et peinent à s’investir dans une institution qu’ils quitteront après les quatre ou cinq ans que durent leurs études, l’impression subsiste que l’université vogue à la dérive pilotée par un inaccessible capitaine. Quelles conclusions pourront être tirées de toutes ces semaines d’agitation ? 1) Les étudiants de droit auront été « volés » de quelques minutes de cours qu’un professeur Monnier au sommet de son art se sera (non sans risques) entêté à leur administrer. 2) Ces mêmes étudiants auront été capables de se montrer aussi violents qu’une section du black bloc lâchée en plein centre-ville. 3) Après avoir été délogé de force, le mouvement Education is not for sale, plus minimisé que jamais, se verra attribuer une minuscule salle de séminaire sortie tout droit d’un recoin du château de Poudlard. 4) Après une réforme de Bologne qui peine à convaincre, l’actualité est marquée par la restructuration de la faculté des SES2 (qui met en péril certaines formations comme celle d’études genre) et la menace d’augmentation des taxes universitaires. Le temps donnera-t-il raison à ceux qui craignaient l’assujettissement universitaire à la logique de marché ? Alors que le débat entre étudiants réformistes, modérés, contestataires ou conservateurs fait rage, d’autres ont

PAGES URBAINES • J’ai jeté mon encre... aux Grottes • L’humeur d’un jour • La goulache culturelle (Agenda)

des préoccupations fort différentes à l’esprit. Notre estimable doyen est plus préoccupé3 par le développement du

REMPLISSAGE • Parce que l’inutile a son importance…

l’événement est si transcendant que notre bienveillante administration s’est empressée de communiquer la nou-

master en « International Trading, Commodity Finance and Shipping » en partenariat étroit avec le secteur privé. N’ayons pas peur des mots, voilà certainement réalisée la grande aspiration de tout étudiant de SES ! D’ailleurs

velle à tous les étudiants de 3ème année, arrivant au bout de leurs baccalauréats respectifs. La fin d’un cycle ? Rejoignez la grande institution du privé et lancez-vous dans le commerce maritime. Le bateau coule… qui a dit que les rats ne savaient pas nager ? Adrià Budry Carbó

Une réaction, un commentaire ou envie de rejoindre la rédaction ? Contacte-nous à

international.ink0@gmail.com

1 Ma lg ré la ca mpagne et le débat orga n isé pa r

3 Son euphorie est plus que perceptible dans la vidéo

1 la Conférence Un iversita ire des Associations

3 d’introduction au master : http://tradingmaster.ch/

1 d’ÉtudiantEs.

3 modules/trading

2 Restructuration qui devait, dans un premier temps, 2 entrer en vigueur le 1er janvier 2010 sans avoir 2 obtenu l’aval du conseil participatif.

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PORTRAIT

PORTRAIT

PROFIL DE CATY CLÉMENT elle les trouve. Elle sait se débrouiller. C’est ainsi une année enrichissante qu’elle peut passer aux Etats-Unis sous la supervision de ce professeur avec qui elle partage les mêmes centres d’intérêts. Elle est également secondée par James Rosenau, un autre des peu de spécialistes des Etats fragiles, ces Etats en faillite, effondrés car dépourvus de toute gouvernance qui s’imposent alors comme l’un des nouveaux enjeux de la sécurité et de l’aide au développement.

Son enfance, ses études, son bachelor en sciences politiques, bref un début de vie qu’elle passe en Belgique. Elle veut faire un master, il lui manque l’argent. Elle trouve alors un travail dans la publicité à New York : pause de quatre ans et demi. Elle gagne sa vie, elle voyage mais elle doit arrêter. Pas question de s’installer dans cette vie déjà confortable. Son objectif : le master de la « School of Oriental and African Studies » à Londres. Car depuis son premier « voyage aventure » comme elle l’appelle, l’Afrique l’a marquée, l’a attirée. Plus tard, retour sur le continent grâce à un travail publicitaire au Kenya. A la porte de l’avion, une odeur, celle de l’Afrique, celle d’un endroit qu’elle aime, où elle se sent bien, un sentiment, sans vraiment savoir pourquoi. C’est sûr, elle doit trouver un métier qui l’emmène dans ces endroits qu’elle aime. Mais pas seulement parce qu’elle les aime, aussi parce que ce continent l’interpelle. Comment, dans une misère qui s’est installée, les gens résistent-ils, survivent ? Pourquoi certains Etats sombrentils dans le chaos ? Elle veut comprendre la complexité de ces Etats, les causes de leur fragilité. C’est une problématique nouvelle à cette époque, peu de personnes dans le monde s’y intéressent. Cependant, après son master, l’occasion de faire de la recherche dans ce domaine se présente : on lui propose un poste d’assistante à l’Université de Louvain. La condition : faire une thèse. Qu’à cela ne tienne, elle sait de toute manière exactement sur quoi va porter sa recherche, une étude comparée de la Somalie, l’Ex-Yougoslavie et le Liban. Néanmoins, tenir cinq ans de thèse n’est pas facile tous les jours. Heureusement, Caty sait qu’ainsi elle fera ce en quoi elle croit : comprendre, voyager, s’imprégner du terrain, tirer des leçons. Elle sait aussi se donner les moyens d’avancer. Un des premiers auteurs à écrire sur la question des Etats fragiles est William Zartman. Elle le contacte tout naturellement et lui demande de terminer sa thèse avec lui à Washington. Il lui faut des financements,

Après sa thèse, Caty enseigne à l’Université de Louvain; pour les lueurs d’excitation dans les yeux des élèves, le partage, le caractère gratifiant de ces échanges. C’est également enrichissant pour la chercheuse qu’elle est. Il faut simplifier, structurer, faire des liens qu’on ne ferait pas seul. Puis, la Banque Mondiale l’engage pour deux ans. Elle voit de l’intérieur une institution facilement critiquée et critiquable. Pour elle, c’est important, il faut pouvoir voir les choses sous plusieurs angles, analyser en connaissance de cause. Son idée ne change pas, toujours cette motivation, faire du terrain. Pour continuer la recherche, elle envoie un projet à l’université de Harvard. Ce n’est pas le prestige de l’université qui l’attire; non, elle veut surtout se rapprocher de Robert Rotberg, le second spécialiste à avoir écrit un ouvrage sur les Etats fragiles. Elle est acceptée comme research fellow. Encore une occasion créée. Mais d’autres occasions, fruit du hasard, surviennent aussi. A l’aéroport, alors qu’elle part en Somalie, elle rencontre des membres de l’International Crisis Group. Ceux-ci l’avaient cherchée, elle bougeait trop, on avait perdu sa trace. Ils ont besoin de quelqu’un pour leur projet Afrique Centrale, Caty se voit directement proposer le travail. Un dilemme cependant : d’un côté, l’Université de Harvard lui renouvelle sa bourse, de l’autre, on lui propose ce dont elle a toujours rêvé. Elle a la possibilité d’être sur place, dans l’action ; voir, proposer, agir avec les acteurs, en un mot, avoir de l’impact. Tant pis pour Harvard, même si on la traite de folle. Après deux ans, c’est le Conseil de Sécurité de l’ONU qui la contacte : pour les groupes d’experts qui vont en Afrique, il faut quelqu’un qui ait une bonne connaissance du continent. La fonction d’expert régional est créée, Caty Clément l’occupe.

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Presque cinq ans de terrain, passionnant, épuisant. Revenir au milieu académique, avoir un cadre n’est pas facile mais elle sent qu’elle en a besoin. On l’engage au

Centre de Politique de Sécurité (GCSP) à Genève et à l’université du bout du lac, il manque un professeur de politique comparée. Caty revient ainsi à l’enseignement. Pas trop de théorie, ce qui l’intéresse, ce sont les applications de celle-ci car des solutions existent. Elle est optimiste, idéaliste, peut être. Mais elle rappelle que l’Europe a toujours l’impression d’être la normalité alors qu’elle est l’exception. Faire de la science pour la science, à quoi bon ? Améliorer la situation de l’autre, oui. Ne lui dites pas que ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan. Elle croit en l’impact des actions, mêmes minimes. La persévérance au fin fond de l’Afrique, elle connaît. Les résultats, elle peut en témoigner. Elle travaille pour avoir de l’impact, elle enseigne pour ne pas faire oublier que c’est possible d’aider. Sa manière de nous dire à son tour : « what are you gonna do about it ? ».

Une personnalité qui l’a marquée Son professeur d’organisation internationale et de médiation pour son fort enthousiasme contagieux et Zartman avec lequel elle partageait le même état d’esprit. Un écrivain qui l’inspire Romain Gary, le seul écrivain à avoir gagné deux fois le prix Goncourt grâce à son pseudonyme, Emile Ajar. Un livre en particulier : « Les racines du ciel ». Un évènement auquel elle aimerait participer Une réunion annuel le des Nations Unies pour sa diplomatie de couloir et être dans l’équipe d’un bon médiateur dans le cadre d’un processus de paix. Une ville Bujumbura, la capitale du Burundi, ville de contraste, stimulante mais aussi Washington, pour sa concentration de gens divers et fascinants. Un cours dont elle ne voyait pas l’utilité à l’époque ce qu’elle regrette aujourd’hui Les statistiques. Or c’est un outil dangereux que l’on peut facilement manipuler, surtout en Europe où on adore les chiffres.

(illustration : Matthieu Heiniger)

« What are you gonna do about it Caty ? ». Cette phrase, William Zartman, un de ses professeurs de thèse, la répétait toujours à Caty Clément pour la pousser toujours plus loin dans sa pensée. Essayer de trouver des réponses, toujours avancer, ne pas buter sur des problématiques, Caty Clément ne l’a pas fait que dans le cadre de son travail. C’est une femme enthousiaste qui dès le début a su réaliser ses envies, s’en donner les opportunités. Quand elle se raconte, ça se sent et ça donne envie.

Mélanie Escobar Vaudan

Un rituel avant un cours Mettre à fond ACDC dans la voiture. 5


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LA SUISSE : UNE IMAGE ÉCORNÉE ? L’Europe est morcelée et désunie. Les cités-Etats se livrent à une compétition sans merci pour survivre face aux grands empires. Les menaçantes velléités de conquêtes des voisins angoissent et augmentent les tensions entre les cités. Les alliances sont secrètes, la communication souffre d’une inertie incommensurable. Florence, 1500. La peur règne, une rumeur de conquête espagnole circule. Les gouvernants en place se résolvent à envoyer un diplomate à la Cour de France, avec l’espoir de pouvoir y nouer une alliance, et de contrer ainsi la probable invasion hispanique. Après plusieurs semaines de voyage sur des routes incertaines, le diplomate Machiavel arrive à Paris. Fort d’un profond respect, d’une véritable admiration pour sa Cité, il est certain d’obtenir le ralliement du Royaume de France à la cause d’une ville si importante à ses yeux. Mais ce qui attend Machiavel à Paris, c’est la désillusion. Personne ne semble prêter attention à la cité florentine, qui se révèle être la dernière préoccupation de Louis XII.

Fabien Kaufmann / Damien Callegari

510 ans plus tard, les horizons se sont élargis et l’interdépendance entre états s’est fortement accrue. Les pays d’Europe se sont unis et le monde s’est globalisé. C’est dans ce contexte que, le 24 septembre dernier, le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz se rendait à l’Assemblée Générale de l’ONU pour y défendre la position de la Suisse et plus particulièrement son rôle dans la coopération internationale. Y a-t’il aussi subi une telle désillusion ? Sur trame de crise financière, la Suisse a été l’objet de nombreuses critiques, pressions politiques et a même été désignée comme paradis fiscal par l’OCDE1 . Ces invectives ont également eu pour conséquence de mettre en lumière certaines lacunes de la politique extérieure ou mis le feu à diverses polémiques latentes au sein de ce pays qui s’est retrouvé en point de mire international. Depuis le début des années 90, la Suisse a a fait des choix capitaux en ce qui concerne son orientation sur la scène

internationale. En effet, le refus d’adhérer à l’Union Européenne aura probablement marqué un tournant important dans ses relations diplomatiques avec le reste du monde. Au nom de sa neutralité, la Suisse a pris l’option de faire cavalier seul. Aujourd’hui, après les déboires juridiques de l’UBS aux Etats-Unis, l’affaire Kadhafi ou encore l’adoption d’un article constitutionnel considéré par beaucoup comme contraire aux droits humains, la solitude politique est amère. Cette Suisse que l’on pensait, en 1992, si forte au point de n’avoir besoin de personne pour tirer son épingle du jeu semble aujourd’hui ne plus jouir de la même réputation. Y a-t-il aujourd’hui un décalage entre la perception de la Suisse par ses habitants et le regard que le reste du monde lui porte? Les Helvètes souffrent-ils du syndrome de Florence ?

1 Organisation de coopération et de développement 1 économiques.

LORSQU’IL S’AGIT DE SOIGNER L’IMAGE Youri Hanne

« L’histoire oublie les héros, pas les vainqueurs »1 . Un poète du 21ème siècle nous l’enseigne. Un héros suisse peut se nommer Jean Ziegler, il aura eu le mérite de pointer du doigt l’objet de mon propos, il y a des décennies. Arnold Winkelried, dévoué à sa patrie qui allait devenir la Suisse que nous habitons. Ou Paul Grüninger, « Juste parmi les nations »2. Or, la liste des vainqueurs pourrait s’avérer un peu longue pour les citer tous. D’ailleurs, c’est leur œuvre surtout que l’on retiendra. Comme les grandes nations qui l’entourent, la Suisse endosse un rôle crucial au crépuscule de la crise mondiale. Du moins, il semblerait logique qu’elle en ait les moyens. Il existe, au sein de l’ONU, d’autres exemples de neutralité; c’est bien notre pays qui en a fait un plat national connu dans le monde entier. La politique bancaire, autre spécialité de la Confédération, a permis à toute une nation de faire recette, qui plus est à ses entreprises multinationales. La vente d’armes à des pays en conflit n’a, quant à elle, pas semblé torturer outre mesure l’esprit de la Confédération et ce, déjà au cours de la guerre de Trente Ans. Si le peuple est consulté sur ce sujet au moment où ces lignes voient le jour, c’est la preuve même que la Suisse vit un tournant. Enfin, le Conseil Fédéral s’est résolu, après le rejet massif de l’initiative « Oui à l’Europe! » en 2001, à changer de menu sur l’adhésion de la Suisse à l’Union Européenne, ce qui n’élucide pas certaines ambiguïtés. Le moment est venu d’en faire un fromage.

Il reste concevable d’être neutre dans le cœur. Pourtant, ce concept identitaire mais aussi politique, laisse croire qu’il arbore l’étendard

(photo : Mateo Broillet)

qui lui convient en

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fonction du contexte. Neutralité, un concept flou La Suisse était déjà reconnue comme neutre à la table des plus grandes puissances européennes, il y a plus de trois siècles 3. En 1815, après le départ des troupes 1291

napoléoniennes, la Confédération se voit confirmer son statut au Congrès de Vienne. On laissera dès lors la Suisse en dehors de tout conflit armé. Mais comment, dans ses (non-)actes, la Suisse se veutelle neutre? Aujourd’hui que le peuple a choisi l’adhésion à l’ONU, l’adoption de la Convention de Schengen, opté pour des accords bilatéraux - ingrédients fondamentaux d’une nation qui se repense perpétuellement - il reste concevable d’être neutre dans le cœur. Pourtant, ce concept identitaire mais aussi politique, reposant sur le droit international, laisse croire qu’il arbore l’étendard qui lui convient en fonction du contexte. En 1993, le Conseil fédéral publie un rapport sur la neutralité 4 , en réponse aux pressions du Parlement. Il « constate que la neutralité n’a jamais été une institution rigide, mais que la Suisse a, au contraire, su moduler cet instrument pour le mettre au service de ses intérêts ». Après la Guerre Froide, la Confédération se rapproche progressivement d’organisations internationales comme l’OTAN. En 1996, elle s’engage avec le PPP (Partenariat pour la paix), qui interviendra dans la guerre de Yougoslavie. Tout ça, sans même consulter ses citoyens, encore très chatouilleux sur la question de la neutralité et majoritairement hostiles à sa mise en péril. Christoph Graf, directeur des Archives Fédérales, est, pour sa part, à l’origine de révélations fracassantes sur le « mythe de la neutralité helvétique » 5. Au mois de juin 2001, il donne un exemple historique de l’ambiguïté de la Suisse quant à cette valeur qu’elle revendique fièrement. On apprend comment la Suisse aurait négocié sa survie avec la France au début de la Seconde Guerre Mondiale, délaissant ainsi son principe de neutralité. L’historien explique surtout comment la Confédération a, plusieurs décennies durant, fait pression sur les États-Unis pour que ne soient pas publiés les documents officiels témoignant, pour le moins, d’un manque de rigueur de la part des autorités suisses. Le rappor t du Con sei l fé déra l de 19 9 3 s t ipu le, pa r a i l leu rs, « q ue la pa r ticipation à des s a nc t ion s c ol le c t ive s pr i s e s p a r l a c om mu n aut é i nt er n at ion a le c ont re un État ayant rompu la paix ou violé le droit international est compatible avec le st at ut de neut ra l ité ». Cependa nt, la Suisse reste pauvre en arguments puisque les exemples de sanctions ne sont pas fréquents 6 . La communauté

Pacte fédéral suisse liant les trois communautés d’Uri, Schwyz et Unterwald, célébré par la fête nationale du 1er août.

internationale est-elle, malgré l’indépendance de la Suisse, le seul décideur légitime en matière de leçons sur la paix?

On apprend comment la Suisse aurait négocié sa survie avec la France au début de la Seconde Guerre Mondiale, délaissant ainsi son principe de neutralité. Le temps d’être à la hauteur Début 2009, UBS lève le secret bancaire de ses clients américains. Il ne fait pas de doute qu’il s’agit là non seulement d’un progrès dans la lutte contre les paradis fiscaux, même si la banque a cédé à contre-cœur face à l’administration américaine 7, mais surtout d’un tournant du point de vue moral. La Suisse, malgré quelques incohérences historiques et de tristes écarts vis-à-vis des valeurs qui sont les siennes 8, dispose d’une légitimité sur le plan international et, par extension, d’une voix privilégiée pour asseoir sa vision du monde. La Confédération abrite, et c’est au moins autant symbolique que responsabilisant, le siège international de la Croix-Rouge. Elle clame haut et fort ses ambitions humanitaires et souhaite se prouver, en prouvant au monde, que son projet est crédible. Un projet qui, au-delà des dérives du passé et du pessimisme mondial en ce lendemain de crise, ferait converger les efforts pour relever le défi de l’exemplarité. Car la Suisse peut montrer l’exemple. Or, les prémices d’une Suisse exemplaire se trouvent peut-être dans sa capacité à œuvrer pour sa crédibilité. La Suisse est un pays de traditions, peut-être plus que d’autres. Elle a su, au fil des siècles, développer une qualité de vie et des structures politiques relativement stables 9 qui constituent incontestablement un atout majeur pour envisager l’avenir. Il existe toutefois des traditions sur lesquelles il serait judicieux de poser un regard critique, sinon révolté. Si le Royaume-Uni a acheté et employé des grenades et des chars suisses pour armer ses troupes en Irak et en Afghanistan, si les États-Unis ont acquis des avions de chasse

1307 Le Serment du Grütli. Mythe fondateur de la création de la Suisse…

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probablement utilisés au Tchad 10, si le Conseil fédéral a autorisé la vente de matériel de guerre vers Israël et même vers le Pakistan, tout en jurant le contraire11, c’est l’aveu implicite que la Suisse tient un double discours. Où diable les honorables ambitions humanitaires se cachent-elles ? En tout cas pas dans un blindé Mowag, très prisé par Monsieur Pinochet en personne. À l’heure où des guerres sévissent un peu partout dans le monde, la Suisse en profite pour soigner son PIB. À peine 0,1% du PIB est dû à l’exportation de matériel de Guerre12, quel commerce florissant! Notre chère Conseillère fédérale, Doris Leuthard, gagnerait sans doute à cesser d’afficher un cynisme digne de Yuri Orlov13, histoire de redorer quelque peu le blason rouge et blanc.

Européenne. La Suisse ne pourra pas éternellement se cacher derrière la communauté internationale ou sa « pseudoneutralité » 18 . Aujourd’hui, plus que jamais, elle se doit d’être un maillon fort, un repère au sein de la nouvelle donne post-crise mondiale. Reste à savoir comment notre pays veut envoyer au reste du monde un message de détermination et surtout montrer qu’il est digne de ses valeurs ? Européenne ou indépendante, neutre ou partiale, la Suisse se sent-elle d’assumer son ambition d’incarner la paix et un avenir serein? À l’image du principe de neutralité, elle devra faire des sacrifices, au moins repenser ses fondements. Le monde n’attend pas.

S’il est une institution, dans ce pays, à laquelle il est courageux de s’attaquer, sans jeu de mot, c’est bien l’armée suisse. La première bataille n’a pas fait mouche, si l’on considère l’aspect purement légal, mais un symbole a été touché. En novembre 1989, le GSsA (Groupe pour une Suisse sans Armée) voit son initiative « Pour une Suisse sans armée et une politique globale de paix » remporter 35,6% de « oui » avec un taux de participation record. Plus d’un Suisse sur trois remet sérieusement en question l’intérêt d’un des piliers de la Confédération. Dans un excès de confiance ou d’imprudence, le Conseil fédéral avait pourtant nargué les militants pacifistes: « La Suisse n’a pas d’armée, elle est une armée »14 . Au moment où ces mots sont prononcés, il semble évident à Monsieur Villiger15 que le folklore des canons et des milices est intarissable. Si « 20% de oui serait une catastrophe », comment qualifier ce coup d’éclat populaire? Une fois de plus, il apparaît clairement que la Suisse devrait repenser ses institutions, qui, selon certains, sont dores et déjà désuètes. Voilà vingt ans que le bloc soviétique, le mur de Berlin et la Guerre Froide appartiennent au passé. Le service militaire est toujours obligatoire. Consciencieusement, l’armée est emballée d’un ruban humanitaire et pacifiste16. On flirte avec l’hypocrisie. Mais que reste-t-il alors de la neutralité suisse et qui peut aujourd’hui prétendre esquisser ne seraient-ce que les contours de sa réelle identité?

Mais que reste-t-il alors

BAPTISTE HURNI : « NOTRE GRAND PROBLÈME EN SUISSE AUJOURD’HUI, C’EST D’ÊTRE SEULS »

1 Oxmo Puccino, 365 jours, L’Arme de paix (2009). 2 Hom mage s uprême décer né pa r I s raël à de s 2 non-Juifs: http://www.mfa.gov.il/ 3 Traités de Westphalie, 1648. 4 http://www.eda.admin.ch 5 http://www.swissinfo.ch 6 O n peut , pa r exemple, se dema nder q uel le s

Propos recueillis par Romain Roustant

6 sanctions Berne a-t-elle pris envers Moscou depuis 6 depuis les massacres orchestrés par les troupes de

A seulement 23 ans, le socialiste Baptiste Hurni cumule les postes politiques avec passion. Vu par beaucoup comme un espoir prometteur dans le milieu politique suisse, il est déjà député au Grand Conseil neuchâtelois et siège au législatif de la commune de Val-de-Travers (NE). Hormis sa fonction de secrétaire général de la Fédération des étudiants neuchâtelois (FEN), le jeune politicien préside également le conseil d’administration de Cité Al’Fen, une société gérant plusieurs immeubles pour étudiants à Neuchâtel, dont la Tour des Cadolles, devenue un exemple romand en matière de logement à loyer abordable pour étudiants. Pro-européen convaincu et d’un caractère pragmatique, Baptiste Hurni exprime ses idées au-delà des frontières partisanes et garde toujours une volonté affichée d’être orienté sur le concret. Lors d’un voyage en Libye il y a quatre ans, il avait été enfermé pendant quatre jours par les douaniers libyens pour avoir tenté avec crédulité de faire entrer une bouteille de whisky en fraude dans ce pays où l’alcool est interdit. « Je me suis retrouvé coincé. C’était angoissant, d’autant plus qu’au début, on m’avait dit que j’allais finir en prison. Finalement, je ne savais pas ce qui m’attendait ». Sorti d’affaire grâce à l’aide de son guide de voyage, après avoir dû signer des documents en arabe dont il ignorait le contenu, Baptiste Hurni a tiré de cette expérience un constat qu’il estime lucide sur le régime en place en Libye. Cela a contribué à le conduire à une réflexion et à un avis tranché à propos de la crise diplomatique que traverse la Suisse avec ce pays.

6 Monsieur Poutine en Tchétchénie ? 7 http://www.liberation.fr 8 Exemple : En août 19 4 2, la Suisse ferme ses 8 frontières aux Juifs qui fuient leurs pays respectifs, 8 alors même que le gouvernement a connaissance 8 du projet des nazis de déporter et d’exterminer ceux 8 et d’exterminer ceux à qui la Confédération aura 8 refusé l’asile. 9 http://www.image-switzerland.ch 10 L’argument de l’« exercice militaire » reste impro10 ment, il n’y a qu’un pas. 11 http://www.materieldeguerre.ch

de la neutralité suisse

12 http://www.evd.admin.ch 13 Lord of War, 2005

et qui peut aujourd’hui

14 http://www.gssa.ch 15 Conseiller fédéral à la Défense de 1989 à 1995.

prétendre esquisser

16 Loi fédéra le sur l’a rmée et l’adm i nist ration 16 militaire (LAAM): http://www.admin.ch/ch/f/rs/5/

ne seraient-ce que les

16 510.10.fr.pdf 17 Ségolène Royal serait d’ailleurs favorable à ce

contours de sa réelle

17 débat sur « l’identité nationale »: www.liberation.fr 18 Jean Ziegler, in Une Suisse au-dessus de tout

identité?

18 soupçon,p. 145, éd. Seuil, 1976.

(photo : Mateo Broillet)

Alors que nos voisins français semblent mal partis pour s’extirper d’un vieux débat nationaliste ressorti du grenier par la droite au pouvoir17, la question de l’indépendance de la Suisse mérite d’être reconsidérée. Il est peu probable que la réponse réside uniquement dans sa décision de devenir membre, ou non, de l’Union 1804

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10 bable. De l’utilisation en exercice au bombarde-

Schiller internationalise le mythe de Guillaume Tell en publiant son drame et en lui donnant une valeur universelle : l’homme du peuple combattant l’oppression oligarchique.

1803

Napoléon Bonaparte impose l’Acte de médiation en Suisse. Nouvelle constitution pour le pays et influence républicaine.

Int.-Ink : Vous avez créé un site Internet pour rebondir sur l’affaire en juillet 2009, qui a donné lieu à de nombreuses réactions dans les médias romands. Vous avez déclaré avoir « pris en otage » l’adresse www.kadhafi.ch En quoi cela consistait-il ? B. Hurni : Mon idée était de dire que l’on prend en otage, en Suisse, le nom de Mouammar Kadhafi, parce que lui prend en otage des suisses en Libye. Je ne peux rien faire d’autre, nous sommes dans un état démocratique, la prise d’otage se situe chez nous au niveau du débat. Ce site est en fait un blog, qui est tout ce qu’il y a de plus simple. Sa démarche n’est pas

d’être « anti-Kadhafi », mais simplement de vouloir parler du sujet. Toute personne qui désire y déposer un texte, tant qu’elle respecte les lois évidentes de protection de la personnalité, peut m’envoyer un courriel que je publierai en son nom, ou anonymement si elle le désire. L’idée est de faire quelque chose d’ouvert, où l’on peut débattre. Bien que les choses aient un peu évolué depuis, j’avais été frappé, choqué, au début de cette affaire, que l’on en débatte si peu. C’était tout juste si l’on ne pouvait rien redire sur la diplomatie suisse.

rend donc bien compte que la diplomatie traditionnelle a atteint ses limites. M. Kadhafi s’était, lors de l’arrestation de son fils, senti personnellement insulté et veut maintenant traîner la Suisse dans la boue pour se venger. Cela peut sembler trivial, mais c’est bien le cas. En considérant les choses de ce point de vue là, je ne pense pas que les actions individuelles puissent être néfastes. En revanche, elles peuvent maintenir un certain intérêt dans l’opinion et ainsi sensibiliser les autres pays. En effet, notre grand problème en Suisse aujourd’hui, c’est d’être seuls.

Faire parler de vous en prétendant qu’un sujet n’est pas assez débattu ne tient-il pas, comme certains vous en accusent, de la démagogie ? Je ne le pense pas. J’ai la profonde conviction que la démocratie ne marche que si le débat est nourri. Cette affaire était devenue plus qu’une simple affaire diplomatique. À partir du moment où un chef d’Etat, M. Kadhafi, propose de dissoudre la Suisse ; à partir du moment où il prend des mesures de rétorsion contre les suisses ; à partir du moment où l’affaire devient une affaire d’Etat, où tous les suisses deviennent concernés, j’ai la conviction qu’il faille un débat public autour de cela. Il faut par exemple que l’on puisse dire au Conseil fédéral, comme dans n’importe quel autre débat, quelles sont les tendances dans l’opinion.

Le fait que la Suisse ne fasse pas partie de l’Union Européenne (UE) lui est-il à votre avis préjudiciable ? Ne pas faire partie de l’UE nous rend diplomatiquement beaucoup plus faibles. Cela semble évident. Ce n’est même pas un avis politique, c’est un fait. Je me rends bien compte que les suisses n’ont de toute façon pas envie d’y adhérer pour l’instant. Il faut donc essayer de s’en rapprocher de plus en plus, diplomatiquement, de faire un troisième volet d’accords bilatéraux, et puis un jour d’adhérer. De toute façon, il n’y a pas d’alternative. J’ai la conviction que si la Suisse avait fait partie de l’UE, M. Kadhafi n’aurait pas agit de la même manière, et aussi que tout cela se serait réglé beaucoup plus vite. Il faut comprendre que M. Kadhafi est en ce moment dans une situation très agréable. Il est dans une double dynamique. D’un côté, il a beaucoup mis d’eau dans son vin par rapport à ses relations avec l’occident, notamment pour que son économie puisse démarrer. De l’autre, il veut rester ce leader africain, musulman, contre un occident arrogant. Il se doit encore de faire des coups d’éclat, comme planter sa tente dans des pays occidentaux, ou s’attaquer à la Suisse. Ce dernier est pour lui la meilleure des idées possibles : la Suisse est un pays occidental emblématique et reconnu (les montagnes, le chocolat, les banques…), mais qui est politiquement et diplomatiquement faible, de par sa taille.

« Pour rester ce leader africain contre un occident arrogant, M. Kadhafi se doit encore de faire des coups d’éclat » Une autre critique formulée à l’égard de votre site est qu’il pourrait, de par son côté provocateur, nuire aux otages détenus en Libye. Que répondezvous à cela ? On a tous remarqué que, pendant une année entière, personne n’a fait de vague, et les otages ne sont pas revenus. On se

Le Conseil Fédéral a depuis peu décidé de changer radicalement de stratégie dans cette affaire… Oui, il a pris acte du fait que l’on ne pouvait pas utiliser la diplomatie traditionnelle

1847 Guerre du Sonderbund qui débouche sur la rédaction de la Constitution

Fédérale en 1848 : un modèle de compromis entre cantons catholiques conservateurs et protestants radicaux. Par la suite, développement des trois piliers institutionnels : démocratie semi-directe, fédéralisme et neutralité.

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DOSSIER avec le clan Kadhafi, puisque tous les accords que la Suisse a signé, dont ceux que j’ai personnellement critiqué parce qu’ils remettaient en cause notre état de droit, n’ont jamais étés tenus. Il n’y a jamais eu de répercussion positive. Il était urgent que le gouvernement comprenne cela, et j’en suis ravi. Je pense qu’il y a maintenant deux grands axes sur lesquels il faudrait enchaîner. Le premier axe est de demander à nos pays partenaires, la France, l’Italie, l’Allemagne, les EtatsUnis… d’intervenir en notre faveur. Ces pays doivent être approchés par le Conseil Fédéral et on doit leur expliquer que l’on a besoin d’eux, parce qu’aujourd’hui la vie de deux personnes est menacée, et que cela, ils ne peuvent plus l’ignorer. Avez-vous remarqué cependant que les médias étrangers ne parlent absolument pas de cette affaire ? Oui, et cela vient avec mon deuxième axe. Il s’agit d’un choix. Un choix personnel des familles des otages, et il est certain que cela doit être très délicat pour elles.

DOSSIER Si elles font ce choix, elles peuvent créer un mouvement de sympathie très large, un peu comme le mouvement qu’avait créée Ingrid Betancourt. Le but est justement de faire pression sur les autres pays une fois que se sera créé ce mouvement de sympathie, pour qu’ils interviennent. Si, au début de cette crise, quand on n’avait pas atteint un tel paroxysme de haine et d’envie de revanche de la part de M. Kadhafi, on avait pris des mesures assez musclées, en menaçant par exemple de geler les avoirs du clan Kadhafi ou de nationaliser Tamoil, cela aurait pu être efficace. Maintenant ça ne l’est plus. Le Conseil Fédéral a pris des décisions disons… particulières. D’abord, il y a Micheline Calmy-Rey, dont la politique nous a emmené à un constat d’échec. Quant à Hans-Rudolf Merz, il a été d’une naïveté coupable. On ne débarque pas comme un « pain frais » à Tripoli pour signer un accord et revenir sans les otages ! Maintenant, nous sommes dans une impasse totale.

« H.-R. Merz a été d’une naïveté coupable » Ce numéro d’International’Ink s’intéresse tout particulièrement à l’image de la Suisse à l’étranger, comment se porte-elle à votre avis ? Il faut faire attention à notre image, car quand on est aussi isolés que nous, c’est en quelque sorte la seule chose qui nous protège. 2009 n’a pas été une bonne année pour l’image de la Suisse. C’est en partie dû à des partis populistes et extrémistes, comme le MCG à Genève, ou l’UDC. L’initiative anti-minarets, par exemple, revient à se tirer une balle dans pied ! Pour l’image de la Suisse, c’est catastrophique ! Or quand on voit les très bons résultats électoraux de ces partis, cela doit nous faire réfléchir, nous, les politiciens traditionnels. J’ai l’impression qu’au sein du PS, du PLR, du PDC… on ne parle pas beaucoup de ces questions, pour lesquelles les gens se sentent très concernés, mais qui si j’ose dire dérangent, car elles paraissent parfois manquer de cohérence. Aussi longtemps que nous ne discuterons pas nous aussi de ces questions qui touchent directement les gens, des partis comme l’UDC continueront de faire un carton. Nous ne devons pas nier la peur que provoque l’islam radical dans l’opinion. L’islam radical effraye les gens, et si nous, les partis traditionnels, refusons d’en parler, ce seront d’autres tendances politiques qui le feront, en apportant des solutions dramatiques. C’est une autocritique nécessaire.

« Il n’y a pas d’alternative à l’adhésion à l’UE »

UN AMBASSADEUR IDÉAL « Ben heureusement qu’ y a Rodgeur ! » sommes-nous parfois amenés à penser, en refermant un journal. Alors que les temps sont durs pour l’image de notre pays, Roger Federer, lui, porte haut les couleurs nationales. Afin de nous éclairer sur celui que l’on qualifie parfois “d’ambassadeur idéal”, nous avons posé quelques questions à Simon Meier, journaliste au Temps, chef de la rubrique sportive. Bien sûr, il y a la performance sportive, l’exploit qui a d’ores et déjà marqué l’histoire du tennis. Mais au delà de ce palmarès hors normes, d’autres raisons portent Roger Federer en représentant national rêvé. « Génie permanent, quête - souvent atteinte - de la perfection, éducation parfaite sur et hors du court et, enfin, palmarès inégalé… Que peut-on espérer de mieux venant d’un athlète? Roger Federer véhicule l’image d’une Suisse qui gagne tout en séduisant. Il incarne l’image d’un talent unique qui, de surcroît, a su dompter puis magnifier son don à la force du jarret. Bref, il est à la fois brillant artiste et humble travailleur. » De plus, il a d’helvétique la précision et la régularité ; « son jeu est réglé comme un coucou et il maîtrise l’art de gérer ou de cacher ses émotions », commente Simon Meier. Cependant, fait-on réellement le lien entre lui et sa nationalité ? « Si personne n’oublie totalement d’où vient Roger Federer, il a exercé, au fil des ans et des triomphes, une telle fascination sur les foules du monde entier que les gens ont tendance à oublier les frontières et à se « l’approprier ». A Paris parce qu’il parle bien le français, à Londres parce qu’il a toujours dit que Wimbledon était le tournoi de ses rêves, à New York parce que son image de marque - c’est le cas de le dire - y a été bichonnée par les sponsors, et à Melbourne parce que c’est un gars «cool» et proche des gens malgré son statut. Roger Federer est de nationalité suisse, mais il est l’un des rares athlètes à avoir pris une dimension que je qualifierais d’universelle. Quelle que soit la situation, quel que soit son adversaire, je crois pouvoir dire que jamais aucun public ne lui a été hostile », se rappelle le journaliste du Temps.

(photo : Romain Roustant)

Beaucoup éprouvent donc de la sympathie pour ce champion si proche de son public. Cette proximité avec ses fans se remarque sur le net, notamment sur le site communautaire Facebook où plus de 3 millions de fans suivent et réagissent à ses messages postés régulièrement. La disponibilité de 10

1908

Invention du Toblerone, le chocolat bernois le plus connu au monde, vendu dans pratiquement tous les pays.

1880 Heidi, inventée par l’écrivain suisse-allemande Johanna Spyri.

Fabien Kaufmann

Roger Federer a toutefois des limites. « Il est très accessible dans le cadre strict de ses obligations médiatiques », témoigne Simon Meier. « En d’autres termes, il n’a jamais raté une conférence de presse, même après la pire des défaites. Il fait l’effort louable de s’exprimer en anglais, en allemand, en français ou en baslerdütsch s’il le faut. Il reste toujours poli et répond à toutes les questions. En revanche, depuis qu’il a acquis un statut de star mondiale, Roger Federer est devenu quelqu’un de très entouré, pour ne pas dire « cloisonné ». Son emploi du temps, géré à la minute par le grand groupe américain IMG, ne laisse aucune place à l’improvisation. Et les entretiens individuels qu’il accorde aux médias sont extrêmement rares. » De plus, l’athlète bâlois mène sa carrière d’une main de maître. En vrai businessman, il sait gérer sa relation avec les sponsors. Si le marché américain est plus attrayant car plus important en terme de revenus, il dit préférer associer son image à des marques suisses. Même si Nike est depuis longtemps son compagnon de route, il a confirmé cette préférence l’automne dernier en signant deux nouveaux partenariats commerciaux helvétiques1. C’est peut-être dans ce sens que Roger Federer continuera à assurer son rôle d’ambassadeur idéal pour notre pays. Cependant, « il ne cesse de le remplir aujourd’hui déjà. En tant que champion irréprochable, mais aussi en tant que personnalité engagée dans de multiples projets socio-humanitaires. Rien ne l’empêchera de poursuivre, voire d’accroître ce type d’activités, notamment dans le cadre de sa propre fondation », complète Simon Meier. La Suisse a donc pour porte-drapeau une idole universelle, un homme qui, par ses qualités tant sportives qu’humaines est adulé à travers le monde entier. Là est peut-être le meilleur pour l’image de la Suisse : ces valeurs que l’on croyait helvétiques sont adoptées aux quatre coins de la planète grâce à Roger Federer. Elles n’ont en fait pas de frontières.

1 Avec le chocolatier Lindt en octobre 2009 et 1 avec le Crédit Suisse en novembre de la même

1919 Création de la Société des Nations lors du traité de Ver- 1 année. sailles, qui siège alors à Genève, symbole de neutralité et de pacifisme. Mais la SDN est remplacée par l’Organisation des Nations unies en 1945. CICR comme fer-de-lance de la diplomatie suisse. La Suisse est également le siège d’une vingtaine d’organisations internationales.

1970 Crise de l’horlogerie Suisse.

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DOSSIER

DOSSIER

MARQUE SUISSE® ET PERSPECTIVES Visite en grande pompe d’Evelyne WidmerSchlumpf, semaine suisse, construction d’un pavillon suisse et découverte du bonheur de se déplacer en télésiège au-dessus d’un authentique paysage champêtre. S’agirait-il des festivités du 1er août dans le canton d’Appenzell Rhodes-intérieures ? Non. Nous sommes en Chine, au beau milieu de l’automne 2009. À Shanghai, c’est l’effervescence au moment des derniers préparatifs pour l’Exposition universelle dont le coup d’envoi sera donné le 1er mai prochain. Partout dans le monde fleurissent expositions, conférences et campagnes de promotion de la « marque suisse ». Une débauche d’énergie et de moyens destinés à véhiculer une image positive de cette marque à l’étranger, de la faire connaître, de la vendre. Mais d’où vient cette impulsion, qui décide de l’image que l’Etranger doit avoir de la Suisse. Qui la diffuse? A la fin des années 1990, le département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a créé un organe nommé Présence Suisse (PRS), chargé de veiller à la promotion et à l’analyse de l’image helvétique, tant à l’étranger que sur le territoire national. Le contexte politique est à ce moment tendu : la polémique des fonds en déshérence est exposée dès 1996. Présence suisse a ainsi récemment envoyé ses enquêteurs en Chine, en Amérique latine, en Allemagne et même en France. Avec pour résultat la récolte de précieuses informations sur différents domaines impactant l’image de la Suisse : Culture, institutions, stabilité politique, tourisme et population, notamment. Au cours des derniers mois, l’actualité n’a, comme chacun sait, pas été tendre avec cette image, malmenée au gré des rebondissements de différents scandales. Nous avons donc souhaité laisser la parole aux responsables de Présence Suisse, afin de découvrir leur politique et comprendre comment contrebalancer ces écueils. Mme Liza Nicod, stagiaire d’Etat major au DFAE a accepté de nous répondre. .Ink : Quels sont actuellement les aspects de l’image de la Suisse qu’il faut revaloriser ou promouvoir en priorité ? PRS : De manière générale, l’image de la

extérieure de la Confédération. Avec l’acceptation en novembre 2009 de l’initiative contre Damien Callegari

Suisse à l’étranger se révèle bonne et varie peu sur le long terme. Le Nation Brands Index (NBI), qui évalue annuellement les forces et l’attractivité de l’image de 50 pays du monde entier, démontre qu’en 2009, la Suisse conserve sa place au 8e rang. Cependant, les résultats du NBI et d’autres études d’image attestent d’un déficit d’image sur la place de la science et de l’innovation suisse et met à jour l’importance d’intensifier la communication autour de la compétitivité et de la force d’innovation de la Suisse. Par ailleurs, la diffusion d’informations à l’étranger qui renforcent le capital de connaissance du système politique de la Suisse continue d’être une tâche centrale du DFAE, Présence Suisse. .Ink : Est-il possible de réduire l’impact des crises médiatiques récentes concernant la Suisse par des actions de Présence Suisse ? PRS : Alors que les médias exercent une influence sur l’image de la Suisse à l’étranger à court terme, l’objectif de Présence Suisse vise à assurer durablement une image positive et crédible de la Suisse par une communication internationale proactive. Les tâches de communication de Présence Suisse sur les nombreuses dimensions de la Suisse sont accomplies dans le respect de l’indépendance journalistique, mais comme vous le savez, « good news, no news ». Présence Suisse fournit aux faiseurs et faiseuses d’opinion et aux journalistes des informations sur des thématiques suisses, par exemple en invitant des délégations étrangères, ou en diffusant directement des informations. Dans le cadre de l’initiative sur les minarets, Présence Suisse se consacre aux répercussions de la campagne à l’étranger, notamment à son impact sur l’image de la Suisse, et veille à ce que les journalistes aient toutes les informations nécessaires pour comprendre qu’il s’agit d‘un processus politique afin d’en saisir les mécanismes. Existe-il des liens entre les efforts diplomatiques de la Confédération et sa politique en matière d’image ? Des liens étroits entre les efforts diplomatiques de la Confédération et sa politique en matière d’image existent depuis toujours. Cependant, ces liens se sont notablement renforcés lors de l’intégration de Présence Suisse dans le Secrétariat général du

12 1982

La promotion de l’image de la Suisse est ainsi un enjeu stratégique dans la politique

La skieuse alpine suisse Erika Hess est choisie sportive de l’année, 31 victoires à son actif, mondialement connue.

1985

la construction des minarets, elle est même devenue un défi à relever pour garantir la DFAE, en janvier 2009. La communication internationale est devenue un outil réel de la politique étrangère et permet d’utiliser les instruments de la Public Diplomacy et du Nation Branding pour diffuser des informations sur la Suisse à travers le monde et promouvoir une image diversifiée et réaliste du pays. Quels sont les prochains défis et perspectives pour la promotion de l’image suisse? Les pays définis par le Conseil fédéral comme étant prioritaires en matière de communication internationale sont les quatre grands « voisins » de la Suisse ainsi que le Royaume-Uni, les Etats-Unis et la Chine. Une attention spéciale est portée aux thématiques du secret bancaire et de l’imposition en Allemagne et aux EtatsUnis, mais aussi en France, au RoyaumeUni, en Italie et à Bruxelles, « capitale » de l’UE. Pour ce faire, Présence Suisse renforce les efforts faits jusqu’à présent dans le domaine du lobbying ciblé auprès des décideurs et décideuses de ces pays, afin d’augmenter le capital de connaissance de la Suisse et de susciter de la compréhension pour les positions suisses. En ce qui concerne les grandes manifestations, les défis pour l’année 2010 portent sur la House of Switzerland des Jeux Olympiques à Vancouver et le Pavillon suisse à l’Exposition universelle à Shanghai.

sécurité nationale et prévenir les éventuelles représailles. Ce défi n’est pas le seul auquel le département de Micheline Calmy-Rey devra faire face en 2010. Il s’agira également de redéfinir les « valeurs de la Suisse » dont on a beaucoup parlé dans l’actualité récente, sans pour autant les nommer. Quel rôle doit avoir la Suisse et que peut-elle offrir sur le plan international ? Au moment du déplacement de la « gouvernance mondiale » de l’Assemblée générale de l’ONU vers des alliances moins formelles telles que le G-20, une réponse claire à ces questions sera cruciale pour éviter que cette Suisse ne se retrouve marginalisée.

Sources • • •

hwww.swisspavilon.ch (Pavillon suisse à l’exposition de Shanghai, 2010), consulté le 23 novembre 2009

• • • • •

www.image-switzerland.ch (Présence Suisse, organe du DFAE en charge de la promotion de l’image de la Suisse), consulté le 23 novembre 2009

Le Temps, 4 novembre 2009

Etat Major DFAE, présence Suisse

Première rencontre entre Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan qui se déroule à Genève. Un exemple du rôle de médiatrice de la Suisse sur le plan international.

1992 La Suisse refuse d’adhérer à l’EEE (espace économique européen) mais reste en relation avec l’Union Européenne par les accords bilatéraux.

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DOSSIER

DIPLOMATIE SUISSE : ACROBATE, TROUBADOUR OU CLOWN ?

Mohamed Musadak

La diplomatie helvétique vit une bien sombre année 2009. Autrefois considérée comme un fleuron de notre nation, elle est aujourd’hui sous les feux des critiques. En effet, si les échecs sont indéniables et nécessairement trop nombreux, les reproches sont, quant à eux, légions. Quels sont les raisons à l’origine d’un changement de statut si soudain ? Quelle est la profondeur du mal qui ajoute tant de cheveux blanc à la coiffure légendaire de Mme Calmy-Rey ? C’est tout l’objet de cet article. 1992 le choix de l’indépendance, 2009 le constat de solitude En realpolitik, où le cynisme est souvent confondu avec le réalisme, la puissance diplomatique avec la force de frappe militaire, on estime qu’il faut être fort ou être l’ami d’un fort pour défendre ses intérêts de manière optimale. De quoi faire rire jaune, du fond de sa tombe, le Général Keitel s’il pouvait voir la puissance diplomatique française1… Quoi qu’il en soit, en 1992, en refusant le traité d’adhésion à l’EEE, le peuple suisse s’est cru fort et insistait sur son indépendance. C’était la belle époque ! L’économie allait bien, le monde était un peu moins globalisé, Swissair existait encore et le « swiss made » faisait rêver. Un cocktail grisant qui nous laisse pourtant, 17 ans plus tard et une affaire Kadhafi ridicule et ridiculisante, une sacrée gueule de bois. 1992 le choix de l’indépendance, 2009 le constat de solitude pourrait-on résumer… Beaucoup de partenaires, peu d’alliés Le secret de la ligne parfaite de Mme CalmyRey réside dans l’activité intensive consistant à courir après le train de l’union européenne. Que ce soit Schengen, les accords bilatéraux ou encore le processus de Bologne, Micheline est passée maître dans les disciplines de saut d’obstacles et la course de fond. Des partenariats étroits donc, avec l’Europe et les Etats-Unis pour lesquels la Suisse défend les intérêts en Iran depuis 1980 et la rupture diplomatique entre Washington et Téhéran notamment, nous laissent croire un peu prématurément que la Suisse a de bons alliés. Malheureusement la vérité n’est pas aussi simple, la realpolitik l’est beaucoup plus. Chaque acteur sur la scène internationale n’est censé poursuivre que ses propres buts. Ainsi, nous pouvons résumer grossièrement que l’Union Européenne n’aime que l’Union Européenne et les Etats-Unis que les Etats-Unis. Et tant pis pour les Suisses ! 14

D’autant plus que notre neutralité aussi modulable que notre morale a le don d’agacer. A l’image du voyage de notre infatigable conseillère fédérale à Téhéran en mars 2008. La ministre s’y rendait pour appuyer de sa présence un contrat de livraison de gaz à la société suisse EGl, spécialisée dans le négoce d’électricité et de gaz. L’intention claire de la Suisse était de diversifier son approvisionnement en combustible fossile et était une décision qui relevait de la sécurité nationale. Une intention certes louable mais qui se heurtait de plein fouet avec les intérêts d’autres pays. Les réactions ne se firent pas attendre, l’ambassadeur suisse à Tel-Aviv fut convoqué par le gouvernement israélien pour lui exprimer son mécontentement et le mot est faible. En effet, Israël a qualifié le geste d’ « acte inamical » qui envoyait un « faux message » et attendait désormais de la Suisse qu’elle soutienne les efforts internationaux pour contrer le « danger qui émane d’Iran ». Les Etats-Unis allèrent, eux, beaucoup plus loin que l’indignation qu’ils exprimèrent par un étouffement vexé de leur ambassadeur à Berne. Ainsi, l’indignation et la vexation, deux des postures les plus affectueusement utilisées par les diplomates, ne suffirent pas. Il fallait ajouter à cela la menace qui est, comme nous le savons tous, le moyen américain le plus utilisé pour discuter. Tom Casey, porte-parole du Département d’Etat américain et fidèle adepte de la « discussion » à l’américaine a déclaré que Washington allait « examiner » si la Suisse ne violait pas l’ « Iran Sanctions Act » qui autorise les EtatsUnis à prendre des mesures pour le moins énigmatiques et probablement très anxiogènes à l’encontre des entreprises qui auraient l’audace de conclure des contrats d’achats d’hydrocarbures. Ce à quoi Micheline a répondu avec un panache tout diplomatique que la Suisse n’avait pas besoin d’ « autorisation pour assurer son indépendance énergétique ». Cette réaction résolue et surprenante de la Suisse tentait d’affirmer avec plus ou moins d’autorité l’indépendance de la Confédération, mais le mal était déjà là. Le fait que les Etats-Unis dirigent la menace des sanctions d’une loi, à l’origine, destinée aux entreprises privées sur un état souverain, sous-entend une relation de vassalité. Je concède bien volontiers que l’interprétation de ces sorties médiatico-diplomatiques paraît, sinon extrême, du moins un peu exagérée, mais elle a le mérite de mettre en exergue le décalage entre la suisse et ses interlocuteurs. Bien souvent, lorsque la Suisse entend alliance, en face on n’entend que partenariat.

Un cruel manque de stratégie et de leadership A qui la faute ? La question, compendieuse à souhait, est pourtant trop vaste et bien au-delà de ma portée pour y répondre. Néanmoins, nous pourrions voir un élément de réponse dans le manque de stratégie évident et les changements de cap trop fréquents de la diplomatie Helvétique. On s’élève contre les Etats-Unis pour le gaz Iranien pour leur offrir Polanski sur un plateau et ainsi espérer des faveurs concernant le secret bancaire. La ficelle est grosse, l’appât est pachydermique -sans vouloir offenser M. Polanski. Une naïveté déroutante ou un désespoir inquiétant, aucune de ces justifications n’est très réjouissante. Le DFAE pourra toujours accuser la démocratie directe, le peuple et son inconstance qui le pousse parfois à des gaucheries navrantes et le place surtout dans des positions inconfortable. La solution à cette contorsion politique incessante se trouve peut-être dans l’attribution des compétences diplomatiques à une personnalité forte. La France a Sarkozy et son palmarès étoffé d’infirmières bulgares et d’une certaine Ingrid Betancourt, Les EtatsUnis ont Obama qui a réussi, sans le moindre geste, à faire scander son nom, celui d’un président des USA, par des dizaines de milliers d’Iraniens opposés à Mahmoud Ahmadinejad, l’exploit est énorme. Certains suisses l’ont bien compris, à l’image de Hans-Rudolf Merz qui, sûr de son charisme et de son influence, a pris l’initiative de se rendre en Libye avec le succès qu’on connaît… Evidemment, la solution n’est pas d’élire au conseil fédéral un petit homme complexé ou encore un grand métis un poil mégalo. Quoique… Non, vraiment, ce qu’il faudrait à la Suisse, c’est que ses dirigeants cessent de faire les c… Et ça, chers lecteurs, y ‘a pas de manière diplomatique de le dire !

Un micro-trottoir helvétique (photos : Michaël Wicki)

Quelle image avez-vous de la Suisse aujourd’hui ? « La suisse est un pays qui est en train de changer, mais pas dans le bonne direction. Elle se défend mal, que ce soit au niveau du secret bancaire ou alors avec Kadhafi, elle s’aplatit. Les prochaines élections sur les minarets ne contribuent pas à sa bonne image. » Pierre, retraité gynécologue, français

« La Suisse est une auberge espagnole, tout se mélange : langues, ethnies, et cela fonctionne plus ou moins bien. » Aline, commerçante

« C’est une île au milieu de l’Europe. » Julien, pharmacien « Mon image de la Suisse s’est considérablement dégradée ces derniers temps. Y’a Merz fait ce qu’il peut, c’est-à-dire pas grand-chose, et Calmy-Rey qui fait ce qu’elle pense être bien, c’est-à-dire un peu de la merde. L’image que l’on donne aux autres n’est pas géniale : on passe un peu pour des gros bouffons. » Elias, 18 ans, Gymnasien, suisse

« La Suisse est un pays trop gâté ce qui fait que les gens n’ont pas l’habitude de lutter, aussi bien au niveau financier que politique. Ceci implique qu’à l’heure actuelle, elle a de la peine à se défendre. » Françoise, commerçante

« La Suisse c’est un pays accueillant par moment, même si maintenant c’est pas terrible avec le MCG. C’est également des cantons qui devraient être unis mais qui, dans les faits, ne le sont pas vraiment : entre ce que pense quelqu’un d’Appenzell et de Genève, il y a une grosse différence. » François, 26 ans, apprenti informaticien, suisse

« La Suisse c’est bien parce qu’il n’y a pas de problèmes politiques : on est neutre. » Etudiantes en cycle d’orientation, 13-14 ans

« La Suisse c’est un pays où tout le monde peut venir et tout le monde vient ! C’est à cause du chocolat… » Raymond, 81 ans, retraité

« En Suisse tu peux « rien foutre » et gagner quatre tickets nets par mois ». Gauthier, 22 ans, étudiant, suisse

« Un pays pas très violent, riche, pacifiste, raciste : ça peut être raciste. Démocratique, politique, avec beaucoup des richesses à exploiter comme les vignes. Les Suisses ont beaucoup de médicaments, de banques, et d’entreprises. » The Team, 12 ans, collégiens

1 L’auteur prétend avoir voulu, par cette mystérieuse 1 référence, mettre en exergue l’écart d’influence et 1 de puissance diplomatique entre la France et 1 l’Allemagne et souligner que la notion de puissance 1 la notion de puissance diplomatique s’éloigne, 1 parfois, des acceptions théoriques. Il a voulu 1 l’illustrer par l’amertume supposée et posthume du 1 du général allemand qui signa la capitulation et qui 1 s’e xc l a m a a l o r s à h aut e v oi x : «  Q uoi ? L e s 1 Français aussi ont gagné la guerre ? » faisant réfé1 rence à la légendaire vaillance et pugnacité fran-

« J’ai l’image d’un pays multiculturel, multicolore, avec plein de personnalités hétérogènes. La Suisse c’est aussi un joli pays où il y a une bonne bière. » Lucas, 19 ans, étudiant, suisse

1 çaise lors de la deuxième guerre mondiale.

2001

2009 500ème anniversaire de la naissance de Jean Calvin. Image du pays à l’étranger : la population suisse vue comme un grand peuple protestant.

Refus de l’adhésion à l’Union européenne. Le «grounding» de la compagnie aérienne Swissair. Chute financière.

Totale adhésion de la Suisse à l’espace Schengen. Initiative contre la construction de minarets.

2002 La Suisse entre au sein de l’ONU (Alors que rejet de l’adhésion en 1986 par les citoyens). Peur des milieux conservateurs pour la neutralité du pays.

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QUAND LE TOURNANT RADICAL TOURNE AU RIDICULE : LA DÉMISSION RATÉE DE L’UNES LUKAS À PORTA • Dans cet article, je vais tenter de mettre en évidence la cohérence ou l’incohérence entre un certain nombre de propositions théoriques acceptées comme vraies par la Conférence Universitaire des Associations d’Étudiants (CUAE) et la pratique, à savoir les actions menées par cette dernière. Plus précisément, c’est la relation entre le but statutaire de la CUAE consistant « [à] défendre les intérêts étudiants et des associations d’ étudiants sur les plans cantonal, national et international » et les conséquences pratiques de sa démission de l’Union Nationale des Étudiants Suisse (UNES) qui fera l’objet d’une évaluation. Cette dernière portera essentiellement sur le plan national et international. Ma question de recherche est la suivante: est-ce que dans le domaine sus-défini la CUAE a su adéquatement concilier propositions théoriques et actions entreprises ? Par (in)action, j’entends des choses aussi diverses que ‘ne pas organiser une AG’ ou ‘contacter la Fédération des Associations d’Étudiants de Lausanne (FAE)’. Par ‘adéquatement’, j’entends une action pratique qui puisse être vraie en même temps qu’un statut ou une proposition théorique. Si elle ne le peut pas, alors il y a contradiction pratique. Les constats d’inadéquation que j’émettrai peuvent – et heureusement d’ailleurs – ne pas être partagés par d’autres personnes, même si elles se basent sur les mêmes sources. Par ailleurs, je pars de l’hypothèse que le système de propositions théoriques de la CUAE est cohérent, hypothèse que je ne remettrai pas en question à la fin de cet exposé. Les statuts de la faîtière représentent une source importante et pertinente de propositions théoriques: certains d’entre eux seront donc reproduits. Le cadre de ma critique est interne à la littérature que la CUAE a produite. Je suis conscient des limites de cette analyse, forcément parcellaire et incomplète. J’espère néanmoins que l’exposé des rapports entre la CUAE, l’UNES et le mystérieux réseau alternatif – sujet central du présent article – sera, sinon exhaustif, du moins proche de la réalité. Dans le tournant du nouveau millénaire, la CUAE collaborait très activement avec l’UNES. Marque de cette collaboration, la CUAE a co-organisé à Genève, en partenariat avec la faîtière suisse, le 39ème congrès européen de l’Union Européenne des Etudiants (ESIB). Entre 1997 et 2002, selon ses propres calculs, elle participait en moyenne à deux réunions de la faîtière suisse par mois. Or en mars 2002, les membres de la délégation de la CUAE présents à l’Assemblée des Délégués (AD) extraordinaire qu’ils avaient convoquée quelques semaines plus tôt ont annoncé leur intention de démissionner de l’UNES. Comment expliquer ce revirement ? Avant de répondre à cette question, il est bon de rappeler le contexte dans lequel ce revirement a eu lieu. La décision de quitter la faîtière suisse est présentée par la CUAE comme l’aboutissement d’un processus plus large entamé depuis quelques années : « Depuis 3-4 ans [soit 2000-2001], suite à plusieurs décisions de son Assemblée Générale, la CUAE a réorienté son action. Elle ne se contente plus de son image de faîtière mais joue le rôle de syndicat étudiant avec une présence plus radicale

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et critique. Quelques actions menées, [...] notre démission de la faîtière nationale l’UNES, ainsi que la modification de nos statuts témoignent de ce changement au sein de l’association ». La prise de distance avec l’UNES n’est pas le seul indice de le radicalisation de la faîtière genevoise. Cette précision en tête, revenons-en à la question. A la fin des années nonante, la CUAE critiquait déjà l’UNES, la comparant à une « coquille vide qui ne représentait plus les intérêts des étudiants de Suisse ». La raison de cette critique ? : « l’absence de débat et d’engagement politique de la grande majorité des sections et du bureau national ». L’AD extraordinaire n’a pas été convoquée dans le but de présenter la démission de la CUAE mais « pour discuter des problèmes et envisager des solutions, dans l’intérêt des étudiants de Suisse ». Dans ce sens, la CUAE a envoyé aux différentes faîtières cantonales un document de travail qui visait à reformuler les buts et moyens de la faîtière nationale [9]. Un des problèmes soulevés par la CUAE est « l’absence d’une ligne politique » qui explique selon elle le « manque de suivi et de cohérence politique sur certains dossiers ». Elle propose donc la rédaction d’un programme politique annuel pour remédier au problème. Existait-il des dissensions politiques entre les faîtières cantonales ? Pas selon la CUAE, qui considère que « le problème n’ était [...] pas lié à des divergences politiques [entre les sections suisses] mais bel et bien à des attitudes et des visions du syndicalisme étudiant totalement divergentes ». Quoi qu’il en soit, quelques jours après cette AD extraordinaire, soit le 20 mars 2002, l’AG de la CUAE est convoquée. Les personnes présentes acceptent la proposition du Comité « [à] une très large majorité ». Apparemment consciente du risque de perdre pied sur la scène suisse et européenne, « l’Assemblée Générale de la CUAE s’est fixé comme but d’œuvrer à la création d’un nouveau réseau, plus combatif et cohérent dans ses décisions et dans ses démarches » afin notamment de « pallier à la perte de poids » consécutive à la démission de la CUAE de la faîtière nationale. Qu’a fait la CUAE en 2008-2009 concernant ce réseau alternatif ? « [La] CUAE n’a pas beaucoup eu l’occasion d’intensifier son réseau alternatif. Elle s’est ainsi contentée de continuer sa collaboration avec la bibliothèque autogérée de l’infokiosque ». Elle cite deux causes à ce déficit d’action pour l’année universitaire en question, le fait que cette année ait été « très chargée sur le plan de la politique universitaire » et qu’un « climat d’apathie générale [sévissait] sur la cité de Calvin depuis quelques années ». Son réseau parallèle se limiterait-il à cette collaboration ? Que s’est-il passé entre mars 2002, coup d’envoi officiel de la création de ce « nouveau réseau étudiant alternatif à l’UNES » et l’été 2009 ? En septembre 2002, soit quelques mois après sa démission de l’UNES, deux secrétaires permanents et un membre du comité partent pour Berlin afin de participer au Forum Européen de l’Éducation, financés par « une subvention extraordinaire de la part de la Commission de Gestion des Taxes Fixes [CGTF] ». Les

points positifs que la faîtière genevoise tire de sa participation concernent principalement « la prise de contact avec plusieurs syndicats étudiants de différents pays européens ». Néanmoins, la mauvaise qualité générale des discussions ainsi que la présence de « procédures non-démocratiques [les] obligent à en tirer un rapport final assez négatif ». Étonnamment, et bien qu’elle critique l’absence de débat de fond et le faible nombre de participants (environ 200), « l’analyse générale de la participation de la CUAE au forum » est jugée comme étant « très positive ». « La participation à l’European Education Forum de Berlin nous a par exemple permis de nous lancer dans le projet de constitution d’un réseau alternatif aux structures déjà existantes. L’aboutissement de la première étape de ce projet sera l’organisation par la CUAE, en collaboration avec le syndicat français de Sud-Etudiants, d’une journée de discussion en marge du prochain Forum Social Européen qui se tiendra à Paris le mois de novembre prochain. » Une année plus tard, en 2003, la réalisation de la première étape de ce projet est mise à mal par le refus de la part de la CGTF de subventionner un voyage à Paris d’une délégation de la CUAE, délégation qui ne rencontrera donc pas le syndicat français SUD Étudiant. En mars 2004, un café autogéré est organisé à Uni-Mail lors duquel des représentants de SUD Étudiant ainsi qu’une étudiante berlinoise témoignent de leurs expériences respectives. Rien de relevant ne se passe en 2005, hormis quelques contacts entretenus avec la Fédération Syndicale Étudiante (FSE) de France. Partie intégrante d’une coordination contre une révision de certains articles constitutionnels sur l’éducation, la CUAE profite de cette occasion pour « renouer les contacts avec différentes associations d’ étudiantEs » dont les faîtières de Lausanne (FAE) et de Berne (SUB) ainsi qu’avec un syndicat tessinois. Durant l’été 2006, la CUAE rencontre deux représentants de l’UNES qui sollicitent sa position sur l’avant-projet de loi de l’Université de Genève. En 2007, suite à des rencontres régulières avec la FSE, une délégation participe à un festival de solidarité internationale qui a lieu à Dijon en avril 2007. Elle y animera un atelier sur le revenu de base. Durant les années académiques 2006-2007, la CUAE, « a eu des contacts sporadiques avec [ses] homologues » de la faîtière de l’Université de Lausanne (FAE). Ces contacts visaient notamment à maintenir informé le Comité « de manière plus exacte sur l’UNES et ses activités, les informations émanant directement de l’une des deux faîtières n’ étant malheureusement pas toujours d’une précision jurassienne ». Les contacts avec la FAE sont restés « sporadiques » en 2007-2008. La même année universitaire, des membres du Comité entretiennent des contacts réguliers avec la bibliothèque autogérée de l’infokiosk. Ces contacts perdureront l’année suivante, comme mentionné plus haut. Plus de sept années se sont écoulées depuis que l’AG de mars 2002 a mandaté le Comité pour créer un réseau alternatif à l’UNES. Qu’en est-il aujourd’hui ? Actuellement, la CUAE n’a pas réussi, au niveau suisse, à rallier une seule faîtière à son réseau alternatif qui, de fait, n’existe pas. Ce constat est également valable au niveau européen. Fait notable, le Comité de la CUAE, quelques mois seulement après avoir quitté l’UNES, admettait déjà ne pas être parvenue à atteindre le but que l’AG lui avait fixé, se refusant toutefois à considérer ces tentatives, et notamment la participation au Forum de Berlin, comme « un échec complet ». Quelle raison la CUAE avançait-elle alors pour expliquer ses difficultés à mettre en place ce réseau alternatif  ? Le faible nombre de membres du Comité ainsi qu’une grande charge de travail ont rendu difficile l’établissement de liens durables avec d’autres étudiants et faîtières. Une autre raison : le fait que « la grande majorité de ces groupes sont soit des émanations de structures plus importantes, et qui donc en dépendent en grand partie (sections d’Attac par exemple), soit des représentants de réseaux déjà constitués et qui donc sont moins motivés à la perspective de travailler à la créations d’autres structures ». Concernant la période entre 2002 et 2009, on pourrait ajouter un motif, à savoir le fait que la CGTF a rechigné à

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financer les projets de collaboration de la CUAE, empêchant notamment une délégation de partir pour Paris. Huit ans après ce constat critique, à la limite de « l’ échec complet », ces explications sont-elles encore valables ? Si oui, alors pourquoi la CUAE a-t-elle persisté à poursuivre un but qu’elle avait déjà affirmé avoir manqué six mois seulement après avoir quitté l’UNES ? Quel constat peut-on tirer de cette démission ? Voici mon analyse personnelle. L’AG qui, le 20 mars 2002, a avalisé la proposition du Comité était alors consciente du risque encouru par la CUAE de ne plus avoir voix au chapitre sur le plan national et européen. Il me semble clair que la condition à remplir par le Comité pour que la légitimité de ce choix soit complète passait par la création d’un réseau alternatif. Ce réseau n’ayant jamais existé – qui a parlé de « coquille vide »  ? – et étant donné que la CUAE a pour but de « défendre les intérêts étudiants et des associations d’ étudiants sur les plans cantonal, national et international », je considère que les Comités successifs de la CUAE ne sont pas parvenus, d’une part, à réaliser le mandat que leur avait imposé l’AG du 20 mars 2002, d’autre part, n’ont pas réussi, tant au niveau national qu’international, à honorer l’un de ses buts, à savoir de défendre les intérêts des étudiants – étant entendu que la défense de ces intérêts passait nécessairement par la création d’un réseau institutionnalisé –. Considérant ce qui précède, la CUAE est face à une alternative: faire en sorte que ses actions respectent ses statuts ou bien modifier ses statuts de façon à ce qu’ils ne soient plus contredits par ses actions. « Bien entendu, l’ évaluation la plus importante pour nous sera celle faite par les étudiants qui prendrons connaissance de ce document [le rapport d’activité de la CUAE de 2001-2002] et que nous invitons en passant à se manifester avec leurs commentaires… » SOURCES Faute de place, les citations utilisées dans le présent article ne sont pas liées à leurs sources (en majorité les Rapports d’activité de la CUAE, disponibles ici : www.cuae.ch). Une version complète est disponible à l’adresse http://www.aespri.ch/aespri/static.php?id=11.

(photo : Grégoire Chappuis)

Pour cette édition, International.ink offre spécialement quelques lignes à la CUAE (Conférence Universitaire des Associations d’EtudiantEs). En espérant que vous apprécierez ce qu’ils vous ont concocté, nous vous souhaitons une bonne lecture !

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1 Statuts actuels de la CUAE, Art. 1 2 Ibid., Art 3, alinéa c) 3 Ibid., Art 13, al. a) 4 Cette AD a été introduite pour tenter « de remédier au manque de communication, 4 et de participation des associations membres, en réunissant deux délégué-e-s par

« Depuis 3-4 ans [soit 2000-2001], suite à plusieurs décisions de son Assemblée Générale, la CUAE a réorienté son action. Elle ne se contente plus de son image de faîtière mais joue le rôle de syndicat étudiant avec une présence plus radicale et critique. Quelques actions menées [...] notre démission de la faîtière nationale l’UNES, ainsi que la modification de nos statuts témoignent de ce changement au sein de l’association ».8

INTERVIEW PROPOS RECUEILLIS PAR AUDE FELLAY

4 association ». (Procès Verbal (PV), AG du 15.11.99, p.2) 5 Statuts actuels de la CUAE, Art. 20. al. a) et b) 6 Ibidem., Art 28, al. a) à c) 7 RA 03-04, p.10 8 « Promouvoir une vision alternative à la vision capitaliste de l’éducation et de la 8 recherche scientifique », Documents de réflexion du comité de la CUAE (mai 2004), p.2.

« Nous voulons que

International.Ink : Pouvez-vous nous décrire la CUAE en quelques mots ? CUAE : La CUAE est la Conférence Universitaire des Associations d’EtudiantEs. Nous regroupons la plupart des associations de l’université de Genève et certains groupes d’intérêts. On peut être membre de la CUAE par l’intermédiaire d’une association universitaire ou à titre individuel. Nous intervenons dans la politique universitaire mais également dans tout ce qui touche aux conditions de vie des étudiants. Plus concrètement, nous réunissons une Assemblée Générale (AG) qui détermine nos lignes directrices ainsi que les actions que nous entreprenons durant l’année. Un comité se réunit chaque semaine pour mettre en œuvre les décisions prises à l’AG. Trois secrétaires s’occupent de tenir des permanences pour les étudiants pour assurer une aide administrative et juridique en matière universitaire et sociale. La CUAE a la double fonction de syndicat et de faîtière. Notre rôle de syndicat est parfois mal compris ; il n’est pas connoté idéologiquement. Comme un syndicat, nous effectuons un travail de défense des intérêts estudiantins : nous proposons des permanences individuelles et nous essayons d’articuler cette défense individuelle de manière collective.

l’étudiant puisse

I.I.: En quoi consiste votre vision alternative des études et de la recherche, inscrite comme un but dans vos statuts, par rapport à la vision capitaliste ? CUAE : La vision capitaliste des études est une conception des études non pas en tant qu’acquisition de savoirs en tant que tel, mais dans une optique de

lié au marché du travail ou

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choisir sa formation indépendamment du milieu professionnel mais surtout que le contenu de sa formation ne soit pas aux conditions d’emploi. »

formation à un emploi. Le processus de privatisation de l’éducation augmente chaque année un peu plus. Aujourd’hui l’éducation tertiaire est souvent considérée comme un investissement par rapport au marché du travail. Le but est de formater des gens qui trouveront rapidement des places de travail, qui seront utiles aux entrepreneurs. Cette vision n’est pas négative en soi, mais elle ne doit pas consituter l’unique conception de l’université et des études. Nous militons pour que l’étudiant reçoive à l’université un savoir qui soit indépendant de ce qu’il va devoir mettre en application plus tard. Un étudiant en science politique, par exemple, ne doit pas être formé dans le seul but de devenir un analyste électoral. Nous voulons que l’étudiant puisse choisir sa formation indépendamment du milieu professionnel mais surtout que le contenu de sa formation ne soit pas lié au marché du travail ou aux conditions d’emploi. Il doit être lié à la discipline. Il en va de même pour la recherche qui ne doit en aucun cas être orienté par son applicabilité future. I.I. : Pensez-vous que la majorité des étudiants viennent à l’université pour le savoir en soi ? CUAE : C’est très difficile d’avoir une réponse à cette question. Cela dépend largement de quels étudiants nous parlons. Quand vous parlez de majorité des étudiants, vous faites comme si tous les étudiants étaient pareils. Nous remarquons de grosses différences entre les étudiants. Nous ne pensons pas qu’on puisse parler de majorité d’étudiants en raison de leur hétérogénéité. A nos yeux, il est important d’assurer la subsistance des deux types de formation et que l’une ne prenne pas le pas sur l’autre. Dans le cas contraire, la porte est ouverte aux suppressions de filières qui ne sont pas rentables parce qu’elles ne mènent pas directement à un travail. Il faut qu’il y ait la possibilité pour certains de se former pour un emploi futur mais il doit y avoir cette autre possibilité, cet autre choix présent historiquement qui malheureusement disparaît avec les réformes. L’université est en grande partie financée par l’Etat : soit on considère que l’Etat n’a pas à financer la formation des entreprises, soit on considère, qu’au contraire, il se doit de le faire. Cependant, à mon sens, c’est aux entreprises d’assurer la formation de leurs collaborateurs. Il en va de même pour la recherche : si l’on donne des millions à la recherche pour qu’elle étudie un sujet particulier, c’est tout cela que les entreprises n’auront pas à sortir de leurs poches et c’est tant mieux pour elles. Ce n’est pas de l’argent jeté à la poubelle mais on oriente la recherche dans une direction au détriment du reste. Ce qui se passe actuellement au niveau de la recherche est préoccupant.

puisse parler d’une majorité des étudiants. S’il a y une majorité, c’est surtout une majorité d’indifférents, des indifférents face à la politique universitaire. Nous constatons que l’indifférence est quelque chose de global, une grande partie des étudiants n’ont pas envie de participer à des débats qui ne concernent pas directement leurs cours et l’accumulation de leurs crédits. On ne peut pas forcément le leur reprocher car ils sont dans un cadre qui les pousse à agir ainsi et à ne se préoccuper que de leur emploi futur. On remarque une évolution sur le long terme entre l’avant et l’après Bologne. Beaucoup d’étudiants tendent à devenir des gestionnaires de crédits qui ne font que le minimum. Nous pensons qu’il est vrai de dire que les étudiants sont indifférents, mais de dire que parce qu’ils sont indifférents ils s’opposent à nous, comme certains l’affirment, c’est aller trop loin. I.I. : En quoi consiste le réseau alternatif que vous deviez, sur mandat de l’AG de mars 2002, créer, suite à votre séparation de l’Union Nationale des Etudiant-e-s Suisse (UNES) ? CUAE : Au niveau suisse, nous avons eu de nombreux contacts avec la FAE [ndlr : la Fédération des associations d’étudiants de l’université de Lausanne] et la SUB [ndlr : la faitière de l’université de Berne], sans que l’on puisse parler de création d’un réseau. Au niveau international, nous avons d’excellentes relations avec l’ASSE [ndlr : Associations pour une Solidarité Syndicale Etudiante]. Mais en gros, nous devons admettre que ce n’est pas un réseau très consolidé. La constitution d’un réseau alternatif est l’un des gros soucis que l’on a eu et je pense qu’il constitue le point faible de notre bilan général. I.I. : Partagez-vous le constat de vos collègues du comité de 2001-2002 qui jugeaient que « jusqu’à maintenant, le but fixé n’a pas été atteint » ?1 CUAE : Nous acceptons le constat mais il faut le remettre dans son contexte. Le bilan reste mitigé, mais une fois tiré, nous ne pensons pas qu’il mène directement à une réintégration de l’UNES ou à une révision de nos statuts comme semble le sous-entendre Lukas dans son article. En effet, il faut prendre en compte ce qui a été fait en dehors de l’UNES (par exemple le comité référendaire contre les articles constitutionnels de l’éducation du 21 mai 2006) et qui n’aurait pas pu être entrepis en son sein. Parallèlement, il est également nécessaire de regarder ce que l’UNES a entrepris entre-temps. 1 Rapport d’activité de la CUAE, 2001-2002, p.35

I.I. : Vous êtes pour un financement 100% public de l’université et pour une indépendance totale de l’université et de la recherche. Comment une université financée entièrement par l’Etat peut-elle concrètement être indépendante vis-à-vis de ce dernier ? CUAE : On nous a reproché d’être contre l’autonomie de l’université. Au contraire, nous sommes pour l’autonomie mais contre cette forme-ci d’autonomie [ndlr : autonomie par le financement privé]. Historiquement, l’autonomie s’est construite vis-à-vis de l’Eglise et de l’Etat. C’est un problème qui n’est pas résolu dans la loi actuelle, l’Etat continuant à financer les universités. Toutefois, il faut trouver un financement à l’université et nous préférons que cela soit l’Etat qui la finance plutôt que les privés. On considère que le risque est beaucoup moins grand. On ne nie pas le fait qu’il est possible que l’Etat entrave l’autonomie de l’université car il y a une part de contrôle par le budget. Cependant et contrairement au privé, l’Etat n’impose pas des sujets dans les domaines de recherche. I.I. : Comment légitimez-vous votre représentation politique auprès des étudiants ? CUAE : Nous n’arrivons pas à classer ce que l’on fait dans une idéologie politique précise. Comme dit précédemment, nous ne croyons pas non plus qu’on

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Créée en 1971, la Conférence Universitaire des Associations d’Étudiants est une association faîtière « à but idéal », « laïque » et « politiquement indépendante »1 qui se donne notamment pour mission « de défendre les intérêts étudiants et des associations d’étudiants sur les plans cantonal »2 Cette faîtière est principalement constituée d’une Assemblée Générale (AG), organe suprême ayant notamment pour but de définir la politique générale de la CUAE ainsi que les moyens pour y parvenir 3 ; d’une Assemblée des Délégués (AD), organe qui depuis sa création en 19994 définit également la politique entreprise par le Comité, sous contrainte des décisions prises par l’AG, et qui fait « le lien entre les associations d’étudiants ou groupes d’intérêts et le Comité »5 ; enfin, d’un Comité, chargé « [d’]exécuter les décisions de l’AG et de l’AD ; de représenter la CUAE ; [d’]entreprendre toute activité qu’il juge appropriée à la réalisation de la politique générale définie par l’AG et l’AD » 6 ; il existe également des groupes de travail, chargés de réfléchir au sujet de problématiques déterminées lors des AG. Trois membres de la CUAE sont également secrétaires permanents rémunérés grâce à une ponction fixe prélevée sur les taxes universitaires payées par les étudiants7. En plus de son rôle d’association faîtière, la CUAE se profile également comme un syndicat engagé, tenant d’une ligne politique ancrée à l’extrême-gauche. La citation qui suit atteste d’un tournant radical, opéré par la CUAE depuis le début des années 2000.

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(photo : www.endlesssimmer.com)

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Lionel Thorens

d’acquérir une licence ès sciences politiques, que l’on pouvait agrémenter d’une motion « études internationales » en passant un certain nombre de semestre à l’institut des Hautes études internationales (HEI)1 . Mais cet enseignement pluridisciplinaire et très général était déchiré par le conflit qui opposait la faculté de Droit et la faculté de SES pour le contrôle de la licence.

Avant 1969, si un étudiant ou une étudiante voulait étudier la science politique, il ou elle lui fallait s’immatriculer au choix soit en faculté de Droit, soit en faculté des sciences économiques et sociales (SES) et suivre toute une large panoplie de cours allant de l’économie à la sociologie en passant par la statistique et le droit, ainsi que deux cours de science politique à proprement parler : « science politique » et « histoire des doctrines politiques ». Au terme du parcours, il était ainsi possible

Quand Sidjanski est nommé titulaire de la chaire science politique en 1963, il va très vite faire pression pour une autonomisation des enseignements en science politique et la création d’un département à part entière. Cependant, il nous raconte que son imposition ne s’est pas faite dans la facilité. En effet il a dû batailler ferme contre l’ancien directeur de l’institut des HEI qui ne voulait pas entendre parler d’un département de science politique, prétextant que son institut se chargeait

(photo : Romain Roustant)

Fondé en 1969, le Département de science politique de l’Université de Genève fête cette année ses quarante ans d’existence. C’est l’occasion pour International.ink de confronter les points de vue des Professeurs Dusan Sidjanski, fondateur du département et premier directeur, et Pascal Sciarini, directeur actuel, sur l’évolution de quatre décennies de science politique à Genève. Regards croisés.

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déjà de couvrir la matière et que la création d’un nouveau département était inutile. Mais, avec le soutien du Doyen des SES, Sidjanski parvient finalement à imposer l’idée d’un département de science politique, rattaché à la faculté de SES, qui voit le jour en 1969. Lorsque Dusan Sidjanski revient sur les débuts du Département, c’est avec un peu de nostalgie qu’il évoque « les budgets plus fournis » qui ont permis dès le début de créer des postes d’assistants et de chercheurs, mais également d’inviter des Professeurs d’Europe et des Etats-Unis. Cette situation a permis notamment de voir passer par Genève les Professeurs Deutsch, Duverger ou encore Inglehart, plaçant le département dans une « situation privilégiée en Europe ». Genève a dès le début été un pôle pour la recherche, en réalisant par exemple le premier sondage à grande échelle sur le comportement de vote des Suisses2.

Sciarini reconnaît que grâce à Sidjanski, Genève est devenue très vite le pôle de la science politique en Suisse et a su également profiter de son grand rayonnement sur le plan international. Malheureusement, cette période faste n’a pas duré. Après les « années d’or » des années 1990, avec la présence notamment au sein du corps professoral de Hans-Peter Kriesi ou Stefano Bartolini, les deux politologues s’accordent pour souligner l’existence d’une période de « creux » dans la gestion et le dynamisme du département. « Bien qu’étant de très bons chercheurs et politologues, certains membres du département étaient assoupissant, avaient peur » explique Sidjanski. Le rayonnement de la science politique genevoise en a pris un coup durant cette période, déjà à l’étranger, mais également en Suisse, ou elle se voit distancer par Zürich, nouveau pôle national en ce qui concerne la recherche en science politique. « Lorsque j’ai repris le département (en 2005 NDLR), il était dans une situation catastrophique. On était au fond du trou ! Crises, conflits internes, postes vacants etc. » ajoute Sciarini. Il lui a fallu réorganiser le fonctionnement en mettant l’accent sur trois objectifs : regagner une position en vue en Suisse ; retrouver une identité interne, remobiliser

VIE UNIVERSITAIRE les troupes, pacifier le département ; et finalement stabiliser la relève interne en développant le soutien et le suivi. Objectifs remplis selon lui grâce à une meilleure cohésion constatée actuellement au sein du département, une recherche redynamisée avec plusieurs projets FNS ou financés par l’Union européenne, et un nombre croissant d’étudiantes et d’étudiants. Quand à la façon dont ils envisagent les quarante prochaines années, leurs visions sont à nouveau plutôt convergentes. En ce qui concerne l’enseignement, les deux professeurs en appellent à une plus forte transdisciplinarité et à une meilleure collaboration avec les autres disciplines. Ils évoquent en particulier le renforcement du caractère international de la science politique, afin de mieux s’inscrire dans le contexte de la Genève internationale. Le directeur actuel n’exclu pas d’ailleurs à terme une meilleure collaboration avec l’IHEID. Sidjanski souhaite trouver des thèmes de recherches communs, « apprendre ce qu’est la véritable interdisciplinarité ». Selon lui, « l’interdisciplinarité est notre avenir ». Il imagine même un rapprochement avec les sciences dures. Sciarini est lui plus réservé sur ce point, affirmant que la recherche doit rester ciblée et spécialisée, faute de quoi, elle court le risque de tomber dans le superficiel.

Afin de souligner cette date anniversaire, le département de science politique a accueilli à Genève les 7 et 8 janvier derniers le congrès de l’Association Suisse de Science Politique. Cela a été l’occasion pour les étudiantes et étudiants de participer à des tables rondes sur des thématiques de science politique, de suivre des groupes de travail présentant les dernières recherches menées actuellement en Suisse et d’assister à une conférence plénière rassemblant des grands noms de la science politique.

1 Pour plus d’information sur l’histoire de la science 1 politique en Suisse, lire GOTTRAUX, Philippe, 1 Pierre-Antoine SCHORDERET et Bernard VOUTAT. 1 La science politique suisse à l’épreuve de son 1 histoire. Editions Réalités sociales. Lausanne : 2000. 2 S I D JA NS K I , D u s a n et a l . L e s S u i s s e s et l a 2 politique : enquête sur les attitudes d’électeurs 2 suisses (1972). Berne, H. Lang, Francfort /M, P. Lang, 2 1975.

(photo : Romain Roustant)

LA SCIENCE POLITIQUE À GENÈVE : REGARDS CROISÉS SUR 40 ANS D’HISTOIRE

VIE UNIVERSITAIRE

VIE UNIVERSITAIRE

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Iván Ordas Críado, Livio Simeone et Adrià Budry Carbó pour l’AESPRI

Les termes employés au masculin s’entendent également au féminin

(photo : billou57 flick.com)

Une fois n’est pas coutume, la rentrée académique a apporté son lot de nouveaux étudiants à l’Université de Genève. Quoi de plus normal après tout, nous sommes dans l’une des plus grandes universités de Suisse, qui se targue de figurer en bonne place dans toutes les classifications européennes . Malgré toutes ces distinctions, un léger malaise est perceptible lorsque l’on se promène à Unimail. Dans des couloirs congestionnés, des groupes d’étudiants tentent de se frayer un passage ; il s’agit d’arriver rapidement dans l’auditoire de manière à s’assurer une place (la concurrence est rude, surtout en début d’année). En effet, de nombreux étudiants sont contraints d’assister aux cours assis par terre ou doivent aller se « dégoter » une chaise dans une salle de séminaire. En

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courant, ils croisent certains étudiants égarés qui n’ont toujours pas reçu les résultats de leur session de rattrapage. D’autres devront parfois attendre un semestre avant réception du résultat de leur recours sans savoir s’ils doivent suivre des cours de premier ou de deuxième cycle. Mais ce que les nouveaux élèves de Relations Internationales, HEC ou Droit, n’ont pas encore expérimenté, ce sont ces immenses salles-abattoirs censées tester les étudiants à la fin du semestre sur une accumulation d’appris par cœur plutôt que sur la capacité à évaluer de manière critique des textes, des théories ou des situations. Certains professeurs essaient bien de faire de la résistance en proposant des oraux ou en maintenant le système des dissertations mais, au vu du faible taux d’assistants pour le nombre de copies à corriger, le système des questionsréponses courtes ou même des QCM

s’impose un peu partout. Que dire également du chevauchement des examens qui ressemblent surtout à des marathons de récitation ? Quelle est la légitimité d’une sélection qui se baserait uniquement sur la capacité de mémorisation ? Quel est l’intérêt pédagogique d’un examen si l’accès aux copies est rendu si difficile que la plupart des étudiants y renoncent ? A cela s’ajoute le fait que les erreurs administratives ou de correction ne sont pas rares. Pour les QCM par exemple, certaines copies ont été insérées à l’envers dans la machine correctrice ou des confusions ont été commises entre certains parents ou homonymes. Eh bien oui ! Même les professeurs sont humains… Reste quand même l’impression que, face à l’affluence, l’Université de Genève a dépassé ses capacités et peine à gérer ce trop-plein. Au cœur de la tourmente c’est la qualité des études qui s’en ressent et qui met en

péril l’idéal de démocratisation des études. Cependant, la surpopulation estudiantine n’est pas un phénomène propre à la Cité de Calvin. Depuis une trentaine d’année, la notion de démocratisation des études a fait son bout de chemin en Suisse. Il s’agit de permettre à chacun d’accéder au niveau d’enseignement auquel ses aptitudes le prédisposent sans discriminations sociales ou économiques. En conséquence de cette politique d’ouverture de l’instruction publique, la population résidente suisse affiche un niveau de formation de plus en plus élevé. Si le taux d’hommes ayant terminé des études tertiaires (hautes écoles universitaires et spécialisées) a passablement augmenté, la croissance est nettement plus forte chez la population féminine . L’élévation du niveau de formation de la femme permet donc également d’expliquer le pourquoi d’un tel boom. Mais selon les toutes dernières prévisions, la population estudiantine des hautes écoles suisses (tous sexes confondus) devrait continuer à croître ce semestre d’automne pour atteindre presque 200’000 étudiante-s, soit environ 10’000 de plus que l’année précédente . Dans un document datant de 2002 déjà, la Conférence des Recteurs des Universités Suisses (CRUS) soulignait la faible augmentation du corps professoral (+25%) contrastant avec l’explosion du nombre d’étudiant-e-s (+ 58%) entre 1980 et 2000. Et si la garantie de l’accès aux études pour les femmes et tous les étudiants en général passait par l’octroi de fonds supplémentaires ? En effet, le véritable problème ne consiste pas tant dans l’augmentation du nombre d’étudiants que dans la faiblesse des moyens mis en œuvre. Malgré de nombreuses et stériles déclarations de bonne volonté, les soutiens politiques restent faibles pour débloquer de nouveaux crédits. Dans son message FRT (Formation, Recherche et Technologie) 2004-07, le Conseil fédéral prévoyait un total de 2’310 millions de francs pour les subventions de base ; mais, en raison des politiques d’allégement budgétaire, les subventions de base ont dû être réduites de 252 millions de francs . Constatant la détérioration des conditions d’encadrement dans les sciences humaines et sociales, la CRUS en appelait à une augmentation des deniers publics. Elle se fixait comme objectif d’arriver à 40 étudiants par professeur dans les sciences humaines, sociales, économiques et en droit en accroissant de 5% par année (chiffres réels) les financements publics et en demandant un investissement accru de la Confédération pour décharger les cantons. Lors de sa séance plénière du 9 mai 2008, la CRUS s’est engagée à poursuivre l’amélioration des conditions d’encadrement dans ces disciplines, mais sans leur

VIE UNIVERSITAIRE réserver une part des subventions. Ainsi, les étudiants concernés restent tributaires du bon-vouloir et du respect de la parole des recteurs… En Relations Internationales, par exemple, les étudiants sont toujours dans l’expectative de l’augmentation de 80 à 100% de la seule conseillère aux études pour plus de 1000 personnes. Même constat dans les auditoires bondés d’Unimail : la démocratisation des études sans déblocage des fonds nécessaires à sa survie s’apparente plus à une massification de l’éducation. De part et d’autre on commence à évoquer le concept de « junk education », une éducation à consommer rapidement et à jeter dès les portes de l’université franchies. En définitive, c’est laisser la porte grande ouverte à tous les détracteurs de la démocratisation qui prônent un retour à des valeurs élitistes.

Sources • http://www.bfs.admin.ch/bfs/

portal/fr/index/themen/20/05/ blank/key/gleichstellung_und/ bildungsstand.html • http://www.crus.ch/index.

php?id=54&type=123&L=1&tx_ ttnews[year]=2002&tx_ttnews[tt _ news]=46&tx_ttnews[backPid]=5 5&cHash=2e38af69f3 • http://www.bfs.admin.ch/bfs/

portal/fr/index/themen/15/08/dos/ blank/15/07.html • http://www.crus.ch/la-crus/

analyse-evalue/subventions-debase-pour-l-amelioration-des-conditions-d-encadrement.html?L=1 • http://www.unige.ch/rectorat/

observatoire/pdf/etu06rapportcondese.pdf • http://www.bfs.admin.ch/bfs/

portal/fr/index/news/medienmitteilungen.Document.86252.pdf • http://www.geneve.ch/LEGISLA-

TION/rsg/f/s/rsg_C1_30.html

(photo : Mateo Broillet)

L’UNIGE SERAIT-ELLE VICTIME DE SON SUCCÈS ? LA DÉMOCRATISATION DES ÉTUDES AUX PRISES AVEC LA « JUNK EDUCATION »

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UNE TERRE PROMISE, OU UNE TERRE CONQUISE ? EN QUÊTE DE VÉRITÉ…

plus modestes, travailler devient donc une nécessité. Ce dernier point paraît d’autant plus inacceptable lorsque l’on considère l’augmentation de l’intensité des études, conséquence de l’application du processus de Bologne. Pour les personnes en difficulté financière, les bourses représentent donc généralement l’ultime recours. En Suisse, malheureusement, le système n’est pas au point. Entre 1995 et 2005, les montants des bourses d’études ont baissé de 9% en valeurs réelles. Malgré les crises conjoncturelles et les pol it iq ues d’a l légement budgét a i re, l’éducation doit se maintenir dans son idéal démocratique : celui d’apporter certaines connaissances à la population qui souhaite l’acquérir. En tant que service publique, l’université n’a pas uniquement pour but de former des personnes employables prêtes à être intégrées sur le marché du travail. Elle remplit également un rôle de production de savoirs qui ne sont pas directement quantifiables économiquement. En ce sens, assurer un financement qui irait de pair avec l’augmentation du nombre d’étudiant et un système de bourse adéquat, c’est œuvrer à préserver les acquis démocratiques et rester cohérent au regard d’une politique mise en place par le passé. Que l’on se rassure, le futur nous apportera peut-être la solution. Si les prévisions tablent sur une forte hausse de la population estudiantine jusqu’en 2012 (de 26’000 à 34’000 de plus qu’en 2008 !), elle devrait être plus modérée par la suite (+1% jusqu’en 2018) en raison du recul démographique . Eh bien chers étudiants, oubliez l’augmentation du financement de l’université, et patientez en attendant le vieillissement de la population !

Alexis Thiry Patricia Ringger

Cet article n’a pas pour but de rallier le lecteur aux prises de position qui y sont exposées. Il est simplement constitué d’un éventail de souvenirs que nous avons essayé de lier les uns aux autres pour retranscrire ce que nous avons vu et entendu durant nos voyages respectifs au Moyen Orient. Le contenu est volontairement subjectif, afin de coller au mieux à nos expériences vécues, tant marquantes que révoltantes. Alexis, 20 Août 2009 : « Welcome to Israel! ». Voilà dix jours déjà que j’ai quitté la gare centrale de Zürich pour rendre visite à une amie franco-israélienne habitant à Tel Aviv. En dix jours, j’ai traversé neuf pays en train, en voiture et en bus, dans des conditions difficiles, pour finalement atterrir au petit matin au Pont Allenby, pont qui sépare la Jordanie des territoires occupés. En tant que citoyen européen, je n’ai jamais vraiment attaché une quelconque importance aux frontières. Pour les centaines de Jordaniens et de Palestiniens qui doivent attendre là pendant des heures, sous un soleil de plomb, cette ligne de démarcation doit leur sembler aussi absurde qu’à moi. Cette ligne de démarcation n’est pas simplement le produit d’une histoire, c’est aussi et surtout un mur entre des familles victimes des aléas de la géopolitique. Les jeunes Jordaniens d’origine palestinienne que j’ai rencontrés à Amman ont peu de chance d’obtenir le laissez-passer israélien nécessaire pour se rendre sur la terre de leurs ancêtres.

1 17ème au Ranking Web of European Universities 09 1 ou 27ème au QS European University Ranking 09. 2 En 2008 et selon l’Office Fédéral de la Statistique 2 11,6% des ainées (55-64 ans) avaient obtenu un 2 diplôme supérieur, alors que les jeunes (25-34 ans) 2 se démarquent avec un taux de 27,7%. 3 Scénario pour le système de formation- Analyse : 3 http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/ 3 themen/15/08/dos/blank/15/07.html 4 Les g ra nds déf is des universités suisses. 4 http://www.crus.ch/index.php?id=54&type=123 4 &L=1&tx_ttnews[year]=2002&tx_ttnews[tt_news]= 4 46&tx_ttnews[backPid]=55&cHash=2e38af69f3 5 Rapport CRUS sur l’amélioration des subventions 5 de base. http://www.crus.ch/la-crus/analyse5 evalue/subventions-de-base-pour-l-amelioration5 des-conditions-d-encadrement.html?L=1 6 Au moment de la rédaction de cet article (déc. 09) 6 nou s ac c u s on s ré c ept ion d’u n me s s age du 6 professeur Hug qui nous affirme que le rectorat a 6 finalement accepté de faire passer Mme González 6 à plein-temps et de lui garantir un bureau propre. 7 http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/ 7 themen/15/06/key/ind1.indicator.10107.101.html? 7open=102#102 8 Cependant, les enseignants du Baccalauréat en 8 Relations Internationales ont reçu début décembre 8 une recommandation de la commission du BARI 8 les informant que les examens devraient filtrer 60% 8 des étudiants en première année. 9 La question leur a été posée lors du débat sur les 9 élec t ion s orga n i sé pa r l a sociét é s u i s se de 9 Zofingue (Genève) le mercredi 4 novembre. 10 Voi r l’ét ude « Et ud ia nt s 2 0 0 6 » pu bl iée pa r 10 l’observatoire de la vie étudiante à Genève : 10 http://www.unige.ch/rectorat/observatoire/pdf/ 10 etu06rapportcondese.pdf 11 http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/news/ 11 medienmitteilungen. Document86252.pdf 12 Scénario pour le système de formation-Analyse : 12 http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/ 12 themen/15/08/dos/blank/15/07.html

(photo : Alexis Thiry Patricia Ringger)

« Chères études » Si le nombre d’étudiants a connu une croissance sans précédents entre 1980 et 2000, permettant à un part toujours plus large de la population d’étudier, ce n’est pas pour autant que les études se sont véritablement démocratisées. En effet, l’origine sociale reste un facteur déterminant quant à l’accès à l’Université. 40% des étudiants ont un parent diplômé d’une haute école. Une proportion « fortement plus élevée que dans le reste de la population résidente » selon l’OFS . Et la tendance ne risque pas de s’inverser, lorsque l’on considère la question des taxes et des bourses. Si l’introduction d’un numerus clausus généralisé ne semble pas d’actualité, la menace d’une augmentation des taxes universitaires est bien présente. Pour rappel, les citoyens genevois ont décidé d’adopter par votation le 30 novembre 2008 une nouvelle loi sur l’Université. Cette dernière abroge le montant maximum – « plafond »- des taxes de 500 francs par semestre inscrit dans l’ancienne loi et prévoit en lieu et place une « Une loi spéciale [qui] fixe le montant maximum des taxes universitaires en s’assurant qu’il se situe dans le cadre des montants des taxes des hautes écoles suisses » (art. 16 al. 2 LU). Or ce montant se situe selon les estimations entre 1500 et 2000 francs par semestre. A ce jour, plusieurs politiciens fraîchement élus au Conseil d’Etat genevois (François Longchamp, Isabel Rochat et Pierre-François Unger) se sont déjà montrés favorables à l’augmentation des taxes . L’Institut des Hautes Etudes Internationales et du Développement (IHEID), qui s’est fait reconnaître le 28 octobre dernier comme « institution universitaire » par le Conseil fédéral, a d’ailleurs bien compris la leçon. Un temps illégales, les taxes de 3000 francs par an pour les étudiants suisses et de 5000 pour les étrangers semblent maintenant institutionnalisées. Ce qui rend encore plus inquiétants les propos de Philippe Burrin (directeur de l’IHEID) dans la Tribune de Genève du 11 février 2008 : « L’augmentation des taxes d’écolage entre 3000 et 5000 francs par an rehausse le niveau : les étudiants comparent la qualité au prix ; ce qu’ils ne font pas quand c’est gratuit ». L’idéal de démocratisation de l’éducation semble bien loin… D’autant plus lorsque l’on considère la situation sociale des étudiants, circonstance aggravante s’ajoutant aux barrières des taxes. Plus de 80% des étudiants genevois travaillent en marge de leurs études. Parmi ces derniers, plus d’un tiers y consacrent en moyenne entre 11 et 20 heures par semaine . Cela ne surprend guère si l’on pense au coût de la vie à Genève et plus particulièrement à celui du logement. Pour les étudiants les

VOYAGE

Patricia, 27 Juillet 2009 : Sixième jour du camp organisé au sein de l’Université de Birzeit, proche de Ramallah. Nous, étudiants internationaux et palestiniens, sommes en route pour Bethléem. Nous avalons les kilomètres vers la cité où Jésus naquit il y a plus de deux mille ans. Sur notre route, « le Mur » nous accompagne tel une chimère: c’est tout un paysage qui en est défiguré. Des cimetières d’oliviers font face à ce rempart qui s’étend à perte de vue. Pour des motifs soidisant sécuritaires, des centaines d’arbres au milieu de nulle part ont été décapités par l’armée israélienne et les colons. Une partie de nos camarades, ceux qui n’ont que le permis bleu, ont dû prendre la route à travers Jérusalem. Ils n’ont pas le droit d’emprunter le même chemin que les autres Palestiniens. Les détenteurs du permis vert ne pourront quant à eux jamais visiter le Dôme du Rocher

et la mosquée Al Aqsa. Si les autorités israéliennes ne compliquent pas nos voyages respectifs, nous devrions tous nous retrouver à Bethléem. A., 23 Août 2009 : Base militaire de Kerem Shalom. Il est difficile de comprendre la société israélienne si on ne s’arrête pas sur le fonctionnement de son armée. Cette dernière est visible partout: jeunes gens à peine plus âgés que moi déambulant dans la rue avec un fusil beaucoup trop grand pour eux ou jeunes femmes maquillées, au teint mat et sirotant un jus de fruit en uniforme sur la terrasse d’un café. J’ai dix-neuf ans et beaucoup de peine à m’identifier à cette jeunesse qui a déjà un bon pied dans la vie adulte. J’ai pu me rendre pour quelques heures dans l’une des deux bases coincées entre Gaza et la frontière égyptienne. On dit souvent que Tsahal est composée d’indisciplinés. Je n’y ai pourtant trouvé que des gens responsables, dotés d’un sens du devoir apparent, malgré des conditions de vie pénible et une pression constante. L’intimité est totalement absente en ce lieu poussiéreux

où cohabitent hommes et femmes. La cohabitation des deux sexes est soumise à une discipline militaire très stricte : tout contact physique est proscrit derrière les murs de cette zone militaire. A tel point que j’ai eu beaucoup de peine à convaincre mon amie de me donner ne serait-ce qu’une simple accolade avant mon départ. P., 27. Juillet 2009. Nous sommes stoppés au checkpoint Kidron en plein milieu de la Cisjordanie. La frontière israélienne est pourtant loin, quelle bizarrerie… J’imagine un instant des soldats allemands faisant des contrôles entre Zürich et Berne. Retour à la réalité : des voitures sont bloquées, nous attendons. Je suis nerveuse. Il fait chaud, le soleil est au zénith. Tout le monde a son passeport entre les mains. Au barrage, deux Israéliens d’une vingtaine d’années entrent dans le bus et crient des ordres en arabe. Les passeports se lèvent. Je suis terrifiée, l’atmosphère est électrique. La musique, les blagues, l’ambiance festive estudiantine, tout cela me semble bien loin. Mes yeux sont rivés sur le fusil qu’il tient braqué sur nous. Ce moment me

Hébron : « En marchant vers la mosquée d’Ibrahimi, à travers le souk, une grille recouverte de pierres et de déchets attire mon attention. »

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VOYAGE semble interminable. Le soldat s’empare de quatre permis verts, les redonne et en revérifie d’autres. La procédure se répète à l’infini. Les étudiants palestiniens sont alors forcés de descendre du bus. Aucune ombre sous laquelle s’abriter. Une heure s’est déjà écoulée. La colère monte: j’ai envie de hurler des mots en suisse-allemand au visage de ces jeunes qui nous privent d’un droit essentiel : la liberté de circuler. Finalement, ils nous laissent partir, mais tous les Palestiniens reçoivent une convocation les obligeant à revenir la semaine suivante. Le trajet de Ramallah à Bethléem aurait été cinq fois plus rapide si nous étions passés par Jérusalem, alors que le voyage a duré cinq heures. J’imagine les Palestiniens, quotidiennement ralentis par l’occupation. Quand ce ne sont pas les innombrables checkpoints , c’est l’état lamentable de l’asphalte. L’ingérence israélienne s’étend jusqu’à l’entretien des routes qui dépend d’une autorisation de la part desdites autorités. Une semaine plus tard, je serai assise dans un bus israélien sur une route israélienne traversant la Cisjordanie. Cette voie rapide est interdite aux Palestiniens alors qu’elle traverse leurs terres. Nulle part ailleurs dans le monde on peut voir un peuple dans son ensemble être privé de l’accès à une autoroute. Même en Afrique du Sud, aux pires moments de l’Apartheid, de pareils cas de figures n’existaient pas. A., 22 Août 2009 : Tel Aviv Marcher le long des nombreuses plages de Tel Aviv, c’est comme marcher dans n’importe quelle ville côtière occidentale. Les hôtels luxueux rivalisent d’extravagances et de modernité, Tel Aviv beach est noire de monde malgré une chaleur écrasante. Au milieu de ces transats et paillotes se dresse pourtant un édifice qui ne colle pas avec le reste du décor. Un bâtiment délabré, rongé par la rouille et faisant face à la mer. En interrogeant quelques passants, j’apprends que l’endroit fut jadis une discothèque. En 2001, un terroriste s’est fait exploser au milieu d’une foule d’adolescents, provoquant la mort gratuite de 21 personnes insouciantes, venus là simplement pour danser. Comme à Oradour sur Glane , le lieu fut laissé tel quel en mémoire des victimes. Ironie de l’histoire, le kamikaze avait choisi l’une des rares boîtes de nuit situées devant une mosquée. Mon amie israélienne m’apprend que dès le lendemain ce lieu de culte a été « caillassé ». Ce jour-là, de nombreux Israéliens clairvoyants sont venus s’interposer, pour dire, « non, ceci n’est pas une guerre de religion ». P., 26 Juillet 2009 : Camp de réfugiés… Pas une rareté dans ce coin du monde. Des centaines de milliers de Palestiniens ont été expropriés de leurs terres tout au long du siècle dernier, à l’image de cette vieille femme que j’ai rencon26

trée et qui me parlait de l’exode qu’elle entreprit il y a maintenant 60 ans. Derrière elle, les murs du bâtiment sont recouverts de posters de son fils, mort pour avoir tenté de résister à l’armée israélienne. La colonisation de la campagne palestinienne est l’un des multiples visages de l’occupation. Derrière le camp Jalazone, au nord de Ramallah, les colonies sont présentes sur chaque colline. Ces maisons, entourées d’un mur d’enceinte et aux toits rouges de style européen, ont vue sur la précarité. Quinze jours plus tard au bord de la mer, j’éprouverais une tristesse profonde quand ces images de ruelles étroites, de pauvretés, d’isolations et de camps rejailliraient en moi. P., 28 Juillet 2009. J’arrive à Hébron. Je sens déjà la tension. Ici, les colonies israéliennes se trouvent au cœur même de cette ville palestinienne. En marchant vers la mosquée d’Ibrahimi, à travers le souk, une grille recouverte de pierres et de déchets attire mon attention. La vieille ville s’est métamorphosée en une gigantesque zone militaire : 600 colons se sont installés dans les étages surplombant les Palestiniens, en violation totale du droit international et de toute raison humaine. Mais cette grille séparant les deux communautés, ne protège ni des liquides toxiques de toutes sortes, ni des excréments que les juifs orthodoxes versent sur leurs voisins palestiniens. J’ai l’impression d’être plongé dans un cauchemar où des fanatiques sont protégés par plus de deux mille soldats aux ordres d’un gouvernement démocratiquement élu. Sur le toit d’une maison palestinienne à dix mètres devant moi, un colon chante fort, jouant de la guitare, à côté d’un militaire. Quelle provocation.

touristique qui m’a bombardée de questions sachant que j’avais passé les deux dernières semaines de l’autre côté du mur. « QU-EST-CE QUI t’a amenée à aller là bas ? Savent-ils parler l’anglais ? Tu n’es pas tombée malade ? ». Ma surprise a été totale face à cette ignorance aussi flagrante d’un peuple vivant pourtant à quelques kilomètres de là, où nous nous trouvions. A. Pendant mon voyage de trois semaines au Moyen Orient, la vérité, je ne l’ai pas trouvée, je ne m’en suis peut-être même pas approché. Je m’étais promis de me rendre en Israël avec la volonté d’écouter ce que les gens avaient à dire sur le conflit, dans l’espoir de trouver une réponse concrète à mes interrogations. Il n’en fut rien. J’ai l’impression que j’en savais plus quand Jérusalem, Ramallah, Bethléem, Gaza n’étaient pour moi que des noms qui apparaissaient dans les médias. Le doute semble s’être installé en moi ce qui altère considérablement mon jugement. Mais ce dont je suis certain, c’est qu’il n’y aura jamais de réconciliation tant que des peuples resteront séparés par des murs. On dit souvent que la peur mutuelle naît de l’ignorance de l’autre. S’il y a bien une chose que je peux affirmer, bien naïvement peutêtre, c’est qu’Israéliens et Palestiniens auraient beaucoup à gagner à se connaître mieux.

1 Le Mur est le terme officiel donné par la Cour 1 internationale de Justice en 2004. L’État hébreu 1 préfère parler de « barrière de sécurité ». Selon le 1 média israelien B’tselem qui scrute les violations de

Automne 2009 : Suisse P. En voyageant en Palestine avec des étudiants palestiniens et internationaux, et en Israël dans le cadre d’un tour organisé par une agence de voyage officielle, j’ai entendu des histoires diverses, j’ai senti l’ignorance, le mépris, le désespoir. J’ai été confrontée à l’indifférence la plus brutale. La volonté de comprendre, de changer, je ne l’ai pas trouvée. Je ne l’ai pas trouvée au kibboutz Lavi chez deux Juifs ayant dû fuir l’Allemagne pendant les années 1940. Pourtant, ces derniers avaient été persécutés, eux aussi, à cause de l’étiquette qu’on a collée à leur identité, bouleversant ainsi leur existence même. Je n’ai pas entendu le discours de tolérance et de pacifisme que j’attendais de leur part, eux qui ont survécu à l’enfer qui a emporté des millions d’innocents. Je ne l’ai pas trouvée chez les jeunes bronzant à la plage de Tel Aviv, me criant en pleine figure après que je leur ai dit que je venais de Palestine – « nous essayons de les tuer tous mais toi tu leur as rendu visite ! » Cette haine m’a laissé sans voix, je ne pouvais que les imaginer en tenues militaires faisant face aux Palestiniens. Je ne l’ai pas trouvée non plus chez le guide

1 droits humains en Cisjordanie, le Mur fait 8 mètres 1 de haut et annexe 12% de la Cisjordanie. Une fois

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J’ai jeté mon encre... aux Grottes.

Pour l’heure du thé : Les Fleurs de Marie & Saveurs et couleurs Les Fleurs de Marie c’est pour la pause goûter-régression. C’est un peu comme si on entrait chez soi, dans sa cuisine. Sauf qu’il y a plus de gâteaux sur les étagères 04341077087-8 et que les murs, comme les sirops sont plein de couleurs. Les samedis et dimanches, on peut venir prendre le petit-déjeuner dès 10h. Pour une après-midi pluvieuse (courantes en novembre). Rue de la Faucille 8, 1201 Genève, tél. +41 22 733 47 30

Saveurs et couleurs, c’est plus boisé, mais on s’y sent tout aussi chez soi. Un vrai café comme on les aime. Passage type : un thé à la mente et une part de fondant au chocolat, au soleil sur la terrasse, tout ça au milieu du quartier (si le soleil n’est pas là, les canapés sont très bien aussi). Rue des Grottes 24, 1201 Genève, tél. +41 22 734 63 52 Pour la mobilité douce : Péclot 13 Un petit saut dans ce repère qui récupère ou répare nos vélos, c’est selon. Et qui en vent d’occasion aussi. Pour les horaires d’ouvertures, checker sur la porte. Rue de l’Industrie 7, 1201 Genève, tél. +41 22 740 37 89

1 terminé il fera 700 km de long. La frontière de 1967 1 entre la Cisjordanie et Israël mesure 250 kilomètres. 2 La mosquée Al Aqsa représente l’un des trois lieux 2 saints pour les musulmans dans le monde après la 2 Kaaba de la Mecque, et la mosquée de la tombe du 2 prophète à Médine. 3 Le service militaire obligatoire dure trois ans pour 3 les hommes, deux ans pour les femmes. 4 L’armée israélienne. 5 Le Sinaï est le lieu de transit des migrants souda5 nais fuyant la pauvreté et les douaniers égyptiens 5 à la gâchette facile. Le rôle des soldats ici est de les 5 intercepter tout en gardant un œil vigilant sur leurs 5 voisins gazaouïs. 6 http://www.storiesfrombehindthewall.blogspot.com 7 En Juin 2009, on pouvait compter en Cisjordanie 7 une soixantaine de checkpoints, dont 18 pour la 7 seule ville d’Hébron, selon B’tselem. 8 http://www.oradour.org 9 Selon l’UNRWA (United Nations Relief and Works 9 Agency for Palestine Refugees in the Near East), 9 750’000 réfugiés nécessitaient son aide en 1950. 9 Aujourd’hui, l’agence estime à 4,6 millions le nom9 bre de réfugiés palestiniens.

Pour le soir Rescapés des endroits dit alternatifs deux lieux, un peu cachés, entourant la gare, qui nous retiennent de prendre le train et de filer sur Lausanne pour s’amuser. L’Ecurie et le Pachinko. A l’Ecurie, située dans le bâtiment d’Ilot 13, on vient écouter des concerts (prévus pour le mois de novembre : noise, metal, roots-reggae, chanson), faire la fête et boire des verres à la Buvette. Au Pachinko, on vient regarder des films (parfois, le mercredi) ou boire des verres aussi, tiens. Rue de Montbrillant 14, 1201 Genève, tél. +41 (0)22 734 69 82 (Ecurie-Ilôt 13), près de la Place des Grottes (Pachinko) 5

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L’Humeur d’un jour de IGOR TABÀN Monsieur Tabàn est russe de par sa mère, hongrois de par son père, mais ça, on s’en fiche. Ce qu’il faut savoir, c’est que monsieur Tabàn a toujours rêvé d’être écrivain. Jusqu’au jour où, par hasard, il est tombé sur ces mots de Samuel Becket: « Chaque mot est comme une tache inutile sur le silence et le néant ». Depuis, il hésite à devenir grutier. 2010 HORS-SERVICE « Deux-mille-dix-ne-passera-pas ! Deux-mille-dix-hors-service ! » S’écrient dans la nuit froide parisienne une trentaine de militants obstinés. Nous sommes le 31 décembre, il est minuit moins quart. Moi, je me suis joint à eux presque par coïncidence. Parce que le message me parle...Arrêter le temps ! Trouvez donc plus joyeuse résolution ? Alors que les bateaux mouches défilent sur la Seine devant la réplique de la statue de la Liberté où le rendez-vous était fixé, je me repasse les douze derniers mois. Franchement, qu’ai-je à gagner de passer en 2010 ? Et à qui profite vraiment cet écoulement des ans ? Au producteurs du film « 2012 » qui annonce enfin, et cette fois pour de bon, la fin du monde ? Après les échecs répétitifs de l’apocalypse annoncé par le pasteur William Miller en 1843, de la comète Halley en 1910, et de « l’effet jupiter » de 1982, et sans compter le passage à l’an 2000 que beaucoup redoutaient. A ce moment, un membre du Fonacon (le Front d’Opposition à la Nouvelle Année- Comité d’Organisaton National, qui milite depuis quatre ans contre le Nouvel An) s’empare d’un mégaphone et balance les revendications: « Le Fonacon déclare ce soir, arbitrairement et solennellement, gagner une journée en remplaçant le 1 janvier 2010 par le 32 décembre 2009 ! » Acclamations de tous ! La joyeuse bande d’anarchiste se félicite de l’attentat, et ignore royalement les milliers de passants, réunis sous la tour Eiffel à quelques pas de là, qui hurlent en chorale le compte à rebours habituel... « 4-3-2-1-zéro la lune ! » J’ai appris par la suite qu’à Chateauneuf-La-Forêt, ils étaient plusieurs centaines réunis pour la même manifestation ! Mais plus tard, sur le bout de la nuit, je concède que la bataille a échoué. Sans être reconnue par tous, elle n’a aucune portée. Le mouvement n’est soutenu que par quelques individus, la plupart des gens se réfugiant dans la certitude absurde que le temps n’est qu’une histoire de chronométrage, de minutes, d’heures et d’années successives. Au diable la rigolade ! Vive les horloges et leur tic-tac rassurant ! Mieux vaux s’y conformer. Sans espoir, je m’apprête à prendre un train. Il est sept heure dix. Je me dis: « Et si on manifestait pour faire tourner les aiguilles des montres dans l’autre sens ? »

LA GOULACHE CULTURELLE

Au menu de ces urbaines, la rentrée des vacances paraît appétissante

ENTREE

Une mise en bouche musicale, à savoir, artistes pimentés et repérages inédits. * Le coup de coeur du chef, deux chansons pour deux auteurs prometteurs: « Buriedfed » de l’excellent jeune métis Miles Benjamin Anthony Robinson et « 40 Day Dream » d’Edward Sharpe & the Magnetic Zeros. Pour un détour folklorique au fin fond des Amériques.

VIANDES ROUGES ET SORTIES MUSICALES

*Mi-janvier sont sortis dans les bacs deux albums, l’un bourré de vitamines, The Colossus (RJD2, abstract hiphop, funk), l’autre salé à mort, End Time (EELS, folk rock). À consommer donc en aternance, l’un pour éviter de déprimer ou l’autre pour le faire en beauté. * En mars de quoi dormir le ventre plein: le 9 sort l’album Beat The Devil’s Tattoo des Black Rebel Motorcycle Club, histoire de faire un pic-nique entre bikers. Le 16, Under Great White Northern Lights, un Live très attendu des incontournables White Stripes. Enfin, le 26, Sophie Hunger confirme toute l’audace et le talent qu’on veut bien lui reconnaître en nous livrant son deuxième album. Ceci en attendant le printemps, le joyeux moi de mai et les sorties judicieuses des prochains albums de Gorillaz, Arcade Fire, Outkast ou Justice.

POISSONNADE ET FARANDOLE DE FESTIVAL

Au choix, une sélection de qualité, recommandé par le chef, selon votre disponibilité et vos goûts: Festival Voix de Fêtes.............................................................................................................du 3 au 14 mars Chanson française, musique du monde, Genève, http://www.voixdefete.com/

FFDH......................................................................................................................................du 5 au 14 mars Festival des films sur les droits humains, Genève, http://www.fifdh.org/

Electron Festival.......................................................................................................................du 1 au 4 avril Musique électronique et variantes, Genève, http://www.electronfestival.ch/

Caprices Festival.....................................................................................................................du 7 au 10 avril Musique populaire, pop-rock et électronique, Crans Montana, Valais, http://www.caprices.ch/

Cully Jazz Festival...................................................................................................................du 9 au 17 avril Jazz et musique du monde, Cully, Lausanne, http://www.cullyjazz.ch/

DIGESTIF

Puisqu’il vous reste un peu d’appétit culturel, une visite à l’Espace Arlaud à Lausanne peut s’avérer réjouissante. Alcool russe à savourer, voyez là une vodka populaire dans cette exposition de photographie intitulée « Le Culte de la Famille ». Il s’agit d’une série de portrait de famille prise entre 2003 et 2006 par Vladimir Mushukov, témoignage d’une société en proie au doute et à l’incertitude.

DESSERT

Pour terminer, on vous souhaite un tour sur les pages web suivantes: www.nanarland.com, véritable temple virtuelle dédié aux films les plus nazes du monde et aux pires séries Z. Ne manquez pas les extraits vidéos, c’est hilarant! Dans le même registre, mais plus louable, www.vimeo.com. Ce site regroupant de nombreux court-métrages et films d’animation regorge d’auteurs indépendants et talentueux. Enfin, pour digérer ce menu copieux, n’oubliez pas, chaque dernier vendredi du mois, d’attraper votre vélo et de rejoindre, en début de soirée sur l’île Rousseau, le rendez-vous de la Critical Mass. Un tour en bicyclette improvisé, au centre ville, avec plusieurs centaines de camarades, ça fait du bien au coeur et à la tête.


REMPLISSAGE

L’Association Suisse de Science Politique (ASSP) informe électroniquement ses membres sur des emplois, des stages, des nouvelles publications ou manifestations et vous envoie gratuitement 3 à 4 fois par an la Revue Suisse de Science Politique (www.spsr.ch) Soyez présent au congrès annuel de l’ASSP, participez aux groupes de travail sur différents thèmes de recherche en science politique et profitez de fortes réductions pour les étudiants membres de l’ASSP. Profitez du réseau existant entre étudiants, chercheurs et praticiens. Afin de devenir membre de l’Association Suisse de Science Politique, il suffit de remplir le talon ci-dessous ou d’aller directement sur notre site Internet www.sagw.ch/svpw et d’envoyer le formulaire à: svpw@sagw.ch.

Demande d’adhésion Schweizerische Vereinigung für Politische Wissenschaft Association Suisse de Science Politique Swiss Political Science Association

PETITES ANNONCES • PERDU do, mi, sol, la, si, do. Contactez M. Farré. • GRANDE VENTE AUX ENCHÈRES Tapis persans en poil de bouc véritable (ça c’est important !), ceinturon avec compartiment secret, passeports divers. Contacter M. Boudouilles • ATTENTION Dernières places pour le voyage d’étude à Peshawar ! • A VENDRE Le mouvement « Education is not for sail » cède au plus offrant : une bâche, une écope, une dérive, 25 bouées de sauvetage et surtout deux fusées de détresse. • Suite à plusieurs tentatives d’effraction, le professeur Nommier recherche : un cadenas, une chaîne et des cours de karaté

TOUTE L’ACTU • CHERCHE Femme pour relation juridique ou tandem linguistique (le bernois avec Victor). Conditions nécessaires mais non suffisantes : tailleur, chemise en soie, carré Hermès, bureau à proximité. Contacter le professeur Nommier. • CONFÉRENCE Le Département d’histoire générale présente : Tous les mardis dès 14h15. Salle B 106. Conférences sur la pédagogie : Kott ou le Rock & Roll des gallinacés. • A VENDRE Barquettes de fraise, framboise, fruits rouges en tout genre. Contactez M. Cassis. • Annonce du professeur Schlutz : N’oubliez pas de faire l’analyse des exportissions dans votre examination (n’est-ce pas ?). • Publicité El-Jazzy : A l’approche des examens, une bonne mascogne s’impose ! Imprimez la votre sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Moyen-Orient

• AFGHANISTAN Un quart des bulletins jugés suspects : ils pourraient être valides ! • GRIPPE A La maladie touche les jeunes en bonne santé. Les vieux en mauvaise santé attendront la canicule. • USURPATEUR Un faux dentiste exerce librement à Bienne depuis plusieurs années. La police pense qu’il pourrait s’agir d’un complice de la petite souris. • BON VENT ! Couchepin a transmis les clefs du DFI à Didier Burkhalter. Espérons qu’il n’ait pas fait de double. • FILOU Jacques Chirac renvoyé en correctionnelle pour détournements de fond. Il aurait piqué les pièces jaunes de Bernadette. • COUP DE FILET La police italienne a mis la main sur trois importants chefs mafieux. Eric Stauffer court toujours. • FRANCE Jean Sarkozy rêvait d’être un artiste. Dans le rôle du clown, il se débrouille plutôt bien. • EN FORME Simon Amman figure toujours parmi les tout meilleurs sauteurs mondiaux. Selon sa femme. • ARMEE La grippe A fait des ravages parmi les recrues. Enfin un ennemi pour la grande muette.

LE DR. INK RÉPOND À VOS QUESTIONS

LE DR. INK RÉPOND À VOS QUESTIONS

• Docteur, j’étudie le droit avec assiduité mais cela semble envahir ma vie privée. Quand je…comment dire cela… c’est assez gênant… quand je copule, je ressens le besoin de réciter de vive voix le code pénal. Suis-je normal ? Dr. Ink : Ce n’est rien, ne vous en faites pas. C’est le métier qui rentre.

• Cher Monsieur, je souffre de problèmes sociaux-relationnels avec la personne qui partage mon ménage, si vous me passez l’expression. Pour le dire d’une autre manière, le sanctuaire des sanctuaires ne m’attire plus. Et pour les nonfrancophones, nous ne bèzons plus (ah ah je la fais chaque année celle-là) ! Dr. Ink : Mais bon sang Monsieur Lecker, si vous cessiez de confondre vos livres avec votre tarabiscoflette! Et si je puis me permettre, entre nous, pensez à enlever le miroir qui se situe sur le rebord de votre lit conjugal… Ah et il faudrait aussi que vous vous fassiez à l’idée que votre femme n’est pas vous. • Docteur c’est si dur !

• Docteur, je ne comprends pas. J’ai beau être blonde et porter assidument des minijupes assorties de charmantes jarretières en dentelles, je n’arrive pourtant pas à trouver l’âme sœur ! Que faire ? Dr. Ink : Ecoutez c’est très simple (à moins que vous ne soyez la prêtresse sur la couverture du 5ème numéro) : Il suffit de vous rendre aux réunions de l’AESPRI tous les mardis de 18h30 à 23h30. • Monsieur Ink, on m’appelle Clit. Ce n’est cependant pas de mon surnom dont je veux vous parler mais du coït interrompu. Malgré 20 ans d’études en démographie je suis bien incapable de le pratiquer. La preuve par le nombre de rejetons. Dr. Ink : C’est bien simple, il suffit de vous retirer (ah ah quel sot !) avant que Madame ne prenne toute la purée. ©Tous droits réservés à la fondation Michel

• Dr. Ink., les rubriques militaires m’attirent… jusqu’à la déraison. Je me sens comme si j’avais usurpé l’identité de quelqu’un pendant des années. Dr. Ink. : Comme c’est réaliste ce que vous dites Pierre-Alain.

Le soussigné désire devenir membre de l’Association Suisse de Science Politique. La cotisation annuelle s’élève à: Fr. 50.--

pour les étudiants

Fr. 100.--

pour les membres individuels

Fr. 150.--

pour les membres collectifs

Les membres de l’ASSP reçoivent gratuitement la Revue Suisse de Science Politique et la Newsletter de l’Association.

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