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I N T E R N A T I O N A L

N°14 LA FIN DE LEUR MONDE

JOURNAL D’ETUDIANTS ET ETUDIANTES EN SCIENCE P O L I T I Q U E E T R E L AT I O N S I N T E R N AT I O N A L E S


SOMMAIRE LES INFILTRéS

DOSSIER : LES NOUVEAUX ENNEMIS PUBLICS

P.26

1.Soir historique : Matteo Maillard

P.4

1.Road to Khao San Paul de Freitas

2.Vers une démocratie marketing? Alexis Rapin

P.6

RUE DANDY

3.Destination étoile rouge Paul de Freitas et Nina Khamsy

P.9

1.Afternoons in Utopia 2 Claire Camblain

P.28

4.Les « Marie- Antoinette » du printemps arabe Melissa Dumont

P.12

2.Mort du pop art et pop du mot art David Zagury

P.30

5.Le Vieux Continent face à ses Cassandre Théo Aiolfi

P.14

3.Portfolio Valeria Mazzucchi

P.34

VOYAGE

ZOOM : 1.L’expert ou la mort de l’intellectuel David Zagury

P.16

1.Hosça kalin Istanbul Anna Akhoun Murat

2.L’irrésistible ascension des technocrates Joffrey Chadrin

P.18

BRèVES

3.Du déclin des intellectuels Paulos Asfaha

P.20

VIE UNIVERSITAIRE 1.Nationalisme et multiculturalisme : Une cohabitation est-elle possible en Europe ? P.22 Paul de Freitas 2.Une dynamique nouvelle pour les associations de l’Université P.24 Nicolas Pidancet

P.40

1.Petit intermède étymologique Alexandre Petrossian

P.41

2.Tout-Doux Liste

P.42

3.Brèves d’Amphis Claire Camblain

P.43

Une réaction, un commentaire ou envie de participer à la rédaction? Visite notre site web www.internationalink.ch ou contacte-nous par mail à l’adresse suivante : international.ink0@gmail.com

REDACTION  Coordinateurs : Théo Aiolfi, Matteo Maillard Rédacteurs : Paulos Asfaha, Claire Camblain, Joffrey Chadrin, Paul de Freitas, Mélissa Dumont, Nina Khamsy, Valeria Mazzucchi, Anna Akhoun Murat, Nicolas Pidancet, Alexandre Petrossian, Alexis Rapin, David Zagury Graphiste : Diego Thonney

Illusration 4ème de couverture : Diego Thonney Edité par l’Association des étudiants en Science politiques et Relations Internationales (AESPRI) Imprimé par l’atelier d’impression Comimpress Financé par la Commission de Gestion des Taxes Fixes

Photo de couverture : Matteo Maillard/Karian Foehr

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Contact : international.ink0@gmail.com www.internationalink.ch


EDITO

2012 restera dans les mémoires. L’avènement d’un président socialiste en France ? Non, vous n’y êtes pas. Une passation de pouvoir préparée avec minutie dans le plus grand pays du monde ? Toujours pas. Une souveraine inamovible qui fête son jubilé de diamant ? On s’éloigne. Un impitoyable duel médiatique et électoral entre le fils d’un kényan et un mormon ? Non. 2012, c’est la fin du monde. La fin d’un cycle du calendrier maya. L’Apocalypse.

péennes s’apprêtent tous deux à psalmodier silencieusement leur chant du cygne. Mais ce n’est en réalité qu’une mue qui s’opère, une fusion qui doit donner naissance à un futur Centre d’Etudes Internationales et Européennes, dans lequel le BARI aura peut-être une chance d’être administré à la mesure de ses effectifs sans cesse croissants. Enfin, si tout se passe bien. Mais soyons optimistes. C’est tout ce que nous, pauvres étudiants, pouvons faire en attendant que la grande machinerie administrative daigne enfin activer ses lents mécanismes bureaucratiques. Espérons que le phénix renaîtra de ses cendres plus grandiose que jamais et saura faire briller l’UNIGE dans la nébuleuse académique mondiale.

Mais après toute fin vient un nouveau commencement. Saviez-vous d’ailleurs que la traduction étymologique du mot « apocalypse » signifiait « le lever du voile », « la révélation » ? À .Ink, la fin du monde ne nous a pas laissé indifférents et nous avons préféré considérer la « fin du monde » comme la « fin d’un monde », qui ne s’éclipserait que pour mieux laisser la place à un autre. L’occasion s’est ainsi présentée de lever le voile sur des questions, des sujets, des débats en les analysant sous un angle nouveau.

Ultime volte-face du destin pour les fatalistes : une équipe d’archéologues américains vient de faire émerger de leurs fouilles au Guatemala des calendriers mayas continuant bien après la date fatidique du solstice d’hiver 2012. Tant pis pour les déçus, les suicides collectifs attendront encore quelques années. Mais que l’apocalypse qui attend le fragile BARI poursuive son avancée sans délai, les nouveaux arrivants en auront bien besoin !

Au sein même de notre chère Université, nous vivons une année qui marque la fin d’un monde… Le Bachelor en Relations Internationales, tiraillé entre trois facultés dont aucune ne savait vraiment quoi faire, et l’Institut d’Etudes Euro-

Théo Aiolfi

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Numéro 14

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Octobre/Novembre 2012


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Soir Historique Matteo Maillard Le serpent roule entre mes doigts. Tout commence et se termine par un choix. La morsure dans le fruit défendu, péché originel car symboliquement fondateur de la civilisation, en est l’expression première. De la même manière que l’ouverture du septième sceau de l’Apocalypse, signifiant que le destin de l’humanité est de se détruire elle-même, laisse à l’Homme la liberté de refuser son sort en le prévenant. 2012 n’est pas une date prophétisée mais bien choisie. Elle n’exprime qu’une profonde et inconsciente volonté plurielle à un véritable changement sociétal. On se rappelle de 2011, de la combustion spontanée du monde, de l’indignation sociale et ses brocarts de tentes dans les parcs, des soulèvements au Proche-Orient par les rues et les places, jusqu’aux légions d’Anonymous sur la toile; la figure du protestataire n’a jamais aussi bien occupé le devant de la scène politique que la devanture des kiosques. 2012 a toujours été un prétexte, une croyance fantoche mais qui révèle un malaise larvé, comme l’espoir de son dépassement par des transformations collectives. Si les Apocalypses juives et chrétiennes furent écrites dans des moments de crise afin de pousser les croyants à persévérer dans leur foi, le sentiment d’insécurité qui régit le mécanisme apocalyptique reste le critère indispensable au succès des prophéties de fin du monde. S’il peut générer la peur et le repli, ce sentiment est aussi la munition idéale de l’insurrection. «Les derniers seront les premiers» fameuse duperie qui n’a servi alors qu’à rassurer les croyants dans la vaine promesse d’un au-delà meilleur, un monde post-apocalyp-

tique que nous avons truffé de zombies. Mais cette chimère est peut être en passe de se matérialiser pour de bon. Point d’effet de légende! Ce n’est pas le déluge d’effets spéciaux hollywoodien qui est souhaité mais le retour du libre arbitre par la fenêtre. L’apocalypse n’est pas à attendre, tel un dandy de plateau télé, elle se forge dans la moiteur des rues, se tisonne dans les forums et sur les agoras, se dématérialise pour les sillons des circuits imprimés de nos ordinateurs. Surtout, les synapses de nos cervelles grasses. Il ne sert à rien d’euthanasier l’humanité dans un défoulement de culpabilité qui fait tant fantasmer l’Occident. Il faut comprendre où, quoi, quand et comment frapper. De nouveau, le combat est intérieur. Le temps judéo-chrétien originel n’est pas linéaire mais cyclique. Ce n’est pas pour rien que l’évolutionnisme darwinien choque les croyants au delà de la filiation qu’il établit entre nous et les autres espèces, parce que l’idée de transformation et d’évolution est absente de la rigidité des textes bibliques. L’Apocalypse n’est pas la fin mais le début du recommencement. Comme le communisme n’est pas la fin de la lutte des classes par leur abolition mais la réinitialisation d’une société nouvelle, sans classes. La boucle est bouclée. On est reparti pour un tour! Cet affrontement des référentiels temporels au cours des siècles a permis, aux strates successives de notre civilisation, de raboter les références à un temps cousu de répétitions afin de donner ses lettres de noblesses à ce que l’on appelle le Progrès. Soit l’évolution perpétuelle vers un avenir indéfini dans un temps infini. On a chassé le point de fuite pour ne plus

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avoir à penser nos responsabilités dans le présent, au vu d’un environnement naturel qui, quant à lui, continue de fonctionner en poursuivant un modèle cyclique. Si l’on espère éviter l’apocalypse écologique qui nous attend, la plus probable, c’est ici que notre Apocalypse doit être menée; dans la décomposition de ce temps marchand qui prend pour une autoroute ce qui n’est qu’un escalier en colimaçon. Il est nécessaire désormais non de penser en avant mais à côté. Car aujourd’hui, si nous arrivons à penser le cycle, c’est uniquement sur le modèle de l’éternel retour, de la reconstruction fondée sur les mêmes valeurs que notre société a bâties. Il est idiot d’imaginer que l’issue sera différente en répétant les mêmes gestes. D’où l’absolue nécessité de réussir à réconcilier le temps linéaire et le temps cyclique afin que cohabitent, dans nos esprits et nos manières, le rythme et la nouveauté. Voilà la véritable révolution apocalyptique. Mais fin du monde oblige, le pessimisme est de mise. Selon le philosophe slovène Slavoj Žižek, il nous est impossible de conceptualiser un monde radicalement différent de celui dans lequel on vit, c’est-à-dire, fondé sur des logiques différentes. La seule chose que l’on peut dès lors imaginer, c’est la fin de celui-ci. Si nous sommes autant obnubilés par la finalité de tout ce que nous avons connu, c’est parce que notre imaginaire est paralysé par le monde dans lequel il se déploie. Il nous paraît dès lors plus simple d’imaginer l’annihilation complète de ce dernier. L’Homme est tout autant incapable de penser l’être que le néant. Mais, plus solennellement, c’est peut être aussi parce qu’il est plus simple d’exorciser sa propre mort, en ima-


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ginant la disparition simultanée de toute existence, que de s’éteindre seul. Raison vraisemblable à nos désirs masochistes d’Apocalypse. Le choix nous est laissé. Entre nos doigts, les serpents n’en finissent pas de s’entredévorer. Si le temps est un déroulement entrechoqué de ruptures, pour certains théoriciens des sciences sociales son Histoire peut avoir une fin. Avec Francis Fukuyama, l’extinction de cette dernière s’est faite avec l’avènement d’une société mondialisée où les joies de la démocratie et du libéralisme ont été projetées, sans distinction, à travers tout le système lymphatique du globe. Le temps capitaliste n’est désormais plus linéaire mais aboli. Négation ultime de la diversité d’un monde conçu comme un seul endogroupe. Les frontières et les plis sont repassés pour permettre au flux marchands de circuler sans encombre. L’anéantissement de l’Histoire (par

là même du temps qui compte et se répète) à la fois totalitarisme halluciné qui nie toute divergence d’opinion au profit d’un consensus de rigueur économique et utopie d’une société qui se révèle, dans son plus simple appareil, comme un refus puéril du vieillissement, de la mort, puis du changement. Cet assainissement des idéologies, c’est la fin du monde. La fin de leur monde. De la nécessité d’opérer ici une distinction salvatrice avec cet exogroupe, Ink formule sa propre eschatologie. Un hôpital de campagne, où les gémissements du monde se font entendre à travers un large panorama. On vous propose au menu de ce numéro: La démocratie bradée par un marketing qui vampirise tous les vaisseaux d’une société exsangue; les penseurs et les philosophes sur le banc de touche remplacés par les technocrates qui subvertissent au libre choix une pensée faite de décisions prémâchées. Ici, c’est la mort annoncée d’une Europe

qui crache ses dernières quintes de toux. Là, Cuba, et un socialisme qui s’essouffle avec les soubresauts de Fidel Castro. Et pour terminer, quelques demoiselles en mousseline qui n’ont rien à envier à leurs dictateurs de maris. Bref, vous l’avez compris, le portrait est cerclé de noir! Finies les grandes utopies sociales et politiques. On démonte les solides charpentes théoriques qui les fondaient pour passer d’une vision macroscopique de la société à une vision microscopique qui ne s’attarde désormais plus qu’à comptabiliser les sous qui s’échappent de nos porte-monnaie. Mais pas de quoi s’en faire! Alors que le serpent s’ingurgite, on régurgitera d’autres espoirs, comme sa mue ne laisse en transparence que les oripeaux d’un monde déchu, en faisant peau neuve. Si l’on doit attendre la fin de l’Histoire, il faut l’espoir au moins, qu’elle luise enfin comme Le Grand Soir.

« Non ! — Le moment de l’étuve, des mers enlevées, des embrasements souterrains, de la planète emportée, et des exterminations conséquentes, certitudes si peu malignement indiquées dans la Bible et par les Nornes et qu’il sera donné à l’être sérieux de surveiller. — Cependant ce ne sera point un effet de légende ! » Arthur Rimbaud, Soir Historique

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Vers une démocratie marketing? La politique serait-elle devenue elle aussi un marché? Les méthodes du marketing semblent en tous cas y faire fureur, aux dépens des idéaux démocratiques.

Que deviendraient nos politiciens sans l’aide précieuse de leurs spin doctors ?

Alexis Rapin Jean-Jacques Rousseau, que nous fêtons cette année, avait indubitablement un esprit visionnaire. En 1762 déjà, dans son fameux ouvrage Du Contrat Social, il écrivait : «La volonté générale est toujours droite et tend toujours à l’utilité publique : mais il ne s’ensuit pas que les délibérations du peuple aient toujours la même rectitude. On veut toujours son bien, mais on ne le voit pas toujours : jamais on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe, et c’est alors qu’il paraît vouloir ce qui est mal.» Le grand Rousseau ne nous offre-til pas là un résumé avant l’heure du syndrome dont souffrent les démocraties actuelles? Qu’on observe les élections présidentielles françaises et américaines récemment, ou les votations en Suisse en général, l’actualité n’a de cesse de nous montrer

un visage peu réjouissant de nos systèmes politiques. Des campagnes massives, financées on ne sait trop comment, des affiches provocatrices et stigmatisantes, des déclarations publiques aussi grandiloquentes que démagogiques, des débats infantiles dans les médias aux heures de grand audimat… La liste est longue et le constat accablant: la démocratie est devenue un marché de la politique, où le citoyen est un consommateur qu’il s’agit non plus de convaincre mais de charmer. Les charlatans Ainsi, la scène politique s’est convertie au marketing et notre nouveau roi de la pub, c’est la figure fameuse du spin doctor. Les conseillers de campagne et autres chargés de relations publiques ont une vocation à part entière : ausculter l’opinion publique, lui ouvrir grand la bouche pour qu’elle

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dise «33», voir là où ça démange et surtout trouver la bonne pommade à passer sur les bobos idéologiques. C’est là un boulot très sérieux, tellement sérieux qu’il faut fatalement qu’on s’entoure de professionnels, rompus à l’exercice, et ce en quantité pléthorique. Fini le temps où l’on écrivait soi-même ses discours et où l’on comptait seulement sur sa bonhomie, son expérience ou sa sincérité pour convaincre. Il y a désormais des mythes à bâtir et ériger un candidat en héros, ma foi, cela demande du métier. La problématique pourrait peut-être se résumer en une métaphore relativement simple: Imaginez que nous, électeurs, soyons une petite souris de laboratoire. Dans notre cage, on nous présente deux récipients remplis de graines à manger et à nous de choisir lesquelles nous semblent les


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plus à notre goût. Nous avons tous les moyens à disposition: le flair pour l’odeur, les yeux pour l’aspect, la langue pour la saveur. Une fois tous les sens mis à contribution, inévitablement, on choisira celui qui nous plait le plus, qui semble être le meilleur pour nous.

« Le budget total de campagne de Barack Obama en 2008 aurait avoisiné les 600 millions de dollars. Aider le peuple américain à faire son choix, cela demande de coquettes sommes. » Le spin doctor, c’est justement le scientifique, hors de la cage, qui va s’ingénier à faire une petite injection à la souris, ou ajouter une quelconque mixture à certaines graines, pour que l’animal soit amené à préfé-

rer une sorte plutôt qu’une autre. Le but de l’expérience, c’est de trouver ce qui titillera la souris dans le bon sens, afin de s’assurer que sa tendance naturelle ne l’emmènera pas vers le mauvais horizon. Simple non? Une seule fin, de gros moyens A l’échelle d’une cage à rongeur, ça ne semble pas bien impressionnant. A l’échelle d’une société humaine par contre, cela peut prendre des proportions colossales. Le budget total de campagne de Barack Obama en 2008 aurait avoisiné les 600 millions de dollars. Aider le peuple américain à faire son choix, cela demande de coquettes sommes. Le financement des campagnes et des partis est un sujet à la mode dans les démocraties, mais rien de très concret n’est entrepris pour le rendre plus transparent. Même en Suisse on se contente encore de regarder l’espace publicitaire, pourtant coûteux, se faire inonder d’affiches en période de votations, sans toute-

Occuper au maximum l’espace publicitaire est une arme de marketing politique de premier choix.

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fois trop se demander avec quels moyens. On s’en inquiète peu, sans songer que derrière le financement, c’est un pouvoir réel et puissant qui s’exerce. Un article du Washington Post paru le 1er mars dernier traitait du sujet dans le contexte de la course à l’investiture républicaine. Au sujet de Harrold C. Simmons, un businessman texan connu pour sa générosité envers le parti républicain, il était dit : «Simmons fait partie d’un groupe très fermé de milliardaires qui font la pluie et le beau temps dans le camp républicain et décident par un simple transfert d’argent quel candidat survivra un jour de plus». N’est-il pas inquiétant de voir qu’un nombre d’hommes si restreint détient un pouvoir si grand sur l’issue des choix politiques de nos démocraties? Quelle est leur légitimité pour exercer une telle influence? Pareil phénomène n’est-il pas contraire aux idéaux démocratiques? Un homme, une voix? Le problème semble aussi


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flagrant qu’une pustule au milieu du front. Mais pourtant, même dans des démocraties où la liberté d’expression est maximale, peu de protestations émergent de la société civile.

« L’enjeu est clair : il ne s’agit pas d’avoir les meilleurs arguments, mais seulement d’acheter un maximum de volume pour y déverser les siens. Qu’ils soient bons ou mauvais. » Occuper pour avoir raison Le financement, c’est la partie immergée de l’iceberg, c’est-à-dire celle qu’on voit le moins mais qui est la plus dangereuse. A côté de ça, il y a tout ce qu’on voit, mais qui ne choque pas. Ce qu’il faut entendre par là, c’est le battage médiatique. Avoir beaucoup d’argent, c’est bien, mais le dépenser efficacement, c’est mieux. La leçon numéro un à retenir c’est: tous les moyens sont bons. Une fois qu’on a amassé le trésor de guerre, il n’y a plus qu’à prendre les armes et faire feu. Spots télévisés, affiches, radio, presse, tout y passe. Et on s’en donne à cœur joie! La moindre miette d’espace publicitaire est un champ de bataille à part entière, celui qui en remporte le maximum finira bien par gagner la guerre. Le raisonnement est astucieux après tout: plus j’occupe la tribune, plus je suis légitime. Qui s’occupera de vérifier la validité de ce que j’avance si mes affiches recouvrent tous les murs du pays? Le fait d’être omniprésent est un argument en soi. On n’osera pas aisément défendre qu’une opinion qui s’expose partout puisse être mauvaise ou erronée. Dès lors que j’occupe le plus d’espace, nul besoin de prouver ma pertinence: si je crie le plus fort, on n’entend plus le camp adverse. Charmer pour vendre Une fois le terrain conquis, on devra

ensuite se consacrer à un minutieux travail de charme. Un candidat par exemple, c’est rarement parfait. Il faut donc s’ingénier à lui donner un peu de sex-appeal. Des photos qui présentent bien, un passé vertueux qu’on exhibe, une tenue toujours soignée, un langage approprié, il faut montrer qu’on a affaire à «un homme bien». C’est là ce qu’on pourrait appeler le «packaging», et, ici aussi, nos spin doctors ont du pain sur la planche pour vendre leur candidat. A nouveau, peu importe que le contenu soit bon ou mauvais, si l’emballage est suffisamment plaisant, on finira bien par fourguer la marchandise.

qu’il n’y a pas d’arbitre. On ne peut pas créer une sorte de commission neutre, qui serait chargée de réguler les compétitions politiques. D’une part parce que le terme « neutre » est toujours très relatif, donc problématique. D’autre part, parce que sa légitimité serait sans cesse remise en question par des arguments liés à notre sacro-sainte liberté d’expression. Dès lors, puisqu’on ne veut pas prendre le risque de «sur-réguler», on préfère ne pas réguler du tout. On se retrouve ainsi dans une sorte d’escalade, de course aux armements, qu’il est difficile, sinon impossible, d’endiguer.

« Il faut montrer qu’on a affaire à «un homme bien». C’est là ce qu’on pourrait appeler le «packaging», et, ici aussi, nos spin doctors ont du pain sur la planche pour vendre leur candidat. »

S’il devait y avoir un arbitre, au fond, ce serait bien l’électeur, son vote étant son carton rouge. Nous seuls, en votant pour ou contre, pouvons sanctionner le comportement des politiciens. Mais comme on l’a vu, notre perception n’a de cesse d’être biaisée par le travail de marketing des spin doctors réalisé dans la sphère politique.

C’est ici que les techniques du marketing seront le plus mises à contribution. Jouer sur les affects, l’irrationnel et les émotions, pour créer une réaction attendue, c’est là le but de la manœuvre. La communication visuelle, et les mécanismes psychologiques qu’elle met en œuvre, sont à cet égard essentiels. Le graphisme d’une affiche de campagne devient ainsi un enjeu de communication de premier ordre. Ce que j’y montre, ce que j’y écris, les couleurs, les mots employés auront pour but de susciter une impression très précise, pour influencer l’intention de l’électeur. De subtils calculs de perception auront dès lors un impact direct sur l’issue du choix populaire. Arbitrer de son mieux Vous l’aurez compris: la règle, c’est qu’il n’y a pas de règles. S’il n’y a pas de règles, c’est principalement parce

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Le remède à ces supterfuges? Il n’y a hélas pas de potion magique. Mais un début de solution serait peut-être de moins nous considérer comme de passifs consommateurs de politique. Accroître nos propres efforts d’information, être plus critique sur les messages qu’on nous véhicule et surtout exiger une plus grande transparence dans les campagnes politiques. Cela peut sembler banal et peu novateur, mais l’électeur lambda pourrait faire bien plus qu’il ne se l’imagine. Pareille prise de conscience est-elle possible à large échelle? Rousseau, qui peut-être pressentait l’éventualité de cette problématique, écrivit au sujet de la démocratie : «S’il y avait un peuple de Dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes.» Ce serait un bel hommage que de lui donner tort.


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Destination étoile rouge On peut voyager à Cuba pour plonger dans l’eau turquoise de ses plages paradisiaques, pour goûter ses mojitos glacés ou autre daïquiris après avoir dansé quelques pas de salsa. Mais n’y a-t-il pas une raison plus profonde de s’y rendre ? Celle d’assister en direct à la vie quotidienne sur cette île des Caraïbes où résiste l’un des derniers régimes communistes. Paul de Freitas et Nina Khamsy

Crédits photos : Valeria Mazzucchi

Alors que les foules se pressent pour visiter Cuba avant son « changement » présagé, les réformes, prononcées à demi-mots, tentent d’inscrire ce socialisme dans un monde toujours plus interconnecté. Mais comment l’île vitelle cette déferlante touristique ? Cuba, paradis des Caraïbes ! Voilà comment les agences de voyages occidentales vendent la destination. « Paradis », peut-être, mais pas pour tous. La situation sur place reflète une grande asymétrie entre le touriste conquérant avec ses devises étrangères et la population locale qui ne peut même pas se déplacer librement. Entre fascination et mépris : visiter la fin du communisme en y contribuant

Cuba est indubitablement fascinant. On peut s’y rendre comme on fait un pèlerinage. Que ce soit pour le communisme (ou ce qu’il en reste) ou pour l’histoire omniprésente, cette ile offre au visiteur un voyage hors du temps. L’architecture, joyau de la Havane coloniale, ses habitants qui peuvent vous raconter comment ils vécurent la révolution, ou encore le bouillon artistique et culturel sont autant d’attraits qui nous attendent à chaque coin de rue. Sur cette île utopique d’autres valeurs sont favorisées. Cuba suit sa propre voie issue de la révolution faisant fi de l’ouverture au marché, des lois du capitalisme et de la soi-

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disant main invisible. Elle chemine loin d’une conception libérale de la société, loin de la voie du développement telle que conçue par la société occidentale. Mais très vite, au contact de la population, on découvre avec désillusion que la situation n’est pas aussi idéale que cela. Les failles du système sont visibles. On voit ainsi que malgré des consultations médicales quasi-gratuites, il n’y a que peu d’accès aux médicaments. En effet, ceux-ci restent chers et rares sur cette île subissant un blocus. Il en va de même avec le système éducatif qui privilégie tout de même une certaine élite. Bref, c’est avec déception que l’on re-


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trouve un écart de richesse avec ses inégalités, ses classes sociales. Sans compter la corruption et un manque de liberté flagrant, que ce soit pour la liberté d’expression ou pour une simple question de mobilité. Si on se rend compte que les médias occidentaux exagèrent la situation il y a tout de même une part de vérité. L’intérêt du voyage est justement de se faire une propre idée de la situation en cassant les stéréotypes véhiculés par les médias occidentaux. Par le dialogue avec la population, chacun casse l’idéalisation faite du système de l’autre : oui, Cuba porte ses valeurs révolutionnaires en symbole mais le peuple ne peut s’exprimer ! C’est ainsi qu’un habitant de la Havane glisse entre deux gorgées de mojito que, pour lui, cette île est une prison. De l’autre côté, comment faire comprendre à un Cubain qui idéalise l’Occident et les Etats-Unis où il rêve

de s’enfuir, que là-bas aussi les problèmes, bien que d’un autre ordre, sont nombreux. Comment lui expliquer que cette liberté individuelle, qui le fait tant rêver, dépend malheureusement souvent du capital financier détenu. À nous alors de retomber dans un lieu commun, mais qui a un fond de vérité, en clamant qu’au moins à Cuba, on ne laisse pas les pauvres mourir dans la rue sans nourriture, sans logement, sans soins médicaux… Le tourisme, poule aux œufs d’or ou cadeau empoisonné ? L’un des arguments phare poussant le touriste à visiter Cuba est justement le « ça va bientôt changer ». Or le secteur touristique, en apportant avec lui des ressources financières importantes, participe justement à ce changement. Cette situation paradoxale amène son lot d’ambigüités car si cet argent est une manne pour le pays, le touriste véhicule avec lui des valeurs

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consuméristes à l’antithèse du socialisme prêché par les dirigeants de l’île. En infiltrant peu à peu les valeurs capitalistes occidentales, le touriste participe ainsi à accélérer ce changement qu’il tente d’anticiper. Le voyage du touriste, bien qu’éphémère, laisse des traces de son passage. Surtout lorsqu’on parle de deux millions de touristes par année (sur une population de 11,5 millions) et ce chiffre est en perpétuelle augmentation. L’économie touristique rapporte ainsi plus de deux milliards de dollars par année, représentant la première source de revenu pour le pays. Malgré les cadeaux empoisonnés que peuvent apporter les touristes dans leurs valises, peut-on blâmer une personne de voyager ? C’est plutôt à certaines pratiques touristiques irrespectueuses qu’il faut s’en prendre. L’ambiguïté d’une relation asymétrique Cuba est l’un des lieux ou la sépara-


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tion entre les touristes et la population locale est la plus marquée. Si des lieux restent interdits à l’une ou l’autre de ces deux catégories, comme certains clubs et autres bars, c’est la séparation monétaire qui marque le mieux cette limite. Le match que se livrent les CUC (dollars convertibles) et les pesos symbolise la dualité « étrangers /Cubains ». C’est comme si l’on tentait d’interrompre les liens et les échanges pour séparer ces deux systèmes économiques, ces deux mondes. Mais les échanges se font quand même. Quand on sait que les CUC valent jusqu’à 25 fois plus que le peso, le voyageur devient forcément synonyme de riche. Les touristes, grâce à leur suprématie monétaire, peuvent tout se payer. Apparaissent inévitablement des tentatives d’en profiter mais cela des deux côtés. Comme avec les jineteras et jineteros qui tentent de se trouver un mari ou une femme pour quitter le pays.

« Un habitant de la Havane glisse entre deux gorgées de mojito que, pour lui, cette île est une prison » La vision que les Cubains peuvent se construire de l’autre peut donner lieu à une représentation biaisée du reste du monde. Les cubains en voyant les étrangers comme plus riche les considèrent comme forcément plus libres. Ils ont pu venir sur l’île, alors que les locaux, n’en ont même pas encore fait le tour. Le manque de moyen se traduit en manque de liberté. Requiem pour un communisme ? Le socialisme Cubain est devenu un argument de vente, on le montre comme un objet voué à disparaître, comme un étrange animal en voie d’extinction. Pourtant beaucoup de ces changements vont mener à une

augmentation de la qualité de vie des Cubains. Pourquoi ne pas se réjouir de cela ? Ces changements vont-ils forcément pousser les Cubains à se mettre du jour au lendemain à adopter nos néfastes habitudes de consumérisme insensé ? Peut-être trouveront-ils une voie médiane dont nous pourrions nous inspirer. Actuellement, nous aurions déjà certaines leçons à tirer de leurs habitudes de recyclage, de leurs dons pour la réparation ou encore de leurs progrès en médecine. Bien que tout ceci ne soit pas intrinsèquement lié au socialisme mais découle de la situation d’isolement dans laquelle l’île se trouve, ou plutôt se trouvait. Les changements qui arrivent doucement sont demandés par une majorité de la population souffrant du semblant de régime militaire. Comme la célèbre bloggeuse de Generacion Y l’écrit sur ses pages. Mais faut-il pour autant condamner le régime entier et se réjouir de sa chute ? L’idéologie derrière le système mis en place après la révolution cubaine, bien que la situation ait changé, comporte des idées de base que l’on peut encore reprendre, adapter, et cela même dans la globalisation. C’est une autre manière de penser la solidarité qui se traduit par la gratuité de la majorité des services publics, de la santé, de l’éducation, des transports publics, ... Bref un système social semblant à l’écoute des besoins de sa population. Ainsi, en disant « j’y vais vite avant que ça ne change », on peut y voir la volonté d’effectuer un pèlerinage mais aussi un certain mépris en voulant s’extasier devant les « futures ruines » de ce régime. En effet, comme si par sa chute, ce système alternatif confirmait le libéralisme comme seule et unique voie possible. Réformes d’adaptation ou réformes de transformation ? 2012 marque le début d’une vague de réformes économiques visant à

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privatiser le secteur public et favoriser l’initiative privée. Elles font suite au changement de cap entrepris en 2010, alors que Raul Castro présentait devant l’Assemblée nationale populaire « des décisions importantes, qui constituent un changement structurel et conceptuel » afin de réduire les effectifs, jugés pléthoriques, du secteur public. Si sur place on ne parle pas de « réforme » il y a cependant une réelle volonté d’actualiser le modèle socialiste. C’est « un modèle qu’il faut renouveler pour pouvoir le préserver » soutient le gouvernement de Raul Castro. Cependant, pour beaucoup, ces changements sont considérés trop lents. Mais certaines choses comme le fait de pouvoir vendre sa voiture ou sa maison ont déjà un impact important sur le quotidien des Cubains.

« L’économie touristique représente la première source de revenu pour le pays » L’influence du tourisme sur ces réformes est certaine. L’ouverture du secteur privé, corrélé avec l’augmentation du phénomène touristique crée tout un secteur de service lui étant dévoué. Les « casas particulares » (des maisons d’hôtes) qui se sont multipliées ces dernières années en sont la preuve. Bien qu’elles soient toujours sous le contrôle du gouvernement à qui elles payent des taxes exorbitantes, elles bénéficient aujourd’hui d’une certaine autonomie. Quand à savoir si les « réformes » apportées par Raul Castro sont une transformation en profondeur de la société cubaine ou une simple adaptation, seul le temps nous le dira. Mais il est sûr que le tourisme continuera d’avoir un impact fort sur le développement de ce que l’on pourrait appeler la « voie cubaine ».


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Les « Marie- Antoinette » du printemps arabe Elles sont riches, souvent éduquées, bien maquillées. Principal défaut : femme de dictateur. Figurantes d’un casting de sanguinaires, ces femmes qui jouissent de la notoriété de leurs maris ont la belle vie… jusqu’au jour où le régime dictatorial s’écroule. Apparaissent alors des femmes illégitimes, profiteuses. Mais est-ce vraiment aussi simple ? Melissa Dumont Que penser de femmes qui restent aux côtés d’hommes qui sont aux commandes de massacres ? Femmes amoureuses ? Femmes sans convictions ? Femmes oppressées ? Quelle partie de l’homme apprécient-t-elles ? L’homme et non pas la politique ? Mais peut-on seulement dissocier les deux ? Aveuglément volontaire ? Refus d’une vérité trop lourde ? Ces femmes de dirigeants intriguent par le fait qu’elles acceptent une violence insoutenable. A quel prix ? Diamants ? Luxe ? Confort ? Volonté ? Soutien inconditionnel envers leurs maris ? Or voilà que le Printemps arabe a répandu son lourd parfum de jasmin et que les hommes à la politique oppressante ont été secoués. Femmes et enfants avec. Plusieurs scénarios coexistent. Malgré la chute du régime tunisien, le confort de Leïla Ben Ali ne s’est pas vraiment écroulé puisque qu’elle et son époux, Zine el-Abidine Ben Ali ont fuit en Arabie Saoudite, malgré le lourd poids des accusations qui pèse sur eux. Suzanne Moubarak, première dame d’Egypte jusqu’en 2011, avait la réputation d’être très influente bien qu’elle soit restée dans l’ombre de son mari. Moins médiatisée que les deux précédentes, Safia Farkash al-Baraas, la dernière femme de Mouammar Kadhafi, est restée assez discrète aux côtés de son mari, mais elle détiendrait encore aujourd’hui une grande réserve d’or et est propriétaire de la compagnie aérienne Buraq Air. Ces femmes ne perdent pas vraiment le confort de

vie qu’elles avaient quand leurs maris étaient au pouvoir, ça non. En revanche elles perdent toute légitimité et toute crédibilité sur le devant de la scène internationale.

Diplômée d’informatique, elle entame sa carrière dans une banque londonienne. Eduquée, moderne, la jeune femme dont le père est originaire de Homs, avait tout du destin modèle. Le cas d’Asma el-Assad, femme de Bachar el-Assad, actuellement à la tête de la Syrie, et soit dit en passant également d’une répression sanguinaire, est beaucoup plus compliqué. A peine quelques mois plus tôt, les journaux féminins faisaient d’elle l’exemple de la modernité dans un monde d’hommes souvent hostile à la condition féminine. Celle que les médias occidentaux qualifiaient facilement de « fleur du désert » et de « rayon de soleil dans un pays d’ombres » est aujourd’hui reniée par la presse occidentale. Née en 1975 à Londres, Asma el-Assad a fait sa scolarité dans les écoles prestigieuses de l’élite britannique. L’école primaire de la Church of England, puis dans le privé pour terminer au London King’s

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College. Diplômée d’informatique, elle entame sa carrière dans une banque londonienne. Eduquée, moderne, la jeune femme dont le père est originaire de Homs, avait tout du destin modèle. Mais sa route a croisé celle de Bachar el-Assad. Hasard ? Mariage plus ou moins organisé ? La question reste en suspend. En revanche, le fait d’être marié à un dictateur sanguinaire, lui, l’est moins. Dans une interview datant de 2005, Asma el-Assad déclare : « Je suis arrivée en Syrie il y a cinq ans, et j’ai a peine entrevu la surface de la société. Le fait de parler la langue ne signifie rien. Le fait de comprendre la culture ne veut rien dire. Le fait est que je ne savais pas où les mécanismes de la société se trouvaient » Alors que penser de cette femme qui, pas plus tard qu’en 2009, dans un entretien accordé à la CNN qualifiait de barbare l’attaque menée par Israël sur la bande de Gaza et demandait « en tant que mère et être humain » que cela cesse. Aujourd’hui, elle affiche un soutien sans faille à Bachar el-Assad ? Beaucoup d’interrogations viennent à l’esprit. La première : pourquoi ? Pourquoi une femme qui semblait si moderne dans sa façon de voir les choses, dans la manière de gérer des actions dans les ONG peut-elle rester sans agir ? Asma el-Assad était, il n’y a que quelques mois, l’égérie de Vogue et de Elle. La jeune femme émerveillait par son style, sa prise


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de position, sa modernité. Le must des magazines féminins prônant une femme différente. Ou pas. Beaucoup affirment qu’elle n’a pas le choix. Il est sûr qu’il faut prendre du recul sur une telle situation, que le contexte compte. Il est possible aussi qu’elle soit menacée, elle et ses enfants, et que cela l’empêche de faire le moindre geste. Cette analyse semble probable mais il paraît difficile de croire qu’il n’y a aucun moyen d’agir. Elle a les moyens financiers, ses proches vivent à Londres et sont au courant, ses parents se disent « inquiets ». Alors pourquoi cette absence d’acte ? Son peuple meurt, la politique sanguinaire tue par milliers des civils, la scène politique est mobilisée sur ce conflit mondialement médiatisé. Les images sont là. Et pourtant elle le soutient encore. Les femmes dans les rues risquent leurs vies pour la liberté. Et ces femmes n’ont rien. À part du courage. Une envie de justice. Ou bien faut-il prendre le raisonnement à l’envers ? Elles n’ont plus rien à perdre, alors qu’Asma el-Assad a justement tout à perdre. Mais perdre quoi ? Une notoriété publique ? Trop tard. La scène internationale l’a déjà condamnée. Celle qui fut l’héroïne pour un temps est aujourd’hui maltraitée dans les médias. Perdre une vie de confort ? Cela serait tellement pathétique comme réaction, qu’il ne vaudrait mieux pas. Asma el-Assad a déjà perdu. En restant silencieuse, ou du moins en n’essayant même pas d’agir, la rose des sables n’est plus que du vent. Posséder un passeport britannique ne signifie pas être une personne dotée d’un sens moral extraordinaire. Son père, appelé « Monsieur Syrie » en Angleterre était un pilier dans le business britannico-syrien et tous les contrats passaient par lui. Cette femme qui maîtrise les codes de la société occidentale, a eu un rôle très important aux côtés de Bachar el-Assad, qui apparaît en comparaison un

peu terne. Son bureau est adjacent à celui de son époux, ce qui n’est pas sans importance pour analyser son influence et son pouvoir au sein de la structure. Elle a implanté en Syrie des ONG, dont une nommée FIRDOS, signifiant « paradis », qui est un système de microcrédit dans des régions où l’influence des courants extrêmes est importante. Pour résumer, elle a fait main basse sur des zones sensibles afin d’éviter une prise de contrôle extérieures. Dans le jargon anglais, on appelle ça « boucher les trous de façon humanitaire », c’est-à-dire par le biais d’ONG gouvernées par le gouvernement…

Y aurait-il un profil type des femmes de dictateurs ? Répondre oui serait généraliser, or il n’y aurait rien de pire. Quant à Bachar el-Assad lui-même, son personnage est aussi complexe et demande une approche plus retenue. Ophtalmologue de profession, il ne rentre pas dans le schéma d’un homme politique voué à une carrière militaire, ou prédéfini dans ce rôle. En effet, c’est son frère qui était à la base pressenti pour reprendre les rênes du pouvoir après la mort de leur père, Hafez el-Assad, mais ce dernier s’est tué en voiture en 1994. Et voilà la façon dont Bachar el-Assad s’est retrouvé à la tête de la Syrie en 2000. Nous pouvons nous poser la question de savoir si la structure derrière -et le conservatisme des cadres politiques déjà en place sous le règne de son père - mène la danse ou bien s’il s’agit véritablement d’un couple fort au pouvoir qui connaît le régime.

Et justement, là est le point sensible. Il y a tout un système derrière eux. Il est fort probable qu’il ait conscience des structures en place, après plus de dix ans au pouvoir, et qu’il connaisse bien les ficelles du gouvernement. Y aurait-il un profil type de femme de dictateur ? Répondre oui serait généraliser, or il n’y aurait rien de pire. Mais des femmes amoureuses, sûrement. Ou bien des femmes profiteuses d’un certain niveau de vie ? Ou alors serait-ce une façon de rentrer dans l’histoire ? La femme de Milosevic écrivait ses discours… Femmes de l’ombre mais de pouvoir ? Des femmes oppressées, menacées ? Sans aucun doute. Qu’est-ce qui plaît ? L’homme ou la situation ? On touche ici à la complexité des sentiments humains. Il n’y a pas de profil type. Chaque situation est différente. Deux épouses des ambassadeurs de Grande Bretagne et d’Allemagne aux Nations Unies ont fait une vidéo appelant Asma à arrêter son mari. « Que t’estil arrivé Asma ? Ne reste plus sans rien faire ». Vidéo assez violente de par ses images d’enfants mourant, et de scènes de guerre. Il est vrai qu’après l’avoir regardée on se dit qu’elle devrait agir. Mais il ne faut pas oublier de tout replacer dans son contexte. Cette situation est extrêmement alambiquée et les avis restent énormément partagés sur la situation d’Asma el-Assad. Il faut dire que la société syrienne est une sorte de carrefour de croyances, de valeurs, de religions, située entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, et par conséquence, pas facile à comprendre. La réflexion doit se faire avec le plus de recul possible car vu de l’extérieur, les subtilités nous échappent.

Pour plus d’infos : http://www.joshualandis.com/blog/?cat=2 http://www.guardian.co.uk/world/shortcuts/2012/apr/15/poster-syrias-anger?

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Le Vieux Continent face à ses Cassandre Désunie, marginalisée, usée et vieillissante, les signes de déclin s’accumulent pour une Europe plus que jamais à la recherche d’un nouveau souffle. Que peut-on encore espérer d’un modèle qui semble ne plus faire ses preuves ? Théo Aiolfi plus inéluctable la sénescence de la population d’un continent qui méritera d’autant plus son appellation de « Vieux ». Si on regarde d’un point de vue économique, la croissance reste faiblarde, le chômage stagne aux alentours de 10% dans l’Union Européenne (plus de 20% chez les moins de 25 ans), la productivité baisse, les dettes publiques ont pris des proportions démesurées et l’optimisme d’un avenir meilleur semble s’être évanoui chez les populations européennes.

“Can anything perk up Europe” titrait The Economist du 8 juillet 2010

Dans The Washington Post, Charles Kupchan, chargé des Affaires Européennes au National Security Council sous l’administration Clinton, déclarait en 2010 que la situation actuelle du Vieux Continent n’était « ni une mort violente ni une mort tragique, mais une longue agonie ». De l’autre côté du globe, Kishore Mahbubani, directeur de l’école d’administration publique Lee Kuan Yew à Singapour, affirmait que l’Europe ne parvenait pas à comprendre « à quel point elle perd toute importance aux yeux du reste du monde ». L’hebdomadaire américain Time titrait même son édition du 22 août 2011 « Le déclin et la chute de l’Europe (et peut être de l’Occident) » quand The Economist affichait en couverture une Tour Eiffel bien mal en point. Et partout dans le monde, rares sont

ceux qui vont à contre-courant de ce flux incessant de constats annonçant, pire que le déclin, la mort de notre cher continent. Notons même que le temps des prédictions alarmistes est passé : les Cassandre ne prévoient plus une décadence future, mais attestent de l’irrémédiable et définitive déchéance dans laquelle l’Europe est désormais plongée. Enfin, il est nécessaire de reconnaitre qu’il serait bien difficile de contredire ces oiseaux de mauvais augure au regard de la situation actuelle. Présages d’un déclin indubitable Démographiquement, dire que l’Europe est marginalisée est un doux euphémisme : avec 730 millions d’habitants, elle ne représente plus que 11% de la population mondiale, contre 22% en 1950 et la faible fécondité des femmes européennes rend encore

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Pire encore, l’interminable crise économique actuelle n’est pour certains que le reflet de la crise politique du modèle de l’Etat-Providence que les colons européens n’ont jamais cessé de promouvoir dans le monde entier. La social-démocratie à l’européenne est-elle vouée à l’extinction parce qu’elle n’est pas viable économiquement ? Au moment même où le monde est tourné vers la réussite spectaculaire de « l’économie socialiste de marché » du gouvernement chinois, l’Union Européenne, pourtant la plus grande fierté de nombre de politiciens du continent, peine à convaincre. Accusée tantôt d’être une gérontocratie coupée de la réalité du monde extérieur, tantôt de s’être laissée envahir par une classe de technocrates sans légitimité démocratique, ou bien encore d’avoir laissé place à une bureaucratie lente, coûteuse et inefficace, l’Union souffre également de son incapacité à exprimer d’une voix ferme et unie la volonté commune de ses membres. Les chimères de l’Histoire L’Europe rêve pourtant encore à sa grandeur passée : les dirigeants européens ne cessent de rappeler à leurs


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électeurs les multiples épisodes glorieux de la « Grande Europe ». Et force est de constater qu’un tel patrimoine historique et culturel peut être exploité à travers une multitude d’angles divers et variés. Après tout, l’Europe fut le berceau d’un nombre impressionnant de penseurs et de philosophes, celui de la démocratie antique comme révolutionnaire, le continent d’où partirent les grands explorateurs et d’où apparurent la Renaissance, les Lumières et la révolution industrielle. Et elle a longtemps été au centre du monde : de l’Empire Romain, aux Provinces Unies en passant par la Sérénissime République de Venise, mais également à l’âge d’or des puissances coloniales et industrielles que furent la Grande Bretagne et la France du début du 20ème siècle. On peut comprendre qu’en être réduit à n’être plus qu’un « petit cap de l’Asie », selon l’expression consacrée de Paul Valery, ne peut qu’évoquer frustration et nostalgie.

« La social-démocratie à l’européenne est-elle vouée à l’extinction parce qu’elle n’est pas viable économiquement ? » Bien évidemment, l’héritage de ce glorieux passé est plus difficile à appréhender qu’il ne paraît l’être pour un européen. Continent humaniste, porteur de la démocratie sociale, promoteur inlassable du développement, de l’éducation et des droits de l’homme, il serait aisé de s’arrêter là et de dresser un portrait louable de l’Europe. Mais pour le reste de monde, l’Europe est

bien plus souvent restée en mémoire pour son interventionnisme intrusif, ses discours moralisateurs et condescendants ainsi que pour son passé colonial violent.

« L’illusion d’une aura, qui ne possède plus depuis longtemps la splendeur d’antan. » Accepter que notre passé n’est pas aussi rose que ce que l’on nous enseigne dans les livres d’histoire, admettre que notre identité d’européen est composée de facettes diverses et rarement aussi reluisantes qu’il n’y parait au premier regard, peut-être serait-ce déjà un premier pas pour nous réconcilier avec le reste du monde ? Parce qu’il est des formes de déclin plus insidieuses que d’autres, et l’attitude désabusée, le regard sceptique avec lesquels les observateurs étrangers analysent et critiquent le Vieux Continent ne sont peut être que le reflet d’un déclin en termes de capital moral et de crédibilité internationale. Le signe d’une perte de confiance vis-à-vis des habitants d’un continent vivant encore dans l’illusion d’une aura, qui ne possède plus depuis longtemps la splendeur d’antan. Un nouvel espoir ? Faut-il pour autant condamner définitivement l’Europe à n’être plus qu’une page du passé et lui fermer à jamais les portes de l’Histoire ? Quelques signes encourageants laissent penser qu’il n’est pas encore l’heure de céder

couverture du Time du 22 août 2011

au pessimisme : l’Europe concentre encore entre 30 et 40% des échanges mondiaux, possède une influence culturelle incontestable, comprend en son sein les Etats parmi les plus audacieux en termes de droits sociaux et humains ainsi que les démocraties les plus abouties et égalitaires au monde. Et plus encore, le Vieux Continent porte en lui les germes d’un futur où la prépondérance de l’Etat-Nation ne sera plus considérée comme acquise, l’embryon ambitieux d’un modèle de gouvernance qui dépasse les clivages entre les peuples. Certes, celui-ci est encore imparfait, inachevé et se heurte à la souveraineté des Etats qui forment la balbutiante Union Européenne. Certes, la crise économique actuelle, la résurgence des partis nationalistes et le scepticisme des dirigeants européens prouve que le chemin à parcourir est encore long avant d’aboutir à une Europe unie et en paix avec ellemême. Mais l’espoir subsiste de croire, peut être un jour, en la fin d’un monde fondé sur les divisions entre les états. Qu’importe si l’Europe décline! Elle aura offert de la réflexion pour les théoriciens politiques, de nouveaux horizons pour ses habitants et, c’est peut être le plus important, de rêve aux idéalistes.

Le spot raciste très controversé de la Commission Européenne

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L’expert ou la mort de l’intellectuel À l’heure de la crise, un vent d’expertise souffle sur les médias. L’antique figure de l’intellectuel engagé est-elle passée de mode ou passée d’utilité ? David Zagury Au mois de février, j’ai regardé l’émission Ce soir ou jamais. Quelques questions de type économique ont surgi, sur un plateau supposé rempli de personnalités de bords très divers. Dans l’instant, la parole était prise d’assaut par les économistes. Deux invités, manifestant par la conviction de leur ton une certaine prérogative de compétence, se passaient la réplique. D’autres « intellectuels » présents renonçaient clairement à s’exprimer. Les spécialistes apparaissaient comme les techniciens seuls capables de nous donner les clés du problème. Plusieurs invités se sont sentis obligés de commencer leur intervention par un: « Moi je ne suis pas économiste, mais (etc.) ». L’écrivain d’origine martiniquaise Patrick Chamoiseau a bien essayé de parler de « société multitrans-culturelle dans une totalité-monde » et autres concepts de sa littérature, mais l’atmosphère générale et le jargon technique employé par ceux qui l’avaient précédé donnaient un coup fatal à sa crédibilité. Du moins, c’est ce que j’ai ressenti, et ce dont témoignait le peu d’attention qu’on lui a porté.

l’on ne perd pas de vue ces deux temps que sont l’information et la décision, il est troublant de voir à quel point les experts de nos plateaux de télévision sont prompts à nous donner la bonne formule décisionnelle. Et cela sans pour autant nous parler de leur conception de la société, de ce qu’ils pensent être leurs buts, de ce qu’ils jugent avoir de la valeur. La « vue d’ensemble» et le « grand projet » sont absents de la discussion. Jadis c’était l’« intel lectuel » qui nous suggérait un horizon. Mais cette figure est de moins en moins visible, parle de moins en moins fort, éclipsée par l’expert. Michel Foucault écrivait dans les années quatre-vingt : « Pendant longtemps, l’intellectuel dit « de gauche » a pris la parole et s’est vu reconnaître le droit de parler en tant que maître de vérité et de justice. On l’écoutait, ou il prétendait se faire écouter comme représentant de l’universel. Être intellectuel, c’était être un peu la conscience de tous. […] Il y a bien des années qu’on ne demande plus à l’intellectuel de jouer ce rôle » (Dits et écrits II). L’intellectuel d’aujourd’hui aussi semble avoir déserté. Le philosophe, le sociologue, le verbeux, le penseur, le profond. Il n’est plus appelé à la barre s’il ne manie plus le charabia technique. De plus, la grande remise en question du capitalisme que beaucoup ont suggéré dès les premiers « cracs » du krach est un flop total. Mais si le débat doit « décoller », s’il faut prendre les problèmes éthiques à bras le corps, alors où sont nos intellectuels ? Où sont les visualiseurs de long terme, les songeurs de l’homme ? Je peux penser, dans le monde francophone, à Michel Serres ou Edgar Morin. Mais qui est le papa ? Où est notre Sartre ? Non, c’est vraiment Stéphane Hessel ?

Pourtant les spécialistes, les experts, n’ont jamais pesé aussi lourd dans nos choix, mais, à la fois, n’ont jamais aussi peu contribué à notre information.

Si le manifestant était la personnalité Time de 2011, on peut quand-même penser à un philosophe qui, en plus de faire le tour des plateaux de télévision, a fait une apparition très attendue à l’Occupy Wall Street de New York. C’est Slavoj Zizek. « Aussi connu que Madonna » disait un peu vite Marc Voinchet qui le recevait sur France Culture. Zizek, philosophe/psychanalyste/ marxiste d’origine slovène, laisse songeur. De l’avis des manifestants d’Occupy, pendus à ses lèvres durant son speech à Zuccotti Park (Wall Street), il pourrait bien être « la Voix ». Son énergie, son étrangeté (beaucoup de tics inattendus), sa verve et sa popularité l’ont conduit sur tous les plateaux de la BBC, Al Jazeera, PBS, RussiaToday, et il a été invité à débattre en face de BHL ou Julian Assange. Interviewé par Charlie Rose le lendemain de son discours à Occupy, Zizek déclarait : « L’heure de la philosophie approche ». L’heure du retour de l’intellectuel ?

Il en va des questions économiques comme de nombreux sujets qui sont au cœur du débat politique. Fiscalité, médecine, chômage, assurances, retraites, diplomatie, etc. : le recours au spécialiste est un réflexe tant pour nos journalistes que pour nous-mêmes. Mais il y a deux mondes que l’on superpose. Celui de l’information et celui de la décision, c’est-à-dire du choix. Il me semble que l’information est indispensable, mais que la décision, le choix, ressorti aux échelles de valeurs. Pourtant les spécialistes, les experts, n’ont jamais pesé aussi lourd dans nos choix, mais, à la fois, n’ont jamais aussi peu contribué à notre information. Les experts sont les têtes vers lesquelles on se tourne. La crise économique devient un Rubik’s cube et ils nous semblent bien entraînés à ce jeu-là. Il suffit de penser aux nonante premières minutes du débat Hollande-Sarkozy : chiffre sur chiffre sur chiffre. Mais si

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Slavoj Zizek Ă Occupy, Wall Street, 9 octobre 2011.

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L’irrésistible ascension des technocrates 2011 et 2012 ont vu une nouvelle sorte de politiciens prendre le dessus dans les pays et institutions en crise, non pas ces grands tribuns du XXème siècle, mais ceux qu’on appelle les technocrates : petite explication. Joffrey Chadrin

Avez-vous dit technocrates?

Bayard le chevalier sans peur - que de grandeur - mais o tempora o mores nos années ont super Mario il professore, et Papademos le (petit) père du peuple. Notons d’autre part que c’est un signe, Mariano Rajoy est né à Saint Jacques de Compostelle, il fallait bien un prophète pour sauver les Espagnols.

Ô crise, que tu es belle. Quel malheur que de méchants politiciens ne te laissent accomplir tout ton travail. N’est-ce pas ton rôle que de jeter aux oubliettes ces derniers afin que tu puisses les remplacer par tes pions? Tes anciens serviteurs, qui chez Goldman Sachs ton éternelle débitrice, t’ont permis de toucher la médiocre humanité de ta grâce purgatoire. Daigne encore nous offrir des anciens banquiers tout frais qui puissent exercer ta volonté.

A défaut de croire, il reste l’espoir. En 1930, on a mis des politiciens à la tête des Etats pour sortir de la crise, le résultat fut la guerre. Peut-être que suite à notre crise, les technocrates propulsés dans les fauteuils présidentiels et ministériels empêcheront les sociétés civiles de sombrer dans un dangereux néofascisme. La Boétie nous enseignait que « les tyrans ne sont grands que parce que les hommes sont à genoux », souvenons nous de ceci.

« Aujourd’hui, les financiers sont à l’assaut. Ils prennent plus de drapeaux que Napoléon à Austerlitz »

L’avènement des technocrates, c’est avant tout la fin des politiciens. On ne peut pas expliquer l’ascension des technocrates en personnifiant la crise, en vantant leurs talents ou en décrivant la toute puissance des acteurs financiers. Les politiciens ont reculé. Il fut un temps, ils suscitaient l’espoir et faisaient bouger les masses. Les seules masses que fait bouger la campagne française de 2012, sont les militants des divers partis. Cent mille personnes dans une ville qui en compte dix millions, il n’y a pas de quoi fanfaronner.

Oui je parle bien de Monti expédiant Berlusconi et ses frasques au cachot, de Papadémos renvoyant Papandréou à Cerbère, du départ de Trichet le Français, de l’arrivée de Rajoy l’austère hispanique. Qu’est tout cela sinon la manifestation de la volonté divine de notre grande maîtresse la crise. Grande maîtresse à qui nous vouons notre énergie et notre temps, à qui nous livrons les affreux de notre monde politique pour qu’elle les efface à jamais, et parfois tant mieux!

On a pensé que le marketing devait s’appliquer à la politique, pour la servir. Mais il ne l’a qu’asservie. On sacrifie ouvertement des propositions courageuses contre des détails qui frappent l’opinion. On parle de taxer le revenu supérieur à un million d’euros de 20 000 personnes aux trois quarts quand un prédécesseur proposait l’abolition de la peine de mort.

Le résultat est qu’aujourd’hui, les financiers sont à l’assaut. Ils prennent plus de drapeaux que Napoléon à Austerlitz. La Grèce, l’Espagne, l’Italie, la BCE sont tombées au combat financier. Ces nouveaux venus sont-ils meilleurs économistes que nos anciens politiques? Et bien non, ce sont des technocrates.

Tentons de revenir sur les causes d’une telle évolution, de cette marchandisation et de cette technocratisation de la politique contemporaine.

Technocrates avez-vous dit? Oui, mais pas seulement. Ils sont aussi ploutocrates, gérontocrates, oligarques, et sont les nouveaux aristocrates. Le gouvernement des meilleurs, des spécialistes. Certes ils n’ont pas de particule, de manoir familial en province ni de mèche tombant nonchalamment sur leurs nez aquilins, mais ils ont le pouvoir, et leur héraldique est leur CV.

La politique est originellement l’étude et la gestion de la vie publique, elle est la science des prérogatives publiques et privées. Elle laisse désormais les privés s’occuper de la sphère publique tout en s’immisçant dans la vie privée des citoyens. Cette inversion est en réalité emblématique de l’arrivée d’un néolibéralisme mal interprété. C’est ainsi que les politiciens se sont jetés dans un processus de décrédibilisation et de déresponsabilisation, expliquant les effets de la crise par leur impuissance face à des acteurs privés om-

Tout de même, ces néophytes sont affublés d’espoirs et de surnoms pour le moins risibles. On avait bien Guillaume le Conquérant et

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Mario Monti, président du conseil Italien

nipotents. Les politiciens ont entrepris la déconstruction du produit de 8000 ans d’améliorations, en laissant à d’autres les tâches les plus régaliennes. On privatise la sécurité extérieure, on recourt aux mercenaires dans nos pays ‘’industrialisés et développés’’, on s’enferme dans des bipartismes non-productifs puisqu’ils ne sont pas collaborationnistes. Nos politiques ont-ils beau être pompeux, ils n’en sont pas moins impuissants.

ment des vraies politiques dirigistes, ils voudraient remettre le pouvoir entre les mains des politiciens (surtout les leurs), mais c’est ce discours qui plaît. Pas les discours insipides et technocratiques, les discours des rigoureux de droite face à ceux des rigoureux de gauche qui ne font qu’alimenter le vivier de ces partis jusqu’à les faire triompher à l’image de la Hongrie de Viktor Orbán.

« Les politiciens ont entrepris la déconstruction du produit de 8000 ans d’améliorations, en laissant à d’autres les tâches les plus régaliennes »

Ceci vient aussi du fait qu’on a basé la solidité des politiciens sur leur légitimité, d’abord conquise par la force, puis devenue divine, et enfin basée sur l’élection, le suffrage universel. Des présidents élus à 52% par 75% de la population, qui ne reposent que sur un parti et dont l’action se veut agréable à leurs soutiens, ne sont plus légitimes. On s’est enfermé dans un carcan de compétition politique, ce que je vois comme une dérive. La fin des politiciens a bel et bien jeté les technocrates dans le monde politique. Les premiers avouant leur impuissance laissent la place aux seconds issus du système que nous voulons guérir. La politique se résume alors à la gestion des crises, la gestion des marchés, la gestion des comptes des citoyens, et plus des citoyens eux-mêmes. La politique qui auparavant se devait avant tout de produire du Droit pour mieux régir la vie des individus dans leur sphère publique et sociale, jusqu’à leur sphère privée, se passionne aujourd’hui à édicter des plans d’orientation économique, des lignes directrices et non plus des directives.

La fin d’un monde? Faut-il y voir la fin de la politique? Non, il faut y voir les prémices maladroites et errantes d’un renouveau du monde politique. Une transition amenée par la crise économique, mais aussi par une crise de délégitimation des politiciens. Ne nous enfermons pas dans cette politique de gestion financière, qui suffirait dans une république bananière, mais pas dans notre monde.

À moins d’être aveugle, chacun peut remarquer une montée des populismes d’extrême-droite en Europe. Or leurs dirigeants cla-

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« Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres »

1. Etienne de La Boétie, Discours de la servitude volontaire

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Du déclin des intellectuels “La figure de l’intellectuel défendait autrefois des visions et des pensées d’avant-garde. Elle est aujourd’hui détrônée par le profil de l’expert, personnage anonyme, à la logique froide, et au romantisme très relatif.“ Paulos Asfaha

L’avant-garde, voilà comment était perçue l’intelligentsia. Elle rêvait, elle théorisait, elle débattait avec passion de la société dans son entier. Elle n’était pas uniforme, loin de là. Malraux était gaulliste, Platon un philosophe corporatiste et Sartre incarnait le marxiste parisien. Chaque intellectuel voulait voir ses idées prévaloir, à travers le politicien, conseillé – si ce n’est séduit – par le verbe et l’argument.

Le déclin est aussi lié à la nature des débats actuels. Le politique, éloigné de l’avant-garde, se tourne vers le bavardage sans fond, il joue sur l’événement pour en faire une globalité. Les grands concepts, les grands plans de société sont délaissés au profit du thème précis. À une certaine époque les mouvements politiques principaux offraient des perspectives larges ; les communistes et autres révolutionnaires voulaient abattre le capitalisme et aboutir à une société sans classes, les nationalistes voulaient défendre la mère patrie et ses traditions et la démocratie chrétienne voulait concilier libéralisme économique et valeurs morales catholiques. De ces grands concepts découlaient des propositions précises, mais les débats opposaient concepts à concepts, penseur à penseur.

De l’Antiquité à la Révolution Française, de l’indépendance américaine à la chute du Mur de Berlin, l’intellectuel était lié à tous les grands courants, les grands événements, les grandes figures qui désiraient modifier l’ordre des choses, les rapports sociaux… somme toute, le sort de l’humain. Aujourd’hui, l’avant-garde a perdu son piédestal. L’utopiste a été remplacé par le réaliste, le rêveur engagé délogé au profit du technocrate.

À l’heure actuelle, les grandes tendances ont disparu des principales mouvances politiques, les thèmes abordés sont liés à un événement précis, c’est une réaction à l’immédiat et non une réflexion profonde. Le braquage d’une banque, un meurtre ou le vol d’une voiture substituent les grands concepts, lutte des classes, liberté individuelle ou encore productivisme contre décroissance. Le politique dégaine tous azimuts, l’émotion remplace la raison, la réaction remplace la réflexion.

L’économie capitaliste toute-puissante a dégénéré le politique. En le mettant à son service, elle l’éloigne des utopies. Le marxiste est devenu social-démocrate, il cherche le compromis avec l’économie. Le radical républicain renonce à son étatisme historique pour garantir des conditions favorables à l’économie. Devant la prépondérance de l’économie dans les questions actuelles, l’intellectuel n’a pas réussi à se faire une place. Les hommes politiques cherchent des spécialistes en économie, des anciens CEO, en gros des expert-comptables titulaires d’un doctorat.

Les grandes tendances culturelles ont aussi une influence sur ce rôle. Le politique à l’ancienne était féru de littérature et de philosophie. De par ces passions, il se mêlait à la cohorte des intellectuels, avec qui il débat et avec qui il forge son identité et sa pensée politique. Les politiciens contemporains ne sont plus dans la même optique, ils dérogent à la tradition qui fait du politicien un lettré. Sarkozy fustige la ‘Princesse de Clèves‘ et dénigre les fondements de la grammaire française, Berlusconi préfère les liftings à Machiavel et Stauffer doit sûrement plus s’y connaître en lancer de verres qu’en philosophie antique.

L’évolution des médias a aussi joué un rôle majeur dans ce déclin de la pensée. Avant l’avènement de la télévision et d’internet, la presse écrite dominait l’information. Beaucoup de grands titres ont été fondé par des intellectuels, ‘Libération‘ par Sartre, ‘L’Humanité‘ par Jaurès et ‘Le journal de Genève‘ par James Fazy. S’ils ne les fondent pas, ils y ont du moins une place prédominante, leur avis compte. L’intelligentsia a utilisé la presse pour y répandre ses idées, qui, elle, reflète les débats du moment. La télévision et internet n’ont pas la même vocation. On cherche le chiffre, on vante la bêtise, on est loin de la pensée, on flotte dans la stupidité, on néglige la langue et l’argument. La blonde écervelée qui chante de la merde en barquette pour jeunes pucelles décérébrées a plus de place dans les médias actuels que ne l’auraient des intellectuels débattant du destin de l’Humanité. Dans les rares moments où la télévision semble se consacrer au destin de l’Homme, on invite des experts. La présidentielle française en a été un exemple affligeant, où chaque candidat passait devant des économistes qui jugeaient son programme en chiffres et non en réalisation, en impact sur la société.

Alors oui, l’intellectuel est en déclin. Le monde qui l’entoure lui signifie que sa présence et sa pensée ne sont plus fondamentales. Dans un monde où la culture est médiocre, où l’économie est le centre de gravitation, où l’émotion brute terrasse la raison, le doux rêveur engagé est un être superflu. Il disparaît de la scène publique et se voit cantonné aux bibliothèques et aux cours d’Université, seules institutions qui semblent le considérer. Il laisse sa place à l’expert, qui devient conseiller du politique, référence des médias et peut-être, à terme, centre de la réflexion.

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« Aujourd’hui, l’avant-garde a perdu son piédestal. L’utopiste a été remplacé par le réaliste, le rêveur engagé délogé au profit du technocrate. »

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Nationalisme et multiculturalisme : Une cohabitation est-elle possible en Europe ? Retour sur la semaine du forum du militantisme 2012 de l’AESPRI Paul de Freitas Qu’est ce que le militantisme ? C’est faire du bruit, du tumulte... C’est amener sur la table des sujets souvent controversés et/ou tabous. En mars 2012 l’Association des Etudiant(e) s en Science Politique et Relations Internationales (AESPRI) a investi le bâtiment d’Uni Mail en organisant un forum du militantisme sur le thème de la cohabitation des valeurs en Europe. Compte rendu de cette semaine. 26 mars 2012 : la semaine commence avec un décryptage de l’idéologie nationaliste en images. En se basant surtout sur les affiches de l’UDC de ces dernières années, Gaëtan Clavien, collaborateur au sein du département de Science Politique de l’Unige, nous propose une analyse visant à découvrir les messages cachés et les enjeux qui se cachent derrière ces images. 27 mars 2012 : lors d’une table ronde, le débat se tourne vers les familles du 20e siècle. Si on regrette l’absence de l’Association de Défense des Pères en Suisse Romande, la présence du mouvement Famille Arc-en-Ciel et de leur présidente va amener la discussion sur l’homosexualité parentale. On découvre ainsi le combat incessant des couples homosexuels pour obtenir le droit à l’adoption ou le refus des autorités suisses quand à toute notion d’insémination artificielle. A l’heure actuelle en Suisse, il n’y a toujours aucune possibilité de reconnaître l’enfant du conjoint dans un couple homosexuel. Quelle est alors la solution ? Pour l’instant, seule la coparentalité paraît envisageable. Un couple d’hommes et un couple de femmes se mettent ensemble pour concevoir des enfants. Mais là encore, on reste dans un certain flou juridique. La présence de personnes opposées

à toute notion d’homosexualité parentale a donné lieu à un débat animé. Dans la soirée, la projection du film roumain 4 mois, 3 semaines, 2 jours, réalisé en 2007 par Christian Mungiu, porte la réflexion sur l’avortement. Ce film bouleversant, primé par la Palme d’Or au 60e festival de Cannes, relate le combat d’une étudiante pour avorter dans la Roumanie de Ceausescu. L’avortement est vu comme un acte de résistance contre le régime. On y voit aussi la volonté de contrôler son corps et sa féminité quel qu’en soit le prix. En dépit de l’absence de l’intervenante Anne Daguerre, excusée pour raisons personnelles, on comprend rapidement l’impact que le film a pu avoir : les émotions portées par le film ne peuvent laisser indifférent. Il suffit de voir les débats qui ont suivi sa sortie pour comprendre à quel point l’avortement est encore une question taboue. En France, des associations anti-avortement et même la ministre Christine Boutin (2007-2009) ont voulu faire interdire le DVD. Le Vatican s’est aussi montré indigné de la sortie du film et de sa nomination à Cannes. 28 mars 2012 : la journée des associations donne la parole aux mouvements présents sur la scène genevoise. Derrière la cohabitation des valeurs, Amnesty International place son mouvement droit sans frontières. « Il faut ouvrir les yeux sur ce qui se passe dans le monde » Si Attac avoue souffrir d’un manque de visibilité, surtout chez les jeunes, le responsable du stand reste optimiste : même si le nombre de participants actifs dans l’association diminue, de plus en plus de gens cotisent. Quand on paye pour que d’autres militent à notre place n’est ce pas là la fin du militantisme ?

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« Occupy Geneva », toujours aussi motivé, prône un « capitaltruisme » : une économie au service de l’humain et non le contraire. Si certaines mesures comme l’abandon du système monétaire pour revenir au troc semble utopistes, les indignés appellent aussi à lutter contre le déficit de représentation de la population au sein de nos élus. 29 mars 2012 : l’association Mesemrom, à l’affiche ce jeudi avec une table ronde sur « les Roms et l’Europe », nous fait découvrir que nous ne savons rien de cette population. L’association a pour but de défendre et de soutenir les Roms de passage à Genève. Elle tente d’interpeller la population et de déconstruire les stéréotypes. On découvre ainsi un peuple qui souffre, rejeté même en Roumanie, sa terre d’orgine : les Roumains adoptent des comportements discriminatoires, n’hésitant pas à retirer leurs enfants des écoles dès que celles-ci sont fréquentées par des enfants roms. 30 mars 2012 : après la projection du film Les Faiseurs de Suisses (Rolf Lyssy, 1978), qui en passant reste l’un des plus grand succès du cinéma suisse avec plus de 940’000 entrées, nous suivons les pas de Max Bodmer et de Moritz Fischer pour un débat sur ce qu’est « Etre Suisse ? ». Nous achevons ainsi cette semaine avec une réflexion sur la dualité classique entre l’assimilation et l’intégration. L’AESPRI, et tout particulièrement le groupe du forum, remercie les intervenants, les différentes associations mais aussi les participants qui on su donner vie à cette semaine du militantisme 2012.


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Une dynamique nouvelle pour les associations de l’Université Lann ’ ée 2012 marquera-t-elle un tournant pour la communauté étudiante ? Nicolas Pidancet crire les objectifs de l’association dans la continuité alors que les relèves, lorsqu’elles existent, se succèdent à un rythme effréné ? Diverses stratégies ont été trouvées à droite et à gauche, la communication manque afin que ces stratégies profitent à l’ensemble. La coordination manque afin d’affronter ensemble des problèmes communs. Les projets pour renverser la tendance et l’enthousiasme ne manquent pas. Je fais ici un petit tour d’horizon. L’Université de Genève, caractérisée par l’absence de campus, est noyée dans le centre-ville. L’espace est fragmenté, les facultés isolées, les moments ou lieux communs rarissimes. La communauté étudiante ne ressemble pas à ce qu’on pourrait envier à d’autres villes suisses ou internationales. Une fatalité ? Plus de 70 associations existent à l’Université de Genève. À première vue, rien ne les lient: certaines se réunissent plusieurs fois par semaine, d’autres deux fois par semestre. Certaines sont composées d’un comité nombreux et actif, d’autres, dans de plus petits départements, sont tenues par une poignée de volontaires. Certaines sont rattachées à des cursus distincts, d’autres représentent des communautés ou des groupes d’intérêts. Et je n’ose même pas aborder ici les différences d’objectifs et de méthodes, le fossé est d’autant plus gigantesque. Malgré ces différences, certaines problématiques sont largement partagées: comment trouver des fonds et des financements, ou simplement ne pas être en déficit ? Comment trouver une relève ? Comment ins-

UniParty – L’évènementiel: Un bon prétexte pour réunir. Fondée en 2011 par 12 associations, UniParty n’est pas seulement une bamboule dans le hall d’UniMail. Quel est le rôle de l’association UniParty dans la communauté étudiante? « UniParty est une association qui permet aux étudiants des différentes facultés de l’Université de Genève de se rencontrer et de travailler sur un but commun: l’élaboration de manifestations étudiantes interfacutlaires ! L’association UniParty met aussi en relation les nombreuses associations étudiantes. Ce qui permet l’échange de connaissances, de matériels, de bénévoles ! En plus, elle leur offre un soutien financier, intellectuel et physique selon les besoins des associations membres, sur simple demande. Ainsi UniParty permet d’éviter l’isolement qui existent entre les facultés et les départements en créant une cohésion entre les étudiants et entre les associations. Cela a pour conséquence la formation d’une véritable communauté au sein de l’Université de Genève! »

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Mélanie Cuénod. Responsable Logistique d’UniParty et représentante de l’AEB (Association des Etudiants en Biologie) omme le résume Mélanie, l’organisaC tion d’événements n’est qu’une ligne parmi les buts statutaires d’UniParty. Il y en a d’autres, moins tangibles mais à ne pas négliger: réunir et soutenir la communauté étudiante. Laquelle, inévitablement, existe en grande partie à travers le monde associatif. Si une étudiante, un peu timbrée, s’était présentée à l’Université de Lausanne avec un projet de cette envergure (plusieurs éditions par année, festivals et soirées), on lui aurait sans doute ri au nez. Ça existe d’ores et déjà. À l’Université de Genève, c’est tout l’inverse qui se produit: l’appel du vide a fourni à UniParty, en un semestre, un comité de plus de 30 personnes, subdivisé un 6 groupes de travail, avec une activité et réactivité étonnante par rapport au standard associatif. Le prétexte pour réunir était bon, et de ces réunions n’accouchent pas que des fêtes, mais une forme de conscience de la « communauté étudiante » qui sera je l’espère l’un des moteurs pour tous les autres projets ci-dessous La Page des Associations – Un agenda commun Il était fréquent que des associations organisent malencontreusement, leurs événements sur les mêmes dates. En septembre dernier par exemple, AMNESTY et EUFORIA eurent leur séance d’introduction et apéro de bienvenue à la même date. En avril, l’AED organisa une conférence sur l’affaire Megaupload simultanément à la conférence sur la création d’entreprise


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menée par la JEG, le GUIC et le CHEC. Les exemples ne manquent pas. Issu d’un groupe de travail né sur la même impulsion qu’UniParty, il s’agissait de créer un unique site, simple à utiliser et à consulter, afin d’avoir en un clin d’oeil l’agenda des événements de toutes les associations. À usage interne tout d’abord: Il est intéressant de savoir ce que font les autres associations et quand elles le fond, pour éviter les collisions ou simplement comme source d’inspiration. À des fins de communication envers le reste de la communauté universitaire par la suite. Le site sera largement diffusé dans les nouvelles volées dès septembre 2012. L’information, plus exhaustive, homogène et accessible, complétera les espaces d’affichages, les courriels « unilist » et la distribution de flyers. L’Agenda aura également le mérite de ne pas servir qu’aux événements mais également pour les AG ou autres réunions importantes. Le même support pour l’organisation et les fruits de l’organisation donnera une vue d’ensemble intéressante de l’activité des associations. Welcome Day’s – La réappropriation d’un moment clef Durant les 3 jours précédents le début des cours en septembre 2011, l’Université accueillait à UniDufour plus de 1500 têtes blondes et émerveillées devant les dimensions de l’Uni. Des pilotes étaient sur place pour répondre aux questions et des visites de la ville ont été organisées. C’étaient les premières « Welcome Day’s ». Les associations, souvent en pleine hibernation durant la période estivale, sont peu réactives à la rentrée. Certaines font un stand dans leur bâtiment ou un apéro de bienvenue la première semaine, d’autres ne fixent leur première réunion qu’après plusieurs semaines. Lors d’une réunion informelle entre associations, Raphaël Thézé, étudiant venu de Montréal et fondateur de l’AENS,

nous a parlé de son expérience làbas lors des « Frosh Week » (semaine d’accueil) où l’ambiance est à son paroxysme. La déception était évidente lors des Welcome Day’s en 2011. Une vingtaine d’associations sont tombées sur un consensus: Il faut se réapproprier la rentrée. Outre l’évidence qu’elle est un moment clef pour aborder les futures volées et faire connaître nos associations, il y a une forme de « coutume » ou de « responsabilité » d’accueil, parfois par des bizutages, qui est complètement perdue à Genève. Genève où actuellement rien n’indiffère plus une volée que la suivante. La machine est en marche, et la rentrée de septembre prochain sera sans doute pleine de surprises. Espaces Autogérés – Les lieux qui font la différence En septembre 2011 a ouvert également un espace autogéré aux abords d’UniMail, baptisé « Le Nadir ». C’est un lieu propice à la rencontre et à la discussion, tout comme la Datcha vers les bâtiments de Sciences, le MédicoBlaste dans le CMU, ou comme parfois à plus petit échelle lorsqu’un frigo, un canapé et une machine à café viennent compléter un bureau d’association. Ces espaces, constamment réappropriés par les individus qui les vivent, compensent la domination des surfaces vides, auditoires, couloirs, trop fonctionnelles et anonymes. Ils donnent du sens à l’expression « mon université ». C’est au MédicoBlaste qu’a eu lieu l’AG constitutive d’UniParty, la Datcha a été prêtée pour des soirées de formation ou d’information, et le Nadir a été un véritable quartier général pour des réunions de groupes de travail. Sans ces lieux, les rencontres nécessaires n’auraient pas eu lieu, la création de l’association et de l’événement non plus. L’AEL envisage actuellement de re-

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créer un espace équivalent vers les Bastions, bâtiment largement défavorisé pour l’instant. Un nouvel espace sera libéré le 2 juillet, il y a aura des travaux durant l’été puis il sera mis à disposition des associations dès septembre 2012, vers UniMail. Tenez-vous au courant ! À l’avenir, il faudra être attentif et revendicatif: Ces espaces sont le fondement de la communauté universitaire, il serait dommage que l’Université l’oublie. Il faudra également être motivé et soigneux: Ces espaces demandent une énergie considérable. Le jeu en vaut toutefois largement la chandelle. Informations en vrac L’AESMMS, qui nous a organisé une superbe journée sportive, risquet-elle de quitter Genève pour Lausanne en même temps que les études en sport ? Les possibilités pour renforcer le lien entre le monde du sport et l’Université de Genève sont multiples. En 2012 s’est créé également l’AGEDD, un collectif ouvert à tous qui a pour objectif de dégager des fonds pour le développement durable et de proposer des projets concrets à l’Université (poubelles de tri dans les bâtiments, simple exemple...). Une nouvelle association, « InteGREAT », a vu également le jour récemment et nous proposera sans doute un festival pour soutenir la multiculturalité à la rentrée de septembre. Pour illustrer les propos tenus plus haut sur l’importance des espaces autogérés, c’est au Nadir que j’ai rencontré à tout hasard l’organisatrice, des synergies avec les Welcome Day’s vont évidemment se mettre en place. Pour conclure, l’année 2012 marquerat-elle un tournant pour la communauté étudiante ? Oui, sans aucun doute


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Road to Khao San Si tu es un backpacker, tu vas à Khao San Road. L’un ne va pas sans l’autre. Cette rue au Nord-Est de Bangkok, autrefois typique, attire depuis déjà longtemps les touristes, ou plutôt les voyageurs (si la différence existe). La multitude recherchant une Asie glorieuse a transformé cette rue, les enseignes néon se sont multipliées de façons exponentielles. Le Las Vegas de Bangkok ? La question se pose. Mais ici les jeux d’argent se font dans des salles enfumées hors de la vue des touristes insouciants. Paul de Freitas temps dans la laborieuse Bangkok. C’est comme si les Thaïlandais avaient été chassés de ce lieu par quelque prédateur. Il faut donc attendre que celui-ci sommeille pour que les habitants locaux reprennent leurs droits. Livraisons, courriers, offrandes aux chats du quartier, … la vie semble retrouver son cours normal. Mais ce n’est qu’un sursis. A ce moment j’ai l’impression de voir les coulisses d’une fête qui continuerait depuis des années, le sentiment d’entrapercevoir la véritable âme de la rue. Cela reste cependant éphémère, la soudaine illumination du premier néon annonce la fête à venir. Peu à peu, la musique se fait entendre et, sortant de leur torpeur de la veille, les premiers fêtards font leur apparition. C’est le signe qu’attendaient les commerçants pour ouvrir leurs magasins, déplier leurs étals. Les écoliers qui jusque là jouaient au ballon disparaissent. Les chats abandonnent leurs croquettes pour rejoindre les bords d’un proche canal. Et soudain, comme si tout le monde s’était passé le mot, les foules se pressent dans cette petite rue. Des filles aguicheuses en robes moulantes sponsorisées par quelque marque de bière sortent de l’ombre pour essayer d’attirer à elles les badauds. Partout autour de moi des carrioles brinquebalantes couvertes de nourriture proposent de goûter des saveurs inédites. Cela va des nouilles sautées aux blattes géantes. Je me laisse aller à goûter des insectes. Je commence en douceur avec des larves frites qui ne sont pas sans rappeler le goût de certains de nos crackers occidentaux. Si je pousse le vice jusqu’à enchaîner avec quelques vers à soie, seuls les plus courageux oseront s’attaquer à une blatte géante.

Tel le Léonardo di Caprio des années 2000, débarquer dans cette mégalopole asiatique est une explosion. C’est une explosion des sens mais aussi de sens. Notre vie prend un autre chemin dans ces rues tortueuses qui conduisent forcément à un vendeur de grillons. On cherche tous le Bangkok d’autrefois. Or cette quête est vaine. Aujourd’hui si tu n’as pas d’iPhone tu es ringard, aussi bien à Genève que dans les contrées les plus perdues d’Asie.

Emporté par le flot de la foule je me retrouve face à l’un des multiples stands qui me propose d’acheter divers « papiers officiels ». Des cartes d’identités et des permis de conduire de toutes les nationalités n’attendent plus que ma photo. Je ne suis même pas étonné de voir

Dans cette ville, une rue fait parler d’elle plus que les autres, Khao San Road. Mondialement consacrée comme l’un des paradis des backpackers et autres voyageurs, elle doit sa notoriété à son inscription dans un guide de voyage dans les années 1980. En une vingtaine d’années, le nombre de guesthouses est passé de deux à une centaine, entraînant dans son sillage McDonald, Burger King, Starbucks Coffee et autres marques internationales pour satisfaire l’afflux de cette nouvelle clientèle. Mais comment Khao San Road vit-elle cette célébrité? Si la rue se réveille à la nuit couchante, la journée ne peut se défaire d’un sentiment de lendemain de fête. Alors que le soleil est déjà haut dans le ciel, Khao San Road peine à émerger, telle une bulle hors du

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Les infiltrés

que des titres universitaires se marchandent à prix d’or. Des masters d’Harvard ou de Cambridge côtoient du matériel électronique de provenance douteuse. Ici tout s’achète et tout se vend.

A faire : Profiter d’un Pad Thaï minute et d’une bière fraiche le long de Thanon Khao San

Les flashs discontinus des enseignes de tatouages et de piercing me proposent d’immortaliser dans le vif cette nouvelle expérience asiatique. Je suis loin de me douter que, au fond de l’une de ces tristes boutiques, se trouve un artiste primé aux championnats du monde de tatouages. Des cocktails, tous plus forts les uns que les autres, attendent ceux qui viennent ici pour faire la fête et oublier leur quotidien occidental. Des rangs de touristes allongés sur des chaises longues en plastique se font masser pour deux euros la demi-heure. Des groupes d’Allemands en chaussettes blanches côtoient les sarouels délavés de ceux qui ne sont jamais rentrés. On se laisse porter, flottant à demi éveillé. Est-ce là le paradis asiatique des backpackers ? Mais où suis-je ? Plus je m’enfonce dans cette rue, plus je sombre. Je me sais complice mais l’attrait du lieu reste plus fort. Son ambiance bon enfant fait qu’on veut bien lui pardonner ses frasques, peut-être même un peu trop facilement. Si ici je peux passer une bonne soirée et goûter à quelques spécialités édulcorées pour les besoins de la masse, ce n’est cependant pas à Khao San Road que je rencontrerai la « véritable » Thaïlande.

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A voir : La Plage réalisée en 2000 par Danny Boyle A lire : SØRENSEN Anders, Backpacker Ethnography, in Annals of Tourism Research, Vol. 30, n°4, 2003

Cette rue qui se veut la plus accueillante semble aussi être la moins authentique de la ville. La concentration des voyageurs l’a transformée à son image. Ici l’étranger est chez lui. Alors que tout est parti d’une simple guesthouse, aujourd’hui le Thaïlandais pourrait presque sembler hors-décor. On s’efforce de baragouiner quelques « sàwàtdi kràp » (bonjour) ou « korpkun kràp » (merci), mais à quoi bon ? Ici on parle anglais. Les Thaïlandais l’ont d’ailleurs bien compris. Cela fait déjà longtemps qu’ils n’habitent plus le quartier. Si ils y viennent encore c’est pour travailler et ainsi profiter de cette fructueuse industrie multinationale qu’est devenu le backpacking.

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Afternoons in Utopia Choderlos de Laclos, avec ses «Liaisons dangereuses», nous livrait des lettres trouvées dans une vieille malle poussiéreuse. 21ème siècle oblige, ce sont des mails retrouvés par hasard dans les dédales d’un ordinateur abandonné que je vous présente dans ce numéro d’International.Ink. Claire Camblain Hourra ! Mes problèmes informatiques sont résolus, il était temps. Nous pouvons désormais découvrir la suite des aventures e-mailiques de nos deux compères. From: tarteauxfraises@hotmail.com To: nouille0@hotmail.com Object RE : Réconfort parisien Merci Anouk pour tes encouragements toujours aussi guérisseurs. Lire tes mails adoucit le quotidien. Je sais bien que les propositions des médecins seraient sûrement bénéfiques, mais là est le problème. J’ai envie de guérir mais l’idée même de faire un pas en avant me tétanise. Cette ambivalence est très fatigante au jour le jour. Mais bon, parlons de choses plus légères. Mes grands-parents sont à la maison depuis samedi et ça me fait plaisir de les voir, c’est tellement rare ! Comme ils dorment dans ma chambre je dors dans celle de ma sœur et son lit double est très agréable, s’extirper du lit est donc encore plus difficile. Il m’est arrivée quelque chose de drôle cette semaine. J’avais gym en dernière période et avec deux amies, Julie et Sophie, on a trainaillé un bon moment à papoter dans les vestiaires. Tout d’un coup on s’est dit qu’après tout ce temps le prof avait peut-être fermé l’entrée principale et ça s’est avéré être vraiment le cas ! On a d’abord essayé de crocheter la serrure avec une épingle à cheveux mais on a essuyé un échec cuisant (tiens donc !). Du coup, je suis descendue avec Sophie dans les bureaux pour tenter de trouver une clé. Finalement c’est la concierge qui est venue nettoyer la salle de gym qui nous a libérées. Ca aurait été cool d’y passer la nuit, tu sais, comme dans les films où une bande de jeunes reste coincée dans un supermarché et chacun raconte sa vie. Ca, c’était le côté léger de la semaine. Hier soir j’ai été à mon cours de piano. J’étais fatiguée et je n’avais pas travaillé mes morceaux alors je n’avais pas envie d’y aller. En plus, ma prof que je connais depuis 7 ans perd les pédales et c’est assez désespérant et attristant. Bref, ça n’allait déjà pas fort mais il a en plus fallu que je rate mon bus pour aller chez le psy. A peine arrivée j’ai commencé à pleurer (évidemment). J’étais tellement exténuée, que ce soit à cause de la capoeira ou du manque de sommeil. Ma psy m’a proposé de m’allonger sur le divan et j’ai accepté. Normalement je le fais jamais, ça colle trop à l’image de la détraquée. Je lui ai raconté que je mangeais moins ces derniers temps et que je voulais à nouveau maigrir. On m’a toujours dit qu’on ne me laisserait pas devenir grosse mais ma mère ne m’a pas reprise quand je me servais un peu trop. Peut-être que je me suis sentie trahie. On m’avait dit de leur faire confiance mais en fait ils étaient seulement contents que je mange un peu trop bien. Je lui ai aussi raconté un rêve où je voyais plein de gâteaux et je les mangeais tous. Selon elle, je ne penserais pas qu’on puisse se faire plaisir avec modération et manger, pour moi, finirait toujours dans l’excès. Sinon, elle a aussi ajouté que je me définissais uniquement en fonction de ce que disent les gens et non par moi-même. Du coup, j’aurais besoin de trouver une façon sous laquelle on pourrait me percevoir et qui mettrait tout le monde d’accord (CQFD – la maigreur). Voilà voilà, la routine. Rien de nouveau sous le soleil. Je te laisse, j’entends « A table ! ». Gros bisous, Ton petit mouton qui a mal aux sabots après avoir tapé tant de touches From: nouille0@hotmail.com To: tarteauxfraises@hotmail.com Object Ich Vermisse Dich Enfin je trouve le temps de t’écrire ! Il faut dire que cela fait une semaine que je n’ai pas dormi toute seule et mon moment préféré pour écrire c’est le soir, lorsque tout le monde dort. Je pense que ta psy n’a pas tort lorsqu’elle dit que tu associes manger et excès. J’espère que le nouveau médecin qui te suit va te faire avancer. Il faut que tu t’y remettes. Tu sais aussi bien que moi que tu en es capable et que tu dois le faire. J’ai conscience que c’est facile pour moi de le dire et je suis désolée si je t’embête. Ne crois pas que je pense en savoir plus que toi. C’est simplement que j’ai très envie que tu ailles encore mieux. Je t’aime si fort. Pense à moi, à Hugo, à Guillaume : même loin de toi tu as des amis à qui tu manques et qui ont besoin de toi ! C’est loin d’être évident et tu as énormément de courage et de volonté pour affronter ta maladie au quotidien. Ici à Paris tout va très vite. Les revendications s’accumulent. Je manifeste 2 jours par semaine. Si seulement tu étais là avec moi je n’aurais pas ce besoin d’aller crier contre le gouvernement, je me sentirais plus sereine. Lise, j’espère que tu sens que je suis partout avec toi. J’ai besoin de toi. La distance n’a pas eu raison de nous et n’aura jamais raison de nous. Même si on ne peut pas se voir aussi souvent qu’on le voudrait je pense tout le temps à toi. Tu es ma référence dans plein de domaines, dans la vie en général. Je ferai mon possible pour venir te voir cette année, j’ai très envie de te serrer dans mes bras. Et puis, Paris-Lausanne, finalement c’est pas si loin ! Je vais rejoindre mon lit et mes peluches, Anouk

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Rue dandy

From: tarteauxfraises@hotmail.com To: nouille0@hotmail.com Object RE : Ich Vermisse Dich Coucou Nounouk ! J’espère que tu as bien reçu ton cadeau d’anniversaire et que tu prends plaisir à feuilleter cet album photo rempli de nos aventures. Hier, au téléphone, tu m’as dit que tu devais encore me raconter des nouvelles avec Cyril, ta famille, les maths et les communistes. Ne crois pas que tu vas t’en tirer comme ça, je veux tout savoir lors de notre prochain coup de fil ! J’ai l’esprit assez ambivalent ces temps-ci. Parfois je me surprends à manger une poignée de céréales en plus de mes 30g autorisés et parfois j’ai vraiment l’impression de régresser. Je me demande quand et comment le déclic se produira. J’ai le sentiment de pouvoir rester malade indéfiniment. Lundi, en rentrant de la capoeira, j’étais en tailleur sur mon lit et j’ai commencé à pleurer comme une baleine. Je ne devais pas être belle à voir (limite en train de baver)^^. Je ne sais pas trop ce qui s’est passé. Jeudi soir, rebelote. Cette fois j’en ai discuté avec ma maman. Elle pense que c’est pas si mal que je pleure et que je me pose toutes ces questions. Ca prouve qu’il y a du changement. Selon elle, si je veux en finir avec l’anorexie ça fera forcément mal. J’en ai vraiment marre de cette situation. C’est un calvaire au quotidien. Jamais de plaisir, jamais de repas entre amis, jamais de déprime avec un pot de glace au chocolat devant la télé. Tout cet être si figé, si glacial en fait. Je comprends pourquoi je suis seule, on dirait que j’ai pas de cœur, que je ne ressens rien. Toujours à vouloir atteindre la perfection. J’ai été chez le toubib ce matin et ce nouveau docteur comprend bien le problème. On voit qu’il veut que je m’en sorte. Conséquences : il dit des choses qui font mal car elles sont vraies. (Exemple : « si tu restes dans cet équilibre stable, mais quand même rempli de souffrances, le risque c’est que ça te suive tout ta vie. C’est pas une vie comme cela que tu veux, non ? »). Il pense, comme toi, que si je me focalise autant sur la nourriture c’est pour ne pas penser aux choses qui me font peur…devenir une femme, vivre. J’avais déjà entendu la même chose de ma psy lorsqu’elle m’avait dit que j’avais plus peur de la vie que de la mort car elle nous échappe. Je m’excuse de te balancer tout ça. Je ne veux pas que ma maladie nous empêche d’avoir des discussions d’ados attardées. Tu me manques Anouk. Plein de poutous ! Ton petit mouton qui sera toujours là au cas où tu aurais besoin d’une pelote de laine. Lecteurs, lectrices, Ce n’est pas aujourd’hui que nous connaîtrons le fin mot de cette histoire. A bientôt, dans le prochain numéro !

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Mort du pop art et pop du mot art

David Zagury J’ai appris la mort de Richard Hamilton en septembre dernier. Il était une des figures initiales du pop art. Certains disent que le courant tient son nom de l’inscription « pop » sur la sucette visible dans l’œuvre-mascotte d’Hamilton, Just What Is It That Makes Today’s Home So Different, So Appealing? de 1956 (voir ci-dessus). (D’autres disent que le terme « pop » était déjà visible dans une œuvre d’Eduardo Paolozzi de 1947). Au revoir papa, donc. Et cet événement sonne un peu comme un glas. Je ne vois plus de sucette, je ne vois plus de joujoux. Le pop art est mort. Il fallait enterrer le papa pour enfin pouvoir le dire. Enfin, on signalera — avec raison — que le pop art était un mouvement initié plus de cinquante ans en arrière, daté par définition, et donc certainement déjà mort dans au

Cyprien Gaillard, The Discovery of Recovery, mai 2011, KW Berlin

moins un sens du mot. Mais ce n’est pas à cela que je pense. Je ne pense ni au mouvement, ni même à l’esthétique, ni aux techniques (s’il y en a), ni aux couleurs, ni aux sujets. Mais à une attitude. Le pop art était gentil. Il a secoué la manière de créer usuelle des beaux-arts, et c’est un peu ce milieulà qu’il a titillé. Pour le reste du public, c’était des boîtes de soupe, des grandes bandes dessinées, des stars de cinéma. Gentil. Warhol a dit : « Si tu veux tout savoir sur Andy Warhol, regarde seulement la surface de mes peintures et de mes films et de moi, et me voilà. Il n’y a rien derrière. » Voilà qui ne nous embarrasse pas avec une recherche de sens. Doux. Après tout, bon débarras ? Le pop art aurait été tout simplement trop loin dans la légèreté, un peu trop profond dans la superficialité ? Trop

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de gentil nuit au gentil. Conclusion tentante. Mais ceux qui, dans cette saison de tempêtes économiques et d’institutionnelles austérités, veulent troquer contre l’esprit de sérieux un brin de pur divertissement voient bien gris dans les arts plastiques. Sur les cimaises, à perte de vue, je vois des réflexions, des critiques, des développements et des tentatives. Et puis des critiques, des Kritik et des critiques. L’artiste d’aujourd’hui serait aux avant-postes critiques, chargé de nous subvertir, au sujet de l’art même comme au sujet de tout, investi de la mission d’éclaircir (ou d’assombrir) notre vision du monde. Tout est très intelligent, ou alors très grave. Ou volontairement perturbant. Il me semble que plus personne n’ose le caprice absolu du pop. J’en cherche un seul qui renonce explicitement à s’adresser à mon cerveau, un seul


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qui soit inconséquent... Eh bien non. C’est cette atmosphère pesante d’intellectualisme qui fait croire à une mort du popisme. Le pop art était gentil. Très gentil. C’était peut-être un des mouvements artistiques les plus gentils de toute l’histoire de l’art. J’ai presque envie de célébrer ça, avec tout le respect que j’ai pour ce qui parvient à être inoffensif dans notre monde. Mais je m’en garde. Parce que c’est peut-être cette gentillesse qui nous a conduite au cynisme trop paternel que l’on connaît aujourd’hui. Les dessins de Keith Haring, trop présents, donnent envie ou bien de se pendre, ou bien d’aller relire le Régal des vermines. C’était tout cuit. Les artistes ont été acculés vers le désir de perturber leur public. Bien sûr, il y a de tout. Mais à penser global, on le sent bien, il y a un trend.

Allez au MAMCO et devant chaque œuvre, comme le petit enfant de Fellini qui dit « Asa, Nisi, Masa ! », dites « Pragmatique, Subversif, Opportuniste ! » Quel trend ? Isabelle Regnier, dans son papier du Monde au sujet du film Il n’y a pas de rapport sexuel — réalisé par Raphaël Siboni, un artiste contemporain qui, comme la plupart de ses contemporains, donne la part belle à la transmission d’un message fort et perturbant, mais qui par ailleurs, il faut le dire, a fait une chose remarquable avec le film. Il n’y a pas de rapport sexuel, un des objets de cinéma les plus intéressants depuis longtemps — a retenu mon attention par cette phrase (au sujet du hardeur HPG) : « cette manière de faire feu de tout bois relève aussi d’un pragmatisme subversif, parfaitement en phase avec son époque. » Madame

Regnier a tout dit. Faire feu de tout bois, c’est avéré ; pragmatisme, c’est plus que fréquent ; subversif, omniprésent. Ce trend de l’art contemporain existe bien, puisqu’elle l’a vu, et moi aussi, et qu’elle le met devant mes yeux : c’est un pragmatisme subversif opportuniste. Allez au MAMCO et devant chaque œuvre, comme le petit enfant de Fellini qui dit « Asa, Nisi, Masa ! », dites « Pragmatique, Subversif, Opportuniste ! » Un profond sentiment de vérité embaumera vos sens. Voilà le trend. Appelons-le par ses initiales, PSO. Et PSO est un peu partout. PSO est une formule qui marche. PSO excite un tas de monde. PSO est cette nouvelle pop, celle du mot « art », qui consiste à étiqueter tranquillement le mot art sur toutes les armes mi-esthétiques et mi-muettes de la subversion politique et psychologique. L’artiste sonne notre alarme, il est notre chien de garde, les oies de notre Capitole, il doit nous « réveiller de notre sommeil dogmatique ». Je pense par exemple à l’œuvre de Marina Abramovic présentée en mai 2011 au MoMA, qui consiste en l’artiste s’asseyant sur une chaise et le spectateur ayant le droit de s’asseoir en vis-à-vis et de la regarder droit dans les yeux jusqu’à ce que ce soit insupportable. Je pense par exemple à l’œuvre de Cyprien Gaillard, The Recovery of Discovery, qui consiste en une pyramide de packs de bière Efes (d’Ephèse) que le public détruit en buvant les bières et en s’asseyant sur les cartons, allégorie de la destruction des ruines de l’antiquité. (Warhol se serait contenté d’un seul carton, peu importe la marque, tant qu’il est joli). Je pense par exemple à l’œuvre de Thomas Hirschhorn, Touching Reality, montrée en mai 2012 au Palais de Tokyo, où l’on voit un doigt qui glisse sur une tablette électronique, laquelle montre des images de catastrophe humaine, le doigt zappant sans répit, réflexion sur notre rapport à la réalité et au drame. Je pense, je pense, mais je n’ai

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plus besoin de penser, je regarde et le PSO est partout. Quant à la pop, la vraie, ce sucre-glace, cet ice-cream, de profundis. Et la rumeur voulant que le pendu éjacule, le pop art a giclé dans notre monde un dernier vicaire, un avatar. Lady Gaga. À la fois icône et docteur ès iconologie, lectrice de The Philosophy of Andy Warhol et des Diaries of Andy Warhol, dont Laurent Goumarre n’a pas manqué — et d’autres avec lui — de souligner tout le voisinage d’avec la vision du king of pop art, qualifiant l’album The Fame de « programme de célébrité warholienne ».

La rumeur voulant que le pendu éjacule, le pop art a giclé dans notre monde un dernier vicaire, un avatar, Lady Gaga Revenons au PSO. Ce trend de l’art contemporain, pourquoi ? L’art contemporain, privé de prouesses techniques, se sent-il obligé de compenser avec de la sémantique ? De nos jours, il y a un présupposé louche au sujet de l’art. L’art aurait pour fonction de provoquer la réflexion. Je suis perplexe. Pour réfléchir, il y a plein de bouquins de philosophie. Si une œuvre joue d’exercices intellectuels, tant mieux, certainement. Mais cette conception de l’art comme un objet qui « pose des questions » demande à la fois trop et trop peu. « Poser des questions » aboutit naturellement à des œuvres qui paraissent imaginées en trente secondes et réalisées par un employé. Boum, voilà PSO. On exige de l’art qu’il nous dise quelque chose, et surtout au moins qu’il nous dise quelque chose (je pense à certaines écoles d’art), comme si la sémantique était une condition minimale. Mais c’est bien peu de choses s’il ne nous séduit pas. Toujours plus subversive, toujours plus sémantique, la création


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Marina Abramovic pendant la performance The Artist is Present (2011, MoMA), où les spectateurs, tour à tour, s’installent face à l’artiste pour la regarder face à face.

contemporaine nous montre une face toujours moins séduisante. Le magnétisme, c’est ce que maniait le pop art, mais qu’elle n’a plus. Sa nouvelle « pop » du mort « art » consiste à nous titiller le cerveau sans nous taper dans l’oeil. J’en viens à penser au texte Against Interpretation de la critique d’art Susan Sontag. Dans cet article de 1964, elle invitait à abandonner la conception de l’œuvre d’art comme objet à interpréter, pour lui substituer celle d’objet à ressentir. Elle écrivait : « Aucun de nous ne pourra jamais récupérer cette innocence, avant toute théorie, lorsque l’art n’avait pas besoin de se justifier, lorsqu’on ne demandait pas, au sujet d’une œuvre d’art, ce que celle-ci dit, parce qu’on savait (ou pensait savoir) ce qu’elle fait. » « L’interprétation est une revanche de l’intellect sur l’art. [...] Ce dont nous n’avons décidément pas besoin maintenant est d’assimiler davantage l’Art et la Pensée ». Elle optait pour un sensualisme et prônait

une critique d’art qui puisse « révéler la surface sensible de l’art sans le bricoler », nous invitant à « recouvrer nos sens ». Je me demande qui pourrait écrire une telle (merveille) chose aujourd’hui. Certainement pas ceux qui pensent que l’art doit « faire réfléchir ». Ils pensent généralement que l’art peut révolutionner les mentalités, changer le monde. Mais ce vent porte vers une création toujours plus suggestive, toujours plus subversive, mais toujours moins captivante. L’art se fait éthique de plus en plus, mais esthétique de moins en moins. Toutefois, contre mon propos sur le pop art, il y a une objection de taille. C’est le marché. L’artiste vivant le plus cher est Jeff Koons, qui se réclame ouvertement du pop art. Et Andy Warhol reste la vache à lait incontestée du marché de l’art avec, en 2010, des ventes pour un total de 313 millions de dollars, représentant 17% de toutes les enchères d’art

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contemporain. Bryan Appleyard appelait même Warhol « le dieu de l’art contemporain » dans Intelligent Life de décembre 2011. Et certes Koons est gentil. Il déclare qu’il ne fait « pas de critique », mais que son œuvre « souscrit à un état de notre histoire au moment présent ». Mais que dire si ce n’est que ceux qui sont au sommet des enchères ne sont pas ceux dont je parle. Je parle des forces vives, des jeunes qui sortent, des sélections des commissaires, et d’un trend dans ce milieu. « Enfin, je ne sais pas » (Kripke), après tout. Il reste que Richard Hamilton, le père du pop art, est décédé. Son collage, mentionné ci-dessus, était exposé à l’époque dans un programme intitulé « This is tomorrow ». Too bad. La gentillesse imbécile du pop art, c’était hier. Aujourd’hui, c’est très PSO. Demain qui sait ?


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Richard Hamilton, Just What Is It That Makes Today’s Home So Different, So Appealing ? 1956, Kunsthalle Tübingen.

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PORTFOLIO

Reportage photogrpahique réalisé par Valeria Mazzucchi, Palestine




2000 prisonniers palestiniens ont fait une grève de la faim durant 77 jours ce printemps dernier. L’un d’entre eux est mort. Pour eux, la grève de la faim a été le dernier moyen d’opposition face aux humiliations qu’ils subissaient dans les prisons israéliennes. Il s’agissait surtout de dénoncer la pratique courante des « détentions administratives » par lesquelles le gouvernement israélien emprisonne quiconque jugé « suspect » sans véritable procès ni chef d’accusation et ce pour une durée indéterminée, en violation flagrante de toutes les règles du droit international. Ultime cri pour leur dignité et pour celle de leurs enfants, leur lutte n’a rencontré que silence et indifférence auprès de la communauté internationale.



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Voyage

Hosça kalin Istanbul Chaque année l’AESPRI organise un voyage avec une thématique politique. Fin mars 2012, les amarres sont larguées, direction Istanbul cette fois, avec une quarantaine d’étudiants de Science politique et Relations Internationales. Impressions au retour et invitation au voyage. Anna Akhoun Murat

ta personne, de cet État immense. Nous pensons à ta politique, ton hyper président Erdogan adulé et controversé, tes minorités que tu cherches à dissimuler, et les quartiers «typiques», «traditionnels» que tu voudrais troquer pour ladite modernité, celle qui rime avec déconstruction du passé.

Byzance, Constantinople, Istanbul: trois dénominations, trois réalités historiques, culturelles et politiques. Tu nous as montré avec l’orientalisme que se doit ta pluralité. Hier Byzance puis Constantinople, chantre de l’Empire Ottoman, admirée pour ta beauté singulière, précieuse, enviée par les cités de cet ancien temps, tu es aujourd’hui Istanbul -tout aussi adorée et critiquée.

Ainsi, tu nous questionnes, nous tourmentes quelque peu, et tu m’intrigues. Comment ne pas être en même temps fascinée et inquiète? Ton essor économique mesuré par ton insolente croissance économique, narguant les pays européens les plus dynamiques, est applaudi. Mais à quel prix règles-tu ta performance? Les salaires sont très compétitifs, les petites gens et mains s’usant quarante-cinq heures par semaine, éprouvées par les rudes conditions de travail, de suite moins enviées.

Lorsque la majorité d’entre nous t’a découverte, ce fût sous ce soleil et cette fraîcheur de midi. Pour le reste du groupe, tu t’es dévoilée au crépuscule; mais d’entrée dynamique et bouleversante, par le trafic, sous les lumières, le vacarme assourdissant, le grouillement continu place Taksim, place centrale. Bref, tu nous as emporté dans ton flot, nous tenant en alerte. Nous désirions te découvrir. Tu t’es en partie mise à nu, nous révélant tes attraits, si différents. Istanbul l’orientale par ses monuments témoins d’une Histoire époustouflante, «riche», son désordre, ce bazar caractéristique, ses mets, ses musiques et danses. Mais également Istanbul l’européenne - au delà du territoire - par tes rues commerçantes, tes projets économiques bourgeonnant, florissant mais ne dépérissant pas d’une crise que tu ne sembles pas connaître, ton administration, entre autres...

Néanmoins, je me dois de nuancer mon propos au risque de faire fuir les futurs baroudeurs qui souhaitaient te rencontrer jusqu’alors. Tu sais avec audace nous subjuguer par tes atouts, et nous fait omettre, quelques instants, les revers de ce succès turc. Tu es multiple et complexe. Aussi étourdissante que le hammam à Cemberlitas, aussi sucrée, douce, que tes baclavas et autres kadayifs, et enfin ivre à l’image de la population plus ou moins jeune qui arpente ton emblématique rue Istiqlal, où les oiseaux de nuits s’envolent jusqu’à l’aube, revenant à une certaine auberge titubant, l’âme et le corps grisés.

Tu es, nul n’en doute, généreuse et chaleureuse à l’image de tes stambouliotes, mais aussi sournoise et rusée, tentant de mettre en lumière, dirigeant les projecteurs sur tes succès d’ordre économique fulgurants, mais passant sous silence les facettes sombres de ton prisme, de

*Au revoir Istanbul

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Brèves

Petit intermède étymologique

ἐτυμολογία Alexandre Petrossian De quelle région du monde antique est originaire le mot « ludique » ?

Cette religion aurait instigué les notions d’eschatologie et de démonologie aux religions abrahamiques. Les conceptions dualistes du Bien et du Mal ainsi que du Paradis et de l’Enfer sont aussi un héritage du Zoroastrisme ! Le mot Paradis vient donc de l’avestique pairidaeza, comme je l’ai dit précédemment, et signifie enceinte royale. Zoroastre aurait imaginé un paradis céleste répondant au paradis terrestre, qui était sans aucun doute pour lui les Jardins persans.

Fastoche me dira-t-on : du latin « ludus,i m. » voyons !! Et c’est tout à fait exact. Cependant, ce qu’il y a d’intéressant avec « ludus » c’est l’origine du mot latin ! Remontons donc le cours de l’Histoire pour arriver vers 2500 av. J-C. en Asie mineure. À l’époque l’Empire achéménide était en pleine expansion et venait d’assujettir Sardes, la capitale de la Lydie. Cyrus le Grand, fondateur de la dynastie des Achéménides, eut recours à un expédient pour éviter que le peuple lydien ne se rebelle : « il y établit des bordeaux, des tavernes, et jeux publics, et fit publier une ordonnance que les habitants eussent à en faire état. Il se trouva si bien de cette garnison que jamais depuis contre les Lydiens il ne fallut tirer un coup d’épée. Ces pauvres et misérables gens s’amusèrent à inventer toutes sortes de jeux, si bien que les Latins en ont tiré leur mot, et ce que nous appelons passe-temps, ils l’appellent LUDI, comme s’ils voulaient dire LYDI. » Voici ce que nous rapporte le grand écrivain humaniste du XVIème siècle Etienne de La Boétie dans son fameux Discours de la servitude volontaire

L’étymologie du mot « tabou » ? Lorsque le fameux navigateur britannique James Cook revint de son périple polynésien en 1777, il rapporta avec lui un nouveau mot « taboo ». En effet, le « tapu » selon la prononciation tonguienne (des îles Tonga) signifie « interdit de caractère religieux lié au caractère sacré ou impur de quelque chose ou de quelqu’un (chez les peuples d’Océanie) » (Troisième voyage de Cook, ou Voyage à l’océan Pacifique). Par exemple, un lieu « tapu » ne doit pas être approché, les tombes des ancêtres sont « tapu », même une personne peut être « tapu » ! Elle ne peut donc être touchée et tout ce qu’elle touche devient également « tapu ». Violer un « tapu » entraîne, d’après les croyances religieuses polynésiennes, un châtiment de l’ordre du surnaturel de sorte qu’une personne qui aurait abattu un arbre « tapu » tomberait malade ou mourrait.

Quelle est l’origine du mot « Paradis » ?

L’origine du mot « banqueroute » ?

On aurait tendance à penser que ce mot viendrait de l’araméen, de l’hébreu ou bien du grec vu qu’il se trouve dans la Bible. Eh bien ça n’est pas le cas !! En réalité ce mot vient de l’avestique, une langue iranienne ancienne datée du IIème millénaire av. J-C. Cette langue est principalement utilisée dans le livre sacré des Zoroastriens, l’Avesta. Vous allez me rétorquer quel lien entre le mot Paradis et le Zoroastrisme ? Je vous répondrai patience, patience, n’allons pas vite en besogne… Le Zoroastrisme, dont le prophète est Zarathushtra pour les puristes ou bien Zoroastre pour les hellénisants, fut la religion officielle de la Perse pré-islamique. Le Zoroastrisme est généralement considéré comme la première religion monothéiste de l’Histoire.

« Banca rotta » voici l’expression utilisée par les banquiers lombards qui faisaient faillite au Moyen-Âge. Mais d’où vient donc cette expression ? À l’origine, les financiers se tenaient derrière la « banca » qui était une planche de bois garnie de cases et permettant de changer les monnaies avant d’entrer dans une ville. Néanmoins, quand le banquier n’était plus en mesure de régler ses dettes, on le déclarait « fallito » (en faillite) il ne pouvait donc plus exercer son métier. Dès lors, le banquier devait casser sa « banca » à l’aide d’une hache pour montrer au reste de la population son interdiction d’exercer toute activité financière. En tout cas, si cette coutume existait toujours la demande en hache aurait explosé !

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Tout-doux liste -Se demander pourquoi le verre brisé à un goût de sang. Perdre du temps à convertir de l’oxygène en dioxyde de carbone toute la journée. -Se sentir plus déprimé qu’un nain avec un yoyo. -Crier des nombres au hasard quand quelqu’un est entrain de compter. -Monter les escaliers comme un gorille, parce que c’est plus facile comme ça. -Quand un ami signale que le seul aliment qui le fasse pleurer est l’oignon, le frapper au visage avec une pastèque. -Découvrir que l’endroit le plus sûr pour cacher un corps est la deuxième page des résultats de Google. -Aimer sa petite amie très fort mais espérer quand même que ses prochaines règles arrivent en immersion dans un bassin de requins. -Remarquer que dans les magasins de sous-vêtements il n’y a jamais de calendrier avec des photos de garage. -Se déguiser en vampire pour l’Escalade. Faire peur aux filles en suçant leurs tampons. -Frapper son gosse avec un bottin pour ne pas laisser de traces quand on l’amène à la DDASS. -Se faire renvoyer d’une partie de lasertag sous prétexte qu’il est «interdit» d’utiliser un couteau pour économiser ses munitions. -Se trouver plus confus qu’un clochard recevant une assignation à domicile. -Se demander combien de temps met une girafe pour vomir. -Texter «j’ai caché le corps» à des numéros au hasard. -Tousser devant les fumeurs pour les culpabiliser. Puis leur proposer une cigarette. -Surfer sur Youporn et cliquer par inadvertance sur le bouton «recommander sur Facebook» -Avoir père, mère et tantes en amis sur Facebook. -Se faire encourager à poursuivre ses rêves. Obéir en se recouchant. -Mourir tranquillement dans son sommeil, comme son grand-père, et non hurlant et pleurant comme le reste des passagers de la voiture. -Acheter des capotes à la Migros. Se faire proposer un sac et rétorquer désoeuvré «Non merci, elle est pas si moche». -Tirer la chasse chez un ami. Voir l’eau remonter. Partir comme si de rien était. -Intégrer le leadership program de l’AIESEC apprendre des chorégraphies par coeur pour améliorer son team spirit de façon inversement proportionnelle à son sex appeal. -Etre convaincu que si lundi était une fille de notre enfance, ce serait la petite rousse au fond de la classe qui aime les chevaux et rappelle à la maîtresse les devoirs à rendre. 1) Faire une to-do list 2) cocher le premier élément de la liste 3) réaliser qu’on a déjà achevé deux éléments de la liste 4) s’accorder une sieste. -Protéger son domicile comme sa boîte mail: «Police ouvrez la porte!» - «Le mot de passe d’abooord» - «12345?» - «Et merde!» -Pour ne pas se faire embrouiller dans la street: remplir une bouteille vide d’Ajax vitre avec du Gatorade bleu. Déambuler dans la rue en le sirotant. -Capturer un Blood ou un Crip pour s’assurer qu’on imite correctement les signes du gang. Wesssside! -Essayer de lancer des pastilles à la menthe dans la bouche cariée de l’assistant de statistiques. -S'inscrire au collectif Datcha pour faire chier le monde et taper dans les caisses de la CUAE. -Faire un rêve étrange. Etre nu, recouvert de billets de banque et se

faire palper par Bernard Morard. -Etre fier de montrer à ses codétenus son tout nouveau savon Le Petit Marseillais au miel d’Acacia que nous a envoyé notre maman. Comprendre l’envergure du terme désillusion. -Intégrer le leadership program de l’AIESEC pour enfin parler un anglais qui sent bon le KFC et les dessous de bras corporate. -Etre attristé qu’aujourd’hui, un SDF mort de froid n’est plus qu’un fait d’hiver. -Acheter de la coke à un dealer de l’Usine, se bourrer la gueule dans un bar branché, uriner dans les toilettes du personnel et se battre avec un barman, bref, faire la fête comme un vrai PLR quoi. -Donner à son gamin un matelas électrique pour qu’il arrête de pisser au lit. -Savoir qu’un jour le frigo se vengera. Ouvrira la porte de la chambre toutes les cinq minutes, en nous observant en silence avant de la refermer et de partir. -Découvrir qu’on est vraiment paresseux quand on se réjouit des soirées annulées. -Assumer que la taille des pieds est proportionnelle à la taille du pénis. Comprendre que sa peur des clowns est légitime. -Capturer un membre du cartel mexicain Los Zetas pour vérifier s’il est chatouilleux sous les aisselles. -Utiliser des mots compliqués pour avoir l’air intelligent en soirée. Enfin je veux dire, ébaudir un péquin valétudinaire et vérécondieux avec des vocables borborygmatiques, ce dès potron-minet. Et si tu me réponds, je m’en vais te raccoiser, dameret bégueule à la carnation hydrophane et nitescente, ton tarin infundibuliforme est idoine à l’imputrescible discrépance de ta voix qui m’incague dans mon alacrité. -Hé essaye ça marche vraiment! 1) retiens ton souffle pendant 7 minutes 2) meurt... -Gratter l’intérieur de son oreille avec le doigt pour reproduire le son de Pac-Man -Voir une pancarte qui fait pisser de rire. WC Hors service. Dammit! -Eviter la gueule de bois du lendemain matin. Verser 25 cl de Jack Daniels dans ses Corn Flakes. -Attendre le bon moment pour s’insérer dans une conversation. Se faire interrompre. Deux fois. -Jeter des objets sur les gens et faire comme si de rien n’était. -Se faire larguer par son/sa mec/meuf. Comploter secrètement afin qu’il marche sur un Lego, dans le noir. -Réaliser qu’on vieillit quand nos amis ont des enfants volontairement. -Puis regarder les gens et se dire: «vraiment, sur 250 millions de spermatozoïdes, c’est celui là qui a gagné». -Et se rendre compte que la vie est comme une boîte de chocolat. Elle ne dure pas très longtemps pour les obèses. -Bref, toute cette logorrhée pour vous signaler d’avance que mes derniers mots seront ceux-ci: «Tiens ma bière et regarde ça!»

«Ce qui ne te tue pas te rend plus petit» Mario Clash de stars « Je est un autre » Rimbaud - « L’enfer c’est les autres » Sartre S’il vous plaît, en partant, laissez l’Etat dans les toilettes où vous l’avez trouvé.

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Brèves

Brèves d’amphis Claire Camblain

Oris : « Avec la disparition du mur entre la vie publique et la vie privée nous nous retrouvons avec une Loana qui se fait sauter dans la piscine. »

Professeur : « Faire du shopping est une fonction économique d’un voyage dans une ville »

Lévy :

Etudiante :

« Je vous laisse faire une relation phénoménologique avec le repas de midi. »

« ça peut être thérapeutique aussi. »

Fontignie : « Le fait que le diamant que je vous montre soit très petit ça veut dire que…nous n’avons pas de moyens. »

Oris : « Si je mets une petite annonce en disant que je suis petit et chauve, ça ne va pas marcher. Il faudrait plutôt mettre : bonne position et humour. »

Professeur : Assistant :

« Y’a-t’il des lieux sur la plaine de Plainpalais ? – Réponse – Ah non, attendre le bus, pas du tout !

« Vous vous rappelez tous ce qu’est une échelle de mesure, hein ?

Etudiante :

Masse estudiantine : …….....

« non, j’ai dit le marché aux puces !! »

Assistant : « Vous me faites peur. »

Lévy : « C’est pas jojo la gare d’Olten. »

Professeur : « Le passage Mathurin-Verdier c’est un des rares lieux encore géopoétique à Genève. Dans le silence, la nuit, sous la pluie, c’est un lieu… Etudiante : « ...à se faire violer ».

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