pharma:ch 1/2014: santé et croissance économique

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1/14 Marché et politique

pharma:ch Santé et croissance économique: une combinaison attrayante Le progrès médical est un facteur essentiel de la prospérité de notre société. Bien des douleurs et des souffrances sont soulagées, voire évitées. Nous vivons plus longtemps et restons plus longtemps en bonne santé. Les architectes de cette évolution réjouissante sont les chercheurs, les médecins et le personnel soignant, les hôpitaux, le génie médical et l’industrie pharmaceutique. L’économie de la santé, en tant que l’une des principales branches, contribue considérablement à la croissance économique. Aujourd’hui en Suisse, un nouveau-né a une espérance de vie de 83 ans, soit plus longue que dans tout autre pays. Mais nous ne vivons pas seulement plus longtemps, nous restons aussi plus longtemps en bonne santé. Cette évolution se fonde sur des progrès médicaux extraordinaires et sur un système de santé comptant parmi les meilleurs au monde. L’industrie pharmaceutique y apporte une contribution importante. De nouveaux médicaments et traitements contribuent notablement à l’amélioration de la qualité de vie de nombreux patients et patientes. Ils accroissent les chances de survie et de guérison. Certains médicaments ont même fait largement reculer la mortalité de groupes entiers de patients, par exemple dans le cas du sida ou de la leucémie. Le progrès médical s’est aussi accompagné d’une évolution économique. En Suisse, 351 000 personnes travaillent dans l’économie de la santé, y compris l’industrie pharmaceu-

Cette position économique exceptionnelle ne va pas de soi.

tique, soit plus que dans le commerce de détail ou dans la

Et il ne va pas de soi qu’elle se maintienne. A cet effet, il faut

construction. Dans le contexte des efforts d’amélioration de

que les entreprises déploient des efforts considérables car

la qualité du système de santé pour le bien des patient(e)s,

la concurrence n’est pas en reste. Mais il faut aussi les

l’économie de la santé va rester à l’avenir une branche en

meilleures conditions cadres pour la place de recherche

pleine croissance. Ce faisant, les Suissesses et les Suisses

qu’est la Suisse. Par son paquet de mesures visant à dé-

bénéficient non seulement de prestations médicales qui

fendre cette position de pointe de la recherche et de la

s’améliorent continuellement, mais la Suisse est aussi en

technologie biomédicales, le Conseil fédéral a exprimé sa

tête en matière de recherche et de développement à l’éche-

volonté d’encourager la situation fructueuse unique au

lon mondial. Les branches hautement novatrices que sont

monde de notre pays qui bénéficie du voisinage et de la

l’industrie pharmaceutique et le génie médical sont très ap-

collaboration d’excellentes hautes écoles et d’entreprises

préciées également à l’étranger. De ce fait, l’industrie phar-

leaders. Mais pour le moment, le fait est que, depuis des

maceutique est la principale branche d’exportation suisse.

années, la recherche clinique est en recul en Suisse.


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La santé: facteur économique de poids malgré elle L’augmentation des coûts de santé et la hausse des primes des caisses-maladie qui en découle régulièrement sont en Suisse une thématique récurrente. Mais le débat tourne trop souvent uniquement autour des coûts. Les bénéfices pour les patients et l’importance du système de santé en tant que facteur économique pour l’ensemble du pays sont trop souvent oubliés. Grâce aux progrès de la recherche médicale et de l’indus-

ils peuvent faire baisser les coûts, par exemple en rédui-

trie pharmaceutique, nous vivons aujourd’hui non seule-

sant la durée d’hospitalisation, voire en permettant de se

ment plus longtemps, mais nous vieillissons également en

passer de certaines opérations chirurgicales. Des études

meilleure santé. L’évolution démographique est l’histoire

démontrent que les nouveaux médicaments sont, avec un

du succès de la médecine et de la recherche. Elle a eu

mode de vie plus sain, les principaux agents de l’allonge-

pour conséquence que le système de santé (y compris

ment de l’espérance de vie.

l’industrie pharmaceutique) est devenu la principale branche économique de la Suisse, avant la construction et le commerce de détail. Les débats de politique de santé orientés vers les coûts

Les médicaments novateurs sont plus chers, mais au bout du compte, ils peuvent faire baisser les coûts.

négligent trop souvent les bénéfices apportés par les nouvelles méthodes de traitement. Les nouveaux médica-

Même si les percées médicales révolutionnaires sont

ments abrègent la durée ou soulagent les symptômes des

rares, des améliorations notables ont été accomplies dans

maladies, ce qui apporte aussi des avantages écono-

différents domaines ces dernières décennies. Dans les

miques. Les médicaments novateurs sont certes plus

années 1980, par exemple, l’épidémie de sida représentait

chers que leurs prédécesseurs, mais au bout du compte,

une menace majeure car la maladie était incurable. En

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SANTÉ ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE

1994, près de 700 personnes sont décédées du sida en

Mais l’allongement de l’espérance de vie a aussi son re-

Suisse. Entre-temps, grâce à des travaux de recherche

vers: avec l’âge, le risque de démence, de maladie

intensifs, des médicaments capables de maîtriser la mala-

d’Alzheimer et de cancer augmente. D’après une étude de

die ont été développés. Il existe aujourd’hui plus de 50

l’Association Alzheimer Suisse, au moins 100 000 per-

médicaments contre le sida. De ce fait, la mortalité a dimi-

sonnes sont actuellement atteintes d’une démence dans

nué, atteignant 12 décès enregistrés en 2011. Un autre

notre pays. D’ici 2050, ce chiffre devrait tripler et atteindre

exemple est celui de l’asthme (5% des adultes, 10% des

alors 300 000.

enfants). De nouveaux médicaments bronchodilatateurs réduisent le nombre de cas d’urgence et améliorent consi-

Or, il n’y a pas encore de médicament en vue capable de

dérablement la qualité de vie des personnes touchées.

combattre la maladie d’Alzheimer à la racine. Les médicaments actuels retardent la progression de la maladie, mais

Même dans le cas d’une maladie aussi répandue que le

ils ne peuvent pas réparer les neurones détruits dans le

cancer, la recherche a accompli des progrès considé-

cerveau. La maladie d’Alzheimer est d’origine complexe

rables. Environ la moitié des cancers sont aujourd’hui

et elle modifie le cerveau par des voies qui ne sont pas

curables, surtout lorsqu’ils sont détectés précocement et

encore entièrement connues. Cependant, des cher-

donc plus faciles à soigner. Les progrès sont particulière-

cheuses et chercheurs du monde entier s’efforcent d’éla-

ment réjouissants s’agissant des enfants atteints de can-

borer des substances actives ayant une influence positive

cer: alors que dans les années 1970, on ne parvenait à

sur l’évolution de la maladie. L’objectif doit être que les

guérir que 40% des enfants concernés, on en guérit au-

nouveaux traitements permettent aux personnes tou-

jourd’hui les trois quarts. Dans le cas du cancer du sein

chées de mener une vie autonome aussi longtemps que

également, les progrès du dépistage précoce et les subs-

possible, voire empêchent complètement la maladie de

tances actives modernes ont permis de faire baisser le

se déclarer.

taux de mortalité d’environ 30% depuis une vingtaine d’années. S’agissant des tumeurs malignes du système

La signification du système de santé dans son ensemble

lymphatique («lymphomes non hodgkiniens»), de nou-

en tant que facteur économique va encore augmenter à

veaux médicaments ont abouti à une réduction de près

l’avenir. Dès aujourd’hui, le secteur de la santé (système

de 50% du risque de décès.

de santé et industrie pharmaceutique) compte en Suisse environ 351 000 employé(e)s, ce qui signifie qu’une per-

Environ la moitié des cancers sont aujourd’hui curables, surtout lorsqu’ils sont détectés précocement. En résumé, retenons les points suivants: une personne malade entraîne non seulement des coûts pour guérir,

sonne active occupée sur douze travaille dans ce secteur. Dans un avenir proche, le système de santé devrait devenir le principal employeur de notre pays.

Dès aujourd’hui, le secteur de la santé compte environ 351 000 employés.

mais aussi des coûts indirects tels que pertes de productivité en raison des absences au travail, soins informels

Ce faisant, l’innovation pharmaceutique est le moteur de

dispensés par les proches ou les amis ainsi que perte de

la compétitivité et de la croissance économique. L’indus-

temps libre. Les nouveaux médicaments contribuent à

trie pharmaceutique pratiquant la recherche est directe-

réduire les frais de maladie. Un bilan d’ensemble peut

ment ou indirectement responsable de près de 170 000

donc révéler que des dépenses plus élevées pour la santé

emplois en Suisse. En 2013, elle a réalisé un excédent

sont rentables parce qu’elles limitent en contrepartie les

d’exportations de plus de 37 milliards de francs. Rien

frais à l’échelle de l’économie globale.

qu’en Suisse, les entreprises membres d’Interpharma investissent chaque année plus de 6 milliards de francs dans la recherche et le développement, alors même que leur chiffre d’affaires dans notre pays n’est que d’environ 1,2 milliard.

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SANTÉ ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE

Le site de recherche suisse doit rester en tête au niveau mondial La recherche et le développement de nouveaux médicaments sont devenus beaucoup plus onéreux parce que ces activités requièrent un travail de plus en plus complexe. Depuis quelque temps, les vastes essais cliniques sont en recul en Suisse. Pour conserver la compétitivité de la place de recherche, nous avons besoin de réformes et d’améliorations des conditions cadres. Sans quoi notre pays risque de perdre sa position de pointe à l’échelon international. 4

Pour commencer, voici quelques faits sur l’importance du

• Par rapport à son nombre de personnes actives, la

site pharmaceutique et scientifique qu’est la Suisse:

Suisse dépose plus de brevets pharmaceutiques que la

• Depuis la crise financière, les exportations de produits

moyenne auprès de l'Office européen des brevets. Elle

pharmaceutiques ont nettement augmenté. En 2013,

n’est dépassée que par le Danemark.

elles se montaient à 66 milliards de francs, soit environ un tiers du volume des exportations de la Suisse.

Mais avant de pouvoir déposer un brevet, le chemin est long. En outre, la recherche pharmaceutique comporte

• En chiffres corrigés de l’évolution des prix, l’industrie

des risques considérables. Bien souvent, les efforts ne

pharmaceutique a augmenté sa valeur ajoutée depuis

sont pas couronnés de succès car une efficacité insuffi-

1990 de 3,3 milliards de francs à 20,3 milliards de

sante ou des effets secondaires sérieux n’apparaissent

francs. Ceci représente une croissance annuelle de

que dans le cadre d’essais cliniques complexes et

près de 9%. L’industrie pharmaceutique s’est donc dé-

onéreux. Sur 10 000 substances, 20 seulement parvien-

veloppée de manière nettement plus dynamique que

nent à la phase préclinique. Sur celles-ci, elles ne seront

l’économie globale.

plus que dix à atteindre la phase clinique, au cours de laquelle on vérifie l’efficacité, la tolérance et la sécurité

• En 2012, l’industrie pharmaceutique employait 39 500

d’un nouveau médicament. La phase clinique, c’est-à-dire

personnes. Plus de 130 000 personnes (y compris les

un processus en trois étapes avec des volontaires en

fournisseurs) travaillent directement ou indirectement

bonne santé, de petits groupes de patients, puis de plus

pour l’industrie pharmaceutique.

grands groupes de patients, représente donc la plus grande part des coûts (36%). Mais même à la phase III,

• L a productivité nominale du travail se montait en 2012

les chances de succès sont encore relativement faibles.

à quelque 488 000 francs, supérieure donc d’un facteur

La recherche sur de nouvelles substances actives repré-

3,9 au chiffre de l’économie globale qui est de 124 000

sente un cinquième de l'ensemble des coûts.

francs. Entre 1990 et 2012, la croissance annuelle moyenne de la productivité du travail était de 5,3% (env. 2% par an dans l’économie globale). • Les entreprises membres d’Interpharma investissent

Les produits pharmaceutiques représentent environ un tiers du volume des exportations de la Suisse.

quelque 6 milliards de francs par an dans l’activité recherche et développement en Suisse, soit environ 34%

Le processus de recherche et de développement d’un nou-

de l’ensemble de leurs dépenses de recherche.

veau médicament étant très long et onéreux, la protection conférée par les brevets revêt une importance capitale. Un

• En comparaison internationale également, l’industrie

brevet protège une invention pour 20 ans. Pendant cette

pharmaceutique investit plus que la moyenne dans l’ac-

période, l’inventeur bénéficie d’un droit d’exclusivité limité

tivité recherche et développement. En 2013, Novartis et

pour l’exploitation de son produit à des fins commerciales.

Roche comptaient parmi les dix premières entreprises

Sans la protection conférée par les brevets, les investisse-

mondiales pour ce qui est de la valeur absolue de leurs

ments privés dans la recherche sur des médicaments se­

dépenses pour la recherche et le développement (c’est

raient sans intérêt. En d’autres termes, la protection par

Volkswagen qui est en tête). Si l’on rapporte ces dé­

brevets représente une incitation à l’innovation dont nous

penses au chiffre d’affaires global, Roche est en tête

avons tous tant besoin. C’est l’innovation qui permet à la

avec 21%, Novartis arrive en quatrième position.

Suisse de défendre sa réputation de pays le plus compétitif.

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Mais vu le net recul de la recherche clinique en Suisse,

les structures et les formes de coopération entre les uni-

notre pays risque de prendre du retard. Tandis qu’en

versités, l’industrie, les centres régionaux et les centres

2004, on comptait encore environ 400 essais cliniques

cantonaux. Il faut également intensifier la coopération

réalisés dans notre pays, ce nombre a baissé pour ne plus

entre la recherche universitaire et l’industrie.

atteindre que 205 en 2013. Divers facteurs en sont responsables: petit nombre de patients, processus décentra­

Les améliorations déjà entrées en vigueur par voie d’or-

lisés de longue haleine et déplacement vers de nouveaux

donnance doivent à présent être mises en œuvre dans la

pays. Ce recul est néfaste pour les patients et porte at-

pratique. Il s’agit essentiellement d’accélérer les proces-

teinte à la qualité de la médecine. Par conséquent, l’indus-

sus d’autorisation des essais cliniques ainsi que l’inscrip-

trie pharmaceutique aurait souhaité que le Conseil fédéral

tion des nouveaux médicaments dans la liste des spécia-

adopte des incitations à la recherche dans le domaine de

lités. Ceci permettra d’assurer un accès plus rapide des

la propriété intellectuelle dans le «Plan directeur pour le

patient(e)s aux médicaments novateurs. En résumé, on

renforcement de la recherche et de la technologie biomé-

peut dire que, par son Plan directeur, le Conseil fédéral a

dicales» qu’il a adopté à la fin de l’année passée.

reconnu la nécessité de revitaliser la place scientifique et pharmaceutique suisse.

Des éléments positifs sont le principe de la commission directrice pour ce qui est des commissions d’éthique, la limite de 60 jours inscrite dans la loi et la réalisation efficace de ses tâches par Swissmedic. Le Plan directeur va dans la bonne direction pour ce qui est d’améliorer la qualité de la formation des médecins dans les universités et les cliniques. D’autres approches positives à noter sont celles visant à créer un environnement régulateur qui encourage au lieu de freiner. Il est indispensable d’améliorer

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SANTÉ ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE

L’industrie pharmaceutique, quant à elle, a la volonté de

tants pour la branche en termes de compétitivité sont une

continuer à miser sur le site suisse et à investir dans la

haute qualité de la formation dans les établissements sco-

recherche et le développement. Elle considère le Plan di-

laires, la formation professionnelle et les universités ainsi

recteur comme une profession de foi pour la poursuite du

que l’accès à du personnel spécialisé hautement qualifié

dialogue et pour la nécessité de renforcer l’échange entre

originaire de notre pays et de l’étranger.

les groupes d’intérêts. Par ailleurs, d’autres points impor­

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Pourquoi la transparence ne saurait être absolue La recherche sur le sida dans les années nonante est l’his-

2. L’intégrité des systèmes de régulation. La respon-

toire d’un succès médical qui a été rendu possible par la

sabilité de l’autorisation de mise sur le marché de nou-

coopération transparente des entreprises pharmaceu-

veaux médicaments incombe aux autorités officielles du

tiques pratiquant la recherche. Elles ont échangé leurs

médicament et non aux entreprises ou aux réseaux de

molécules en cours d’élaboration afin d’accélérer la dé-

scientifiques. Vu la concurrence acharnée entre les cher-

couverte de combinaisons de médicaments efficaces. De

cheurs et la tendance croissante à une publicité rapide et

ce fait, le VIH/sida ne se guérit certes toujours pas, mais

aux gros titres aguicheurs, la publication complète des

peut se soigner comme une maladie chronique. Le taux

données brutes d’essais cliniques présenterait plus d’in-

de mortalité a énormément diminué.

convénients que d’avantages.

Ce qui était alors nouveau et exceptionnel est aujourd’hui

3. La protection des «données commerciales confi-

une pratique courante. Pour obtenir des données perti-

dentielles». Lorsqu’on investit plus d’un milliard de francs

nentes, on a besoin de grands nombres de patients, ce

dans le développement d’un nouveau médicament, on a

qui requiert de collaborer. C’est la «médecine personnali-

droit à l’exclusivité des données. Cela sert à éviter que des

sée» qui a forcé cette ouverture. Elle se sert de biomar-

resquilleurs ne s’approprient les données pour en tirer

queurs qui indiquent quels groupes de patients répondent

profit.

à un certain médicament. Elle a par conséquent besoin d’autant de données que possible.

Cependant, l’industrie a tiré des leçons de la recherche sur le sida et elle reconnaît entre-temps qu’il faut qu’elle

En dépit de ces succès de l’ouverture progressive, la re-

informe plus ouvertement sur ses essais cliniques. Des

vendication de transparence absolue va trop loin. Ce pour

principes communs en ce sens ont été adoptés l’année

trois raisons:

passée par les organisations faîtières des entreprises pharmaceutiques pratiquant la recherche aux Etats-Unis

1. La problématique de la protection des données.

et en Europe. L’accès élargi aux données combiné au pro-

En particulier dans le cas des médicaments hautement

grès technologique et à la «médecine personnalisée» peut

novateurs, il existe un risque que les patients puissent être

aboutir à de nouvelles approches thérapeutiques. Or, ceci

«réidentifiés», par exemple en effectuant des recoupe-

est dans l’intérêt de tous: patients, médecine et entre-

ments avec les données accessibles dans les médias

prises pharmaceutiques pratiquant la recherche.

sociaux.

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INTERVIEW

D r méd. Conrad E. Müller CEO de l’Hôpital universitaire des enfants des deux Bâles (UKBB)

Où en est la recherche clinique

rités, par exemple nos enfants, soient protégées et que

en Suisse?

la recherche les prenne en compte. Pour être compétitifs

Actuellement, la courbe est

au niveau international, il faut aussi un environnement

ascendante. Dans le contexte

favorable: les groupes de recherche doivent avoir accès

de la faiblesse de la recherche

à des spécialistes, mais aussi à des institutions de re-

clinique depuis des dizaines

cherche disposant de plates-formes scientifiques et des

d’années, le Conseil fédéral, le

appareils les plus modernes. Une recherche de niveau

Fonds national suisse, la

mondial n’admet pas de barrières à l’intérieur de la

Conférence des Recteurs des

Suisse. Au niveau international, il ne faut pas faire obs-

Universités Suisses (CRUS)

tacle à l’accès des talents étrangers. Les prestataires de

ainsi que les hautes écoles et

services en clinique, les chercheurs cliniques et les spé-

les instituts ont pris des me-

cialistes en recherche fondamentale doivent se mettre en

sures pour renforcer la recherche médicale. Un exemple

réseau et collaborer. De même, la «trinité» composée des

en sont les réseaux tels que les Clinical Trial Units: en

chercheurs cliniques en tant que prestataires de ser-

pédiatrie, les essais cliniques sont maintenant regroupés

vices, des enseignants et des scientifiques ne doit pas

au sein du Swiss PedNet à l’échelle du pays. Cela permet

déboucher sur des conflits d’intérêts. Enfin, il faut encou-

de réaliser des études multicentriques répondant à des

rager notre relève scientifique.

normes de qualité sévères dans toutes les disciplines pédiatriques. Cependant, on manque encore de cher-

Quelle est ce faisant la place de la collaboration avec l’in-

cheurs cliniques familiers aussi bien de la biomédecine et

dustrie pharmaceutique?

de l’épidémiologie que du tableau clinique des maladies.

Très importante. A Bâle, nous avons un excellent cluster d’entreprises pharmaceutiques, et il convient de nous

Comment la recherche a-t-elle évolué ces dernières an-

soutenir mutuellement. La recherche doit être indépen-

nées?

dante mais des projets de recherche communs per-

Le développement technologique exponentiel permet de

mettent de mettre à profit les synergies pour le bien des

saisir de plus en plus de données et de paramètres. Par

patients. Des hôpitaux tels que l’UKBB peuvent aider à

conséquent, contrairement à ce qui se faisait autrefois,

combler le fossé qui existe entre la communauté scienti-

la recherche ne peut plus être menée par une personne

fique universitaire et les experts de l’économie privée.

isolée. Mais des équipes de recherche composées de

Pas seulement s’agissant du développement de pro-

cliniciens, de généticiens, de pharmacologistes, de

duits, mais aussi pour l’utilisation d’infrastructures quasi-

biostatisticiens et de bioinformaticiens peuvent travailler

ment impossibles à financer par le secteur public.

sur des questions beaucoup plus complexes que cela n’aurait été possible par le passé. Ce faisant, on observe

En tant que CEO de l’UKBB, vous mettez les plus jeunes

une tendance à la recherche translationnelle, c’est-à-dire

patients au premier plan. Quels sont les points forts de la

au transfert des connaissances de la recherche fonda-

recherche dans ce domaine?

mentale vers l’application médicale.

Si nous ne faisons pas de recherche pour nos jeunes patients, qui le fera? Nous avons le devoir de mettre en

Quel est le principal défi à relever pour que la Suisse ne

place un portefeuille de recherche de premier ordre, en

prenne pas plus de retard dans la recherche clinique?

accord avec les objectifs de l’université, mais aussi avec

Il faut tout d’abord des conditions cadres adéquates. Les

des travaux dans les domaines où la prise en charge des

chercheurs suisses doivent accéder librement aux

enfants est lacunaire. A cet égard, nous coopérons sou-

bourses de recherche internationales et ne pas subir

vent avec des fondations. La fondation Eckenstein-Geigy

d’entraves à la mise en place d’une recherche globale en

nous a par exemple permis de mettre en place un centre

réseau. La recherche suisse a besoin d’une législation

de pharmacologie pédiatrique. Actuellement, 11% seule-

qui garantisse des travaux de haute qualité et répondant

ment des médicaments sont enregistrés pour le traite-

aux critères d’éthique, mais ne limite pas outre mesure

ment des nouveau-nés. D’autres points forts de re-

les activités de recherche. Elle a besoin d’une loi sur les

cherche à l’UKBB sont la pédiatrie du développement, la

produits thérapeutiques telle que les investissements

pneumologie, l’hématologie et l’oncologie, l’immunologie

soient rentables pour l’industrie, mais aussi que les mino-

et l’infectiologie ainsi que l’orthopédie pédiatrique.

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Impressum Editeurs: Thomas B. Cueni, Sara Käch Rédaction: Interpharma Maquette: Continue AG, Bâle Photos: Barbara Jung, istock

Interpharma Case postale, 4009 Bâle Téléphone 061 264 34 00 Téléfax 061 264 34 01 info@interpharma.ch www.interpharma.ch

«Pharma:ch» est le bulletin d’Interpharma, l’association des entreprises pharmaceutiques suisses pratiquant la recherche Actelion, Novartis, Roche, AbbVie, Alcon, Amgen, Bayer, Biogen Idec, Boehringer Ingelheim, Bristol-Myers Squibb, Gilead, Janssen, Merck Serono, Pfizer, Sanofi, UCB & Vifor. En proposant une information différenciée, ce bulletin entend contribuer à la compréhension de l’activité de recherche et de développement médico-pharmaceutique menée en Suisse. www.interpharma.ch

Ce dont la place de recherche suisse a besoin Il y a peu de secteurs économiques dans lesquels la Suisse est mondialement en tête. C’est le cas pour l’industrie pharmaceutique. Celle-ci contribue notablement à la qualité de notre système de santé et génère une forte valeur ajoutée. Pour qu’il en reste ainsi, il faut optimiser les conditions cadres. Mais ce circuit ne va pas de soi, loin de là. Et il ne peut pas se maintenir en mouvement de lui-même. Les conditions sont tout d’abord le voisinage d’entreprises pharmaceutiques pratiquant la recherche, de hautes écoles et d’une médecine de pointe. Ensuite, il faut avoir suffisamment de scientifiques. Il faudra pouvoir à l’avenir continuer à recruter du personnel spécialisé indépendamment de sa nationalité. L’adoption de l’initiative populaire contre l’immigration de masse a remis ce Thomas B. Cueni, secrétaire général d’Interpharma

point en question. En effet, elle crée des incertitudes sur la prévisibilité politique, condition cadre importante pour les en-

Le niveau de vie de la Suisse fait partie des plus élevés au

treprises souhaitant investir en Suisse. Vu les multiples rela-

monde. C’est étonnant pour un pays pratiquement dé-

tions commerciales que la Suisse entretient avec l’UE, les

pourvu de matières premières. Notre principale matière pre-

accords bilatéraux I et II et l’accord de libre-échange revêtent

mière est le savoir car la clé de notre prospérité est l’innova-

une importance capitale pour l’économie suisse.

tion. Nous devons créer des produits et des prestations demandés dans le monde entier pour leur qualité et leur

D’autres pays ont amélioré progressivement leurs conditions

utilité supérieure à la moyenne. C’est ambitieux mais la

cadres pour les branches industrielles novatrices et briguent

Suisse s’en est souvent montrée capable. Elle bénéficie

les faveurs des investisseurs. En Suisse, ce n’est que récem-

pour cela du haut niveau de la formation, de la mise en ré-

ment que le Conseil fédéral a adopté le «Plan directeur pour

seau mondiale et de la présence d’entreprises multinatio-

le renforcement de la recherche et de la technologie biomé-

nales.

dicales». Cette approche d’une politique industrielle proactive peut sans aucun doute apporter des améliorations

L’industrie pharmaceutique pratiquant la recherche est un

puisqu’elle cherche à accélérer les procédures administra-

exemple typique de performances économiques «à la

tives. De même, les efforts visant à rendre la Suisse plus at-

suisse». Et elle mène ses travaux de recherche pour une

tractive pour la recherche clinique, domaine dans lequel notre

bonne part en Suisse: les entreprises membres d’Inter-

pays a perdu beaucoup de terrain au cours des dernières

pharma y investissent chaque année plus de six milliards de

années, sont positifs. En revanche, la Suisse est réticente à

francs dans l’activité recherche et développement. Résultat:

créer de nouvelles incitations à la recherche. Prenons les

toujours plus de médicaments nouveaux apportant un bé-

maladies rares: par le biais de mesures légales et adminis-

néfice important pour les patient(e)s. Ces médicaments

tratives, les Etats-Unis et l’UE ont réussi à stimuler les activi-

guérissent d’une part les maladies, améliorent la qualité de

tés de recherche dans l’intérêt des patient(e)s. Des années

vie des malades et soulagent les souffrances. D’autre part,

plus tard, la Suisse est encore en phase de discussion. Ceci

ils apportent les revenus dont les entreprises ont besoin pour

est difficilement compréhensible si l’on veut que l’innovation

pouvoir continuer à investir dans l’innovation.

soit le ressort de la croissance économique de notre pays.

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