pharma:ch 1/2013: Une société vieillissante – défi et chance

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pharma:ch Une société vieillissante – défi et chance Avec un mode de vie sain, le progrès médical contribue considérablement au prolongement de l’espérance de vie. Bien que nous restions de plus en plus longtemps en bonne santé et que les personnes âgées représentent une partie précieuse de notre société, cette évolution démographique réjouissante représente aussi un défi de taille. Les exigences posées à la médecine et aux infrastructures de prise en charge des personnes âgées sont de plus en plus grandes. À 65 ans, une femme peut aujourd’hui espérer vivre encore 22 ans, un homme 19 ans. Ils passeront la majeure partie de ces années sans incapacités, c’est-à-dire sans limitations spécifiques dans les activités quotidiennes telles que la marche, l’habillement ou le bain. Ceci est fondamentalement une bonne nouvelle: l’automne de la vie s’allonge, les amis et les proches peuvent partager leur vie plus longtemps avec les personnes âgées. Cependant, l’évolution démographique est aussi un défi de taille. Les débats politiques portent sur l’avenir du système social et sur les coûts de santé. Ceci est compréhensible compte tenu du fait qu’en Suisse, un peu plus de 17 % de la population ont déjà plus de 65 ans, avec une tendance à la hausse. Cependant, il est moins compréhensible que ces débats ne soient menés qu’en termes de coûts, tandis que le rôle important

Un autre groupe est constitué par les maladies chroniques

que jouent aujourd’hui les personnes âgées dans notre

telles que le diabète qui ont tendance à s’aggraver avec

société en raison de leur expérience professionnelle, en

l’âge. Il s’agit de trouver des traitements novateurs qui

tant que grands-parents ou que consommateurs de pres-

combattent les maladies plus rapidement et plus effica-

tations de loisirs par exemple, ne semble pas entrer en

cement et améliorent nettement la qualité de vie des per-

ligne de compte. Le défi qui se pose à la société et à la

sonnes touchées. N’oublions pas toutes les maladies, et

politique consiste à reconnaître et à utiliser les chances

c’est l’immense majorité, pour lesquelles on ne dispose

d’une société vieillissante.

aujourd’hui encore d’aucun traitement. Enfin, il faut porter suffisamment d’attention à la promotion de la santé. Une

Pour le système de santé, l’enjeu est de réagir par des

activité physique suffisante et une alimentation saine dès

traitements novateurs et des modèles thérapeutiques

le plus jeune âge promettent une meilleure qualité de vie

nouveaux aux maladies qui se manifestent plus fréquem-

à un âge avancé.

ment à un âge avancé, démence ou cancer par exemple.


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Le dilemme d’une société vieillissante L’évolution démographique traduit les succès de la médecine et de la recherche scientifique. Mais le vieillissement progressif de la société se transforme en défi en même temps que l’importance du système de santé en tant que facteur économique s’accroît. Nous pouvons être fiers des progrès médicaux réalisés

hommes et 47 % des femmes étaient atteints de démence.

ces dernières décennies: aujourd’hui en Suisse, un

Si la recherche sur la démence n’apporte pas de progrès

homme de 65 ans peut espérer vivre encore 19 ans, une

substantiels, il faut compter que plus de 100 nouveaux cas

femme du même âge 22. Autrement dit, près de 62 % des

de maladie par jour viendront s’ajouter dans les 40 pro-

nouveau-nés en Suisse atteindront en moyenne plus de

chaines années. En Suisse, 25 000 personnes contractent

80 ans. La bonne nouvelle qui accompagne le prolonge-

actuellement chaque année une démence. On estime qu’il

ment de l’espérance de vie est que nombre de personnes

faudra prendre en charge 300 000 personnes atteintes de

arrivent à un âge avancé en meilleure santé qu’autrefois.

démence au cours des prochaines décennies.

Le revers de la médaille: il y a plus de personnes atteintes de démence ou de cancer, car la fréquence de ces mala-

Cette perspective suffit à esquisser l’ampleur du défi qui

dies augmente avec l’âge.

va se poser aux sociétés des pays industrialisés dans les années à venir. Dès aujourd’hui en Suisse, une personne

«La démence est en passe de devenir la grande question

sur six a plus de 65 ans. D’après des estimations, ce

sociale, culturelle et économique de notre société», écrit

groupe d’âge représentera près de 30 % de la population

le théologien et sociologue allemand Reimer Gronemeyer

d’ici 2050. De plus, pour 100 personnes actives, on sera

dans un essai. Le grand âge ou «quatrième âge» devient

alors en présence de 51 retraités. Un objectif primordial

un «phénomène de masse», dit-il. Et il en conclut «que

est donc non seulement l’allongement de l’espérance de

nous ne sommes pas encore en mesure de faire face aux

vie, mais surtout que la population vieillisse en bonne

conséquences sociales des succès de la médecine».

santé. Il faut porter encore plus d’attention à la prévention.

D’après lui, le «grand enjeu humanitaire» des prochaines décennies sera de parvenir à s’occuper d’un nombre

L’excès de poids: un facteur de risque sous-estimé

croissant de personnes atteintes de démence de telle

Il est incontestable que la baisse du nombre de fumeurs

manière «que cette étape de la vie ne soit pas qu’une

a fait reculer le cancer du poumon. Inversement, il a aug-

souffrance pour les personnes touchées et leurs proches».

menté chez les femmes, car elles sont plus nombreuses à fumer qu’autrefois. Il est clair que le nombre de cas de

Reimer Gronemeyer se base sur une étude réalisée par

maladies cardio-vasculaires (cause de décès numéro un)

une caisse-maladie, selon laquelle en Allemagne, une

pourrait être nettement réduit par un mode de vie plus sain

femme sur deux et un homme sur trois doivent s’attendre

(plus d’activité physique, alimentation équilibrée, moins

à être atteints d’une démence dans leur vie. En 2009, sur

d’excès de poids), ce qui réduirait aussi les coûts de santé.

les personnes décédées à plus de 60 ans, 29 % des

En Suisse, ce sont surtout les hommes qui sont en excès

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«Le nombre de personnes âgées particulièrement vulnérables va augmenter.» Cependant, les maladies chroniques vont continuer à se multiplier et à influencer l’évolution du système de santé. C’est certain, et cela accroît les besoins en prestations ambulatoires régulières, qui doivent être fournies sur une longue durée par plusieurs prestataires proches du domicile. De nouvelles structures de prise en charge telles que les cabinets médicaux de groupe interdisciplinaires, les centres de santé, les cabinets de quarCarlo Conti, conseiller d’État, chef du Département de la santé de Bâle-Ville et président de la CDS

tier avec offres intégrées d’aide et de soins à domicile ou les unités ambulatoires des hôpitaux couvrant plusieurs institutions doivent être mieux encouragées

Bâle a une proportion particulièrement élevée de per-

à l’avenir. Ceci a également un impact sur la formation

sonnes âgées. Quelles en sont les conséquences pour le

aux professions de la santé. La formation des méde-

système de santé et l’économie de la santé?

cins doit répondre aux exigences des futurs modèles

L’évolution démographique a atteint le canton de Bâle-

de prise en charge intégrée. Les professions de santé

Ville avant les autres cantons. Il a donc fallu prévoir plus

paramédicales pourraient à l’avenir, en fonction de leur

tôt des structures de prise en charge intégrées. Nombre

qualification, assumer des tâches actuellement réser-

de cantons vont encore devoir relever ce défi. Une poli-

vées aux médecins. De nouveaux profils professionnels

tique moderne de la vieillesse doit tenir compte en per-

pourraient apparaître, offrant de nouvelles chances en

manence de l’hétérogénéité de ce groupe de population

raison de leur attractivité.

qui recouvre différentes phases de la vie avec des besoins divers. Un bon exemple de la manière dont des nouveautés apparaissent est la thématique du logement pour les personnes âgées. Les foyers pour personnes âgées tels qu’on les connaissait autrefois sont en voie de disparition. À la place, de nouvelles offres

«Une politique moderne de la vieillesse doit tenir compte en permanence de l’hétérogénéité de ce groupe de population»

sont apparues ces dernières années et continuent à apparaître: des coopératives d’habitation et maisons

Y a-t-il des enjeux de société qui n’ont pas encore été

des générations aux logements avec offres de services

suffisamment pris en compte?

ou encore établissements médico-sociaux spécialisés

Concrètement, le nombre de personnes âgées parti-

pour les personnes atteintes de démence.

culièrement vulnérables va augmenter. Il s’agit en particulier des personnes atteintes de démence, des toxi-

Quels sont les groupes d’âge concernés?

comanes, des personnes atteintes de maladies psy-

Nous avons constaté que la préparation de la vieillesse

chiques ainsi que de celles souffrant de maladies incu-

ne commence pas à 65 ans. Un exemple susceptible

rables ou se trouvant en fin de vie. Étant donné qu’avec

d’améliorations est le renforcement des compétences

l’âge, la probabilité de maladie incurable ou chronique

en santé pour ce qui est des risques sanitaires liés à

s’accroît, le vœu d’accompagnement en fin de vie est

l’âge. À cet égard, il faudra à l’avenir que nous commen-

également plus fréquent. À l’avenir, cette tendance va

cions plus tôt et autrement. Pas en donnant des leçons

encore se renforcer, car nous aurons affaire à une géné-

mais par des campagnes qui touchent le public. En

ration de personnes âgées habituées à décider de leur

effet, la promotion de la santé dans l’optique d’une re-

vie en autonomie. Il faudra proposer des alternatives

traite mobile et en bonne santé commence dès l’âge de

répondant aux besoins dans le domaine de la méde-

40 ans. En même temps, le vieillissement de la popula-

cine palliative.

tion, mais aussi un mode de vie malsain (manque d’activité physique, obésité, stress, par exemple) accroissent les risques sanitaires. Il faut que la promotion de la santé commence plus tôt, sans quoi la probabilité de souffrir ultérieurement d’une ou plusieurs maladies chroniques, voire incurables, augmente.

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Une société vieillissante – défi et chance

de poids (près de 50 %), mais le nombre d’enfants présen-

François Höpflinger et al. ont étudié l’évolution des besoins

tant une surcharge pondérale, voire une obésité, a aug-

en soins avec l’âge en Suisse. Les auteurs aboutissent à

menté dans des proportions inquiétantes. D’après l’Office

la conclusion que le besoin d’aide de la population qui

fédéral de la santé publique (OFSP), les coûts entraînés

vieillit s’accroît plus vite que ses besoins de soins. Chez

ont plus que doublé en l’espace de cinq ans, passant de

les personnes âgées qui vivent à domicile, en particulier,

2.6 milliards de francs en 2001 à 5.7 milliards en 2006.

il est essentiel de faire cette distinction entre besoins de soins et besoins d’aide. Höpflinger en conclut: «On aurait

4

En dépit de la lourde responsabilité individuelle qui est en

besoin de moins de places en EMS si les problèmes so-

jeu pour les coûts de santé, c’est toujours le prix des mé-

ciaux et financiers du logement des aînés étaient mieux

dicaments qui est au centre des débats. Les milieux poli-

résolus. Pour les personnes n’ayant pas besoin de soins,

tiques font souvent l’impasse sur des aspects tels que

des formes de logement protégé et des logements so-

qualité et bénéfices, oubliant ainsi l’importance et l’utilité

ciaux en coopératives d’habitation seraient mieux adaptés

du progrès médical. Or, il est démontré que les dépenses

et globalement moins onéreux.»

de santé permettent de réduire d’autres frais de maladies. Les médicaments soulagent les conséquences de la ma-

Employeur important

ladie ou permettent d’en raccourcir la durée. Les médica-

Quoi qu’il en soit, le vieillissement de la population va ac-

ments novateurs sont sans doute souvent plus onéreux

centuer encore l’importance du système de santé en tant

que leurs prédécesseurs, mais ils contribuent à faire bais-

que facteur économique. Ceci ne s’applique bien sûr pas

ser les coûts en abrégeant la durée d’hospitalisation, voire

seulement à la Suisse, mais à tous les pays industrialisés

en rendant superflues des interventions chirurgicales.

d’Europe de l’Ouest, d’Amérique du Nord et d’Asie. Dès aujourd’hui, le secteur de la santé emploie en Suisse plus

Compression vs médicalisation

de 550 000 personnes. Bientôt, une personne sur huit tra-

On ne sait pas encore exactement dans quelle mesure le

vaillera dans ce domaine. Le système de santé va donc

vieillissement de la population fait réellement augmenter

devenir le principal employeur du pays. En 2010, les coûts

les coûts de santé. Deux théories s’affrontent: la thèse de

globaux se montaient à environ 62.5 milliards de francs.

la compression part du principe que les maladies graves apparaissent peu avant la mort, de sorte qu’elles ne font

Les comparaisons internationales sont difficiles à faire

pas énormément augmenter les coûts de santé. En re-

dans le domaine de la santé, mais il est intéressant de se

vanche, la thèse de la médicalisation part du principe que

pencher sur les données de l’OCDE. La place monétaire

la progression de l’espérance de vie aboutit à davantage

du système de santé est exprimée par la part des dé-

de maladies de la vieillesse et que les années gagnées

penses de santé au produit intérieur brut (PIB) global. En

sont de plus en plus vécues dans un état de maladie et de

2010, ce taux était de 10.9 % en Suisse, la plaçant en 8e

handicap. Résultat logique: des coûts de santé en hausse.

position.

Bien que l’étude de Harry Telser et al. réalisée pour Inter-

Les dépenses par tête pour la santé sont plus révélatrices.

pharma («Dépenses de santé et frais de maladie», 2011)

En 2010, la moyenne dans les pays étudiés était de 3 265

tende plutôt vers la thèse de la compression, l’auteur

dollars. Les États-Unis étaient en tête avec 8 233 dollars,

pense que les deux thèses peuvent mener à une hausse

suivis de la Norvège avec 5 388 dollars et de la Suisse avec

des coûts de santé. Dans le cas de la médicalisation,

5 270 dollars. Mais l’OCDE signale que de fortes dépenses

l’augmentation de l’espérance de vie est «achetée» au prix

pour la santé ne reflètent pas forcément un système de

de plus de maladies chroniques de la vieillesse et, par voie

santé efficace. Les différences sont aussi imputables à

de conséquence, de dépenses plus élevées. Dans la thèse

des différences de structures de financement: dans la plu-

de la compression de la morbidité, les dépenses de santé

part des pays de l’OCDE, les dépenses de santé sont fi-

peuvent également augmenter, parce qu’elles sont consi-

nancées en grande partie par des fonds publics. À cet

dérées comme un apport à une amélioration de l’état de

égard, le taux de 65 % de la Suisse est comparativement

santé au cours de la vieillesse. Un article scientifique pré-

faible. Parmi les pays économiquement comparables,

sente les choses ainsi: «Les personnes âgées peuvent

seuls les États-Unis (48 %), la Corée du Sud (58 %) et Israël

générer des dépenses de santé élevées et néanmoins ne

(61 %) ont un taux inférieur. Dans les autres pays, la part

pas être handicapées ou nécessiter des soins.»

de fonds publics se situe entre 70 % et 85 %.

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La recherche et l’innovation sont indispensables Les nouveaux traitements et médicaments sont indispensables pour mieux lutter contre les maladies. C’est ainsi que notre société vieillissante attend avec impatience une percée dans la recherche sur la démence. Pour que l’industrie pharmaceutique de notre pays puisse garder sa position de pointe dans la recherche mondiale, il faut améliorer les conditions cadres. Dès aujourd’hui, comme le montre une étude de l’Asso-

ladie d’Alzheimer de se déclencher ou d’en réparer les

ciation Alzheimer Suisse, les démences entraînent des

dégâts». Dans le monde entier, environ 25 000 chercheurs

coûts de 6.3 milliards de francs par an au total. La ten-

s’efforcent actuellement de trouver de nouvelles subs-

dance est à la hausse. Au moins 100 000 personnes sont

tances actives contre cette maladie.

concernées dans notre pays, 1.2 million en Allemagne. D’ici 30 ans, ce chiffre aura probablement doublé. En Eu-

Pourquoi est-il si difficile d’élaborer des médicaments

rope, on estime que 10 millions de personnes seront at-

contre la maladie d’Alzheimer? «Elle modifie le cerveau de

teintes de démence d’ici 2040.

manière complexe, nous n’en comprenons pas encore tous les détails», explique Ana Graf, chercheuse spéciali-

Ce ne sont pas seulement les pronostics qui font peur,

sée dans la maladie d’Alzheimer chez Novartis. Un autre

mais aussi le fait que chez la moitié des personnes tou-

problème est l’évolution insidieuse de la maladie: elle se

chées, la démence n’est pas diagnostiquée. Or, il existe

développe généralement lentement, pendant des années.

dès maintenant des médicaments qui freinent l’évolution

Les essais sur l’efficacité de substances actives doivent

de la maladie. Les malades ont ainsi plus de temps pour

donc eux aussi être de longue durée.

régler consciemment certaines choses nécessaires. De plus, l’entrée dans une institution de soins peut être re-

Succès de la recherche sur le diabète

mise à plus tard, ce qui permet des économies.

Une autre maladie qui se répand à grande vitesse avec le vieillissement de la population est le diabète. D’après les

Mais il reste un grand «mais»: «Le problème des médica-

estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS),

ments actuels est qu’ils sont prescrits alors qu’il est déjà

370 millions de personnes seront atteintes de diabète

trop tard», explique le professeur Andreas Monsch, neu-

dans le monde entier en 2030. Actuellement, elle évalue

ropsychologue et directeur de la Clinique de la mémoire

le nombre de personnes touchées à 180 millions, contre

de l’Hôpital universitaire de Bâle. Les médicaments ac-

30 millions seulement il y a 20 ans. «Le diabète se répand

tuels ne peuvent donc plus réparer les cellules nerveuses

parce que l’espérance de vie s’allonge et que notre mode

détruites dans le cerveau. Monsch pense que la recherche

de vie est de plus en plus malsain», affirme Doris Fischer-

sur les cellules souches pourra ouvrir de nouvelles pers-

Taeschler, directrice de l’Association Suisse du Diabète.

pectives de régénération des cellules nerveuses, «mais là

90 % des patients sont atteints de diabète de type 2. La

encore, il ne faut pas croire qu’il y aura une percée dans

principale cause en est l’excès de poids suite à un manque

les prochaines années». L’objectif est «d’empêcher la ma-

d’activité physique et à une alimentation trop riche.

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Une société vieillissante – défi et chance

Autrefois incurable et mortel, le diabète est devenu, tout

Mais tel n’est pas le cas: plus de la moitié des cancers sont

au moins dans nos contrées, une maladie chronique que

aujourd’hui curables. Depuis quelques années, de moins

l’on peut maîtriser. Grâce à la recherche, les diabétiques

en moins de personnes meurent d’un cancer alors que le

ont en Suisse accès à des méthodes de traitement effi-

nombre de nouveaux cas est stable. De nombreux types

caces, qui les protègent généralement des séquelles de

de cancer sont devenus curables, en particulier diagnos-

la maladie – amputations et cécité par exemple.

tiqués précocement. S’y ajoutent des cancers qui ne sont plus mortels, même lorsque le diagnostic est posé à un

Depuis 1996, il existe des insulines fabriquées par génie

stade avancé.

génétique. De petites modifications moléculaires per6

mettent d’accélérer ou de prolonger l’effet du médica-

On a enregistré des progrès par exemple dans le traite-

ment. Grâce à cela, les diabétiques peuvent en Suisse

ment du cancer du côlon, des glandes lymphatiques et du

mener une vie quasiment normale. Cependant, la re-

sein ainsi que des cancers de l’enfant. La recherche est

cherche sur le diabète est encore loin du but. Les espoirs

complexe, car il existe 400 types de cancer différents et

se concentrent là encore sur les cellules souches.

que chacun a une origine différente. La division cellulaire incontrôlée doit dans chaque cas être observée, diagnos-

Progrès de la recherche sur le cancer

tiquée et soignée isolément.

Le vieillissement de la population a aussi entraîné une forte augmentation des cancers, deuxième cause de dé-

Les progrès de la recherche sur le cancer sont parfois

cès en Suisse. Environ 85 000 personnes sont atteintes

escamotés par les débats sur les coûts de certains médi-

d’un cancer ou ont été atteintes d’un cancer au cours des

caments. Ceux-ci ne permettent pas de guérir la maladie,

cinq dernières années. Chaque année, 35 000 personnes

mais ils rendent la dernière phase de la vie plus suppor-

contractent nouvellement un cancer et 15 000 en meurent.

table, même s’ils ne prolongent la durée de vie des pa-

Cela signifie qu’un homme sur trois et une femme sur

tients que de quelques semaines ou de quelques mois.

quatre seront confrontés à un diagnostic de cancer avant

Sans vouloir se dérober à la discussion sur les coûts, il

d’avoir atteint l’âge de 75 ans. De nombreuses personnes

faut garder à l’esprit que les médicaments ne représentent

se croient alors condamnées.

qu’environ 10 % de l’ensemble des coûts de santé, dont

«Nous ne comprenons encore que très rudimentairement bon nombre de maladies» santé. Nous sommes à la recherche de médicaments présentant des avantages sensibles par rapport aux médicaments ou traitements existants, capables de soulager et de guérir rapidement et efficacement. En raison de l’évolution démographique, les maladies chroniques et les maladies liées à l’âge, par exemple la maladie d’Alzheimer, vont se multiplier. Nous avons donc besoin de nouveautés médicales pour une prise en Eric Cornut, Chief Commercial Officer, Novartis et président d’Interpharma

charge qualitative et économique de l’ensemble de la population. De plus, il faut chercher de nouvelles approches susceptibles de retarder le déclenchement de

Quelle est la contribution apportée par l’industrie pharma-

maladies, voire de l’empêcher.

ceutique pratiquant la recherche pour relever les défis d’une société vieillissante? En dépit de grands progrès médicaux, il reste beaucoup

Comment la recherche pharmaceutique a-t-elle évolué ces dernières années?

de maladies incurables, faute de traitement adéquat.

La recherche pharmaceutique a accompli de grands

Nous ne comprenons encore que très rudimentaire-

progrès grâce à l’expérience accumulée en biologie

ment bon nombre de maladies, y compris fréquentes.

moléculaire et en technologie moléculaire. Le projet de

Par conséquent, la capacité d’innovation de l’industrie

décryptage du génome humain, par exemple, contribue

pharmaceutique reste un élément important pour conti-

à identifier des gènes qui déclenchent des maladies.

nuer à accomplir des progrès dans le domaine de la

Cela permet de mieux comprendre l’origine de cer-

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10 % concernent les médicaments anticancéreux. Les

2004, contre seulement 225 en 2011. Ce recul représente

médicaments anticancéreux représentent donc juste 1 %

un problème avant tout pour les patients et porte atteinte

des coûts de santé.

à la qualité de la médecine. Notre place de recherche risque de perdre son importance alors que la Suisse a une

Le développement d’un médicament anticancéreux apte

longue tradition de recherche clinique. Les raisons sont

à être mis sur le marché prend une dizaine d’années et

multiples: petits nombres de patients, procédures décen-

coûte plus d’un milliard de francs. Les nouveaux médica-

tralisées et parfois de longue haleine auprès des commis-

ments ont souvent pour effet de prolonger la vie et d’amé-

sions d’éthique, critères d’autorisation compliqués et, tout

liorer la qualité de vie. La dernière génération de médica-

au moins jusqu’à récemment, manque de conscience de

ments anticancéreux a nettement moins d’effets secon-

l’importance des principes internationaux de bonnes pra-

daires. Ils s’attaquent uniquement aux cellules cancé-

tiques cliniques. Ceux-ci définissent les conditions

reuses et épargnent les cellules saines. Les groupes de

éthiques et scientifiques régissant la réalisation d’essais

patients sont de plus en plus petits: la recherche est donc

cliniques.

de plus en plus onéreuse. En l’absence d’incitations du législateur, la recherche a diminué en Suisse ces dernières

Afin de surmonter les inconvénients dus à la petite taille

années. Une autre raison est que les conditions cadres

des structures de la Suisse, il faut un pilotage national plus

administratives entravent de plus en plus fortement la re-

fort et un environnement législatif qui encourage plutôt

cherche médicale.

que d’entraver. En fait partie une coopération au-delà des frontières. Une étape dans la bonne direction est le plan

Entraves à la recherche clinique

directeur visant à revitaliser la Suisse en tant que site de

L’analyse de situation réalisée pour le Programme national

recherche et de production pharmaceutique. Sont pré-

contre le cancer 2011–2015 montre que notre pays a pris

vues des procédures plus rapides pour la mise en œuvre

du retard dans le domaine de la recherche clinique, en

d’essais cliniques, l’autorisation de nouveaux médica-

particulier pour ce qui est de la recherche sur le cancer,

ments par Swissmedic et pour leur remboursement

onéreuse et nécessitant de bons réseaux. Environ 400

(OFSP). Il ne s’agit pas que la Suisse soit au même niveau

essais cliniques ont encore été réalisés en Suisse en

que l’Union européenne, mais meilleure.

taines maladies et d’élaborer de nouveaux traitements

nombre d’essais cliniques est en recul depuis plusieurs

mieux ciblés. La médecine personnalisée vise à propo-

années. D’autres obstacles à la réalisation de projets de

ser aux patient(e)s des traitements adaptés aussi préci-

recherche en réseau sont les coûts élevés et le multilin-

sément que possible à leur tableau clinique personnel

guisme. Les conditions cadres sont donc un élément

en utilisant des dimensions génétiques ou biochimiques

crucial pour la recherche.

appelées biomarqueurs. Cela permet d’accroître les chances de succès du traitement, car seulement les

À quelles conditions cadres faites-vous allusion?

patient(e)s susceptibles de répondre à un certain traite-

Il s’agit d’une part de processus allégés pour l’approba-

ment reçoivent le médicament correspondant. De plus,

tion d’essais cliniques, d’autre part d’un accès plus

on évite ainsi des traitements inefficaces superflus, d’où

rapide des patient(e)s aux traitements novateurs. D’une

des économies pour le système de santé.

manière générale, nous ne devons pas nous contenter de conditions cadres correspondant à la moyenne eu-

Quelle est la place de la coopération avec les médecins

ropéenne. Pour l’attractivité de la place scientifique

pratiquant la recherche dans les hôpitaux universitaires?

dans un environnement de plus en plus concurrentiel,

Elle est importante. La Suisse a une longue tradition de

seul le meilleur est suffisant. Le plan directeur visant à

recherche clinique et dispose d’excellentes cliniques

revitaliser la Suisse en tant que site de recherche et de

universitaires. Cependant, entre autres en raison du

production pharmaceutique est un signal positif. Si l’on

petit nombre de patients, des procédures décentrali-

parvient par exemple à rendre la Suisse plus attractive

sées et parfois de longue haleine auprès des commis-

pour la recherche, cela bénéficiera à l’industrie et aux

sions d’éthique et de la lenteur du recrutement dans un

médecins qui pratiquent la recherche dans les hôpitaux

contexte de concurrence internationale croissante, le

universitaires, mais aussi aux patients.

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Impressum Éditeurs: Thomas B. Cueni, Sara Käch Rédaction: Interpharma Maquette: Continue AG, Bâle Photos: Barbara Jung

Interpharma Case postale, 4003 Bâle Téléphone 061 264 34 00 Téléfax 061 264 34 01 info@interpharma.ch www.interpharma.ch

«Pharma:ch» est le bulletin d’Interpharma, l’association des entreprises de recherche pharmaceutique suisses Actelion, Novartis, Roche, AbbVie, Amgen, Bayer, Boehringer Ingelheim, Gilead, Janssen, Merck Serono, Pfizer, Sanofi, UCB & Vifor. En proposant une information différenciée, ce bulletin entend contribuer à la compréhension de l’activité de recherche et de développement médico-pharmaceutique menée en Suisse. Pour consulter les informations de fond et les prises de position, prière de se reporter au site web www.interpharma.ch.

Mission et devoir Grâce à la recherche et à l’innovation, les possibilités médicales vont continuer à s’étendre. Ceci se traduit par un prolongement de l’espérance de vie sans incapacités, ce qui correspond à un souhait de société. Mais pour des raisons économiques, nous sommes réticents à y répondre. puissions vivre plus longtemps en bonne santé, mais ensuite et particulièrement dans la recherche et le développement dans le domaine des maladies pour lesquelles il n’y a pas encore de traitement. Il s’agit de maladies plus fréquentes à un âge avancé comme la démence, le diabète ou certaines formes de cancer. Nombre de maladies encore incurables sont des maladies rares. Elles concernent de petits groupes de patients que nous n’avons pas le droit Thomas Cueni, secrétaire général d’Interpharma

d’oublier sous prétexte que leur maladie est rare. Enfin, il s’agit de la qualité de vie des malades. Argumenter d’un

Nous disons facilement qu’une longue vie en bonne santé

point de vue «économique», en affirmant que prolonger la

est ce qui nous semble le plus précieux. S’occuper des

vie de six mois pour des coûts de traitement de plusieurs

personnes malades et âgées est donc une mission impor-

milliers de francs «ne vaut pas la peine», c’est juger de

tante de notre société. Le progrès médical y contribue

manière arbitraire et présomptueuse. En effet, c’est déci-

considérablement, car il permet de vivre plus longtemps.

der à la place des malades en étant soi-même en bonne

Depuis 50 ans, notre espérance de vie a augmenté et elle

santé et oublier qu’il ne s’agit pas seulement d’un prolon-

va continuer à le faire. Mais l’accroissement du nombre

gement de la vie de six mois, mais aussi et surtout de la

d’années de vie sans incapacités est aussi important.

qualité de ces six derniers mois d’une vie et de la qualité

Nous vivons ainsi plus longtemps en bonne santé.

du décès. Ceci doit être possible dans la dignité et sans souffrances inutiles. Avancer des arguments économiques

Ceci correspond à nos conceptions des valeurs sociales

et prescrire un rationnement au lieu d’un traitement, c’est

et va de pair avec la bonne réputation des médecins qui

peut-être freiner la croissance des coûts de santé, mais

se consacrent à cette mission. Mais s’occuper des per-

cela ne correspond pas à nos conceptions de valeurs

sonnes âgées et malades dans notre société n’est pas

éthiques et morales et va à l’encontre de notre devoir vis-

seulement une mission noble et gratifiante, c’est aussi un

à-vis des personnes âgées et malades.

devoir que nous n’avons pas le droit de négliger pour la simple raison que les coûts de santé et les primes d’assu-

Grâce à ses hôpitaux universitaires et à son industrie

rance-maladie augmentent. Indépendamment de consi-

pharmaceutique, la Suisse peut contribuer largement au

dérations économiques, nous avons le devoir de guérir les

progrès médical. Il convient de créer à cet effet les meil-

malades ou de soulager leurs maux de manière à leur

leures conditions cadres, car l’économie de notre pays en

assurer autant d’indépendance et aussi peu de souffrance

bénéficiera. En tant que société, il ne faut pas que nous

que possible en dépit de la maladie. Il reste fort à faire pour

refusions ce progrès qui correspond à une responsabilité

la santé, à commencer par la prévention pour que nous

que nous avons les uns envers les autres.

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