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EN IMAGES
from IN VIVO #25
by IN VIVO
LA MALADIE PSYCHIATRIQUE AU CINÉMA
BIPOLARITÉ, SCHIZOPHRÉNIE, DÉPRESSION : LE CINÉMA PEUT PERMETTRE D’APPRÉHENDER LA RÉALITÉ D’UNE MALADIE PSYCHIATRIQUE. SÉLECTION.
TEXTE : AUDREY MAGAT
« Le cinéma a toujours eu une fascination pour les troubles psychiques, explique Mireille Berton, de l’Université de Lausanne. La représentation des troubles psychiatriques offre la possibilité de développer un discours sur ce qui sépare la norme de la pathologie, et de questionner les normes sociales. Elle permet aussi de prendre des distances vis-à-vis d’un phénomène déconcertant, en rassurant le spectateur sur le fait qu’il est sain d’esprit. »
Les maladies psychiatriques sont mystérieuses et incomprises. Elles fascinent. Pour Mireille Berton : « Le cinéma peut non seulement contribuer à sensibiliser et informer le grand public sur des maladies psychiatriques, mais aussi aider à les déstigmatiser. » Gerard Calzada, médecin adjoint au Service d’addictologie des Hôpitaux universitaires de Genève, dispense un cours sur la psychiatrie au cinéma. Il commente ici une sélection de films qui permettent d’appréhender différents troubles psychiatriques.
THE WEINSTEIN COMPANY/MOVIESTILLSDB 1/ TROUBLE BIPOLAIRE
« SILVER LININGS PLAYBOOK » De David O. Russell (2012), avec Jennifer Lawrence et Bradley Cooper
« La comédie romantique suit deux personnages dont Pat, qui a reçu le diagnostic du trouble bipolaire. Il alterne avec véracité entre des phases dites maniaques, qui se manifestent souvent par une augmentation significative de l’énergie, et des phases de dépression. »
Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré
3/ TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ BORDERLINE
« GIRL INTERRUPTED » De James Mangold (2000), avec Angelina Jolie et Whoopi Goldberg
« Les critères diagnostiques des troubles borderline sont bien présents dans ce film. Dans un décor des années 1960, il dépeint une vision de la psychiatrie en opposition totale avec les prises en charge actuelles : aujourd’hui, ces troubles sont traités par un suivi des patient·e·s et non par un enfermement. » 2/ TROUBLE ANXIEUX
« LES ÉMOTIFS ANONYMES » De Jean-Pierre Améris (2010), avec Isabelle Carré et Benoît Poelwoorde
« Cette comédie française constitue une illustration poétique des troubles anxieux tout en les dédramatisant. Les deux personnages principaux ont peur de l’inconnu, craignent le contact social et sont constamment débordés par leurs émotions. Ils tentent avec humour de dépasser leurs angoisses, au travers d’un groupe de parole notamment. »
PAN-EUROPÉENNE/MOVIESTILLSDB, SONY PICTURES/COLUMBIA PICTURES/MOVIESTILLSDB
4/ SCHIZOPHRÉNIE
« CLEAN, SHAVEN » De Lodge Kerrigan (1993), avec Peter Greene
« Ce film déconstruit le stéréotype du schizophrène violent. Il décrit avec justesse le rapport aux hallucinations auditives, avec par exemple des grésillements et des cris. L’ambiance de malaise provoque une sensation dérangeante pour le public, permettant ainsi d’appréhender avec précision le vécu de ce trouble. »
DSM III/MOVIESTILLSDB
5/ TROUBLE AUTISTIQUE
« MARY AND MAX » Par Adam Elliot (2009)
« Ce film d’animation en pâte à modeler est un coup de cœur ! C’est l’histoire de Max, un personnage atteint d’un trouble autistique de haut niveau (ou syndrome d’Asperger), qui entretient une relation épistolaire avec Mary, une femme souffrant d’une profonde solitude. »
GAUMONT/MOVIESTILLSDB
6/ MALADIE D’ALZHEIMER
« ARRUGAS » Par Ignacio Ferreras (2012)
« En format dessin animé, ce film espagnol traite avec douceur de la démence sénile. On suit le quotidien souvent méconnu d’une maison de retraite au travers du personnage atteint par cette maladie – qui touche 10% de la population après 85 ans – et de ses attachants compagnons. »
CROMOSOMA TV PRODUCCIONS ELEPHANT IN THE BLACK BOX PERRO VERDE FILMS/MOVIESTILLSDB
7/ ADDICTION AUX OPIACÉS
« TRAINSPOTTING » De Danny Boyle (1996), avec Jonny Lee Miller, Ewan McGregor, Kevin McKidd et Ewen Bremner
« L’addiction est ici illustrée par la quête constante de drogue, le risque d’overdose et la difficulté de se sevrer de ces substances. Le film suit cependant un personnage totalement livré à lui-même, donnant à tort l’impression qu’il n’existe pas de soins ni de suivi hospitalier pour ce type d’addiction. »
CHANNEL FOUR/FIGMENT/THE NOEL GAY MOTION PICTURE/POLYGRAM FILMED ENTERTAINMENT/MOVIESTILLSDB, SUMMIT ENTERTAINMENT/MOVIESTILLSDB 8/ DÉPRESSION
« THE BEAVER » Par Jodie Foster (2011), avec Jodie Foster et Mel Gibson
« Le père de famille souffre d’une dépression sévère. Il finit par s’exprimer au travers d’une marionnette de castor. Le film montre la difficulté, voire la résistance de certaines personnes à demander de l’aide psychologique. Il montre aussi l’impact d’une dépression sur l’entourage. »
« C’est la première fois que nous constatons ce phénomène », affirme Laurent Keller, spécialiste de l’évolution des sociétés animales dans le Département d’écologie et d’évolution. La Megaponera analis, une fourmi originaire d’Afrique subsaharienne, peut traiter elle-même ses blessures et ainsi augmenter par dix ses chances de survie par rapport aux autres espèces de fourmis. L’équipe de recherche de l’UNIL a observé que lorsqu’elle se blesse, la Megaponera analis récupère une substance dans sa glande métapleurale, située sur le thorax, pour l’appliquer directement sur la blessure, tel un antiseptique.
Ces fourmis légionnaires possèdent la caractéristique de se former en colonne et d’attaquer les nids de termites dont elles se nourrissent. « Lors des raids, les termites se défendent et peuvent parfois couper les pattes des fourmis. Nous avons observé que si les plaies n’étaient pas soignées, des bactéries les infectaient. La fourmi meurt dans les deux jours », explique Laurent Keller.
Quel est donc le produit miracle que ces fourmis utilisent pour guérir les blessures de leurs congénères ? De toute évidence, il s’agirait d’une forme d’antibiotique naturel. Les scientifiques ne connaissent pas encore sa composition exacte. Les bactéries présentes chez ces fourmis peuvent aussi nous contaminer. Le biologiste espère avoir découvert une nouvelle catégorie d’antibiotique qui pourra être utilisée d’ici quelques années chez l’humain. /
NOM
MEGAPONERA ANALIS
TAILLE
ENTRE 8 ET 20 MILLIMÈTRES
CARACTÉRISTIQUE
L’UNE DES PLUS GRANDES FOURMIS AU MONDE
Fourmis antibiotiques
Grâce à une substance contenue dans une glande et qui agit comme un antibiotique, les fourmis légionnaires soignent ellesmêmes leurs plaies.
TEXTE : VALÉRIE GENEUX
DANIEL KRONAUER
MARIELLE ZWISSIG
Infirmière clinicienne spécialisée au sein de la Consultation interdisciplinaire pour les variations du développement sexuel, Département femme-mère-enfant, CHUV
Intersexe : fini les tabous !
CHRISTOPHE SENEHI Certains humains sont plus grands ou plus poilus que d’autres. De la couleur des yeux à la courbure de la colonne vertébrale, tout est sujet à variation. L’humanité est donc bigarrée, hétérogène. Le développement sexuel n’échappe pas à la règle et connaît, lui aussi, des variations. Au point que des enfants naissent parfois sans que l’on puisse affirmer avec certitude que leurs organes génitaux sont ceux d’une fille ou d’un garçon. On appelle cela l’intersexuation, et le sujet est tabou.
L’intersexuation peut prendre des formes variées. Les personnes intersexes se différencient par des caractéristiques anatomiques, hormonales ou chromosomiques qui ne relèvent pas strictement du genre féminin ou masculin. Le phénomène peut être découvert durant la grossesse, à la naissance, pendant l’enfance ou à l’adolescence, par exemple lors d’une puberté atypique ou absente. Cette particularité est à la fois troublante et déstabilisante pour l’enfant arrivant à l’âge de s’en rendre compte, pour sa famille, et même pour les professionnel·le·s de la santé qui, pour la plupart, ignorent encore l’existence de telles variations. Cette méconnaissance est problématique parce qu’elle complique significativement la vie de l’enfant, puis de l’adulte, et celle de ses parents.
Supporter le poids du tabou, faire face à l’effet de surprise, porter la responsabilité de l’explication et le risque de la stigmatisation sont autant de difficultés qui s’ajoutent au tout premier des défis : trouver sa place.
À cela s’ajoute un grand malentendu, celui de la confusion entre personnes intersexes et transgenres. Chez ces dernières, c'est l'identité du genre qui est remise en question. Nous avons donc, d’une part, le sexe qui a été assigné à la naissance et, d’autre part, une construction psychosociale.
Variations du développement sexuel et transidentité sont donc deux phénomènes bien distincts, avec des réalités vécues très différentes. Ignorer que l’un ou l’autre existe est source de non-reconnaissance chez les personnes concernées et leurs proches.
Les personnes intersexes et leurs parents doivent pouvoir compter sur un accompagnement personnalisé, par des professionnel·e·s qui en ont les compétences, au sein de centres dédiés à leur spécificité. Mais leur particularité doit davantage être connue et reconnue par les professionnel·le·s de la santé, de l’éducation, dans les crèches, dans les établissements scolaires ou les centres de loisir.
C22 H 27 CIOUNE MOLÉCULE, UNE HISTOIRE 3
TEXTE : VALÉRIE GENEUX CYPROTÉRONE
C22H27CIO3
La cyprotérone bloque les effets de la testostérone dans le corps. Elle est notamment prescrite aux hommes qui désirent changer de genre. Lors d’une transition, elle est administrée conjointement avec des œstrogènes, des hormones féminines responsables par exemple de la croissance des seins. « La cyprotérone diminue les caractères masculins chez l’homme, mais également chez la femme, en bloquant les actions de la testostérone », explique Thierry Buclin, médecin-chef du Service de pharmacologie clinique du CHUV. Mais avant d’être utilisée dans les conversions de genre, la cyprotérone a été préconisée pour d’autres usages.
Dans les années 1960, des chimistes allemands tentaient de trouver un remède aux risques de fausses couches, alors attribuées à un manque de progestérone chez la femme enceinte. Malheureusement, cette hormone induit un effet masculinisant indésirable sur les embryons féminins. Les recherches aboutissent alors à la cyprotérone, une molécule de la famille des stéroïdes, dotée d’une action progestative, mais sans effet virilisant. « Le premier antiandrogène venait d’être créé », révèle le pharmacologue.
La cyprotérone a d’abord été prescrite aux patients atteints d’un cancer de la prostate avancé. « Ce type de cancer hormonodépendant voit sa croissance stimulée par la testostérone. La cyprotérone freine efficacement son développement. » Elle est également donnée aux femmes désirant traiter une forte pilosité ou une acné. « Son effet antiandrogène peut réguler les hormones masculines chez la femme, signale Thierry Buclin. L’action progestative de la cyprotérone permet de l’intégrer à des pilules contraceptives, qui ont cette indication dermatologique en prime. » La cyprotérone a aussi été employée à visée de « castration chimique » chez des hommes pour traiter des déviances sexuelles telles que la pédophilie ou l’exhibitionnisme. Ce traitement engendre une impuissance et une perte de libido chez l’homme. « Notons qu’une baisse du désir peut aussi concerner les femmes », ajoute le pharmacologue.
Un autre effet secondaire est découvert en 2010. « Des scientifiques ont constaté qu’une prise en continu sur le long terme augmente d’environ 20 fois le risque de développer une tumeur spécifique du cerveau, appelée méningiome », prévient Thierry Buclin. Ces tumeurs, la plupart du temps bénignes, nécessitent toutefois d’être retirées chirurgicalement. L’explication du lien entre ce stéroïde et les tumeurs au cerveau reste, à ce jour, inconnue. /