Les internes dans la loi de sante publique

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Année 2014-­‐ 2015

Elaboration de la loi de santé publique

Les propositions des Internes

L’APPEL DE L’ISNI

ISNI Syndicat National des Internes Document à destination du Ministère des Affaires sociales et de la Santé


PRÉAMBULE LES INTERNES ET LA LOI DE SANTÉ PUBLIQUE Ü QUI SONT LES INTERNES ? L’Interne est statutairement « un praticien en formation » mais également un « agent public »1. Bien qu’étudiant, son activité professionnelle est réelle et sa participation à l’offre de soins indéniable. Il bénéficie du double statut d’étudiant en troisième cycle des études médicales (de la septième à la onzième année) et d’agent public salarié du Centre Hospitalier Universitaire dont il dépend. Cette période de professionnalisation dure de 3 à 5 ans selon la spécialité choisie. Travaillant à temps plein dans les services hospitaliers et extrahospitaliers, il contribue à la permanence des soins, ce qui en fait l’un des piliers de l’hôpital public.

Ü L’ISNI L’Inter Syndicat National des Internes est l’organe représentatif des jeunes médecins en fin de formation initiale. Créé en 1969, l’ISNI représente aujourd’hui près de 15 000 Internes, futurs praticiens libéraux ou salariés, répartis sur l’ensemble du territoire et affectés dans les 28 subdivisions correspondant aux Facultés de médecine (Antilles-­‐Guyane, Tours, Paris, ou encore Grenoble et Amiens…). Interlocuteur des pouvoirs publics, l’ISNI travaille à la promotion des Intérêts des Internes, au service d’une vision moderne de l’organisation des soins, décloisonnés, accessibles à tous et de grande qualité.

Ü LE SENS DE NOTRE DÉMARCHE « C’est aux jeunes médecins L’élaboration d’une nouvelle loi de santé publique, qui d’améliorer le système de santé de définit des objectifs d’avenir pour l’organisation des soins, demain pour redonner tout son sens est un moment particulièrement important pour les acteurs au progrès médical et social » de santé et les patients. Naturellement, les Internes souhaitent s’impliquer dans le débat public et faire entendre leur voix. C’est pourquoi notre syndicat a initié un grand exercice démocratique et participatif, via la transmission d’un questionnaire à tous ses administrateurs, portant sur les nécessaires évolutions du statut de l’Interne. Modernisation du parcours de formation, respect du temps de travail, amélioration de la protection sociale, participation à la gouvernance, rôle des jeunes médecins dans l’organisation des soins… cette plateforme de propositions est la contribution des Internes à la construction de la loi de santé publique, sur laquelle ils fondent autant d’espoirs que d’ambitions.

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Article R. 6153-­‐2 du Code de la Santé Publique

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ÉDITORIAL LE MOT DU PRÉSIDENT DE L’ISNI Emanuel Loeb L’Interne est soumis à une double exigence : se former et prodiguer des soins. Bien qu’étudiant, c’est un acteur clef de l’organisation des soins. Il est souvent le premier représentant du corps médical que rencontre le patient lors de sa prise en charge. Ce statut hybride est gage de qualité pour la formation des jeunes médecins. Il présente néanmoins certaines faiblesses. En effet, l’Interne est davantage considéré comme une ressource, force de travail, plutôt que comme étudiant, en phase d’apprentissage. Les parcours de formation des jeunes médecins manquent de cohérence et de progressivité. Le non-­‐respect du temps de travail met en péril la sécurité des Internes et de leurs patients. La protection sociale des Internes demeure défaillante, et leur participation à la gouvernance de l’organisation des soins aléatoire. Pour toutes ces raisons, les Internes attendent beaucoup de la loi de santé publique. Elle doit être l’occasion de réinventer la formation initiale et continue des professionnels de santé en général, et des Internes en particulier. Alors que la jeunesse est considérée comme la priorité du quinquennat, nous, médecins en devenir, souhaitons être entendus, et apporter notre pierre à l’édifice de la construction du système de santé de demain. Nous attendons de cette loi qu’elle mette en cohérence la formation des médecins avec les enjeux de la médecine du 21e siècle. C’est pour cette raison que j’ai proposé à l’ensemble des Internes, via leurs représentants en région, de participer à une vaste concertation portant sur l’avenir du statut de l’Interne, à travers trois axes principaux : 1) la modernisation de la formation des jeunes médecins, 2) le développement de conditions de travail satisfaisantes pour les Internes, 3) la participation des jeunes médecins à l’organisation du système de santé. Les propositions qui suivent émergent du vécu des acteurs de terrain. L’ISNI, fidèle à son idéal de représentation indépendante, humaniste et progressiste, se donne pour mission de les porter et de les promouvoir auprès des pouvoirs publics. 2


SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS LES 9 PROPOSITIONS DES INTERNES Ü AXE 1 : MODERNISER LA FORMATIONDES JEUNES MÉDECINS : UN ENJEU D’AVENIR POUR NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ 1. ADAPTER LE CONTENU THÉORIQUE ET PRATIQUE DE L’INTERNAT AUX ENJEUX DE FORMATION DES MÉDECINS D’AUJOURD’HUI 2. CONSTRUIRE UN VÉRITABLE ACCOMPAGNEMENT DE L’INTERNE TOUT AU LONG DE SA FORMATION 3. PROPOSER AUX INTERNES UN PARCOURS DE FORMATION PLUS LISIBLE, PROGRESSIF ET COHÉRENT Ü AXE 2 : GARANTIR DE BONNES CONDITIONS DE TRAVAIL AUX INTERNES POUR ASSURER LA QUALITÉ DES SOINS 4. ENGAGER RAPIDEMENT UNE REFORME DU TEMPS DE TRAVAIL ET DES REPOS DE SÉCURITÉ DES INTERNES 5. GARANTIR LE RESPECT DE CES RÈGLES SUR LES LIEUX DE STAGE 6. ASSURER UNE VÉRITABLE PROTECTION SOCIALE DES INTERNES Ü AXE 3 : FAIRE DES JEUNES MÉDECINS LES ACTEURS DU SYSTÈME DE SANTÉ : UNE CHANCE POUR L’ORGANISATION DES SOINS 7. INCITER LES JEUNES MÉDECINS A S’INSTALLER SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE 8. FAVORISER LA PARTICIPATION DES INTERNES A LA GOUVERNANCE DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ ET DU SYSTÈME DE SANTÉ 9. QUELQUES PROPOSITIONS VISANT A ACCOMPAGNER DES REFORMES STRUCTURELLES DU SYSTÈME DE SANTÉ 3


AXE 1 :

MODERNISER LA FORMATION DES JEUNES MÉDECINS : UN ENJEU D’AVENIR POUR NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ 4


Le regard des Internes Les résultats d’une enquête nationale menée par l’ISNI

somme d’informations colossale rapidement disponible grâce aux nouvelles technologies. Parallèlement, l’évolution des connaissances scientifiques complexifie l’apprentissage des connaissances médicales dans leur globalité. Il est aujourd’hui nécessaire de reconnaître que le médecin ne peut pas tout savoir, que les technologies de l’information et de la communication peuvent lui servir de support, et l’aider à prendre connaissance des dernières recommandations, des dernières recherches scientifiques, des nouvelles stratégies thérapeutiques.

Au terme d’une enquête nationale de grande envergure2 conduite auprès de plus de 5500 Internes dans les facultés de médecine, l’ISNI a adressé le premier état des lieux de la formation théorique des Internes en France. L’enquête pointe la grande hétérogénéité de la formation des jeunes médecins en fonction de leur lieu d’apprentissage et de la spécialité enseignée. D’importantes faiblesses de l’Internat sont mises en évidence, comme le difficile accès aux enseignements théoriques, le défaut d’évaluation ou la nécessité de recourir à des formations complémentaires souvent coûteuses.

« La formation initiale des médecins d’aujourd’hui conditionnera la qualité des soins de demain »

Ainsi, dans 60 % des cas, les Internes ne sont jamais évalués au cours de leur Internat. Un tiers des Internes indiquent ne pas être autorisés à s’absenter de l’hôpital pour assister à leur formation. Près de la moitié des Internes suivent une formation complémentaire, car ils considèrent les enseignements du Diplôme d’Étude Spécialisé insuffisants, et 20 % d’entre eux déclarent être dans l’obligation de suivre cette formation complémentaire pour valider leur cursus.

La formation au management : Les médecins assument au quotidien des responsabilités managériales. De fait, les nouveaux modes de régulation de l’hôpital, découlant des réformes du financement et de la nouvelle gouvernance, engendrent une tension accrue sur l’accès aux ressources, humaines ou matérielles. Ces évolutions nécessitent de développer au sein des établissements de véritables compétences managériales indispensables à la mise en œuvre d’un pilotage assurant la pérennité et la performance des structures de santé. Les médecins de ville sont également particulièrement confrontés à ces questions, à travers l’organisation logistique de leur cabinet (comptabilité, gestion du personnel, gestion des dépenses, etc.).

Les besoins d’évolution des maquettes et du contenu de la formation Alors que l’environnement médical se transforme rapidement, la formation des médecins doit se renouveler pour répondre aux enjeux de la médecine du 21e siècle. L’utilisation des nouvelles technologies : les Internes d’aujourd’hui sont la première génération de médecins disposant d’une

Importance croissante des enjeux médico-­‐ économiques : Dans un contexte de rationalisation des dépenses de santé, chaque

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Grande enquête nationale, Mars 2014, Les jeunes médecins sont-­‐ils bien formés ? Résultats de la grande enquête nationale de l’Inter Syndicat National des Internes.

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prescription doit être justifiée. Pour s’inscrire au mieux dans un environnement plus contraint, les futurs médecins sont amenés à saisir les grands principes des impératifs médico-­‐économiques. Il en va de la performance des services de santé et de la pérennité de notre système de soins.

De fait, l’actuelle formation des Internes est marquée par plusieurs faiblesses, parmi lesquelles l’absence de progression pédagogique au sein de chacune des formations, la quasi-­‐absence d’évaluation formalisée des compétences, une période de mise en responsabilité professionnelle aléatoire, ou une faible lisibilité des parcours de formation. Tout un ensemble de mesures devrait permettre d’ancrer l’Interne dans son statut particulier d’étudiant en cours de professionnalisation, en remettant l’acquisition des connaissances et des pratiques au cœur de ses activités et de son parcours.

La transformation du rapport aux patients : Sous l’effet conjugué d’Internet qui fournit aux malades une somme d’informations considérables, et de leur sensibilité accrue à comprendre et participer aux stratégies thérapeutiques, la relation médecin/malade évolue. Moins verticale, plus équilibrée et complexe, la relation au patient doit pouvoir faire l’objet d’un enseignement spécifique, visant à apprendre au soignant à mieux communiquer face à un patient mieux informé, et acteur de sa prise en charge.

Moderniser l’organisation de la formation Lorsqu’il est question de la formation des Internes, l’enseignement supérieur et la recherche sont trop souvent délaissés aux dépens d’une vision considérant l’Interne comme un « effecteur de soins ». La progressivité de la formation pratique et l’amélioration de la formation théorique sont les deux principaux enjeux soulevés par la réforme du 3e cycle d’études médicales.

« Le stage doit s’adapter à la formation des Internes et non l’inverse » Pour s’inscrire dans l’université française du 21e siècle, la formation des médecins doit être compatible avec le cursus LMD, consacrer l’existence d’une mobilité étudiante, permettre la mutualisation des moyens et des enseignements entre les filières et valoriser l’innovation dans les méthodes d’enseignement. 6


Les Internes proposent :

PROPOSITION n° 1 ADAPTER LE CONTENU THÉORIQUE ET PRATIQUE DE L’INTERNAT AUX ENJEUX DE FORMATION DES MEDECINS D’AUJOURD’HUI

1. Sanctuariser le temps de formation universitaire, intégré aux obligations de service, pour permettre à tous les Internes de participer aux enseignements théoriques. Concrètement, les deux demi-­‐journées de formation universitaire par semaine doivent figurer sur les tableaux de service afin d’être opposables par les Internes.

2. Refondre les maquettes des DES pour y introduire une mixité des parcours, en rendant opposable la réalisation d’un stage en médecine ambulatoire pour les Internes de toutes les spécialités. 3. Intégrer à la formation théorique et pratique les modules suivants : − Anglais médical − Économie de la santé et enjeux de la juste prescription, − Techniques de management, − Etude de la relation médecin / patients, − Utilisation des nouvelles technologies au service de la pratique médicale. 4. Valoriser l’Internat comme période charnière de la formation des médecins en : − Raccourcissant d’un an le deuxième cycle d’études médicales − En portant à 5 années minimum l’ensemble des spécialités médicales autres que la médecine générale, qui pourrait être suivie en 4 ans avec une possibilité d’approfondissement des grands champs de la médecine ambulatoire (santé de la femme, santé de l’enfant, personnes âgées, oncologie – maladie chronique, santé mentale).

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PROPOSITION n° 2 CONSTRUIRE UN VERITABLE ACCOMPAGNEMENT DE l’INTERNE TOUT AU LONG DE SA FORMATION

5. Créer un système d’évaluation de l’acquisition des connaissances théoriques et des compétences pratiques (savoir-­‐faire / savoir-­‐agir), actuellement inexistant.

6. Créer la possibilité d’un statut de tuteur permettant à des médecins confirmés d’accompagner les Internes tout au long de leur cursus. 7. Maintenir un dispositif unique de numerus clausus national tout au long des études médicales permettant de mettre en adéquation le nombre d’étudiants en médecine à former avec les capacités de formation et les besoins de santé de la population. 8. Donner la priorité aux besoins de formation des Internes sur les besoins en effectifs des services hospitaliers : − En donnant une voix prépondérante aux UFR, ARS et structures représentatives des Internes au sein de la commission de subdivision afin de limiter le poids des acteurs ayant davantage tendance à considérer les Internes comme des « effecteurs de soins » plutôt que comme des étudiants ; − En créant un taux d’inadéquation entre le nombre d’étudiants ayant passé les épreuves du Classement National et le nombre de postes ouverts, pour chaque spécialité au sein de chaque subdivision, et ce à toutes les phases du cursus, afin de favoriser une émulation entre les différents services souhaitant bénéficier du travail des Internes (taux d’inadéquation de 15 %).

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PROPOSITION n° 3 PROPOSER AUX INTERNES UN PARCOURS DE FORMATION PLUS LISIBLE, PROGRESSIF ET COHÉRENT

9. Créer une progression dans le contenu pédagogique de l’Internat à travers la mise en place de trois véritables phases distinctes : la phase socle, la phase intermédiaire et la phase de mise en responsabilité, accessible après validation de la thèse.

10. Ancrer l’Interne dans son statut particulier d’étudiant en cours de professionnalisation en mettant en place un financement des postes d’Internes quelle que soit la phase (phase 1, 2 ou 3), déconnecté de leur activité, sur la base d’une enveloppe globale. Cette enveloppe serait cofinancée entre le Ministère en charge de la Santé et le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et uniquement distribuée par l’employeur, payeur unique. 11. Adapter la répartition du numérus clausus à l’entrée du troisième cycle des études de médecine en majorité vers la « spécialité de médecine ambulatoire de premier recours » et diminuer le nombre de poste d’Internes de spécialité de second recours. 12. Faire de l’Université la seule entité responsable de la (re)qualification des médecins, notamment étrangers.

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AXE 2 :

GARANTIR DE BONNES CONDITIONS DE TRAVAIL AUX INTERNES POUR ASSURER LA QUALITÉ DES SOINS

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Le regard des Internes Les manquements au respect des règles en matière de temps de travail des Internes

accidents domestiques et 3 % des accidents corporels. Ils soulignent également les conséquences sur leur vie sociale et familiale à plus de 80 %.

En septembre 2012, une enquête réalisée par l’ISNI a levé le voile sur la réalité du travail des internes. L’enquête « Internes en médecine : Gardes, Astreintes et Temps de travail » a révélé que 85 % des Internes dépassaient le temps légal fixé par la directive européenne relative au temps de travail fixant à 48h la durée maximale de travail hebdomadaire. Avec des semaines de 60h de travail hebdomadaire en moyenne et de 83,5 heures si l’on y intègre les jours de formation, les Internes dépassent largement ce seuil. D’autant que pour plus d’un Interne sur cinq, le repos de sécurité n’est pas respecté.

Pour leur formation : 63 % n’ont pas la possibilité de bénéficier des deux demi-­‐ journées universitaires prévues légalement. Réorganiser le temps de travail des Internes est le seul moyen de mettre fin à cette situation. Le rôle des Internes est central au fonctionnement des hôpitaux et à la permanencedes soins. Pour les médecins en formation, ce rôle de clé de voûte des services hospitaliers recèle de lourdes responsabilités qu’il convient d’endosser dans les meilleures conditions. Pourtant, l’organisation des soins mise en œuvre dans la grande majorité des CHU et CHG considère trop souvent les Internes comme une force de travail d’ajustement. Le non-­‐respect des repos de sécurité, bien qu’obligatoire depuis 2002, en est une flagrante illustration.

Face à ce constat, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a récemment déclaré que la fatigue des soignants peut nuire à la sécurité des patients, comme à celle des soignants eux-­‐mêmes3. À cet égard, les risques sont divers et représentent un danger :

Pour ces raisons, les Internes rappellent l’obligation de respecter la réglementation européenne, plus protectrice de leurs droits et de la sécurité des patients.

« Les différentes enquêtes montrent que la fatigue des soignants peut nuire à la sécurité des patients, comme à celle des soignants eux-mêmes »

Pour le patient : 15 % des Internes déclarent avoir commis des erreurs médicales de prescription, de diagnostic ou d’acte opératoire en lendemain de garde, et plus de 39 % estiment qu’ils en ont probablement réalisé sans l’affirmer avec certitude.

Ainsi, c’est avec beaucoup d’attention que l’ISNI a pris connaissance de la décision de la Commission européenne qui, le 28 mars 2014, a demandé à la France de respecter le droit des médecins en formation à des périodes minimales de repos et à une durée de travail limitée, tel que prévu par la directive sur le temps de travail (2003/88/CE).

Pour la santé des Internes : 11 % déclarent avoir eu des accidents de la route, 15 % des 3

LA PROTECTION SOCIALE DES INTERNES : LA SÉCURITÉ DES PARCOURS COMME PRIORITÉ

ISNI. Marisol Touraine : « Il n’est pas acceptable que les internes soient corvéables à merci ». Magazine H, n°4, Janvier-­‐Février 2014

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« Praticien en formation », l’Interne est également un agent public. Bien qu’étudiant, son activité professionnelle est réelle et sa participation à l’offre de soins indéniable. À ce titre, il est incohérent que l’Interne ne bénéficie pas des mêmes couvertures et droits sociaux que l’ensemble des personnels hospitaliers d’une part, et de mesures adaptées permettant le bon déroulement de ses études d’autre part. Au vu de son investissement professionnel dans ses différents terrains de stage, il apparaît logique que l’Interne bénéficie des mêmes droits que l’ensemble des personnels hospitaliers. À l’heure où les dispositifs de participation des employeurs à la protection sociale de leurs salariés tendent à se généraliser notamment depuis le vote de la loi sur la sécurisation de l’emploi de juin 2013, les Internes entendent être partie prenante de cette impulsion donnée à la prévention et à la sécurisation des parcours. Or, force est de constater que la protection sociale des Internes est actuellement défaillante. Si certains y ont recours via leur souscription syndicale, le dispositif reste insuffisant eu égard au grand nombre d’Internes dépourvus de toute protection sociale. Bien trop d’Internes ne bénéficient d’aucune protection, en cas d’accident invalidant, d’incapacités de travail durables ou temporaires, ou pour leur famille en cas de décès.

leurs personnels. Pourtant, si les agents de l’État et des collectivités territoriales peuvent bénéficier depuis plusieurs années de ces dispositifs avantageux, les agents de la fonction publique hospitalière restent privés de cette opportunité, du fait de l’absence de publication d’un décret d’application. Le Ministère de la Santé s’était engagé à transposer avant la fin de l’année 2013 par voie réglementaire l’article 39 de la loi n°2007-­‐148 visant à donner à la fonction publique hospitalière la possibilité de participer au financement de la protection sociale des Internes. Cela n’a malheureusement pas été suivi d’effets. Par ailleurs, la rédaction d’un guide spécifique devait permettre de clarifier le régime de protection sociale des Internes, mais le document proposé cible les établissements de santé en général, et non les Internes, dont les besoins, du fait de leur statut, sont spécifiques. Pour l’ISNI, le concours des employeurs à la protection sociale complémentaire des Internes est une priorité qui répond aussi bien à des enjeux économiques, sanitaires, sociaux que managériaux. Compte tenu de leur situation particulière à mi-­‐chemin entre l’étudiant et le professionnel de santé, tous les Internes devraient bénéficier d’un dispositif de protection sociale complémentaire cofinancé par leur employeur.

« Coûteuse, facultative, et non financée par les établissements de rattachement, la protection sociale, et plus particulièrement la couverture prévoyance, est souvent délaissée par les Internes » Sur le plan juridique, la loi de modernisation de la fonction publique du 2 février 2007 a rendu possible la contribution des administrations publiques au financement de la protection sociale complémentaire de 12


Les Internes proposent :

PROPOSITION n° 4 REFORMER AU PLUS VITELES RÈGLES ORGANISANT LES TEMPS DE TRAVAIL ET DE REPOS DE SÉCURITÉ DES INTERNES

13. Établir le temps de travail total à 10 demi-­‐journées, dont 2 demi-­‐journées consacrées à la formation pour se conformer avec le droit européen. D’un point de vue organisationnel, le décompte du temps de travail doit s’établir en ½ journée. 14. Débuter le service de garde le samedi matin pour favoriser le respect de la Directive « Temps de travail », notamment en mettant fin au statut de demi-­‐garde et en permettant à la Commission centrale de l'organisation de la permanence des soins d’organiser la mise en place de la permanence des soins sur l’ensemble du week-­‐end. 15. Comptabiliser les obligations de service la nuit comme 3 demi-­‐journées, afin de tendre vers le respect de la Directive européenne, tant sur le plan des obligations de service que du temps de travail, à travers : − Une journée de 24 heures comptant 5 demi-­‐journées d’obligations de service (2 de jour et 3 de nuit) ; − 10 demi-­‐journées de 5 heures en moyenne comptant pour 50 heures d’obligations de service, ce qui tendrait vers l’objectif communautaire de 48 heures ; 16. Associer toute demi-­‐journée supplémentaire à une rémunération complémentaire sur le principe des heures supplémentaires. 17. Garantir une période de récupération équivalente à toute demi-­‐journée effectuée au-­‐delà des 10 demi-­‐journées de travail réglementaires afin d’assurer le respect d’une moyenne de 48 heures de travail hebdomadaire.

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PROPOSITION n° 5 GARANTIR LE RESPECT DE CES RÈGLES SUR LES LIEUX DE STAGE

18. Mettre en place une procédure de sanction à l’encontre des personnes chargées de l’encadrement des Internes, en cas de non-­‐respect des règles de temps de travail et du repos de sécurité. 19. Assigner des sanctions administratives et financières à l’encontre des établissements en cas de non-­‐respect du temps de travail. Un non-­‐respect répété des repos de sécurité doit entraîner le retrait de l’agrément des services susceptibles d’accueillir des Internes. 20. Renforcer le rôle des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales des ARS à travers la communication d’un bilan annuel relatif au respect des temps de travail des Internes au sein des établissements contrôlés. 21. Mettre en place des mécanismes de contrôle du temps de travail des Internes, comme l’obligation affectée aux chefs de service de contrôler les tableaux de garde et de les mettre à disposition des Inspecteurs des affaires sanitaires et sociales. 22. Imposer dans les faits l’obligation de remplir les tableaux de service, via la mise en œuvre de sanctions en cas de manquements répétés à cette obligation.

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PROPOSITION n° 6 ASSURER LA PROTECTION SOCIALE DES INTERNES

23. Clarifier et sécuriser la situation sociale des Internes via la création d’un guide technique spécifique à destination des Internes. 24. Permettre la participation financière des établissements de rattachement à la protection sociale (assurance maladie complémentaire et prévoyance) des Internes. 25. Reconnaître la pratique médicale réelle des Internes en élargissant l’assiette de cotisation retraite au cours de l’Internat, qui doit-­‐être calculée sur 100 % (et non 66 %) des émoluments mensuels bruts, comprenant ainsi le service de gardes. Cette assiette de cotisation doit répondre aux mêmes modes de calculs que celle des praticiens hospitaliers à temps plein. Cette modification de l’assiette ne doit pour autant pas impacter la rémunération des Internes, ce qui implique une revalorisation de cette rémunération. 26. Intégrer la prime de sujétion dans le calcul de la rémunération des internes de 1ère et 2ème année en cas de congés maladie, longue maladie, longue durée, pour accident ou maladie reconnu imputable à l’exercice des fonctions, maternité, paternité ou d’adoption. 27. Calquer la protection sociale des internes sur celle des praticiens hospitaliers non titulaires en cas de congés maladie, congés longue maladie, congés longue durée, congé pour accident ou maladie reconnu imputable à l’exercice des fonctions.

28. Elargir l’accès au surnombre aux Internes en situation de longue maladie. Ce dispositif permettrait à l’Interne arrêté d’être rémunéré et de poursuivre son activité, lorsque cela lui serait possible. 29. Autoriser les Internes en situation d’inaptitude à changer de DES afin de faciliter le

reclassement professionnel et les possibles changements de professions. L’évaluation de la perte d’aptitude et des possibilités de réorientation devra s’effectuer au sein d’une commission nationale indépendante ad hoc.

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AXE 3 : FAIRE DES JEUNES MÉDECINS LES ACTEURS DU SYSTÈME DE SANTÉ : UNE CHANCE POUR L’ORGANISATION DES SOINS

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Le regard des internes LES INTERNES, PARTENAIRES L’ORGANISATION DES SOINS

Pendant des années, l’État s’est désengagé de

DE

régions « sous-­‐dotées » en services publics : disparition

Les Internes sont sensibles aux enjeux soulevés par la démographie médicale et l’accessibilité des soins à l’ensemble de la population.

est nécessaire de comprendre le renoncement de jeunes professionnels à s’installer dans certains territoires peu attractifs. Rappelons également que la raréfaction des « hôpitaux de proximité » accélère ce processus de désertification. De plus de 300 au début des années 2000, on en compte moins de 250 aujourd’hui. La solution la plus évidente passe par l’incitation, l’enracinement volontaire, la socialisation des futurs praticiens et le développement économique de territoires abandonnés. Dans ce contexte, favoriser l’installation de jeunes médecins demande la mise en œuvre d’une politique particulièrement volontariste mettant tous les acteurs impliqués autour de la table : ARS, représentants des Internes et des

URPS,

Caisses

choisissent l’exercice en libéral à la sortie de l’Internat, ils sont 35 % à exercer une pratique

liberté d’installation des professionnels de

mixte (libéral/hospitalière) après cinq années

santé. L’ISNI a travaillé à la réalisation d’un

de pratique. Enfin, il est important de prendre

document de comparaison internationale

en

indiquant très clairement que toutes les

compte

le

fait

que

les

jeunes

professionnels privilégient souvent dans leur

mesures coercitives expérimentées dans les

choix d’installation la possibilité d’exercer en

autres pays de l’OCDE n’ont eu pour résultats

équipe.

que de renforcer la désertification médicale.

Engagés à la recherche de solutions

L’ISNI ne cesse de rappeler que le véritable

novatrices, les Internes s’intéressent et

est

contribuent aux réflexions portant sur les

l’attractivité de territoires mal desservis. 17

médecins,

Alors que moins de 10 % des jeunes médecins

leur indéfectible attachement au principe de

médicaux

jeunes

d’Assurance Maladie, Ordre des médecins.

Saluant ces mesures, les Internes rappellent

déserts

développement

politique culturelle, fermeture de classes... Il

Alors que les autorités publiques ont exclu le recours aux mesures coercitives relatives à l’installation des médecins, plusieurs programmes incitatifs ont été mis en place ces dernières années : aides financières, création du statut de Praticien Territorial de Médecine Générale, soutien au développement de maisons de santé, réflexions sur les transferts de compétences entre professionnels de santé.

des

postes,

insuffisant des axes de transport et de la

Force est de constater que la question du renouvellement des générations se pose comme un défi pour notre système de santé. En effet, âgés en moyenne de 52 ans, de nombreux médecins approchent de l’âge de la retraite, et près de 1/4 est susceptible d’arrêter son activité d’ici 2018. Inversement, les médecins de moins de 40 ans ne représentent que 15 % de l’effectif total.

problème

des


nouveaux modes d’exercice de la médecine : maisons

de

santé

concertation au sein des établissements, sont autant d’évolutions souhaitables.

pluridisciplinaires,

coopérations entre professionnels, recours à la télésanté, appui dans les fonctions

administratives, etc.

LES INTERNES ET LA GOUVERNANCE DES ÉTABLISSEMENTS ET DU SYSTÈME DE SANTÉ L’Interne est un acteur majeur de l’organisation des soins et de son établissement de santé de rattachement. Ainsi, les jeunes médecins pourraient davantage être associés aux décisions qui concernent l’organisation des structures au sein desquelles ils travaillent.

« La participation à la gouvernance des établissements de santé devrait être associée aux missions de soins, d’enseignement et de recherche dévolues aux professionnels de santé » Les jeunes médecins doivent pouvoir s’impliquer au plus tôt, dès l’Internat et à leur mesure, dans le fonctionnement de leur établissement de rattachement. Impliqués dans un cursus universitaire particulièrement long, ils entendent construire, plutôt que subir, l’Hôpital public de demain. L’évolution des pratiques managériales, la valorisation des personnes et des équipes, l’allègement des contraintes de gestion, la délégation des responsabilités à tous les niveaux, la fin d’une culture de la dévalorisation du jeune en apprentissage sont autant d’avancées qui devraient permettre d’inciter les Internes à faire le choix de l’hôpital public. À la lumière des années écoulées, un rééquilibrage de la gouvernance attenant à une amélioration de la 18


Les Internes proposent :

PROPOSITION N° 7 INCITER LES JEUNES MÉDECINS A S’INSTALLER SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE

30. Garantir et pérenniser le principe de libre installation des professionnels de santé. 31. Refondre les maquettes des DES pour y introduire une mixité des parcours, en rendant opposable la réalisation d’un stage en médecine ambulatoire pour les Internes de toutes les spécialités (cf. Axe 1). 32. Créer une expérimentation d’un an renouvelable portant sur la mise en œuvre d’un statut attractif de praticien investi dans une activité mixte (hospitalière et libérale en ambulatoire), sur les zones fragiles. 33. Ouvrir le dispositif de PTMG à l’ensemble des spécialités médicales. 34. Conforter le guichet unique d’installation au sein des ARS comme véritable plateforme d’aide à l’installation des médecins, en créant un dossier unique d’installation transmissible entre la Caisse d’Assurance Maladie, l’ARS et l’Ordre des médecins. 35. Organiser des forums d’information et de partage d’expériences à destination des Internes et jeunes médecins, permettant de les sensibiliser aux différentes carrières et possibilités d’installation. 36. Développer des mécanismes de protection sociale attractifs pour les médecins libéraux, notamment concernant les congés maternités et affections de longues durées. 37. Mettre en œuvre une cartographie interactive via un site internet présentant les dispositions incitatives pour chaque territoire, décrivant ce à quoi un médecin a le droit en s’installant dans tel ou tel territoire. 38. Revenir sur la constitution de réseaux de soins, qui ne présentent pas un caractère incitatif pour l’installation de jeunes médecins et renforcent les inégalités d’accès aux soins.

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PROPOSITION n° 8 FAVORISER LA PARTICIPATION DES INTERNES A LA GOUVERNANCE DES ÉTABLISSEMENTS ET DU SYSTÈME DE SANTÉ 39. Assurer la représentation des Internes dans le cadre d’une refonte du cadre conventionnel.

40. Autoriser des aménagements d’agenda pour les Internes participant aux commissions décisionnelles et consultatives au niveau local ou national, à l’instar des élus pour lesquels du temps de travail peut être libéré. 41. Élaborer une circulaire ou un guide rappelant l’ensemble des commissions auxquelles les Internes ont le droit de participer. 42. Ouvrir aux représentants des Internes la possibilité de siéger au sein des conseils de surveillance des CHU et ARS. 43. Confirmer la présence des Internes au sein de la Commission de la Recherche de l’Université. 44. Dépasser la distinction entre médecins généralistes et autres spécialités dans la représentation des Internes au sein des différentes commissions (CME ou Commission de subdivision).

PROPOSITION n° 9 QUELQUES IDÉES POUR ACCOMPAGNER LES REFORMES STRUCTURELLES DE TRANSFORMATION DE L’HÔPITAL ET DU SYSTÈME DE SANTÉ

45. Décloisonner les carrières universitaires et/ou managériales, réservées aujourd’hui à une faible minorité de praticiens hospitalo-­‐universitaires, en donnant la possibilité aux praticiens hospitaliers d’évoluer vers des postes de management. 46. Homogénéiser les différents statuts de Praticien Hospitalier en supprimant les contrats atypiques (comme les praticiens hospitaliers contractuels) et en harmonisant les statuts de praticien hospitalier temps plein et à temps partiel. 47. Remplacer des unités d’hospitalisation de faible activité par des pôles de santé ambulatoires pluri professionnels. 48. Développer les mécanismes favorisant et valorisant la formation des médecins tout au long de leur carrière. 20


Elaboration de la loi de santé publique

Les propositions des Internes CONTACTS

Emanuel Loeb Président Psychiatrie (Caen) Mail : president@isni.fr Tel : (+33) 6 76 26 29 99 Twitter : @EmanuelLOEB Étienne Pot Premier Vice-Président et Porte-parole Santé publique et Médecine sociale (Lyon) Mail : porte-parole@isni.fr / e.pot@isni.fr Tel : (+33) 6 07 05 90 63 Twitter :@etienne_isni Mickael Benzaqui Secrétaire général et Porte-parole Santé publique et Médecine sociale (Reims) Mail : porte-parole@isni.fr/ m.benzaqui@isni.fr Tel : (+33) 6 66 99 88 83 Twitter : @MickaelBenzaqui

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