ALIGNER LES LÉGISLATIONS NATIONALES SUR LA C190
Des avancées sont observées en matière de réformes juridiques dans les pays qui ont ratifié la C190 ou se préparent à le faire. Pour de nombreux syndicats, il est essentiel que la législation nationale soit alignée sur la C190 afin de définir les obligations de l’employeur pour prévenir et faire face à la violence et au harcèlement et garantir la participation des syndicats.
Comme le montre le graphique 1, la plus grande partie des syndicats ayant répondu à l’enquête (39 %) fait état de progrès dans l’alignement du droit du travail sur la C190 et 26 % des syndicats ont signalé que les lois sur l’égalité et la non-discrimination ont été amendées en vue d’incorporer les dispositions de la C190. Ces résultats mettent également en évidence la défense par les syndicats d’une approche intersectionnelle qui s’attaque aux formes multiples et croisées de discrimination.
Une perspective intersectionnelle est essentielle, car elle signifie qu’une reconnaissance est donnée aux multiples formes de discrimination qui se recoupent et auxquelles sont confrontés les femmes, les travailleurs racisés, les travailleurs handicapés et les travailleurs LGBTQI+, qui sont touchés de manière disproportionnée par la violence et le harcèlement. Dans une enquête réalisée en 2024 par UNISON au Royaume-Uni5, 78 % des travailleuses, 71 % des travailleurs noirs, asiatiques et de minorités ethniques, 80 % des personnes vivant avec un handicap et 79 % des travailleurs LGBT+ ont déclaré avoir subi de la violence et un harcèlement au cours des deux dernières années. De même, l’enquête du Congrès du travail du Canada (CTC) effectuée en 20226 au Canada a révélé des taux de harcèlement sexuel plus élevés pour les femmes, les travailleurs trans, non binaires, de genre différent, autochtones et handicapés.
sur l’économie informelle
sur l’égalité et la non-discrimination
Droit pénal
Lois/réglementations au niveau sectoriel
5 UNISON (à paraître) Tackling Violence in Public Services: An Occupational Safety and Health Approach.
6 Berlingieri, A., Welsh, S., MacQuarrie, B., McFadyen, N.D., Bigras-Dutrisac, H. avec le Congrès du travail du Canada. (2022). Le harcèlement et la violence dans les
https://documents.clcctc.ca/human-rights/Respect-at-Work-Report-2022-03-28-FR.pdf
milieux de travail au Canada : Cela [ne] fait [pas] partie de la description de tâche. London, ON : Centre de recherche et d’éducation sur la violence faite aux femmes et aux enfants, Western University.
Graphique 1 : Modifications de la législation pour s’aligner sur la C190
Lois
Tous
Législation du travail
Lois sur la sécurité et la santé au travail
Lois
Lois sur la violence domestique
Lois sur les droits et la protection des victimes
En Australie, la ratification de la C190 a entraîné des modifications de la loi sur le travail équitable (Fair Work Act) et de la loi sur la discrimination sexuelle (Sex Discrimination Act). La loi sur le travail équitable stipule désormais une interdiction du harcèlement sexuel et préconise des protections renforcées contre la discrimination et la violence domestique sur le lieu de travail. Une nouvelle « obligation positive » introduite en vertu de la loi de 1984 sur la discrimination sexuelle oblige les employeurs à prendre les devants en adoptant des mesures de prévention ciblant les comportements illicites, le harcèlement sexuel et le harcèlement fondé sur le sexe sur le lieu de travail ou lié au travail, un environnement de travail hostile et des actes de victimisation.
En particulier, 25 % des syndicats ayant répondu à l’enquête ont signalé des changements dans les lois sur la sécurité et la santé au travail (SST), garantissant que les dispositions relatives à la prévention de la violence et du harcèlement sont désormais incluses dans les procédures d’évaluation des risques en matière de SST. Ces mesures, qui impliquent l’identification, l’évaluation, le contrôle et l’examen de la violence et du harcèlement en tant que risques pour la SST - incluant une approche sensible au genre et l’inclusion des dangers et des risques psychosociaux -, ont gagné en importance depuis l’adoption de la C190.
Un nombre croissant de syndicats qui, pour mettre en œuvre la C190, se concentrent sur les lois relatives à la SST et sur les politiques du lieu de travail tirent également parti de l’inclusion d’un « environnement de travail sûr et salubre » dans la déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail. Cette reconnaissance fait suite à la désignation comme conventions fondamentales de la convention (n° 155) sur la sécurité et la
VIOLENCE DOMESTIQUE
santé des travailleurs, 1981, et de la convention (n° 187) sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail, 2006, lors de la Conférence internationale du travail (CIT) de 2022.
De même, 24 % des syndicats ont signalé l’introduction de lois reconnaissant la violence domestique comme une problématique sur le lieu de travail, garantissant ainsi la prise en compte de ses effets sur le lieu de travail.
Seuls 4 % des syndicats ont indiqué que toutes les lois pertinentes énumérées dans le graphique 1 ont été modifiées conformément à la C190, tandis que 12 % ont déclaré que les lois de leur pays sont déjà alignées sur la C190. Cependant, 27 % des syndicats ont indiqué que leur gouvernement n’envisageait pas de réformes législatives pour se mettre en conformité avec la C190. Bien que des progrès soient évidents dans certains pays, l’enquête suggère qu’il reste encore un long chemin à parcourir pour transposer pleinement les dispositions de la C190 en droit national.
La Confédération géorgienne des syndicats (GTUC) a réalisé une étude intitulée The Impact of Domestic Violence in the Workplace (L’impact de la violence domestique sur le lieu de travail) avec le soutien du Solidarity Centre, une organisation internationale de défense des droits des travailleurs basée aux États-Unis et alliée à la Fédération américaine du travail et au Congrès des organisations industrielles (AFL-CIO). L’étude donne un aperçu détaillé des dispositions de la C190 qui traitent de la violence domestique sur le lieu de
travail et propose des exemples de lois et de conventions collectives d’autres pays afin de promouvoir des changements juridiques et des négociations collectives susceptibles de soutenir les victimes de violence domestique sur le lieu de travail.
En Italie, les dispositions relatives au congé et à l’aide aux victimes de violence domestique sont incluses dans de nombreuses conventions collectives nationales et sectorielles, couvrant des secteurs tels que l’administration publique, la métallurgie, les services tertiaires, la production alimentaire et la construction.
Ces conventions ont réussi à faire passer le congé payé de trois mois (comme le prévoit la loi) à un maximum de six mois et garantissent également le droit à un transfert d’emploi vers d’autres bureaux ou sites de l’entreprise.
ÉVALUATION
DES RISQUES POUR PRÉVENIR
LA VIOLENCE ET LE HARCÈLEMENT
Au Canada, de récents amendements législatifs sur la SST obligent les employeurs à prévenir la violence et le harcèlement, y compris la violence et le harcèlement fondés sur le genre et la violence domestique, et à procéder à des évaluations des risques. En 2024, le Congrès du travail du Canada (CTC) a participé à une initiative financée par le gouvernement avec l’université Western en Ontario pour développer de nouveaux outils d’évaluation des risques et dispenser une formation aux employeurs et aux syndicats pour effectuer des évaluations des risques et élaborer des plans de prévention.
Aux Pays-Bas, l’évaluation obligatoire des risques (RI&E) que les employeurs doivent mener en consultation avec les syndicats inclut la violence et le harcèlement. Cette évaluation vise à identifier les risques encourus par les travailleurs, à hiérarchiser les risques les plus graves ou les plus significatifs et à définir des mesures de prévention dans le cadre d’un plan d’action.
ACTIVITÉS SYNDICALES
Les syndicats entreprennent un large éventail d’activités visant la mise en œuvre de la C190 et la R206, qui vont de la formation et de la sensibilisation aux négociations avec les employeurs, comme illustré dans le graphique 2. La grande majorité des syndicats (84 %) sont engagés dans la sensibilisation et la formation de leurs membres, tandis
que 75 % se sont concentrés sur le lobbying et les discussions avec les gouvernements, les organes législatifs et les parlements pour obtenir la ratification de la C190 et sa transpositions en droit national. Ces activités sont souvent menées en partenariat avec d’autres syndicats, ONG et parties prenantes, renforçant de la sorte les efforts de lobbying.
Une autre évolution significative est que davantage de syndicats adoptent des politiques internes et mènent des initiatives de sensibilisation pour s’assurer d’être équipés, en tant qu’organisations, pour prévenir la violence et le harcèlement affectant leur personnel, leurs représentants syndicaux et leurs adhérents. Comme dans les enquêtes précédentes, les syndicats continuent de souligner l’importance de la collecte de données et de la documentation des expériences des travailleurs - non seulement pour amplifier les voix de ceux qui sont affectés de manière disproportionnée par la violence et le harcèlement, mais aussi pour fournir une base factuelle pour le lobbying et le plaidoyer.
Quarante-deux pour cent des syndicats s’attachent à proposer de nouveaux services à leurs membres en matière de prévention, de réparation et de recours. Près de la moitié des syndicats (46 %) négocient des politiques et des conventions collectives sur le lieu de travail, et plus d’un tiers (37 %) discutent avec les employeurs. Le graphique ci-dessous illustre l’éventail des activités syndicales dans la région et montre que les syndicats sont engagés dans de multiples activités. Dix-huit pour cent des syndicats participent à toutes les activités énumérées dans le tableau.
Sensibilisation/formation des membres du syndicat
Lobbying et discussions avec le gouvernement/ législature/parlement
Partenariats et alliances avec les syndicats, les ONG et les autres parties prenantes
Politiques syndicales internes/sensibilisation
Recherche, collecte de données et documentation des histoires des travailleurs
Négociation de politiques et d’accords sur le lieu de travail alignés sur le règlement C190/R206
Nouveaux services aux affiliés en matière de prévention, de recours et de réparation
Engagement auprès des employeurs
La fédération vénézuélienne ASI a entrepris un vaste travail de lobbying, de campagne et de formation des membres du syndicat en faveur de la ratification de la C190. Bien que la convention ait été présentée à l’Assemblée nationale le 18 mars 2020, aucun progrès n’a été réalisé depuis lors. Outre la campagne et le
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plaidoyer continus en faveur de la ratification, la C190 est intégrée dans toutes les activités du syndicat, servant de cadre à la négociation de clauses sur la violence et le harcèlement et guidant les efforts de plaidoyer des secrétariats des femmes, des jeunes et des LGBTQI+.
Graphique 2 : Activités menées par les syndicats au cours de l’année écoulée
SENSIBILISATION ET FORMATION DES MEMBRES SYNDICAUX
La formation et la sensibilisation des membres et des affiliés sous l’égide des syndicats ont été essentielles pour mettre en lumière la violence fondée sur le genre, proposer des outils pour la négociation collective, effectuer
des évaluations des risques et négocier des politiques sur le lieu de travail auxquelles les travailleurs peuvent faire confiance. Un élément clé de la formation syndicale a été la garantie d’une approche tenant compte du genre et de l’inclusion des travailleurs affectés de manière disproportionnée par la violence et le harcèlement.
LE RÔLE DE LA FORMATION : LES SYNDICATS S’OPPOSENT À LA VIOLENCE ET AU HARCÈLEMENT
En 2024, la formation des délégués syndicaux de l’Uganda Printers, Paper, Polyfibre and Allied Workers Union, de l’Uganda Textile, Garment, Leather and Allied Workers Union et de l’Uganda Hotels, Food, Tourism, Supermarket and Allied Workers Union a obtenu des résultats impressionnants en donnant aux délégués syndicaux les moyens de lutter efficacement contre le harcèlement sexuel7. La formation a fourni des outils pour aider les syndicats à négocier la mise en œuvre de la C190, qui a été ratifiée par l’Ouganda en 2023. Elle a porté sur les mécanismes de signalement, les politiques globales sur le lieu de travail et les accords de partage des responsabilités pour mettre fin à la violence liée au sexe, et l’évaluation des risques pour prévenir la violence fondée sur le genre. Les syndicats se sont ensuite mobilisés auprès des propriétaires d’usines pour la mise en œuvre de ces politiques.
Dans un cas notable, une déléguée syndicale a fait face au harcèlement sur son lieu de travail (une usine) et fait démarrer des enquêtes qui ont révélé des cas d’agressions sexuelles de jeunes travailleuses, en particulier celles qui avaient été recrutées avec des contrats à durée déterminée et à qui l’on avait promis un emploi permanent. Elle a déclaré que la formation lui avait permis de s’élever contre le harcèlement sexuel sur son lieu de travail.
FORMATION SYNDICALE SUR LA PRÉVENTION DE LA VIOLENCE FONDÉE SUR LE GENRE DANS LE CADRE DE LA DILIGENCE RAISONNABLE EN MATIÈRE DE DROITS HUMAINS
Dans le cadre d’une initiative de prévention de la violence fondée sur le genre dans le cadre de la diligence raisonnable en matière de droits humains dans la chaîne d’approvisionnement des batteries, les syndicats affiliés à IndustriALL dans le secteur de l’extraction du nickel en Indonésie ont participé à une formation en septembre 2023 afin de renforcer leur capacité à négocier des politiques et des accords pour aborder et prévenir la violence fondée sur le genre. L’accent a été mis sur l’intégration de la violence fondée sur le genre parmi les sujets de la sécurité et la santé au travail, en particulier dans les procédures d’évaluation des risques. En 2024, une politique de tolérance zéro à l’égard de la violence et du harcèlement a été incluse dans la première convention collective négociée pour les travailleurs de sept entreprises du parc industriel de Morowali (IMIP). Cette politique stipule que les employeurs doivent observer une tolérance zéro à l’égard du harcèlement sexuel et de la violence sur le lieu de travail, et précise que le harcèlement sexuel est un motif de licenciement. 7
COALITIONS ET ALLIANCES
L’une des réussites de la campagne pour la ratification et la mise en œuvre de la C190 et de la R206 a été la formation de coalitions et d’alliances, qui rassemblent les syndicats autour d’une cause commune, souvent en alliance avec des ONG. Un exemple notable est la création de la Table ronde nationale intersyndicale pour la ratification de la C190 et de la R206 (MNIRC-190, Mesa Intersindical por la ratificación del C190) au Nicaragua, constituée par neuf organisations syndicales pour pousser le gouvernement à ratifier et à mettre en œuvre la C190.
La MNIRC-190 a également mené des études pour promouvoir un cadre juridique commun, élaboré des lignes directrices pour la mise en œuvre de la C190 et lancé un programme national de formation pour les dirigeants syndicaux. En 2024, la coalition a publié une étude intitulée Analyse comparative de la législation nicaraguayenne et de la C190, qui met en évidence les dispositions existantes de la législation nicaraguayenne qui sont alignées sur la C190. L’étude servira de fondement aux arguments à avancer dans les dialogues et négociations bipartites ou tripartites pour prévenir, remédier et éradiquer la violence et le harcèlement, et pour promouvoir le droit à l’égalité, à la non-discrimination et à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement pour les hommes comme pour les femmes.
En 2024, à l’issue de deux années de lobbying par l’Australian Council of Trade Unions (ACTU) et ses partenaires de la coalition Power to Prevent, le gouvernement a introduit une législation qui permettra aux victimes de harcèlement sexuel et de discrimination d’intenter plus facilement une action en justice contre les auteurs de ces actes en supprimant l’un des principaux facteurs de dissuasion
auxquels les victimes étaient confrontées, à savoir les coûts considérables associés à la saisine des tribunaux8. À l’heure actuelle, seule une victime de harcèlement sexuel sur 230 000 est en mesure d’intenter une action en justice. Les victimes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail ont désormais une chance équitable d’obtenir justice sans que la crainte d’une ruine financière ne les retienne. Le nouveau modèle de coût devrait bénéficier en premier lieu aux travailleurs à faible revenu et vulnérables qui sont victimes de harcèlement sexuel et de discrimination.
L’ACCENT MIS SUR LA VIOLENCE ET LE HARCÈLEMENT PAR DES TIERS
De nombreux syndicats développent de nouveaux outils pour prévenir et traiter la violence et le harcèlement par des tiers et veiller à leur inclusion dans les lois nationales, les politiques sur le lieu de travail et les procédures d’évaluation des risques en matière de sécurité et de santé au travail (SST).
Les syndicats ont fait valoir l’importance du phénomène de la violence de tiers dans les secteurs où les travailleurs interagissent fréquemment avec les clients, les élèves, les étudiants et le grand public9. En 2024, les employeurs et les syndicats européens de sept secteurs - santé, éducation, transport, hôtellerie, administration centrale et régionale, administration locale et télécommunications - ont entamé des négociations formelles pour mettre à jour les lignes directrices européennes de 2010 sur la violence de tiers. Reconnaissant l’évolution rapide du monde du travail, les négociations ont également souligné l’importance d’aborder la violence et le harcèlement fondés sur le genre, le cyberharcèlement et les abus sexuels numériques. Des webinaires, des travaux de recherche et une conférence européenne en 2023 alimentent ces négociations.
Il ressort d’une enquête nationale menée en 2024 par UNISON, le syndicat britannique de la fonction publique, auprès de 22 478 travailleurs du secteur public10, que 87,7 % des personnes interrogées ont déclaré avoir subi au moins une forme de violence et de harcèlement au travail au cours des deux dernières années. Les tiers ont été identifiés comme les principaux auteurs de violence et de harcèlement. Ce problème est aggravé par les années d’austérité dans les secteurs de la santé, de l’éducation et d’autres services publics, qui ont entraîné une réduction des effectifs et une baisse de la qualité des services.
Les résultats de l’enquête sont utilisés afin de faire pression sur le gouvernement afin qu’il modifie la législation du travail et les lois sur l’égalité pour inclure la violence et le harcèlement de tiers dans les procédures d’évaluation des risques en matière de SST. Les campagnes et les activités de sensibilisation menées par UNISON pour mettre fin à la violence et au harcèlement, combinées à la ratification de la convention C190 de l’OIT au Royaume-Uni, ont considérablement accru la visibilité de ce problème.
SYNDICATS ENGAGÉS DANS LE DIALOGUE SOCIAL
Comme l’illustre le graphique 3, un dialogue social a été entrepris par 72 % des syndicats ayant répondu à l’enquête dans le but spécifique d’aligner les lois et politiques nationales sur la C190 et la R206. Outre ces initiatives de dialogue social sur la législation et les politiques nationales, les syndicats ont aussi pris part à un dialogue social avec des employeurs du secteur public et privé autour de la coopération sur le lieu de travail, les échanges d’informations, la consultation et la négociation d’accords bilatéraux.
Les syndicats doivent veiller à ce que la ratification de la C190 conduise à l’amendement
des conventions collectives, et peuvent de ce fait jouer un rôle clé. Par exemple, à la suite de la ratification de la C190 aux Philippines en 2024, SENTRO a commencé à rédiger des clauses visant à transposer les dispositions de la C190 dans les conventions collectives.
Graphique 3 : Syndicats engagés dans un dialogue social pour aligner les lois et politiques nationales sur les C190/R206
NÉGOCIATION DE POLITIQUES SUR LE LIEU DE TRAVAIL ET DE CONVENTIONS COLLECTIVES ALIGNÉES SUR LA C190
Les syndicats sont fondamentaux pour la négociation de conventions s’appliquant à leurs membres. Comme illustré dans le graphique 4, parmi les syndicats ayant répondu à l’enquête, 42 % ont négocié avec succès des politiques sur le lieu de travail et des conventions collectives traitant de la violence et du harcèlement, conformément à la C190.
En outre, 31 % des syndicats sont actuellement en train de négocier des politiques et des conventions collectives sur le lieu de travail.
OUI NON NE SAIT PAS
Graphique 4 : Négociation de politiques et de conventions collectives alignées sur la C190
Ci-après, une sélection de récentes conventions conclues en Argentine, en Israël, en Italie, au Kazakhstan, au Panama, au Sénégal et au Zimbabwe :
• Argentine : Le 16 mai 2024, la Direction générale de la culture et de l’éducation de la province de Buenos Aires, le ministère du Travail et le ministère de l’Éducation de la province de Buenos Aires, et la fédération des enseignants Frente de Unidad Docente Bonaerense (FUDB) ont signé un accord dans le secteur de l’éducation pour prévenir, protéger et réparer les actes de violence sur le lieu de travail, en ajoutant de nouvelles dispositions aux réglementations existantes.
• Israël : La Fédération générale du travail Histadrut signale que de nombreuses conventions collectives comprennent désormais des clauses sur la prévention du harcèlement sexuel et des sanctions contre les auteurs de harcèlement, conformément aux principes de la C190. Par exemple, la convention collective de l’Université ouverte de Tel-Aviv, signée
le 5 mars 2024, interdit le harcèlement sexuel et la violence sexuelle et sexiste, et prévoit des sanctions contre quiconque s’en rendrait coupable, y compris le licenciement.
• Italie : Dans le secteur des transports, en 2023, ASPI11 et les syndicats des transports ont signé un protocole et un code de conduite de prévention et de lutte contre la violence au travail. Il s’agit de promouvoir une culture du respect et de prévoir une tolérance zéro à l’égard de tout comportement offensant, préjudiciable ou indésirable. L’accord met l’accent sur la prévention de la violence sexiste et le soutien aux femmes qui en sont victimes, notamment par des dispositions relatives aux congés payés et au soutien psychologique. La violence et le harcèlement sont intégrés dans l’évaluation des risques en matière de santé et sécurité au travail.
• Kazakhstan : La Fédération des syndicats de la République du Kazakhstan promeut une politique de tolérance zéro alignée sur la C190, couvrant tous les travailleurs parmi ses affiliées. La politique définit des obligations claires pour les affiliées en matière de prévention et de riposte à la violence sur le lieu de travail, afin de garantir un environnement sûr et exempt de discrimination. Les affiliées sont invitées à inclure dans les conventions la tolérance zéro à l’égard de la violence, en prévoyant un suivi annuel, des évaluations des risques, des programmes de prévention et d’éducation, des mécanismes de dépôt de plainte et un soutien aux victimes.
• Panama : Des accords historiques ont été signés avec des entreprises, des hôtels, le secteur public, l’agriculture et les
11 Le groupe Autostrade per l’Italia comprend quatre
universités. Ces accords comprennent des mesures telles que la création de comités sur l’égalité des genres, l’introduction de clauses visant à traiter les plaintes et à protéger les victimes de harcèlement, et la reconnaissance du rôle vital des travailleuses dans ces secteurs.
• Sénégal : Les syndicats négocient actuellement des révisions du code du travail, conformément à la C190. Le Comité national des femmes de la Confédération CNTS continue de plaider activement en faveur de la ratification de la C190. En outre, un conseil ministériel intergouvernemental sur les politiques de promotion et de soutien des femmes a été créé pour renforcer l’engagement du gouvernement à consolider l’égalité des genres et à mettre fin à toutes les formes de violence et de harcèlement à l’encontre des femmes.
• Zimbabwe : Les récentes conventions collectives, codes de conduite et politiques de divers secteurs ont intégré des clauses sur la violence et le harcèlement alignées sur la C190. Parmi les exemples, on peut citer la convention collective pour l’industrie textile, qui interdit la violence et le harcèlement, un code de conduite dans le secteur des transports et une politique sur le harcèlement sexuel élaborée par la Commission de la fonction publique, tous conçus dans le but de créer un environnement de travail sûr.
ACTION DES FÉDÉRATIONS
SYNDICALES INTERNATIONALES
Les Fédérations syndicales internationales (FSI) et les entreprises multinationales (EMN) ont négocié, conclu ou mis à jour récemment
plusieurs accords-cadres internationaux (ACI), engagements conjoints ou protocoles d’accord faisant référence à la C190, avec des clauses sur la prévention de la violence et du harcèlement et de la violence fondée sur le genre. Par exemple, l’ACI actualisé en 2024 entre H&M et IndustriALL, contient un libellé plus fort sur la prévention de la violence fondée sur le genre et une référence explicite à la C19012. En outre, IndustriALL a signé des accords juridiquement contraignants avec des marques mondiales dans le secteur de l’habillement et du textile au Cambodge en 2024, ce qui a abouti à des conventions collectives soutenues par les marques13
Dans le cadre de l’accord conclu entre l’UITA et le groupe hôtelier RIU pour mettre fin au harcèlement sexuel14, une initiative conjointe de l’UITA et de RIU comprend une formation de prévention du harcèlement sexuel. RIU et l’UITA continuent d’évaluer, lors de leurs réunions annuelles, les progrès de leurs actions et de la mise en place de politiques et de procédures efficaces pour mettre fin au harcèlement sexuel dans tous les hôtels du groupe RIU.
En novembre 2023, UNI EUROPA et les partenaires sociaux des télécommunications, de la finance et des jeux ont signé des lignes directrices intersectorielles au niveau européen pour éliminer toutes les formes de violence et de harcèlement15. Ces lignes directrices couvrent la violence domestique, la violence de tiers et les risques psychosociaux du télétravail, et sont alignées sur la C190 et sur la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (la convention d’Istanbul).
Outre ces accords, les fédérations syndicales internationales ont adopté plusieurs initiatives. Le programme de défense des femmes de
12 https://www.industriall-union.org/industriall-global-union-if-metall-and-hm-group-update-global-framework-agreement
13 https://www.industriall-union.org/industriall-and-global-brands-sign-legally-binding-agreements-supporting-collective-bargaining-and
14 https://www.iuf.org/wp-content/uploads/2021/12/IUF_RIU-Agreement-to-eradicate-sexual-harassment-at-workplace-e.pdf
15 https://uniglobalunion.org/wp-content/uploads/EU-Cross-Sectoral-Guidelines-on-Violence-and-harassement-at-work_Official.pdf
l’ITF a récemment formé les affiliées du secteur des transports d’Amérique latine à la lutte contre la violence à l’égard des femmes sur le lieu de travail et à la maison16 Le groupement Global Unions et la CSI ont en outre collaboré pour produire du matériel de formation visant à aider les syndicats à lutter contre la violence et le harcèlement à l’encontre des travailleurs LGBTQI+17. Ces ressources visent à comprendre l’impact disproportionné de la violence et du harcèlement sur les groupes vulnérables, y compris les travailleurs LGBTQI+, à sensibiliser à la pertinence de la C190 pour les travailleurs LGBTQI+, et à encourager les syndicats à intégrer la C190 dans leurs processus de négociation.
Face à la montée des réactions négatives et à la multiplication des cas de violence et de discrimination à l’égard de travailleurs LGBTQI+, le Comité de coordination LGBTI du Conseil des Global Unions a organisé un événement en ligne pendant PRIDE 2024, intitulé “Forward despite the backlash : LGBTI rights and the freedom of association” (En avant malgré les réactions négatives : les droits des LGBTI et la liberté d’association). Des intervenants de
l’ONU, de l’ITF, de la FIJ et de syndicats du Zimbabwe, des Philippines et des États-Unis ont participé à cet événement18.
En novembre 2023, IndustriALL Global Union a adopté une politique mondiale interne novatrice sur la violence à l’égard des femmes, la misogynie et le sexisme. Cette politique met en place une procédure détaillée de traitement des plaintes, ainsi que des lignes directrices pour les affiliées sur l’établissement de politiques internes, la négociation collective et la mise en œuvre de programmes de prévention pour mettre fin à la violence et au harcèlement fondés sur le genre, à la misogynie et au sexisme. Parallèlement, IndustriALL a lancé la campagne mondiale #NoExcuses en mars 202419. Tous les dirigeants et le personnel du siège d’IndustriALL ont suivi un module de formation de deux jours sur la mise en œuvre de la politique. En outre, des orientations détaillées supplémentaires sont en cours d’élaboration pour le personnel et les dirigeants d’IndustriALL responsables de la gestion des plaintes.
16 https://www.itfglobal.org/en/news/itf-continues-challenge-violence-against-women-in-latin-america
17 https://www.ituc-csi.org/taking-action-on-violence-and-28078
18 https://www.iuf.org/news/council-of-global-unions-un-expert-links-lgbti-rights-with-the-freedom-of-association/
19 https://www.industriall-union.org/noexcuse
CSI
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