Architecture et art concret

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ARCHITECTURE ET ART CONCRET

Regarder l’architecture selon les principes de l’art concret Camille Ortis Jeannie Roumanet ENSAG Mai 2009 Suivi par Christian Blachot


Illustration première page: Composition arithmétique Théo Van Doesburg 1 9 2 9 3 0


SOMMAIRE 3

INTRODUCTION L’art concret confronté à l’architecture

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Les grands principes de l’art concret Définitions et généralités

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Relation à l’architecture

Des artistes aussi architectes Des principes encore d’actualité Mouans-Sartoux, espace de l’art concret

Analyse d’oeuvres contemporaines 17

Critères d’analyses

Perception Conception-Composition Effets produits 18

Analyse Gigon et Guyer Valerio Olgiati

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Conclusion

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Bibliographie


INTRODUCTION à travers ce mémoire nous souhaitons établir un lien entre un mouvement artistique, ici l’art concret, et l’architecture contemporaine. En effet, l’acte de création, qu’il s’agisse de peinture ou de construction, répond à une logique similaire tant dans la réflexion qui le précède, que dans la contemplation qui lui succède. Il nous semble donc intéressant d’effectuer un parallèle entre ces deux domaines, permettant de définir cette relation et d’en déduire des points communs. Dans ce but, nous chercherons à comprendre quels sont les fondements de l’art concret et les interrogations qu’il soulève. Nous en déduirons des critères d’analyses qui nous servirons dans un second temps, à étudier des oeuvres architecturales contemporaines.

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L’art concret confronté à l’ architecture Les grands principes de l’art concret Relation à l’architecture

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«Ni la matière, ni l’espace, ni le temps ne sont depuis vingt ans ce qu’ils étaient depuis toujours» Paul Valéry

Piet Mondrian Du figuratif à l’abstraction

L’ART CONCRET CONFRONTé à L’ A R C H I T E C T U R E Les grands principes de l’art concret Avant même d’aborder la notion d’art concret, il nous paraît primordial de rappeler l’importance des mouvements abstraits dans son émergence.

L’arbre rouge, 1909-10

L’arbre gris, 1912

Le fauvisme, le cubisme, le symbolisme, le suprématisme... Tous partagent un certain nombre d’idées liées à la nécessité de créer une nouvelle forme d’art plus en correspondance avec la société du XX° siècle. Généralement très impliqués dans les milieux culturels de l’époque, ces artistes vivent encore plus intensément la remise en cause de l’ordre et des connaissances: les progrès techniques, industriels, scientifiques, avec l’apparition de la physique quantique et de la théorie de la relativité, entraînent une remise en question de la notion de réalité qui devient problématique. La réalité n’est alors plus pour eux, ce que l’on perçoit des cinq sens, mais bien une entité que l’on approche par la pensée.

Pommier en fleur, 1912

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L’ART CONCRET CONFRONTé à L’ A R C H I T E C T U R E Théo Van Doesburg invente le terme d’art concret en 1930, et l’explique au travers du «Manifeste de l’Art Concret» qui paraîtra en avril de la même année. Ce manifeste, composé de six points, pose les «règles» du mouvement.

1: L’art est universel

Stabilisierter kern, Max Bill, 1962

L’idée de ce premier point, est que l’art doit être un langage commun, non-altéré par des références culturelles; la simplicité du langage utilisé permet une plus large compréhension de l’oeuvre. «Les artistes concret ont libéré le tableau de sa cage dorée. Ainsi l’oeuvre s’intègre dans l’espace environnant. Elle communique avec tout ce qui l’entoure. Mondrian rêvait qu’un jour l’oeuvre d’art disparaisse et que l’environnement dans sa totalité devienne l’oeuvre d’art.» extrait de «L’art concret» p 17

Untitled, Daniel Buren

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«La création concrète est cette création qui naît de ses propres moyens et suivant ses propres lois, sans les déduire ou les emprunter aux apparences naturelles extérieures.» Max Bill

L’ART CONCRET CONFRONTé à L’ A R C H I T E C T U R E 2: L’oeuvre d’art doit être entièrement conçue et formée par l’esprit avant son exécution. Elle ne doit rien recevoir des données formelles de la nature, ni de la sensualité, ni de le sentimentalité. Nous voulons exclure le lyrisme, le dramatisme, le symbolisme.

Untitled, Donald Judd 1961

Selon ce point, l’oeuvre n’est pas le fruit du hasard. Tout doit être prévu avant le commencement de la toile, ce qui signifie un travail de recherche, la mise en place de règles, de systèmes mathématiques, qui engendreront l’oeuvre et qui permettront de la rendre claire et compréhensible. Théo Van Doesburg voulait que la forme soit mesurable, claire et rationnelle. Ces règles permettent aussi de rendre l’oeuvre d’art «anonyme», elle est dépersonnalisée: une fois que la règle est connue, elle peut être réalisée par n’importe qui. Sol Lewitt disait que «l’exécution n’a plus guère d’importance»: l’oeuvre se tient uniquement dans son système préliminaire».

Open geometric structure 2-2-1-1, Sol Lewitt, 1991

Il est d’ailleurs fort probable qu’il s’agisse déjà de l’influence de l’époque: l’ère de l’industrialisation, de la machine, qui oriente ces artistes vers les «séries» et les pousse à «délaisser» la fabrication au profit de la conception. 7


«Rien n’est plus concret, plus réèl qu’une ligne, qu’une couleur, qu’une surface.» Théo Van Doesburg

L’ART CONCRET CONFRONTé à L’ A R C H I T E C T U R E 3: Le tableau doit être construit avec des éléments purement plastiques, c’est-à-dire plans et couleurs. Un élément pictural n’a pas d’autre signification que «lui-même» en conséquence, un tableau n’a pas d’autres significations que «lui-même».

Composition avec rouge, jaune et bleu Piet Mondrian, 1928

Contrairement à l’art abstrait où chaque forme, chaque élément a une signification symbolique, l’art concret se contente de présenter des éléments pour une composition visuelle: les éléments sont représentés pour leurs formes et non pour leurs sens théoriques.

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L’ART CONCRET CONFRONTé à L’ A R C H I T E C T U R E Untitled, Donald Judd, 1965

4: La construction du tableau, aussi bien que des éléments, doit être simple et contrôlable visuellement. Ici il s’agit de percevoir et comprendre l’oeuvre de manière évidente et clair. L’artiste élabore un système, un jeu, un principe qui donne naissance à l’oeuvre: l’observateur doit pouvoir déduire ces règles de conception. Le contrôle visuel dont parle Van Doesburg ne laisse pas de place au hasard dans la création d’une oeuvre concrète. «L’oeuvre d’art doit être l’expression de structures mathématiques, seules capables d’exprimer l’essence des choses. On exalte la ligne droite et l’orthogonalité. On utilise seulement le noir, le gris, le blanc et les trois couleurs primaires, que l’on pose en aplat.» extrait de» L’art concret» p 26

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«La pensée permet d’ordonner les valeurs émotionnelles afin que d’elle surgisse l’oeuvre d’art.» Max Bill

Untitled, Donald Judd, 1975

L’ART CONCRET CONFRONTé à L’ A R C H I T E C T U R E 5: La technique doit être mécanique, c’est-à-dire exacte, anti-impressionniste. Le but de ceci étant de prohiber l’émotion et l’hésitation. Théo Van Doesburg pense que de cette manière, l’art doit pouvoir se libérer de l’objet et ne plus s’appuyer sur un état naturaliste, mais sur un monde concret répondant à l’exigence de clarté et de rigueur.

The marriage of reasons and squalor, II ,Franck Stella, 1959

Ici l’important n’est pas l’auteur de l’oeuvre, c’est l’oeuvre en elle-même. Le principe de mécanisation entraîne donc une possibilité de production en grande quantité, sans pour autant dénaturer l’oeuvre en question. C’est à la fois l’influence de l’ère industrielle qui apparait ici, mais également les points communs entre «les concrets» et le Bauhaus: la mécanisation au profit d’une plus grande diffusion des arts et artisanats.

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L’ART CONCRET CONFRONTé à L’ A R C H I T E C T U R E 6: Effort pour la clarté absolue.

Open modular cube, Sol Lewitt, 1966

Cet article est globalement la synthèse des cinq précédents. Le point commun que l’on peut tirer de tout cela c’est que l’art concret se veut clair, autant dans la perception, que dans la composition ou la conception, que dans la technique et la réalisation. L’art concret veut se débarrasser de tous les artifices pour ne garder qu’une forme et une expressivité forte.

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L’ART CONCRET CONFRONTé à L’ A R C H I T E C T U R E RELATION à l’architecture Des artistes aussi architectes

L’Aubette, Strasbourg

L’architecture, au même titre que la typographie, le design, la poésie, la musique, a immédiatement fait partie des centres d’intérêts des artistes concrets, dans le sens où pour eux, l’art devait être intégrer dans la vie. Avant eux, le Bauhaus avait aussi l’ambition de lier art et artisanat dans la vie quotidienne. Beaucoup de ces artistes sont architectes ou collaborent avec eux. L’architecture produite est une architecture rationnelle, fonctionnelle, fortement inspirée par l’industrie: volumes simples, absence de décors, clarté des plans, calculs des proportions... Le travail de Théo Van Doesburg dans la décoration de l’Aubette à Strasbourg au début des années 20 ou encore celui de Mies van der Rohe qui fonde son architecture sur l’utilisation de trame pour le pavillon allemand de Barcelone édifié en 1929, illustrent ces principes.

Pavillon Allemand, Barcelone

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L’ART CONCRET CONFRONTé à L’ A R C H I T E C T U R E Des principes encore d’actualité Les caractéristiques développées par le mouvement concret, se retrouvent dans certaines réalisations contemporaines, qui prônent le minimalisme et la simplicité en architecture. Aurélie Barnier, dans son article intitulé «L’art concret, les arts appliqués et l’architecture» nous présente cette architecture comme mettant «l’accent sur les règles, sur l’économie générale de projet, sur une utilisation juste des matériaux, sur l’absence de geste, le refus de l’emphase.» Pour elle, «Il s’agit d’une architecture «anti-Franck Gehry» [...]. Elle est le fait d’artistes dont les oeuvres témoignent de l’intérêt pour l’architecture elle-même et les principes constructifs». Même si les architectes d’aujourd’hui ne se revendiquent pas comme appartenant au mouvement concret, nous ressentons toutefois l’influence du travail de ces artistes dans leurs créations. Nous pensons que certains projets peuvent se rapprocher des principes de l’art concret, dans le sens où ils s’expriment de la même manière: clarté, simplicité et unité.

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L’ART CONCRET CONFRONTé à L’ A R C H I T E C T U R E Mouans-Sartoux, concret

espace

de

l’art

Rôle et histoire de la fondation

Paris, Gottfried Honneger, 1969

Inauguré en septembre 1990, l’espace de l’art concret est né de la conjonction de plusieurs volontés. La ville de Mouans-Sartoux souhaitait consacrer un grand projet culturel au château et au parc de la commune. Sybil AlbersBarrier souhaitait rendre publique sa collection d’oeuvre, constituée de 400 peintures, sculptures et dessins et formant un ensemble d’art constructif et concret unique en France. C’est Gottfried Honneger, en tant qu’artiste concret, qui a proposé de mettre en oeuvre un projet artistique à partir de la collection, afin de toucher le plus grand nombre de personnes en les sensibilisant à l’art concret. C’est lui qui a posé la problématique du projet: sensibilisation et pédagogie. La fondation est un lieu d’exposition qui participe à la réflexion artistique contemporaine, et un lieu de formation qui cherche à donner des clés pour découvrir ces oeuvres d’art. Le plus souvent ce sont des thèmes qui sont développés plutôt que des monographies d’artistes.

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L’ART CONCRET CONFRONTé à L’ A R C H I T E C T U R E Le préau des enfants, Gigon et Guyer, Mouans-Sartoux,

Lien avec l’architecture Au-delà d’un simple espace d’exposition et de conservation d’oeuvres d’art, L’espace de l’art concret à MouansSartoux, se veut aussi un lieu à forte identité architecturale. En effet, de nombreux architectes de renommé internationale, tel que Marc Barani ou encore Annette Gigon et Mike Guyer, sont intervenus sur le site lors d’extensions du musée.

Ateliers pédagogiques, Marc Barani, Mouans-Sartoux, 1998

Ces interventions mettent en avant une architecture de type «minimaliste», faisant écho aux oeuvres et expositions présentées.

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Analyse de r é f é rences contem p oraines Critères d’analyses Gigon et Guyer Espace de l’art concret à Mouans-Sartoux Musée Ernst Ludwig Kirchner à Davos

Valerio Olgiati Ecole à Paspels Das gelbe haus à Flims

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ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES CRITèRES D’ANALYSES Lors de l’élaboration de nos thèmes d’analyse à partir du Manifeste de l’Art Concret, il nous est apparu plus pertinent de regrouper ces «consignes» selon trois thèmes: la perception, la conception-composition et l’effet produit. Les concrets prônaient la simplicité et la clarté: il nous semble donc qu’un bâtiment qui relèverait de l’architecture «concrète» devrait s’exprimer par une forme forte, facilement identifiable. Le deuxième thème aborde les questions de la composition et de la conception. Dans le manifeste de l’art concret, Van Doesburg énonce clairement qu’il s’agit de composition ne devant rien au hasard, ni sur les couleurs, ni sur les formes. L’oeuvre est finie avant même d’être exécutée. Dans un cas d’architecture, il doit s’agir de formes simples, de couleurs primaires mises en oeuvre grâce à une règle du jeu tenue tout au long de la création. Enfin nous essayerons de comprendre quelles sont les particularités produites par ces différentes positions architecturales dans chacun des bâtiments étudiés. 17


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ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES Niveau 4

Niveau 5

GIGON eT guyer Espace de l’art Mouans-Sartoux

concret

à

Ce bâtiment fut construit entre 2001 et 2003. Il appartient à l’ensemble dédié à l’art concret, dans le parc du château de Mouans-Sartoux. Niveau 2

Niveau 3

RDC

Niveau 1

Le bâtiment en forme de tour présente cinq niveaux, desservis par deux escaliers et un ascenseur, autour desquels s’inscrivent : - un vaste espace d’accueil ouvert sur la nature - quinze salles d’exposition conçues selon des dimensions, des hauteurs de plafond, et des orientations diverses pour créer un rythme, - une salle de conférence/accueil - une salle de documentation/bureaux -des réserves et des locaux techniques

ech: 1.400°

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ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES Perception

Caractère objectal, abstrait et unitaire du bâtiment: - volume composé mais autonome - géométrie simple, organisée autour d’une tour centrale - uniformité des parois: matériau et couleur identiques - sobriété des matériaux utilisés: béton banché et menuiserie métallique clair - déséquilibre des percements en façade

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ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES Conception-composition

Plan carré qui se déforme et jeu de superposition en plan: - la base carrée est étirée sur la moitié droite de la face, et à chaque niveau, la face «irrégulière» change, selon le sens des aiguilles d’une montre. - un élément central structure l’espace se répète à chaque niveau. Unité: - lasure extérieure vert-jaune vif sur l’ensemble des parois - cohérence intérieure, sobriété des matériaux: mur blanc et résine grise sur la totalité de la surface du sol Jeu de composition des percements: larges ouvertures latérales placées à des hauteurs variables

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ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES effets produits

La couleur verte, utilisée comme traitement de façade donne du dynamisme au bâtiment mais aussi une forte identité. La composition des éléments émergeants de la façade, lui confère également un mouvement en spirale dirigé vers le haut. Cependant, il nous semble, que la compréhension de ce bâtiment est mise à mal par le positionnement et la dimension des fenêtres. La lecture des niveaux n’est pas évidente: la perception de l’échelle du bâtiment en est ainsi perturbée.

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ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES Musée Ernst Ludwig Kirchner à Davos

Coupe longitudinale

Ce musée, inauguré en 1992 est implanté sur la commune de Davos dans les Grisons en Suisse. Sa création est dûe à la donation d’oeuvres d’Ernst Ludwig Kirchner par Roman Norbert Ketterer. Le bâtiment est composé de quatre volumes destinés à l’exposition, disposés autour d’un espace de circulation, sur un seul niveau. La différence de niveau de la parcelle est compensée par le présence d’un socle. Celui-ci est en béton, alors que le haut du bâtiment est constitué de différentes qualités de verre. Contrairement à l’aspect extérieur, les espaces d’exposition ont une hauteur limitée puisqu’une grande partie du volume est consacrée à la prise de lumière.

Plan étage courant

ech: 1.500° 22


ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES Perception

Caractère abstrait et unitaire du bâtiment: - assemblage de volumes simples et haut, reliés entre eux par un volume de moindre importance. - unité globale du bâtiment par le choix des matériaux: socle en béton et utilisation du verre sous différentes formes. - composition des façades régulières selon une trame verticale.

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ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES Conception-composition

Jeu de composition en plan: - formes géométriques simples - rapport de proportion: certains des éléments ont un rapport de 2 à 1 dans leur dimensionnement - utilisation de la symétrie centrale en façade: - rythme régulier - utilisation du verre sous différentes formes selon son usage: verre mat comme protection intérieur et diffuseur de lumière zénithale; verre brut mat devant les parois de béton des volumes des salles; verre cristallin permettant la vue dehors-dedans et un regard à travers le musée depuis l’extérieur. jeu d’opposition - espace de circulation: omniprésence du béton lumière ponctuelle et froide liaison avec l’extérieur - espace d’exposition sobriété des matériaux: murs blancs, parquet en chêne lumière zénithale fermé sur l’extérieur 24


ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES effets produits Une juxtaposition ouverte et évidente des volumes géométriques permet au visiteur un parcours libre et décidé de lui-même à travers l’exposition. L’utilisation du verre sous différentes formes et à des endroits bien précis, engendre deux ambiances parfaitement distinctes: la partie circulation est en béton brut, et les seules arrivées de lumière sont ponctuelles et dûes aux percements en façades: la sensation de «tunnel» y est très forte. à l’inverse, les salles d’exposition sont très agréables, éclairées zénithalement par un système complexe mélangeant lumière naturelle et artificielle. Les murs et le sol restent sobres: la qualité spatiale vient de la lumière. Seules les oeuvres sont mises en valeur.

«Par l’insistance sur l’égalité et l’équivalence des trois salles d’expositions, par leur création radicalement réduite, les architectes soulignent (façonnent) leur interprétation selon laquelle les lieux d’exposition devraient ne laisser place qu’à la contemplation concentrée des oeuvres.» extrait de «Faces» n°19

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ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES ValERIO OLGIATI Ecole à Paspels

Plan niveau 1 Coupe sur l’escalier

Ce bâtiment a été construit en 1999 à Paspels en Suisse, dans la région montagneuse des Grisons. Il s’agit d’une extension d’école rurale reliée à l’ancienne école par un passage souterrain. Il comprend six salles de classe situées aux angles du bâtiment, desservies par un espace central en croix irrégulière. Il comporte également plusieurs locaux de services; le tout réparti sur trois niveaux. La construction est à l’origine de l’organisation spatiale: l’utilisation du béton comme structure porteuse permet une répartition libre des volumes, indépendante d’étage à étage. Il existe deux types de percements: de grandes fenêtres horizontales associées à des fenêtres verticales.

ech:1.250° 26


ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES Perception Caractère objectal, abstrait et unitaire du bâtiment: - autonomie du volume et géométrie simple - volume parallélépipédique déformé de telles façons que la ligne de sommet et la base épouse parfaitement la pente du terrain - uniformité des parois: traitement identique de chaque côté - sobriété des matériaux utilisés: béton brut lissé et menuiserie aluminium cuivré - composition plein/vide des façades

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ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES Conception-Composition Volume régulier dont le plan au sol est un faux carré n’ayant qu’un seul angle droit. Cette légère et discrète distorsion annonce un thème sur lequel l’architecte joue diverses variations à chaque niveaux. Système d’opposition entre la croix de distribution et les salles de classes: création d’espaces distinct: Croix de distribution: En béton brut du sol au plafond Fenêtres avec de larges encadrements Lumière Froide Salles de classe: En bois du sol au plafond Lumière chaude Fenêtres creusées

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ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES effets produits En radicalisant les matériaux et leur mise en oeuvre, Olgiati définit deux atmosphères parfaitement différentes, mais chacune correspondant à un usage particulier du lieu. La localisation des salles, leur desserte par l’espace central et leur éclairage naturel par de grandes et petites ouvertures créent une grande diversité de perspectives. La découverte du paysage se fait selon ces deux atmosphères: la perception de l’environnement extérieur ne peutêtre séparée de celui des espaces intérieurs, dans le sens où ils influencent notre ressenti face au site.

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ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES Das Gelbe Haus à Flims Coupe sur l’escalier

Niveau 1 RDC

Ce bâtiment situé à Flims dans les Grisons, en Suisse, fut réhabilité entre 1995 et 1999. Cette maison appartenant au père de l’architecte, elle fut transformée à sa mort en lieu d’exposition selon ses souhaits. Il désirait qu’elle soit peinte en blanc de haut en bas. Le bâtiment est composé de trois espaces majeurs. L’organisation spatiale est simple: chaque espace correspond à un niveau, plateau libre d’environ 150m². L’espace de circulation longeant le mur oblique, est séparé de l’espace d’exposition par un poteau, et par la présence d’un marquage au sol. Les percements extrêmement réguliers sont d’une seule nature (fenêtres verticales).

ech:1.500° 30


ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES Perception Caractère objectal, abstrait et unitaire du bâtiment: - autonomie du volume et géométrie simple (parallélépipède) - les parois sont traitées à l’identique de chaque côté - sobriété des matériaux utilisés: façades en pierre et peinture blanche - composition de façade rythmée: régularité des percements

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ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES Conception-composition Plan basé sur un faux carré n’ayant qu’un seul angle droit. unité et superposition: - un plan identique qui se répète à chaque niveau - unité structurelle du bâtiment organisé autour d’un seul poteau - un seul type de percement qui rythme les façades et l’espace intérieur, créant ainsi un jeu de lumière dans les pièces. - utilisation d’une même couleur: les parois intérieures et extérieures sont peintes en blanc. - un matériau pour les sols intérieurs: un parquet en bois clair.

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ANALYSE DE R é f é R E N C E S CONTEMPORAINES effets produits La radicalisation des matériaux accentue l’unité du bâtiment: il apparait d’autant plus comme un bloc sculpté dans son environnement. Le système de répétition utilisé par Olgiati sur ce bâtiment lui confère une simplicité de lecture depuis l’extérieur. L’organisation intérieure nous paraît évidente: trois rangées de fenêtres, pour trois grand espaces d’ambiances similaires. Cet édifice illustre parfaitement une parole de Franck Stella qui disait à propos de sa peinture: «Ma peinture est basée sur le seul fait que seul s’y trouve ce qui peut être vu. Tout ce qui est à voir, est ce que vous voyez.»

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Conclusion Les principes de l’art concret ont marqué de façon profonde les arts appliqués et l’architecture. Cet art est devenu l’expression de la civilisation moderne par une démarche conduisant à la disparition de l’oeuvre d’art en tant qu’objet, pour aboutir à la création d’une oeuvre d’art totale ou même un nouveau cadre de vie. En prenant comme référence les principes définis par Théo Van Doesburg, on s’aperçoit qu’il existe une corrélation entre l’architecture contemporaine et l’art concret: la recherche de simplicité, de clarté et d’universalité prônée par les «concrets», est aujourd’hui encore d’actualité. Constantin Brancusi disait que «la simplicité n’est pas un but dans l’art, mais on arrive à la simplicité malgré soi en s’approchant du sens réel des choses». Nous pouvons toutefois nous demander jusqu’où un bâtiment peut jouer la carte de l’abstraction; où se situe la limite entre l’oeuvre d’art et l’oeuvre architecturale? à ce propos, Adolf Loos déclarait: «La maison doit plaire à tout le monde. C’est ce qui la distingue de l’oeuvre d’art qui n’est obligée de plaire à personne [...]. Il n’y a qu’une faible partie du travail de l’architecte qui soit du domaine des Beaux Arts: le tombeau et le monument commémoratif. Tout le reste [...] doit être retranché de l’art.»

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BIBLIOGRAPHIE Livres LEMOINE Serge Art concret Lyon, Gilles Fage Reunion des musées nationaux, 2000 LEMOINE Serge Art Constructif Paris, Edition du Centre Georges Pompidou, 1992 STEINMANN Martin Forme Forte Basel, Birkhäuser, 2003 BIEC-MORELLO Odile L’art concret Mouans-Sartoux, PEMF, 1995 DELL’ANTONIO Alberto Valerio Olgiati Paspels Zürich, Edition Dino Simonnett, 1998

Mémoire BAJULAZ Cyrielle Composition et contraste en art et architecture ENSAG Mai 2008

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BIBLIOGRAPHIE Revues L’architecture d’aujourd’hui Minimal n°323, juillet 1999 Paris, Editions Jean-Michel PLace a+u Gigon/Guyer matter, color, light and space n°434, novembre 2006 2G Valerio Olgiati n°37 2006 Barcelone, Editorial Gustavo Gili Faces Annette Gigon et Mike Guyer n°19 printemps1991

Sites internet www.wikipedia.fr www.stephan.barron.free.fr www.agora.qc.ca www.brigitte-tschamper.com www.cnac-gp.fr www.crdp.ac-nice.fr www.gigon-guyer.ch www.nb.admin.ch www.philippepeyrefitte.blogspot.com www.olgiati.net

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«Les mystères de la problématique mathématique, l’ineffable de l’espace, l’éloignement ou la proximité de l’infinie, la surprise d’un espace qui commence d’un côté et se termine par un autre, qui est en même temps le même, la limitation sans limites exactes, la multiplicité qui malgré tout forme une unité, l’uniformité qui s’altère par la présence d’un seul accent de forme, le champ de force composé de pures variables, les parallèles qui se coupent et l’infinité qui revient à ellemême comme présence et encore le carré à nouveau avec toute sa solidité, la droite qui n’est troublée par aucune relativité et la courbe qui en chacun de ses points forme une droite, toute ces réalités, qui en apparence n’ont rien à voir avec la vie quotidienne de l’homme, sont malgré tout d’une importance transcendantale. Ces formes que nous manions, sont les forces fondamentales auquel tout ordre humain est soumis et qui sont contenues précisément dans tout ordre connaissable.» Max Bill, 1949



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