8
Avant-propos
10
Urbanisme, architecture et modernité
12
La formation d’un autodidacte
14
L’apprentissage de la théorie
LE CORBUSIER
Habiter : de la Villa Savoye
17
La question du logis : conception de la pensée corbuséenne
18
L’architecture de la maison comme laboratoire d’idées Villa Schwob (HI) Maison Citrohan (CP) Le pavillon de L’Esprit nouveau (CP)
24
L’idée d’une nouvelle ville
A l’Unité d’Habitation de Marseille
61
La maison : la villa savoye 1928-1931
62
Maison de campagne ou de week-end ?
63
L’évidence de la première esquisse Les Cinq Points de l’architecture moderne La construction de la villa Savoye (VS)
76
28
Un urbanisme de la radicalité
29
De la ville au logement, l’invention de trois typologies Les villas Laroche Jeanneret (HI) La villa Stein de Monzie (HI) Deux maisons au Weissenhofsiedlung (HI) Villa de Mandrot (HI) Les maisons Jaoul Maison Sarabhai (HI)
MEP Corbu 08.indd 6-7
La leçon de la villa Savoye
91
L’habitat collectif : l’unité d’habitation de Marseille 1945-1952
47
Du lotissement
93
Le Corbusier à Marseille
Quartiers modernes Frugès (C&L) Immeuble Molitor (HC) Exposition de 1937, projet B (HC)
95
L’aboutissement d’un programme de recherches
56
La question du mobilier et de l’aménagement intérieur
57
Des architectures d’exception
58
Du type au standard
58
Les moyens d’une politique
Bibliographie sélective par thèmes
(HI) Habitat individuel (CP) Les cinq points (C&L) Cités et lotissements
(VS) Villa Savoye (UHM) Unité d’habitation de Marseille
Une nouvelle conception de l’espace du logement
Architecture et construction
126
(HC) Habitat collectif
88
46
54
De la villa Savoye à l’Unité d’habitation, retour sur l’histoire d’un parcours
Du chantier au monument historique Une architecture du parcours : la circulation dans la villa (VS) Les couleurs et les formes de la villa : “Vous avez dit puriste ?” (VS)
Le plan Voisin pour Paris
123
Les techniques de construction de l’uhm (UHM) 102
L’épopée d’un chantier Le concept bouteille/bouteiller (UHM) La circulation dans l’immeuble : la rue intérieure (UHM) La cellule d’habitation, confort d’ambiance (UHM)
118
Le message de l’Unité d’habitation
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Avant-propos
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Urbanisme, architecture et modernité
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La formation d’un autodidacte
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L’apprentissage de la théorie
LE CORBUSIER
Habiter : de la Villa Savoye
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La question du logis : conception de la pensée corbuséenne
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L’architecture de la maison comme laboratoire d’idées Villa Schwob (HI) Maison Citrohan (CP) Le pavillon de L’Esprit nouveau (CP)
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L’idée d’une nouvelle ville
A l’Unité d’Habitation de Marseille
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La maison : la villa savoye 1928-1931
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Maison de campagne ou de week-end ?
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L’évidence de la première esquisse Les Cinq Points de l’architecture moderne La construction de la villa Savoye (VS)
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Un urbanisme de la radicalité
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De la ville au logement, l’invention de trois typologies Les villas Laroche Jeanneret (HI) La villa Stein de Monzie (HI) Deux maisons au Weissenhofsiedlung (HI) Villa de Mandrot (HI) Les maisons Jaoul Maison Sarabhai (HI)
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La leçon de la villa Savoye
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L’habitat collectif : l’unité d’habitation de Marseille 1945-1952
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Du lotissement
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Le Corbusier à Marseille
Quartiers modernes Frugès (C&L) Immeuble Molitor (HC) Exposition de 1937, projet B (HC)
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L’aboutissement d’un programme de recherches
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La question du mobilier et de l’aménagement intérieur
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Des architectures d’exception
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Du type au standard
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Les moyens d’une politique
Bibliographie sélective par thèmes
(HI) Habitat individuel (CP) Les cinq points (C&L) Cités et lotissements
(VS) Villa Savoye (UHM) Unité d’habitation de Marseille
Une nouvelle conception de l’espace du logement
Architecture et construction
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(HC) Habitat collectif
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De la villa Savoye à l’Unité d’habitation, retour sur l’histoire d’un parcours
Du chantier au monument historique Une architecture du parcours : la circulation dans la villa (VS) Les couleurs et les formes de la villa : “Vous avez dit puriste ?” (VS)
Le plan Voisin pour Paris
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Les techniques de construction de l’uhm (UHM) 102
L’épopée d’un chantier Le concept bouteille/bouteiller (UHM) La circulation dans l’immeuble : la rue intérieure (UHM) La cellule d’habitation, confort d’ambiance (UHM)
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Le message de l’Unité d’habitation
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LA QUESTION DU LOGIS : CONCEPTION DE LA PENSÉE CORBUSÉENNE
Le Corbusier et l’ouvrage La Ville radieuse, publié en 1935, dans lequel il défend sa conception nouvelle de l’habitat et de l’urbanisme (photo prise dans l’appartement-atelier de Le Corbusier, rue Nungesser-et-Coli).
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LA QUESTION DU LOGIS : CONCEPTION DE LA PENSÉE CORBUSÉENNE
Le Corbusier et l’ouvrage La Ville radieuse, publié en 1935, dans lequel il défend sa conception nouvelle de l’habitat et de l’urbanisme (photo prise dans l’appartement-atelier de Le Corbusier, rue Nungesser-et-Coli).
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L’habitat individuel
La villa stein de Monzie, garches, 1926-1928 “Cette maison représente une étape importante où se sont trouvés réunis les problèmes du confort, du luxe et de l’esthétique architecturale”, écrit Le Corbusier. Dans le même temps où il cherche à s’imposer dans la maison pour tous, Le Corbusier peut également expérimenter ses théories dans des maisons de luxe construites à Paris ou dans la région parisienne. Succédant dans le temps aux villas La Roche Jeanneret et précédant la villa Savoye, la villa Stein de Monzie est la maison la plus chère construite par l’architecte au cours de cette période. Et pourtant, ce ne sont ni les débauches formelles, ni le luxe des aménagements qui lui confèrent cette qualité, c’est plutôt le travail mené sur l’espace dans sa relation à la lumière naturelle. Pour répondre à la question posée par le programme de deux familles désirant cohabiter dans une même maison, Le Corbusier propose dans ce projet une enveloppe unique, un simple parallélépipède à l’intérieur duquel, grâce à l’application du plan libre et à l’utilisation d’une trame binaire alternant une largeur de 5 mètres et une de 2,50 mètres, les dispositions du plan peuvent changer sans que la structure architectonique de base n’en soit altérée. Dans cette maison d’une hauteur de quatre niveaux, les cloisons intérieures sont ainsi conçues comme des “membranes”. Surnommée “Les Terrasses” à cause de la générosité des espaces couverts ou non couverts qui assurent sa liaison avec le jardin, la villa Stein de Monzie est également un exemple particulièrement éloquent de la fusion entre espace extérieur et espace intérieur.
34
MEP Corbu 08.indd 34-35
en bas, à gauche et à droite, élévations sud et nord de la villa, projet non réalisé (flc 10 406 et 10 407). a droite, en haut, plan du soubassement et du rez-de-chaussée de la villa stein et de Monzie.
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L’habitat individuel
La villa stein de Monzie, garches, 1926-1928 “Cette maison représente une étape importante où se sont trouvés réunis les problèmes du confort, du luxe et de l’esthétique architecturale”, écrit Le Corbusier. Dans le même temps où il cherche à s’imposer dans la maison pour tous, Le Corbusier peut également expérimenter ses théories dans des maisons de luxe construites à Paris ou dans la région parisienne. Succédant dans le temps aux villas La Roche Jeanneret et précédant la villa Savoye, la villa Stein de Monzie est la maison la plus chère construite par l’architecte au cours de cette période. Et pourtant, ce ne sont ni les débauches formelles, ni le luxe des aménagements qui lui confèrent cette qualité, c’est plutôt le travail mené sur l’espace dans sa relation à la lumière naturelle. Pour répondre à la question posée par le programme de deux familles désirant cohabiter dans une même maison, Le Corbusier propose dans ce projet une enveloppe unique, un simple parallélépipède à l’intérieur duquel, grâce à l’application du plan libre et à l’utilisation d’une trame binaire alternant une largeur de 5 mètres et une de 2,50 mètres, les dispositions du plan peuvent changer sans que la structure architectonique de base n’en soit altérée. Dans cette maison d’une hauteur de quatre niveaux, les cloisons intérieures sont ainsi conçues comme des “membranes”. Surnommée “Les Terrasses” à cause de la générosité des espaces couverts ou non couverts qui assurent sa liaison avec le jardin, la villa Stein de Monzie est également un exemple particulièrement éloquent de la fusion entre espace extérieur et espace intérieur.
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en bas, à gauche et à droite, élévations sud et nord de la villa, projet non réalisé (flc 10 406 et 10 407). a droite, en haut, plan du soubassement et du rez-de-chaussée de la villa stein et de Monzie.
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LA maison : la villa savoye 1928-1931
Villa Savoye, vue du salon vers la terrasse.
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LA maison : la villa savoye 1928-1931
Villa Savoye, vue du salon vers la terrasse.
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L’évidence de la première esquisse La villa Savoye, édifiée à Poissy près de Paris entre 1928 et 1931, est une des grandes icônes de l’architecture du xxe siècle. Avec le pavillon de l’Allemagne construit par Mies van der Rohe à Barcelone, au cours des mêmes années, elle symbolise aujourd’hui tout ce que l’architecture moderne de l’entre-deuxguerres en Europe, souhaitait affirmer : la perfection de la machine à habiter, la pureté des lignes, la fluidité de l’espace et, dans le même temps, ce qui peut sembler un paradoxe, une certaine déférence envers les canons de l’architecture classique. Elle est également emblématique, au regard de cette période, dans
sa manière de conjuguer dans un même projet et avec une grande économie de moyens, le triptyque : structure, espace, lumière. Pour Le Corbusier et Pierre Jeanneret, cette réalisation met un terme à une série de résidences privées bâties à Paris ou dans la région parisienne au cours d’une décennie riche en commandes de ce type et dont les villas La Roche Jeanneret et Stein de Monzie représentent, avec la villa Savoye, les édifices les plus remarquables.
Maison de campagne ou de week-end ? Difficile d’imaginer aujourd’hui au travers de la sacralisation d’un édifice devenu monument historique, qu’il s’agit au départ, comme le précise la lettre envoyée par Mme Savoye à Le Corbusier, de la construction d’une simple maison de campagne. Les clients, Pierre et Emilie Savoye sont apparentés à la famille Gras Savoye, propriétaire d’une grande compagnie d’assurances. Pour Le Corbusier, habitué à une clientèle aisée, en général proche des milieux d’affaires mais surtout de l’art, les Savoye sont décrits comme des personnes sans idées préconçues concernant l’architecture. Cela signifie pour lui la possibilité d’œuvrer selon ses idées, sans avoir à affronter les questions de style ou de goût le plus souvent inhérentes à ce type de programme. La distance relativement faible entre Poissy et Paris fait que la commande de cette maison est plutôt à entrevoir comme celle d’une résidence secondaire de week-end, concept relativement nouveau et entièrement relié à l’utilisation de “l’automobile”. Ce que ne manquera pas de saisir Le Corbusier, à un point tel que cette relation va devenir un des points-clefs de la symbolique de ce projet. Il écrit à propos du désir de ses clients : “Leur idée était simple : ils avaient un magnifique parc formé de prés entourés de forêts ; ils désiraient vivre à la campagne ; ils étaient reliés à Paris par 30 kms d’auto.” Le programme fourni aux architectes est des plus classiques et porte essentiellement sur la nécessité, pour équiper cette maison, de prévoir les installations techni-
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ques parmi les plus modernes. Concernant la distribution des pièces, celle-ci est décomposée en différentes zones avec en rez-de-chaussée les pièces d’accueil mais également les pièces de séjour ainsi que la chambre d’amis et celle de leur fils unique. Egalement à ce même niveau et, en contact direct avec l’extérieur, doivent être prévus les logements des domestiques, chauffeur compris, auxquels il faut ajouter un logement pour un jardinier, un garage pour trois voitures et des annexes telles que cave, cellier etc. A l’étage est demandée une suite parentale avec grande chambre et salle de bains, ainsi qu’un boudoir pour Madame, des rangements et une lingerie. Sur la finalisation de ce programme, il semble cependant que les choix des clients soient restés assez ouverts, ce qui va permettre à Le Corbusier de revoir entièrement la question en fonction du parti architectural qu’il entend adopter.
C’est dans le courant de l’année 1928 que Le Corbusier reçoit commande de cette maison. Il se met immédiatement au travail et, dès le début du mois suivant, il est en mesure de fournir à ses clients une première esquisse, qui va se révéler in fine être la bonne après de nombreuses tribulations dont il sera question par la suite. Le fait que cette première esquisse va s’avérer décisive montre à quel point Le Corbusier est en phase avec ce projet et notamment avec son site d’implantation et son programme auxquels il va apporter toutefois une interprétation surprenante par rapport aux souhaits exprimés par ses clients. Dans le volume 2 de l’Œuvre complète Le Corbusier commente cette première esquisse : “Site : magnifique propriété formée d’un grand pâturage et verger formant coupole entourés d’une ceinture de hautes futaies. La maison ne doit pas avoir un front. Située au sommet de la coupole, elle doit s’ouvrir aux quatre horizons. L’étage d’habitation, avec son jardin suspendu, se trouvera élevé au-dessus de pilotis de façon à permettre des vues lointaines sur l’horizon.” Les enseignements que l’on peut tirer de ce commentaire sont les suivants. D’abord, Le Corbusier, s’il a noté la qualité du couvert végétal de ce site, en a également noté les inconvénients, à savoir, ne posséder aucune vue lointaine. D’où sa volonté première de sortir du terrain en posant la maison sur des pilotis. Ce qui, faut-il le rappeler, est en parfaite adéquation avec sa conception de l’architecture moderne et en accord avec un de ses fameux Cinq Points qu’il a lui même édictés. Il écrit : “A quoi bon enfoncer une maison dans la terre, si l’on peut, au contraire, l’élever au-dessus de la terre et regagner ainsi complètement le terrain même de la maison.” Pour renforcer cette idée de “maison en l’air”, il force également le trait, dans cette première esquisse, en ce qui concerne la forme “en coupole” du terrain, pourtant relativement plat dans la réalité, et fait référence à la nécessité d’ouvrir la maison aux “quatre horizons”, volonté qu’il reprendra plus tard à propos de la chapelle de Ronchamp. Comme le rappelle Danièle Pauly, ce concept des quatre horizons, au-delà de sa dimension cardinale, renvoie aux années de jeunesse de Jeanneret habitué à contempler ces horizons depuis le haut des sommets, objet de ses promenades jurassiennes. Mais ouvrir la maison aux quatre horizons signifie également la positionner par rapport à la course du soleil. En effet, un autre des inconvénients de ce terrain est que la vue principale,
A gauche en haut, dessin de la villa “au sommet de la coupole” d’après Le Corbusier, avec un peu d’exagération (flc 33 491). A gauche en bas, roquis de situation de la villa Savoye (flc 33 491). En haut, coupe montrant les circulations verticales de la villa (flc 33 491). Au milieu à gauche, plan du rez-de-chaussée de la villa et la circulation horizontale de l’automobile (flc 33 491). Au milieu à droite, dessin de l’étage de vie (1er étage) de la villa (flc 33 491). En bas, croquis du 2e étage, le solarium (flc 33 491).
ouvrant vers les boucles de la Seine, est ici au nord et donc opposée à la course du soleil, d’où l’argument selon lequel : “la maison ne doit pas avoir de front” et, pour ne pas tourner le dos à la vue, devra organiser ses espaces autour d’un point central, un jardin suspendu, conçu comme un distributeur de lumière naturelle. Quant au positionnement au centre de la parcelle, qui obligera d’ailleurs Le Corbusier à déroger au règlement d’urbanisme en vigueur dans la commune de Poissy, sa
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L’évidence de la première esquisse La villa Savoye, édifiée à Poissy près de Paris entre 1928 et 1931, est une des grandes icônes de l’architecture du xxe siècle. Avec le pavillon de l’Allemagne construit par Mies van der Rohe à Barcelone, au cours des mêmes années, elle symbolise aujourd’hui tout ce que l’architecture moderne de l’entre-deuxguerres en Europe, souhaitait affirmer : la perfection de la machine à habiter, la pureté des lignes, la fluidité de l’espace et, dans le même temps, ce qui peut sembler un paradoxe, une certaine déférence envers les canons de l’architecture classique. Elle est également emblématique, au regard de cette période, dans
sa manière de conjuguer dans un même projet et avec une grande économie de moyens, le triptyque : structure, espace, lumière. Pour Le Corbusier et Pierre Jeanneret, cette réalisation met un terme à une série de résidences privées bâties à Paris ou dans la région parisienne au cours d’une décennie riche en commandes de ce type et dont les villas La Roche Jeanneret et Stein de Monzie représentent, avec la villa Savoye, les édifices les plus remarquables.
Maison de campagne ou de week-end ? Difficile d’imaginer aujourd’hui au travers de la sacralisation d’un édifice devenu monument historique, qu’il s’agit au départ, comme le précise la lettre envoyée par Mme Savoye à Le Corbusier, de la construction d’une simple maison de campagne. Les clients, Pierre et Emilie Savoye sont apparentés à la famille Gras Savoye, propriétaire d’une grande compagnie d’assurances. Pour Le Corbusier, habitué à une clientèle aisée, en général proche des milieux d’affaires mais surtout de l’art, les Savoye sont décrits comme des personnes sans idées préconçues concernant l’architecture. Cela signifie pour lui la possibilité d’œuvrer selon ses idées, sans avoir à affronter les questions de style ou de goût le plus souvent inhérentes à ce type de programme. La distance relativement faible entre Poissy et Paris fait que la commande de cette maison est plutôt à entrevoir comme celle d’une résidence secondaire de week-end, concept relativement nouveau et entièrement relié à l’utilisation de “l’automobile”. Ce que ne manquera pas de saisir Le Corbusier, à un point tel que cette relation va devenir un des points-clefs de la symbolique de ce projet. Il écrit à propos du désir de ses clients : “Leur idée était simple : ils avaient un magnifique parc formé de prés entourés de forêts ; ils désiraient vivre à la campagne ; ils étaient reliés à Paris par 30 kms d’auto.” Le programme fourni aux architectes est des plus classiques et porte essentiellement sur la nécessité, pour équiper cette maison, de prévoir les installations techni-
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ques parmi les plus modernes. Concernant la distribution des pièces, celle-ci est décomposée en différentes zones avec en rez-de-chaussée les pièces d’accueil mais également les pièces de séjour ainsi que la chambre d’amis et celle de leur fils unique. Egalement à ce même niveau et, en contact direct avec l’extérieur, doivent être prévus les logements des domestiques, chauffeur compris, auxquels il faut ajouter un logement pour un jardinier, un garage pour trois voitures et des annexes telles que cave, cellier etc. A l’étage est demandée une suite parentale avec grande chambre et salle de bains, ainsi qu’un boudoir pour Madame, des rangements et une lingerie. Sur la finalisation de ce programme, il semble cependant que les choix des clients soient restés assez ouverts, ce qui va permettre à Le Corbusier de revoir entièrement la question en fonction du parti architectural qu’il entend adopter.
C’est dans le courant de l’année 1928 que Le Corbusier reçoit commande de cette maison. Il se met immédiatement au travail et, dès le début du mois suivant, il est en mesure de fournir à ses clients une première esquisse, qui va se révéler in fine être la bonne après de nombreuses tribulations dont il sera question par la suite. Le fait que cette première esquisse va s’avérer décisive montre à quel point Le Corbusier est en phase avec ce projet et notamment avec son site d’implantation et son programme auxquels il va apporter toutefois une interprétation surprenante par rapport aux souhaits exprimés par ses clients. Dans le volume 2 de l’Œuvre complète Le Corbusier commente cette première esquisse : “Site : magnifique propriété formée d’un grand pâturage et verger formant coupole entourés d’une ceinture de hautes futaies. La maison ne doit pas avoir un front. Située au sommet de la coupole, elle doit s’ouvrir aux quatre horizons. L’étage d’habitation, avec son jardin suspendu, se trouvera élevé au-dessus de pilotis de façon à permettre des vues lointaines sur l’horizon.” Les enseignements que l’on peut tirer de ce commentaire sont les suivants. D’abord, Le Corbusier, s’il a noté la qualité du couvert végétal de ce site, en a également noté les inconvénients, à savoir, ne posséder aucune vue lointaine. D’où sa volonté première de sortir du terrain en posant la maison sur des pilotis. Ce qui, faut-il le rappeler, est en parfaite adéquation avec sa conception de l’architecture moderne et en accord avec un de ses fameux Cinq Points qu’il a lui même édictés. Il écrit : “A quoi bon enfoncer une maison dans la terre, si l’on peut, au contraire, l’élever au-dessus de la terre et regagner ainsi complètement le terrain même de la maison.” Pour renforcer cette idée de “maison en l’air”, il force également le trait, dans cette première esquisse, en ce qui concerne la forme “en coupole” du terrain, pourtant relativement plat dans la réalité, et fait référence à la nécessité d’ouvrir la maison aux “quatre horizons”, volonté qu’il reprendra plus tard à propos de la chapelle de Ronchamp. Comme le rappelle Danièle Pauly, ce concept des quatre horizons, au-delà de sa dimension cardinale, renvoie aux années de jeunesse de Jeanneret habitué à contempler ces horizons depuis le haut des sommets, objet de ses promenades jurassiennes. Mais ouvrir la maison aux quatre horizons signifie également la positionner par rapport à la course du soleil. En effet, un autre des inconvénients de ce terrain est que la vue principale,
A gauche en haut, dessin de la villa “au sommet de la coupole” d’après Le Corbusier, avec un peu d’exagération (flc 33 491). A gauche en bas, roquis de situation de la villa Savoye (flc 33 491). En haut, coupe montrant les circulations verticales de la villa (flc 33 491). Au milieu à gauche, plan du rez-de-chaussée de la villa et la circulation horizontale de l’automobile (flc 33 491). Au milieu à droite, dessin de l’étage de vie (1er étage) de la villa (flc 33 491). En bas, croquis du 2e étage, le solarium (flc 33 491).
ouvrant vers les boucles de la Seine, est ici au nord et donc opposée à la course du soleil, d’où l’argument selon lequel : “la maison ne doit pas avoir de front” et, pour ne pas tourner le dos à la vue, devra organiser ses espaces autour d’un point central, un jardin suspendu, conçu comme un distributeur de lumière naturelle. Quant au positionnement au centre de la parcelle, qui obligera d’ailleurs Le Corbusier à déroger au règlement d’urbanisme en vigueur dans la commune de Poissy, sa
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villa savoye
une ne architecture du parcours : la circulation dans la villa Parmi tous les concepts avancés par Le Corbusier et qui définissent son apport à l’architecture moderne, celui de “la promenade architecturale”, qui permet de sentir l’espace avec le corps, et l’architecture avec le regard, est des plus relevants. De ce point de vue, parcourir la villa Savoye procure une série de sensations, qu’il explique de la manière suivante : “De l’intérieur du vestibule, une rampe douce conduit, sans qu’on s’en aperçoive presque, au premier étage, où se déploie la vie de l’habitant : réception, chambres, etc. Prenant vue et lumière sur le pourtour régulier de la boîte, les différentes pièces viennent se coudoyer en rayonnant sur un jardin suspendu qui est là comme un distributeur de lumière appropriée et de soleil […] mais on continue la promenade. Depuis le jardin à l’étage, on monte par la rampe sur le toit de la maison où est le solarium. L’architecture arabe nous donne un enseignement précieux. Elle s’apprécie à la marche, avec le pied ; c’est en marchant, en se déplaçant que l’on voit se développer les ordonnances de l’architecture. C’est un principe contraire à l’architecture baroque qui est conçue sur le papier, autour d’un point fixe théorique. Je préfère l’enseignement de l’architecture arabe. Dans cette maison-ci, il s’agit d’une véritable promenade architecturale, offrant des aspects constamment variés, inattendus, parfois étonnants. Il est intéressant d’obtenir tant de diversité quand on a, par exemple, admis au point de vue constructif un schéma de poteaux et de poutres d’une rigueur absolue.”
1 / toit-terrasse. L’ensemble de la terrasse n’est pas accessible, contrairement à ce qui avait été envisagé dans un premier projet. elle est recouverte de graviers. 2 / rampe. cette rampe douce à quatre volées part du rez-de-chaussée de la villa pour desservir la terrasse du 2e étage. elle débouche alors sur un espace ouvert verticalement et fermé horizontalement. La
1
baie percée offre un cadre au paysage de la
2
seine. 3 / couloirs. Les circulations horizontales sont en parties contraintes par les couloirs qui distribuent les pièces du premier étage. 4 / espaces spaces de vie. Le premier étage regroupe les lieux de réception du couple savoye, et les espaces privés (chambres, salles de
3
bains) de la famille. aux espaces ouverts, liés à la vie commune, répondent des espaces plus fermés et n’ouvrant pas sur les mêmes extérieurs. 5 / escalier hélicoïdal. seule circulation
4
verticale complètement traversante, elle
Pour obtenir ces effets décrits, Le Corbusier met au point dans cette villa une architecture du parcours qui prend appui sur trois éléments : la rampe, l’escalier et les terrasses. Les enchaînements entre ces trois éléments, loin d’être obligatoires comme dans une architecture simplement fonctionnelle, sont aléatoires et proposent des choix de parcours “à la carte” qui multiplient les perceptions visuelles quand on se déplace dans cette architecture.
irrigue tous les niveaux de la villa, du soussol au 2e étage. 6 / chemin automobile. La conception de la villa prévoit et intègre le développement à venir de l’automobile.
5
6
a gauche, la villa savoye, du plan au volume (restitution 3d).
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villa savoye
une ne architecture du parcours : la circulation dans la villa Parmi tous les concepts avancés par Le Corbusier et qui définissent son apport à l’architecture moderne, celui de “la promenade architecturale”, qui permet de sentir l’espace avec le corps, et l’architecture avec le regard, est des plus relevants. De ce point de vue, parcourir la villa Savoye procure une série de sensations, qu’il explique de la manière suivante : “De l’intérieur du vestibule, une rampe douce conduit, sans qu’on s’en aperçoive presque, au premier étage, où se déploie la vie de l’habitant : réception, chambres, etc. Prenant vue et lumière sur le pourtour régulier de la boîte, les différentes pièces viennent se coudoyer en rayonnant sur un jardin suspendu qui est là comme un distributeur de lumière appropriée et de soleil […] mais on continue la promenade. Depuis le jardin à l’étage, on monte par la rampe sur le toit de la maison où est le solarium. L’architecture arabe nous donne un enseignement précieux. Elle s’apprécie à la marche, avec le pied ; c’est en marchant, en se déplaçant que l’on voit se développer les ordonnances de l’architecture. C’est un principe contraire à l’architecture baroque qui est conçue sur le papier, autour d’un point fixe théorique. Je préfère l’enseignement de l’architecture arabe. Dans cette maison-ci, il s’agit d’une véritable promenade architecturale, offrant des aspects constamment variés, inattendus, parfois étonnants. Il est intéressant d’obtenir tant de diversité quand on a, par exemple, admis au point de vue constructif un schéma de poteaux et de poutres d’une rigueur absolue.”
1 / toit-terrasse. L’ensemble de la terrasse n’est pas accessible, contrairement à ce qui avait été envisagé dans un premier projet. elle est recouverte de graviers. 2 / rampe. cette rampe douce à quatre volées part du rez-de-chaussée de la villa pour desservir la terrasse du 2e étage. elle débouche alors sur un espace ouvert verticalement et fermé horizontalement. La
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baie percée offre un cadre au paysage de la
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seine. 3 / couloirs. Les circulations horizontales sont en parties contraintes par les couloirs qui distribuent les pièces du premier étage. 4 / espaces spaces de vie. Le premier étage regroupe les lieux de réception du couple savoye, et les espaces privés (chambres, salles de
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bains) de la famille. aux espaces ouverts, liés à la vie commune, répondent des espaces plus fermés et n’ouvrant pas sur les mêmes extérieurs. 5 / escalier hélicoïdal. seule circulation
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verticale complètement traversante, elle
Pour obtenir ces effets décrits, Le Corbusier met au point dans cette villa une architecture du parcours qui prend appui sur trois éléments : la rampe, l’escalier et les terrasses. Les enchaînements entre ces trois éléments, loin d’être obligatoires comme dans une architecture simplement fonctionnelle, sont aléatoires et proposent des choix de parcours “à la carte” qui multiplient les perceptions visuelles quand on se déplace dans cette architecture.
irrigue tous les niveaux de la villa, du soussol au 2e étage. 6 / chemin automobile. La conception de la villa prévoit et intègre le développement à venir de l’automobile.
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a gauche, la villa savoye, du plan au volume (restitution 3d).
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L’habitat collectif : l’unité d’habitation de Marseille 1945-1952
Unité d’habitation de Marseille, façade est.
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L’habitat collectif : l’unité d’habitation de Marseille 1945-1952
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L’habitat collectif Coupe de l’Unité d’habitation.
Les techniques de construction de l’uhm C’est sur un système de fondations par puits que repose l’ossature de l’Unité d’habitation. Dix-sept portiques, distants entre eux de 8,38 mètres divisent la longueur du bâtiment du nord au sud. Ce premier dimensionnement au Modulor se divise en deux, soit 4,19 mètres pour correspondre à la trame tridimensionnelle qui définit au-dessus, la structure d’accueil des cellules. Ces portiques portent un sol artificiel à 8 mètres. au-dessus du sol. La partie supérieure de chaque portique se présente sous la forme d’une poutre, prolongée par deux consoles en porte-à-faux, de part et d’autre de cette poutre. La tête de ces consoles reprend également en porte-à-faux les grandes grilles des loggias en béton préfabriqué qui composent les façades. Dans le sens nord-sud, ces portiques sont réunis par deux grandes poutres longitudinales de 2,62 mètres de hauteur par 1,25 mètre de largeur, courant sur les 137 mètres de longueur de l’immeuble. Ces poutres servent d’appui aux poutres transversales. Ce canevas de portiques et de poutres assure la stabilité du bâtiment sous l’action des forces horizontales de direction nord/sud. Chaque pilotis de forme tronconique est constitué de deux parties. Une partie pleine en béton armé, de section variable, correspondant au pied de chaque portique, et une partie creuse de section constante, servant au passage des différentes gaines d’alimentation ou d’évacuation de l’immeuble. Parmi celles-ci, une gaine sert aux eaux usées qui, depuis le pied de ces pilotis, sont évacuées, via un caniveau central, vers le poste des ordures ménagères mécanisé situé à proximité de l’entrée de la propriété au nord. L’ensemble de cette ossature est antisismique et comprend à chaque niveau des dalles horizontales en béton assurant la protection contre l’incendie et le contreventement de l’immeuble.
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seront proposés à Le Corbusier pour implanter son bâtiment à Marseille. Le premier sera situé dans le quartier portuaire de la Madrague, le second, boulevard Michelet en face du terrain définitivement choisi, le troisième dans le quartier de Saint-Barnabé sur les collines à l’est de la ville, le quatrième à nouveau sur le boulevard Michelet, le long du grand axe qui traverse la ville du nord au sud. Entièrement conçu sur le carré à partir de l’emploi d’une trame de 4,19 mètres dimensionnée au Modulor, le plan de l’Unité d’habitation part de la définition d’une cellule en longueur sur deux niveaux, qui peut évoquer la typologie de la maison gothique sur parcelle allongée. Composées à partir d’un dessin de cinq carrés mis bout à bout, ces cellules sont couplées autour de deux gaines montantes qui permettent le passage de tous les fluides traversant le bâtiment depuis les pilotis jusqu’au toît terrasse. Cette dernière disposition correspond d‘ailleurs à une reprise des études effectuées par Le Corbusier dès 1929 pour le projet des maisons économiques Loucheur, du nom du père de la loi éponyme. Imbriquées deux par deux autour d’une rue intérieure qui permet de les desservir, selon l’idée d’un “couple de cases“, ces cellules sont cependant plus symétriques en plan qu’en coupe, comme le montre l’analyse de leur fonctionnement respectif. Reproduites vingt-neuf fois sur la longueur du bâtiment, ces cellules se retournent sur la façade sud tandis que le pignon nord reste aveugle, seulement animé par un escalier de secours extérieur que Le Corbusier dessinera tardivement d’une manière magistrale, à la demande des services de sécurité, pour évacuer la rue commerciale des niveaux sept et huit. Organisée ainsi sur trois niveaux, l’imbrication de deux appartements autour de la rue intérieure définit la coupe type de l’Unité d’habitation. Celle-ci compte dix-huit niveaux entrecoupés à mi-hauteur, pour des questions évidentes de partage des trajets, par une galerie de commerces et se termine par un toit-terrasse aménagé, comprenant une crèche-garderie en liaison, par une rampe intérieure, avec une école maternelle située à l’étage inférieur, un petit bassin destiné aux enfants, un gymnase et un théâtre de plein air, le tout ceinturé par une piste réservée à la promenade ou à la course à pied ! Trois cent trente-sept appartements, de vingt-trois types différents, composent l’unité d’habitation. L’appartement type organisé en duplex montant ou descendant, en
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fonction de la localisation de la zone des chambres, comprend un sas d’entrée permettant d’isoler le logement des nuisances de la rue intérieure, une cuisine “laboratoire“ livrée entièrement aménagée, un coin repas, un séjour prolongé par une loggia, ainsi qu’une grande chambre avec salle de bains commandée et deux chambres d’enfants avec leur douche et coin toilette. L’ensemble du mobilier de l’appartement, escalier intérieur, casiers de rangement, armoires, table à langer, meuble passe-plats, niches, étagères… est l’œuvre conjointe de Le Corbusier, Charlotte Perriand et Jean Prouvé. Ce mobilier intégré divise les différents espaces fonctionnels de la cellule de manière à en libérer l’espace général dans lequel ont disparu les traditionnels couloirs. Toutes les techniques modernes, qui se font jour sur le marché de la construction au début des années 1950, sont mises en œuvre dans la conception de ces appartements : double vitrage pour les menuiseries extérieures, ventilation, chauffage, isolation phonique, nouveaux matériaux légers, comme le contreplaqué ou les plaques de plâtre, révolutionnent ainsi l’aménagement intérieur du logement. L’emploi de la couleur, si important dans l’architecture de Le Corbusier, est également convoqué pour structurer l‘architecture intérieure de cette cellule. Ici la polychromie prend la place des traditionnels papiers peints, selon une répartition savante effectuée en fonction de la nature des différents espaces, de leur enchaînement, de leurs usages et de leur rapport à la lumière naturelle. Cet emploi de la couleur se retrouve également dans les jouées des loggias, venant d’une manière subtile contrebalancer la rigueur des bétons qui déterminent les textures extérieures de ce bâtiment. Les façades, dont les éléments de béton préfabriqués en usine sont posés en porte-à-faux sur la structure générale de l’Unité d‘habitation coulée en place, s’expriment par la répétition de profondes loggias alternant niveaux simples et doubles hauteurs grâce à l’emploi d’une dalle horizontale formant brise-soleil. Prolongements naturels extérieurs des appartements, ces loggias s’ouvrent soit sur le paysage des collines environnant Marseille à l’est, soit à l’ouest vers la Méditerranée toute proche.
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1 / Sol artificiel. Le sol artificiel supporté par les pilotis
5 / Gaines de ventilation. Elles sont intégrées entre la structure
ménage un grand vide sanitaire où sont déployées les gaines
porteuse et les cloisons.
techniques.
6 / Eléments de parement. Ces parements – lame horizontale
2 / Plancher métallique. Il repose sur des boîtes en plomb
des brise-soleil de la rue intérieure, garde-corps des loggias –
pour assurer aux cellules d’habitation une très bonne isolation
sont préfabriqués en usine et assemblés sur place.
acoustique. 3 / Bouteiller. La structure portante de l’uhm permet une grande
7 / Pilotis. Après le coffrage et le ferraillage, le béton est coulé. Les pilotis creux permettent le passage des conduits d’évacuation.
flexibilité dans l’aménagement des espaces intérieurs. 4 / Dalle intermédiaire. Tous les trois niveaux, une dalle en
A droite, cheminée du toit-terrasse.
béton est coulée.
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L’épopée d’un chantier Le 13 octobre 1947, soit deux années après la commande, le maire de Marseille, Jean Cristofol, se rend boulevard Michelet pour la pose de la première pierre. Planifiée initialement sur douze mois, la construction dure cinq ans et se heurter à une série de difficultés provenant à la fois de l’organisation du chantier, de l‘édification de logements expérimentaux et d’une situation économique défavorable. La chaîne de montage prévue par les architectes et les ingénieurs, et qui devait à l’origine être proposée comme un nouveau modèle de production, ne s’avère au fil de ce chantier que comme une métaphore poétique. Malgré la rationalisation souhaitée de concert par Le Corbusier et son ingénieur en chef Vladimir Bodiansky et méticuleusement intégrée dès la conception de l’avant-projet, l’écart entre les intentions théoriques et la pratique du chantier ne cesse de se creuser tout au long du développement de celui-ci. Retards, dépassements exhorbitants des coûts, malfaçons, mésententes entre architectes et ingénieurs, difficultés d’approvisionnement en matériaux quand ces derniers ne sont pas détournés pour alimenter d’autres chantiers ! grèves, cabales corporatistes, procès… la liste est longue de l’ensemble des problèmes qui pénalisent le bon déroulement de ce chantier.
politique et d’une centralisation excessive, tout ou presque devant se décider à Paris avant exécution, et ce, malgré la présence sur le chantier de nombreuses équipes.
La conduite de cette opération sous tutelle de l’Etat, à la fois aux niveaux technique, administratif et financier, subira également les effets conjugués d’une instabilité
Comment aujourd’hui, avec le recul du temps, ne pas comprendre les difficultés rencontrées lors de la construction de l‘Unité d’habitation de Marseille ? On
Pour Le Corbusier trop peu présent, pris par ailleurs par ses projets internationaux, qu’il s’agisse des EtatsUnis où en 1947, il travaille sur le concours du siège de l’Organisation des Nations Unies à New York, qui se fera finalement sans lui, ou de l’Inde, pour laquelle en 1951 la commande de la ville de Chandigarh vient de lui échoir, cette expérience de Marseille va s’avérer des plus pénibles. D’autant plus qu’avec ce projet d’envergure, il voit s’effondrer un certain nombre de mythes qu’il avait patiemment contribué à forger dès le début de sa carrière. Ainsi en est-il de son idéalisme dans sa recherche de l’établissement de rapports harmonieux entre architecture et pouvoir politique ou en ce qui concerne les rapports entre architecture et industrie, ou même entre architectes et techniciens de tous ordres. “Préparer le livre du chantier de l’Unité / les vicissitudes / […] J’aviserai les entreprises de cette publication où les fautifs seront dénoncés.“ Qu’ils prennent garde“, note-t-il dans ses fameux carnets qui ne le quittent jamais.
Avancement de la construction, août 1948. A gauche, visite officielle du chantier, septembre 1948.
est là face à un projet exceptionnel, réalisé dans une ville qui, tout en étant la deuxième de France, n‘a pas eu jusque-là l’expérience de projets d’envergure au niveau de son architecture. Une ville dans laquelle les nombreux chantiers de la Reconstruction mobilisent les entreprises locales qui ont du mal à faire face à leurs engagements et, pour finir, une ville confrontée dans cette opération à un Etat centralisateur dont les organes d’administration sont encore situés à quelque dix heures de train de Paris ! Cependant, et grâce à l’appui indéfectible du ministre Eugène Claudius-Petit, ami de Le Corbusier qui se fera l’avocat de ce projet chaque fois que celui-ci sera menacé, que ce soit par différentes administrations pour des raisons réglementaires ou des particuliers ou
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même des associations déposant des recours destinés à interrompre cette opération, Le Corbusier pourra toutefois mener cette expérience à son terme. Le 14 octobre 1952, jour de l’inauguration de l’Unité d’habitation de Marseille, Le Corbusier auquel est remise la cravate de commandeur dans l’Ordre de la Légion d’honneur, déclare : “Monsieur le Ministre. J’ai l’honneur, j’ai la joie, j’ai la fierté de vous remettre «l’Unité d’Habitation de Grandeur conforme», première manifestation aujourd’hui d’une forme d’habitat moderne, commandée par l’Etat, libre de toute règlementation… Je remercie l’Etat français d’avoir provoqué cette expérience… Je dis merci à mes collaborateurs, ouvriers et entrepreneurs, à ceux qui nous ont aidés et non pas à ceux qui se sont mal
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L’épopée d’un chantier Le 13 octobre 1947, soit deux années après la commande, le maire de Marseille, Jean Cristofol, se rend boulevard Michelet pour la pose de la première pierre. Planifiée initialement sur douze mois, la construction dure cinq ans et se heurter à une série de difficultés provenant à la fois de l’organisation du chantier, de l‘édification de logements expérimentaux et d’une situation économique défavorable. La chaîne de montage prévue par les architectes et les ingénieurs, et qui devait à l’origine être proposée comme un nouveau modèle de production, ne s’avère au fil de ce chantier que comme une métaphore poétique. Malgré la rationalisation souhaitée de concert par Le Corbusier et son ingénieur en chef Vladimir Bodiansky et méticuleusement intégrée dès la conception de l’avant-projet, l’écart entre les intentions théoriques et la pratique du chantier ne cesse de se creuser tout au long du développement de celui-ci. Retards, dépassements exhorbitants des coûts, malfaçons, mésententes entre architectes et ingénieurs, difficultés d’approvisionnement en matériaux quand ces derniers ne sont pas détournés pour alimenter d’autres chantiers ! grèves, cabales corporatistes, procès… la liste est longue de l’ensemble des problèmes qui pénalisent le bon déroulement de ce chantier.
politique et d’une centralisation excessive, tout ou presque devant se décider à Paris avant exécution, et ce, malgré la présence sur le chantier de nombreuses équipes.
La conduite de cette opération sous tutelle de l’Etat, à la fois aux niveaux technique, administratif et financier, subira également les effets conjugués d’une instabilité
Comment aujourd’hui, avec le recul du temps, ne pas comprendre les difficultés rencontrées lors de la construction de l‘Unité d’habitation de Marseille ? On
Pour Le Corbusier trop peu présent, pris par ailleurs par ses projets internationaux, qu’il s’agisse des EtatsUnis où en 1947, il travaille sur le concours du siège de l’Organisation des Nations Unies à New York, qui se fera finalement sans lui, ou de l’Inde, pour laquelle en 1951 la commande de la ville de Chandigarh vient de lui échoir, cette expérience de Marseille va s’avérer des plus pénibles. D’autant plus qu’avec ce projet d’envergure, il voit s’effondrer un certain nombre de mythes qu’il avait patiemment contribué à forger dès le début de sa carrière. Ainsi en est-il de son idéalisme dans sa recherche de l’établissement de rapports harmonieux entre architecture et pouvoir politique ou en ce qui concerne les rapports entre architecture et industrie, ou même entre architectes et techniciens de tous ordres. “Préparer le livre du chantier de l’Unité / les vicissitudes / […] J’aviserai les entreprises de cette publication où les fautifs seront dénoncés.“ Qu’ils prennent garde“, note-t-il dans ses fameux carnets qui ne le quittent jamais.
Avancement de la construction, août 1948. A gauche, visite officielle du chantier, septembre 1948.
est là face à un projet exceptionnel, réalisé dans une ville qui, tout en étant la deuxième de France, n‘a pas eu jusque-là l’expérience de projets d’envergure au niveau de son architecture. Une ville dans laquelle les nombreux chantiers de la Reconstruction mobilisent les entreprises locales qui ont du mal à faire face à leurs engagements et, pour finir, une ville confrontée dans cette opération à un Etat centralisateur dont les organes d’administration sont encore situés à quelque dix heures de train de Paris ! Cependant, et grâce à l’appui indéfectible du ministre Eugène Claudius-Petit, ami de Le Corbusier qui se fera l’avocat de ce projet chaque fois que celui-ci sera menacé, que ce soit par différentes administrations pour des raisons réglementaires ou des particuliers ou
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même des associations déposant des recours destinés à interrompre cette opération, Le Corbusier pourra toutefois mener cette expérience à son terme. Le 14 octobre 1952, jour de l’inauguration de l’Unité d’habitation de Marseille, Le Corbusier auquel est remise la cravate de commandeur dans l’Ordre de la Légion d’honneur, déclare : “Monsieur le Ministre. J’ai l’honneur, j’ai la joie, j’ai la fierté de vous remettre «l’Unité d’Habitation de Grandeur conforme», première manifestation aujourd’hui d’une forme d’habitat moderne, commandée par l’Etat, libre de toute règlementation… Je remercie l’Etat français d’avoir provoqué cette expérience… Je dis merci à mes collaborateurs, ouvriers et entrepreneurs, à ceux qui nous ont aidés et non pas à ceux qui se sont mal
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L’unité d’habitation de Marseille
La cellule d’habitation, confort d’ambiance On ne peut aborder la question de l’habiter dans l’œuvre de Le Corbusier sans également mentionner toutes les recherches menées sur la question du confort d’ambiance dans les bâtiments et la prise en compte de la spécificité du climat dans la conception de ses architectures. Même si certaines expériences se sont révélées douloureuses, parfois même catastrophiques par rapport aux objectifs visés, il faut saluer la volonté d’innovation qui accompagne l’ensemble des projets et des bâtiments réalisés par Le Corbusier. Qu’il s’agisse de la thermique, de l’acoustique, de l’éclairement naturel ou artificiel… toutes ces pistes ont été balisées au cours des années, donnant lieu à de véritables créations comme : le brise-soleil, la toiture végétalisée, la ventilation mécanique, le double vitrage, le mur neutralisant... Il est également intéressant de noter qu’après avoir testé les systèmes les plus sophistiqués sur le plan technique, Le Corbusier, notamment quand il construit en Inde, propose de revenir à des systèmes séculaires pour assurer le confort de vie à l’intérieur de ses bâtiments.
a gauche, plans 2d des trois niveaux de deux cellules superposées. en bas, croquis d’un développé de la cuisine. création de charlotte perriand, cette cuisine à l’américaine est organisée rationnellement pour accroître l’efficacité de la maîtresse de maison (flc 20 564). a droite en haut, chambre des parents, située en mezzanine, vers 1955; à droite, salon d’un appartement. Les grandes baies sont ouvertes, la loggia devient le prolongement naturel du salon. a droite en bas, écorché de deux appartements, restitution virtuelle. L’articulation de chaque appartement à la rue intérieure conditionne son
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organisation interne.
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La cellule d’habitation, confort d’ambiance On ne peut aborder la question de l’habiter dans l’œuvre de Le Corbusier sans également mentionner toutes les recherches menées sur la question du confort d’ambiance dans les bâtiments et la prise en compte de la spécificité du climat dans la conception de ses architectures. Même si certaines expériences se sont révélées douloureuses, parfois même catastrophiques par rapport aux objectifs visés, il faut saluer la volonté d’innovation qui accompagne l’ensemble des projets et des bâtiments réalisés par Le Corbusier. Qu’il s’agisse de la thermique, de l’acoustique, de l’éclairement naturel ou artificiel… toutes ces pistes ont été balisées au cours des années, donnant lieu à de véritables créations comme : le brise-soleil, la toiture végétalisée, la ventilation mécanique, le double vitrage, le mur neutralisant... Il est également intéressant de noter qu’après avoir testé les systèmes les plus sophistiqués sur le plan technique, Le Corbusier, notamment quand il construit en Inde, propose de revenir à des systèmes séculaires pour assurer le confort de vie à l’intérieur de ses bâtiments.
a gauche, plans 2d des trois niveaux de deux cellules superposées. en bas, croquis d’un développé de la cuisine. création de charlotte perriand, cette cuisine à l’américaine est organisée rationnellement pour accroître l’efficacité de la maîtresse de maison (flc 20 564). a droite en haut, chambre des parents, située en mezzanine, vers 1955; à droite, salon d’un appartement. Les grandes baies sont ouvertes, la loggia devient le prolongement naturel du salon. a droite en bas, écorché de deux appartements, restitution virtuelle. L’articulation de chaque appartement à la rue intérieure conditionne son
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